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Dominique Maingueneau
DICTIONNAIRE
D'ANALYSE
DU DISCOURS
Avec la collaboration de Jean-Michel Adam,
Simone Bonnafous, Josiane Boutet,
Sonia Branca-Rosoff, Catherine Kerbrat-Orecchioni,
Sophie Moirand, Christian Plantin
Éditions du Seuil
27 rue Jacob, Paris vi e
Avant-propos
7
Les auteurs
Appréciation
L'appréciation peut, au sens étroit, concerner seulement la caté
gorie des modalités* appréciatives ou, au sens large, l'ensemble des
marques par lesquelles l'énonciateur exprime un jugement de valeur
ou une réaction affective.
LA MODALITÉ APPRÉCIATIVE
51
CLICHÉ
Champ discursif
Introduite par D. Maingueneau (1983: 15), conjointement avec
celles d'univers discursif et d'espace discursif, cette notion - qui n'est
pas sans rapports avec la théorie des « champs » développée par le
sociologue P. Bourdieu (1976) - est solidaire du principe de la pri
mauté de l'interdiscours* sur le discours.
Dans l'univers discursif, c'est-à-dire dans l'ensemble des discours
qui interagissent dans une conjoncture donnée, l'analyste du discours
est amené à découper des champs discursifs, où un ensemble de for
mations* discursives (ou de positionnements*) sont en relation de
concurrence au sens large, se délimitent réciproquement : par
exemple, les différentes écoles philosophiques ou les courants politi
ques qui s'affrontent, explicitement ou non, dans une certaine
conjoncture, pour détenir le maximum de légitimité énonciative.
Le champ discursif n'est pas une structure statique mais un jeu
d'équilibre instable. À côté de transformations locales, il existe des
moments où l'ensemble du champ entre dans une nouvelle configu
ration. Il n'est pas non plus homogène : il y a des positionnements
dominants et des dominés, des positionnements centraux et d'autres
périphériques. Un positionnement « dominé » n'est pas nécessaire
ment« périphérique », mais tout positionnement« périphérique » est
« dominé ».
Le plus souvent, on n'étudie pas la totalité d'un champ discursif,
mais on en extrait un sous-ensemble, un espace discursif, constitué
d'au moins deux positionnements discursifs dont l'analyste juge la
mise en relation intéressante pour sa recherche.
� Formation discursive, Positionnement
D.M.
Circonstances de communication
1& Contrat de communication, Situation
de communication, Situationnel (niveau -)
97
CRtDIBILITt
DIALOGISME VS MONOLOGISME
Si tout énoncé est constitutivement dialogique, y compris le dis
cours intérieur traversé par les évaluations d'un destinataire* virtuel
(indépendamment donc de la volonté et de la conscience du locuteur),
on est souvent tenté, comme M. Bakhtine ou V.N. Volochinov, de défi
nir le terme par opposition à ce que serait un énoncé monologique,
ou plutôt à un énoncé qui se présente comme « apparemment »
monologique (Volochinov 1981: 292-293); ou bien l'on est contraint,
pour les besoins de l'analyse, de définir différentes formes de dialo
gisme selon les genres* de discours (le roman est la forme la plus
manifestement traversée de dialogisme, au contraire de la poésie ; de
même les sciences humaines face aux sciences exactes et aux discours
dogmatiques qui tendent à se présenter comme discours de la Vérité),
ou selon le degré de présence du discours d'autrui et selon les diffé
rentes manières de le représenter que permet la langue (allusion, évo
cation, mention, citation... discours direct, discours indirect, discours
indirect libre).
176
DOXA
286
HYPOTEXTE
299
LOIS DU DISCOURS
.·· . . L'élaboration d'un tel modèle répond à une des critiques les plus
. ,,,..· ;récurrentes faites à l'analyse de discours à propos du foisonnement
f
:des approches, �e la difficulté à les concilier et à articuler leurs résul-
•· 1 ·:· tats. Ce grand modèle intégrateur soulève néanmoins différents pro-
Moment discursif
Cette expression désigne le surgissement dans les médias d'une
production discursive intense et diversifiée à propos d'un même évè
nement (Mai 1968, guerre au Kosovo, intervention russe en Tchétché
nie, Coupe du monde de football, Festival de Cannes, crise de la vache
folle ... ), et qui se caractérise par une hétérogénéité* multiforme
(sémiotique, textuelle, énonciative}.
