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Jean-Paul Sartre-Situations I - Essais Critiques-Gallimard (1989) PDF
Jean-Paul Sartre-Situations I - Essais Critiques-Gallimard (1989) PDF
Situations, 1
ESSAIS CRITIQUES
GALLIMARD
� Éditions Gallimard, 1947.
II S ART ORISIl
PAR W. FAULKNER
1. Auteurs contemporains.
« S A RT O R I S )) 13
Févtier 1938.
A PR OP O S D E J O H N D O S PA S S O S
ET DE (1 1 9 1 9 »
Août 1938.
«L A CONSPIRATION»
Janvier 1939.
M. FRANÇOIS MAURIAC
ET LA LIBERTÉ
Février 1939.
1. P. 101.
2. P. l 10.
1[ LA M É PR I S E » 55
1939.
D E N I S D E , R O U G EM O NT :
« L ' AM O U R E T L ' O C C I D E N T »
LA T E M P O R A L I T É C H E Z F A U L K N E R
1. P. 87.
2. P. 120. C'est mol qui souligne.
68 S ITUA T I O N S 1
1. P. 83.
2. P. 87.
LA TEMPORALITÉ CHEZ FAULKNER 71
1. P. 87.
2. P. 178.
72 S ITUATIONS 1
Juillet 1939.
Mars 1940.
EXPL I CAT I O N
D E « L' ÉTRANGER II
1. Gallimard, éd.
EXPLICATION DE « L' ÉTRANGER » 93
« c'est un innocent ». Encore fallait-il comprendre le
sens de cette innocence.
M. Camus, dans Le Mythe de Sisyphe paru quelques
mois plus tard, nous a donné le commentaire exact
de son œuvre : son héros n'était ni bon ni méchant, ni
moral ni immoral. Ces catégories ne lui conviennent
pas : il fait partie d'une espèce très singulière à
laquelle l'auteur réserve le nom d'absurde. Mais ce
mot prend, sous la plume de M. Camus, deux signi
fications très ""différentes : l'absurde est à la fois un
état de fait et la conscience lucide que certaines per
sonnes prennent de cet état. Est « absurde » l'homme
qui, d'une absurdité fondamentale, tire sans défail
lance les conclusions qui s'imposent. Il y a là le même
déplacement de sens que lorsqu'on nomme « swing »
une jeunesse qui danse le swing. Qu'est-ce donc que
l'absurde comme état de fait, comme donnée ongi
nelle? Rien de moins que le rapport de l'homme au
monde. L'absurdité première manifeste avant tout un
divorce : le divorce entre les aspirations de l'homme
vers l'unité et le dualisme insurmontable de l'esprit
et de la nature, entre l'élan de l'homme vers l'éternel
et le caractère fini de son existence, entre le « souci II
qui est son essence même et la vanité de ses efforts.
La mort, le pluralisme irréductible des vérités et des
êtres, l'inintelligibilité du réel, le hasard, voilà les
pôles de l'absurae. A vrai dire, ce ne sont pas là des
thèmes bien neufs et M. Camus ne les présente pas
comme tels. Ils furent dénombrés, dès le XVIl e siècle,
par une certaine espèce de raison sèche, courte et
contemplative qui est proprement française : ils ser
virent ae lieux communs au pessimisme classique.
N'est-ce pas Pascal qui insiste sur « le malheur naturel
de notre condition faible et mortelle et si " misérable
que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pen
sons de près ll? N'est-ce pas lui qui marque sa place
à la raison? n'approuverait-il pas sans réserve cette
phrase de M. Camus : « Le monde n'est ni (tout à
fait) rationnel ni à ce point irrationnel »? Ne nous
montre-t-il pas que la « coutume » et le « divertisse-
94 S ITUAT IONS 1
l
1 . Le Mythe de Sisyphe' . 35.
2. M. Merleau-Ponty : a Strùcture du Comportement (La
Renaissance du Livre, 1 942), p. 1 .
3 . L e Mythe de Sisyphe, p . 16.
