Vous êtes sur la page 1sur 183

Wolfgang Biihne

LA TROISIEME VAGUE...
... le plus grand Réveil
de l'Histoire de l'Eglise?

Enseignements et pratiques de C. Peter Wagner,


John Wimber, Paul Yonggi Cho et Reinhard Bonnke

Maison de la Bible
Christliche Literatur-Verbreitung
Diffusion Générale:
La Maison de la Bible
Le Trési 6, CH - 1028 Préverenges
Distribution en France:
La Maison de la Bible
B.P. 19, F - 69813 Tassin Cedex
Diffusion au Canada:
Service d'orientation biblique
Plaza Laval
2750 Chemin Ste Foy
Ste Foy
QUEBEC G1 VI V6
Canada
Titre de l'original allemand: «Dritte Welle... Gesunder Aufbruch?»
© 2ème édition augmentée 1992
Editions Christlische Literatur-Verbreitung, Bielefeld
©de l'édition française: Editions Christlische Literatur-Verbreitung,
Bielefeld
Traduction française: Antoine Doriath
Toutes les citations bibliques sont tirées de la Bible Segond,
Nouvelle Edition de Genève, 1979
Photocomposition: Dieter Otten, Bergneustadt
Imprimé en Allemagne: Ebner Ulm
ISBN 3-89397-707-4 (CLV • Bielefeld)
ISBN 2-8260-3259-3 (La Maison de la Bible)
Table des matières
Avant-propos 7
Introduction 9
Un survol des «trois vagues du Saint-Esprit» 13
La trosième vague: l'évangélisation de puissance 16
C. Peter Wagner 17
John Wimber 22
P.YonggiCho 52
R. Bonnke 68
«L'évangélisation de puissance»
à la lumière de la Bible 91
Récapitulation 101
L'alternative biblique 114
Appendice 1 : Ce que dit la Bible 128
Appendice 2: Le congrès de Nuremberg 163
Notes 181

5
Avant-propos
Dans le monde francophone, C.P. Wagner, J. Wimber,
P. Yonggi Cho et R. Bonnke ne sont plus des inconnus. Ils
figurent de plus en plus parmi les orateurs invités aux con-
grès et séminaires qui drainent de grandes foules. Il nous a
semblé opportun de présenter au public de langue française
le présent ouvrage qui est la traduction partielle du livre alle-
mand Die dritte Welle... gesunder Aufbruch?, de Wolfgang
Biihne, augmentée de certains chapitres tirés de l'excellente
étude Spiel mit dem Feuer, du même auteur.
Refusant délibérément tout esprit polémique, Wolfgang
Biihne désire aider le lecteur à examiner sa propre position
et ses pratiques à la lumière de la Parole de Dieu. Il l'invite
courageusement à réfléchir à l'alternative biblique, face aux
carences des différents milieux chrétiens.
Les éditeurs

7
Introduction
La «troisième vague»:
le plus grand réveil de l'histoire
de l'Eglise?
Je suis convaincu que nous assistons, en ce vingtième siècle,
à une effusion du Saint-Esprit sur l'ensemble de la chré-
tienté, plus importante qu'à aucun moment de son histoire.
Cette effusion contemporaine surpasse même celle du pre-
mier siècle, si ce n'est en qualité, du moins en quantité.»1
C.P Wagner
«Dieu est actuellement en train de réhabiliter la fonction de
prophète. Dans les années à venir, le prophète jouera un
rôle essentiel dans la naissance et l'extension du Réveil...
Dieu est aussi à l'oeuvre pour réintroduire la fonction apos-
tolique dans l'Eglise. Il se lèvera des hommes qui auront vu
le Seigneur Jésus et qui accompliront les signes et les
miracles caractéristiques d'un apôtre. Depuis le prem
siècle, nous n'avons plus connu de tels hommes. Mais si
Dieu en a suscité aux débuts de l'Eglise, pourquoi ne le
ferait-il pas à la fin?...
Il y aura également une nouvelle approche du surnaturel.
Les apparitions d'anges dans les réunions seront chose nor-

* NdT. La plupart des citations sont tirées d'ouvrages de C.P. Wagner,


John Wimber et Yongghi Cho traduits de l'anglais en français. Bien que
leur qualité littéraire soit criticable, nous les avons reproduites telles
qu'elles figurent dans ces ouvrages, sans les retoucher, afin que le lecteur
qui désire s'y reporter puisse s'y retrouver.
maie, et le Seigneur lui-même apparaîtra dans les semaines,
les mois et les années à venir. Les guérisons seront tellem
entrées dans les habitudes que même des enfants seront en
mesure de les opérer de façon régulière... même des résu
rections d'entre les morts deviendront chose courante...
Vous verrez des évangélistes ayant les dons de guérison
ver leurs mains, et une lumière jaillira de ces mains. Si cette
lumière atteint une personne malade, celle-ci sera instan-
tanément guérie. Vous verrez repousser des membres am
tés, lorsque la lumière émise par la main de /'évangéli
tombera sur ces personnes infirmes...»2
John Wimber
Par ces affirmations, C. Peter Wagner et John Wimber carac-
térisent un mouvement qu'ils ont eux-mêmes nommé «La
troisième vague du Saint-Esprit» ou le «power evangelism»,
expression que nous rendrons, faute de mieux, par «evangé-
lisation de puissance».
Ce mouvement a connu une relative accalmie ces derniè-
res années, mais C. P. Wagner et J. Wimber, ses deux lea-
ders, envisagent pour les mois à venir, à travers toute l'Euro-
pe, de grandes manifestations qui rempliront de nombreuses
colonnes dans la presse charismatique et évangélique, et sus-
citeront de grands débats d'opinion au sein des églises.
Les évangéliques européens ont donc devant eux des mois
qui s'annoncent «chauds».
Cette «vague» qui a pris naissance en Californie au début
des années 80 se définit comme «un mouvement unificateur
qui cherche à tout prix à réduire le fossé entre chrétiens»3.
Pourtant la théologie de cette «troisième vague» contient des
théories et des pratiques très contestées par les chrétiens
attachés à la Bible. Ce mouvement présente plusieurs visa-
ges et collabore avec des personnalités dont certaines sont
très connues du monde évangélique. C'est pourquoi,
l'intérêt suscité par une analyse objective de cette vague de
10
«nouvelles théories et pratiques» touchera non seulement les
membres des églises mais également leurs responsables.
Dans les décennies passées, la frontière entre les évangé-
liques et les pentecôtistes était relativement nette et assez
bien définie. La distinction fut plus difficile à faire avec le
mouvement charismatique apparu dans les années 60. Elle
est quasiment impossible à tracer avec la «troisième vague»
aux frontières fluctuantes, aux contours imprécis et au large
spectre d'opinions parfois contradictoires.
Ainsi, au congrès sur l'Eglise qui se tint à Nuremberg, en
novembre 91, aux côtés de C.P. Wagner, on trouvait une
quarantaine d'orateurs connus, d'Allemagne et d'ailleurs.
Parmi eux, des charismatiques notoires prêchaient le baptê-
me de l'Esprit et son signe initial: le parler en langues. De
même, des évangéliques qui, du moins je le suppose, ne par-
tagaient pas cette doctrine du baptême de l'Esprit à cause de
leur arrière-plan luthérien, ont fait cependant, ces dernières
années, nettement cause commune avec le mouvement dit de
«croissance de l'église» et avec la «troisième vague».
D'autres encore qui ne défendent personnellement pas les
théories et les pratiques de la «troisième vague», étaient là.
N'ont-ils pu se soustraire à l'invitation, ou s'y sont-ils ren-
dus comme autrefois les invités d'Absalom «qui l'avaient
accompagné en toute innocence, ignorant tout de cette cons-
piration» (2 S 15:11), nul ne le sait.
Toujours est-il que, par leur présence, eux-mêmes - et les
120 organisations, éditeurs et écoles bibliques qui parti-
cipèrent à l'exposition - ont cautionné cette manifestation et
soutiennent, par conséquent, un mouvement qui se veut le
plus grand mouvement de réveil de l'histoire de l'Eglise. La
question est de savoir si, hormis le grand nombre, cette
manifestation a d'autres points communs avec les réveils
bibliques déjà survenus.
Examinons donc attentivement les exposés suivants qui
traitent de l'histoire, des doctrines et des pratiques de la «troi-
sième vague». Je me suis efforcé de donner une information
11
objective et bienveillante, de ne pas tordre le sens des cita-
tions ni de les détacher de leur contexte.
Malheureusement, peu de responsables charismatiques
sont prêts à se soumettre à un examen critique. John Wim-
ber, lui-même, a souvent déclaré qu'il ne lisait, par principe,
jamais les études critiques qui portent sur sa personne ou ses
écrits, parce que Dieu le lui aurait interdit. Ces analyses cri-
tiques le décourageraient et le rempliraient d'amertume. En
agissant ainsi, il refuse un des dons de l'Esprit, celui du dis-
cernement des esprits (1 Co 12:10) que Dieu accorde à
l'Eglise pour qu'elle puisse corriger ses «docteurs» et se
protéger de l'erreur.
CH. Spurgeon déclara un jour avoir appris davantage des
critiques de ses adversaires que des flatteries de ses admira-
teurs. Nous devrions tous être reconnaissants pour les mises
en garde, considérant notre propre cécité sur nos erreurs.
Je voudrais cependant encore souligner avec force une
chose importante: j'ai conscience que le développement des
erreurs et des hérésies, dans la chrétienté, a pour cause prin-
cipale notre infidélité. En tant qu'«évangéliques conserva-
teurs», nous sommes évidemment très attachés à la Bible,
mais nous avons aussi parfois malheureusement négligé des
doctrines importantes de la Parole de Dieu et failli dans
l'expression pratique de notre amour et de notre consécra-
tion à Christ.
C'est pourquoi, les «trois vagues du Saint-Esprit» consti-
tuent pour nous tous un défi à relever et une pierre de touche
pour éprouver notre fidélité à l'égard de ce que Dieu nous a
déclaré dans sa Parole.

12
Un survol des «trois vagues
du Saint-Esprit»
Avant d'étudier la naissance, la théologie et la pratique de la
troisième vague, je voudrais donner un aperçu de l'histoire
de ce qu'on appelle «les trois vagues du Saint-Esprit» pour
souligner ce qu'elles ont en commun et ce qui les différen-
cie.
Les leaders actuels du mouvement charismatique et du
mouvement de la croissance de l'Eglise1 découpent l'histoi-
re de ces mouvements en trois grandes périodes qu'ils quali-
fient chacune de «vague du Saint-Esprit». Par ce terme de
«vague», ils entendent un mouvement extraordinaire qui
atteint une partie importante et particulière de la population
et qui en modifie profondément le climat spirituel.

La première vague: le mouvement de Pentecôte


La première vague a, dit-on, secoué la chrétienté de tous les
continents il y a 90 ans, donc au début du siècle, et a donné
naissance aux églises pentecôtistes.
Au début, l'enseignement et la pratique concernant le
baptême de l'Esprit, le parler en langues etc., furent salués
avec reconnaissance par une grande partie des évangéliques
comme une réponse à leur attente d'un réveil. Mais, suite à
des dérapages en différents endroits, le mouvement fut,
notamment en Allemagne, sévèrement critiqué par certains
leaders évangéliques et partiellement combattu. Ainsi, les
chrétiens qui virent dans cette «vague» une intervention de
Dieu, furent plus ou moins contraints de proclamer leurs
nouvelles doctrines et de pratiquer leurs nouvelles expérien-
ces dans leurs propres milieux: les églises pentecôtistes fon-
dées vers 1909.
13
La deuxième vague: le mouvement charismatique
Environ un demi-siècle plus tard, vers 1960, une deuxième
vague née aux Etats-Unis a déferlé d'abord sur l'Eglise Pres-
bytérienne (Dennis Bennet), puis sur l'Eglise Luthérienne
(Larry Christenson), sur la plupart des Eglises Libres, et
enfin, depuis 1966, sur l'Eglise Catholique. L'expérience du
«baptême de l'Esprit» ou du «renouvellement de l'Esprit»
est, depuis lors, enseignée et pratiquée officiellement.
En Allemagne, ce mouvement, connu rapidement sous le
nom de «mouvement charismatique», remonte à 1963. Le
terrain avait été préparé principalement par le pasteur
Arnold Bittlinger et le prédicateur baptiste Wilhard Becker.
Le mouvement charismatique avait pour but, non de for-
mer de nouvelles églises charismatiques, mais de répandre
les expériences charismatiques dans toutes les églises offi-
cielles et libres existantes.
On peut dire aujourd'hui que l'église protestante, l'église
catholique et la plupart des églises libres se sont ouvertes au
mouvement charismatique, même si localement certaines
paroisses défendent un point de vue différent de celui de ce
mouvement, et résistent à la pénétration charismatique.

La troisième vague
La troisième vague, connue sous le nom d'«évangélisation
de puissance», a surgi au début des années 80 à partir du
mouvement de croissance de l'Eglise, sous l'impulsion de C.
Peter Wagner et de John Wimber. Il est intéressant de noter
qu'à l'instar des deux vagues précédentes, celle-ci a égale-
ment son point de départ en Californie. Elle évite toute allu-
sion à l'étiquette «pentecôtiste» ou «charismatique» et vise
essentiellement les groupes épargnés par les vagues précé-
dentes: les fondamentalistes et les évangéliques conserva-
teurs, jusqu'à présent non charismatiques2.
14
«L'une des caractéristiques de la troisième vague est
l'absence d'éléments de discorde. Beaucoup d'églises qui
n'ont aucun arrière-plan pentecôtiste ou charismatique,
se mettent à prier pour les malades et font l'expérience de
la puissance guérissante de Dieu.»3
Cette troisième vague doit renverser la dernière digue qui a
résisté aux deux premières vagues.
En Allemagne, il s'agit principalement des communautés
rassemblées au sein du «Gnadauer Verband», de quelques
églises fondamentalistes libres et du mouvement des Frères
(les dispensationalistes); tous ceux-là sont particulièrement
réfractaires.

Résumé
L'histoire du mouvement pentecôtiste et charismatique se
décompose en trois grandes périodes:
1. la naissance et l'expansion des églises pentecôtistes à tra-
vers le monde, à partir de 1900 environ;
2. la naissance et l'expansion du mouvement charismatique
au sein des églises officielles et libres, à partir de 1960;
3. la naissance, à partir de 1980, de l'«évangélisation de
puissance» en liaison avec le mouvement de croissance
de l'Eglise, dans le but d'atteindre toutes les églises et
tous les groupes non encore charismatiques.
* On appelle dispensationalisme la doctrine des différentes dispensations de
l'histoire du salut, au cours desquelles Dieu se serait révélé de diverses
façons. Les dispensationalistes différencient très nettement l'Eglise de
Jésus du peuple d'Israël, alors que leurs adversaires voient dans l'Eglise le
prolongement d'Israël et lui appliquent toutes les promesses concernant le
peuple de la nouvelle alliance (notamment le royaume millénaire).
Parmi les représentants les plus connus du dispensationalisme, men-
tionnons: J.N. Darby, E. Sauer, CI. Scofield (la Bible Scofield), Ch.
Ryrie (Dallas Theological Seminary).

15
La troisième vague:
l'évangélisation de puissance
En 1980, le mouvement charismatique semblait avoir atteint
son point culminant. Certains parlaient déjà d'une «ère post-
charismatique», et David Watson, évangéliste, auteur
anglais bien connu et conférencier au Fuller Theological
Seminary sur les thèmes de l'évangélisation et du renou-
veau, indiqua en 1980 à John Wimber les signes suivants de
cette stagnation:
- le déclin de l'assistance aux grandes conventions, tant
aux Etats-Unis qu'en Grande Bretagne;
- de fréquentes divisions entre les leaders;
- un malaise général, marqué par le découragement et le
mécontentement.1
Précisément, l'année même où la vague du mouvement cha-
rismatique perdait de sa vigueur, se formait la «troisième
vague du Saint-Esprit» qui cherche à atteindre les églises
évangéliques conservatrices et non charismatiques, jusqu'à
présent réfractaires aux deux premières vagues.
L'histoire de cette «vague» est étroitement associée au
nom de deux hommes qui ont marqué ce mouvement: C.
Peter Wagner et John Wimber.

16
C. Peter Wagner
On présente souvent C.P. Wagner comme le «père» du mou-
vement mondial de croissance de l'Eglise. Il est membre
fondateur du mouvement de Lausanne, fut un certain temps
président du Comité de Lausanne et enseigne depuis 1971 au
Fuller Theological Seminary de Pasadena en Californie.
C'est après 16 ans passés en Bolivie comme missionnaire
qu'ilfit,en 1967, la connaissance de Donald McGavran, le
fondateur de «Fuller School of World Mission» ainsi que du
mouvement de croissance de l'Eglise. En survolant de
mémoire ses années au service de la mission, Wagner décla-
ra qu'il ne se souvenait pas avoir été une seule fois «le canal
emprunté par la puissance du Saint-Esprit pour guérir des
malades ou chasser des démons»2.
Il indiqua lui-même, outre le manque de foi et une
consécration insuffisante, quatre autres causes à son manque
de puissance:
1. «J'étais "dispensationaliste"... on m'avait toujours en-
seigné que, depuis la formation du canon des Ecritures,
les signes et les miracles n'étaient plus nécessaires pour
attirer l'attention des incroyants sur Jésus...
2. J'avais adopté une attitude anti-pentecôtiste. Dans les
cercles que je fréquentais, il était courant de considérer
les Pentecôtistes comme des imposteurs... la théologie
des Pentecôtistes nous semblait tout simplement trop
superficielle...
3. J'avais une conception très limitée de la puissance de
Dieu...
4. Ma vision du monde était marquée par l'humanisme
séculier... Je me souviens encore à quel point j'étais cer-
17
tain qu'une partie de mon travail missionnaire consistait à
persuader les indigènes, que les maladies étaient provo-
quées par des microbes et non par des mauvais esprits,
comme ils le croyaient dans leurs superstitions...»3
C.P. Wagner mentionne quatre raisons qui l'ont poussé à ne
plus être dispensationaliste et qui ont par conséquent modi-
fié son attitude à l'égard des Pentecôtistes:
1. Une rencontre avec Stanley Jones.
Vers le milieu des années 60, alors que Wagner était
encore un «fondamentaliste séparatiste», Jones, le célèbre
missionnaire parmi les Indiens, fut invité à se rendre en
Bolivie. A cette même époque, Wagner souffrait d'une
plaie post-opératoire qui suppurait et refusait de guérir.
Sceptique, il alla cependant écouter Jones, qui, à la fin de
son sermon, pria pour les malades présents. Le lendemain
matin, la plaie de Wagner était guérie.
2. L'observation d'églises qui croissaient rapidement.
De D. MacGavran, Wagner avait appris à connaître les
facteurs de croissance; à la fin des années 60, il étudia
l'extraordinaire développement d'une église pentecôtiste
au Chili, ce qui ébranla de plus en plus ses propres con-
victions. En 1971, il donna des cours au «Fuller Semi-
nary» et écrivit le livre «Spiritual Power and Church
Growth», comme résultat de ses recherches sur la crois-
sance de l'église.
3. Travail au sein d'une église de Pentecôte.
Au milieu des années 70, Wagner enseigna, pendant un
temps assez long, les principes de croissance de l'église
dans une église pentecôtiste classique (une Assemblée de
Dieu). Parmi les hommes et les femmes qu'il enseignait,
il discerna de nouvelles «dimensions de la puissance de
Dieu» auxquelles il aspirait tant. «Chaque fois que je sor-
18
tais de cette église et rentrais chez moi, j'étais spirituelle-
ment revigoré. Souvent, j'ai souhaité être un Pentecôtiste,
moi aussi!»4
4. John Wimber entre en scène.
En 1975, Wagner fit la connaissance de J. Wimber, alors
pasteur d'une église quaker, qui s'était inscrit pour suivre
les cours sur l'édification de l'église. Dès la fin de la deu-
xième semaine de cours, Wagner reconnut que Wimber
avait le don pour être leader et conseiller dans l'édifica-
tion de l'église. Il lui suggéra de quitter l'assemblée qua-
ker pour devenir son associé dans la direction du «Fuller
Institut of Evangelism and Church Growth» nouvelle-
ment fondé. Une solide amitié se noua entre les deux
hommes, amitié qui subsista même lorsque, deux ans plus
tard, Wimber mit fin à sa collaboration pour créer le
«Vineyard Christian Fellowship» à Anaheim.
En 1982, C.P. Wagner fut sollicité pour donner un cours
sur le thème «Signes et miracles» à «School of World
Mission». Sous sa responsabilité en tant que professeur,
Wimber donna les conférences. Ce cours fut mondiale-
ment connu sous le signe «MC510».
Wimber ne se borna pas à de simples exposés théoriques;
il fit suivre ses leçons d'exercices pratiques sur la maniè-
re de diriger des réunions de prières et de guérisons. Au
cours d'un de ces services, Wagner lui-même fut guéri de
sa tension artérielle trop élevée et se mit à imposer les
mains aux malades et à prier pour eux.

La troisième vague
Après s'être enfin débarrassé des préjugés «anticharisma-
tiques», C.P. Wagner enseigna un groupe d'adultes à l'école
du dimanche de l'église traditionnelle et non charismatique
«Lake Avenue Congregational Church». Avec deux disci-
19
pies de Wimber, il commença un «ministère de guérison
efficace» au sein de ce groupe.
«Je découvris les dons d'intercession, de relation d'aide,
de guérison, d'exorcisme, de prophétie, d'organisation,
de discernement des esprits, de parole de connaissance et
bien d'autres encore.»5
Comme on ne voulait pas apposer à ce groupe l'étiquette
«charismatique» et qu'il fallait quand même le caractériser
par l'oeuvre qui s'y déployait, on inventa l'expression
«troisième vague». «Par ces mots, nous exprimons que nous
aussi, comme le mouvement de Pentecôte (la première
vague) et le mouvement charismatique (la deuxième vague),
nous faisons l'expérience de la puissance surnaturelle de
Dieu, sans toutefois être ni vouloir être assimilés à ces deux
premières vagues.»6
Il est intéressant de voir comment C.P. Wagner considère
sa mission particulière et de quelle manière sa «vocation» lui
est apparue clairement:
«Seul l'avenir dira si le nom de "troisième vague"
s'imposera ou non. Mais le ministère qui lui est associé
fut confirmé en 1983 de différentes manières. Je reçus
cinq prophéties de personnes totalement indépendantes
les unes des autres, et toutes affirmaient quasiment la
même chose. Dieu m'a apparemment appelé à être son
messager. Pour que l'Eglise de Jésus-Christ puisse gran-
dir, je dois faire connaître la puissance de Dieu à ceux qui
ne l'ont pas encore expérimentée. Je dois le faire, cepen-
dant, d'une manière non-pentecôtiste et non-charisma-
tique. Mais les prophéties contenaient aussi une mise en
garde contre les agissements du Malin... Car le Seigneur
m'a fait savoir que j'étais placé comme une cible de
choix sur la liste noire de Satan. En janvier 1983, après un
entretien de relation d'aide avec John Wimber, je fus
20
délivré de la puissance d'un mauvais esprit qui m'occa-
sionnait, depuis de nombreuses années, des maux de tête
violents et très gênants. En mars, le diable essaya de me
tuer en retirant une échelle de dessous mes pieds... Cet
événement nous fit soupçonner l'ennemi d'avoir envoyé
des démons dans notre maison. Cette supposition fut con-
firmée plus tard, lorsque ma femme Doris aperçut ce gen-
re d'esprit mauvais dans notre chambre à coucher. Con-
duits par l'Esprit-Saint, George Eckart et Cathy Schaller
firent usage du don du discernement des esprits et exor-
cisèrent la maison de plusieurs démons. Depuis lors, nous
n'avons plus jamais été importunés.»7
En 1984, Yonggi Cho, le pasteur de la plus importante église
au monde (Central Gospel Church, à Séoul) et ami de longue
date de Wagner, fut invité à donner des conférences annuel-
les sur l'édification de l'Eglise. Cho avait entendu dire
qu'entre-temps, Wagner avait reçu le don particulier «par la
prière, de rallonger les jambes estropiées», et fut témoin
oculaire d'un tel miracle: pendant que Wagner priait, la jam-
be infirme d'un pasteur copte fut guérie. «Dieu agit avec
ténacité, la jambe s'allongea et, pour la première fois depuis
son accident, le pasteur put se tenir sur ses deux jambes.»8
Successeur de Donald McGavran, C. Peter Wagner a
publié une trentaine d'ouvrages qui traitent essentiellement
de la croissance de l'Eglise et de la mission. Dans les
milieux allemands de ce mouvement, il est considéré comme
«le chef de file du mouvement mondial de l'édification de
l'Eglise»9 par ses livres et par de nombreux articles.

21
John Wimber
Wolfram Kopfermann qui présente J. Wimber comme «une
figure marquante du christianisme occidental», décrit ainsi
le rôle qu'il voit jouer par Wimber:
«Il rassemble dans sa personne trois courants importants
pour l'avenir du protestantisme: le mouvement évangéli-
que dont Wimber est issu et auquel il se rattache, le mou-
vement de la croissance de l'Eglise dont il est aujourd'hui
encore l'un des représentants les plus célèbres aux Etats-
Unis, et le mouvement du Saint-Esprit dans les rangs
duquel il accomplit son ministère. Il pourrait donc deve-
nir, pour beaucoup, un personnage favorisant la fusion de
ces courants.»10
Wimber raconte lui-même qu'il a été élevé comme un païen
dans une famille qui vivait sans Dieu depuis quatre généra-
tions et qu'à l'adolescence, le seul but de sa vie était la musi-
que. Il entra donc dans ce monde particulier et fit carrière
comme musicien de jazz et de rock-'n roll. En 1962, il con-
nut une crise grave lorsque sa femme Carol se sépara de lui
avec leurs trois enfants et le menaça de demander le divorce.
Dans son désarroi, John se tourna vers Dieu à sa façon,
rechercha une expérience religieuse et se mit à prier. Sa fem-
me lui accorda alors une nouvelle chance, assortie d'une exi-
gence: étant catholique elle-même, elle lui demandait d'ac-
cepter une cérémonie de remariage à l'Eglise catholique.
Peu de temps après, John Wimber et sa femme vinrent à
la foi, grâce à des réunions de maison; ils se joignirent alors
à une assemblée quaker dont John devint rapidement le pas-
teur-assistant puis le pasteur associé, et Carol fut admise
dans le conseil d'Anciens.
Peu après sa conversion, John se mit à parler en langues,
mais sa femme, très réticente à l'égard de cette manifesta-
22
tion, le mit en garde. Dix-sept ans plus tard, Carol fit un rêve
dans lequel elle donnait un message contre l'utilisation des
dons de l'Esprit; arrivée au dernier point de sa prédication,
elle fut cependant envahie par une vague de chaleur:
«La vague de chaleur parcourut tout mon corps et sortit
par ma bouche. Je me réveillai et me mis à parler dans
une autre langue.»12
A cette époque, John était occupé au Fuller Institut pour
l'évangélisation et la croissance de l'Eglise.
En 1976, la famille Wimber créa à l'intérieur même de
l'église quaker une activité nouvelle: tenir des réunions dans
les maisons. Très rapidement, 125 personnes se joignirent à
lui. En 1977, avec environ 150 personnes, John Wimber
quitta l'église quaker et fonda une église qu'il nomma
«Vineyard Christian Fellowship» et dont il devint le pasteur.
En 1988, cette dénomination comptait déjà plus de 235 égli-
ses et environ 80 000 membres.
Dans les mois qui suivirent, John et Carol Wimber eurent
le sentiment que la puissance de Dieu leur faisait encore
défaut, et se mirent à prier pour l'obtenir.
Un jour, après avoir parlé du baptême de l'Esprit, et à la
demande du public, il se mit à prier en imposant les mains.
Voici ce que rapporte Carol:
«De ses mains sortait une puissance incroyable. Dès qu'il
touchait les gens, ceux-ci tombaient à la renverse. Pour
John, c'était comme si une force spirituelle jaillissait de
ses mains, une sorte d'énergie électrique. C'était la pre-
mière fois que John sentait qu'une force émanait effec-
tivement de lui.»12
Quelques jours plus tard, John fut témoin d'une guérison
suite à sa prière: la jambe trop courte d'une jeune fille se mit
à trembler et à s'allonger jusqu'à atteindre sa taille normale.
23
Rentré chez lui après ce miracle, John qui en discutait avec
sa femme, lui dit en se versant un verre de lait: «Je crois que
si on enseigne la Parole de Dieu, le Saint-Esprit...» Il n'alla
pas plus loin. Après avoir prononcé les mots «le Saint-
Esprit», ses jambes se dérobèrent sous lui et il put juste se
cramponner à un meuble. Il regarda Carol d'un air étonné et
lui dit en riant: «Je crois que nous verrons encore de grandes
choses, Carol.»13

L'heure de naissance de l'évangélisation


de puissance
Fête des Mères 1981. L'église compte alors 700 membres.
Ce jour-là, suite à la prière d'un jeune homme, des centaines
de personnes se mirent à trembler, à tomber et à parler en
langues. En s'approchant de ces personnes comme fou-
droyées, Carol sentit qu'une force émanait de leurs corps:
«.. c'était comme une vague de chaleur ou de l'électri-
cité.»14
John, qui ne savait d'abord que penser de ces événe-
ments, passa la nuit à lire la Bible et d'autres ouvrages pour
leur trouver une explication. Finalement, à cinq heures du
matin, il cria à Dieu: «Seigneur, si tout cela vient bien de toi,
fais-le moi savoir clairement.» Immédiatement après, le télé-
phone sonna; c'était un pasteur ami qui lui dit:
«Excuse-moi de t'appeler à une heure si matinale, mais je
me sens poussé à te communiquer quelque chose de
remarquable. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais
Dieu m'a ordonné de te dire: "C'est de moi, John".»15
John interpréta cette communication comme une confirma-
tion de Dieu, et tous ses doutes s'évanouirent. Depuis lors,
«les signes et les prodiges sont ce que de nombreux visiteurs
remarquent dans notre vie d'église»16.
24
En 1983, Wimber fonda «Vineyard Ministries Internatio-
nal» qui se charge d'organiser aux Etats-Unis et ailleurs des
conférences sur la croissance de l'église et sur l'évangélisa-
tion de puissance, ainsi que des réunions de guérison et de
prière. Ces dernières années, de telles conférences ont eu
lieu en Europe dans les pays suivants: Angleterre, Ecosse,
Irlande, France, Suède, Allemagne et Suisse.
Aux dires de John Wimber, il a pu atteindre en Europe
avec son équipe environ 100 000 personnes. Le nombre des
participants à ses conférences, tenues dans le monde entier,
est estimé entre 400 et 500 000.

Le but visé par la troisième vague


C.P. Wagner et J. Wimber sont unanimes pour affirmer que
la troisième vague doit avant tout atteindre les évangéliques
conservateurs et non charismatiques que les deux premières
vagues n'ont pas, ou presque pas, touchés.
John Wimber déclare:
«La physionomie des groupes et églises évangéliques est
en train de changer, et ce, très rapidement. Les évangéli-
ques fondamentalistes et conservateurs, non charisma-
tiques, ne peuvent plus se permettre d'ignorer les deux
premières vagues du Saint-Esprit... La plupart des
évangéliques, sinon tous, se tiennent à l'écart des deux
premières grandes vagues du Saint-Esprit et s'accrochent
à une critique vieille de cinquante ans sur les excès du
pentecôtisme. Je crois que beaucoup sont d'autant plus
violents dans leurs critiques contre les pentecôtistes et les
charismatiques, que l'action du Saint-Esprit se fait pres-
sante autour d'eux. Certains seront pourtant oints et trans-
formés par le Saint-Esprit.
Le groupe des évangéliques conservateurs montre déjà
25
des signes qu'il est bien la cible de la nouvelle vague, la
troisième vague de l'action du Saint-Esprit. J'entends,
par évangéliques conservateurs, les évangéliques qui ne
sont pas charismatiques mais qui ne sont pas non plus
foncièrement anticharismatiques. J'en ai fait partie pen-
dant de longues années.»17
De son côté, C.P. Wagner constate:
«La troisième vague a débuté vers 1980, lorsque des égli-
ses et institutions évangéliques traditionnelles, en nombre
croissant, ont commencé à s'ouvrir à l'action surnaturelle
du Saint-Esprit, elles qui n'étaient auparavant ni pen-
tecôtistes ni charismatiques, et ne voulaient pas le deve-
nir.»18

Différences avec les deux premières vagues


J. Wimber voit la différence essentielle dans le fait que la
troisième vague ne cherche pas à revêtir de la force divine
seulement les «pasteurs professionnels» (première vague),
ou les «responsables laïques» (deuxième vague), mais «tous
les chrétiens».
«Au lieu de n'outiller que les évangélistes, ceux qui ont le
don de guérison ou les responsables des communautés de
maison, la troisième vague pourvoira tous les chrétiens de
la puissance de l'Esprit, en particulier pour l'évangélisa-
tion personnelle et pour la guérison divine.»19
«Si je suis l'un des leaders de la troisième vague et si ce
que font les "Communautés de la Vigne" (Vineyard Fel-
lowship) caractérise l'oeuvre de la troisième vague, alors
celle-ci est une vague qui équipe tous les chrétiens, c'est-
à-dire qu'elle les encourage à prier pour les malades et à
26
mettre en oeuvre tous les dons spirituels. C'est pour cette
raison que j'organise des sessions de formation et non des
réunions de guérison. Mon objectif est que tout le corps
de Christ prenne en charge le ministère de guérison. Je ne
voudrais pas que celui-ci soit limité à quelques chrétiens
qui guérissent par la foi.»20
C.P. Wagner, de son côté, considère qu'il existe une dif-
férence remarquable entre la troisième vague et les précé-
dentes: «l'absence d'éléments générateurs de divisions»21.
Plus loin, il ajoute: «La troisième vague se caractérise par un
signe distinctif fondamental: elle veut à tout prix éviter les
divisions.»22
Wimber est particulièrement sensible à cet aspect, lui
dont le «voeu le plus cher est la paix et l'unité dans le corps
de Christ»; et il cite D.G. Bloesch:
«La seule voie spirituelle pour parvenir à cette unité
(entre chrétiens) consiste à revenir au message et à
l'enseignement de la Bible, avec le secours de la tradition
de toute l'Eglise.»23
Ainsi donc, selon l'ancien principe de l'église catholique,
c'est «la Bible et la tradition» qui devraient rendre cette
unité possible. C'est pourquoi, on ne trouve pratiquement
pas de doctrine claire et précise dans les ouvrages de Wim-
ber. On ne doit pas non plus s'étonner de le voir évoquer,
parmi les grands témoins de l'histoire de l'église, en matière
d'évangélisation de puissance, des figures telles que le pape
Grégoire le Grand, Tertullien (un Montaniste), Ignace de
Loyola (le fondateur des Jésuites), et le voir s'appuyer
même sur les miracles de Lourdes.

2^
Les deux sources de révélation: la Bible
et l'expérience chrétienne
Pour se faire une opinion sur la troisième vague, il est impor-
tant de savoir que C.P. Wagner et J. Wimber ne considèrent
pas seulement comme source de révélation de la théologie «la
Bible et la tradition», mais aussi «la Bible et l'expérience».
John Wimber:
«Il est des vérités dans la Bible que nous ne pouvons
comprendre qu'après avoir fait certaines expériences. J'ai
constaté que cela s'appliquait aussi au domaine de la
"guérison". Tant que je n'avais pas fait l'expérience que
des gens pouvaient être guéris, beaucoup de passages bi-
bliques sur la guérison restaient pour moi incompréhensi-
bles... Dieu utilise donc nos expériences pour mieux nous
faire comprendre ce qu'il nous enseigne dans la Bible. Et
souvent il nous amène, par l'expérience, à rejeter par-
dessus bord ou à modifier certains aspects de notre théo-
logie ou de notre vision du monde.»24
C.P. Wagner:
«Au fond, la théologie n'est ni plus ni moins qu'un essai
humain pour expliquer d'une manière raisonnable et
systématique la parole et l'action de Dieu. Deux sources
lui sont essentielles: la Bible et l'expérience chrétien-
ne.»25
Cette conviction explique pourquoi, dans les écrits de ce
mouvement, il est souvent question «d'intime communion
avec Jésus», condition indispensable pour recevoir des
«révélations» particulières et des «paroles de connaissance».

28
L'accomodation
La description que donne le théologien évangélique J.I.
Packer du mouvement charismatique, «une espèce de
caméléon qui s'adapte à la couleur de la théologie et de la
piété de son milieu ambiant, et qui est capable de changer de
couleur lorsque les facteurs environnants se modifient»26,
s'applique aussi fort bien à la troisième vague et en particu-
lier à J. Wimber. Pour atteindre les non-charismatiques con-
servateurs, Wimber se trouve dans des conditions très favo-
rables. Il connaît bien la façon de penser et d'argumenter des
évangéliques et des fondamentalistes, et se définit lui-même
comme «dispensationaliste»27, bien qu'il défende une idée
de l'église que la plupart des dispensationalistes rejettent, à
savoir: «Le Nouveau Testament identifie Israël à l'église de
Christ»28, et qu'il voie parmi les dispensationalistes les
adversaires les plus résolus de ces conceptions.

«Les défenseurs les plus obstinés de la théorie de la


disparition des signes et des miracles se recrutent parmi
les dispensationalistes. Ils croient que l'histoire du salut
se décompose en "dispensations" ou ères distinctes au
cours desquelles Dieu a agi d'une manière particulière.
La Bible Scofield, dont les notes infrapaginales expri-
ment très fortement les conceptions dispensationalistes, a
popularisé chez des millions de chrétiens évangéliques et
fondamentalistes anglophones la théorie de la disparition
des dons.»29
A juste titre, Wimber a reconnu que de nombreux évangéli-
ques sont davantage choqués par l'apparition sur scène des
charismatiques que par leur enseignement et leurs pratiques.
Lui-même déclare, à propos de la célèbre «télé-évangéliste»
Kathryn Kuhlman: «En ce qui me concerne, elle me parais-
sait affectée dans sa manière de s'exprimer, flamboyante
dans sa manière de s'habiller, théâtrale dans sa présentation
29
et mystique dans son attitude... Plutôt que de m'attirer vers
les oeuvres de Dieu, son style m'en détournait.»30 Mais
Wimber s'empresse d'ajouter entre parenthèses: «Depuis,
j'en suis venu à l'apprécier et à apprendre d'elle»31.
Wimber s'indignait aussi des réunions où d'autres charis-
matiques priaient pour les malades:
«Carol et moi avons assisté à plusieurs réunions où l'on
priait pour les malades... et nous avons éprouvé de la
colère devant ce qui paraissait être de la manipulation des
gens pour le gain matériel du guérisseur. Même quand il
apparaissait que certaines personnes étaient guéries, nous
étions incapables d'accepter cela comme venant de Dieu;
Jésus, nous disions-nous, ne se prêterait jamais à une telle
exhibition! S'habiller comme une vedette, pousser les
gens par terre et dire que c'est la puissance de Dieu... et
puis l'argent! Ils en demandaient toujours plus, amenant
les gens à croire que s'ils donnaient ils seraient guéris.»32

C'est pourquoi, dans ses propres réunions, John Wimber


procède autrement. Au congrès de Francfort en 1988, il se
tenait principalement à l'arrière-plan et ne venait sur le
devant de l'estrade - sauf s'il prêchait, bien entendu - que
pour saluer l'auditoire au commencement de la réunion. Il
était vêtu de manière plutôt sobre, presque négligée, et par-
courait l'assistance avec beaucoup de décontraction. Le so-
briquet «Teddy-l'ourson» lui va bien; il se présente comme
un père tranquille qui inspire confiance et n'indispose jamais
par une quelconque arrogance. Rien de ce qui caractérise le
spectacle des autres réunions charismatiques: pas d'extase,
pas de verbiage ni d'effets d'éloquence pour jouer sur les
sentiments, pas d'appels répétés pour de l'argent.
Les exposés de ses collaborateurs sont précis, très équili-
brés sur de nombreux points, parfois même autocritiques, si
bien que l'auditeur non charismatique voit fondre beaucoup
de ses préjugés et qu'il est très tenté de s'avancer pour la

30
séance de guérison et d'exorcisme qui suit, séance qui se
déroule dans une ambiance beaucoup plus exaltée.

