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Sébastien Bourdreux

Agrégation de Physique
Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand

Etude macroscopique
de la polarisation,
du champ électrique E ~
et du vecteur D ~
dans les milieux diélectriques.

Mai 2003
TABLE DES MATIÈRES 2

Table des matières


1 L’action d’un champ électrique sur la matière 4
1.1 Champs microscopiques et macroscopiques . . . . . . . . . . . 4
1.2 Mise en évidence expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2.1 Cas des métaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2.2 Cas des diélectriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3 Polarisation diélectrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

2 Champs et potentiels de polarisation 7


2.1 Introduction de charges de polarisation . . . . . . . . . . . . . 7
2.2 Un intermédiaire de calcul : le vecteur D~ . . . . . . . . . . . . 10
2.2.1 Utilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2.2 Conditions de continuité . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3 Cas d’un milieu uniformément polarisé . . . . . . . . . . . . . 13

3 Polarisation des milieux diélectriques linéaires 16


3.1 Milieux diélectriques linéaires, homogènes et isotropes . . . . . 16
3.2 Relation entre D ~ et E
~ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
3.3 Illustration expérimentale : le condensateur à lame diélectrique 19
3.3.1 Constatations expérimentales . . . . . . . . . . . . . . 19
3.3.2 Evolution de la capacité par insertion de la lame . . . . 20
3.3.3 Travail à charge libre constante . . . . . . . . . . . . . 23
3.3.4 Travail à potentiel constant . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.4 Application à la sphère diélectrique . . . . . . . . . . . . . . . 26
3.4.1 Calcul des distributions de charges de polarisation . . . 27
3.4.2 Calcul par dédoublement . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

4 Dans la vie de tous les jours : les cristaux liquides 33


4.1 Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
4.2 Fonctionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
TABLE DES MATIÈRES 3

Introduction
Le condensateur est un composant électrique extrêmement répandu ; il en
existe de nombreux types. Par définition, on appelle condensateur l’ensemble
de deux conducteurs en influence totale (toutes les lignes de champs issues
de l’un arrivent sur l’autre) : si l’on néglige les effets de bord, vous avez vu
que deux plans conducteurs parallèles (ou armatures), porteurs de charges
totales opposées, peuvent constituer un exemple de condensateur.
Cependant, les condensateurs les plus couramment répandus sont constitués
de deux armatures conductrices séparées par ce qu’on appelle un diélectrique
(par exemple du tantale (peu coûteux), du mica, des films plastiques ou pa-
raffinés, du titanate de baryum, etc...).

Etymologiquement, le mot diélectrique est à rapprocher de ”dia-électronique”,


c’est-à-dire ”de densité de charge nulle globalement nulle”. Le but de cette
leçon est notamment de comprendre en quoi l’insertion de ce matériau entre
les armatures est utile. Plus généralement, nous allons nous intéresser d’un
point de vu macroscopique à l’action d’un champ électrique sur les matériaux
diélectriques, et dégager des outils d’étude particulièrement adaptés à ces mi-
lieux.
1 L’ACTION D’UN CHAMP ÉLECTRIQUE SUR LA MATIÈRE 4

1 L’action d’un champ électrique sur la matière


1.1 Champs microscopiques et macroscopiques
La matière est constituée de particules chargées qui créent dans tout
l’espace un champ électromagnétique vrai appelé champ microscopique et
désigné par le couple (~e(~r, t), ~b(~r, t)).
Ce champ est relié à ses sources par les équations de Maxwell ; en effet, les
lois de l’électromagnétisme trouvent application jusqu’à une échelle de dis-
tances inférieures aux dimensions atomiques (10−15 m : elles sont valables
tant qu’une force de Lorentz, microscopique, peut être considérée ; elles se
cassent la figure à l’échelle nucléaire). Il peut être localement très intense
et varie très rapidement sur des distances atomiques ou interatomiques, en
module comme en direction.
Ce champ microscopique est impossible à mesurer et sa connaissance détaillée
n’aurait pas d’intérêt pour décrire les effets observés à l’échelle macrosco-
pique. Dans les études que l’on mène généralement, on utilise des distribu-
tions continues : le procédure est tout à fait générale et consiste à niveler la
grandeur étudiée en la débarrassant des fluctuations spatiales indétectables.
Ce nivellement s’obtient en effectuant une moyenne spatiale, sur un domaine
petit à l’échelle macroscopique mais grand devant les dimensions atomiques
(échelle mésoscopique, de 3 à 10 nm).
On définit donc un champ électromagnétique macroscopique en moyennant
sur l’espace : on obtient le couple (E, ~ = (< ~e >, < ~b >).
~ B)

Dans la leçon présentée ici, nous nous limiterons à l’étude du champ


électrique macroscopique. Regardons tout d’abord quelles en sont les sources
dans les différents types de matériaux que l’on rencontre le plus souvent.