EXPLICATION DE « L ' ÉTRAN GER » 95
1. L'Étranger, p. 36.
98 S ITUATIONS 1
1. L'Étranger, p. 121.
100 SITUATIONS 1
renvie est là, elle sera bien assez forte pour lui faire
prendre l'autobus, puisque telle autre envie concrète
aura assez de force pour faire courir à toutes jambes
cet indolent et pour le faire sauter dans un camion
en marche. Mais il désigne toujours sa mère du mot
tendre et enfantin de « maman » et il ne manque
pas une occasion de la comprendre et de s'identifier à
elle. « De l'amour, je ne connais que ce mélange de
désir, de tendresse et d'int�ligence, qui me lie à tel
être 1. » On voit donc qu'on ne saurait négliger le
côté théorique du caractère de Meursault. De même
beaucoup de ses aventures ont pour principale raison
de mettre en relief tel ou tel aspect de l'absurdité
fondamentale. Par exemple, nous l'avons vu, Le
Mythe de Sisyphe vante la « disponibilité parfaite du
condamné à mort devant qui s'ouvrent les portes
de la prison par une certaine petite aube 2 » - et
c'est pour nous faite j ouir de cette aube et de cette
disponibilité que M. Camus a condamné son héros
à la peine capItale. « Comment n'avais-je pas vu, lui
fait-il dire, que rien n'était plus important qu'une
exécution ... et, qu'en un sens c'était même la seule
chose vraiment intéressante -pour un hommel » On
pourrait multiplier les exemples et les citations. Pour
tant cet homme lucide, indifférent, taciturne, n'est
pas entièrement construit pour les besoins de la
cause. Sans doute le caractère une fois ébauché s'est-il
terminé tout seul, le personnage avait sans doute une
lourdeur propre. Toujours est-il que son absurdité ne
nous paraît pas conquise mais donnée : il est comme
ça, voilà tout. Il aura son illumination à la dernière
page, mais il vivait depuis toujours selon les normes
de M. Camus. S'il y avait une grâce de l'absurde, il
faudrait dire qu'il a la grâce. il ne semble se poser
aucune des questions qu'on agite dans Le Mythe de
Sisyphe; on ne voit pas non plus qu'il soit révolté
avant d'être condamné à mort. Il était heureux, il se
1. L'Étranger, p. 158.
106 S I TUATI O N S 1
1 . L'Stranger, p. 23.
108 S ITUATIO N S 1
.L'Etranger, p. 51.
2. Id., p. 23.
E X P L I C A T I O N D E « L ' ÉT R A N G E R » 111
Février 1943.
O U D U FANTASTIQUE
CON S I DÉRÉ COMME UN LANGAGE
1 . Aminadab, p. 95.
« AM I N A D A B » 131
1. P. 21.
138 S I TU A T I O N S 1
1 . Id., p. 54.
U N N O U VE A U MY S T I Q U E 139
11
1. P. 109.
2. P. 1 1 0.
148 S ITUAT I O N S 1
1. P. 113.
2. Id., ibid.
1 50 SITUATIONS 1
1 . P. 1 34.
2. P. 1 38.
3. P. 137.
156 S I TUA T I O N S 1
1. P. 77.
UN NOUVEAU MYSTIQUE 157
le temps paradoxale : c'est la remise de l'existence à
plus tard. » Mais il a plus de mépris pour l'homme
sérieux que Kierkegaard n'en avait pour l'homme
éthique : c'est que le sérieux est une fuite en avant.
C'est à Pascal que M. Bataille fait songer lorsqu'il
écrit : « On n'a de satisfaction vaniteuse qu'en pro
jet; on tombe de cette façon dans la fuite, comme
une bête dans un piège sans fin; un jour quelconque,
on meurt idiot. » C'est que le projet, pour finir,
s'identifie au divertissement pascalien; notre auteur
reprocherait volontiers à l'homme du projet de « ne
pouvoir demeurer en repos dans une chambre ».
Derrière notre agitation il découvre et veut rejoindre
un atroce repos. Nous en parlerons tout à l'heure.