L'enseignement de Wimber sur l'évangélisation


de puissance
Qu'est-ce donc que cette «evangélisation de puissance»?
Wimber la définit comme «une présentation de l'évangile
qui est rationnelle, mais qui en même temps transcende la
raison. Elle va de pair avec la démonstration de la puissance
de Dieu par des signes et des miracles, et permet ainsi de fai-
re l'expérience de la grandeur de Dieu .»33 Wimber est con-
vaincu que «les signes et les prodiges sont., les cartes de
visite du Royaume de Dieu»34 et qu'ils n'étaient pas unique-
ment valables pour l'époque de Christ et des apôtres: «... les
choses que Christ a faites, y compris les signes et les prodi-
ges, devraient faire partie de la vie chrétienne normale»35.
«L'explication de l'évangile se fait par une démonstration de
la puissance de Dieu au travers de signes et de prodiges.
L'évangélisation de puissance est une présentation de
l'évangile, spontanée, inspirée par l'Esprit et revêtue de sa
puissance. L'évangélisation de puissance est cette evangéli-
sation qui est précédée et sous-tendue par des manifestations
surnaturelles de la présence de Dieu. Par ces rencontres sur-
naturelles, les personnes font l'expérience de la présence et
de la puissance de Dieu. Cela se fait le plus souvent au tra-
vers de paroles de connaissance... de guérisons, de pro-
phéties ou de délivrances d'esprits mauvais. Dans l'évangé-
lisation de puissance, la résistance à l'évangile est vaincue
par la démonstration de la puissance de Dieu au travers
d'événements surnaturels.»36
Wimber reproche aux dispensationalistes tels que Sco-
field et Warfield de ne pas pouvoir justifier bibliquement
leur affirmation que les signes et les miracles ont pris fin
avec les apôtres:
31
«La grande faiblesse de la position de Warfield est qu'il
ne peut se servir des Ecritures pour soutenir sa prétention
que les miracles divins ont cessé à la mort des apôtres et
de leur génération. Rien dans les Ecritures n'énonce ni ne
laisse entendre ce qu'il soutient.»37
Wimber enseigne que, de nos jours encore, l'expulsion de
démons, la guérison de malades et la résurrection de morts
constituent les signes de l'irruption du Règne de Dieu dans
ce qui est encore - et jusqu'au retour de Christ - un territoire
ennemi. Selon Wimber, l'évangélisation de puissance en-
traîne un choc violent entre la puissance de Dieu et celle du
diable. Il en résulte souvent un affrontement et des conflits
avec des démons.
«Quand le royaume de Dieu entre en conflit direct avec le
royaume du monde (Jésus envahit le territoire de Satan),
il se produit une collision. Elle est désordonnée, elle fait
du gâchis - il nous est difficile de la maîtriser.»38
Ici, il faut cependant rendre hommage à Wimber qui inclut,
dans sa prédication sur le royaume de Dieu, la nécessité de
suivre Jésus; on apprécie de le voir ainsi se démarquer de ce
qui est trop souvent enseigné, et pas seulement dans les
milieux charismatiques:
«La proclamation d'un évangile bancal produira des
chrétiens bancals ou, au mieux, faibles. Ceci est hélas
bien trop souvent le cas aujourd'hui. Au lieu d'un appel à
la seigneurie de Christ et à l'admission dans les rangs de
son armée, on entend un évangile égoïste: "venez à Jésus
et vous verrez tel ou tel besoin assouvi", "soyez person-
nellement accomplis", "atteignez votre plein potentiel".
On est loin de l'évangile coûteux que proclamait Jésus:
"Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui
qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la
sauvera" (Marc 8:35).»39
32
L'objectif de l'évangélisation de puissance
D'après Wimber, l'évangélisation de puissance triomphe
des préjugés et de la résistance des incroyants, de sorte
qu'on assiste à de nombreuses conversions; de plus, elle crée
«une réceptivité aux exigences de Christ généralement très
élevée». Wimber enseigne aussi que les signes visibles sont
souvent d'abord accordés à ceux qui évangélisent et, ensuite
seulement, aux personnes qui doivent être atteintes:
«Il arrive souvent qu'une rencontre de puissance qui
mène à la conversion se produise d'abord chez ceux qui
évangélisent, puis chez ceux qui sont évangélisés. A la
Pentecôte, les gens étaient "hors d'eux-mêmes et per-
plexes". Néanmoins, nombre d'entre eux firent rapidement
le pas, ils passèrent sur l'autre bord: ils devinrent partici-
pants de la grâce divine. Une rencontre de puissance se
produisant chez un chrétien, en présence de non-chré-
tiens, ouvrira ces derniers de manière surnaturelle à
l'évangile du royaume de Dieu.»40
«Il est rare que la croissance de l'église puisse être attri-
buée à la seule prédication.»41
Pour justifier ses conceptions, Wimber s'appuie sur les oeu-
vres de Jésus, sur la mission confiée aux apôtres et la maniè-
re dont ils s'en sont acquittée (cf. Luc 9:1-6; Marc 16:15-18),
et sur les témoins suivants de l'histoire de l'église: Justin
(100-165), Irénée (140-203), Tertullien (160/170-215/220),
Novatien (210-280), Antoine le Grand (261-356), Hilaire
(291-371), Macrine (328-379/380), Ambroise (339-397),
Augustin (354-430), Grégoire de Tours (vers 538-594), Gré-
goire 1er (le Grand) (540-604), François d'Assise (1181-
1226), les Vaudois, Vincent Ferrier (1350-1419), Colette de
Corbi (morte en 1447), Martin Luther (1483-1546), Ignace de
Loyola ( 1491 -1556), Thérèse d'Avila (1515-1582), Valentin

33
Greatlakes (mort en 1638), les Quakers, les Huguenots, les
Jansénistes, John Wesley (1703-1791), les miracles de Lour-
des, ainsi que le Réveil d'Azusa Street, à Los Angeles (1909).
Parmi les auteurs contemporains de signes et de miracles,
Wimber mentionne Reinhard Bonnke, Erlo Stegen, le prophè-
te noir Harris, Jacques Giraud, Tommy Hicks et Suba Rao.
On constate donc que Wimber inclut des personnes qui,
pour la guérison, prônent l'emploi des sacrements ainsi que
les reliques et les prières des Saints. A ce propos, il cite
Augustin:
«Pourquoi, demandent-ils, n'arrivent-ils plus de nos jours
ces miracles dont vous dites qu'ils ont eu lieu jadis?...
Même aujourd'hui, il se fait des miracles au nom de
Christ soit par les sacrements, soit par les prières et les
reliques de ses saints.»42

Les réunions de guérison


Parmi les signes fondamentaux de l'évangélisation de puis-
sance, Wimber cite la guérison des malades. Il déclare que
Dieu lui aurait dit: «Oui, les chrétiens sont appelés à guérir
les malades de la même façon qu'ils sont appelés à évangéli-
ser».43 Il voit dans les guérisons publiques une confirmation
puissante de l'évangélisation et une extension du royaume
de Dieu:
«Une autre raison de prier pour les malades réside en ce
que la guérison favorise l'évangélisation. Elle est un
"promoteur de l'évangile". J'ai appris cela des étudiants
du tiers monde... qui affirmaient qu'il était plus facile de
prier pour la guérison de quelqu'un que de lui parler de
Christ. A vrai dire, expliquaient-ils, il est très facile de
présenter Christ à une personne après qu'elle ait été
guérie.»44

34
«Bien sûr, quand nous prions pour les malades, notre but
est qu'ils soient guéris et qu'il en résulte une extension du
royaume de Dieu.»45
Wimber raconte comment une vision a corrigé son ancienne
attitude réservée à l'égard des guérisons et a transformé sa
vie «plus que toute autre expérience»:
«Brusquement, dans mon esprit, je vis un banc de nuages
se surimprimer à l'horizon. Je n'avais jamais vu une for-
mation nuageuse comme celle-là, alors j'ai garé la voiture
sur le bas-côté de la route pour regarder de plus près. A ce
moment-là, j'ai pris conscience qu'il ne s'agissait pas
d'un banc de nuages, mais d'un rayon de miel dont le
miel gouttait sur des gens en-dessous. Ces gens étaient
dans toutes sortes de positions. Certains étaient émus, ils
pleuraient et tendaient les mains pour attraper le miel et le
goûter, invitant d'autres à prendre un peu de leur miel.
D'autres paraissaient irrités, essuyant le miel qui tombait
sur eux, rouspétant contre la saleté. J'étais ébahi. Ne
sachant qu'en penser, j'ai prié: "Seigneur, qu'est-ce?"

- C'est ma miséricorde, John. Pour certains, c'est une


bénédiction, mais pour d'autres, c'est un obstacle. Il y en
a largement assez pour tout le monde. Ne m'implore plus
jamais pour la guérison. Le problème n'est pas de mon
côté. Il est sur terre... Ce fut une expérience émouvante et
profonde; certainement, elle révolutionna ma vie plus que
toute autre expérience que j'avais faite depuis ma conver-
sion. Depuis ce jour, je n'ai jamais plus considéré la
guérison de la même manière qu'avant.»46
Wimber a aussi été encouragé, dans son ministère de guéri-
son, par le Père Francis MacNutt et ses livres qu'il men-
tionne fréquemment, et dont l'ouvrage Healing a été remis à
tous les participants à la conférence sur «les signes, les pro-
35
diges et la croissance de l'église» qui s'est tenue à Sheffield
en 1985.47 MacNutt se définit lui-même comme un «huma-
niste chrétien»48. Ses écrits attestent clairement qu'il croit
notamment à la puissance de guérison des sacrements et, en
particulier, de l'Eucharistie.
Parmi les auteurs que Wimber cite souvent et qui ont
façonné ses conceptions, on peut encore mentionner Agnès
Sanford et Jung Morton Kelsey, un disciple de Jung, tous
deux amis intimes de MacNutt. De Kelsey, Dave Hunt dit,
dans son remarquable ouvrage la Séduction de la chrétien
«qu'il prétend que le Saint-Esprit n'est autre que le "moi" et
qu'il assimile les dons du Saint-Esprit à des pouvoirs psychi-
ques occultes».49
Voici ce que croit Kelsey:
«Clairvoyance, télépathie, précognition, psychokinésie et
guérison ont été observées dans la vie et dans l'environ-
nement de nombreux conducteurs religieux, et chez pres-
que tous les saints chrétiens... C'est un pouvoir psychique
de la même nature que celui que Jésus Lui-même pos-
sédait.» «Jésus était un homme de puissance. Il était plus
grand que tous les chamanes. Mes étudiants ont commen-
cé à voir le rôle que jouait Jésus lorsqu'ils ont lu le livre
de Mircea Eliade sur le Chamanisme, et celui de Carlos
Castaneda: Journey to Ixtlan (Voyage à Ixtlan)... C'est un
pouvoir psychique de la même nature que Jésus Lui-
même possédait.»50

La définition de la maladie
En plein accord avec de nombreux pentecôtistes et charis-
matiques, Wimber enseigne que la maladie est une extension
et un effet du péché, ainsi qu'une arme utilisée par Satan et
ses démons:
«Dans le Nouveau Testament, la maladie est considérée
36
comme une extension et un effet du péché, donc d'origine
mauvaise, représentant le royaume de Satan.»51
«Les chrétiens du premier siècle voyaient dans la maladie
une oeuvre de Satan, une arme de ses démons, une maniè-
re pour le mal de régner sur le monde.»52
Mais, contrairement à beaucoup d'autres prédicateurs de la
guérison tels que Oral Roberts, K. Hagin et Kenneth Cope-
land, Wimber ne considère pas toute maladie comme étant
une conséquence directe d'un péché ou d'une désobéissance.
«Contrairement à l'Ancien Testament, de tous les cas de
maladie rapportés par le Nouveau Testament, seule une
minorité se trouve être le résultat du péché habituel dans
la vie d'un individu... il est aussi vrai que la maladie n'est
pas nécessairement le fruit d'un péché. Satan est la cause
de beaucoup de maladies.»53
Wimber, qui souffre lui-même de troubles cardiaques, d'une
tension artérielle trop élevée, d'ulcères d'estomac et de
surcharge pondérale54, avoue: «J'aimerais pouvoir écrire
que je suis maintenant complètement guéri, que je ne con-
nais plus de problèmes physiques, mais si je le faisais, je
mentirais.» Sa propre expérience l'amène à reconnaître:
«Les exemples d'Epaphrodite, Timothée, Trophime et
Paul - ainsi que mon propre état - sont des souvenirs
humiliants de ce que la plénitude de notre salut attend
encore d'être révélée au retour de Christ et de ce que,
malgré la guérison divine possible par l'expiation, nous
n'avons aucun droit de prétendre qu'en l'absence de
guérison divine, il y a forcément quelque chose qui ne va
pas avec notre foi ou avec la fidélité de Dieu.»55
«J'ai décidé, il y a bien longtemps, que si je prie pour cent
37
personnes et qu'une seule est guérie, cela vaut mieux que
si je ne prie pas du tout et que personne n'est guéri.»56
Malgré tout, Wimber est d'avis que, dans la plupart des cas,
la cause de la non-guérison réside dans le péché et le man-
que de foi. Il explique ainsi pourquoi tous ceux pour lesquels
on a prié ne sont pas guéris:
«J'en conclus que la guérison n'est pas incluse dans le
sacrifice d'expiation au même titre que le salut. Pourtant,
Dieu veut guérir; je propose donc de considérer qu'il y a
dans l'oeuvre du royaume de Dieu des moments de flux
et des moments de reflux. Cette explication permet de
comprendre pourquoi, à certaines périodes, tous ne sont
pas guéris; elle nous aiderait aussi à mieux saisir que
beaucoup, pour d'autres raisons, ne seront pas guéris.
Quand je regarde sur mon expérience passée de l'action
de Dieu, je constate qu'il y a eu des moments de flux et
d'autres de reflux. Il est des moments où la présence
guérissante de Dieu opère des choses incroyables, et
d'autres où il ne se produit aucune guérison. La guérison
est donc un phénomène secondaire de l'expiation; elle
s'explique beaucoup mieux dans le cadre de la théologie
du royaume de Dieu.»57

La pratique
Un service de guérison se déroule habituellement de la
manière suivante: Wimber, de préférence en présence
d'autres chrétiens «qui ont la foi», prie pour les malades,
pendant que lui-même ou ses collaborateurs posent les
mains sur ou à proximité des parties malades du corps.

«A chaque fois que je prie pour les malades, je cherche


38
toujours dans l'assistance des personnes qui ont la foi -
que ce soient d'autres membres de l'équipe de guérison,
la personne pour laquelle on prie, la parenté (même les
enfants qui généralement ont une grande foi pour la
guérison), les amis auxquels je m'associe évidemment.
Quand je les ai repérées, je leur demande de placer la
main sur ou près de la partie du corps qui a besoin de
guérison, puis je demande à Dieu de manifester sa puis-
sance de guérison.»58
Cette imposition des mains s'accompagne généralement
d'un transfert de flots de chaleur et d'énergie. Il est intéres-
sant de rappeler la première expérience au cours de laquelle
des flots d'énergie émanèrent de Wimber une nuit pendant
son sommeil:
«Afin de tester sa théorie, elle (Carol Wimber) conçut un
plan détaillé en se servant d'une arthrite très douloureuse
dont elle souffrait dans une épaule. Une nuit, alors que
nous étions en congé dans un chalet de montagne, elle
attendit que je sois endormi, puis elle prit une de mes
mains et la plaça sur son épaule. Ensuite, elle dit: "C'est
bon, Seigneur, fais-le." Une vague de chaleur et d'énergie
pénétra son épaule et la douleur disparut. Elle était
guérie. Je me suis réveillé en me demandant pourquoi ma
main était chaude.»59
L'exemple suivant est caractéristique de la manière dont
Wimber dirige une réunion de guérison. Pendant une con-
férence sur la guérison tenue dans une église baptiste de
Gôteborg, il reçut une «parole de connaissance» selon
laquelle une femme, atteinte d'un cancer du sein et qui
venait de quitter l'hôpital le jour même, devait être guérie:
«En réponse, une femme vêtue d'un long manteau de lai-
ne de couleur sombre se leva et dit en suédois: "C'est
39
moi, c'est moi." Je lui ai demandé de s'avancer pour la
prière et pendant qu'elle le faisait, j'ai demandé à des
volontaires de venir prier pour elle.
Trois hommes du premier rang s'avancèrent, deux se tin-
rent debout derrière la femme et un en face d'elle. J'ai
demandé à la femme si cela ne l'ennuierait pas de croiser
les mains sur son sein et de permettre à l'un des hommes
de poser la main sur les siennes. Elle donna son accord...
Les hommes qui étaient derrière mirent une main sur ses
épaules. Puis j'ai fait un pas en arrière et leur ai demandé
de m'attendre pour prier.
Mais avant que l'interprète ait pu leur transmettre mes
instructions, j'ai ressenti un commandement de foi jaillir
en moi et j'ai crié en anglais: "Soyez guérie au nom de
Jésus." Les paroles avaient à peine franchi mes lèvres que
la puissance de Dieu descendit sur les quatre personnes;
elles commencèrent à trembler et furent projetées par ter-
re! C'était comme si la puissance de guérison de Dieu
était entrée dans la femme pour ressortir au travers des
trois hommes ou vice-versa... Tous quatre se relevèrent
pleurant et louant Dieu, la femme témoigna plus tard de
sa guérison.»60

Paroles de connaissance
Wimber entend par là des expériences et des pratiques que
d'autres chrétiens considèrent plus ou moins comme de la
clairvoyance.
L'exemple le plus connu à ce propos s'est produit dans
un avion. Wimber raconte:
«Sur le siège situé à la même hauteur que le mien, de
l'autre côté de l'allée, était assis un homme d'un certain
40
âge: homme d'affaires, à en juger par son allure. Il n'avait
rien d'inhabituel ou de remarquable mais, durant la frac-
tion de seconde où mon oeil se trouva tourné dans sa
direction, je vis quelque chose qui me fit sursauter. En
travers de son front, écrit en lettres claires et nettes, je
crus voir le mot "adultère". Je clignai des yeux, me les
frottai et regardai à nouveau. Il était encore là: "adultère".
Et je le voyais, non de mes yeux naturels, mais de ceux de
mon esprit... C'était l'Esprit de Dieu qui m'envoyait un
message.»61
Les paroles de connaissance jouent également un grand rôle
dans le ministère de guérison de Wimber. Parfois, il aperçoit
des boules de lumière étincelantes sur certaines personnes,
ce qui lui indique quelles sont celles qui doivent être guéries;
à d'autres moments, il ressent des douleurs qui l'informent
des maux dont souffrent les personnes qu'il doit guérir.
«Pendant l'une des rencontres (à Londres), Dieu me dit
qu'une personne de l'auditoire était aveugle et que la cau-
se de sa cécité était le diabète. Dans ce cas précis, j'avais
reçu la vision mentale des yeux de l'homme en même
temps que le mot diabète me venait à l'esprit. (Il m'arrive
parfois de ressentir dans une partie de mon corps une
souffrance qui correspond à la maladie de la personne
que Dieu veut guérir. D'autres fois, j'ai comme un éclair
d'intuition concernant quelqu'un...»62
J. Wimber définit ce don de la manière suivante:
«Il y a "parole de sagesse", lorsque Dieu révèle sa sages-
se ou sa façon de voir dans une situation particulière. Il y
a "parole de connaissance", lorsque Dieu révèle des faits
en rapport avec une situation sur laquelle la personne ne
savait rien auparavant. Par exemple. Dieu donne à quel-
qu'un des détails précis sur la vie d'une personne afin de
41
révéler un péché, de mettre en garde et d'offrir une sécu-
rité, de révéler les pensées, de donner la guérison ou de
fournir des instructions.»63

«Se reposer dans l'Esprit»


Un autre phénomène, qui accompagnait déjà les rassemble-
ments d'autres charismatiques tels que Kathryn Kuhlman,
Kim Kollins, Reinhard Bonnke, se manifeste aussi dans les
réunions de Wimber. Il s'agit du «repos dans l'Esprit» que
Wimber définit ainsi:
«Tomber (ou, selon certains: "être terrassé par l'Esprit").
L'histoire de l'Eglise et les expériences contemporaines
contiennent de nombreux exemples de personnes tom-
bant et restant étendues sur le dos ou sur le ventre pendant
plusieurs heures. La plupart des personnes sont conscien-
tes d'une sensation de calme et d'indifférence sublime
aux circonstances. On ne note en général aucun effet
secondaire, bon ou mauvais. Il arrive que cet état se pro-
longe pendant douze à quarante-huit heures, auquel cas il
a été témoigné de profonds changements spirituels consé-
cutifs à cet état.
Les chutes les plus spectaculaires sont celles de pasteurs
ou responsables spirituels, dont certains semblent être
jetés face contre terre par l'Esprit, ils restent prostrés et
frappent parfois le sol en cadence avec leur tête pendant
environ une heure... Les changements qui suivent cette
expérience peuvent aussi être très profonds. Le ministère
de ces pasteurs est pétri d'une puissance et d'une effica-
cité nouvelles.»64
Cette expérience est parfois liée à un parler en langues, à des
visions et à des rires. Murray Robertson, pasteur d'une égli-
se baptiste de Nouvelle Zélande, rapporte à ce sujet sa pro-
pre expérience. Lors d'une conférence sur «Signes, miracles
42
et croissance de l'Eglise», il fut soudain pris de violents
tremblements dans la main, comme s'il avait actionné un
marteau-piqueur. Voici la suite de son récit:
«John Wimber poursuivit son sermon: "Certains d'entre
vous sont depuis longtemps dans le ministère, ils se sen-
tent fatigués et ont perdu courage. L'Esprit-Saint va venir
sur eux et les renouveler." Une envie de rire s'empara de
moi. Je la réprimai car il eût été malséant de s'égayer à ce
moment précis ! "L'Esprit viendra en vagues successives,
ajouta Wimber, et chaque vague entraînera derrière elle
un nombre de personnes plus grand que celui de la vague
précédente." Quelques personnes des premiers rangs se
mirent à rire. Puis quelqu'un à un autre endroit de l'audi-
toire. C'est sûrement l'oeuvre rafraîchissante de l'Esprit,
me dis-je en éclatant de rire. Cette joie dans l'Esprit par-
courut l'assistance pendant dix minutes environ, puis elle
s'évanouit lentement. Tous ceux qui avaient ri se turent,
sauf moi. Impossible de m'arrêter! Impossible aussi de
rester debout! J'oscillai d'avant en arrière et finis par
tomber et me rouler par terre, plié en deux par mes éclats
de rire! Entretemps, des personnes avaient fait cercle
autour de moi. Je faisais le spectacle, et quel spectacle!
Chose intéressante, dans cet état de fou rire, j'arrivais
cependant encore assez bien à m'analyser. Je savais ce
qui m'arrivait: des mois, des années de frustrations et de
déceptions dans le ministère, tout cela s'envolait... Je
restai ainsi trois quarts d'heure à rire. Lorsque je cessai
enfin, un collègue et ami intime posa sa main sur ma tête
et dit: "Seigneur, donnes-en lui encore". Et je m'esclaffai
à nouveau pendant trois quarts d'heure! Je suppliai alors
mon ami de ne plus prier pour moi, tellement j'avais les
côtes endolories!
Le lendemain, je rencontrai brièvement John Wimber et
lui dis que mes côtes me faisaient encore mal! Il raconta
mon expérience à tous les participants de la conférence et
43
ajouta que j'étais le premier "saint rieur" baptiste qu'il
eût connu.»65

Le ministère de délivrance
A l'instar de nombreux non-charismatiques, Wimber estime
qu'il est de son devoir de chasser les démons qui ont élu
domicile chez des chrétiens ou des non-chrétiens. Il ne con-
sidère plus la rencontre avec les démons et la lutte contre
eux comme une chose exceptionnelle car, d'après lui, de tels
conflits sont inévitables dès lors que «le royaume de Dieu
affronte le royaume de Satan».
Le premier exorcisme pratiqué par Wimber remonte à
1978. Cette nuit-là, un jeune homme désespéré l'avait sup-
plié de venir au secours de Mélinda, son amie, qui se débat-
tait avec une rare violence et émettait des sons proches de
grognements bestiaux:
«La jeune fille (ou plutôt ce qui habitait la jeune fille)
parla: "Je te connais" furent les premiers mots qui
m'assaillirent - émis par une voix rauque, à vous dresser
les cheveux sur la tête - "et tu ne sais pas ce que tu dois
faire."
"Tu as raison", pensai-je.
Alors le démon dit au travers de Mélinda: "Tu ne peux
rien faire d'elle. Elle m'appartient."
"Tu as tort", pensai-je.
C'est alors que commencèrent dix heures de combat spi-
rituel, où j'ai invoqué les armées célestes pour vaincre
Satan. Pendant tout ce temps, il me fallut supporter des
odeurs fétides, des yeux révulsés, une transpiration abon-
dante, des blasphèmes et une activité physique sauvage...
J'étais horrifié et très effrayé.
Pourtant, j'ai refusé d'abandonner la partie.
Je pense qu'en fin de compte, le démon est parti parce
44
que j'avais réussi à l'épuiser, et non parce que j'avais
quelque aptitude à chasser des esprits mauvais. Depuis
lors, j'ai beaucoup appris sur ce genre de rencontre. Si
j'avais su à l'époque ce que je sais maintenant, je suis
certain que l'épisode n'aurait pas duré plus d'une heure...
La rencontre avec des démons m'est devenue une expéri-
ence courante.»66
Wimber enseigne que les chrétiens qui tombent et vivent
dans le péché peuvent, eux aussi, être assujettis à des
démons. C'est pourquoi le ministère de délivrance occupe
une place importante dans chacune de ses conférences.
«Mais les chrétiens peuvent être atteints et même con-
trôlés par des esprits mauvais s'ils persistent à vivre dans
une situation de péché grave non confessé... Le Nouveau
Testament enseigne que si des chrétiens vivent dans le
péché, ils risquent d'être livrés entre les mains de Satan...
Les chrétiens peuvent aussi être démonisés quand des
démons héréditaires (qui sont transmis de parents à
enfants) ou des démons qu'ils attrappent en cours de rou-
te par d'autres moyens ne sont pas chassés de leur vie.»67
D'après Wimber, le chrétien soumis à des puissances démo-
niaques peut soit procéder à une «auto-délivrance»68 en bri-
sant le lien tout seul, sans le secours de la prière des autres,
soit demander la «délivrance fraternelle» ou la «délivrance
pastorale».

«Viens, Esprit Saint!»


Wimber ne donne pas au «baptême de l'Esprit» la même
signification que les pentecôtistes ou les charismatiques qui
l'assimilent à une «deuxième expérience» associée au parler
en langues. Il préfère, quant à lui, insister sur la «plénitude
du Saint-Esprit»; en revanche, il défend certaines idées cri-
45
tiquées en partie par les charismatiques mais qui revêtent
une grande importance pour ses réunions de guérison et de
délivrance.
En général, la conférence ou le sermon de Wimber ou de
ses collaborateurs est suivi d'une partie pratique, introduite
par la supplique: «Viens, Esprit Saint!» Après un certain
temps de silence, le Saint-Esprit révèle - suivant le thème du
séminaire ou de la conférence - les possessions démonia-
ques, les maladies, les blessures psychiques, etc. Le «Saint-
Esprit» est donc invoqué comme une puissance extérieure à
nous qui doit signaler sa venue ou sa présence au milieu de
l'auditoire par certaines réactions.
«Une bonne vue spirituelle rend capable de reconnaître
Dieu et de travailler avec lui dans le processus de guéri-
son. Pendant que nous écoutons la voix de Dieu et prions
pour les malades, l'Esprit Saint vient sur eux. Alors se
produisent, dans la personne pour laquelle on prie, des
phénomènes émotionnels et physiques qui nous indiquent
que l'Esprit est présent.
Certains de ces phénomènes sont manifestes: pleurs, cris,
expression de louanges prolongées et exubérantes, trem-
blements, calme, contorsions et distorsions du corps,
chute à la renverse (appelée parfois "terrassement par
l'Esprit"), rires et sauts.»69

Communication des «dons» par imposition


des mains
Wimber est convaincu qu'aujourd'hui encore, les dons spiri-
tuels et la puissance de l'Esprit peuvent se transmettre par
imposition des mains. Il s'appuie sur les exemples de Moïse
et d'Elie qui ont transmis à d'autres leur «puissance». Carol,
sa femme, décrit ainsi la première expérience de John Wim-
ber dans ce domaine:
46
«John se demandait comment il pourrait aider les autres à
faire l'expérience de la présence et de la force de Dieu,
comme lui-même la vivait de plus en plus intensément.
Nous n'avions pas encore découvert que ce que Dieu
nous donne, nous pouvons le transmettre à d'autres par
l'imposition des mains.
Puisque Moïse et Elie avaient agi de la sorte, nous savi-
ons que c'était possible, mais nous n'avions pas appliqué
ce principe à notre situation. Alors, Dieu s'adressa à
John. Il devait oindre d'autres personnes pour le ministè-
re. Un dimanche matin, à la fin du culte, John pria tous
ceux qui soupiraient après davantage de puissance pour
accomplir leur service, de bien vouloir s'avancer. Il leur
fit ôter leurs chaussures et les oignit d'huile, conformé-
ment à ce qui est écrit dans le Lévitique - sur le lobe de
l'oreille droite, sur le pouce droit et sur le gros orteil du
pied droit (c'est ainsi que Moïse avait consacré Aaron et
ses fils pour le sacerdoce). John leur imposa les mains
pour leur transmettre le don de guérison. Au début, il était
quelque peu fébrile mais il savait pertinemment que Dieu
lui avait ordonné de procéder ainsi. Puis il invita tous les
malades à s'avancer. Les personnes sur lesquelles il
venait juste d'imposer les mains furent chargées de prier
pour les malades. Ce qui arriva nous remplit d'étonne-
ment: beaucoup furent guéris.»70

Il raconte lui-même que pendant un certain temps, il avait


été réticent à transmettre ses dons par imposition des mains,
ce qui lui valut quelques expériences négatives:
«Je me souviens de la première fois où Dieu m'a donné le
don spirituel de la parole de connaissance - des faits et
informations qui ne peuvent être connus que de manière
surnaturelle et qui se rapportent à des situations, person-
nes ou choses précises. Je pouvais révéler les secrets du
coeur de tel ou tel. C'était un don agréable à posséder, et

47
puisque personne d'autre ne pouvait l'exercer dans
l'Eglise, des sentiments d'orgueil jaillirent en moi.
Alors Dieu me montra qu'il fallait que je transmette ce
don; c'est-à-dire qu'il fallait que j'impose les mains à
d'autres et prie pour qu'ils reçoivent ce don eux aussi. Je
n'avais qu'à prier: "Seigneur, veuille donner à cette per-
sonne des paroles de connaissance" et la plupart rece-
vaient des paroles de connaissance. Mais Satan com-
mença à me chuchoter à l'oreille que si je continuais à
distribuer ce don, je le perdrais. Aussi, je me suis arrêté
de prier pour que d'autres reçoivent le don... et pendant
les quatre mois qui suivirent, je ne reçus aucune parole de
connaissance. A la fin, je suis allé trouver quelques amis
et je leur ai demandé de prier pour moi, et j'ai à nouveau
reçu des paroles de connaissance.»71

Wimber ne croit pas que tout chrétien ait reçu un ou plu-


sieurs dons; pour lui, les dons du Saint-Esprit sont accordés
seulement dans des situations particulières:
«Nombre de personnes enseignent que chaque chrétien a
un ou deux dons en sa possession. Les chrétiens sont
encouragés à "découvrir leur don", ce qui implique que peu
nombreux sont ceux qui sont appelés à des ministères com-
me celui de la guérison divine. Je crois que cet enseigne-
ment - tout chrétien ne possède que deux ou trois dons et
ne peut fonctionner qu'avec ces dons - est faux...»72
L'étude de 1 Co 12 conduit Wimber à affirmer que les dons
ne sont pas accordés en premier lieu aux membres individu-
els mais au corps tout entier, de sorte que «tous peuvent...
faire l'expérience de chacun des dons».
«Ainsi, il y a une distribution spécifique des dons aux
individus qui survient à l'occasion de besoins spécifi-
ques. C'est-à-dire que les dons sont donnés dans une
4S
situation précise pour être employés par l'individu pour
la bénédiction des autres. Ce qui veut dire que tout chré-
tien peut prier pour les malades... L'Esprit Saint apparaît
au milieu du peuple, revêtant les chrétiens de dons pour
répondre à des besoins spécifiques. Les dons de guérison
viennent souvent aux chrétiens de cette manière.»73
«Lorsque je parle de l'Esprit avec les évangéliques, je
leur demande s'ils ont reçu l'Esprit quand ils sont nés de
nouveau. S'ils répondent affirmativement (ce qu'ils
devraient), je leur dis que tout ce qu'il leur reste à faire,
c'est d'actualiser ce que l'Esprit possède, tout ce qui leur
est demandé, c'est de libérer les dons. Je pose alors les
mains sur eux en disant: "Soyez remplis de l'Esprit" - et
ils le sont.»74
A cet égard, il est intéressant de citer l'extrait suivant d'un
article publié par Siegfried Grossmann, longtemps respon-
sable du mouvement «L'appel» et du groupe de travail baptis-
te «Charismes et Eglise». L'article est intitulé: «L'évangé-
lisation dans la puissance de l'Esprit. Impressions recueillies
au congrès de John Wimber à Francfort.» L'auteur fait part
de ses impressions et de ses observations à propos du trans-
fert des dons:
«Je partage l'idée que nous devrions davantage prendre
au sérieux les dons du Saint-Esprit et que nous devrions
prier pour leur éclosion. Ce congrès nous en a donné
l'occasion. Mais pourquoi a-t-on laissé entendre ensuite
que tout chrétien possédait en principe chacun des dons,
et que, si ce n'était pas le cas, il lui suffisait de prier pour
les recevoir?
Pour bien faire comprendre cet aspect du problème,
j'évoquerai plus en détails ce qui a été dit lors d'une con-
férence tenue un matin par McClure:
49
L'orateur invite tous ceux qui veulent confesser leurs
péchés à s'avancer, de sorte que le Saint-Esprit puisse
venir sur eux. Quelques centaines de personnes se diri-
gent vers l'avant de la salle. McClure déclare: "Le Sei-
gneur est fier de toi et t'accordera des succès remarqua-
bles." Suit une prière pour que le Saint-Esprit descende
sur tous et que se produisent des signes et des miracles.
L'ambiance est calme et recueillie, l'auditoire est dans
l'attente. McClure exhorte tous ceux qui aspirent au don
d'évangélisation à lever la main. "Recevez le don
d'évangélisation!" Suit une prière en langue, signe que
l'Esprit est en train de répandre ce don... A la fin de la
réunion, le conférencier offre au public l'occasion de
demander le don de guérison. Plus de la moitié des per-
sonnes présentes expriment leur désir de posséder ce don.
Me Clure confirme l'exaucement de cette prière. Il con-
clut: "Je vous le dis, en lieu et place de Christ: guérissez
les malades, chassez les démons, annoncez l'évangile.
Recevez ce don de la part de Christ." Puis l'orateur rend
grâces à Christ d'avoir exaucé cette prière, et l'assistance
répond par des applaudissements nourris. Pendant le par-
tage des sujets de prière, principalement lors de la prière
pour recevoir le don de guérison, il s'était formé de petits
groupes dans lesquels les participants se bénissaient
mutuellement par imposition des mains; certains tom-
baient à la renverse, d'autres étaient secoués de rires...

