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CHAROLLES, Michel (1988)

«Les études sur la cohérence, la cohésion et la connexité textuelles depuis la fin des années
1960», Modèles linguistiques, Tome X, Fasc. 2, pp.45-66 (AB, juin 2000)

Cohérence et continuité

a) L'idée qui se trouve au centre du projet grammatico-textuel (celui d'une grammaire de texte)
est celle de rendre compte à l'aide d'un système de règles appropriées de ce qui fait qu'un texte est
un texte et non une suite de phrases sans rapport. La question de la cohérence est ainsi d'emblée
associée à celle de la définition normative du texte. Le modèle qui est censé en être dégagé, doit
fournir une description structurale de la compétence textuelle des natifs.

On remarque:

1. l'importance des marques linguistiques de continuité dans l'établissement de la cohérence


textuelle ;

2. le rôle des connaissances extérieures au texte. Il est ainsi proposé d'associer à chaque texte des
complexes de mondes et de croyances attachées à ces mondes.

b) L'approche de la question par la linguistique de l'énonciation s'oppose à celle de la grammaire


de texte par le fait que pour elle, " la phrase ne peut servir d'unité entrant dans une organisation
supérieure [le texte], car au-delà de la phrase, il n'existe pas de règles combinatoires stipulant
comment les unités de discours doivent être agencées ". BENVENISTE explique que:

 « avec la phrase, on quitte le domaine de la langue comme système de signes et l'on entre
dans un autre univers, celui de la langue comme instrument de communication, dont
l'expression est le discours ». (« Les niveaux de l'analyse linguistique » (1964), Problèmes
de linguistique générale 1. Paris: Gallimard, 1966, pp.129-130)

La seule chose que l'on puisse étudier dans cet univers du discours, c'est comment le sujet
s'approprie l'appareil formel de la langue et énonce sa position de locuteur par des indices
spécifiques. Partant, l'analyse du discours aura pour objectif d'essayer de mesurer comment les
locuteurs usent des moyens existant dans la langue pour marquer leur subjectivité.

Dans un tel cadre, les problèmes de cohérence n'ont pratiquement pas de place car la question ne
se pose pas.

Nouvelles orientations du projet grammatico-textuel

Il paraît impossible de s'en tenir à l'idée que certaines suites de phrases ou de macro-propositions
puissent être en elles-mêmes cohérentes ou incohérentes.
a) terminologie: on distingue
- la cohérence, qui a à voir avec l'interprétabilité des textes.
- la cohésion anaphorique, thématique, ... qui joue sur des relations d'identité, d'inclusion,
d'association entre constituants d'énoncés et contribue à la constitution textuelle (cf aussi la
notion greimassienne d'isotopie).
- la connexité qui marque des relations entre des contenus propositionnels ou actes de langage et
indique des actes de composition textuelle.

b) cohérence et interprétation
Si la cohérence n'est pas une propriété des textes, le besoin de cohérence est par contre une sorte
de forme a priori de la réception discursive. La cohérence devient alors un principe
d'interprétation et de réinterprétation comparable aux maximes de Grice ou aux lois de discours
de Ducrot.

c) cohérence et processus inférentiels


Les processus d'interprétation et de réinterprétation, commandés par le principe de cohérence,
conduisent l'interprétant à construire des relations qui ne figurent pas expressément dans le
donné textuel. Une des tâches du linguiste est d'essayer de faire le partage entre les inférences
linguistiquement fondées et les autres.

La frontière avec les travaux d'intelligence artificielle ou de psycholinguistique s'estompe. On y


élabore des modèles procéduraux qui tentent de représenter les processus de traitement et de
retraitement mis en œuvre par les sujets lorsqu'ils interprètent des données textuelles. Coût et
profondeur de traitement, stratégie, heuristique, sont les notions dont se dote alors la nouvelle
grammaire de textes.

Conclusion

Le courant grammatico-textuel, après une phase de développement fortement marquée par le


générativisme, a débouché sur des travaux qui rejoignent aujourd'hui les recherches de caractère
cognitiviste ou d'intelligence artificielle.

Le courant énonciatif s'est préoccupé de l'insertion du discours dans un contexte de


communication, d'où sa connexion avec des recherches plutôt sociologiques.

Dans ce contexte, où la nécessité de recherches pluri-disciplinaires se fait pressante, la question


se pose de savoir quel peut être l'apport spécifique de la linguistique dans les innombrables
projets qui voient le jour autour du texte. Ce qui ne semble plus que lui revenir en propre est
l'analyse des marques de relation entre les unités de composition textuelle.

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