Ce qu'il faut noter à présent, c'est que, par son horreur
de la déchirure temporelle, M. Bataille s'apparente
à toute une famille d'esprits qui, mystiques ou sensua
listes, rationalistes ou· non, ont envisagé le temps
comme pouv6ir de séparation, de négation, et ont
pensé que l'homme se gagnait contre le temps en
adhérant à lui-même dans l'instantané. Pour ces
esprits .-:.. il faut ranger parmi eux Descartes comme
Épicure, Gide comme Rousseau; - le discours, la
prévision, la�mémoire utilitaire, la raison raisonnante,
l 'entreprise'� nous arrachent à nous-même. Ils leur
0pl? osent l'instant : l'instant intuitif de la raison car
teSIenne, l'instant extatique de la mystique, l'instant
angoissé et éternel de la liberté kierkegaardienne,
l'instant de la jouissance gidienne, l'instant de la
réminiscence proustienne. Ce qui rapproche des pen
seurs d'ailleurs si différents, c'est le désir d'exister
tout de suite et tout entier. Dans le cogito, Descartes
pense s'atteindre dans sa totalité de « chose pen
sante »; de même la « pureté gidienne » est p ossession
entière de soi-même et du monde dans la Jouissance
et lé dépouillement de l'instant. C'est bien l'ambition
de notre auteur : il veut lui aussi « exister sans délai ».
n a le projet de sortir du monde des projets.
C'est le rire qui va le lui permettre. Non que
l'homme en projet soit, tant qu'il combat, comique :
158 S ITUATIONS 1
1. P. 104.
UN NOUVEAU MYSTIQUE 159
violent
' mouvement des mondes se fera de ta mort
une écume éclaboussante. Les gloires, la merveille
de ta vie tiennent à ce rejaillissement du flot qui se
nouait en toi dans l'immense bruit de cataracte du
ciel. Il Et alors l'angoisse devient délire, joie suppli
ciante : cela ne vaut-il pas de risquer le voyage?
D'autant qu'on en revient. Car enfin M. Bataille
écrit, il occupe un .poste à la Bibliothèque Nationale,
il lit, il fait l'amour, il mange. Comme il le dit dans
une formule dont il ne saurait me reprocher de rire :
CI Je me crucifie à mes heures. Il Pourquoi pas? Et
nous nous sommes si bien gagnés à ce petit exercice
que M. Bataille le nomme « le chemin que l'homme
a fait à la recherche de soi-même, de sa gloire lI.
Ceux qui n'ont point été à l'extrême du possible, il
les appelle des serviteurs ou des ennemis de l'homme,
non des hommes. Ainsi voilà que ce dénuement
innommable prend forme soudain : nous cro�ons
nous perdre sans recours et, par le fait, nous réahsions
tout simplement notre essence : nous devenions ce
9.ue nous sommes. Et, au terme même des explica
tions de notre auteur, nous entrevoyons une tout
autre façon de nous perdre sans recours : c'est de
demeurer volontairement dans le monde du projet.
En ce monde-là, l'homme se fuit et se perd au jour
le jour. Il n'espère rien et rien ne lui sera donné.
Mais l'auto-da-fé que M. Bataille nous propose a
tous les caractères d'une apothéose.
Considérons-le de plus près, cependant. C'est, nous
dit-on, une agonie. Cette agonie nous l'avons atteinte
par le rire, mais nous aurions pu y accéder par
d'autres méthodes. En particulier, par une apphca
tion systématique à ressentir notre abjection. L'es
sentiel est <J.ue nous fassions au départ l'expérience
de cette vénU de principe : l'être n'est nulle part;
nous ne sommes pas tout, il n'y a pas de tout. Dès
lors nous ne pouvons plus « nous vouloir tout 1 lI.
Et cependant « l'homme ne peut, par aucun recours,
1. P. 10.
164 S I T U AT I O N S 1
1. P. 126.
U N N O U VE A U M Y S T I Q U E 165
1. P. 202.
166 SITUATIONS 1
III
1. P . 63.
2. P. 62.
1 68 S I TUATIONS 1
1. P. 85.
170 S ITUATIONS 1
Décembre 1943.