Le vendredi soir, John Wimber exhorte tous les pasteurs,


tous les responsables d'église et de groupes de maison à
s'avancer. Il déclare avoir le don particulier de communi-
quer la puissance aux leaders spirituels. "Je ne sais pas
pourquoi, mais cela aide." Puis il prie plusieurs fois:
"Viens, Esprit Saint!" De temps en temps, le silence de la
salle est déchiré par des cris souvent prolongés; ici et là se
manifeste une certaine agitation parce que quelqu'un est
tombé; ailleurs, des personnes sont prises d'un rire irrésis-

50
tible. Wimber tranquillise: "Ne vous effrayez pas, c'est le
Saint-Esprit qui agit."... Le dernier soir, John Wimber
entraîne la plus grande partie de l'assemblée à s'égayer, à
faire l'expérience du "saint rire" - selon sa propre expres-
sion -, puis à donner libre cours à son exubérance et
finalement à danser. Pour ma part, cette réunion, comme
la plupart des autres lors de ce congrès, me laissa avec un
sentiment mitigé... Cela me gênait qu'on identifie cet
événement psychique, aux accents d'auto-suggestion
populaire, à une «descente» du Saint-Esprit. Dans ce
cadre, il est facile de faire de la manipulation des foules...
et des charismes!»75

51
Paul Yonggi Cho -
Pasteur de la «plus grande église
du monde», à Séoul (Corée)
Contrairement à C.P. Wagner et J. Wimber, P. Yonggi Cho
ne peut pas être considéré comme un des fondateurs de la
troisième vague. Mais, par l'extraordinaire croissance de son
église, par ses livres et ses conférences, Cho a exercé une
influence considérable sur le mouvement de pentecôte, sur
le mouvement charismatique et sur la troisième vague. C.P.
Wagner présente Cho comme «son ami de longue date»76 et
l'invite chaque année pour donner des exposés à la «Fuller
School of World Mission», à Pasadena. De nombreuses
théories de P. Yonggi Cho ont été reprises par les dirigeants
de la troisième vague.
P. Yonggi Cho, pasteur de 1'«église Yoido du Plein Evan-
gile» qui comptait plus de 700 000 membres en 1989, est
issu d'une famille bouddhiste.
A 18 ans, il tomba malade et on diagnostiqua une tuber-
culose au stade terminal. On ne lui donnait plus que 3 ou 4
mois à vivre. Sur son lit de mort, il reçut la visite d'une jeune
chrétienne qui l'exhorta à lire le Nouveau Testament, suite à
quoi il se convertit.
Il se remit de sa maladie, put quitter le lit six mois plus
tard, et ne connut jamais de rechute dans ce domaine. Y. Cho
se rattacha ensuite à une église pentecôtiste, à Busau. Après
avoir suivi les cours d'une école biblique, il fonda une église
dans la périphérie de Séoul, puis à Séoul même. C'est la
croissance extraordinaire de cette église qui a fait connaître
Cho dans tous les milieux chrétiens.
Beaucoup de spécialistes qui étudient la croissance de
l'église, voient, dans la vie de prière intense de cette com-
munauté, le secret de son prodigieux développement. Cho
déclare que, chaque année, environ 300 000 membres de son
52
église gravissent la «colline de la prière» afin d'y prier avec
ferveur pour différents sujets.
«Environ 60% s'y rendent pour demander le baptême du
Saint-Esprit et le don du parler en langues. Le deuxième
groupe, par ordre d'importance, y cherche la solution à
des problèmes familiaux, et le troisième va y prier pour la
guérison.»77
Dans sa vie personnelle, Cho attache une grande importance
au parler en langues:
«Je prie aussi beaucoup en langues. Le parler en langues
est la langue du Saint-Esprit et, lorsque je parle en lan-
gues, j'expérimente sa présence dans mon subconscient.
Dans ma vie de prière, je consacre plus de 60% de mon
temps à prier en langues. Je prie en langues en dormant.
A mon réveil, je prie en langues. Je prie en langues quand
j'étudie la Bible et encore dans mon culte personnel. Si je
devais perdre le don du parler en langues, je crois que
mon ministère serait amputé environ de moitié. Pendant
tout le temps où je prie en langues, je retiens le Saint-
Esprit dans mon subconscient... La prière en langues
m'aide donc à rester en contact permanent avec le Saint-
Esprit.»78
Entretemps, Y. Cho est devenu un conférencier très deman-
dé dans de nombreux pays et ses livres ont été traduits en
plusieurs langues. Fondateur du CGI (Church Growth Inter-
national), il est une personnalité influente, non seulement
dans les milieux pentecôtistes et charismatiques, mais aussi
dans le mouvement de croissance de l'Eglise.
Son église et le «World Mission Center» qu'il a fondé,
sont le but de nombreux voyages d'études de groupes chré-
tiens qui s'intéressent à la croissance de l'église.
Les sermons et les ouvrages de Cho abordent surtout
53
quelques thèmes particuliers qui caractérisent son ministère
et qui sont considérés comme le secret de son succès:
- la pensée positive, la motivation, le succès,
- la visualisation (rêves et visions) et la «quatrième dimen-
sion»,
- le pouvoir créateur de la parole exprimée.
Ses prédications et ses expériences prouvent que Cho parta-
ge des points de vue très proches de ceux de Wimber et
d'autres leaders de la troisième vague. Je vais d'abord tenter
de dégager, à partir de ses écrits, ce que Cho enseigne, sans
porter de jugement de valeur.

1. Pensée positive. Motivation positive


Les exposés de Cho sur la réussite et le bien-être rappellent
très fortement les prédications de Robert Schuller, sans dou-
te le plus connu des télé-évangélistes contemporains. Ses
sermons sont retransmis chaque dimanche sur plus de 200
chaînes de télévision. Mieux que quiconque, Schuller a su
propager la philosophie de la pensée positive parmi les
évangéliques.
Voici comment Schuller interprète la croix, le péché et le
renoncement à soi:
«Il est urgent de repenser l'interprétation traditionnelle
des paroles de Christ, que nous devons nous charger de
notre croix... La prédication de la pensée du possible,
c'est l'annonce positive de la croix!... Jésus-Christ était le
plus grand penseur du possible que le monde ait jamais
porté. Osons-nous l'imiter?»79
«Je ne pense pas qu'il y ait eu quoi que ce soit d'accompli
au nom de Christ ou sous la bannière du christianisme,
54
qui ait été prouvé plus destructeur de la personnalité
humaine et qui ait donc eu autant d'effets contraires aux
efforts d'évangélisation, que la stratégie souvent brutale,
grossière et peu chrétienne visant à essayer de rendre les
gens conscients de leur condition de pécheurs perdus.»80
Schuller, convaincu que Christ « a souffert la croix pour
sanctifier son estime de soi, qu'il a porté la croix pour sanc-
tifier l'estime de soi, et que la croix sanctifiera la glorifica-
tion de soi-même»81, compte parmi les prédicateurs qui ont
enthousiasmé, et sans doute façonné, Yonggi Cho.
«Aux Etats-Unis, le Dr Robert Schuller jouit d'une très
grande audience à travers tout le pays. En voici la raison:
il prêche toujours "l'attitude mentale positive", grâce à
laquelle il fait germer dans le coeur de ses auditeurs la
foi, l'amour et l'espérance. Quand je me trouve le diman-
che matin dans un hôtel aux Etats-Unis et que je désire
suivre un office religieux télévisé, je me branche toujours
sur l'émission "L'heure de la puissance" du Dr Schuller
car j'ai l'assurance qu'il remplira mon coeur de foi,
d'amour et d'espérance. Sa prédication m'édifie. J'ai
écouté d'autres prédicateurs et des messages d'évangélis-
tes bien connus mais, dès que je les entends, je préfère
éteindre la télé. Ils ne font que condamner les gens; je me
sens alors si déprimé que je n'ai même plus envie de
prier.»82

On comprend donc sans peine pourquoi R. Schuller a écrit la


préface du livre de Cho «La quatrième dimension». Voilà
deux hommes qui se sont rencontrés et qui ont compris com-
ment, de manière différente mais tout aussi efficace, faire
passer un message à l'homme. Les extraits suivants des
ouvrages de Yonggi Cho montrent à l'évidence qu'il partage
les mêmes conceptions que Robert Schuller et Norman Vin-
cent Peale:

55
«L'Esprit ne cessait de me répéter: "Tu es un enfant du
roi, tu es une personne importante. Continue de te com-
porter comme la personne importante que tu es."»83
«"Cela ne peut pas se produire ici. Le terrain est trop
dur." Ces déclarations négatives doivent, une fois pour
toutes, disparaître de notre vocabulaire. Remplaçons-les
par la manière de parler du Saint-Esprit, et habituons nos
gens à penser en termes de réussite.»84
«Pour amener les autres à cultiver la confiance en soi,
nous devons nous-mêmes nous habituer à penser en ter-
mes de succès, et l'exprimer non seulement par nos paro-
les mais aussi par notre façon de vivre. Beaucoup d'égli-
ses stagnent du fait que leurs pasteurs n'ont pas une ima-
ge particulièrement positive d'eux-mêmes. Or, un
sentiment juste et sain de sa propre valeur est indispen-
sable pour assumer une fonction de direction. Il faut
rechercher l'absence ou la déformation d'une bonne ima-
ge de soi parmi les causes suivantes: une présentation peu
attrayante de sa personne, une formation intellectuelle
insuffisante, une discipline qui laisse à désirer, une origi-
ne modeste, un pouvoir limité et une santé déficiente. On
pourrait compléter cette liste, mais ces exemples sont
caractéristiques des excuses avancées par les personnes
qui n'ont pas une opinion favorable d'elles-mêmes.» 85

«Quelle était la clé du succès de notre entreprise? Nous


avons appris à nos membres comment se servir de la puis-
sance de leur quatrième dimension. Ils visualisent leur
réussite. La pensée négative ne nous intéresse pas. Ayant
cultivé une façon de penser positivement, nous parlons
positivement.»86
Bien que Yonggi Cho mène une vie simple - il faut le souli-
gner à son honneur - et qu'il dise: «Tout ce que j'ai en plus,
56
je le donne à notre Mission internationale»87, il prêche néan-
moins l'évangile de la prospérité:
«Je crois que c'est la volonté de Dieu que nous vivions
dans le bien-être spirituel, physique et financier.»88
«La pauvreté est une malédiction de Satan. Dieu voudrait
que tout son peuple connaisse la réussite et qu'il soit bien-
portant, physiquement comme spirituellement (3 Jn 1,2)»89.
«Pour ce qui est de ma propre expérience, la première
chose que je fais chaque matin, au moment où j'aborde
une nouvelle journée sans visage ni consistance, c'est de
lui donner un nom et de définir sa nature; je dessine ainsi
son visage. J'aime à dire: "Père, je te remercie de me don-
ner cette nouvelle journée. Journée nouvelle, que ton nom
soit "succès". Aujourd'hui, depuis le clair matin
jusqu'aux heures sombres du soir, tu serviras à mon
succès et à mon efficacité." Assurément, cette "créa-
tion" - le jour nouveau - sera alors au service d'une réus-
site profonde et de grande ampleur.»90

La visualisation 1l'« incubation », les


visions et les rêves)
Norman Vincent Peale, l'un des pères de la pensée positive,
définit la visualisation comme «la pensée positive poussée à
un stade plus avancé»91.
Dans l'occultisme, dans les religions païennes et par-
tiellement aussi en psychologie, on définit et on pratique la
visualisation comme un «moyen de matérialiser les choses
par la construction d'images mentales fortes». On enseigne
que «les images mentales peuvent être améliorées et embel-
lies de manière progressive, jusqu'à ce qu'elles agissent sur
la réalité, au point de se matérialiser effectivement!»92
57
La théorie est simple et apparemment plausible: les scien-
ces affirment, ajuste titre, que la matière peut se transformer
en énergie. De là, les défenseurs de la visualisation pensent
que l'inverse est vrai aussi et, par conséquent, que «l'énergie
doit pouvoir se transformer en matière. Le mental est de
l'énergie. La pensée est de l'énergie»; il doit donc être possi-
ble de matérialiser des choses grâce à certaines techniques
mentales ou à une imagination créatrice.
Dans la traduction des ouvrages de Yonggi Cho, le con-
cept de «visualisation» est aussi rendu par «incubation»,
dans le sens de «période pendant laquelle ... une création se
prépare sourdement» (définition du Petit Robert). Y. Cho
parle encore de «visions et de rêves», de «développement du
subconscient», de «représentations intenses». Cho déclare
que la découverte de la puissance de l'imagination créatrice,
en rapport avec la quatrième dimension, lui a été donnée par
une révélation spéciale de Dieu.
Lorsqu'il était encore bouddhiste, Cho connaissait les
guérisons par le yoga et la méditation, et savait que lors de
rencontres de «Sokagakkaï» japonais, des sourds, des
aveugles et des muets étaient guéris. La constatation que,
contrairement à ce qui se passait dans les religions orienta-
les, aucun miracle ne se produisait dans les églises chrétien-
nes,fitnaître en lui une grande perplexité:
«J'ai été un temps quelque peu troublé par le fait que la
plupart des chrétiens n'avaient pas l'air d'attacher une
grande importance aux miracles de Dieu. Ils disaient:
"Mais comment pouvons-nous croire en la grandeur
absolue de Dieu? Comment pouvons-nous appeler le
Dieu Jéhovah l'unique créateur qui habite les cieux?
Nous voyons aussi des miracles dans le bouddhisme,
dans le yoga et dans le Sokagakkaï. Nous voyons de nom-
breux miracles dans les religions orientales. Pourquoi
devrions-nous prétendre que le Dieu Jéhovah est le seul
créateur de l'univers?"... J'ai donc décidé de présenter
5S
leurs questions à Dieu dans la prière... C'est alors qu'une
révélation glorieuse m'a été donnée, et j'ai reçu une
explication claire. Depuis ce jour, j'ai entrepris d'expli-
quer ces choses à mon église en Corée...
Dieu a ensuite parlé à mon coeur: "Mon fils, comme la se-
conde dimension contient et contrôle la première, et la troi-
sième contient et contrôle la seconde, ainsi la quatrième
dimension contient et contrôle la troisième, produisant par
là-même une création ordonnée et belle. L'esprit est cette
quatrième dimension. Tout être humain est un être à la fois
spirituel et physique. Il possède dans son coeur la quatriè-
me dimension aussi bien que la troisième.»93
«Le rêve, ou la vision, constitue le support qu'utilise
l'Esprit Saint dans le but de construire quelque chose
pour nous. La Bible déclare: "Quand il n'y a pas de
révélation, le peuple est sans frein" (Pr 29:18). Sans vi-
sion, on n'aboutit à rien.
Les rêves et les visions constituent les matériaux avec
lesquels le Saint-Esprit va travailler. Je dis toujours que
les rêves et les visions sont le langage du Saint-Esprit. Si
l'on ne parle pas cette langue, il ne peut y avoir aucun
fruit. Le Saint-Esprit veut dialoguer avec nous mais il ne
peut le faire sans nos rêves et nos visions. Dans la Bible,
quand Dieu voulait agir de manière particulière en faveur
de quelqu'un, il le lui faisait d'abord savoir par le moyen
de rêves ou de visions.»94
Cette découverte entraîne les conséquences suivantes:
«Ainsi donc, en explorant la sphère spirituelle de la qua-
trième dimension, par le développement des visions et
des rêves qui se concentrent dans leur imagination, les
hommes peuvent couver et incuber la troisième dimen-
sion, l'influencer et la transformer. C'est ce que le Saint-
Esprit m'a enseigné.»95
59
«Si Dieu vous a accordé une vision, vous devez appren-
dre à consacrer du temps pour la "couver". Vous devez
littéralement porter en vous cette représentation, comme
une femme enceinte porte son bébé, quoi que les autres
puissent penser.
Les visions et les rêves constituent l'élément central de
ma philosophie chrétienne, autour duquel gravitent tous
les principes mis en oeuvre pour la croissance de l'église.
De par le monde entier, j'ai vu de nombreux exemples où
la pratique des recommandations sur les visions et les
rêves a effectivement élargi les capacités de visualisation
d'une personne.»96
Dans son souci d'étayer sa «philosophie chrétienne» avec
des arguments bibliques, Y. Cho déclare:
«Dans la Genèse, l'Esprit du Seigneur couvait et planait
au-dessus des eaux. Il était comme la poule qui couve ses
oeufs et amène au jour les poussins»97.
«Le Père lui a répondu: "Tes enfants seront aussi nom-
breux que ces étoiles." Abraham a certainement été bou-
leversé... En regardant les étoiles, il ne pouvait voir que les
visages de ses enfants. Soudain, il a cru les entendre tous
l'appeler: "Père Abraham!"... Il n'a pas pu dormir quand
il a fermé les yeux car les étoiles devenaient le visage de
ses enfants et s'écriaient ensemble: "Père Abraham!"
Ces images lui sont souvent revenues à l'esprit et sont
devenues ses propres rêves. Elles faisaient désormais par-
tie intégrante de sa quatrième dimension, dans un langage
fait de visions et de rêves spirituels. Ces visions et ces
rêves ont commencé à dominer son corps, âgé de cent
ans, et l'ont peu à peu transformé en un corps plus jeu-
ne.... Une vision et un rêve ont changé Abraham, non
seulement quant à son esprit mais également quant à son
corps.»98

60
«La quatrième dimension agit de telle manière en Abra-
ham qu'elle rendit cet homme centenaire capable de
procréer de façon naturelle. Cela fut possible parce que
les lois qui régissent la quatrième dimension s'exercent à
fortiori dans l'univers physique à trois dimensions.»99
Cho voit d'autres exemples de ce principe dans la vie de
Jacob (lors de la multiplication de ses troupeaux), dans les
rêves de Joseph, dans la construction du Tabernacle dont
Moïse avait eu une «vision», dans l'histoire des prophètes et
dans celle de Pierre. A en croire Yonggi Cho, cet apôtre
serait devenu «Pierre», c'est-à-dire «Roc» parce qu'il en
avait la vision dans son coeur. Par contre - toujours selon
Cho -, Isaac a mené une vie banale et terne parce qu'il ne
rêvait pas.

Expériences de «visualisation» dans la vie courante


Pour bien montrer l'importance que revêt la quatrième
dimension et l'«incubation» dans l'enseignement de Cho, je
vais rapporter quelques exemples tirés de ses ouvrages. Les
lecteurs quelque peu au courant de la «pensée positive»
admettront sans peine que l'histoire suivante pourrait figurer
dans le bestseller de Napoléon Hill, «Think and Grow Rich»
(Pensez à la richesse et devenez riche).
Un jour, un boulanger vint trouver Cho et le supplia
d'intercéder pour lui car, en dépit de tous ses efforts, il était
au bord de la faillite. Cho raconte:
«Après avoir prié pour lui, je lui exposai le principe des
visions et des rêves. Je lui dis: "Monsieur Ho, retournez
dans votre boulangerie. Imaginez que votre commerce
redevienne florissant. Commencez à compter l'argent
dans la caisse vide. Voyez la clientèle qui s'étire en une
queue interminable devant votre magasin!"
... Environ deux mois plus tard, Monsieur Ho revint me
voir, le visage radieux. "Dr Cho, vous aviez raison. Je
n'ai pas tout de suite compris ce que vous m'aviez dit.
Honnêtement, j'ai considéré vos propos comme des paro-
les insensées. Mais vous êtes un homme de Dieu, et je
crois qu'il faut faire ce que dit le pasteur. Aujourd'hui,
ma femme et moi venons vous remettre un chèque pour
l'église." Je regardai le montant inscrit: plus de mille
dollars! C'était la dîme du boulanger.»100
L'histoire suivante se passe en Allemagne. Après une con-
férence de Cho, deux prédicateurs s'approchèrent de lui
dans l'espoir de recevoir une Volkswagen par son moyen. Il
leur conseilla:
«..."Pourquoi ne couvez-vous pas dès maintenant l'idée
d'une telle voiture?" "Comment faire?" me demandèrent-
ils, étonnés. "L'incubation est un processus important de
la prière. Si vous ne faites qu'espérer, vous ne pourrez
jamais incuber... Commencez donc à incuber. Ouvrez
votre agenda à des pages encore vierges. Représentez-
vous exactement la voiture que vous désirez. Combien de
places doit-elle avoir? Quelle sera sa couleur?"
"Elle est verte et offre quatre places", me répondirent-ils.
"Bien. Ecrivez ces indications. Fermez les yeux et repré-
sentez-vous cette voiture. Commencez à envisager toutes
les solutions pour réunir la somme nécessaire à son achat.
Accrochez une image de la voiture souhaitée au mur de
votre chambre à coucher. Avant de vous endormir, lisez
la feuille sur laquelle vous avez indiqué les caractéris-
tiques du véhicule... Imaginez que vous montez dedans,
que vous mettez la clé de contact... Dites-vous ensuite:
«C'est mon auto.» Remerciez Dieu pour cette voiture et
croyez fermement que vous la possédez . L'espoir seul ne
permet pas de donner corps à une idée, mais si votre foi
62
couve une représentation que Dieu vous a donnée, elle la
transforme en une réalité."»101
Quelques mois plus tard, les deux prédicateurs possédaient
la Volkswagen en question. A cette occasion, Cho déclara:
«Nous devons appliquer le principe de l'incubation et
transformer ainsi l'embryon conçu dans la pensée en un
miracle bien réel.»102
Voici une autre histoire rapportée par Cho. Il s'agissait
d'une femme qui priait depuis des années - en vain - pour
trouver un mari. Cho lui demanda de consigner par écrit les
caractéristiques du mari rêvé: nationalité, taille, corpulence,
profession, violon d'Ingres, etc. Après que la jeune femme
lui eut lu les indications portées sur sa feuille, Cho lui dit:
«"Fermez les yeux. Vous pouvez imaginer votre mari,
maintenant?
- Oui, je le vois très clairement.
- Très bien. Nous allons passer commande maintenant.
Voyez-vous, tant que vous ne voyez pas clairement votre
mari dans votre imagination, vous ne pouvez pas en pas-
ser commande. Car Dieu ne va jamais pouvoir vous
répondre..."
Puis j'ai ajouté:
"Ma soeur, emportez cette feuille de papier avec vous,
s'il vous plaît, et collez-la sur votre miroir. Chaque soir,
avant de vous mettre au lit, relisez cette liste à voix haute
et, chaque matin, en vous levant, faites de même. Puis
louez le Seigneur pour la réponse à votre prière."»103
Un an plus tard, cette soeur épousa l'homme de ses rêves. Le
jour des noces, la mère de la mariée lut, devant les invités, la
fameuse feuille avec ses dix points, puis elle la déchira.

63
3. La puissance créatrice de la parole exprimée
Cho part de la théorie suivante que lui inculqua un neuro-
chriurgien: le siège de la parole, dans le cerveau, règne sur
tous les autres nerfs. Le centre nerveux de la parole a un tel
pouvoir sur tout le corps que le seul fait de parler peut
permettre à une personne de contrôler son corps et de le
manipuler de la manière dont il le désire. Le savant lui
expliqua:
«Si quelqu'un persiste à dire: Je suis très âgé, je suis très
fatigué, je ne peux rien faire, alors, très vite, le centre de
contrôle du langage répond et donne des instructions en
conséquence. Les nerfs répondent: "Oui, nous sommes
vieux. Nous sommes prêts à descendre dans la tombe.
Préparons-nous à nous désintégrer." Celui qui se répète
toujours qu'il est vieux va bientôt mourir.»104
Cette rencontre a profondément marqué Cho, comme il le
reconnaît lui-même:
«Cette conversation a revêtu une grande signification
pour moi et a eu une grande influence sur ma propre vie.
J'ai compris depuis lors qu'il est important d'utiliser la
parole pour créer une vie réussie.»105
Cho prétend cependant que c'est Dieu lui-même qui lui
aurait révélé ce principe. Au début de son ministère, il avait
l'impression de regarder mentalement la télévision. Sur
«l'écran de son esprit», il voyait des tuberculoses guérir, des
tumeurs disparaître, des infirmes jeter leurs béquilles et se
mettre à marcher. Il avait interprété cela comme un obstacle
que Satan dressait sur son chemin. Aussi, chaque fois que ce
phénomène se reproduisait, disait-il: «O toi, esprit d'obsta-
cle, éloigne-toi de moi. Je t'ordonne de partir. Eloigne-toi de
moi.»106
64
«C'est alors que dans mon coeur, j'ai entendu le Seigneur
me dire: "Mon fils, cet obstacle ne vient pas de Satan.
C'est le désir même du Saint-Esprit. C'est la parole de
sagesse et de connaissance. Dieu veut guérir ces gens-là,
mais il ne peut le faire si tu ne parles pas.»107
Après cette «révélation», Cho s'est mis à proclamer la guéri-
son de toutes les maladies qu'il voyait apparaître dans son
esprit. «Pendant que je suis debout, en chaire, le Seigneur
me montre les guérisons qui ont lieu, et je les nomme. Je me
contente de fermer les yeux et de les proclamer. Dès qu'ils
savent qu'ils sont guéris, les gens se lèvent.»108
Ces expériences ont conduit Cho à formuler quelques
exhortations:
«Revendiquez et parlez le langage de l'assurance car vos
paroles sont appelées à créer. Dieu a parlé, et le monde
entier a été créé. Votre parole est la matière dont l'Esprit
se sert pour créer.»109
Mais Cho fait un pas de plus et enseigne que par la puissance
de nos paroles, nous pouvons appeler «la présence de
Christ» et libérer «la puissance de Jésus»:
«Jésus est lié à ce que vous proclamez. Comme vous pou-
vez libérer la puissance de Jésus par le moyen de la paro-
le que vous prononcez, vous pouvez aussi créer la présen-
ce du Christ. Si vous ne proclamez pas clairement la
parole de la foi, le Christ ne peut pas être libéré.»110
«Soyez audacieux. Recevez le don de la hardiesse, puis
proclamez la parole. Proclamez hardiment la parole et
créez la présence de Jésus-Christ. Libérez cette présence
particulière de Jésus-Christ dans votre assemblée, et vous
en verrez les fruits.»111
«Enfin, il convient de souligner que votre parole façonne
65
votre vie car le siège de la parole contrôle tous les nerfs.
C'est pourquoi, le parler dans une autre langue est le
signe initial du baptême dans le Saint-Esprit. Lorsque ce
dernier prend le contrôle du centre du langage, il contrôle
les nerfs et tout le corps. Ainsi donc, lorsque nous parlons
en d'autres langues, nous sommes remplis du Saint-
Esprit... Donnez votre parole au Saint-Esprit afin qu'il
puisse s'en servir pour créer. Puis libérez la présence de
Jésus-Christ par l'intermédiaire de la parole... Rappelez-
vous que le Christ dépend de vous et de votre parole pour
libérer sa présence.»112
Nous devons, en conclusion, fortement souligner que Y.
Cho se réclame beaucoup de «la révélation de Dieu» mais
qu'il ne cite aucun verset pour étayer ses théories.
Afin de ne pas sortir du cadre de cet ouvrage, je renonce à
faire l'examen critique, appuyé sur la Bible, des enseigne-
ments et des pratiques de P. Yonggi Cho. Je renvoie le lec-
teur aux chapitres intitulés «Positives Denken» (La pensée
positive), «Visualisierung» (La visualisation) et «Evangeli-
um und Wohlstand» (Evangile et prospérité) de mon livre
«Spiel mit dem Feuer».
Toutes les déclarations précédentes montrent à l'évidence
que Cho a, de la «foi», une conception radicalement dif-
férente de celle de la Bible. La foi, au sens biblique, est une
ferme assurance dans les déclarations et les promesses divi-
nes. Cho, quant à lui, affirme que la foi est une «force de la
quatrième dimension», une force que l'on peut développer
en soi, grâce au procédé de visualisation, afin de créer des
objets, de les influencer ou de les modifier.
P. Yonggi Cho reconnaît que les bouddhistes et les adep-
tes du yoga utilisent l'énergie de cette «quatrième dimen-
sion». Il maintient cependant que cette énergie est un don de
Dieu. Cho est certainement de bonne foi mais cela n'ôte rien
au fait qu'il participe, malgré lui, à la propagation de pra-
tiques occultes en les revêtant d'un vernis «chrétien». La
66
croissance extraordinaire de son église et les vues justes
qu'il défend dans d'autres domaines, ne doivent pas voiler
nos yeux devant cette triste réalité.
Les théories de P. Yonggi Cho sur la «quatrième dimen-
sion» déforment la foi biblique. C'est pourquoi nous consi-
dérons Cho comme un faux docteur.

67
Reinhard Bonnke:
La «moissonneuse-batteuse de Dieu»
R. Bonnke naquit en 1940 dans la famille d'un prédicateur
pentecôtiste du Schleswig-Holstein. Il se convertit à l'âge de
neuf ans. Un an plus tard, au cours d'une rencontre d'un
groupe de maison, une dame eut une «vision»: elle voyait un
petit garçon qui rompait le pain pour des milliers d'hommes
noirs. Elle se tourna alors vers Reinhard qui se tenait près de
son père, et dit: «C'est ce petit garçon qui était là dans ma
vision.»1
Déjà à l'âge de onze ans, sa décision était prise: il devien-
drait missionnaire en Afrique. Encore jeune adolescent, il vit
dans un rêve une carte d'Afrique où ressortait le nom d'une
ville: Johannesburg. A quinze ans, R. Bonnke fit sa première
expérience des «flots de puissance de Dieu»:
«Pendant une réunion de prière en petit groupe, brusque-
ment les flots de puissance de Dieu m'ont traversé.
C'était comme si j'avais mis les doigts dans une prise
électrique. Dans mon coeur, j'entendis très distinctement
ces paroles: "Lève-toi et impose les mains à la soeur qui
est derrière toi. Elle se trouve dans une grande détresse."
Une panique affreuse s'empara de moi: qu'allait penser
mon père, prédicateur de cette assemblée? Mais le Sei-
gneur renforça les flots que je ressentis encore plus
intensément. Finalement, je me levai d'un bond et impo-
sai les mains à cette femme. Je sentis les flots de puis-
sance sortir de mes mains et passer en elle.»2

En 1959, R. Bonnke entra à l'école biblique de Swansea


(Pays de Galles) qui, à la surprise de ses parents et de son
assemblée, «n'était absolument pas pentecôtiste, mais adop-
tait une position évangélique très conservatrice». Il lui fut
58
pourtant possible de parler en langues, dans la prière, sans
irriter ses professeurs et ses condisciples car «ceux-ci pen-
saient qu'il parlait allemand»3. Dans cette école, on lui
apprit à vivre «par la foi». Tous les besoins des employés et
de l'école étaient présentés dans la prière à Dieu sans que
qui que ce soit d'autre en fût informé. Comme à son habitu-
de, le directeur annonça un jour un exaucement de prière.
Bonnke prononça alors une prière peu ordinaire: "Seigneur,
je voudrais devenir un homme de foi si tu es prêt à me faire
confiance»4.
En 1961, il acheva ses deux ans de formation. Le jour de
son retour en Allemagne, entre deux trains, on le conduisit à
Londres chez George Jefferey. Dans les décennies précéden-
tes, cet homme avait apporté «au peuple britannique le feu
du plein évangile»... «avec de puissants signes et miracles».
Evoquant cette rencontre, Bonnke rapporte: «Il semblait
avoir 90 ans mais n'en avait, en réalité, que 72. "Que dési-
res-tu?" me demanda-t-il. Je me présentai et nous nous
mîmes à parler de l'oeuvre de Dieu. Soudain le grand hom-
me tomba à genoux, m'entraîna à sa suite et se mit à me
bénir. La puissance du Saint-Esprit remplit la pièce et j'eus
le sentiment que, comme l'huile d'Aaron, l'onction coulait,
depuis ma tête jusqu'au bord inférieur de mes vêtements.
Tout étourdi, je me relevai et pris congé. Quatre semaines
plus tard, Jefferey entra dans la gloire. Les choses s'étaient
passées exactement comme avec le prophète Elie»5.
Rentré en Allemagne, R. Bonnke fit ses premières expéri-
ences dans l'évangélisation sous tente et participa à
l'implantation d'une église à Flensburg. Peu après, il épousa
Anni et partit avec elle en Afrique du Sud pour y accomplir
un travail missionnaire, au Lesotho principalement pendant
les premières années.
En 1970, il fit là, entre autres, l'expérience de «la gloire
et de la présence de Dieu» qu'il ne put exprimer en paroles.
Dans une situation de détresse financière, il entendit une
voix lui dire: «Le pot de farine ne se videra pas et la cruche

69
d'huile ne tarira pas.» - «Eh bien d'accord, Seigneur, répon-
dit Bonnke, le pot c'est une chose, et la cruche en est une
autre. Ma tâche sera de verser et Toi, Tu vas te charger de
toujours les remplir.» Depuis lors, ajoute Bonnke, dans
l'accomplissement des tâches que Dieu m'a confiées, je ne
me suis jamais retrouvé dans le rouge. Si parfois j'ai mis un
compte à découvert, j'ai pu ensuite constater que les dons
correspondants au débit avaient été versés entre-temps.6
C'est à peu près à cette époque que se situe aussi la cam-
pagne d'évangélisation où Bonnke fit l'expérience des pre-
mières guérisons. Il avait invité un évangéliste réputé à pren-
dre la parole dans sa tente de 400 places. Mais en pleine pré-
dication, cet «homme de Dieu» abandonna la partie en
demandant à Bonnke de continuer. Et lorsque le lendemain,
Bonnke se mit à prêcher, «la puissance de Dieu» vint sur lui,
sur son traducteur et sur ses auditeurs:
«Je pus à peine continuer à parler. Une voix distincte
pénétra en mon coeur et j'entendis des paroles que je
n'avais jamais entendues auparavant. Le Seigneur dit:
"Mes paroles dans ta bouche ont la même puissance que
mes paroles dans ma bouche."7
Et de nouveau, la voix du Saint-Esprit le pressa: "Appelle
tous ceux qui sont complètement aveugles et prononce la
parole d'autorité..." Il regarda ces pauvres aveugles et,
prenant courage, il déclara: "Je vais maintenant m'adresser
à vous avec l'autorité de Dieu et vous allez voir un homme
blanc dressé devant vous. Vos yeux vont s'ouvrir."»8
Lorsque Bonnke se fut écrié: «Au nom de Jésus-Christ, que
les yeux fermés s'ouvrent!», une femme aveugle depuis qua-
tre ans recouvra la vue et un enfant estropié fut guéri.
Cette expérience amena Bonnke à la conclusion que Dieu
lui avait confié un ministère de dimension supérieure, et il
quitta le Lesotho pour Johannesburg. C'est à cette période
qu'il forgea son «cri de guerre», dénué de tout fondement
70
biblique mais souvent répété: «Nous allons piller l'enfer et
peupler le ciel!»9 Plus tard, il y ajouta encore un complé-
ment: «.. et tondre le diable à ras».
A partir de 1975, le travail missionnaire de Bonnke prit
pour dénomination «Christ pour toutes les nations» (Christ
for ail Nations, CfaN en abrégé).

«Terrassé par l'Esprit-Saint»


En 1976, Bonnke prêcha au Botswana et, à cet effet, il loua
le stade. Il vit alors pour la première fois des gens tomber par
terre. Lorsqu'on lui en demanda l'explication, il répondit:
«Il n'y a pas de miracle lorsque quelqu'un tombe à la renver-
se, mais sûrement un signe - un signe de la présence de
Dieu.»10
A la fin de la campagne d'évangélisation, Bonnke fut
pressé par le «Saint-Esprit»: «Prie pour que les personnes
présentes reçoivent le baptême du Saint-Esprit.» Il demanda
alors à un collaborateur de donner aux auditeurs une étude
biblique sur le baptême de l'Esprit, «mais cela ne servit pas à
grand chose et surtout, cet adjoint oublia complètement un
point très important: il ne dit rien du parler en langues».11
Lorsqu'ensuite, le public fut invité à s'avancer, un millier
de personnes répondirent à l'appel, et voici ce qui se passa
alors:
«A l'instant où ils levèrent leurs mains, ce fut comme si
quelque chose avait explosé au milieu d'eux. Quelques
secondes plus tard, tous ceux qui étaient debout
s'étalèrent de tout leur long sur le sol. Et tous priaient et
louaient Dieu en de nouvelles langues. Emerveillé, Rein-
hard contemplait ce saint désordre. Jamais il n'avait vu
chose pareille.»12

Ce phénomène est typique du ministère de R. Bonnke. En


71
général, lors de ses campagnes d'évangélisation, il consacre
une soirée au thème: «Le baptême d'Esprit et de feu», suite à
quoi il arrive fréquemment que des milliers de personnes
tombent à la renverse en l'espace de quelques secondes,
généralement sur le dos, et se mettent à parler en langues. Ce
«désordre» souvent chaotique de gens étendus en partie les
uns sur les autres, Bonnke le désigne par l'expression «ter-
rassé par l'Esprit» ou «terrassé par la puissance de Dieu».
Lors du «congrès charismatique» qui s'était tenu à Berlin
en 1980, Bonnke raconta:
«Le dernier jour, nous eûmes ce que nous appelions "la
nuit du Saint-Esprit", et je prêchai sur le baptême d'Esprit
et de feu. Quand nous demandâmes qui désirait recevoir
sur-le-champ le baptême du Saint-Esprit, environ 5000
personnes descendirent sur le terrain du stade. A peine eu-
rent-elles élevé les mains qu'elles se mirent à louer Jésus.
Ce fut comme si une bombe explosait. En l'espace de trois
secondes environ, toutes les 5000 personnes étaient al-
longées par terre... En passant au milieu d'elles, tandis
qu'elles se relevaient, j'en entendis des milliers louer le
Seigneur en de nouvelles langues. Le Seigneur dit:
"L'époque de la faucille est révolue, voici celle de la mois-
sonneuse-batteuse!" C'est pourquoi j'attends à présent une
nouvelle tente capable d'accueillir 34 000 personnes. Dieu
nous a déjà donné la moitié de son prix, n'est-ce pas formi-
dable? Je suis sûr que le reste ne tardera pas à venir. Alors,
en Afrique, nous tondrons le diable à ras. Alléluia!»13

Evangélisation de niasse
Après la campagne d'évangélisation à Garborone, Bonnke
eut le sentiment de «devoir évangéliser les masses». Dès
lors, les gros chiffres jouent un rôle important dans ses
comptes-rendus.
72
«Les grands nombres le fascinent. Pas pour lui-même,
cependant, mais pour la cause de Dieu et celle de la mis-
sion que Dieu lui a confiée. 11 déclare: "L'opinion publi-
que ne s'intéresse pas à des photos ne présentant qu'une
poignée de gens. Ce sont les grandes masses qui impres-
sionnent. Le jour où les gens ne viendront plus à nous en
foule, nous devrons commencer à nous poser de sérieuses
questions."»14
En 1976, au cours d'une réunion d'évangélisation sous tente,
une pluie torrentielle s'abattit et des trombes d'eau eurent tôt
fait de traverser la tente; Bonnke cria alors à Dieu: «S'il te
plaît, donne-nous donc un toit correct sur nos têtes.» En un
éclair, la réponse fut donnée à son coeur: «Fais-moi confian-
ce pour une tente de 10 000 places!» Bonnke répondit: «Je te
fais confiance, Seigneur.»15
Deux ans plus tard, la tente arriva en Afrique du Sud où
entre-temps, le nouveau bâtiment administratif avait été éri-
gé à Witfield.
Mais bien vite, cette tente se révéla à son tour trop petite,
et après que Dieu lui «eût dit d'une manière très précise: "Le
temps de la faucille est révolu, voici venu le temps de la
moissonneuse-batteuse"», il exprima le désir d'avoir une
autre tente capable de contenir 34 000 personnes, la tente la
plus vaste du monde.
«Avec cette tente, nous voulons en priorité atteindre
l'Afrique du Sud, mais Dieu a récemment révélé à notre
équipe qu'il voulait aussi l'utiliser sur tout le continent.
"Je vais multiplier la moisson par trois, car le temps est
court. Mais je répandrai aussi une triple onction de
l'Esprit-Saint sur vous."»16
Bonnke crut tout d'abord qu'il pourrait disposer de cette ten-
te pour l'Afrique en 18 mois, mais il dut attendre cinq ans. Il
ne put l'inaugurer qu'en 1984.
73
En 1981, R. Bonnke participa aux «Journées de confession
de Berlin», organisées suite à une vision de V. Spitzer. Il fut
enthousiasmé et rapporta ce qui suit:
«...Il se produit des signes et des miracles, comme au
temps des Actes des apôtres. En Allemagne, un opticien
est venu me voir et m'a dit: "J'aimerais faire un don pour
l'Afrique." Bien sûr, je m'en réjouis vivement car nous
avions un pressant besoin d'argent. Mais il continua:
"J'aimerais vous donner 3 000 paires de lunettes à emme-
ner en Afrique et à distribuer parmi les Noirs démunis."
Des lunettes? Lors de nos campagnes d'évangélisation,
nous ne distribuons pas de lunettes, nous en collectons!
Que de fois n'avons-nous pas vu Dieu ouvrir des yeux
aveugles! Vous voyez le tableau: d'abord nous prions
pour les aveugles, ils sont guéris et ensuite, nous irions
distribuer des lunettes? Cela ne va pas ensemble.»17
(Depuis lors, R. Bonnke porte lui-même des lunettes et a dû
certainement adopter une attitude plus souple à l'égard
d'éventuelles offres de ce genre!)
En 1982, R. Bonnke répondit à l'invitation de Y. Cho à
Séoul pour visiter son église. Bonnke posa «mille questions»
à Cho et «retourna en Afrique du Sud avec une foi plus forte».
«Lorsque j'ai vu ce que Cho fait et comment Dieu le bénit,
j'ai dit: "Seigneur, j'ai attendu beaucoup trop peu de toi"».18
A cette époque, R. Bonnke passait déjà pour être le «Billy
Graham de l'Afrique»; «il a été reconnu dans le monde ent-
ier comme l'une des figures de proue dans le domaine de
l'évangélisation»19, et a reçu des invitations en provenance
de presque tous les pays du monde. Hors des frontières de
l'Afrique, ses campagnes d'évangélisation furent également
accompagnées de «signes et de miracles», et, à Helsinki en
1983, il arriva même qu'un homme «tomba à terre sous la
puissance de Dieu», après avoir tiré sur un pan de la veste de
R. Bonnke.
"4
Il allait donc de soi qu'il se rende, lui aussi, au «Congrès
Billy Graham» organisé à Amsterdam en 1983 à l'intention
des évangélistes.
«Les espoirs de Reinhard étaient immenses. Non seule-
ment parce qu'on lui donna l'occasion de prendre la paro-
le mais aussi parce qu'il comptait y faire la connaissance
d'un maximum d'évangélistes d'Afrique. II voulait ren-
contrer des hommes qui pensaient comme lui, partager sa
vision avec eux, gagner leur confiance et s'assurer leur
collaboration.»20
Là, il eut son premier entretien avec Billy Graham «qui sur-
prit Reinhard par sa bonne connaissance de l'oeuvre
CfaN».21
Cette année-là, il rendit également visite à T.L. Osborn,
évangéliste guérisseur extrémiste bien connu mais rejeté par
la plupart des communautés pentecôtistes.
Osborn, par exemple, fournit à ses collaborateurs des
camionnettes, des projecteurs, des films montrant les
miracles qu'il a opérés, des prédications enregistrées, et les
envoie à travers le monde pour annoncer son message. Ces
voitures ainsi équipées, Osborn les appelle les «moissonneu-
ses-batteuses». Osborn est encore connu pour expédier, con-
tre des dons en argent, des cartes et des foulards «bénis»,
réputés capables de protéger de malheurs ou de maladies.
Voici ce que Karl Hutten écrit à son sujet:
«Osborn a atteint un sommet du mauvais goût lorsqu'en
novembre 1976, il a diffusé un petit carré de bois. Celui-
ci provenait, disait-il, d'une vieille estrade où il s'était
tenu pendant une rencontre et sur laquelle de nombreux
miracles se seraient produits pendant son service de
guérison. Sur cette estrade était resté étendu pendant deux
heures le cadavre d'un auditeur tombé d'un arbre et
ensuite "ressuscité des morts". Comme Dieu lui avait soi-