Un moment discursif permet de constituer des corpus* sur
d'autres bases que des caractéristiques sociologiques et de recueillir
une grande diversité de genres discursifs (Moirand 1999 b : 148} afin
d'étudier, par exemple, la diffusion de certaines expressions ou de cer
tains termes du discours politico-médiatique (épuration ethnique,
génocide...) ou scientifico-politique (traçabilité, principe de précau
tion...), les différents sous-genres convoqués dans l'hyperstructure
que constitue une double page d'un quotidien consacrée à ce
moment (Adam et Lugrin 2000}, les différentes formes d'utilisation
de l'intertexte* (Moirand 2001} ou les différents procédés de refor
mulation* lexicale ou énonciative (Cusin-Berche éd., 2000} qu'on y
rencontre
..,. Corpus, Dialogisme, Mémoire discursive
S.M.
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MONOLOGAL / MONOLOGIQUE
Monologique / dialogique
II:i" Dialogisme, Dialogue, Polyphonie
Monologisme II:i" Dialogisme
Monologue
Le mot monologue (comme son doublet d'origine lat:ne « soli
loque») est employé dans deux sens nettement différents :
• Discours non-adressé, si ce n'est à soi-même (en anglais self
talk): le locuteur pense à voix haute, et produit un message dont il est
en même temps le seul destinataire, à la faveur d'une sorte de dédou
blement du sujet d'énonciation (dédoublement qui peut se concrétiser
par l'emploi d'une deuxième personne, car le monologue peut, selon
les cas, se formuler en Je ou en Tu : « Rentre en toi-même, Octave...»).
Cette pratique est bien attestée au théâtre: il s'agit là d'une« licence»
qui se justifie par la présence du public, auquel le personnage ne peut
s'adresser directement (du moins selon les normes dominantes du
théâtre occidental), mais qu'il doit toutefois informer de ses états inté
rieurs (ce qui peut se faire dans le roman grâce aux monologues inté
rieurs ou aux commentaires du narrateur). Un cas particulier de mono
logue est l'aparté, qui a pour caractéristique principale d'être produit
alors que d'autres personnages sont également présents dans l'espace
scénique, qu'il s'agit pour le locuteur d'exclure du circuit communica
tif (en baissant la voix, mettant sa main devant sa bouche, etc.) ; les
apartés sont donc nécessairement brefs (alors que les monologues dra
matiques peuvent s'étaler sur de longues tirades), et ils semblent,
d'après P. Pavis (1980 : 40), « échapper au personnage ».
En dehors du cas particulier du théâtre, le monologue est dans nos
sociétés, selon E. Goffman (1987), l'objet d'un « tabou»: même s'il
peut se produire dans certaines circonstances et sous certaines condi
tions (dont E. Goffman nous propose un inventaire), ce ne saurait être
dans la vie quotidienne qu'une exception, un comportement qui, s'il
tend à se prolonger ou à se répéter, passe pour pathologique (le lan
gage verbal s'opposant à cet égard à un autre système sémiotique
pourtant proche, le chant). Lorsque l'énoncé est produit en présence
de témoins, il est parfois difficile de savoir (car les indices sont à cet
MOT
définissant par une relation réglée avec d'autres dont se soutient taci
tement son identité (Maingueneau 1984}; ce qui illustrerait la pri
mauté de l'interdiscours*.
Comme adjectif, « polémique » réfère à un certain régime du dis
cours où la parole a une visée réfutative intense : « Le discours polé
mique est un discours disqualifiant, c'est-à-dire qu'il attaque une cible,
et qu'il met au service de cette visée pragmatique dominante [ ...] tout
l'arsenal de ses procédés rhétoriques et argumentatifs » (Kerbrat
Orecchioni .1'980 c : 13}. Charaudeau (1998 b} propose de réserver le
terme de « polémique » (« stratégie polémique », « attitude discursive
polémique », « rapports polémiques »...) aux cas où le locuteur
implique l'interlocuteur dans son énonciation en utilisant des argu
ments qui mettent celui-ci en cause, non seulement comme personne
(arguments ad personam}, mais comme sujet défendant une position,
engagé dans celle-ci et donc responsable de ce qui est contesté par le
loc�teur. Il distingue donc le simple échange d'arguments à propos
d'un thème (comme dans un colloque scientifique) et le débat polé
mique, échange d'arguments mettant l'autre en cause (comme dans
les débats politiques}.