ALL E R E T R E T O U R 1
1. L ' I N TU I T I O N
1. D'après Lautréamont.
1 94 S I TUAT I O N S 1
I l . L ' EXPÉRIENCE
1. Retour à la France, p. 3 1 .
2. Id., pp. 3 7 e t 38.
200 S ITUATI O N S 1
1. Retour à la France, p. 1 7.
2. Manuscrit inédit de 1923.
3. Comparez à ce que Bataille dit du mot de silence dans .
L'Expérience intérieure.
ALLER ET R E T O U R 213
et la totalité du langage est silence, car il faut être
situé au milieu du langage pour parler. Seulement,
dans le cas qui nous occupe, la totalisation est impos
sible"pour l'homme, puisqu'elle se ferait par les mots.
Et le silence de Parain n'est qu'un grand mythe
optimiste - un mythe qu'il a, si j e ne me trompe,
aùjourd'hui tout à fait dépassé 1.
Prél!enterai-je une critique de ces thèses? Je connais
Parain depuis dix ans, j'ai discuté souvent avec lui,
j 'ai assisté à toutes les démarches de cette pensée
probe et rigoureuse, j'ai souvent admiré son savoir
et l'efficacité de sa dialectique. Pour éviter un mal
entendu, je préviendrai donc que mes objections
m'apparaissent comme une étape du long dialogue
amical · que nous menons depuis si IODW;emps. Il y
répondra demain sans doute, et je lui en ferai a'autres
et il y ré'pondra encore et, entre-temps, sa pensée
aura suiVI son cours; il aura changé de position, moi
aussi, vraisemblablement; nous nous serons rappro
chés ou éloignés, un autre Parain et un autre Sartre
poursuivront la discussion. Mais puisque la fonction
du critique est de critiquer, c'est-à-dire de s'en�ager
p' our ou contre et de se situer en situant, j e diraI que
j 'accepte tout crOment la plus grande part des ana
lyses de Parain : je conteste seulement leur portée
et leur place. Ce qui se débat entre nous, comme il
est arrivé si solivent dans l'histoire de la philoso
phie, c'est la question du commencement. Peut-être
reprochera-t-on à Parain de ne pas débuter par la
psychologie de l'homme C{ui parle. Mais ce n'est pas
mon avis. Comtien en ceCI encore qu'il se méfie pro
fondément de la psychologie, Parain ne 'Veut point
entrer dans les analyses de ces « images verbales »
II
1. L'Espoir, p. 96.
270 S ITUAT I O N S 1
Décembre 1944.
moment :
n 'existeraient pas. »
Et c'est ce qu'il fait dans chacune de ses comparai
sons, puisqu'il met d'un côté la loi vraie, l'explication
scientifique, et de l'autre, la loi qu'il invente. Il notera
que « s'évanouir, c'est se noyer à l'air libre », il en
viendra à trouver « délicieux » un mot de Saint-PoI
Roux : « Les arbres échangent des oiseaux comme
des paroles »; il finira par écrire : « Les buissons sem
blaient saouls de soleil, s'agitaient d'un air indisposé
et vomissaient de l'aubépine, écume blanche. » Ce qui
est positivement affreux et ne signifie rien, parce que
l'image se développe par son propre poids. On notera
le « semblaient », destiné à rassurer le lecteur et Re
nard lui-même en les avertissant tout de suite qu'ils
demeureront dans le domaine de la pure fantaisie,
que les buissons ne vomissent pas. On notera aussi
la j uxtaposition maladroite du réel et de l'imaginaire :
« l'aubépine, écume blanche ». Si Renard comparé
19 45.
LA L IB ERT � CART � S I E NN E
1. Méditation quatriéme.
294 s tTUATIONS 1
1 . Méditation qualriême.
298 S I T U AT I O N S 1
1 . Méditation quatrième.
LA L I B E R TÉ C A R T É S I E N N E 299
1. Principes, § 41.
300 S I T U AT I O N S 1
1. Recherche de la Vérité.
302 S IT U A T I O N S 1