75
disant révélé que "la puissance qui reposait sur l'estrade
reposait aussi sur chacun des morceaux constituants", il
envoya un petit morceau de cette estrade à tous ceux qui
faisaient des dons, en leur disant: "N'en fais pas cadeau,
ne le perds pas, mais conserve-le précieusement car il
n'est destiné qu'à toi personnellement et ne pourra être
remplacé"! On a comparé les morceaux de bois et on a
constaté qu'ils étaient d'origine différente et ne pouvaient
pas provenir d'un seul et même plancher» (Hutten: Seher,
Griibler, Enthousiasten, p. 370).
Bonnke profita de l'occasion pour «échanger» avec Osborn
«ses espoirs et projets d'avenir» pendant deux heures.
«Les deux hommes se quittèrent dans un esprit d'amour
et de partenariat. Avant de sortir du bureau d'Osborn.
Bonnke demanda au célèbre évangéliste de prier pour lui.
"Non, frère, répondit Osborn, c'est à toi de prier pour
moi." L'Américain était impressionné par son frère
évangéliste allemand et par la grandeur de sa vision pour
l'Afrique».22
Cette même année, Bonnke rencontra aussi Pat Robertson, le
fondateur et directeur de CBN, la plus grande chaîne de
télévision chrétienne américaine (P. Robertson fut d'ailleurs
candidat aux élections présidentielles américaines en 1988).
Robertson «promit à la CfaN une importante somme
d'argent pour 1984 et une autre somme non négligeable fut
remise à l'instant même»23, de sorte que Bonnke put retour-
ner en Afrique avec des dons et des promesses de dons con-
sidérables.
Avec le temps, l'attitude de R. Bonnke à l'égard des
appels de fonds a bien évolué. A la fin des années 70, il con-
cluait une prédication en ces termes: «Nous vivons un
miracle après l'autre. Sans jamais solliciter de crédit, nous
avons pu honorer toutes nos factures. Et les choses n'ont pas
76
changé jusqu'à ce jour. Jamais encore nous n'avons payé un
seul centime d'intérêts. Je ne demande jamais d'argent aux
hommes, je le demande à Dieu.»24 En 1983, il déclarait
encore: «Dieu paie tout ce qu'il commande et la grande tente
n'est pas mon affaire, c'est la sienne.»25 Mais à partir de ce
moment, les appels de fonds directs et indirects se sont faits
de plus en plus précis.
1985: «Le Seigneur m'a montré qu'il va inciter les coeurs
comme nous ne l'avons jamais vu faire, et que l'argent va
bientôt rentrer sous forme de miracles en réponse à la prière.
Le versement de l'argent doit être effectué le 15/1/1986...»
1987: «Mais il nous reste toujours 1,65 millions de DM
de dettes (environ 5,5 millions de F) qui nous oppressent -
moi surtout; il me suffit de penser aux intérêts... Il y a eu des
campagnes d'évangélisation suspendues à un fil...D'avance,
je vous remercie pour toute intercession et toute forme
d'aide concrète, si modeste soit-elle...»26
1988: «Mais nous avons un pressant besoin de soutien
financier accru, si nous voulons maintenir ce rythme. Il nous
faut d'urgence trouver plus de PARTENAIRES ACTIFS!
Des partenaires qui soient prêts à intercéder sérieusement et
à aider financièrement.»27
1989: «...De nombreux destinataires du REPORTAGE
MISSIONNAIRE ne se sont pas manifestés pendant toutes
ces années, ne serait-ce qu'une seule fois. Par ce message, je
leur tends la main: nous avons besoin, entre partenaires,
d'une relation qui engage davantage. Il nous en coûtera
beaucoup de prières communes mais aussi de sacrifices
communs, si nous voulons atteindre le butfixépar Dieu.»28
Depuis lors, bien rares sont les rapports missionnaires ou
les circulaires dans lesquels on ne demande pas, plus ou
moins ouvertement, de l'argent.
C'est le 18 Février 1984 que fut inaugurée la grande
tente. A cette occasion, des visiteurs venus de nombreux
pays firent le voyage. Le culte d'inauguration fut présidé par
N. Bhengu et Paul Schoch. Bonnke apporta le message cen-
77
tral. 5000 personnes répondirent à l'appel lancé pour rece-
voir Jésus comme Sauveur. Mais le 6 mai, à peine onze
semaines après la première mise en service, tandis que R.
Bonnke participait à Calcutta à un congrès des «Hommes
d'affaires du plein évangile», une tempête déchiqueta le toit
de la nouvelle tente dressée au Cap.
«La plus vaste tente d'évangélisation du monde n'existait
plus. A sa place, il ne restait qu'un squelette de mâts,
d'acier et de cordes. Quelques pans du toit de la tente
pendaient encore lamentablement mais la majeure partie
des quelque dix tonnes de bâche avait été balayée par le
vent à travers les rues et les jardins de Valhalla... Cinq
années de travail venaient d'être anéanties en quelques
heures. C'était incroyable.»29
Celui qui était parti «tondre le diable à ras» dut, à son retour
d'Inde, affronter une dure réalité: «les mâts d'acier poin-
taient nus et raides vers le ciel. A côté d'eux, traînaient des
morceaux de toile déchirée qu'on avait roulés et ficelés en
ballots»30. A Calcutta, le 6 mai, jour de la catastrophe,
Bonnke avait encore loué et glorifié le Seigneur «parce que
cela faisait vingt-cinq années, jour pour jour, qu'il était au
service du Seigneur»31 (On arrive à ces 25 ans si on compte
comme «service» les deux années de formation à l'école
biblique). Après la destruction de la tente, Bonnke se posa la
question: «Cette attaque contre la tente, était-elle le cadeau
d'anniversaire du diable?»
Pourtant, à son retour en Afrique du Sud, il déclara coura-
geusement: «Ce n'est qu'un début. Le diable a franchi la li-
mite qui lui était fixée. Dans mon coeur, je sais qu'une chose
formidable se prépare. Notre service est fait de miracles.»32
Dix-huit mois plus tard, la tente put être remontée, Ken-
neth Copeland, un disciple de K. Hagin et propagateur de
1'«Evangile de la prospérité» ayant promis de payer le nou-
veau toit.
78
«La somme nécessaire pour le nouveau toit m'a été
donnée par le célèbre et bien-aimé prédicateur américain,
Kenneth Copeland. Le montant s'élevait à 2,53 millions
de DM exactement»33 (soit plus de 8 millions de F).

Déménagement en Allemagne
En 1985, année «considérée comme la plus traumatisante pour
Reinhard et son équipe», CfaN décida de transférer son bureau
central de Witfield à Francfort (Allemagne) où, à la fin de
l'année, Bonnke put acquérir un terrain avec des bureaux
et des logements. Ce transfert eut pour conséquence la dé-
mission d'un grand nombre de collaborateurs de longue date.

«Congrès de feu» à Harare (Zimbabwe) en 1986


Dès 1983, R. Bonnke s'était rendu à Amsterdam au congrès
des évangélistes, avec le projet d'organiser un «Congrès de
feu» en Afrique et d'y prendre contact avec des évangélistes
africains. En avril 1986, le but était atteint: quelque 4000
délégués du monde entier se réunirent au très moderne palais
des congrès de Harare.
Parmi les orateurs figuraient Loren Cunningham (fonda-
teur de «Jeunesse en Mission»), Kenneth et Gloria Cope-
land, et R. Schuller, l'initiateur de la «pensée positive».
C'est pendant ce congrès que la tente fut réparée et inau-
gurée à nouveau par Kenneth Copeland qui avait pris à sa
charge les frais de la nouvelle toiture. Quant au congrès, il
fut qualifié de «seconde Pentecôte». Voici le compte rendu
enthousiaste de Copeland:
«Nous approchons du plus grand jour de salut de Dieu.
Nous assistons au rachat de tout un continent. A ce CON-
GRES DE FEU, j'ai vécu des moments que je n'avais
79
jamais connus auparavant. L'atmosphère était chargée de
RENOUVEAU, de FOI et d'UNITE, ce qui revigora mon
coeur. Il est indéniable qu'il s'agissait de l'esprit de
renouveau le plus magnifique que j'aie expérimenté jus-
qu'alors.»34
Pendant ce congrès, Dave Newburry prononça une «parole
prophétique sur R. Bonnke, après que celui-ci se fut écroulé
à terre «sous l'onction de l'Esprit». «Il y fut dit qu'une effu-
sion du Saint-Esprit, encore plus grande, allait avoir lieu et
qu'au nom de Jésus, Reinhard allait atteindre des peuples
entiers et se tenir devant des dominateurs et des rois. Il y fut
ajouté que le Seigneur allait rassembler une puissante armée
et envoyer du renfort au ministère de CfaN, et que ce serait
l'époque d'un nouveau mouvement du Saint-Esprit dans le
monde.»35

«Prélude à la plus grande effusion du


Saint-Esprit en Europe» «Le Congrès
de feu» de 1987 à Francfort
Le déménagement à Francfort eut naturellement pour autre
conséquence le fait que les activités de Bonnke ne se con-
centrèrent plus en priorité sur l'Afrique mais inclurent aussi,
de plus en plus, l'Europe. «L'Esprit du Seigneur a claire-
ment dit que notre déménagement à Francfort est lié au plan
de Dieu pour l'Europe.» Il allait donc de soi qu'un «Congrès
de feu» soit également prévu à Francfort. Il eut lieu en 1987.
Voici ce que promirent les invitations:
«Prélude à la grande effusion du Saint-Esprit en Europe...
Dieu va accomplir des signes et des miracles. Une ère
nouvelle s'ouvre pour l'Europe... L'Allemagne, la Suis-
se, l'Autriche, l'Europe entière vont être saisies par la
gloire et la puissance du Saint-Esprit...»
80
R. Bonnke, qui n'a manifestement pas remarqué la sage
mise en garde de Proverbes 27:2, «Qu'un autre te loue, et
non ta bouche, un étranger, et non tes lèvres», n'a pas craint
d'écrire, dans cette invitation, les lignes suivantes:
«Après environ sept années de travail missionnaire local
au ralenti, comme missionnaire en Afrique, j'ai passé par
un revirement spirituel. Des signes et des miracles se sont
produits. Des hommes ont commencé à se convertir en
masse. Un seul culte a vu affluer des centaines de milliers
venus écouter la parole de Dieu. J'ai eu le privilège d'in-
diquer le chemin qui mène à Jésus à des millions d'âmes
précieuses. Oui, lors d'une mission en 1986, j'ai vu envi-
ron 100 000 personnes être baptisées du Saint-Esprit et de
feu. Comment ne pas appeler une intervention aussi majes-
tueuse de Dieu, un SEISME SPIRITUEL!»
Et l'Europe? Je suis convaincu que Dieu a encore de
grands projets pour l'Europe. Il peut, d'un jour à l'autre,
faire de la marée basse une marée haute! L'HEURE EN
EST VENUE! Les flots de la gloire de Dieu vont déferler
sur l'Europe! Personne ne saura ériger une barrière à l'in-
tervention de Dieu. Je vois ce congrès comme un PHARE,
un signal lancé à toute l'Europe. Le Seigneur m'a parlé
d'une manière très concrète et je n'exclus même plus la
mise en service en Europe de notre grande tente africaine.
Nous en aurons sérieusement besoin, une fois la moisson
commencée. Une nouvelle ère spirituelle a commencé
pour l'Europe. Ce feuillet est l'APPEL que Dieu vous
adresse, cher lecteur, à être des nôtres à Francfort...»

Du 5 au 9 août 1987, près de 14000 personnes se réunirent


au Parc des expositions de Francfort. Parmi les orateurs, se
trouvaient Loren Cunningham, Ray Me Cauley, Benny
Hinn. Paul Schoch, Vilson Synan. C'est surtout lors des
réunions du soir que l'atmosphère était survoltée. Musique,
chants en langues, prophéties, guérisons, applaudissements
SI
(comme une offrande) et même danses: «Frères et soeurs,
télévision ou pas, maintenant il faut danser!»
Chaque fois que «l'onction spéciale» était proposée, les
participants se ruaient vers l'avant pour aller en chercher
leur portion par imposition des mains et ensuite tomber à ter-
re, «terrassés par l'Esprit». Benny Hinn n'hésita pas à
proclamer: «Le Saint-Esprit m'a dit que tous ceux sur qui je
soufflerai ce soir recevront l'onction spéciale.» Puis il souf-
fla dans le micro, et par travées, selon la direction dans
laquelle Hinn soufflait, les gens s'écroulaient et une bonne
partie, en se relevant, éclatait d'un rire que Hinn déclara être
«leriredu Saint-Esprit».
Lors des réunions du soir, le message de Bonnke consis-
tait en un amalgame de paroles murmurées et prononcées
d'une voix plaintive puis finalement hurlées, souvent inter-
rompues de «prophéties», de «parler en langues», de «chants
en langues» et d'«alléluias» sonores et marqués d'applaudis-
sements du public.
Le dernier soir, Bonnke invita tous les évangélistes pré-
sents à s'avancer pour une «onction spéciale». Sur ce, la
grande majorité de l'auditoire se pressa vers l'avant pour se
faire imposer les mains en accéléré par Bonnke puis s'écrou-
ler «touchés par la puissance de Dieu».
L'article paru dans le «Kasseler Sonntagsblatt» ne man-
que pas de réalisme:
«Dans un show hypnotique, où pullulaient des chefs
d'oeuvre de mise en scène, Reinhard Bonnke a réussi,
après quelques difficultés initiales (il avait une extinction
de voix), à ensorceler ces 10 000 personnes.»36
A l'opposé, C. Lemke, rédacteur de la revue «Reportage
Missionnaire» de CfaN, propose cette rétrospective:
«Je suis convaincu qu'à Francfort Dieu a mis en oeuvre
une nouvelle tranche précise de son plan de salut. Il y a
82
une convergence de forces. Beaucoup de feux isolés se
rassemblent en vastes incendies qui ne tarderont pas à
produire une tornade de feu. C'est biblique; c'était pro-
mis. Alors, pourquoi ne pas l'accepter?»37

Congrès «Feu sur l'Europe» tenu à Birmingham


(Angleterre) en 1988
Un autre congrès similaire se tint à Birmingham du 19 au 24
juillet 1988. Sur les invitations, Bonnke écrivait:
«...Le moment est venu de frapper le deuxième coup: du
19 au 24 juillet, à Birmingham, en Angleterre, nous atten-
dons entre 30 000 et 40 000 participants. A cet effet, et
par précaution, nous avons déjà loué le stade «Villa
Park», les grandes salles étant trop exiguës. Un sujet de
joie particulier pour moi: le président de l'Alliance
Evangélique de Grande Bretagne, le Rév. Clive Carver,
sera un de nos orateurs. A l'extérieur de la République
fédérale, notre audience de pentecôtistes et de charisma-
tiques est d'une importance considérable. Le feu du
Saint-Esprit touche toute la base du peuple de Dieu et
c'est un motif de grandes réjouissances...
Le Seigneur m'a montré une Europe embrasée de l'éclat
de sa gloire. Ce sera une percée massive. Conclusion:
aucun de tous ceux qui ont soif de renouveau et d'évangé-
lisation dans l'Esprit-Saint ne peut se permettre de ne pas
venir à Birmingham...»38

Certes, les 40 000 participants attendus ne vinrent pas mais,


d'après nos propres données, 19 000 personnes environ assis-
tèrent à la séance de clôture.
Après cette manifestation, le «Reportage Missionnaire»
du CfaN établit la comparaison suivante entre le congrès de
Birmingham et celui de Francfort:

83
«"Feu sur l'Europe" de Francfort a été un souffle mugis-
sant, majestueux, loin d'être timide. La tragique division
du pays en deux n'a pas été passée sous silence. L'écho
dans les médias a été grand et bien plus positif que prévu.
Les églises et les communautés ont dressé l'oreille et sont
impatientes de voir ce que Dieu va entreprendre désormais.
"Feu sor l'Europe" de Birmingham s'est, de même, forte-
ment fait ressentir et entendre. Là aussi on a crié de joie,
on a ri, dansé, mais aussi pleuré de tristesse, sur le péché
et la culpabilité, ou pleuré de joie. Pourtant, tout était plus
doux, plus naturel et même, d'une certaine façon, plus
détendu. Les médias n'y ont pas vu le grand événement.
Mais les chrétiens, originaires de tant d'églises et de com-
munautés - même ceux qui n'étaient pas là - y ont vu un
signe de Dieu. C'est bien là ce qui compte et qui atteindra
l'Europe continentale à son tour!»39

Dans une rétrospective sur l'année 1988, Bonnke écrit:


«Pour mon équipe et moi-même, 1988 fut l'année de ma
vie la plus riche en bénédictions et en fruits. Sans aucune
exagération et avec un coeur humble, je peux affirmer
que nous n'avons encore jamais pu engranger une mois-
son d'âmes aussi imposante pour Jésus-Christ. Des mil-
lions d'hommes ont entendu l'Evangile et ont accueilli
Jésus-Christ comme leur Sauveur et Seigneur personnel.
Des centaines de milliers ont reçu le baptême du Saint-
Esprit et d'innombrables personnes ont fait, dans leur
corps malade, l'expérience de la puissance de guérison de
Jésus. Voilà des signes dont Dieu marque notre temps
mais nous avons de bonnes raisons de croire qu'il s'en
produira encore davantage... Et c'est ce qui m'amène à
parler de la nouvelle année 1989. Le Seigneur nous a fixé
le «programme»: de l'Afrique jusqu'à Singapour et en
Indonésie, de l'Union Soviétique jusqu'aux Etats-Unis,
d'Amérique du Sud jusqu'en Scandinavie!»40
84
Les caractéristiques de la troisième vague chez
R. Bonnke
Comme R. Bonnke enseigne moins qu'il n'évangélise, on ne
peut s'appuyer que sur sa pratique, ses prédications et ses
comptes rendus pour constater les effets de certains ensei-
gnements.
Rêves et visions
Le ministère de Bonnke a toujours été jalonné de rêves, de
visions et d'apparitions. Ses explications, ci-après, à propos
des rêves montrent combien ses vues sont proches de celles
de Yonggi Cho:
«Les rêveurs sont des gens qui transforment le monde.
Josué n'était plus un jeune homme et s'est d'avance
approprié la parole du prophète Joël: "Vos anciens auront
des songes". Des rêves de prises de possession du monde
pour Christ sont la caractéristique des charismatiques.
C'est cette vision qui, à l'origine du mouvement pen-
tecôtiste, amena les gens à rechercher avec insistance la
puissance du Saint-Esprit. C'est aussi dans ce but que
Dieu a accordé la puissance. C'est la troisième étape de la
marche triomphale de Dieu. Acquiers une vision spiritu-
elle de ce que tu veux faire pour Dieu, puis mets-toi au
travail et transpose-la en actes. Par défaut de vision, le
peuple de Dieu se perd.»41

La «quatrième dimension»
Cette doctrine de Yonggi Cho transparaît, elle aussi, dans le
ministère de R. Bonnke:
«Il nous est impossible de servir Dieu sur le terrain de la
seule intelligence humaine. Je m'étonne toujours à pro-
85
pos des gens qui s'imaginent pouvoir expliquer logique-
ment la puissance miraculeuse de Dieu. Comment vou-
lez-vous, par exemple, expliquer logiquement que Jésus
ait marché sur la mer? Tout cela n'a rien à voir avec la
logique mais seulement avec la quatrième dimension,
avec la capacité de Dieu d'opérer des miracles. Là, nous
nous mouvons sur un autre plan, celui de Dieu.»42

La puissance de la parole prononcée


Tout comme Y. Cho, R. Bonnke reçoit des images et des
impressions de guérison qu'il traduit ensuite en paroles:
«Tandis que Reinhard se taisait pour laisser parler son
traducteur, il entendit en son for intérieur des paroles qui
faillirent lui couper le souffle: "Mes paroles dans ta bou-
che ont autant de puissance que mes paroles dans ma pro-
pre bouche". Fiévreusement, il réfléchit, tandis que "la
voix" répétait ces mêmes mots. Puis, comme dans un
film, Reinhard vit la puissance de la parole de Dieu. Dieu
parla et la chose arriva. Jésus avait dit à ses disciples
d'ordonner à la montagne de se jeter dans la mer et elle le
ferait... Le traducteur s'était tu et Reinhard continua à
prêcher. A nouveau la voix du Saint-Esprit le pressa:
"Appelle tous ceux qui sont totalement aveugles et reven-
dique leur guérison au moyen d'une parole d'autorité." Il
avait de la peine à croire ce qu'il entendait au fond de lui-
même, mais n'osait pas désobéir au Saint-Esprit...»43

Le biographe de Bonnke conclut ce récit par ces mots:


«Reinhard était entré dans une nouvelle dimension de son
ministère au service de Jésus. Il avait goûté à du miel pur et
n'allait plus se satisfaire d'aucun ersatz.»44

86
«Prospérité et succès»
L'influence de Y. Cho, les relations suivies avec Kenneth
Copeland, le fameux promoteur de l'évangile de la pros-
périté, la collaboration avec Robert Schuller, les contacts
étroits avec «Paroles de foi» en Allemagne, la coopération
de plus en plus fréquente avec Ray Me Cauley, ces dernières
années, ont laissé des traces dans la vie et dans le ministère
de Bonnke. Me Cauley, ancien culturiste et actuel pasteur de
la communauté Rhema à Randburg en Afrique du Sud, est
un disciple et un ami intime de K. Hagin; il entretient égale-
ment des relations amicales avec K. Copeland. Or, Me Cau-
ley prêche, sans ambiguïté, un évangile de la prospérité; il a,
entre temps, intégré l'équipe des conseillers de CfaN.
A propos de la collaboration de Reinhard Bonnke avec
Ray Me Cauley, leur biographe commun, Ron Steele, écrit:
«Au fur et à mesure que le ministère de Reinhard Bonnke
prenait de l'ampleur, les liens avec Me Cauley se resser-
raient. Ray apporta non seulement son concours au Con-
grès de feu organisé par Bonnke en avril 1986 à Harare
(Zimbabwe), mais il partagea aussi la chaire avec lui en
août de la même année, lors du deuxième Congrès de la
foi à Munich. En 1987, Ray fut invité à participer au Con-
grès de feu de Francfort comme l'un des orateurs princi-
paux, et il y a de bonnes raisons de penser que Ray et
Bonnke lanceront ensemble de grandes actions d'évangé-
lisation ces prochaines années en Europe. Les deux hom-
mes ont pris conscience des signes avant-coureurs d'un
renouveau spirituel en Europe et voient là une nouvelle
moisson arrivée à maturité qu'il faut maintenant récolter
pour le Seigneur Jésus-Christ.»45

87
Transmission de «dons spirituels» par l'imposition
des mains
Tout comme John Wimber, Reinhard Bonnke est persuadé
de pouvoir transmettre des dons spirituels par imposition des
mains. Lors du Congrès de feu de Harare, en 1986, il a
imposé les mains aux délégués, après avoir fait les promes-
ses suivantes:
«Quelque chose de merveilleux va se produire mainte-
nant, et cela ne concernera pas seulement cette campagne
d'évangélisation. Ecoutez la parole de Dieu: vous allez à
présent recevoir une onction de sanctification et vous
sentirez vos mains brûler comme si elles contenaient du
feu. Si, ensuite, vous allez de l'avant et posez vos mains
sur les malades incurables, la puissance de Dieu se
répandra comme du feu à travers eux et ils seront guéris.
Le royaume de Dieu s'en trouvera édifié et les oeuvres de
Satan détruites.»46

Le «don de l'audace»
Au point où nous sommes arrivés, l'esquisse biographique
de Reinhard Bonnke montre que cet homme nourrit de
grands projets et des visions audacieuses. Mais beaucoup de
ses affirmations pourraient laisser croire que les vertus de
prudence et d'humilité ne font pas partie du fruit de l'Esprit
de Dieu:
«L'Afrique tout entière va être sauvée par le sang de
Jésus.»
«Sans crainte d'exagérer, nous osons affirmer qu'en tant
qu'équipe, nous avons vu un pays entier être secoué par
la puissance de Dieu. Quelques centaines de milliers
SS
d'âmes précieuses ont accueilli Jésus-Christ comme
Sauveur.»
«Le Seigneur a promis que des nations entières se tourne-
raient vers le Christ si nous partons à la conquête des pays
situés entre le Cap et le Caire.»
«Je me tenais là et je parlais comme un commandant
investi du Saint-Esprit, comme le porte-parole du Dieu
Tout-Puissant.»
«Dans une certaine mesure et parfois comme dans une
vision, je me vois comme prêtre néo-testamentaire qui
apporte le sang de Jésus aux peuples de ce grand et
magnifique continent.»
«Dieu va réaliser une oeuvre en Europe. Ce continent va
être ébranlé par la puissance de Dieu. Une vague de feu
du Saint-Esprit, une vague de la gloire de Dieu va défer-
ler sur ces pays.»
«Dieu va opérer des signes et des miracles. Un jour nou-
veau se lève sur l'Europe.»
«Dans certaines réunions, nous avons fait cette expérien-
ce unique de voir 70 à 90% des auditeurs se convertir à la
suite de l'appel. Des proportions vraiment gigantesques!»
Bien des affirmations de R. Bonnke ont amené ses propres
collaborateurs à lui demander s'il n'en rajoutait pas un peu.
Il est cependant possible que ces phrases ne soient pas le
résultat d'une folle surestimation de soi-même, mais les
fruits d'une tragique méprise sur soi et d'une terrible illu-
sion: «Mes paroles dans ta bouche ont la même puissance
que mes paroles dans ma propre bouche».
Il est indéniable que Bonnke est animé par la passion
89
d'amener des hommes à Christ. S'il n'y a pas de doute qu'il
a reçu de Dieu un prodigieux talent d'orateur et un don pour
l'évangélisation, en revanche, on ne trouve pas chez lui la
modestie et l'humilité. Le culte de la personnalité que d'au-
tres organisent autour de lui et auquel il ne s'oppose pas, ris-
que de devenir un piège pour lui. Lorsqu'un homme possède
le don d'évangéliste et qu'en plus il maîtrise tous les regis-
tres de la rhétorique, lorsqu'il met en oeuvre, consciemment
ou non, les lois de l'hypnotisme et de la dynamique de grou-
pe, sans négliger la stimulation par la musique et la danse, il
risque grandement de devenir «le séducteur des foules».
Malheureusement, R. Bonnke est pratiquement inaccessible
à la mise en garde: «Ceux qui me critiquent, je m'en balan-
ce», dit-il. En outre, il voit en toute personne qui le critique
«l'ennemi qui sort de son trou et se lance à l'attaque». On
peut donc craindre qu'il ne lui arrive ce qui est arrivé ces
derniers mois à plus d'un évangéliste «rempli de l'Esprit»:
«Jamais encore un saint ne s'est enflé d'orgueil pour la
beauté de ses plumes sans que le Seigneur ne les lui ait
ensuite toutes arrachées, une à une.» (CH. Spurgeon).

90
«L'évangélisation de puissance»
à la lumière de la Bible
Avant de tenter d'apporter une réponse biblique, résumons
brièvement l'enseignement de C. Peter Wagner et de John
Wimber - les prédicateurs les plus connus de «la troisième
vague du Saint-Esprit» - sur les signes et les miracles:
- Les signes et les miracles sont la «carte de visite» du
royaume de Dieu; ils ne sont pas limités à l'époque de
Jésus et des apôtres.1
- Dans quelques cas seulement, on peut attribuer la crois-
sance de l'église à la seule prédication.2
- L'évangélisation de puissance rend sensible la grandeur
de Dieu, triomphe des préjugés et de la résistance des
incroyants, de telle sorte que beaucoup se convertissent.3

Que dit la Bible à ce sujet?


1. Les signes et les miracles sont-ils vraiment
la «carte de visite» du royaume de Dieu?
Indiquons d'abord clairement que les termes «signe» et
«miracle» ne recouvrent pas systématiquement la même réa-
lité. Les miracles ne sont pas toujours des signes, alors que
ces derniers sont toujours des miracles opérés dans un but
précis: celui d'authentifier la personne choisie par Dieu. A
toutes les époques, eurent lieu des miracles divins. En revan-
che, les signes et les dons surnaturels qui les accompa-
gnaient ont toujours été liés à l'inauguration d'une nouvelle
dispensation du salut.

91
Signes et miracles dans l'Ancien Testament
Quand Dieu voulut arracher son peuple à l'esclavage de
l'Egypte et inaugurer ainsi une nouvelle étape dans l'histoire
du salut d'Israël, il accomplit des signes et des miracles afin
d'accréditer l'homme qu'il avait choisi pour conduire le
peuple, à savoir Moïse, «afin qu'ils croient que l'Eternel, le
Dieu de leurs pères, t'est apparu...» (Ex 4:5).
En évoquant le passé, Moïse déclara peu avant sa mort:
«L'Eternel nous fit sortir d'Egypte, à main forte et à bras
étendu, ... avec des signes et des miracles» (Dt 26:8). Ces
signes devaient convaincre Pharaon et son peuple de la gran-
deur et de la puissance de Dieu (Né 9:10; Ps 135:9).
Ces signes étaient donc:
- un jugement contre l'Egypte,
- une confirmation que Dieu avait choisi Moïse pour être le
guide et le prophète dont les paroles devaient susciter la
foi du peuple d'Israël.
Dans l'histoire subséquente, nous ne constatons plus que
quelques miracles isolés opérés par Josué (Jos 10:12-14),
par l'homme de Dieu cité dans 1 Rois 13, par les prophètes
Elie et Elisée et, enfin, dans le livre de Daniel.

Signes et miracles dans le Nouveau Testament


A l'époque néotestamentaire, les signes et les miracles appa-
raissent en relation avec la naissance de Jésus, puis tout au
long de son ministère. Dans l'Evangile selon Jean, les
miracles de Jésus, destinés à accréditer son origine et sa mis-
sion divines, sont souvent appelés «signes». Le ministère
des douze apôtres et des soixante-dix disciples (Luc 10) est
92
également appuyé par des miracles ayant valeur de signes.
Leur ministère, ne concernant qu'Israël, était lié à la procla-
mation du «royaume de Dieu», c'est-à-dire à l'inauguration
d'une nouvelle étape dans l'histoire du salut pour Israël.
Comme les Israélites rejetèrent le témoignage de Jésus et
de ses disciples, et qu'ils crucifièrent le Fils de Dieu, les
apôtres furent chargés d'une nouvelle mission: annoncer
l'évangile, non plus aux Juifs seulement mais aussi à toutes
les nations.
C'était le début d'une nouvelle dispensation, celle de la
grâce et de l'Eglise. Au début, cette nouvelle proclamation
fut, elle aussi, confirmée par des signes et des miracles.
Nous constatons donc qu'à quelques rares exceptions
près, les signes et miracles, nombreux et spectaculaires,
étaient liés à la proclamation d'un nouveau message et, par
conséquent, à une nouvelle phase de l'histoire du salut.
Nous constatons également que, pendant la période apos-
tolique, le nombre des miracles va en diminuant et, à
l'exception de la première lettre aux Corinthiens, les signes
et les miracles ne sont évoqués qu'au passé (Rm 15:19; 2 Co
12:12; He 2:4) ou, comme les oeuvres de l'Antichrist, enco-
re à venir (2 Th 2:9; Ap 13:13-14). Dans Mt 24:24, le Sei-
gneur avait déjà mis en garde contre les faux prophètes qui
«opéreront de grands signes et des prodiges» destinés à au-
thentifier leur message satanique et antichrétien.
Il faut cependant reconnaître que d'un point de vue pré-
cis, les signes et les miracles sont bien la «carte de visite» du
royaume de Dieu, celle qui introduit un nouveau message.
Pourtant, Jean-Baptiste, le précurseur, celui qui annonça
l'imminence du royaume de Dieu, n'a opéré aucun signe ni
aucun miracle (Jn 10:41). C'est le ministère officiel de Jésus
et de ses apôtres qui est accompagné de signes et de
miracles, lesquels constituent la carte de visite de cette irrup-
tion du règne de Dieu. Ils étaient, pour les Juifs, la confirma-
tion irréfutable que Dieu avait bien mandaté le Seigneur
Jésus et ses disciples pour annoncer le salut.

93
Cependant, il faut remarquer qu'après la venue du royau-
me de Dieu, le nombre de signes et de miracles diminue
régulièrement. Quand les apôtres eurent rédigé leurs épîtres
et que le Nouveau Testament fut complet, les miracles ne
furent plus chose commune.
Dans Hébreux 2:3-4 il est dit que l'évangile du salut, reçu
du Seigneur lui-même par les apôtres et annoncé par ces der-
niers, a été confirmé, «Dieu appuyant (au temps passé en
grec!) leur témoignage par des signes, des prodiges, et divers
miracles, et par les dons du Saint-Esprit distribués selon sa
volonté.»
2 Corinthiens 12:12 laisse clairement entendre que «les si-
gnes, les prodiges et les miracles» étaient la marque caracté-
ristique des apôtres; ils étaient donc valables pour leur époque
et confirmaient leur légitimité: c'était leur «carte de visite».
Mais aux Corinthiens, apparemment enthousiasmés par
quelques «super-apôtres», Paul présente une autre «carte de
visite»! A la différence de ces faux apôtres trop sûrs d'eux-
mêmes qui prêchaient déjà une espèce d'«evangélisation de
puissance» et qui, en tout cas, impressionnaient les croyants
par leur esprit dominateur, Paul énumère quelques-uns des
signes de son apostolat, signes qui n'ont rien à voir avec
«l'évangélisation de puissance» ni avec «l'évangile de la
prospérité»: coups, emprisonnement, lapidation, naufrage,
faim, soif, froid, dénuement, etc. (2 Co 11:23-33).
Les références suivantes montrent en outre que, même
dans le livre des Actes des apôtres, la prédication de l'évan-
gile n'était pas toujours accompagnée de signes et de
miracles:
Actes 8:26-40 la conversion d'un haut dignitaire éthiopien
Actes 9:22-30 les premières prédications de Paul
Actes 11:19-21 la prédication des disciples disséminés en
Phénicie, à Chypre et à Antioche, où «un
grand nombre de personnes crurent et se
convertirent au Seigneur».
94
Actes 13:13-52 Paul et Barnabas à Antioche de Pisidie
Actes 17:1-9 Paul et Silas à Thessalonique
Actes 17:10-15 Paul et Silas à Bérée, où «beaucoup devin-
rent croyants».
Actes 17:16-34 Paul à Athènes
Actes 18:1-17 Paul à Corinthe
Actes 18:24-28 Apollos à Ephèse
Actes 22:1 -30 Paul à Jérusalem
Actes 24:1 -27 Paul devant le gouverneur Félix
Actes 26:1 -29 Paul devant Festus et Agrippa
Actes 28:16-31 Paul à Rome
Quand on compare les différents récits, on s'aperçoit que les
prédications accompagnées de signes et de miracles ne pro-
duisaient pas plus de conversions authentiques que les prédi-
cations seules.

2. «La croissance de l'église est rarement le


fait de la seule prédication», vrai ou faux?
Comme nous l'avons déjà fait remarquer, le livre des Actes
montre que de grandes églises sont nées à la suite de prédi-
cations non accompagnées de signes ou de miracles. Un sur-
vol de l'histoire de l'église s'inscrirait en faux contre l'affir-
mation des leaders de la troisième vague.
Les sermons d'évangélistes de renom comme A.H.
Francke, le comte Zinzendorf, John Wesley, George White-
field, CH. Spurgeon, D.L. Moody, et d'autres encore, ser-
mons qui ont eu pour conséquence une croissance extraordi-
naire de l'église, n'étaient pas liés à des miracles spectacu-
laires. L'oeuvre remarquable des Réformateurs s'est faite,
elle aussi, sans signes miraculeux particuliers. Si quelque
chose caractérisa ces grandes missions d'évangélisation, ce
fut bien la résistance des auditeurs. Au début, les tournées de
Whitefield et de Wesley furent «accompagnées» de projec-
95
tions d'oeufs pourris, de chats et de rats morts dans le but de
faire taire ces prédicateurs inspirés.
Un examen objectif de la situation des chrétiens
d'aujourd'hui ne confirme pas du tout les assertions de
Wimber et de Wagner. Dans l'URSS d'hier et l'ex-URSS
d'aujourd'hui, par exemple, de nombreuses églises connais-
sent un développement extraordinaire sans qu'on puisse y
voir les effets d'une quelconque «evangélisation de puis-
sance».
La croissance de l'église en Allemagne ou en France
n'accrédite pas non plus les thèses de la troisième vague,
même si, ici ou là, le développement de certaines églises est
à porter au compte de «l'évangélisation de puissance».