On a cherché à répertorier les procédés caractéristiques de la
relation polémique et les genres qui les mobilisent de manière privilé
giée (satire, pamphlet.•.) (Angenot 1980}. Il peut s'agir de phéno
mènes d'énonciation localisés (insultes, apostrophes, négation, adjec
tifs fortement axiologues, formules phatiques (« dites donc », « tu
penses ! »...}, de techniques argumentatives (citations tronquées,
amalgame...), etc. Mais, au-delà des « procédés », il faut savoir resti-
tuer l'ensemble de la scène* d'énonciation qui sous-tend le discours
polémique : comment l'énonciateur légitime la place d'où il parle,
celle à laquelle il affecte son adversaire, comment il légitime la rela-
tion polémique elle-même...
POLÉMIQUE ET DISCURSIVITÉ
Le polémique peut servir à caractériser la discursivité. Une certaine
interprétation de la pragmatique place ainsi l'affrontement au cœur
de l'activité langagière. Cela peut valoir: (1) Pour les interactions ordi
naires : ainsi O. Ducrot, après avoir dit que « la valeur sémantique de
l'énoncé, comme celle d'une pièce des échecs, devrait se décrire, par
tiellement au moins, comme une valeur polémique », ajoute : « Faut-
438
PROXÉMIQUE
Rôle
Si l'on excepte un certain nombre de sens courants de ce mot, tels
ceux de personnage que joue un acteur (le rôle d'Hamlet, par
exemple} ou toute autre personne dans la vie sociale Gouer le rôle du
beau-père}, de fonction ou d'influence que l'on peut être amené à
exercer (avoir un rôle influent dans une famille}, ou de sens spécialisés
(en grammaire, en comptabilité fiscale}, ce ter.me a surtout été
employé en sociologie et en psychologie sociale, et prend un sens par
ticulier en sémiotique narrative et en analyse du discours.
En sociologie et en psychologie sociale, il désigne une position
déterminée dans un ensemble ordonné de comportements de la vie
en société : « les attitudes, les valeurs et les comportements que la
société assigne à une personne et à toutes les personnes qui occupent
ce statut», dit R. Linton (1977 : 71}. Le rôle se rattache au statut et en
constitue en quelque sorte les différentes fonctions. Par exemple, au
statut père de famille s'attachent différents rôles dont les uns sont
d'ordre juridique (la responsabilité parentale} et d'autres correspon
dent à des normes sociales variables selon les sociétés (d'éducation,
d'autorité, de protection, etc.). Le rôle doit donc être conçu comme
une sorte de coquille vide qui peut être remplie par diverses per
sonnes, chacune de celles-ci devant endosser les conditions sociales qui
sont les siennes.
En sémiotique narrative, il désigne la fonction que joue un per
sonnage dans un récit, mais cette fonction n'est qu'un pur comporte
ment syntaxique qui est tenu par des actants* (agent, patient, bénéfi
ciaire}, ce pourquoi on parle de rôles actantiels. Ainsi, un même
personnage d'une histoire peut être amené, au cours d'un récit, à
jouer différents rôles actantiels, et, symétriquement, un même rôle
actantiel peut être tenu par différents personnages.
En analyse du discours, ce terme est utilisé pour déterminer des
comportements langagiers. De même qu'il existe des comportements
qui révèlent le statut et les fonctions des acteurs sociaux, des compor
tements qui révèlent un type d'action des personnages d'un récit, il
existe des comportements qui révèlent le mode d'énonciation* dans
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SYNECDOQUE
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TOPOS
Topos
Le mot topos {au pluriel topai ou topo,) est emprunté au grec, il
correspond au latin locus communis, d'où est issu le français lieu com
mun. (1) Fondamentalement, un topos est un élément d'une topique,
une topique étant une heuristique, un art de collecter les informa
tions et de faire émerger des arguments. (2) Un topos est un schème
discursif caractéristique d'un type d'argument. L'époque contempo
raine a ajouté de nouvelles acceptions à ces sens de base.
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TRILOGUE
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BIBLIOGRAPHIE
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BIBLIOGRAPHIE