3. L'évangélisation de puissance balaie-t-elle


réellement les préjugés des incroyants?
Cette affirmation de la troisième vague est clairement
démentie par la Bible et par l'histoire de l'Eglise. Les
miracles accomplis par le Seigneur Jésus à Chorazin. à Beth-
saïda et à Capemaùm n'ont pas produit la repentance. C'est
pourquoi ces villes ont été maudites (Mt 11:20-24). Jean
déclare dans son évangile: «Malgré tant de miracles qu'il
avait faits en leur présence, ils ne croyaient pas en lui» (Jn
12:37). La multiplication des pains pour les cinq mille hom-
mes atteste, elle aussi, que ce signe prodigieux n'a pas eu
d'effets durables sur la conscience des bénéficiaires. C'est
ce qui ressort des paroles mêmes du Seigneur: «En vérité, en
vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non parce que vous
avez vu des miracles, mais parce que vous avez mangé des
pains et que vous avez été rassasiés» (Jn 6:26).
A Lystre, la foule avait été témoin de la guérison miracu-
leuse d'un paralysé; fascinée par ce prodige, elle avait voulu
offrir des sacrifices à Paul et à Barnabas. Pourtant, à peine
quelques jours plus tard, elle lapidait ces deux mêmes hom-

96
mes (Ac 14:8-19)! Ni les signes et les miracles opérés en
Egypte ni ceux accomplis pendant la traversée du désert
n'ont changé le coeur des Israélites. Les miracles réalisés par
Elie et Elisée n'ont pas eu plus de succès.
Dans le Nouveau Testament, le récit de Lazare et de
l'homme riche dans la géhenne prouve à l'évidence que mê-
me la résurrection d'un mort ne dissiperait pas les préjugés et
l'incrédulité des hommes: «S'ils n'écoutent pas Moïse et les
prophètes, ils ne se laisseront pas persuader même si quel-
qu'un des morts ressuscitait» (Le 16:31). La résurrection de
Lazare et celle du Seigneur Jésus ont-elles réussi à triompher
du parti pris des docteurs de la Loi et des pharisiens?
A l'origine de tout réveil authentique et durable, on trou-
ve généralement des hommes qui obéissent aux commande-
ments de Dieu et qui prêchent sa Parole clairement et sans
rien lui retrancher. Dans l'Ancien Testament, les réveils
sous Josaphat, Ezéchias, Josias, Esdras et Néhémie, par
exemple, le prouvent indubitablement. De même, les réveils
de ces cinq cents dernières années témoignent que seule
l'annonce intégrale de l'Evangile peut changer les coeurs.
Le principe énoncé dans l'Ecriture reste valable: «Ainsi la
foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend vient de la
parole de Christ» (Rm 10:17).
Certes, il est arrivé dans l'histoire des missions que
l'envoûtement dû aux idoles soit parfois réduit à néant grâce
à un miracle retentissant, ce qui eut pour effet d'accréditer
l'évangile et de faciliter son acceptation. Cela se produit
encore ici et là, lorsque des missionnaires se trouvent dans
certaines situations tout à fait particulières. Mais en général,
la plupart des missionnaires et des pionniers tels que H. Tay-
lor, C.T. Studd, A. Judson, J. Paton et d'autres ont exercé un
ministère béni parmi les païens sans avoir opéré le moindre
signe miraculeux. Dans 1 Co 1:21-23, Paul déclare sans
ambages qu'il a plu à Dieu de ne pas convaincre les hommes
de leurs péchés par le moyen de miracles retentissants ni par
les arguments de la haute philosophie:
97
«Car puisque le monde, avec sa sagesse, n'a point connu
Dieu, il a plu à Dieu dans sa sagesse de sauver les
croyants par la folie de la prédication. Les Juifs deman-
dent des miracles et les Grecs cherchent la sagesse: nous,
nous prêchons Christ crucifié, scandale pour les Juifs et
folie pour les païens, mais puissance de Dieu et sagesse
de Dieu pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grcs.»
(1 Co 1:21-24).
Les signes et les miracles ne balaient pas les préjugés.
«Malgré tant de miracles qu'il avait faits en leur présen-
ce, ils ne croyaient pas en lui» (Jn 12:37).
Jésus proclame «heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont
cru» (Jn 20:29) et prononce une malédiction sur la philoso-
phie qui sous-tend l'évangélisation de puissance:
«Une génération méchante et adultère demande un
miracle; il ne lui sera donné d'autre miracle que celui du
prophète Jonas» (Mt 12:39).
Les récits bibliques montrent bien que les signes et les
miracles ne produisent, chez le public, qu'un engouement
superficiel et passager, capable même de se transformer en
haine si la soif du miraculeux n'est pas aussitôt étanchée, ou
si les spectateurs entendent des paroles qui dévoilent leur
égoïsme ou les mauvais desseins de leurs coeurs.
Malheureusement, les comptes rendus élogieux publiés
par les promoteurs de l'évangélisation de puissance ne font
jamais état des déceptions et de l'endurcissement du coeur
de tous les malades venus aux réunions de guérison avec le
fol espoir de bénéficier d'un miracle et qui, malgré toutes les
paroles de connaissance et les impositions des mains, sont
repartis tout aussi malades et souvent plus amers! Combien
de fois cet aspect de l'évangélisation de puissance n'a-t-il
pas nourri le cynisme et les préjugés des incroyants!
98
Les personnes qui se laissent facilement impressionner
par ces manifestations spectaculaires s'exposent à un très
grand danger: celui d'être fascinées par les signes et les
miracles qu'opéreront les faux prophètes et les antichrists
annoncés pour la fin des temps.
Les trois textes bibliques suivants devraient nous rendre
extrêmement prudents et critiques à l'égard de toutes les
manifestations qui s'appuient sur les signes miraculeux:
«Car il s'élèvera de faux Christ et de faux prophètes; ils
feront de grands prodiges et des miracles, au point de
séduire, s'il était possible, même les élus» (Mt 24:24).
«L'apparition de cet impie se fera, par la puissance de
Satan, avec toutes sortes de miracles, de signes et de pro-
diges mensongers» (2 Th 2:9).
«Elle opérait de grands prodiges, jusqu'à faire descendre du
feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes. Et elle sédui-
sait les habitants de la terre par les prodiges qu'il lui était
donné d'opérer en présence de la bête...» (Ap 13:13-14).

Résumé
1. Comme par le passé, Dieu peut encore, aujourd'hui,
accomplir des miracles selon sa volonté, et généralement
en réponse à la prière humble et persévérante de ses
enfants.
2. Mais l'intervention surnaturelle de Dieu, comme par
exemple la guérison des malades ou l'assistance matériel-
le providentielle, ne saurait être interprétée comme un
signe au sens de Me 16:17 et 20 et de 2 Co 12:12 (les
«marques de l'apôtre»).
99
3. Nous n'avons pas le droit d'adresser à Dieu un ultimatum
pour qu'il opère un miracle, comme c'est souvent le cas -
en vain - dans de nombreuses tentatives de résurrection
de morts; nous ne pouvons que le supplier humblement
de le faire, si c'est conforme à sa volonté.
4. Le contexte général de la Bible et l'histoire de l'Eglise
montrent clairement que les signes miraculeux n'apparti-
ennent pas à toutes les époques. Ils ont été donnés dans
certaines circonstances et au commencement de chaque
nouvelle phase dans l'histoire du salut. C'est pourquoi
l'affirmation, selon laquelle les signes et les miracles
devraient encore accompagner notre evangélisation, doit
être rejetée comme étant non biblique.
5. Les signes et les miracles ne constituent pas le moyen
employé par Dieu pour amener les gens à la foi vivante;
le seul moyen reste la prédication de sa Parole. C'est
pourquoi nous nous en tenons au principe énoncé dans
Rm 10:17.

100
Recapitulation
La troisième vague a l'intention de familiariser les évangéli-
ques non charismatiques avec «l'action du Saint-Esprit en ce
siècle». Le spécialiste David B. Barrett évalue le nombre de
ceux qui, de par le monde, se réclament de la troisième
vague à environ 35 millions (chiffre de 1990). Ce mouve-
ment s'est efforcé de refuser en son sein les «éléments fau-
teurs de divisions», de manière à faire tomber les préjugés à
son encontre. Il en résulte que de nombreux responsables de
ce mouvement cultivent une mentalité que l'on pourrait qua-
lifier de «non seulement... mais aussi», et qui permet, à J.
Wimber, par exemple, de se définir comme un «dispensatio-
naliste», bien qu'il considère les doctrines dispensationa-
listes typiques comme fausses. On évite, du moins chez les
leaders du mouvement de croissance de l'Eglise, d'utiliser
des mots qui détonnent ou de professer des doctrines extré-
mistes, ou bien on les relativise. Néanmoins, des doctrines et
des pratiques plutôt douteuses telles la visualisation, la
pensée positive, etc.. sont reprises, ou en tout cas tolérées,
par des charismatiques ultras chez qui un arrière-plan occul-
te n'est pas toujours exclu.

«Les prophètes arrivent»


A l'intérieur de la troisième vague, on insiste davantage, ces
derniers temps, sur la «prophétie»; il semblerait que les no-
tions de «repos dans l'Esprit», de «guérison intérieure», entre
autres, qui étaient à la mode auparavant, perdent progressi-
vement de leur importance.
En relation avec la «prophétie», les adeptes du mouve-
ment insistent beaucoup sur la «consécration», le «brise-
ment», la «sanctification», attitudes que les évangéliques
101
conservateurs estiment très importantes et qu'ils recher-
chent. Comme toutes sortes d'«affaires» - qui n'avaient
rien à voir avec la sainteté - s'étaient produites parmi les
dirigeants du mouvement charismatique et ceux de la troi-
sième vague (et en cela, ils ne se sont malheureusement
pas distingués des non charismatiques), on ne peut que se
réjouir et être reconnaissant de voir des thèmes comme
celui de la sanctification retrouver une place de choix dans
les objectifs du mouvement.
La constatation faite par C.P. Wagner: «De nombreux
charismatiques luthériens, presbytériens, épiscopaliens et
catholiques ne voient pas l'incompatibilité qui existe entre la
sanctification chrétienne et la consommation de boissons
alcoolisées, le fait de fumer, de danser ou de pratiquer d'au-
tres choses semblables»1 fournit donc «du pain sur la plan-
che» à la nouvelle tendance «prophétique».
On enseigne, dans ce mouvement, qu'à la fin des temps,
Dieu suscitera à nouveau des apôtres et des prophètes pour
purifier et sanctifier l'Eglise. C'est ainsi que sont apparus
des «prophètes» tels que Rick Joyner, Mike Bikle et surtout
Paul Caine, le plus connu.
En décembre 1988, Paul Caine rendit visite à John Wim-
ber pour lui communiquer «une parole du Seigneur». Cette
révélation eut pour effet, dit-on, d'amener John Wimber
et les communautés du Vineyard à procéder à «une purifi-
cation intérieure» et de produire en eux «un éveil spiri-
tuel»2.
Une autre conséquence fut que John Wimber ouvrit de
nouvelles possibilités de service à Paul Caine, ce qui corres-
pondait à l'accomplissement d'une prophétie reçue par ce
dernier des années plus tôt. A cette époque, Dieu aurait mis
Paul Caine de côté «jusqu'à l'apparition d'une nouvelle
génération d'hommes de Dieu»3.
Depuis lors, Paul Caine intervient souvent avec John
Wimber dans de nombreuses conférences tenues en Améri-
que du Nord et en Europe «afin d'encourager les fidèles

102
dans le pays et de préparer et former de nouvelles "outres"
pour le réveil qui va se produire»4.
Comment se présente une «prophétie»? La réponse nous
est donnée dans l'extrait suivant, tiré d'une «parole pro-
phétique» de Rick Joyner:
«Renversez les murs et les barrières qui nous séparent les
uns des autres et de Dieu!
Notre relation avec Jésus doit s'approfondir, de même
que nos relations mutuelles. L'orgueil spirituel et la glori-
fication de l'homme, certaines doctrines et oeuvres de
division seront sévèrement châtiés par Dieu et ne seront
bientôt plus considérés que comme "un feu étranger".
Celui qui continue à pratiquer ces choses sera rejeté de
son ministère avec un grand coup de tonnerre, de telle
sorte que tout le corps de Christ sera saisi d'une pure et
sainte crainte de Dieu...
Une extraordinaire révélation de la foi authentique est
encore à venir... Certains seront appelés à s'engager dans
des domaines que les anges eux-mêmes craignent
d'affronter... En ces jours-là, beaucoup vivront les signes
miraculeux au quotidien. Cela deviendra, pour eux, aussi
«normal» que l'était la manne pour les Israélites, dans le
désert.
Le Seigneur accomplira pour son peuple des miracles
sans précédent, qui surpasseront de loin les prodiges rap-
portés dans la Bible...
Celui qui abandonne tout et se dépouille entièrement, fait
fi de son orgueil personnel, est prêt à perdre sa réputation
et supporte patiemment le rejet et l'incompréhension,
celui-là va bientôt bouleverser le monde avec le message
du Roi.»5

103
De nombreux piétistes réagiraient favorablement à une «pro-
phétie» de ce genre, parce qu'elle exprime le contenu de
l'évangélisation de puissance sous une forme qui est, à pre-
mière vue, humble, spirituelle et taillée sur mesure pour la
mentalité piétiste.
Le danger de telles «prophéties» réside dans l'amalgame
d'affirmations justes et importantes et de déclarations faus-
ses et non bibliques. Rick Joyner a évidemment raison
quand il dit que notre relation avec le Seigneur Jésus doit
s'approfondir!
Les exposés de Wimber, sur la nécessité d'entretenir une
relation intime avec le Seigneur Jésus afin d'être protégé
contre la puissance de Satan, font une forte impression et
sont tout à fait justes. Sans aucun doute, une relation person-
nelle vivante avec le Seigneur Jésus-Christ est absolument
déterminante. Mais la voie que trace Wimber pour y parve-
nir devrait faire dresser l'oreille.
Il prétend que la Bible elle-même ne saurait nous mettre à
l'abri de la puissance de Satan, car celui-ci pourrait déformer
notre compréhension des Ecritures. Wimber dissocie donc la
marche fidèle avec le Seigneur de l'attachement à la Bible!
D'un côté, il souligne l'importance d'une communion per-
sonnelle avec le Seigneur, mais d'un autre côté, il enseigne
que cette communion résulte de l'action du Saint-Esprit,
indépendamment de la Bible.
D'après Wimber, la relation intime avec Jésus n'est pas
quelque chose que Dieu accomplit en nous lorsque nous nous
tournons vers Christ; la communion avec le Seigneur ne peut
pas non plus, toujours selon Wimber, s'établir et s'approfon-
dir seulement par un contact familier avec l'Ecriture. Il s'agi-
rait plutôt d'une relation qui se tisse à partir de révélations
nouvelles de Dieu et s'en nourrit. Wimber enseigne que nous
devons prier pour avoir une plus grande passion pour Jésus et
apprendre à écouter sa voix à n'importe quel moment.
Mais les responsables de ce mouvement deviennent de
faux prophètes lorsqu'ils affirment:
104
- qu'une relation intime avec Jésus peut s'établir grâce à de
«nouvelles révélations» et à des inspirations du Saint-
Esprit, indépendamment de la Parole de Dieu. Cette doc-
trine provoque un glissement du «Jésus de l'Histoire et de
la croix», à un «Jésus de l'intuition»; de plus, elle nous
expose à nous fonder sur le sol mouvant de nos états
d'âme.
En affirmant cela, nous n'exagérons nullement. En effet,
bien que John Wimber et son équipe lisent la Bible, ce sont
leurs expériences subjectives qui sont décisives pour inter-
préter l'Ecriture, et non une réflexion objective.
Le chemin est ainsi ouvert à l'homme pour façonner Dieu à
son image car la voix intérieure est terriblement sujette à
caution. Même Jack Deere, un très proche collaborateur de
Wimber, souligne le fait que la «voix intérieure» pourrait
être inspirée par Satan, ou par autrui, ou simplement prove-
nir de nos propres pensées.
Ils soutiennent encore:
- que «Dieu accomplira pour son peuple des prodiges qui
surpasseront de loin ceux mentionnés dans la Bible»;
- que «l'orgueil spirituel et la glorification de l'homme,
certaines fausses doctrines et les oeuvres de division»
seront bientôt sévèrement châtiés par Dieu;
- qu'«une extraordinaire manifestation de la foi authen-
tique est encore à venir».

105
A ces assertions, le Nouveau Testament oppose ceci:
- L'apparition du grand séducteur de la fin des temps
(l'antichrist) se fera «par la puissance de Satan, avec tou-
tes sortes de miracles, de signes et de prodiges menson-
gers» (2 Th 2:9);
- «Mais les hommes méchants et imposteurs avanceront
toujours plus dans le mal, égarant les autres, et égarés
eux-mêmes» (2 Tm 3:13);
- «Plusieurs faux prophètes s'élèveront et ils séduiront
beaucoup de gens. Et parce que l'iniquité se sera ac-
crue, l'amour du plus grand nombre se refroidira» (Mt
24:11-12).
Les «prophéties» de ce genre risquent de discréditer l'auto-
rité et l'actualité de la Bible et d'ouvrir la voie à cette situa-
tion décrite dans le livre du prophète Jérémie:
«J'ai entendu ce que disent les prophètes qui prophétisent
en mon nom le mensonge, disant: J'ai eu un songe! j'ai eu
un songe! Jusqu'à quand ces prophètes veulent-ils pro-
phétiser le mensonge, prophétiser la tromperie de leur
coeur? Ils pensent faire oublier mon nom à mon peuple
par les songes que chacun d'eux raconte à son prochain,
comme leurs pères ont oublié mon nom pour Baal. Que le
prophète qui a eu un songe raconte ce songe, et que celui
qui a entendu ma parole rapporte fidèlement ma parole.
Pourquoi mêler la paille au froment? dit l'Eternel» (Jé
23:25-28).
Après avoir lu les ouvrages des auteurs de la troisième
vague, assisté, au moins partiellement, à des conférences et
discuté avec plusieurs responsables nationaux de ce mouve-
ment, je suis arrivé aux conclusions suivantes:
106
1. Les thèses de C.P. Wagner et J. Wimber à
propos des «signes et miracles»
et de r«évangélisation de puissance» ne résistent
pas à un examen biblique sérieux.
Les signes et les miracles ne sont pas automatiquement et
dans tous les cas des preuves infaillibles d'approbation divi-
ne. Le Nouveau Testament enseigne clairement que, dans les
derniers temps, de faux apôtres et le faux prophète (l'anti-
christ) opéreront des signes et des miracles afin de séduire
beaucoup de gens. Ces signes visibles influenceront la
«théologie» au point que les hommes ne croiront plus la
parole de Dieu mais s'attacheront aux mensonges (cf. Mt
24:24; 2 Th 2:9; Ap 13:13-14).
Au cours d'entretiens privés. John Wimber a récemment
montré qu'il a pris quelque distance avec ses principales thè-
ses sur l'évangélisation de puissance, telles qu'il les avait
précédemment exposées et propagées dans ses livres et dans
ses conférences.
Mais il a jusqu'ici refusé de faire connaître publiquement
son revirement de pensée, de telle sorte que ses opinions,
bien que désavouées ou relativisées entre temps, continuent
à faire des adeptes.

2. La réalité des faits dément les théories


de Tévangélisation de puissance.
John Wimber qui affirme dans ses ouvrages que Dieu l'a
mandaté pour guérir et l'a investi du pouvoir nécessaire à
l'accomplissement de cette mission, a reconnu entre temps
que très peu de guérisons vérifiables ont marqué ce ministè-
re particulier. Ainsi, dans le cas d'une maladie qu'il est
exclu de guérir par l'effet placebo, le taux de guérison se
situe autour de 0,5% 6 . Cela signifie que de tels malades ont
plus de chances de guérir en suivant un traitement médical

107
classique qu'en comptant sur un hypothétique «miracle»
lors de réunions de guérisons organisées par la troisième
vague.
Les signes et les miracles qui, dit-on, surpassent en nom-
bre et en éclat ceux du livre des Actes des apôtres, en fait
n'existent que sur le papier dans l'évangélisation de puis-
sance.
Il vaudrait mieux reconnaître qu'aujourd'hui, nous
n'avons pas l'autorité des apôtres et encore moins celle du
Seigneur. Faire croire que nous avons cette autorité occa-
sionne beaucoup de dégâts.

3. Un mouvement qui, à côté de la Bible,


considère l'expérience comme source
de révélation, ouvre la voie à des doctrines
et des pratiques démoniaques.
Dans l'histoire du peuple de Dieu, tous les réveils produits
par l'Esprit Saint ont conduit les croyants à ne reconnaître
que la Bible comme autorité suprême et ont suscité l'obéis-
sance de la foi. A l'opposé, presque toutes les fausses doctri-
nes et les hérésies s'appuient sur des révélations autres que
les Ecritures. L'histoire de l'Eglise catholique romaine et
celle de la quasi-totalité des sectes montrent à quelles consé-
quences catastrophiques on aboutit lorsqu'on place à côté de
la Bible et sur le même plan qu'elle, soit la tradition, soit
l'expérience. L'histoire du mouvement charismatique lui-
même fournit de nombreux exemples d'erreurs dans lesquel-
les on tombe quand on se laisse diriger par des visions au
lieu de ne se fier qu'à la seule Parole de Dieu. Les fausses
doctrines de Yonggi Cho et de Kenneth Hagin, que nous
avons en partie examinées dans ce livre, en sont un exemple
frappant.
Si nous interprétons la Bible à travers nos expériences,
nous risquons grandement de nous fourvoyer. Les paroles de
108
Paul à Timothée sont particulièrement appropriées pour la
fin des temps:
«Prêche la parole, insiste en toute occasion, favorable ou
non, reprends, censure, exhorte avec toute douceur et en
instruisant. Car il viendra un temps où les hommes ne
supporteront pas la saine doctrine: mais, ayant la déman-
geaison d'entendre des choses agréables, ils se donneront
une foule de docteurs selon leurs propres désirs, détour-
neront l'oreille de la vérité et se tourneront vers les
fables» (2 Tm 4:2-4).
En pensant probablement à la parole de Jésus: «Heureux
ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru!» (Jn 20:29), William
Hake a déclaré: «Quand Dieu parle, ne te fie pas à tes yeux
s'ils contredisent tes oreilles.»7
C'est précisément ce que les adeptes de l'évangélisation
de puissance refusent de faire. C.P. Wagner va même jusqu'à
dire: «Croire, c'est voir.»8 Lorsque des membres inférieurs
s'allongent, ce que C.P. Wagner croit pouvoir faire, grâce à
un don spécial qu'il aurait reçu, ou que cinq molaires, en
réponse à la prière, se retrouvent subitement plombées avec
une substance «aussi dure que le diamant»9, ainsi que le
racontent Omar Cabrera et Francis McNutt, alors on voit dans
ces miracles la carte de visite du royaume de Dieu et on est
prêt aussi à «gober» ce qu'enseigne Cabrera, à savoir que les
maladies, comme les hommes et les plantes, ont des oreilles
et qu'elles doivent obéir à nos ordres.

4. La troisième vague, en pleine harmonie avec


«Evangélisation 2000», milite en faveur d'une unité
non biblique.
La campagne «Evangélisation 2000» a été lancée par le
rédemptoriste Tom Forrest avec le soutien officiel du pape
109
Jean-Paul II. Elle a pour objectif «de préparer pour le
2000ème anniversaire de Jésus-Christ un monde évangélisé
dans sa grande majorité.»10
Elle poursuit un autre but: offrir en présent au Christ une
chrétienté plus unie. De gros efforts sont déployés dans ce
sens. Des jeunes catholiques sont formés à l'évangélisation
par «Jeunesse en Mission»; de nombreuses conférences de
préparation sont organisées de par le monde, et la revue
«Evangélisation 2000» est largement diffusée en plusieurs
langues.
Entre temps, de nombreux évangéliques connus, sous la
direction de Thomas Wang, ancien directeur du mouvement
de Lausanne, font tous leurs efforts pour atteindre le même
but grâce au mouvement évangélique parallèle «A.D. 2000».
Voilà pourquoi les journaux et revues évangéliques par-
lent toujours plus de la «décennie de l'évangélisation». Ain-
si, dans la revue «Gemeinde-Erneuerung» (Renouveau de
l'Eglise) de janvier 1991, le pasteur anglican Michaël Har-
per écrit:
«Tandis que nous sommes entrés dans la décennie de
l'évangélisation, de partout nous entendons résonner le
message: "Travaillez à l'unité chrétienne". Par amour
pour le monde, nous devons mettre fin aux querelles
intestines et réfléchir ensemble au combat spirituel.
L'unité chrétienne est la condition la plus nécessaire pour
réussir l'évangélisation.»11
Dans le passé, David du Plessis, pasteur pentecôtiste bien
connu, a souvent mis en garde le mouvement charismatique:
«Ce n'est que dans la mesure où le mouvement charisma-
tique est oecuménique qu'il restera charismatique. Le jour
où il perdra son caractère oecuménique, il perdra du même
coup sa puissance charismatique.»12
John Wimber - et avec lui toute la troisième vague - sou-
tient la campagne «Evangélisation 2000»; il n'hésite pas à
110
considérer l'initiative du pape, de faire des dix dernières
années de ce siècle «la décennie de l'évangélisation», com-
me «l'une des plus grandes choses qui se soit faite dans
l'histoire de l'église.» Et Wimber poursuit: «Je suis enthou-
siasmé par cette idée du pape qui a appelé l'église à tendre
vers ce but.»13
La chrétienté de la fin des temps présente de plus en plus
un visage oecuménique-charismatique-catholique. Le déno-
minateur commun n'est plus la devise des réformateurs, fon-
dée sur la Bible: «sola scriptura, sola fide, sola gratia», mais
l'expérience commune. Le slogan du mouvement charisma-
tique: «les dogmes divisent, l'amour unit» semble de plus en
plus apprécié par beaucoup d'évangéliques.

5. De nombreuses pratiques et manifestations


au sein de la troisième vague s'apparentent
dangereusement à des pratiques occultes.
De nombreux dirigeants de ce mouvement reconnaissent
franchement qu'ils puisent à des sources utilisées aussi par
les chamanes et les représentants d'autres religions. C'est
notamment le cas de la doctrine sur la «quatrième dimen-
sion» de P. Yonggi Cho.
Les pratiques telles que «se reposer dans l'Esprit», la
«visualisation», la «parole de connaissance» évoquent très
fortement des expériences qui ont cours dans les milieux
occultes. Si on ajoute le fait que John Wimber, tout en ne
croyant pas personnellement que des guérisons puissent se
faire par Marie, classe néanmoins les miracles de Lourdes
parmi les signes et les miracles du Saint-Esprit14, et que C.P.
Wagner se réclame de Morton T. Kelsey - alors que ce der-
nier est un disciple notoire de C.G. Jung et qu'il communi-
que avec sa défunte mère -, on s'aperçoit que, malgré toute
l'insistance sur les dons de l'Esprit, celui du discernement
des esprits fait cruellement défaut.

111
Celui qui, en dépit des faits précédents, considère la troi-
sième vague comme le plus grand réveil de toute l'histoire
de l'Eglise et parle de «la plus grande et étonnante moisson
d'âmes que l'Histoire ait jamais connue»15, montre bien
qu'il n'a étudié attentivement ni la Bible ni l'histoire des
réveils.
Dans sa préface du nouveau livre de R. Bonnke «Wenn
das Feuer fallt» (Quand le feu tombe), C.P. Wagner écrit:
«Seuls quelques ergoteurs à l'esprit borné osent encore
refuser de reconnaître le mouvement pentecôtiste et le
mouvement charismatique comme une oeuvre authen-
tique du Saint-Esprit, de laquelle tout le corps de Christ
peut et doit apprendre.»16
Mais quiconque a lu les ouvrages de C.P. Wagner sait que
celui-ci porte facilement des jugements à l'emporte-pièce
sans se soucier de la vérité. Il se peut, malgré tout, que ceux
qui ne sont pas d'accord de marcher la main dans la main
avec les adeptes de la troisième vague, soient de plus en plus
minoritaires et tournés en dérision comme des «ergoteurs à
l'esprit borné».
Les informations contenues dans ce livre n'arrêteront cer-
tainement pas la troisième vague! Le déferlement de celle-ci
sapera probablement encore le fondement biblique sous les
pieds de nombreux évangéliques.
Pourtant, j'invite instamment les sympathisants intègres
et sincères de ce mouvement à bien vouloir examiner les
doctrines et les pratiques de la troisième vague à la lumière
de la Bible et dans un esprit de prière. Ensuite ils se décide-
ront, sans aucun doute, pour un christianisme purement bi-
blique.
Je suis convaincu que, partout où des chrétiens reconnais-
sent toute la Parole de Dieu comme seule norme et suprême
autorité en matière de foi et de vie, et recherchent de toutes
leurs forces la gloire du Seigneur, le bien de son peuple et le

112
salut des perdus, Dieu peut susciter, au milieu de l'apostasie
générale, un réveil produit par le Saint-Esprit et portant ses
fruits.

113
L'alternative biblique
Ce qui précède a mis en évidence des égarements au sein de
la chrétienté; hélas, certaines fausses doctrines ont parfois
pour origine l'infidélité et les inconséquences des enfants de
Dieu. L'histoire du peuple d'Israël, dans l'Ancien Testa-
ment, est là pour rappeler que l'infidélité, la désobéissance
et l'idolâtrie entraînaient les défaites, la sécheresse et les épi-
démies. Dans 2 Ch 7:13, Dieu déclare à Salomon:
«Quand je fermerai le ciel et qu'il n'y aura point de pluie,
quand j'ordonnerai aux sauterelles de consumer le pays,
quand j'enverrai la peste parmi mon peuple, si mon peuple sur
qui est invoqué mon nom s'humilie, prie et cherche ma face,
s'il se détourne de ses mauvaises voies, je l'exaucerai des
cieux, je lui pardonnerai son péché et je guérirai son pays.»
Lorsque Dieu châtie ainsi son peuple en empêchant que
poussent les produits de la terre, en livrant aux sauterelles la
nourriture restante et en envoyant la peste, ce terrible fléau,
pour décimer le peuple, il le fait dans le but de ramener les
Israélites à la raison, à l'humilité et à la repentance.
Toute détresse, toute maladie spirituelle au sein du peuple
de Dieu est donc un châtiment de Dieu, qui doit nous pous-
ser à la repentance.
Certains développements doctrinaux au sein du christia-
nisme en général et des «trois vagues» en particulier, de-
vraient nous convaincre de la nécessité de procéder à un
examen personnel, honnête et sérieux. Il est possible que ces
mouvements n'eussent jamais vu le jour, si nous n'avions
pas négligé certaines doctrines importantes du Nouveau
Testament et méprisé les exhortations claires du Seigneur.
Ce fait nous interdit de porter un jugement sur nos frères et
soeurs du mouvement charismatique en nous cantonnant
dans une attitude de propre justice et d'auto-satisfaction.
L'histoire du mouvement pentecôtiste et du mouvement
114
charismatique nous oblige à nous poser quelques questions
que nous ne voulons pas esquiver. Je voudrais, dans les
pages qui suivent, énumérer et commenter brièvement quel-
ques-uns des thèmes bibliques que nous sommes coupables
d'avoir négligés.

L'adoration
Il est malheureux et regrettable que ce soit le mouvement
charismatique qui ait dû attirer l'attention des évangéliques
sur ce qui est, à la fois, une exigence fondamentale de Dieu
et la pièce maîtresse de notre vie spirituelle. Certes, il existe
aussi des milieux dits «non charismatiques» qui accordent
une grande place à l'adoration de Dieu dans leurs cultes.
Mais, même dans ces communautés, on a une fausse idée de
l'adoration; on pense avoir adoré Dieu quand on s'est réuni
une heure dans la semaine pour prier et chanter des can-
tiques abordant plus ou moins le thème de l'adoration.
Le culte, ou service religieux, n'est pas, comme on le pen-
se trop souvent dans les milieux évangéliques, l'occasion pour
Dieu de «nous servir» une prédication. C'est nous qui servons
Dieu, c'est nous qui lui rendons un culte en lui offrant notre
vie, en le louant, en l'adorant et en lui rendant grâces du plus
profond de notre coeur, par nos lèvres et par nos mains.
Dans sa première épître, Pierre nous décrit comme des
prêtres à la fois «royaux» et «consacrés à Dieu», qui exer-
cent donc un double sacerdoce:
1. Notre état de prêtres saints définit notre vocation envers
Dieu. Nous devons lui offrir:
- des sacrifices spirituels (1 P 2:5);
- le fruit de nos lèvres (He 13:15): louange, reconnaissance
adoration;
- le sacrifice de nos corps (Rm 12:1 -2).
115
«Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de
Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint,
agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte rai-
sonnable» (Rm 12:1).
2. Notre rôle de rois-prêtres définit notre mission envers les
hommes:
- l'annonce de l'évangile (1 P 2:9; Rm 15:16);
- la bienfaisance et l'entraide (He 13:16) à l'égard des
nécessiteux;
- l'assistance aux personnes dans la détresse et la solitude
(Je 1:27).
Il est manifeste que nous avons négligé notre premier devoir
envers Dieu et que les milieux charismatiques insistent
beaucoup sur l'adoration, même si ce qu'on appelle géné-
ralement «adoration» est souvent très différent de ce que la
Bible entend par ce mot. L'adoration n'est certainement pas
une ambiance religieuse que l'on crée à coups de «musique
d'adoration», de «danses d'adoration» sous l'animation
d'une «équipe d'adoration»! Adorer véritablement, c'est
reconnaître qui est Dieu; l'adoration jaillit du coeur et de la
façon de vivre de celui qui a pris conscience de la grandeur
et de la splendeur de Dieu.

Les dons de l'Esprit


Les épîtres du Nouveau Testament nous donnent, dans quel-
ques chapitres particuliers, des indications claires sur la si-
gnification et le rôle des dons spirituels (Rm 12:4-8; 1 Co 12
et 14; Ep 4:4-16). Au cours des siècles passés, les Réforma-
teurs et leurs disciples, tels que Spener, Zinzendorf et d'au-
tres, ont toujours insisté sur le «sacerdoce universel des
croyants». Malgré cela, la plupart des communautés évangé-

116
liques ont à leur tête un pasteur ou un prédicateur «con-
sacré» ou laïque qui doit incarner tous les dons spirituels. Y
a-t-il un seul verset biblique qui justifie cette pratique? Les
mouvements des «trois vagues» font une grande place au
thème des dons spirituels. De nombreux ouvrages ont été
écrits pour apprendre aux chrétiens à découvrir leurs dons et
à les développer. Même s'il faut souligner avec raison que
ces mouvements prônent souvent les dons spectaculaires et
négligent les autres, il n'en reste pas moins qu'ils ont remis à
l'honneur la question des charismes, alors que, dans de nom-
breux milieux non charismatiques, ce sujet est généralement
passé sous silence.

Les directives du Saint-Esprit


Dans notre vie quotidienne comme dans nos rassemblements
fraternels, nous devrions être plus ouverts aux directives du
Saint-Esprit. Il faut tenir compte de cette interpellation. La
crainte bien compréhensible des abus et des déviations doc-
trinales, telles que nous les observons dans les rassemble-
ments charismatiques, et la peur de nous trouver dans des
situations imprévisibles ne devraient pas aboutir à des ré-
unions stéréotypées, caractérisées par une liturgie monotone
et desséchante, dans lesquelles on n'accorde aucune place à
l'action spontanée du Saint-Esprit.
Combien nous avons besoin d'avoir des rencontres «cha-
rismatiques» au sens biblique du terme, c'est-à-dire des
réunions dans lesquelles Dieu nous dit réellement ce qu'il a
l'intention de nous faire savoir, selon nos besoins, en se ser-
vant des différents dons accordés à l'église. Pour éviter les
abus occasionnés éventuellement par quelqu'un qui, sous
prétexte d'inspiration spontanée, se met à divaguer, il suffi-
rait que des frères aînés, expérimentés et sages, ayant le don
du «gouvernement» (1 Co 12:28) interviennent pour faire
régner l'ordre et fermer «la bouche... aux vains discoureurs»

117
(Tite 1:10-11). Dans ce domaine aussi, il est très important,
pour une vie communautaire saine, que nous nous laissions
guider par la Parole de Dieu et que nous apprenions à discer-
ner lucidement et bibliquement, les directives de l'Esprit.

Une vie remplie de l'Esprit


La Bible ne parle nulle part d'un «baptême de l'Esprit» com-
me d'une «seconde expérience». En revanche, elle présente
d'autres exhortations importantes:
- «Soyez... remplis de l'Esprit» (Ep 5:18);
- «N'attristez pas le Saint-Esprit de Dieu...» (Ep 4:30);
- «N'éteignez pas l'Esprit» (1 Th 5:19).
Si le sceau du Saint-Esprit est accordé au croyant au moment
où celui-ci croit à l'évangile après l'avoir entendu (Ep 1:13),
la plénitude du Saint-Esprit, elle, dépend de l'obéissance et
de la consécration de l'enfant de Dieu. Le texte d'Actes 4:31
déclare que les chrétiens de Jérusalem ont été remplis du
Saint-Esprit après qu'ils eurent prié; des sept diacres, il est dit
qu'ils devaient être remplis du Saint-Esprit (Ac 6:3). Etienne
l'était (Ac 7:55), ainsi que Barnabas, décrit comme «un hom-
me de bien, plein d'Esprit-Saint et de foi» (Ac 11:24). La plé-
nitude de l'Esprit ne s'acquiert pas par la connaissance théo-
rique de quelques lois spirituelles, ni par l'imposition des
mains. Elle est accordée à celui qui est vraiment consacré, qui
étudie la Bible, prie et marche dans l'obéissance. La plénitu-
de de l'Esprit n'est pas acquise une fois pour toutes; elle est
compromise par l'infidélité, l'indifférence ou la tiédeur. Les
personnages auxquels l'Ecriture rend le témoignage qu'ils
sont remplis de l'Esprit ne se différencient pas des autres par
le parler en langues mais par leur foi et leur puissance spiri-
tuelle pour servir le Seigneur et témoigner de lui. On recon-
naît la plénitude de l'Esprit au fruit de l'Esprit:

118
i
«Mais le fruit de l'Esprit, c'est l'amour, la joie, la paix, la
patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la
maîtrise de soi» (Ga 5:22).
Un chrétien rempli de l'Esprit manifestera, par sa vie, les
caractéristiques du Saint-Esprit:
«Quand le consolateur sera venu, l'Esprit de vérité, il
vous conduira dans toute la vérité; car il ne parlera pas de
lui-même, mais il dira tout ce qu'il aura entendu, et il
vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car il
prendra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera» (Jn
16:13-14).
De nombreux chrétiens, jeunes et moins jeunes, aspirent à
mener une vie dynamique parce que remplie de l'Esprit.
Cette vie leur est apparemment proposée de manière
attrayante par les charismatiques, bien que ces derniers con-
fondent souvent «plénitude de l'Esprit» avec «enthousias-
me». La question posée est de savoir si ces frères charisma-
tiques voient réellement en nous l'action du Saint-Esprit.
Dans ce domaine, nous avons certainement tous à nous frap-
per la poitrine pour notre tiédeur, notre médiocrité et notre
peu de spiritualité. La Bible dans une main et le droit dans
l'autre, nous sommes capables de dévoiler maintes incom-
préhensions et fausses doctrines charismatiques sur le Saint-
Esprit mais toute notre argumentation restera sans effets, si
notre façon de vivre n'offre pas une alternative biblique atti-
rante et convaincante.

119
L'amour envers Jésus-Christ
L'amour pour le Seigneur ne saurait se dissocier de la pléni-
tude de l'Esprit. Un chrétien rempli de l'Esprit au sens bibli-
que du terme ne parle pas beaucoup du Saint-Esprit et enco-
re moins de lui-même; il parle volontiers de Jésus-Christ
qu'il aime et qui remplit sa vie. Comme un jeune homme
amoureux saisit toutes les occasions pour orienter la conver-
sation sur la jeune fille qui remplit son coeur de bonheur et
dont il est épris, de même nous devrions avoir pour le Sei-
gneur un amour qui irradie notre visage. Mais où trouve-t-on
aujourd'hui des chrétiens, de fraîche date ou d'expérience,
qui n'ont pas encore perdu leur «premier amour»? Lequel
d'entre nous, à la question: «M'aimes-tu?» que le Seigneur a
posée à Pierre, pourrait répondre comme l'apôtre:
«Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime»
(Jn 21:17)?
Que de fois nous citons 1 Co 13! Que de sermons nous
avons entendus sur le reproche adressé à l'église d'Ephèse
(Ap 2:4)! Mais combien de fois nous sommes-nous vraiment
et profondément repentis pour notre indifférence à l'égard
de celui qui a sacrifié sa vie pour nous? Il intercède continu-
ellement en notre faveur et recherche l'amour de son épouse
à qui il a tout donné. Celle-ci semble, hélas, porter plus
d'intérêt à d'autres personnes et à d'autres choses qu'à son
céleste époux. Les grandes campagnes d'évangélisation, un
travail social exemplaire et le combat pour maintenir la saine
doctrine ne doivent pas nous faire oublier l'essentiel
qu'attend Christ de son Eglise: un coeur aimant.

L'étude de la Bible
Pour grandir dans une foi saine et avoir l'énergie nécessaire
à nos devoirs de chrétiens, il nous faut aimer profondément
120
la Parole de Dieu et être avide de l'étudier. Malgré tous les
cours dispensés, les séminaires organisés et les sessions
ouvertes à tous dans les écoles et instituts bibliques, recon-
naissons que notre connaissance de la Bible est très, très
limitée. Nous devrions prier ardemment pour que Dieu sus-
cite des hommes remplis de l'Esprit, capables d'expliquer
les Ecritures et d'en dévoiler les incomparables richesses.
Une solide connaissance biblique constitue une digue sûre
contre la marée montante des fausses doctrines et des héré-
sies. Le mouvement charismatique et, malheureusement
aussi, une grande partie des évangéliques, pèchent par le fait
qu'ils tolèrent dans leur sein une théologie libérale et cri-
tique à l'égard de la Bible. On peut donc craindre qu'à la
longue, ne se développe un christianisme qui n'aura plus
grand-chose de commun avec le christianisme néotestamen-
taire mais qui s'identifiera de plus en plus à une «vague reli-
gieuse». Georg Huntemann l'a très bien décrit dans son étu-
de sur Bonhoeffer:

«La "vague religieuse" que nous constatons aujourd'hui


est une religion qui se différencie du sentiment religieux
classique et naïf, en ce sens qu'elle n'est pas innée mais
qu'elle répond à des stimulations. Que deviendraient nos
évangélistes modernes sans marketting et sans leurs tech-
niques de manipulation des sentiments, qui s'appuient
souvent sur un vaste ensemble d'appareils électroniques?...
Le nouveau sentiment religieux, dans la mesure où il se dé-
finit encore comme chrétien, est totalement orienté vers la
valorisation de la vie, vers la réalisation purement person-
nelle de soi et la possibilité d'en jouir; il est totalement
égocentrique... C'est la religion des promesses d'une «vie
puissante» qui peut se concrétiser au point de faire miroi-
ter devant le converti, non seulement la promesse de la
santé mais aussi celles de la prospérité et de la richesse.
Dans cette sorte d'évangélisation, l'être humain est «valo-
risé». Au lieu de produire d'authentiques nouvelles nais-

121
sances, elle insiste sur les événements spectaculaires, qui
restent néanmoins des produits de consommation instan-
tanée et n'ont, par conséquent, qu'une valeur très relative
pour le cours de la vie, ne revêtant aucune signification
pour le monde moderne. La nouvelle vague religieuse con-
sidère la religion comme un produit de consommation. El-
le se révèle comme un moyen de salut égoïste. Que cette
religion n'ait rien, mais vraiment rien de commun avec le
christianisme, ressort du fait que le Nouvel-Age propose,
pour répondre à la demande de ce marché du «besoin reli-
gieux», des religions radicalement différentes, des pra-
tiques orientales de méditation et des mythologies.»1
Pour être préservé d'un tel danger, il faut rester fermement
attaché à l'autorité des Ecritures, les étudier régulièrement et
dans une attitude de prière. Elles seules nous éclaireront sur
toutes les questions de foi et de vie pratique, et nous don-
neront la force nécessaire pour mener une vie conséquente,
centrée sur Dieu et non sur nous-mêmes.

La prière
«Il faut avoir une vie de prière intense.» Tel est le slogan que
nous brandissons tous. En effet, depuis notre plus tendre
enfance, nous savons que la prière est la clé du réveil. Pour-
tant, si quelque chose caractérise notre vie spirituelle per-
sonnelle et communautaire, c'est bien notre pauvreté et nos
lacunes dans ce domaine! C'est par là que devrait commen-
cer notre revirement. Les temps ont beau être difficiles, et
l'ombre de l'antichristianisme a beau se profiler de plus en
plus nettement, chaque fois que des églises reconnaissent
sincèrement leurs manquements et leur responsabilité, Dieu
suscite un réveil car il est fidèle à sa Parole. Si nous nous
abandonnons à lui, nous constaterons qu'il accomplit tou-
jours ses promesses.
122
Style de vie modeste
Si les propagateurs de l'évangile de la prospérité attirent le
regard de l'homme sur lui-même, sur les choses de la terre,
la considération, le succès et la puissance, nous devrions,
quant à nous, prouver par notre mode de vie simple l'hon-
neur de qui nous recherchons et où s'attache notre coeur.
«Car là où est votre trésor, là aussi sera votre coeur» (Le
12:34).
Que la manière dont nous menons notre vie quotidienne
soit un appel à la repentance, silencieux mais incontourna-
ble, cela, même si se multipliaient les voix de ceux qui cri-
tiquent l'absence d'ambition de l'église, qui considèrent cet-
te attitude comme «négative» et qui rêvent de la «domina-
tion du monde».
«Que vos reins soient ceints, et vos lampes allumées. Et
vous, soyez comme des hommes qui attendent que leur
maître revienne des noces...» (Le 12:35-36).

Un mode de vie évangélique


On ne peut nier le fait que de nombreux charismatiques oeu-
vrent sur des champs de mission et s'efforcent d'accomplir
l'ordre missionnaire donné par le Seigneur à ses disciples.
Malgré nos réserves sur certaines des méthodes employées
ou le rejet catégorique de certaines autres, même si nous
déplorons trop souvent l'annonce soit d'un évangile au
rabais, nous devons cependant reconnaître que, dans le mon-
de entier, nos frères et soeurs pentecôtistes et charismatiques
utilisent tous les moyens à leur disposition pour amener des
gens à Jésus-Christ. En ce qui nous concerne, pourquoi som-
mes-nous tellement moins engagés dans ce service impor-
tant? Le travail d'évangélisation est capital pour la santé de
l'église. Quand des personnes du monde viennent à la foi

123
vivante en Jésus-Christ et entrent dans l'église, elles lui
apportent un sang nouveau, bienfaisant à tous points de vue.
Une église dans laquelle s'opèrent de nombreuses conver-
sions est protégée contre le conformisme et contre la sclérose.
Les jeunes croyants qui ne s'attachent pas à une piété tradi-
tionnelle particulière, obligent les aînés à se remettre en ques-
tion et à réfléchir à la forme de leur propre piété. Une église
qui est activement engagée dans l'évangélisation risque
moins de se perdre dans les dédales de la spéculation théolo-
gique. Le travail d'évangélisation l'oblige à coller à la réa-
lité quotidienne et maintient ses membres dans l'humilité.
Cela reste le meilleur rempart contre le perfectionnisme et le
légalisme.
Il ne s'agit pas essentiellement d'organiser de grandes
campagnes d'évangélisation mais de développer, parmi les
membres de l'église, une façon naturelle d'évangéliser ceux
qui vivent dans leur entourage immédiat. Cette evangélisa-
tion par le moyen des contacts personnels est particulière-
ment nécessaire et efficace aujourd'hui.

Un juste équilibre entre la responsabilité


personnelle et la responsabilité communautaire
De tous temps, l'église a été exposée à deux dangers: l'indi-
vidualisme qui conduit aux tensions et aux divisions, et le
cléricalisme qui décharge la majorité de ses responsabilités
au profit d'une minorité de «professionnels». Dans ce
domaine, nous devons apprendre à concilier deux principes,
apparemment contradictoires, et qui sont à l'origine de nom-
breuses divisions.
Le premier est celui de la vocation particulière. Dieu
appelle ses ouvriers, il les forme, les envoie dans sa moisson
et pourvoit à leurs besoins. La pratique courante qui veut que
les missionnaires, les évangélistes, les pionniers et les doc-
teurs en théologie soient généralement envoyés, supervisés

124
et rétribués par une société missionnaire procède de bonnes
intentions et présente de nombreux avantages, mais elle ne
correspond pas à la pratique et à l'enseignement du Nouveau
Testament. Un ouvrier du Seigneur est, avant tout, respon-
sable vis-à-vis du Maître qui l'a envoyé dans son champ. Il
ne doit en aucun cas se rendre dépendant des hommes, ni
pour ce qui est de son service ni pour ce qui est de la maniè-
re dont il l'accomplit. Cela ne signifie pas qu'il échappe à
tout contrôle biblique justifié, sous prétexte qu'il est «libre»
à l'égard des hommes.
Le deuxième principe est celui de la responsabilité de l'é-
glise: celle-ci doit reconnaître ceux que le Seigneur a qualifiés,
elle doit les encourager, les aider à développer harmonieuse-
ment leurs dons, les corriger et les soutenir. L'église peut
avertir et reprendre un ouvrier du Seigneur, elle peut expri-
mer des voeux et faire des recommandations, mais elle ne doit
jamais s'interposer entre le serviteur et son Maître. Elle n'a le
droit et le devoir d'intervenir et de pratiquer la discipline
ecclésiastique, à l'encontre d'un serviteur de Dieu, qu'en cas
de déviation doctrinale ou de grave péché contre la morale.
De son côté, l'ouvrier n'a aucun droit à revendiquer la recon-
naissance de ses dons ou son soutien financier si, pour quel-
que raison que ce soit, celui-ci lui faisait défaut. L'église peut
se ranger derrière un serviteur de Dieu, lui imposer les mains
(Ac 13:3) et s'identifier à lui dans son travail. Mais elle peut
aussi adopter une position d'attente et laisser ainsi au candi-
dat l'occasion de manifester ses aptitudes. Elle peut encore
refuser de reconnaître l'appel d'un frère et, par conséquent,
également refuser de le soutenir, préférant laisser à Dieu le
soin de s'occuper de son serviteur. Il ne faudrait jamais que
des questions financières ou des liens administratifs soient un
obstacle sur le chemin de celui qui veut répondre à l'appel de
Dieu. Inversement, il ne faut pas non plus qu'une église se
sente obligée de soutenir un ouvrier dont la vocation et les ap-
titudes sont sujettes à caution. Il n'est certes pas facile de re-
venir à une pratique plus saine et plus biblique. Cela aurait

125
l'avantage pourtant de nous faire mieux prendre conscience
de notre propre responsabilité, de nous obliger à prier avec
plus de ferveur pour être conduits par Dieu dans notre servi-
ce, et donc de faire ainsi des expériences bénéfiques dans le
domaine de la foi. La plupart des pionniers et des prédicateurs
de réveils ont accompli leur mission non sur l'ordre d'une
société missionnaire ou d'une église mais en obéissance à un
ordre qu'ils avaient clairement reçu de Dieu. C'est pourquoi
ils ont expérimenté des délivrances extraordinaires, ce qui,
hélas, n'est pas notre cas.
Evidemment, lorsque l'église ne lui accorde pas sa confi-
ance, le serviteur de Dieu devrait se demander sérieusement
s'il a réellement reçu un appel du Seigneur et, si tel n'est pas
le cas, accepter avec reconnaissance toute mise en garde.
Quand l'ouvrier et l'église sont dans de bonnes dispositions
spirituelles à l'égard du Seigneur et l'un vis-à-vis de l'autre,
ils travaillent harmonieusement ensemble, et le Seigneur
bénit cette collaboration.
Jim Elliot, un jeune missionnaire assassiné par les Aucas
en 1956, écrivit dans son agenda cette phrase particulière-
ment appropriée à notre contexte:
«Ne te mets pas, vis-à-vis d'autrui ou vis-à-vis d'un grou-
pe, dans une situation telle que ceux-ci pourraient te pres-
crire ta conduite dans des circonstances où tu sais perti-
nemment que seul un examen personnel devant Dieu te
permettrait de prendre une décision sage. Ne permets
jamais à une organisation humaine de te dicter la volonté
de Dieu.»2

Un peu plus tard, il écrivit:


«Il m'a fallu un certain temps avant que j'apprenne à ne
vivre que pour Dieu, à laisser Dieu seul modeler ma con-
science et à ne rien craindre autant que de m'écarter de sa
volonté.»3
126
Que devant ces mouvements et ces tendances au sein du
christianisme Dieu nous accorde la grâce d'être, comme tout
à nouveau, motivés et désireux de discerner sa volonté dans
sa Parole, et d'accomplir cette dernière avec persévérance,
humilité et fidélité.
«Or, à celui qui peut vous préserver de toute chute et
vous faire paraître devant sa gloire irréprochables e
dans l'allégresse, à Dieu seul, notre Sauveur, par Jésus-
Christ notre Seigneur, soient gloire, majesté, force et
puissance, dès avant tous les temps, maintenant, et dans
tous les siècles! Amen!» (Jude 25)

127
Appendice 1 - Ce que la Bible dit
1. Sur le «baptême dans l'Esprit»
Il est important de faire remarquer que l'expression «baptê-
me de (ou dans) l'Esprit» ne se trouve nulle part dans les
Ecritures: celles-ci mentionnent cependant le fait d'être
«baptisé dans l'Esprit» et «baptisé d'Esprit».
Sur les sept mentions de ces mots ainsi associés, quatre sont
de la bouche de Jean-Baptiste:

«Moi, je vous baptise d'eau, pour vous amener à la repen-


tance; mais celui qui vient après moi est plus puissant que
moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers. Lui, il
vous baptisera du Saint-Esprit et de feu» (Mt 3:11; cf. Me
1:8; Le 3:16-17; Jn 1:33).
Les trois autres références sont les suivantes:
«Comme il se trouvait avec eux, il leur recommanda de
ne pas s'éloigner de Jérusalem, mais d'attendre ce que le
Père avait promis, ce que je vous ai annoncé, leur dit-il.
Car Jean a baptisé d'eau, mais vous, dans peu de jours,
vous serez baptisés du Saint-Esprit» (Ac 1:4-5).
«Et je me souvins de cette parole du Seigneur: Jean a bap-
tisé d'eau, mais vous, vous serez baptisés du Saint-
Esprit» (Ac 11:16).
«Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul
Esprit, pour former un seul corps, soit Juifs, soit Grecs,
soit esclaves, soit libres, et nous avons tous été abreuvés
d'un seul Esprit» (1 Co 12:13).
128
Aucun de ces passages ne fait une quelconque allusion à une
«deuxième bénédiction», à une «deuxième expérience» ou à
un «revêtement de puissance» pour le service. Il est probable
que les concepts «baptisé dans l'Esprit» et «rempli de
l'Esprit» ont été confondus, ce qui a entraîné de regrettables
conséquences. Les textes que nous avons cités, ne concer-
nent pas une expérience personnelle que ferait chaque
croyant; ils se réfèrent à un événement unique dans
l'Histoire, annoncé dans les Evangiles et dans Ac 1:4-5, et
évoqué comme accompli dans Ac 11:16 et 1 Co 12:13. Cet
événement n'est autre que la venue du Saint-Esprit le jour de
la Pentecôte, et la naissance au même moment de l'Eglise
néo-testamentaire, composée de personnes «baptisées dans
un seul et même Esprit pour former un seul corps.»
«Quand il est question du baptême dans l'Esprit, il s'agit
toujours de la venue de l'Esprit de Dieu lors de la Pen-
tecôte. C'est à ce moment qu'il a établi sa demeure dans
les croyants rassemblés et les a unis en un corps, le corps
de Christ, le peuple de Dieu. C'est un événement unique
qui ne se répète pas. Aujourd'hui, quiconque croit, reçoit
le Saint-Esprit comme sceau et gage de son salut. Il est
ajouté au corps de Christ, mais le Nouveau Testament ne
présente jamais cette réalité comme un baptême dans
l'Esprit ni comme un baptême d'Esprit.»1
Il est notoire aussi que les défenseurs du «baptême de/dans
l'Esprit» ne mentionnent jamais le deuxième élément des
paroles de Jean-Baptiste: «.. et de feu»! Le feu est une ima-
ge du jugement de Dieu, et le peuple d'Israël, qui a rejeté
son Messie, a été «baptisé de feu» en l'an 70, lors de la con-
quête définitive du pays par les Romains. Prier pour «être
baptisé de feu», c'est en fait demander un jugement sur soi!
Certains auteurs (A. Kuen, A. Seibel, P. Mayer, entre au-
tres) estiment que «le baptême par l'Esprit est l'événement
spirituel qui nous fait naître à la vie d'en-haut et nous intègre
129
au corps de Christ».2 D'autres (Wim Ouweneel, Henk
Medema) voient dans le «baptême d'Esprit» d'abord l'évé-
nement historique rapporté dans Ac 2, mais identifient aussi
ce baptême avec la nouvelle naissance qui fait du nouveau-
né spirituel un membre du corps de Christ.

En résumé:
1. L'expression «baptême de ou dans l'Esprit» n'apparaît
pas dans la Bible.
2. La Parole de Dieu ne parle pas d'une «deuxième expéri-
ence» ou d'une «deuxième bénédiction» qu'elle nomme-
rait «baptême de l'Esprit».
3. Beaucoup d'hommes et de femmes des mouvements de
réveil, des mouvements de guérison et des groupes de vie
communautaire ont connu une expérience spirituelle pro-
fonde après leur conversion, expérience qu'ils qualifient
malheureusement de «deuxième bénédiction» ou de
«baptême de l'Esprit».
4. Quiconque croit au Seigneur Jésus est ajouté au corps de
Christ, il est scellé du Saint-Esprit (Ep 1:13) et son corps
devient le «temple du Saint-Esprit» (1 Co 6:19).
5. Tous les passages bibliques relatifs au baptême dans le
Saint-Esprit concernent la première Pentecôte, ce
moment unique de l'Histoire où les croyants ont été ras-
semblés en un seul corps; depuis lors, ce corps est la
«demeure» ou le «temple» (1 Co 3:16) du Saint-Esprit.

Ouvrages recommandés:
A. Kuen: «Le Saint-Esprit: baptême et plénitude», éditions
130
Emmaùs. (Bien qu'étant en désaccord avec son auteur sur
quelques points, je recommande vivement la lecture de cet
ouvrage.)
John Stott: «Du baptême à la plénitude». Editions Emmanuel.
Ralph Shallis: «Le miracle de l'Esprit», Editions Telos.

2. Le parler en langues
Il faut remarquer d'emblée que dans tous les passages bibli-
ques où il est question de parler en langues, il s'agit de lan-
gues ayant cours et non d'un balbutiement incompréhensible
ou d'une succession de sons inintelligibles. Il est important
de rappeler à ce propos le grand principe biblique qu'«aucun
passage de l'Ecriture ne peut faire l'objet d'une interpréta-
tion personnelle». On ne peut comprendre généralement le
sens d'une expression biblique qu'en examinant où et dans
quel contexte elle intervient pour la première fois. Genèse
11:1-9 montre clairement que la multiplicité des langues est
le résultat d'un jugement divin porté contre l'orgueil de
l'homme. Dans un certain sens, le parler en langues men-
tionné dans le Nouveau Testament annule cette malédiction.
Dans l'Ancien Testament, nous ne trouvons qu'un texte pro-
phétique relatif au parler en langues, et Paul le cite dans 1 Co
14:21-22:

«Eh bien! c'est par des hommes aux lèvres balbutiantes et


au langage barbare que l'Eternel parlera à ce peuple. Il lui
disait: Voici le repos, laissez reposer celui qui est fatigué;
voici le lieu du repos! Mais ils n'ont pas voulu écouter»
(Es 28:11-12).
Le contexte montre à l'évidence que cet «autre langage»
serait celui d'un peuple appelé pour châtier Israël à cause de
l'idolâtrie dans laquelle il est tombé avec ses faux prophètes
131
et ses dirigeants impies. Ainsi, le parler en langues auquel
Esaïë 28 fait allusion n'est qu'un signe du jugement de Dieu
contre le peuple d'Israël.
Un seul passage des Evangiles présente le parler en lan-
gues comme un des signes qui accompagneront les nou-
veaux croyants:
«Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront
cru: en mon nom, ils chasseront des démons, ils parleront
de nouvelles langues... » (Me 16:17).
Le livre des Actes ne mentionne que trois parlers en langues:
«Et ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et se mirent à
parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait
de s'exprimer» (Ac 2:4).
«Tous les fidèles circoncis qui étaient venus avec Pierre
forent étonnés de ce que le don du Saint-Esprit était aussi
répandu sur les païens. Car ils les entendaient parler en
langues et glorifier Dieu» (Ac 10:45-46).
«Sur ces paroles, ils furent baptisés au nom du Seigneur
Jésus. Lorsque Paul leur eut imposé les mains, le Saint-
Esprit vint sur eux, et ils parlaient en langues et prophéti-
saient» (Ac 19:5-6).
Dans les épîtres du Nouveau Testament, seuls les chapitres
12 à 14 de la première lettre aux Corinthiens abordent ce
sujet. Au chapitre 14 en particulier, l'apôtre Paul approfon-
dit la question car les chrétiens charnels de Corinthe avaient
apparemment un penchant très prononcé pour ce don et ils le
pratiquaient largement. Voici ce qu'il leur déclare:
- la prophétie est plus importante que le parler en langues
(v.1-6)
132
- le parler en langues n'a de sens que s'il est interprété et
compris des auditeurs (v.7-19)
- le parler en langues est un signe pour ceux qui ne croient
pas (v.20-22)
- au cours d'une réunion, trois personnes au maximum doi-
vent être autorisées à parler en langues, et leur message
doit impérativement être traduit (v.26-27).

Le parler en langues: un signe pour ceux qui


ne croient pas
Aucun texte biblique ne déclare que le parler en langues soit
un signe permettant d'affirmer que telle personne a été
effectivement baptisée du Saint-Esprit. Au contraire, et Paul
le souligne fortement, le parler en langues est un signe pour
ceux qui ne croient pas, et n'a donc d'intérêt que si l'audi-
toire comporte des étrangers qui pourront ainsi entendre
l'évangile dans leur propre langue, ou des Juifs incrédules
qui eux seront placés devant l'évidence que désormais Dieu
ne s'adresse plus seulement aux Juifs par le moyen des Juifs,
mais qu'il parle à toutes les nations. Pour les Juifs, même
croyants, cette réalité était difficilement acceptable. Pierre
lui-même eut beaucoup de peine à admettre que Dieu ne fai-
sait plus de différence entre les Juifs et les païens. Le parler
en langues constituait le signe extérieur d'une nouvelle étape
dans l'histoire du salut. C'est pourquoi, Marc 16 associe le
parler en langues à l'ordre missionnaire et 1 Co 14:22 en fait
un signe pour ceux qui ne croient pas. Le parler en langues
n'a donc de sens que s'il permet d'annoncer l'évangile à des
populations dont le prédicateur ignore la langue.

Ce que le parler en langues n'est pas


Contrairement à ce que beaucoup prétendent, la Bible n'en-
seigne nulle part que le parler en langues permettrait de

133
mieux adorer Dieu, serait plus efficace pour l'intercession
ou permettrait de puiser des forces insoupçonnées. De telles
affirmations sont absurdes. En effet, d'après les Ecritures,
un don spirituel ne change en rien notre relation avec Dieu
car il est accordé «en vue du bien commun» des saints et
pour l'édification du corps de Christ (1 Co 12:7; 14:4, 26).
S'il n'en était pas ainsi, celui qui ne possède pas ce don
serait défavorisé dans sa relation avec Dieu. Or, dans aucune
épître pastorale - ces lettres qui traitent surtout de la vie spi-
rituelle du croyant et de la communion vécue avec le Sei-
gneur -, il n'est fait mention une seule fois du parler en lan-
gues. Alors, quand on dit que celui qui parle en langues pré-
sente un meilleur «psychogramme», c'est-à-dire un meilleur
tracé psychique, que d'autres chrétiens (je connais aussi le
cas contraire!), cela pourrait tout au plus s'expliquer psychi-
quement, mais pas du tout bibliquement.

En résumé:
1. Aucun passage du Nouveau Testament n'enseigne que le
don du parler en langues soit un signe ou le sceau du
«baptême de l'Esprit».
2. 1 Co 14 envisage le parler en langues comme un signe
pour ceux qui ne croient pas. Désormais, la bonne nou-
velle du salut est accessible aux hommes de toutes na-
tions et de toutes langues; elle n'est plus limitée au seul
peuple d'Israël.
3. Le parler en langues constitue aussi un signe du jugement
de Dieu contre les Juifs incrédules (1 Co 14:21).
4. Aucun texte biblique ne vient étayer les affirmations que
le parler en langues est un moyen de mieux prier, qu'il est
le «langage des anges» ou qu'il permet de puiser à des

134
sources d'énergie spirituelle. La nature et l'oeuvre du
Saint-Esprit qui ne déconnecte jamais notre intelligence
(1 Co 14:19, 20, 32), ainsi que la nature et le but des dons
spirituels s'inscrivent en faux contre de telles assertions.

Ouvrages recommandés:
R. Shallis: «Le miracle de l'Esprit», Editions Telos.
R. Shallis: «Le don de parler diverses langues», Editions
Centre Biblique, 46500 Gramat, 1982.

3. La guérison des malades


Dès les premières pages de la Bible, il apparaît clairement
que la maladie et la mort sont des conséquences de la chute.
D'ailleurs, et malgré quelques rares exceptions, l'Ancien
Testament souligne le lien étroit qui existe entre la maladie
et le péché personnel; en général, la bénédiction divine se
manifeste dans le domaine matériel et visible: richesse,
santé, postérité nombreuse, longue vie (Dt 28:1-14).
Le Nouveau Testament insiste beaucoup plus sur les bé-
nédictions de nature spirituelle, celles qui sont «dans les
lieux célestes» (Ep 1:3), «en Christ», et qui ne sont pas fon-
damentalement ni nécessairement matérielles et visibles. Le
Nouveau Testament ne nous promet ni la prospérité ni la
santé. C'est pourquoi il nous parle d'hommes qui, malgré
leur fidélité et une évidente bénédiction de Dieu sur leur vie,
ont été malades sans que leur maladie soit liée à un péché
particulier qu'ils auraient commis:
- Epaphrodite a été malade et «tout près de la mort» (Ph
2:25-27);
- Trophime a été malade (2 Tm 4:20);
- Timothée a été malade («fréquentes indispositions»,
1 Tm 5:23);
135
- Paul déclare à maintes reprises qu'il était «faible» (2 Co
11:29; 12:9; Ga 4:13); il portait en lui «sa condamnation à
mort» (2 Co 1:9) et a été «frappé par Satan» (2 Co 12:7).
Il vaut la peine de faire remarquer que le livre des Actes,
comme les épîtres, ne rapporte aucun exemple significatif de
croyants guéris miraculeusement. Certes, quelques croyants
ont bien été ramenés à la vie, mais tous les exemples de
guérison miraculeuse mettent enjeu des incroyants. Une lec-
ture attentive du Nouveau Testament nous apprend ceci:
- la maladie est une conséquence de la chute;
- elle peut être la conséquence d'un péché particulier ( 1 Co
11:30; Je 5:15);
- elle n'est pas nécessairement la conséquence d'un péché
particulier (Jn 9:3);
- elle peut avoir un effet préventif (2 Co 12:7);
- elle est parfois un moyen dont Dieu, à notre insu, se sert
pour nous éduquer (He 12:6-11).
Bien entendu, nous pouvons et devons prier pour les mala-
des. Dieu peut aujourd'hui encore guérir des malades de fa-
çon surnaturelle, de même qu'il peut donner la guérison par
le moyen des médecins et des médicaments. Mais, nous
n'avons pas le droit de revendiquer la santé car notre corps
n'est pas encore libéré des conséquences et de la malédiction
du péché.
«.. mais nous aussi, qui avons les prémices de l'Esprit,
nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l'adoption, la
rédemption de nos corps» (Rm 8:23).
Il est évidemment important qu'en cas de maladie, nous
ne cherchions pas seulement le secours du médecin mais,
avant tout, celui de Dieu. De nombreuses maladies décou-
lent du refus de tenir compte de la Parole de Dieu; c'est
pourquoi beaucoup de malades ont davantage besoin d'une
relation d'aide spirituelle que de médicaments.

136
Pour ce qui est des maladies qui résultent d'un péché ina-
voué, nous devons appliquer la recommandation de Je 5:15-
16. Un tel péché doit être confessé afin que la guérison puis-
se intervenir. «Confessez vos péchés les uns aux autres et
priez les uns pour les autres, afin que vous soyez guéris. La
prière agissante du juste a une grande efficacité» (Je 5:16).
Mais si, après un examen attentif, nous ne découvrons aucun
péché particulier qui puisse expliquer notre maladie, nous
devons demander à Dieu la force de pouvoir le glorifier et de
supporter patiemment l'épreuve.

La guérison du corps est-elle incluse dans


le sacrifice expiatoire de Jésus?
De nombreux pentecôtistes et charismatiques enseignent
que le Seigneur Jésus-Christ n'a pas seulement expié nos
péchés sur la croix, mais qu'il s'est aussi chargé en son corps
de nos maladies. Pour affirmer pareille chose, ils s'appuient
sur Es 53:4 repris par Mt 8:17, et en tirent la conclusion sui-
vante: «Ce n'est pas la volonté de Dieu que vous souffriez
d'une maladie pour laquelle Jésus a déjà souffert.»3
Le Nouveau Testament déclare formellement que
l'expiation et la substitution ont été opérées sur la croix
durant les trois heures de ténèbres au cours desquelles le
Seigneur Jésus a été châtié par Dieu à cause de nos péchés
(2 Co 5:18-21; Col 1:21-22; 1 P 2:24). Dans Mt 8:17, il est
évident que Jésus accomplit Es 53:4 au début de son minis-
tère et non sur la croix; par conséquent, ce passage de
l'Ancien Testament ne saurait être inclus dans l'oeuvre
expiatoire et substitutive. Que signifient alors ces mots:
«.. et il s'est chargé de nos maladies» (Mt 8:17)? Darby
l'a fort bien expliqué ainsi: «Notre Seigneur n'a jamais guéri
un seul malade sans porter dans son âme et sur son coeur le
poids de sa maladie comme fruit de la puissance du Malin.»4
Nous lisons dans Es 63:9: «Dans toutes leurs détresses, qui

137
étaient pour lui aussi une détresse...» Le Seigneur a donc
souffert des conséquences visibles du péché. La compassion
qu'il a éprouvée et la peine qu'il a partagée n'ont rien à voir
avec la substitution ou avec l'expiation. Bien que le Seigneur
soit mort sur la croix pour les péchés du monde (Jn 1:29; 1 Jn
2:2), préparant ainsi le jour où la malédiction du péché - avec
la maladie et la mort comme conséquences - sera définitive-
ment effacée, la «rédemption de notre corps» (Rm 8:23) est
encore à venir; notre corps est encore «misérable» (Ph 3:21),
«mortel» (Rm 8:11) et en voie de «destruction» (2 Co 4:16).
Le propre vécu des guérisseurs dément leur enseignement. La
plupart d'entre eux portent des prothèses dentaires ou des
lunettes, et sentent bien que les conséquences du péché n'ont
pas entièrement été éradiquées de leur corps.

En résumé:
1. La maladie et la mort sont la conséquence de la chute.
2. La maladie peut être la conséquence d'un péché particu-
lier, mais elle ne l'est pas toujours.
3. Dieu peut guérir de manière surnaturelle; il peut aussi se
servir des médecins et des traitements médicaux. Un
Evangile et le livre des Actes ont été écrits par Luc, «le
médecin bien-aimé» (Col 4:14).
4. Le Nouveau Testament mentionne plusieurs croyants
fidèles qui ont été malades et n'ont pas été guéris par des
procédés surnaturels. Tous les exemples de malades
guéris miraculeusement concernent des gens qui n'étaient
pas croyants.
5. Nous pouvons et devons prier pour les malades, mais
nous ne pouvons nous appuyer sur aucune promesse bi-
138
blique formelle qui nous garantirait la santé physique et
la guérison.
6. Il faut considérer comme non biblique la doctrine selon
laquelle nous pourrions revendiquer, au même titre que la
rédemption, la guérison «par la foi», car nous attendons
encore la rédemption de notre corps (Rm 8:23).
7. Nous devons considérer toute méthode de guérison qui
s'appuie sur la «visualisation», sur la «puissance de la
parole exprimée» etc., comme une méthode occulte et
non biblique et, par conséquent, la rejeter.

4. L'imposition des mains

a. L'imposition des mains dans l'Ancien Testament


L'Ancien Testament comporte de nombreux récits et com-
mandements relatifs à l'imposition des mains, notamment à
propos des sacrifices. Dans Gn 48:8-20, il est dit que Jacob a
posé ses mains sur ses petits-fils: Ephraïm et Manassé. Lv 4
ordonne aux Israélites coupables de poser leurs mains sur
l'animal avant de l'offrir en sacrifice de culpabilité et
d'expiation. Ce rite prenait une signification particulière lors
de la fête annuelle des expiations:
«Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant,
et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants
d'Israël et toutes les transgressions par lesquelles ils ont
péché; il les mettra sur la tête du bouc, puis il le chassera
dans le désert, à l'aide d'un homme qui aura cette char-
ge» (Lv 16:21).
On posait également les mains sur les animaux offerts en
holocauste et en sacrifice de communion. Dans ces cas-là, il
139
n'y avait pas transfert de péchés; c'était la valeur de l'animal
qui était imputée à celui qui l'offrait (Ex 29:10; Lv 1:4; 3:2;
8:18).
De plus, le peuple d'Israël devait imposer les mains aux
Lévites avant que ceux-ci n'accomplissent leur service. Les
Lévites servaient Dieu à la place, donc en substitution des
premiers-nés des Israélites. Le fait de poser les mains sur
eux illustrait leur identification aux premiers-nés (Nb 8:10).
Tous ces exemples montrent que dans l'Ancien Testament,
l'imposition des mains exprime l'identification (union ou
communion).
b. U imposition des mains dans le Nouveau Testament
Les évangiles rapportent que Jésus a posé ses mains sur
quelques personnes:
- des malades et des faibles, pour les guérir (Me 6:5; 8:23;
Le 13:13)
- des enfants, pour les bénir (Mt 19:15; Me 10:16).
On peut toutefois faire remarquer que Jésus a imposé les
mains à relativement peu de malades (la plupart d'entre eux
ont été guéris par un simple mot du Seigneur), et qu'il ne
les a jamais imposées aux démoniaques. Les exemples de
guérison avec imposition des mains montrent que ce geste
exprimait avant tout l'identification du Seigneur avec la
personne malade et avec tout le peuple. Jésus accomplissait
ainsi une prophétie de l'Ancien Testament, évoquée par le
Nouveau:
«Il guérit tous les malades, afin que s'accomplisse ce qui
avait été annoncé par Esaïë, le prophète: "Il a pris nos in-
firmités, et il s'est chargé de nos maladies» (Mt 8:16-17)
On trouve un exemple de guérison similaire dans Ac 28:8 où
140
Paul impose les mains au père de Publius et le guérit après
avoir prié. Hormis cet exemple de guérison, le livre des
Actes mentionne cinq autres cas d'imposition des mains:
- Ac6:6
Les apôtres imposent les mains aux sept diacres, leur con-
férant ainsi l'autorité pour accomplir leur tâche et suppri-
mant, du même coup, toute contestation et mise en doute
de leurs compétences.
- Ac8:17
Pierre et Jean imposent les mains aux chrétiens de Sama-
rie, à la suite de quoi ceux-ci reçoivent le Saint-Esprit.
Par ce geste, il devenait évident pour tous que les chré-
tiens d'origine juive et ceux d'origine samaritaine faisaient
partie, sans distinction, du corps de Christ. En tant que
messagers de Dieu et représentants des chrétiens d'origi-
ne juive, les apôtres devaient officiellement démontrer,
par l'imposition des mains, que l'abîme qui s'était creusé
au cours des siècles entre Juifs et Samaritains, était doré-
navant comblé. Ce fut pour les deux parties une expérien-
ce à la fois humiliante et bénie, propre à faire taire à
jamais toute querelle et à rabaisser toute présomption.

- Ac9:17
Ananias impose les mains à Paul: celui-ci recouvre alors
la vue et est rempli du Saint-Esprit. Par cette imposition
des mains, Ananias devait attester que l'ancien persécu-
teur des chrétiens était devenu leur frère en Christ.
- Ac 13:3
Les prophètes et les docteurs d'Antioche imposent les
mains à Paul et à Barnabas avant que ceux-ci n'entre-
prennent leur premier voyage missionnaire en Europe.
Par ce geste, ils expriment leur plein accord, leur soutien
et leur communion avec les deux apôtres.

141
- Ac 19:6
Après avoir baptisé les douze disciples de Jean-Baptiste,
Paul leur impose les mains et ceux-ci reçoivent le Saint-
Esprit. L'imposition des mains doit attester visiblement
l'unité des groupes autrefois séparés. Désormais, ces
hommes ne sont plus des disciples de Jean-Baptiste mais
des disciples de Jésus.
c. L'imposition des mains dans les épîtres
L'imposition des mains n'est mentionnée que dans les deux
lettres à Timothée.
«Ne néglige pas le don qui est en toi, et qui t'a été donné
par prophétie avec l'imposition des mains de l'assemblée
des anciens» (1 Tm 4:14).
«N'impose les mains à personne avec précipitation, et ne
participe pas aux péchés d'autrui» (1 Tm 5:22).
«C'est pourquoi je t'exhorte à ranimer la flamme du don
de Dieu que tu as reçu par l'imposition de mes mains»
(2 Tm 1:6).
Timothée avait donc reçu un don par l'imposition des mains
de l'apôtre Paul, don reconnu ou confirmé par l'imposition
des mains des responsables de l'Eglise. A ma connaissance,
c'est le seul exemple d'un don spirituel communiqué par
l'imposition des mains d'un apôtre.
Timothée est d'ailleurs vivement exhorté à ne pas impo-
ser trop hâtivement les mains à qui que ce soit, c'est-à-dire à
ne pas trop rapidement reconnaître officiellement les dons
ou le ministère de quelqu'un et de ne pas s'identifier à lui
par l'imposition des mains. Il risquerait de se tromper et de
participer ainsi au péché d'autrui.
Tous les textes de l'Ancien et du Nouveau Testament qui
parlent de l'imposition des mains, montrent donc que ce
142
geste symbolise la communion, l'identification ou le trans-
fert. Il n'y a aucun verset qui nous commande d'imposer les
mains en vue de la guérison, de la communication de dons
spirituels ou de la bénédiction. Au contraire, la Parole de
Dieu nous met en garde contre toute légèreté dans ce domai-
ne: à vouloir imposer les mains trop vite, on peut se rendre
coupable de péchés.
d. Expériences tirées de la relation d'aide
Il est établi que certains chrétiens, à qui on a imposé les
mains, ont sombré ensuite dans la dépression ou ont nourri
des pensées impures. D'autres ont perdu le goût de la prière
ou de la lecture biblique. D'autres encore ont été victimes de
pensées obsessionnelles et, lorsqu'ils priaient, ils ne pou-
vaient s'empêcher de voir devant eux la personne qui leur
avait imposé les mains. Ces exemples, et bien d'autres encore,
soulignent le danger réel lié à une mauvaise compréhension
et à une mauvaise pratique de l'imposition des mains; ce
geste peut soumettre une personne à des influences et des
puissances mauvaises et démoniaques. C'est surtout le cas
lorsque l'imposition des mains est pratiquée, non pour
reconnaître officiellement le ministère de quelqu'un ou pour
s'identifier à lui, mais pour lui communiquer des «énergies».
L'avertissement de Paul de ne pas imposer trop vite les
mains à quelqu'un reste valable pour notre temps; il signifie
aussi que nous devons être très prudents et refuser de nous
laisser imposer les mains à la légère.

En résumé:
1. L'imposition des mains est une pratique biblique, attestée
dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament.
2. En comparant les différents passages bibliques, on
s'aperçoit qu'imposer les mains, c'est déclarer être en
143
communion avec quelqu'un, s'identifier à lui ou lui
reconnaître un ministère particulier. Dans quelques cas
du livre des Actes, l'imposition des mains - signe de
reconnaissance et d'identification - est suivie de la récep-
tion du Saint-Esprit.
3. Deux passages bibliques font suivre l'imposition des
mains d'un bien-être corporel (Me 16:18) et de la com-
munication d'un don spirituel (2 Tm 1:6). Comme il
s'agit, dans les deux récits, d'une imposition des mains
pratiquée par un apôtre, on peut considérer que ces cas ne
sont pas applicables à notre époque. Les épîtres du Nou-
veau Testament n'exhortent jamais à imposer les mains
mais plutôt à faire preuve de beaucoup de retenue dans ce
domaine (1 Tm 5:22).
4. La pratique contemporaine d'imposer les mains, pour
guérir, communiquer des dons spirituels ou de la puis-
sance, doit être dénoncée comme étant non biblique.
5. Parfois, l'imposition des mains aboutit à des résultats
comparables à ceux de certaines pratiques occultes de
guérison. Cette constatation incite à la prudence et à la
vigilance.

5. «Se reposer dans l'Esprit»


Les quelques exemples bibliques de personnes qui sont tom-
bées à la renverse prouvent clairement que c'était sous l'effet
d'un jugement de Dieu. Le sacrificateur Eli, dont le jugement
avait déjà été annoncé en 1 Samuel 2, se brisa la nuque en
tombant de son siège et mourut (1 S 4:18). Dans Esaïë 28,
Dieu prononce un jugement contre les prophètes et les sacri-
ficateurs d'Ephraîm qui accomplissent leur service sous
l'emprise de boissons fortes («ils chancellent en prophétisant,

144
ils vacillent en rendant la décision»). Dieu leur annonce qu'ils
trébucheront à la renverse et se briseront, et qu'ils seront pris
au piège et capturés (Es 28:13). Même ceux qui voulurent se
saisir de Jésus «eurent un mouvement de recul et tombèrent
par terre» (Jn 18:6), après que le Fils de Dieu eut dit: «C'est
moi». Dieu montrait ainsi leur impuissance.
Les personnes qui, saisies par la splendeur et la sainteté
de Dieu, tombent par terre en adorant, tombent toujours sur
leur face et non sur le dos. Ils cachent leur visage devant la
gloire du Seigneur ou se voilent la face:
Abram:
«Abram tomba sur sa face; et Dieu lui parla, en disant...»
(Gn 17:3).
Moïse:
«Moïse se cacha le visage, car il craignait de regarder Dieu»
(Ex 3:6).
Le peuple d'Israël:
«Tout le peuple le vit; ils poussèrent des cris de joie, et se
jetèrent sur leur face» (Lv 9:24).
Balaam:
«.. il s'inclina, et se prosterna sur son visage» (Nb 22:31).
Elie:
«Quand Elie l'entendit, il s'enveloppa le visage de son man-
teau et sortit...» (1 R 19:13).
Ezékiel:
«A cette vue, je tombai sur ma face...» (Ez 1:28).
Daniel:
«Comme il me parlait, je restai frappé d'étourdissement, la
face contre terre» (Dn 8:18). 145
Le lépreux guéri:
«Il tomba sur sa face aux pieds de Jésus, et lui rendit grâces»
(Le 17:16).
Les anges, les anciens et les quatre êtres vivants:
«Ils se prosternèrent sur leur face devant le trône, et ils
adorèrent Dieu...» (Ap 7:11).
Paul envisage même la possibilité pour un non-croyant,
entré dans une assemblée de chrétiens, d'être à ce point con-
vaincu par l'Esprit de Dieu que «tombant sur sa face, il ado-
rera Dieu, et publiera que Dieu est réellement au milieu de
vous"»(l Co 14:25).
Ces quelques versets montrent qu'en présence de Dieu,
les gens tombent sur leur face et non, comme dans de nom-
breuses réunions charismatiques, sur leur dos où ils se
retrouvent parfois dans des attitudes si indécentes que des
chrétiennes sont requises pour rabattre les jupes et les robes
de celles qui sont tombées à la renverse. Cela est-il nécessai-
re là où l'Esprit Saint agit?
Dans un article intitulé «Comment justifier bibliquement
le fait de tomber à la renverse?», A. Seibel révèle un aspect
qu'il est bon de rappeler dans le contexte de notre étude:
«Le diable "singe" Dieu et agit souvent à l'inverse du
Saint-Esprit. Il est notoire que, dans les milieux sataniques,
les autels sont souvent formés par des personnes (générale-
ment des femmes) couchées sur le dos. Elles montrent ainsi
leur nudité devant Dieu. Dans l'Ancien Testament, on ne
devait jamais gravir des marches pour monter à l'autel: "Tu
ne monteras pas à mon autel par des marches, afin que ta
nudité ne soit pas découverte" (Ex 20:26). L'homme qui,
devant Dieu, tombe sur sa face, cache sa nudité. Celui qui
tombe sur son dos la découvre. C'est l'esprit de l'adversaire
qui encourage les gens à dévoiler leur nudité (Ap 16:15);
cela n'a jamais été et ne sera jamais l'oeuvre du Saint-
Esprit.»5

146
Résumé
1. Le «repos dans l'Esprit», tel qu'il est pratiqué, ne trouve
aucune justification biblique. Au contraire, les quelques
exemples de personnes qui sont tombées à la renverse ont
tous une connotation négative, et évoquent un jugement
de Dieu.
2. Si ce phénomène n'est pas produit par l'Esprit de Dieu,
on peut l'imputer:
- aux effets de l'autosuggestion, de la manipulation ou de
la dynamique de groupe,
- à un désir conscient de "spectaculaire", et cela relève
donc de la malhonnêteté,
- à des puissances occultes qui profitent de la passivité de
l'homme pour le maîtriser et le contrôler. Il convient cer-
tes d'être très prudent et de ne pas parler trop rapidement
de possession lorsque des gens tombent à la renverse. Mais
on peut cependant penser que Satan tire aussi avantage des
lois de la suggestion et de la dynamique de groupe.
On sait que le premier grand réveil, en Allemagne, fut
déclenché par la lecture d'un écrit de Spener, «Pia deside-
ria», qui commence par cette citation du prophète Jérémie:
«Oh! Si ma tête était remplie d'eau, si mes yeux étaient
une source de larmes, je pleurerais jour et nuit les morts
de la fille de mon peuple!» (Je 8:23).
Aujourd'hui, on ne pleure pas sur ceux que l'Esprit «terras-
se»; au contraire, on en fait un signe de l'action bénéfique du
Saint-Esprit. N'est-ce pas la preuve que nous sommes loin
d'un réveil vraiment biblique?
147
Ouvrage recommandé:
A. Seibel: «Die sanfte Verfiihrung der Gemeinde» (L'insi-
dieuse séduction de l'Eglise), publié par la société évangéli-
que de Wuppertal.

6. L'évangile de la prospérité
Sommes-nous au bénéfice de la bénédiction promise à Abra-
ham?
Vouloir inclure le bien-être matériel dans les bénédictions
du Nouveau Testament, c'est démontrer qu'on n'a pas com-
pris l'essence de l'évangile. Le peuple de Dieu de l'ancienne
alliance pouvait, lui, s'appuyer sur des promesses de pros-
périté matérielle liées à la possession du pays de Canaan. La
richesse, la santé, une longue vie, une postérité nombreuse et
la victoire sur les ennemis étaient des signes de la bénédiction
divine, tandis que la pauvreté, les mauvaises récoltes, la ma-
ladie et la stérilité étaient les preuves d'un châtiment de Dieu.
Il n'en est plus de même pour l'Eglise, le peuple de la nou-
velle alliance, qui met l'accent sur les bénédictions spirituelles
et célestes. Notre richesse, c'est la personne de Jésus-Christ.
«Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ,
qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les
lieux célestes en Christ» (Ep 1:3).
Certes, Dieu a aussi promis de pourvoir à notre nourriture, à
notre vêtement et à tout ce qui est nécessaire à notre vie
quotidienne, si nous cherchons d'abord son royaume et sa
justice (Le 12:31). Dans Ep 6:1-2, le commandement d'ho-
norer son père et sa mère est accompagné de la promesse
d'une vie longue et heureuse.
Mais il ne faut pas confondre bonheur et prospérité! Con-
trairement au peuple de l'Ancien Testament qui devait ten-
148
dre vers la possession du pays promis, nous sommes exhor-
tés, nous, à détourner notre regard des biens d'ici-bas pour le
fixer sur notre héritage céleste:
«Si donc vous êtes ressuscites avec Christ, cherchez les
choses d'en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu.
Attachez-vous aux choses d'en haut, et non à celles qui
sont sur la terre. Car vous êtes morts, et votre vie est
cachée avec Christ en Dieu» (Col 3:1-3).
Tout ce qui, avant sa conversion, était pour lui avantageux et
signe de bien-être, Paul le considéra ensuite comme une per-
te, à cause de Christ:
«Mais ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai
regardées comme une perte, à cause de Christ. Et même
je regarde toutes choses comme une perte à cause de
l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon
Seigneur, pour lequel j'ai renoncé à tout; je les regarde
comme de la boue, afin de gagner Christ...» (Ph 3:7-8).
Paul n'hésitait pas à qualifier d'«ennemis de la croix» ceux
dont les pensées étaient orientées vers les choses de la terre
(Ph 3:18). C'est cette prise de conscience d'avoir été comblés
de bénédictions spirituelles et célestes qui a poussé des chré-
tiens, dès les temps apostoliques et à travers toutes les époques
de réveil, à se détacher des biens matériels pour subvenir aux
besoins des missions ou des nécessiteux. Ils avaient compris ce
qu'étaient les richesses de Christ, et, comparés à celles-ci, les
biens de ce monde avaient perdu tout leur attrait et leur influ-
ence. A l'image du modèle suprême, Jésus-Christ, les chré-
tiens se réjouissaient de vivre dans la simplicité, voire dans la
pauvreté. Ils jouissaient, comme l'a déclaré Hudson Taylor,
«du luxe d'avoir peu de choses qui causent des soucis.»
S'imaginer ne pouvoir honorer Dieu que dans des édifices
somptueux, c'est méconnaître le sens véritable de la maison
149
de Dieu du Nouveau Testament, ou l'avoir oublié. La maison
de Dieu n'est pas constituée de magnifiques vitraux ou de
superbes blocs de marbre, mais de «pierres» vivantes (1 Co
3:16; 1 P2:5).
David Wilkerson, l'un des leaders pentecôtistes les plus
connus aux Etats-Unis, nous pose quelques questions cruciales:
«Combien parmi nous continueraient à servir Dieu, s'il
ne nous offrait rien que lui-même? Plus de guérison, plus
de succès, plus de prospérité, plus de bénédictions
matérielles, plus de signes ni de miracles... Comment réa-
girions-nous si nous n'étions plus heureux, mais miséra-
bles, tristes et tourmentés, si le seul bien qui nous soit
encore préservé, c'était Jésus?»6

L'exemple du Seigneur
La vie et les enseignements du Fils de Dieu devraient consti-
tuer la référence absolue pour tous les chrétiens. Nous
devons «vivre comme le Christ lui-même a vécu» (1 Jn 3:6).
Notre Seigneur est né dans la pauvreté; ses parents étaient
des gens pauvres, ce qu'atteste leur offrande (Le 2:24). Plus
tard, en parcourant le pays en compagnie de ses disciples, il
n'a jamais sollicité de faveurs particulières, si bien qu'il a dû
faire venir un poisson pour pouvoir s'acquitter de l'impôt du
temple. A un jeune homme enthousiaste qui déclara vouloir
le suivre sur-le-champ, Jésus répondit:
«Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont
des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas un lieu où il
puisse reposer sa tête» (Le 9:58).
Le soir, quand les autres rentraient chez eux, le Seigneur se
dirigeait vers le mont des Oliviers où il passait la nuit
(Le 21:37; Jn 7:53). Il n'avait aucune demeure ici-bas. Lors-
150
qu'il fut crucifié, on lui ôta les derniers biens matériels qu'il
possédait: ses vêtements.
C'est ainsi que notre modèle suprême est mort, dans de
grandes souffrances et dans le plus grand dénuement. En
examinant la vie de Jésus selon les critères habituels de
l'Ancien Testament, on serait tenté de dire que la bénédic-
tion de Dieu ne reposait pas sur elle. A la lumière du Nou-
veau, elle nous apprend que nous n'avons aucun droit aux
biens terrestres, à la prospérité et à la santé. Si Dieu accorde
cependant à la plupart d'entre nous plus que le nécessaire,
c'est uniquement en vertu de sa grâce.
On ne peut se méprendre sur le sens des paroles pronon-
cées par le Seigneur à propos des richesses et de la pro-
spérité:
«Ne vous amassez pas des trésors sur la terre où la teigne
et la rouille détruisent, et où les voleurs percent et déro-
bent; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la
teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne
percent ni ne dérobent. Car là où est ton trésor, là aussi
sera ton coeur» (Mt 6:19-21).
«Vendez ce que vous possédez, et donnez-le en aumônes.
Faites-vous des bourses qui ne s'usent point, un trésor
inépuisable dans les cieux, où le voleur n'approche point,
et où la teigne ne détruit point. Car là où est votre trésor,
là aussi sera votre coeur» (Le 12:33).
Serions-nous des «sceptiques, des incrédules, des rabat-joie
et des colporteurs de doute» (K. Hagin) parce que nous pre-
nons au sérieux la vie et les paroles de notre Seigneur Jésus?

Les apôtres
Au mendiant posté devant la porte du temple, Pierre déclara:
«Je n'ai ni argent ni or; mais ce que j'ai, je te le donne: au
151
nom de Jésus-Christ de Nazareth, lève-toi et marche!» (Ac
3:6). Dans ses lettres, il n'est pas question de prospérité mais
plutôt de souffrances et d'épreuves, par motif de conscience
et à cause de la justice. Pierre nous exhorte à placer nos
pieds dans l'empreinte des pas de Jésus et énumère les si-
gnes qui font reconnaître les faux prophètes: la débauche, la
cupidité, les paroles mensongères, les yeux pleins d'adultè-
re, l'autoritarisme (2 P 2).
L'évangile que Paul a prêché est tout, sauf un évangile de
la prospérité et du succès! Il n'était pas imbu de lui-même,
mais il se sentait bien faible et tremblait de crainte (1 Co
2:3). Aux Corinthiens fascinés par les «super-apôtres», il
indiqua quels étaient les véritables signes du ministère apos-
tolique:
- «à la dernière place, comme des condamnés à mort...
- fous à cause de Chri st...
- faibles et méprisés...
- souffrant la faim et la soif...
- mal vêtus, errant de lieu en lieu...
- épuisés à travailler de leurs propres mains...
- insultés..., persécutés..., calomniés...
- déchets du monde... rebut de l'humanité...»
Paul conclut cette énumération par ces mots: «Je vous en
conjure donc: Soyez mes imitateurs» (1 Co 4:9-16).
Dans 2 Co 6:4-10, il complète la liste précédente:
- détresses, privations, angoisses,
- coups, prisons, émeutes,
- fatigues, veilles, jeûnes;
- soit honorés, soit méprisés,
- pris pour des imposteurs, quoique disant la vérité,
- pris pour des inconnus, quoique bien connus,
- pris pour des mourants, quoique toujours en vie ,
- pris pour des condamnés, quoique non exécutés,
152
- pris pour des affligés, quoique toujours joyeux,
- pris pour des pauvres, quoique faisant beaucoup de
riches,
- pris pour des dépourvus de tout, quoique possédant tout.
Enfin, dans 2 Co 11:23-30, Paul, après avoir décrit les traits
caractéristiques du faux apôtre (esprit despotique, orgueil et
cupidité), dresse la dernière liste des expériences que vit un
apôtre au service du Seigneur: faim et soif, froid et nudité. Il
termine par ces mots:
«S'il faut se glorifier, c'est de ma faiblesse que je me glo-
rifierai» (2 Co 11:30).
Comparez ce témoignage de l'apôtre avec les paroles sui-
vantes de Robert Schuller:
«Vous devez croire qu'en vertu de vos propres forces et
avec l'aide des autres, vous finirez coûte que coûte par
atteindre l'objectif le plus élevé que vous vous êtes fixé.
Vous devez croire que vous méritez le succès. Vous
devez croire que vous pouvez obtenir tout ce que vous
désirez.»7

Propriétaires ou gérants?
Le Nouveau Testament affirme que les chrétiens sont des
gérants ou des administrateurs qui ne possèdent rien en pro-
pre, mais à qui le Christ confie des biens matériels.
«.. et ceux qui usent du monde vivent comme n'en usant
pas. Car la figure de ce monde passe» (1 Co 7:31).
La Bible nous recommande de vivre, non dans l'abondance,
mais dans le contentement:
153
«C'est, en effet, une grande source de gain que la piété
avec le contentement; car nous n'avons rien apporté dans
le monde, et il est évident que nous n'en pouvons rien
emporter; si donc nous avons la nourriture et le vêtement,
cela nous suffira» (1 Tm 6:6-8).
Plus loin, l'apôtre déclare que ceux qui veulent à tout prix
s'enrichir «s'exposent à la tentation et tombent dans le piège
de nombreux désirs insensés et pernicieux» car «l'amour de
l'argent est une racine de tous les maux» (1 Tm 6:10).
Lorsque des prédicateurs de l'évangile de la prospérité,
au lieu de prêcher le retour de Jésus et l'enlèvement de
l'Eglise, déclarent qu'il faut envahir le monde et que le «corps
de Christ finira pas posséder tout l'or du monde, parce que
Dieu veut la prospérité» (K. Copeland), ils montrent bien,
par de telles assertions, que ce ne sont pas les chrétiens qui
ont conquis le monde mais le monde qui a conquis les chréti-
ens.
David Wilkerson, qui connaît depuis longtemps les prédi-
cateurs de l'évangile de la prospérité et a analysé leur messa-
ge, arrive à la conclusion suivante:
«Une fois de plus, je tiens à souligner que les prophètes
de la prospérité sont responsables d'avoir introduit
l'esprit de l'église de Laodicée dans nos communautés.
Ils induisent les chrétiens en erreur; ils les détournent de
la nécessité de renoncer à tout péché et à toute conformité
avec le monde... Ils ont eux-mêmes goûté au fruit du
succès et de la prospérité, et empoisonnent maintenant
tout le troupeau avec leur évangile frelaté. Certains d'en-
tre eux seraient presque tentés de remplacer le mot "sanc-
tification" par "prospérité"...
Je me suis beaucoup penché sur la doctrine de l'évangile
de la prospérité avec l'espoir de trouver des idées aux-
quelles je pourrais souscrire, une base minimum commu-
ne. En vain. On m'a rétorqué que l'évangile de la pros-

154
périté serait la bonne nouvelle pour les temps de la fin. Je
ne peux que me réfugier dans ma chambre et prier mon
Père céleste: "Comment peut-on être aveuglé à ce point?
Comment des hommes de Dieu peuvent-ils inclure un tel
message dans leur prédication?" On ne trouve plus chez
eux de souffrance pour les âmes qui se perdent, plus
d'allusion au sang de Jésus, plus de renoncement, plus de
sacrifice; il n'est plus question de se charger de sa croix
ou de dénoncer le péché et l'injustice. Plus d'exhortation
à mener une vie sainte, séparée du monde, plus d'appel à
la repentance; pas un mot sur le brisement, sur la confes-
sion des péchés, sur l'intercession en faveur des perdus
ou la compassion envers eux.»8
Au siècle dernier, le grand philosophe danois Sôren Kierke-
gaard (1813-1855) a déjà mis la chrétienté en garde contre le
danger d'un évangile de la prospérité, dont il pressentait la
venue. Il a laissé ces dernières paroles comme un testa-
ment - ô combien actuel - aux chrétiens:
«Si j'avais le pouvoir de prononcer un seul mot ou une
seule phrase qui puisse s'incruster au point de n'être
jamais oublié, je dirais: Notre Seigneur Jésus-Christ s'est
"anéanti" (Ph 2:7): penses-y, ô christianisme!»9
Comment pourrions-nous ne pas évoquer notre modèle
suprême?
«Tendez à vivre ainsi entre vous, car c'est ce qui convient
quand on est uni à Jésus-Christ. Lui qui, dès l'origine, était
de condition divine, ne chercha pas à profiter de l'égalité
avec Dieu, mais il se dépouilla lui-même, prenant la con-
dition du serviteur. Il se rendit semblable aux hommes en
tous points, et tout en lui montrait qu'il était bien un hom-
me. Il s'abaissa lui-même en devenant obéissant, jusqu'à
subir la mort, oui, la mort sur la croix» (Ph 2:5-8).

155
Résumé
1. Les prédicateurs de l'évangile de la prospérité ne font pas
de distinction entre les bénédictions principalement ter-
restres et matérielles de l'Ancien Testament, et celles sur-
tout célestes et spirituelles accordées à l'Eglise du Nou-
veau Testament.
2. La prédication de l'évangile de la prospérité conforte de
nombreux chrétiens dans leur attachement aux choses
matérielles et terrestres. Elle passe sous silence les exem-
ples et les enseignements clairs du Nouveau Testament
sur la vie du disciple, le renoncement à soi, le mode de
vie simple et le contentement.
3. L'évangile de la prospérité prive le christianisme de la
crédibilité et de la force qui se développent particulière-
ment dans les temps de persécution, de pauvreté et de
souffrance, et qui sont nécessaires pour la survie spiritu-
elle.
4. Les prédicateurs de cette doctrine non biblique risquent
de plonger dans l'amertume et dans de graves crises spiri-
tuelles les chrétiens qui traversent la maladie, la pauvreté
ou la persécution, et les faire douter de l'amour et de la
providence de Dieu. Cette doctrine entretient l'esprit de
l'église de Laodicée au sein du christianisme de la fin des
temps et, par ses promesses de bénédictions matérielles,
prive ses adeptes de l'essentiel de l'Evangile.

7. Le ministère de délivrance
Le Nouveau Testament ne mentionne aucun exemple de
possession démoniaque chez des chrétiens, et donc aucun
exemple d'exorcisme pratiqué sur eux.
156
Un chrétien peut certes être influencé, voire séduit et
trompé par des démons ou par le diable - de nombreuses
personnes et églises du Nouveau Testament en sont des
exemples -, mais il est contraire à l'Ecriture de prétendre
qu'un chrétien qui est le «temple du Saint-Esprit» (1 Co
6:19) et se trouve sous la seigneurie de Christ, puisse être
possédé par Satan, et doive en conséquence être exorcisé.
Lorsqu'un chrétien est tombé dans les pièges du diable, il
doit être instruit (2 Tm 2:24-26). Il n'est pas question de le
libérer d'un démon. Les textes fréquemment cités de Mt
16:19 et 18:18 («délier et lier au nom de Jésus») n'ont rien à
voir avec des démons. Il s'agit simplement d'accueillir dans
l'Eglise ou d'exclure par mesure disciplinaire, comme le
contexte le prouve clairement.
Comme de nombreux exorcistes le reconnaissent hum-
blement, il s'est développé actuellement une théologie
expérimentale qui ne trouve aucun fondement biblique. Pour
avoir une idée des aberrations auxquelles on peut aboutir, il
suffit d'évoquer l'exemple du Jésuite Rodewyk qui. pour
accomplir son ministère de délivrance, se sert d'eau bénite,
d'un chapelet, d'une représentation de l'archange Michaël,
des sacrements et de reliques.10
Du succès qu'obtient Rodewyk, devrait-on déduire que le
diable craint l'eau bénite et que les sacrements libéreraient
une force insoupçonnée? Satan ne se servirait-il pas plutôt
de ces expériences pour maintenir les hommes dans leurs
superstitions? Satan est menteur (Jn 8:44); aussi ne faut-il
jamais croire ce que les démons disent ou feignent.
Que de mal a-t-on fait en interrogeant les démons et en
accordant trop de crédit à leurs réponses et à leurs réactions!
Même lorsque les démons expriment quelque chose qui a
toute l'apparence de la vérité, il faut s'en méfier. Paul,
devant une telle situation (Ac 16:17), a refusé le témoigna-
ge - pourtant véridique - d'un démon.
A cela s'ajoutent quelques problèmes de vie chrétienne et
de cure d'âme. Il est plus facile de se soumettre à une séance
157
de «délivrance» de prétendus démons que de reconnaître son
propre péché, de le confesser, de le condamner et de le reje-
ter. Très souvent, on rejette la responsabilité du péché ou
d'un mauvais comportement sur des démons immanents à
soi ou sur des ancêtres, ce qui rend plus difficile, voire
impossible, la repentance biblique.
Il est manifeste également qu'entre la personne délivrée
et celui qui l'a exorcisée, se tissent des liens très forts, au
point que des gens parcourent parfois pendant des années
des distances considérables pour rencontrer celui auquel ils
doivent leur guérison et se soumettre encore à des séances de
délivrance. Cette pratique va à rencontre du principe bibli-
que qui veut que la relation d'aide s'effectue localement, et
qui empêche une trop forte dépendance entre la personne
aidée et le responsable spirituel.
La délivrance biblique suit toujours le schéma: confesser
son péché, le regretter, le condamner et y renoncer. Les
chrétiens d'Ephèse qui avaient pratiqué l'occultisme avant
leur conversion étaient venus «avouer et déclarer publique-
ment les pratiques auxquelles ils s'étaient livrés» et firent
brûler, aux yeux de tous, leurs livres de sorcellerie (Ac
19:18-20). Pas un mot au sujet d'exorcisme ou de «ministère
de délivrance» accompli par les apôtres.

8. La «tactique spirituelle»
Nulle part dans le Nouveau Testament il n'est demandé aux
chrétiens de lutter dans les lieux célestes contre la domination
territoriale de Satan sur des villes, des régions ou des pays.
A pratiquer cet exercice et donc à vouloir interroger les dé-
mons et maudire le diable, on côtoie dangereusement le spi-
ritisme. L'archange Michel manquait-il de perspicacité dans
sa «tactique spirituelle» lorsqu'il contestait avec le diable et
lui disputait le corps de Moïse? Toujours est-il qu'il «se garda
bien de porter contre lui un jugement injurieux» (Jude 9).

158
Le combat spirituel dont parle Ep 6 n'a rien à voir avec le
fait de rechercher et d'interroger des démons etc.. Ce passa-
ge encourage les chrétiens à être vrais et justes, à évangéliser,
à se servir de la Parole de Dieu, à exercer leur foi et à prier.

Avons-nous la «puissance apostolique»


ou la «puissance sur le diable»?
En s'appuyant sur ces paroles de Jésus à ses disciples: «Voi-
ci, je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et
les scorpions, et sur toute la puissance de l'ennemi...» (Le
10:19), certains leaders de ces différents mouvements «par
la foi» concluent que nous pouvons nous servir de cette
autorité contre le diable lui-même. Kenneth Hagin, le père
de cette tendance qui exerce une grande influence au sein du
mouvement charismatique, et qui est aussi - comme l'ont
montré Dave Hunt et D.R. McConnell - fortement marqué
par la pensée positive, l'unitarisme et la science chrétienne
(s'appropriant en partie leurs théories), déclare à ce sujet:
«Tu possèdes la toute-puissance contre le diable»11, «...tu
disposes de la puissance contre toutes les forces invisi-
bles. Tu peux même exercer ton autorité sur quiconque se
trouve près de toi... Je connais des femmes qui ont exercé
cette autorité contre le diable lorsque leurs maris leur
menaient la vie dure. Elles ont menacé Satan en
s'appuyant sur l'autorité dont elles disposaient contre
lui.»12
«Le plan de Dieu pour toi, c'est que tu te comportes en
souverain et que tu domines toutes les circonstances
hostiles, pauvreté, maladie et tout ce qui t'opprime. Tu
commandes parce que tu es investi de cette autorité.»13

Wolfhard Margies qui est le porte-parole de Kenneth Hagin


159
en Allemagne et dont tous les ouvrages diffusent sa théolo-
gie, s'exprime de façon similaire:
«Nous avons la suprématie sur Satan et sur son royau-
me... Nous avons pleine autorité sur lui.»14
Cette prétention amène tout logiquement Margies à mépriser
les chrétiens des pays de l'Est qui, selon lui, n'ont pas su fai-
re usage de leur toute-puissance pendant les décennies de
dictature subie:
«La soif de la persécution et du martyre n'est pas la pre-
mière priorité du chrétien. Celui qui entretient malgré
tout cette idée se fait du tort...
Nos chers frères et soeurs des pays de l'Est sont coupa-
bles d'avoir entretenu la tradition selon laquelle il faut
être opprimé et souffrir... par leur conception - antibibli-
que et contraire à la volonté de Jésus - du rôle de la souf-
france, ils ont encouragé les formes les plus oppressives
et les plus antichrétiennes de gouvernement.
En fait, à cause de leur compréhension erronée de la souf-
france, ils ont récolté ce qu'ils avaient semé.»
A en juger d'après ces critères, la toute-puissance manquait
aussi à l'apôtre Paul qui écrivait aux Thessaloniciens:
«Aussi voulions-nous aller chez vous, du moins moi,
Paul, une et même deux fois; mais Satan nous en a
empêchés» (1 Th 2:18).
On aimerait bien connaître l'explication que Margies donne
à2Tm3:12:
«Or, tous ceux qui veulent vivre pieusement Jésus-Christ
seront persécutés.»
160
Etienne, malgré sa plénitude de l'Esprit, a-t-il été lapidé par-
ce qu'il avait une fausse conception de la souffrance? Jacques
a-t-il été mis à mort par Hérode parce qu'il n'avait pas été ins-
truit sur la «tactique spirituelle»? S'il est si simple de lier les
puissances et les dominations, pourquoi Jésus ne l'a-t-il pas
fait lors de sa tentation dans le désert? Il nous aurait ainsi four-
ni de précieuses indications dans notre lutte contre le diable.
Si nous nous imaginons pouvoir disposer de la toute-puis-
sance sur le diable, nous sommes victimes d'une tragique
séduction. La Bible et l'expérience quotidienne des charis-
matiques montrent à l'évidence que les chrétiens ne pos-
sèdent pas cette force; il vaudrait donc mieux reconnaître
humblement cette réalité et «puiser nos forces dans la grâce»
(2 Tm 2:1) que de se vanter d'avoir une telle autorité - bien
illusoire.
On souhaiterait que les nombreux chrétiens qui défendent
ces théories et ces pratiques non bibliques, apparemment à
l'origine des «flots» de la «guérison intérieure» et du «repos
dans l'Esprit», les examinent attentivement et qu'ils revien-
nent au fondement inébranlable de l'Evangile.

En résumé
1. Le Nouveau Testament ne donne pas d'exemple d'exor-
cisme de chrétiens et n'exhorte jamais à le pratiquer.
Nous devons donc rejeter cette forme de relation d'aide
comme non biblique.
2. Puisque le diable est le père du mensonge, il convient de
considérer les signes qui accompagnent les exorcismes et
les paroles prononcées par les soi-disant démons comme
des manoeuvres de diversion pour induire les inter-
venants en erreur.
3. Les nombreux chrétiens qui, dans leur ignorance, ont
161
cherché en vain du secours dans des réunions de délivran-
ce et l'ont trouvé grâce à une relation d'aide biblique,
sont là pour attester que ce ministère de délivrance est
une voie d'erreur.
4. La prétendue autorité sur le diable est en fait une tragique
erreur d'appréciation qui conduit soit à l'orgueil déme-
suré, soit, en cas d'insuccès, à la dépression et à la rési-
gnation.
5. Ce que les groupes charismatiques prennent pour de la
«tactique spirituelle» contre les démons qui auraient pris
possession de certains territoires, n'est qu'une déforma-
tion de ce que le Nouveau Testament enseigne sur le
combat spirituel, et se cantone au spiritisme.
6. Chaque fois que notre intérêt et notre regard se détour-
nent de notre Seigneur Jésus-Christ pour se fixer sur
d'autres personnes, sur d'autres puissances ou sur d'au-
tres choses, nous sommes victimes d'une séduction et
nous perdons de notre force spirituelle. Nous ne devons
pas faire le jeu du diable en lui accordant plus de crédit
que nécessaire.

162
Appendice 2
Naissance d'une nouvelle entité
religieuse?
Le Congrès pour le réveil et l'édification de l'Eglise, tenu à
Nuremberg du 7 au 10/11/91

I. Déroulement et ambiance
Sur le Parc moderne des expositions de Nuremberg,
s'ouvrait, le 7 novembre 1991, la première conférence com-
mune entre le mouvement de croissance de l'Eglise et le
Renouveau spirituel de l'Eglise Protestante, conférence que
certains qualifièrent de «mariage d'éléphants»!
Au cours des mois qui précédèrent l'événement, de nom-
breuses invitations furent lancées. Des journaux évangéli-
ques publièrent de grands encarts pour annoncer la Con-
férence. Malgré le prix élevé de 200 DM (soit environ
660F), 4620 personnes s'inscrivirent au congrès, auxquel-
les il convient d'ajouter celles qui n'y assistèrent que la
journée.
94% des participants venaient d'Allemagne, les autres
principalement d'Autriche et de Suisse. La tranche, d'âge la
plus représentée - 1807 inscrits - était celle des 26 à 35 ans,
suivie par les plus de 65 ans (!) avec 804 présents.
Outre les réunions plénières qui se tenaient dans la grande
halle, les participants avaient la possibilité d'assister à l'une
des douze conférences sur les thèmes: «L'armure spirituel-
le», «La prière», «Le ministère prophétique», «Les nouvelles
formes communautaires», «Les groupes de maison», etc.
Les sujets du ministère prophétique et de l'armure spiri-
163
tuelle attirèrent le plus de monde avec respectivement 675 et
608 personnes, alors que le sujet de l'évangélisation n'inté-
ressa que 124 participants.

But de la conférence
La création de nouvelles églises n'était pas au programme.
Cette conférence se voulait plutôt être une aide et un moyen
d'encouragement pour les églises existantes, notamment
pour l'église officielle luthérienne.
Néanmoins, l'objectif essentiel était d'établir un pont en-
tre les évangéliques et les groupes pentecôtistes et charisma-
tiques. En somme, il fallait réaliser l'unité à tout prix, com-
me le résume si bien cette parole prononcée par Klaus Eick-
hoff pendant sa conférence de presse: «Tout ce qui freine
l'unité vient d'en-bas!», ce que j'ai personnellement consi-
déré comme une attaque contre la «Déclaration de Berlin»
de 1909, au cours de laquelle un grand nombre de respon-
sables d'églises et de l'Alliance avaient estimé que le
mouvement naissant du pentecôtisme «ne venait pas d'en
haut, mais d'en bas».

Intervenants
Pour atteindre le but fixé, une quarantaine de conférenciers
venus des milieux évangéliques, luthériens et charisma-
tiques se sont rencontrés à ce congrès.
Parmi les orateurs évangéliques, quelques-uns m'ont
expressément déclaré qu'en participant à cette conférence,
ils ne cautionnaient pas du tout le mouvement charismatique
mais voulaient, par leur collaboration, apporter une vision
plus équilibrée, voire correctrice.
Cela a malheureusement donné lieu à de nombreux
malentendus.
164
L'orateur principal était C. Peter Wagner, le leader mon-
dial du mouvement de croissance de l'Eglise et l'un des
pères de la troisième vague. Il se définit lui-même comme
quelqu'un qui établit des ponts entre les évangéliques, les
pentecôtistes et les charismatiques; en outre, suite à une
«parole prophétique» récente, il estime devoir agir comme
un «catalyseur» pour rassembler en un seul courant les ten-
dances charismatiques, évangéliques et libérales (!) du chris-
tianisme. Cette «prophétie» lui fut donnée par Dick Mills
qui cita Ecc. 4:12: «... et la corde à trois brins ne se rompt
pas facilement.»
J'ai noté avec intérêt qu'à ma connaissance aucun orateur
pentecôtiste ne se trouvait parmi les intervenants, alors que
d'autres églises indépendantes, telles les églises baptistes,
libres, nazaréennes et d'autres encore avaient toutes man-
daté des conférenciers pour les représenter.

Exposition
L'exposition, qui regroupait environ 120 stands - oeuvres
chrétiennes, écoles bibliques, maisons d'édition, etc. -
reflétait bien toute la palette des activités chrétiennes. S'y
côtoyaient des catholiques conservateurs et fervents mario-
lâtres, des représentants d'écoles bibliques fidèles et des
membres de groupes charismatiques extrémistes tels que les
«Hommes d'affaires du Plein Evangile» et l'«Eglise de Phi-
ladelphie» de Wolfhard Margies.

L'ambiance
L'organisation, bien préparée, fut parfaite. Malgré le grand
nombre de participants, il n'y eut aucun incident notoire.
La conférence s'est déroulée dans une ambiance joyeuse,
empreinte d'affection et très familiale. La note charisma-
165
tique fut modérée, du moins dans les réunions plénières. On
y a beaucoup chanté, applaudi, exulté de joie et ri. On y a
prié les mains élevées; de temps en temps, le public se
balançait au rythme des chants. On y a entendu de nombreux
chants en langues, mais en revanche peu de parler en lan-
gues. L'atmosphère était détendue, et contrairement à ce qui
s'était passé au congrès Wimber de Francfort, on y a peu
remarqué de phénomènes extatiques.
Il faut cependant souligner que relativement peu de parti-
cipants sont venus aux réunions plénières avec leurs Bibles.
Cela tient sans doute au fait qu'à l'exception des deux con-
férences de Klaus Vollmer, solidement étayées avec des
arguments bibliques, les autres réunions principales étaient
plutôt consacrées au partage d'histoires et d'expériences.

Le défilé pour Jésus


Le défilé pour Jésus à travers la vieille ville de Nuremberg,
le samedi, devait constituer un des points culminants du con-
grès. Le choix de la date était délibéré et visait à souligner
l'impact historique de l'événement:
9 novembre 23: marche sur la Feldherrenhalle (défilé hit-
lérien au lendemain de l'échec du putsch de la Brasserie
contre le gouvernement bavarois)
9 novembre 38: nuit de cristal (bris de devantures de
magasins juifs, incendie et pillage de synagogues)
9 novembre 89: brèche dans le mur de Berlin
9 novembre 91 : défilé pour Jésus
Environ 8500 personnes brandissant des drapeaux et des
banderoles participèrent à cette marche, sous la conduite de
Walter Heidenreich. Tout le long du parcours, on entendit
chanter, prier, crier de joie; par le moyen de hauts-parleurs,
les responsables s'adressèrent au public:
166
Un responsable: Qui a le pouvoir de sauver?
Tous: Jésus! (en frappant quatre fois dans les mains)
Le responsable: Qui a la puissance de guérir?
Tous: Jésus! (en frappant quatre fois dans les mains)
Le responsable: Qui est le Seigneur de tous?
Tous: Jésus! (en frappant quatre fois dans les mains)
Le défilé se termina par une grande manifestation sur la pla-
ce du Marché; le cortège avait donné l'occasion d'intercéder x
pour l'Allemagne et de revendiquer la seigneurie de Jésus
sur ce pays et en particulier sur Nuremberg.
Pour justifier cette marche, les organisateurs se sont
appuyés sur «les anciennes coutumes bibliques du peuple de
Dieu» et sur la tradition ecclésiastique des processions, au
cours desquelles les gens parcouraient villes et campagnes
en priant et en chantant.
C'est ce qu'écrit Emmanuel Malich dans «Gemeinde
Emeuerung» de mars 91 :
«Depuis le quatrième siècle, l'église connaît le cor
officiel de chrétiens traversant villes et campagnes en
priant et en chantant: depuis le treizième siècle, elle y a
inclus la présentation de l'hostie... L'Eglise a vu dans ces
processions liturgiques une forme de combat spirituel;
c'est pourquoi on a institué des processions au cours des-
quelles étaient pratiqués les rites d'aspersion, pour puri-
fier ou exorciser des maisons ou des propriétés afin de
les consacrer à Dieu.»
Lors de sa conférence de presse, Walter Heidenreich précisa
que cette nouvelle forme de défilés pour Jésus avait débuté
en 1987 en Angleterre, qu'au cours de l'année 1990 une
soixantaine de cortèges avaient déjà été organisés et qu'ils
avaient regroupé environ un million de participants.
Par ces marches, on cherche à se montrer plus conquérant, à
167
manifester l'unité des chrétiens, à détruire les fausses repré-
sentations, à célébrer joyeusement le fait d'être devenu
chrétien, à inviter le Saint-Esprit et à témoigner de son enga-
gement au service de Dieu .

9 novembre 1991: le grand tournant spirituel?


En fait, pour la majorité des participants, le défilé ne consti-
tua pas le point culminant de ce congrès. Ce fut plutôt le
«culte de réconciliation» tenu au soir du 9 novembre.
Je m'étais déjà demandé pourquoi on m'avait remis un
petit drapeau avant le début de la réunion du soir. Celle-ci
débuta par une présentation des banderoles et des étendards
les plus originaux du défilé de l'après-midi. Ils furent
récompensés par des prix offerts par les éditions Brockhaus
et Abakus. Puis C.P. Wagner prit la parole et affirma solen-
nellement qu'au cours du défilé, des puissances démonia-
ques avaient été détruites; de plus, l'Esprit de Dieu lui avait
révélé que, conformément à ce qui est écrit dans Daniel 9,
nous devions tous nous repentir collectivement.
Il prononça ensuite ces mots lourds de sens: «Le combat
spirituel s'engagera quand le fossé entre les évangéliques et
les charismatiques aura disparu.»
La soirée se poursuivit par une petite pièce de théâtre; le
groupe «Freudenôl» de l'école biblique de Bad Ganders-
heim, avec force effets de lumière, de drapeaux brandis et
agités, de chants et de cris, couronna Jésus symboliquement.
Mais le point culminant fut atteint lorsque Klaus Eick-
hoff, en tant que président du groupe de travail pour l'édifi-
cation de l'église (AGGA en allemand) et au nom de nom-
breux évangéliques, demanda pardon aux charismatiques et
aux pentecôtistes pour toutes les condamnations et pour tous
les jugements prononcés contre eux dans le passé.
Friedrich Aschoff lui accorda le pardon et à son tour
demanda pardon au nom de tous les charismatiques pour les
168
médisances à rencontre des non charismatiques. Il fut dit
alors que le diable avait perdu ce soir-là une importante
bataille dont l'Allemagne était l'enjeu; après quoi, les per-
sonnes présentes furent invitées à répéter la prière suivante:
«Jésus, je te reconnais et t'accepte comme chef de l'Egli-
se. Jésus, je confesse que par mon comportement dénué
d'amour, j'ai nui à l'unité de ton corps. Je te demande de
changer mes dispositions, et je vous demande aussi à
vous, frères et soeurs, de me pardonner. J'en appelle à
témoin le monde visible et le monde invisible. Amen.»
Alors Paul Toaspern, «ordonné serviteur de Jésus», accorda
l'absolution à tous. Vollmer délivra ensuite un court messa-
ge centré sur 2 Co 5:20-21, et tous ceux qui avaient encore à
confesser quelque péché personnel furent invités à s'avancer
pour recevoir une aide spirituelle adéquate.
A ma connaissance, la «Déclaration de Berlin» de 1909
n'a pas été mentionnée, mais elle était présente dans l'esprit
des responsables et il était normal que dans son discours de
clôture du dimanche matin, Klaus Eickhoff y fasse allusion.
Il laissa les participants avec une question ouverte: les
frères qui, dans leur souci defidélité,avaient autrefois signé
la Déclaration de Berlin, ne se seraient-ils pas trompés lors-
qu'ils qualifiaient le mouvement de Pentecôte de mouve-
ment animé d'un «esprit d'en bas»? Eickhoff voulut faire
admettre que le Saint-Esprit avait été répandu sur toute
«chair» et qu'on pouvait donc le discerner dans des «mani-
festations de l'esprit et de la chair» produites par Dieu. C.P.
Wagner estima que cette soirée marquait «une étape impor-
tante dans l'histoire de l'Eglise allemande.»

II. Contenu des exposés


Si l'ambiance n'était que modérément charismatique, en
revanche les intervenants ne firent pas mystère de leurs con-
169
victions: ils se montrèrent clairement très ouverts aux théo-
ries et aux pratiques du mouvement charismatique.

«Allemagne, Allemagne...»
J'ai trouvé intéressant ce que Loren Cunningham (le direc-
teur de Jeunesse en Mission) et C.P. Wagner ont maintes
fois répété: l'attention de Dieu et de tous les responsables
charismatiques du monde serait, paraît-il, focalisée sur
l'Allemagne.
L. Cunningham raconta par exemple qu'en avril 91,
«Dieu était venu sur lui» et que, «le coeur brisé», il aurait
pleuré sur l'Allemagne. Dieu lui aurait également confié
qu'il répandrait à nouveau son Esprit à condition que les
chrétiens soient enfin unis.
Cunningham conclut l'exposé qu'il fit le soir de l'ouver-
ture par une prophétie dont je rapporte ici la substance:
«Dieu vous aime en tant que nation, votre temps de
sécheresse est passé. Si vous, les chrétiens,
levez, il donnera à nouveau à votre pays la suprématie
sur les nations, et Jésus répandra son Esprit une fois d
plus. Un jour nouveau se lève...»
Le public applaudit vigoureusement à ces paroles.
Dans son premier exposé, C.P. Wagner avait déclaré, lui
aussi: «Après ce congrès, le cours de l'histoire de l'Allema-
gne sera modifié.»
Lors de la conférence de presse, il précisa, en réponse à
une question, le contenu du changement:
«Le pays sera guéri, des personnalités se convertiron
Jésus, la pornographie, la corruption, le nombre des
avortements et F immoralité diminueront... L'un des plus
grands miracles accordé à l'Allemagne a été la destruc-
tion du mur de Berlin. L'arrière-plan spirituel qui a ren-
du cet événement possible, c'est un changement dans les
lieux célestes.»
170
C.P. Wagner rendit également compte du congrès de Manil-
le organisé en 89 par le Mouvement de Lausanne. 4500 res-
ponsables chrétiens du monde entier ont été témoins qu'à
Manille, les évangéliques ont travaillé main dans la main
avec les pentecôtistes et les charismatiques. La participation
à tous les niveaux de la conférence des pentecôtistes et des
charismatiques a permis à Dieu d'accomplir une oeuvre
extraordinaire. Les seules réticences étaient venues d'Alle-
magne et du Japon, de sorte qu'à Manille, on eut l'impres-
sion que l'Allemagne était «fermée» au Saint-Esprit.
Mais désormais la page était tournée, et C.P. Wagner était
persuadé que le Seigneur se servirait des chrétiens alle-
mands pour enseigner la «tactique spirituelle» à toute la
chrétienté.
Ce qui précède explique pourquoi, au cours du congrès de
Nuremberg, les responsables ont souvent fait allusion à la
Déclaration de Berlin de 1909. De nombreux chrétiens
croient en effet qu'à cause de cette Déclaration, une malé-
diction repose aujourd'hui encore sur l'Allemagne et
s'oppose à l'action universelle du Saint-Esprit.
Il est intéressant de faire remarquer que le compte rendu
de Wagner sur le congrès de Manille est contredit par celui
de Klaus Teschner, paru dans «Idea-Documentation 22/89»
où l'on peut lire ceci: «J'ai été frappé de voir le nombre rela-
tivement élevé de délégués des pays autrefois sous tutelle
communiste et des pays en voie de développement quitter la
salle au moment de la méditation du soir présidée par les
charismatiques... Je ne peux désormais plus considérer le
problème charismatique comme n'intéressant que les théo-
logiens allemands.»

«Le ministère prophétique»


Bien que, d'après C.P. Wagner, la «prophétie» ait été l'affai-
re des années 80 et que, pour les années 90, le Saint-Esprit
171
ait comme autre cible la révélation de la «tactique spirituel-
le», le thème n'en suscita pas moins un grand intérêt.
La conférence sur ce sujet fut présidée par F. Aschoff et K.
Warrington. La prophétie fut définie comme un «parler sous
l'inspiration immédiate», comme une «actualisation ou une
concrétisation de ce qu'on trouve dans la Parole de Dieu».
Il fut dit que la parole prophétique sortie de la bouche
d'une personne était plus pertinente que la parole écrite.
Un observateur attentif et impartial aurait rapidement eu
l'impression que, contrairement aux visions, aux visualisa-
tions et aux inspirations immédiates, la Parole de Dieu sem-
blait moins intéressante et moins actuelle.
Après l'exposé d'introduction, les participants furent
invités à se diviser en petits groupes pour s'exercer à la
«prophétie» considérant d'abord toutes les impressions et
toutes les images qui viendraient à l'esprit comme étant sug-
gérées par l'Esprit-Saint. Dans la plupart des cas, celui-ci
n'inspire pas de prophéties négatives mais seulement des
prophéties susceptibles d'édifier et d'encourager les frères et
soeurs.
Dans ces petits groupes de quatre à six personnes, les
intéressés partagèrent leurs images et leurs impressions, et
souvent s'imposèrent mutuellement les mains.
Personne dans l'auditoire ne fut autorisé à prononcer la
moindre prophétie lors des réunions plénières. Aussi, le soir
où un «prophète» imprévu monta sur l'estrade, s'empara du
micro et déclara: «Ainsi parle le Seigneur...» avant d'appeler
l'Eglise Protestante à se repentir pour ses représentations de
nus à son dernier congrès, il fut aimablement, mais ferme-
ment, interrompu et emmené par quelques membres du ser-
vice d'ordre.
La «prophétie» - à ce congrès - se réduisait plutôt à un
jeu insouciant dans lequel se mêlaient une part de psycholo-
gie et certains éléments de dynamique de groupe; un jeu qui
n'avait rien à voir avec la prophétie biblique mais plutôt
avec l'imagination humaine.

172
«Tactique spirituelle»
Au slogan: «Pas de réveil sans baptême de l'Esprit!» lancé
des années auparavant par l'un des orateurs de ce congrès,
C.P. Wagner substitua: «Pas de réveil sans tactique spiri-
tuelle!»
Qu'entend-on par «tactique spirituelle»? L'identification
nominative, par le moyen de la prière ou des visions, des
démons qui ont pris possession de certains territoires (mai-
sons, rues, villes, pays) et le fait de les lier au nom de Jésus.
Cette action est alors normalement suivie d'un réveil et
d'une percée de l'évangile. Ce thème visait donc à mettre en
lumière les démons, anges et autres êtres spirituels qui occu-
paient des territoires et dont certains - au dire des responsa-
bles - avaient même été aperçus dans la salle de réunion.

La «marche pour Jésus» et la «tactique spirituelle»


Il fut évident, à Nuremberg, que les «marches pour Jésus»
étaient un aspect essentiel de cette tactique spirituelle. Cette
démonstration doit briser les liens, dans lesquels les démons
territoriaux enserrent la ville et proclamer la seigneurie de
Jésus.
La prochaine marche pour Jésus était programmée pour
le 23 mai 1992; ce jour-là, à Berlin (70 000 participants), à
Paris (2 800 participants) et dans les principales villes
d'Europe, les chrétiens furent invités à défiler dans les rues
pour encourager l'évangélisation du vieux continent avant
l'an 2000. Le comité «Défilés pour Jésus» qui fut constitué
comprenait des charismatiques catholiques, des représen-
tants de l'église protestante et de l'église anglicane, des bap-
tistes, des pentecôtistes et des membres de groupes extrémi-
stes tels que «parole de foi», «Eglise Philadelphie de Ber-
lin», et d'autres encore.
La stratégie de Wagner pour les années à venir indique
173
clairement quelle est la pensée magique qui sous-tend la
«tactique spirituelle»:
Du 11 au 20 juin 1994 aura lieu à Séoul une conférence
internationale des responsables du mouvement «A.D. 2000»
fondé par Thomas Wang. Elle devrait rassembler environ
5000 participants. Wagner est coordinateur de ce mouve-
ment et veut lui apporter un soutien par la prière. Dans ce
but, il veut susciter des cercles de prière dans le monde en-
tier et mobiliser 5000 églises pour passer une nuit dans la
prière en faveur de ce congrès.
D'autres groupes jeûneront pendant 40 jours. Le dernier
jour de la conférence, des défilés pour Jésus se mettront en
marche dans toutes les grandes villes du monde; ils devraient
amener environ 25 millions de chrétiens dans les rues pour
proclamer la seigneurie de Jésus sur le monde. «Jeunesse en
Mission» placera des groupes de prière aux «quatre coins du
monde» pour briser les puissances démoniaques.
Voici ce qu'en pense textuellement C.P. Wagner: «Ce
jour transformera le monde!»
A vrai dire, on ne peut que se réjouir de voir un grand
nombre d'églises passer une nuit dans la prière. Mais pour-
quoi attendre 1994? Ne vaudrait-il pas mieux commencer
dès aujourd'hui? Cette façon de programmer longtemps à
l'avance des nuits de prière à des dates fixes, de les combi-
ner avec des défilés pour Jésus dans les principales métropo-
les mondiales et une conférence internationale pour provo-
quer un réveil et purifier les lieux célestes des démons, tout
cela est totalement étranger à la Bible. Cette stratégie
s'apparente davantage à la pensée païenne et magique.

Un entretien avec C.P. Wagner


La direction de cette conférence, qui m'avait fort aimable-
ment invité à participer gratuitement au congrès, me proposa
un entretien avec C.P. Wagner, peu avant le défilé pour
174
Jésus. Les questions soulevées au cours de cet entretien
furent les suivantes:
- les sources de révélation enseignées par Wagner, à savoir
la Bible et l'expérience chrétienne;
- son rôle de «catalyseur» pour unir les charismatiques, les
évangéliques et les libéraux;
- l'amitié et la collaboration de Wagner avec des hommes
comme Yonggi Cho et Robert Schuller;
- l'existence d'un fondement biblique et d'un exemple
néo-testamentaire de la «tactique spirituelle».
En ce qui concerne les sources de la révélation, Wagner
reconnut qu'il admettait les deux. Bible et expérience, mais
ajouta que toute nouvelle révélation devait être examinée à
la lumière de la Parole de Dieu car la Bible demeure la
référence suprême.
Quant à l'union avec l'aile libérale du christianisme,
Wagner était curieux de savoir comment cela se passerait.
D'ailleurs, après les événements politiques de ces dernières
années, les partisans de la théologie de la libération, repré-
sentés aux Etats-Unis par Walter Wink, n'auraient plus guè-
re d'avenir. Il ne leur manquerait que ['«Esprit».
Pour ce qui est de Y. Cho et de R. Schuller, Wagner
admit que ces hommes enseignent certaines doctrines dou-
teuses qu'il estime erronées, mais, à part cela, il reconnaît et
apprécie leur ministère qu'il considère comme étant très
béni. Puisque nous commettons tous des erreurs, nous devri-
ons apprendre les uns des autres et nous entraider par des
relations amicales.
Enfin, en réponse à la dernière question, Wagner concéda
qu'il n'existe aucun exemple néo-testamentaire de «tactique
spirituelle». Il y a bien d'autres choses que nous enseignons
et pratiquons à propos desquelles la Bible ne dit rien, aussi
cette question relève-t-elle du domaine de l'herméneutique,
affirme-t-il.

175
III. Essai d'évaluation

C.P. Wagner et son influence


Ce congrès m'a clairement prouvé que l'influence de C.P.
Wagner en Allemagne était beaucoup plus forte et plus lour-
de de conséquences que je ne l'avais imaginé. Compte tenu
de ce que je l'ai entendu dire à Nuremberg, je ne comprends
pas que des évangéliques conservateurs puissent rester dans
une prudente neutralité à son égard et même recommander
ses ouvrages.
Certes, il dit des choses justes sur les dons de l'Esprit et
sur la croissance de l'Eglise mais ses théories et sa stratégie
me semblent néfastes pour le mouvement évangélique.
Une interprétation non biblique du «combat spiritu
Le combat spirituel présenté dans Ephésiens 6 n'a absolu-
ment rien à voir avec l'identification des démons et leur
enchaînement; il encourage plutôt la pratique d'une vie droi-
te et juste, l'évangélisation, la foi, la prière, et met à l'hon-
neur la Paroi de Dieu. La troisième vague tire donc d'Ephé-
siens 6 un concept qu'elle remplit de théories et de pratiques
provenant d'une deuxième source de révélation - non bibli-
que -, l'expérience chrétienne. Galates 1:8 prononce une
malédiction sur de telles «révélations» qui voudraient com-
pléter le canon fermé de la Parole de Dieu.
J'ai le sentiment que si l'on met en pratique les recom-
mandations non bibliques de Wagner, on côtoie dangereuse-
ment la magie blanche.
La théorie d'une deuxième source de révélation ouvre la
porte à toutes les hérésies de la fin des temps. Le jour vient
où Satan et ses anges seront chassés des lieux célestes. Il est
vrai alors que le monde changera, mais pas comme l'enten-
dent les promoteurs de la troisième vague. En effet, Dieu
prononcera un jugement sévère: «Malheur à la terre...!» (Ap

176
12:12). Pour ce qui est de la «prophétie» et de la «tactique
spirituelle», on ne peut que souscrire à la Déclaration de
Berlin qui disait:
«L'esprit de ce mouvement consiste à puiser des idées
dans la Bible, mais ensuite à les déformer par de prétendues
"paroles de connaissance".» C'est ce qui s'était déjà produit
au temps de Jérémie: par leurs visions et leurs songes, les
faux prophètes avaient entraîné le peuple d'Israël à négliger
et à oublier la Parole de Dieu. Relisez Jérémie 23!
Une amitié non biblique avec ceux qui acceptent des com-
promissions
Bien que Wagner soit au premier abord amical, tolérant,
conscient de ses fautes, il est surtout, à mon avis, un stratège
décidé à tous les compromis pour promouvoir, coûte que
coûte, l'unité et le réveil du monde. Mais je suis persuadé
que tous ses efforts aboutiront à l'égarement.
Dans son dernier exposé au congrès de Nuremberg, Wag-
ner déclara que Dieu lui aurait ordonné, dès 1980, de renon-
cer dorénavant à toute polémique. Depuis, il bannit toute
polémique de ses écrits.
Pourtant, dans un ouvrage paru en 1991, Wagner n'hésite
pas à traiter d'«ergoteurs obstinés» ceux qui critiquent le
mouvement charismatique. Le Nouveau Testament nous
exhorte à «polémiquer» (le sens original du mot est encore
plus fort: il s'agit de «faire la guerre») contre les fausses
doctrines et contre les faux docteurs. (Cf., entre autres, Jude
3-4; Jn 9-11; Ga 2:11-14; Col 2:18; 2 Co 10:4-6). Par consé-
quent la voix qu'a entendue Wagner en 1980 ne peut, en
aucun cas, être celle de Dieu.
Dieu se contredirait s'il avait confié à Wagner la mission
d'unifier le courant libéral du christianisme avec celui des
évangéliques.:
«Ne vous mettez pas avec les infidèles sous un joug étran-
ger. Car quel rapport y a-t-il entre la justice et l'iniquité?
Ml
Ou qu'y a-t-il de commun entre la lumière et les ténè-
bres? Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial? Ou
quelle part a le fidèle avec l'infidèle?» (2 Co 6:14-15).
Il faut que les libéraux deviennent d'abord croyants; dès
qu'ils accorderont foi à toute la Parole de Dieu, ils ne seront
plus libéraux! La soi-disant «prophétie» de Dick Mills selon
laquelle Wagner devait être le catalyseur pour unir en une
seule corde les trois brins du christianisme, à savoir les
évangéliques, les charismatiques et les libéraux, est en totale
opposition avec la Parole de Dieu.
Les évangéliques qui considèrent effectivement Wagner
comme un leader évangélique de premier plan, sont sur le
point d'être victimes d'une séduction tragique et lourde de
conséquences.
Le congrès de Nuremberg et la nomination de Friedrich
Aschoff au sein du comité directeur du mouvement de Lau-
sanne ont confirmé mon impression que ce mouvement
pousse, à leur insu, les évangéliques d'Allemagne en direc-
tion de la troisième vague.

Ignorance et frustration
J'ai été frappé de constater qu'au congrès de Nuremberg, plu-
sieurs des conférenciers auxquels j'ai pu parler n'avaient
qu'une connaissance superficielle, voire aucune connaissance
du tout des théories de la troisième vague. Quelques-uns des
responsables ont même reconnu qu'ils ne s'étaient jusque-là
pas intéressés à la théorie de la «tactique spirituelle».
De nombreux pasteurs ont exprimé leur désarroi devant
les querelles qui les opposent à certains anciens de leur égli-
se ou à des collègues incroyants. Ils étaient reconnaissants
d'avoir trouvé parmi les charismatiques des frères et des
soeurs animés de préoccupations évangéliques et dont l'en-
thousiasme était stimulant pour eux.

178
Pour autant que je puisse en juger, quelques orateurs, par-
mi lesquels Klaus Eickhoff, ont manifesté un intérêt pas-
sionné pour un réveil authentique. Eickhoff n'hésita pas à
fustiger publiquement et sévèrement l'Eglise Protestante
avec son «baptême-fétiche». En discutant avec lui et en
l'écoutant, j'ai senti en lui une réelle aspiration à une unité
spirituelle et le désir ardent d'un réveil dans notre pays.
A Nuremberg, j'ai rencontré de nombreux chrétiens frus-
trés par leur église et déçus d'eux-mêmes; ils aspiraient à
une vie spirituelle authentique et épanouie, à un engagement
sans réserves au service du Seigneur et à un amour fraternel
sans hypocrisie au sein des communautés. Pourquoi n'ont-
ils pas trouvé ces choses chez nous, les soi-disant «non-cha-
rismatiques»?

Un défi lancé aux non-charismatiques


Le «Renouveau Spirituel Protestant» (GGE en allemand),
avec son penchant pour le mysticisme catholique et son
acceptation de la critique historique de la Bible, ne peut en
aucun cas étancher de façon durable la soif spirituelle. Au
sein du groupe de travail pour l'édification de l'église
(AGGA), on ne s'émancipera pas facilement des «esprits»
évoqués par C.P. Wagner dans ses théories; le congrès de
Nuremberg devrait donc être un défi qui nous est lancé pour
proposer une alternative biblique, dynamique et spirituelle-
ment saine.
Si, avec l'aide de Dieu, nous parvenions à ouvrir les yeux
de ces chrétiens frustrés sur la beauté ineffable de notre
Seigneur Jésus tel qu'il est présenté dans la Bible, et si nous
pouvions leur témoigner de l'amour, de la compréhension,
de la chaleur et les accueillir dans une communauté spiritu-
elle stable et solide, il est probable qu'ils se passionneraient
moins pour les visions et éprouveraient moins le besoin
d'inspiration immédiate.

179
Une prédication radicalement évangélique, un amour
brûlant pour le Seigneur, pour sa Parole et pour les perdus,
les attireraient bien mieux que n'importe quelle théorie sur
l'enchaînement des démons territoriaux dans les lieux céles-
tes.
Si, dans notre vie quotidienne, nous étions reconnus com-
me disciples de Christ, les défilés pour Jésus et leur côté
spectaculaire, organisés périodiquement, n'auraient qu'un
impact négligeable.
Bref, si nous, chrétiens fidèles à la Bible, traduisions
davantage dans la vie pratique ce que nous écrivons dans nos
livres et dans nos exposés, je suis convaincu que la troisième
vague disparaîtrait d'elle-même.
(Toutes les citations proviennent de notes prises lors des
exposés et restituent le sens de ce qui a été dit.)

180
Notes
Introduction
1. C.P. Wagner: «Der Gesunde Aufbruch», Simson, Lôrrach, p. 15
2. Transcription d'un message enregistré de J. Wimber en janvier
1990; cité dans «Watch». Cristian Research Institute, avril-juin 1990,
pp.4-5
3. C.P. Wagner: «Der Gesunde Aufbruch», p.24

Les «trois vagues» du Saint-Esprit


1. Comme le font par exemple C.P. Wagner et J. Wimber dans «Die Dritte
Welle», Projektion J. Hochheim 1988, pp.26-30
2. op. cit., p.29
3. op. cit., p.29

La troisième vague: l'évangélisation de puissance


1. «Allez... évangélisez» de J. Wimber et K. Springer, éd. Ménor, Rouen
(1989), p. 131.
2. «Die Dritte Welle» de J. Wimber et K. Springer, p.47
3. op. cit., p.49
4. op. cit., p.52
5. op. cit., p.55
6. op. cit., p.56
7. op. cit., p.56
8. op. cit., p.57
9. «Gemeindewachstum», p.28
10. J. Wimber/K. Springer, «Vollmàchtige Evangélisation», p.8
11. «Die Dritte Welle», de J. Wimber et K. Springer, p.34
12. op. cit., p.40
13. op. cit., p.40
14. op. cit., p.42
15. op. cit., p.43
16. «Allez... évangélisez», de J. Wimber et K. Springer. p. 16
17. «Die Dritte Welle», de J. Wimber et K. Springer, pp.28-29

181
18. op. cit., p.29
19. op. cit.,p.234
20. op. cit., p.233
21. op. cit., p.29
22. «Der Gesunde Aufbruch», de C.P. Wagner, Simson, Lorrach 1989,
p.24
23. «Die Dritte Welle» de J. Wimber et K. Springer, p.30
24. op. cit., p.93
25. «Der Gesunde Aufbruch», de C.P. Wagner, p.22
26. «Auf den Spuren des Heiligen Geistes» de J.I. Packer, Brunnen (Bâle)
1989,p.228
27. «Idea», Suisse, 21/88
28. J. Wimber/K. Springer, «Vollmàchtige Evangélisation», p.20
29. «Allez... guérissez», de J. Wimber et K. Springer, éd. Menor, Rouen
(1989), p.28
30. op. cit., pp.37-38
31. op. cit., p.38
32. op. cit., p.38
33. «Power Healing», de J. Wimber, Manuskriptdruck, Hochheim 1988,
p.8
34. «Allez... évangélisez», de J. Wimber et K. Springer, p.l 13
35. op. cit., p. 12
36. op. cit., pp.47-48
37. op. cit., p. 123
38. op. cit., p.33
39. op. cit., pp.21-22
40. op. cit., p.36
41. op. cit., p. 122
42. op. cit., p. 166
43. «Allez... guérissez», de J. Wimber et K. Springer, p.64
44. op. cit., p.59
45. op. cit., p. 17
46. op. cit., p.69
47. op. cit., p.250
48. «Beauftragt zu heilen», de F. MacNutt, Styria, Graz/Wien/Koln 1985,
p.12
49. «La Séduction de la chrétienté», de D. Hunt, éd. Parole de Vie, Codo-
gnan(1989), p. 138
50. op. cit., pp. 138-139
51. «Allez... guérissez», de J. Wimber et K. Springer, p.53
52. «Allez... évangélisez», de J. Wimber et K. Springer, p. 105
53. «Allez... guérissez», de J. Wimber et K. Springer, p.56
54. op. cit., p. 159
55. op. cit., p. 169

182
56. op. cit., p. 16
57. «Power Healing», de J. Wimber, p.94
58. «Allez... guérissez», de J. Wimber et K. Springer, p. 155
59. op. cit., p.49
60. op. cit., p. 195
61. «Allez... évangélisez», de J. Wimber et K. Springer, p.45
62. op. cit., p.72
63. «Allez... guérissez», de J. Wimber et K. Springer, pp.202-203
64. op. cit., p.223
65. «Die Dritte Welle», de J. Wimber et K. Springer, p. 176
66. «Allez... évangélisez», de J. Wimber et K. Springer, pp.29-30
67. «Allez... guérissez», de J. Wimber et K. Springer, pp. 128-129
68. op. cit., p. 136
69. op. cit., p. 191
70. «Die Dritte Welle», de J. Wimber et K. Springer, p.41
71. «Allez... guérissez», de J. Wimber et K. Springer, p.201
72. op. cit., p. 199
73. op. cit., p.200
74. «Allez... évangélisez», de J. Wimber et K. Springer, p. 150
75. S. Grossmann dans «Die Gemeinde» 50/87
76. «Der Gesunde Aufbruch... de C.P. Wagner, p.50
77. «Erfolgreiche Hauszellgruppe». de Y. Cho, Christl. Gemeinde Koln
1987, p. 125
78. op. cit., p. 124
74. «Riickkehr zum biblischen Christentum», de D. Hunt, CLV Bielefeld
1988, pp.l48-149
80. «La Séduction de la chrétienté», de D. Hunt, p. 13
81. op. cit., p. 12
82. «Erfolgreiche Hauszellarbeit», de Y. Cho. pp. 147-148
83. «La quatrième dimension», de Y. Cho, éd. Vida (1990), p.123
84. «Nicht nur Zahlen», Verlag Information und Kommunikation, Bad
Homburg 1986, p.22
85. op. cit., p.23
86. «Die Vierte Dimension», de Y. Cho, Bd 2, p.69
87. «Nicht nur Zahlen». de Y. Cho, p.95
88. op. cit., p.35
89. «Die Vierte Dimension», de Y. Cho. Bd 2, p.69
90. «Glaube in Aktion». de Y. Cho, Weg zur Freude, Karlsruhe, p. 10
91. «La Séduction de la chrétienté», de D. Hunt, p. 155
92. op. cit., p. 146
93. «La quatrième dimension», de Y. Cho, p.36
94. «Erfolgreiche Hauszellarbeit», de Y. Cho. pp. 154-155
95. «La quatrième dimension», de Y. Cho, p.36
96. «Nicht nur Zahlen». de Y. Cho, p. 16

183
97. «La quatrième dimension», de Y. Cho, p.39
98. op. cit., p.43
99. «Die Vierte Dimension», de Y. Cho, Bd 2, p.64
100. «Nicht nur Zahlen», de Y. Cho, p. 100
101. «Der Schlussel zum sieghaften Leben», Weg sur Freude, Karlsruhe,
pp.8-9
102. op. cit., p. 10
103. «La quatrième dimension», de Y. Cho, p. 19
104. op. cit., pp.59-60
105. op. cit., p.60
106. op. cit., pp.62-63
107. op. cit.,p.63
108. op. cit., p.64
109. op. cit., p.29
110. op.cit.,p.70
111. op. cit., p.72
112. op. cit., pp.73-74

Reinhard Bonnke: la moissonneuse-batteuse


de Dieu
1. R. Steele, «Die Hôlle plùndem», Leuchter, Erzhausen 1985, p. 15
2. I. Birkenstock, «Weiss zur Emte», Schulte + Gerth, Asslar 1983,
p. 122
3. R. Steele, «Die Hôlle plùndern», op. cit., p. 17
4. op. cit., p. 18
5. «Missions Reportage», 3/88, p. 11
6. R. Steele, «Die Hôlle plùndern», p.30
7. I. Birkenstock, «Weiss zur Emte», p. 17
8. R. Steele, «Die Holle plundem», p.36
9. op. cit., p.38
10. op. cit., p.44
11. op. cit., pp.44-45
12. op. cit., p.45
13. Conférence enregistrée, CZB 1507
14. R. Steele, «Die Hôlle plùndern», p.46
15. op. cit., p.65
16. I. Birkenstock, «Weiss zur Emte», p. 140
17. op. cit., pp. 116-117
18. R. Steele, «Die Hôlle plundem», p. 124
19. op. cit., p. 135
20. op. cit., p. 146

184
21. op. cit.. p. 147
22. op. cit.. p. 146
23. op. cit., p.153
24.1. Birkenstock, «Weiss zur Emte», p.24
25. R. Steele, «Die Hôlle plundem», p. 148
26. Lettre circulaire du 26.3.87
27. Lettre circulaire du 18.4.88
28. Lettre circulaire du 15.2.89
29. R. Steele, «Den Himmel bevôlkern», Leuchter, Erzhausen 1988, p. 19
30. op. cit., p.24
31. «Missions Reportage» du 22.5.84
32. R. Steele. «Den Himmel bevôlkern», p. 16
33. «Missions Reportage» du 25.1.85
34. op. cit., 6/86
35. R. Steele, «Den Himmel bevôlkern», p. 134
36. «Missions Report» 5/87
37. op. cit.
38. op. cit., 2/88
39. op. cit., 5/88
40. op. cit., 1/89
41. op. cit.. 2/89
42.1. Birkenstock, «Weiss zur Emte», pp. 106-107
43. R. Steele, «Die Hôlle plundem», pp.35-36
44. op. cit., p.37
45. R. Steele. «Zum Sieg bestimmt», Wort des Glaubens, Feldkirchen 1988,
p. 129
46. Enregistrement vidéo «Ein Blutgewaschenes Afrika»
47. Lettre circulaire du 20.10.88

L'évangélisation de puissance à la lumière


de la Bible
1. «Allez... évangélisez», de J. Wimber et K. Springer, p.l 13
2. op. cit., p. 122
3. op. cit., p.48

Récapitulation
1. «Der Gesunde Aufbruch». de C.P. Wagner, Simson, Lôrrach (1989).
p.20
2. Charisma. Dusseldorf 76/1991, p.5

185
3. op. cit., p.4
4. op. cit., p.5
5. «Das Zukiinftige wird er euch offenbaren», Bernard, Lùdenscheid,
pp.25-27
6. Reformation Banner, Singapour, 1990, p. 13
7. Cité dans F. Holmes: «R.C. Chapman, CVD, Dillenburg 1989, p. 103
8. «Der Gesunde Aufbruch», de C.P. Wagner, p.59
9. op. cit., p.75
10. C-Magazin, Ravensburg 1/1989, p.l
11. Gemeinde-Erneuerung, Hamburg 39/1991, p.32
12. Charisma, Dusseldorf 55/1987, p.l 1
13. Reformation Banner, p.30
14. «Vollmàchtige Evangélisation», J. Wimber et K. Springer, Projektion J,
Hochheim, 1986, p. 161
15. C.P. Wagner dans «Wenn das Feuer fàllt», de R. Bonnke, Erzhausen
1991, p.5
16. op. cit., p.4

L'alternative biblique
1. G. Huntemann, «Der andere Bonhoeffer», Brockhaus, Wuppertal, p.96
2. E. Elliot, «A l'ombre du Tout-Puissant», éditions Farel
3. op. cit.

Appendice 1: Ce que la Bible dit


1. A. Remmers, «Geistesgaben oder Schwàrmerei?», Verlag der Ev.
Gesellschaft de Wuppertal, 1982, p.20
2. A. Kuen, «Le mouvement charismatique», éd. Emmaiis, épuisé.
3. K. et G. Copelaqnd; cité dans «Evangélisation in der Kraft des Heiligen
Geistes» II, de J. Wimber, p.89
4. Cité dans «Gebetsheilungen, Zungenreden, Zeichen und Wunder» de
H.L. Heijkoop, Neustadt, p.52
5. A. Seibel, «Die sanfte Verfùhrung der Gemeinde», Verlag der Ev.
Gesellschaft de Wuppertal, 1989
6. D. Hunt, «Ruckkehr zum bibilischen Christentum», p.92
7. R. Schuller, «Harte Zeiten - Sie stehen sie durch!», p.215
8. D. Wilkerson, «Lass die Posaune erschallen!», Fliss, Hamburg, 1987,
pp. 149-150
9. S. Kierkegaard, «Christenspiegel», Brockhaus, Wuppertal 1979, p.64

186
10. W. Nietsche/B. Peters, «Dàmonische Verstrickungen - Biblische
Befreiung», Schwengler, Bemeck, p. 110
U.K. Hagin. «Die Autoritât des Glàubigen», Verlag Lebendiges Wort,
Hohenschàftlam, 1982, p.47
12. op. cit., p.45
13. op. cit., p.31

187

Vous aimerez peut-être aussi