1.2 Mise en évidence expérimentale


1.2.1 Cas des métaux
Les milieux conducteurs sont caractérisés par l’existence de charges libres
dont les porteurs sont susceptibles de se mouvoir dans toute la masse du
matériau : électrons pour les métaux, ions pour les électrolytes, électrons et
ions pour les plasmas. A l’équilibre électrostatique, la propriété la plus fonda-
mentale est l’annulation du champ électrique moyen interne E ~ et, corrélativement,
1 L’ACTION D’UN CHAMP ÉLECTRIQUE SUR LA MATIÈRE 5

de la densité moyenne volumique totale de charges. On peut dire que le champ


électrique ne pénètre pas dans les milieux conducteurs, la densité surfacique
de charges libres s’ajustant pour annuler le champ créé par les charges ex-
ternes.

1.2.2 Cas des diélectriques


Mais qu’en est-il pour un milieu isolant et neutre ? Placé dans une région
où règne un champ électrique, il modifie notablement l’orientation et l’in-
tensité du champ, ainsi que la répartition des charges libres portées par les
conducteurs dans son voisinage. L’expérience la plus significative est l’effet,
découvert par Faraday et que l’on évoquera un peu plus tard, de l’introduc-
tion de matière isolante entre les armatures d’un condensateur : on constate
que la capacité est augmentée, par un facteur qui dépend du matériau, et
qui peut atteindre une valeur de plusieurs milliers ; pour maintenir le même
potentiel, le générateur auquel sont reliées les armatures du condensateur
doit fournir en présence de matière isolante une quantité d’électricité plus
importante.
De plus, un matériau isolant placé dans un champ électrique est soumis à
des effets mécaniques (comme les morceaux de papier attirés par un corps
électrisé ou encore l’orientation dans la direction du champ d’objets oblongs
et isolants). Ces effets sont dus au fait que, contrairement au cas des conduc-
teurs, le champ électrique pénètre à l’intérieur du matériau isolant et agit sur
les porteurs de charge de la matière, d’où le nom de diélectriques donné
à ce type de corps (du grec δια, à travers). Mais ces porteurs de charge,
électrons ou ions, ne peuvent se déplacer librement sous l’effet du champ
(leur déplacement éventuel est de l’ordre de l’angström, de loin inférieur à
celui des porteurs dans les métaux) ; ils restent attachés à des groupements
atomiques, moléculaires ou cristallins, d’où le nom de charges liées.

1.3 Polarisation diélectrique


On supposera que cette distinction entre charges libres et liées peut être
effectuée et que les diélectriques sont de très bons isolants ne possédant au-
cun ion mobile (on parle alors de diélectriques parfaits).
Les propriétés électriques des conducteurs peuvent être décrites à l’aide des
densités volumiques de charges libres ρl et de leur courant j~l qui sont les
1 L’ACTION D’UN CHAMP ÉLECTRIQUE SUR LA MATIÈRE 6

moyennes spatiales (ou grandeurs nivelées) correspondantes. Pour les diélectriques


et leurs charges liées, nous allons introduire une grandeur mieux adaptée, le
vecteur polarisation.

Les propriétés des diélectriques peuvent s’interpréter à l’échelle macrosco-


pique par l’apparition dans tout le volume (initialement neutre) d’un moment
dipolaire électrique. C’est le phénomène de polarisation : sous l’effet d’un
champ électrique dans tout le volume ∆τ considéré, le barycentre des charges
positives et celui des charges négatives, initialement confondus, se séparent
et forment ainsi un dipôle électrique de moment ∆~p. On caractérise alors
l’état électrique du milieu par son moment dipolaire par unité de volume
ou, plus précisément, en tout point, par la densité de moment dipolaire ou
vecteur polarisation P~ . Ainsi, par définition, un petit élément de volume dτ
entourant le point repéré par ~r possède un moment dipolaire d~p tel que

d~p = P~ (~r) dτ

Notons que la polarisation s’exprime en coulombs par mètre carré. Il s’agit


d’une grandeur macroscopique, qui varie lentement à l’échelle microscopique :
ainsi, P~ (~r) sera une fonction vectorielle continue dans un matériau homogène.

Il faut bien retenir que, sous l’action d’un champ extérieur appliqué E~a , il
se crée au sein d’un diélectrique un champ de polarisation P~ qui est lui-même
à l’origine d’un nouveau champ électrique E~p qui modifie le champ appliqué
E~a (qui a conduit au phénomène de polarisation). Le champ total sera

~ = E~a + E~p
E

Cette situation fait donc apparaı̂tre ce qu’on appelle une boucle de rétroaction.
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 7

2 Champs et potentiels de polarisation


2.1 Introduction de charges de polarisation
Le vecteur polarisation, qui décrit macroscopiquement l’état électrique
d’un isolant, est relié directement à la densité macroscopique de charges
liées. Nous allons établir ce lien, en utilisant nos connaissances sur le dipôle
électrique (première année).

Le potentiel créé par un dipôle électrique de moment p~ en un point M


repéré par ses coordonnées externes au diélectrique (x,y,z) s’écrit

1 p~ · ~u
VM =
4πεo r2
Considérons un volume infinitésimal dτ décrit par un système de coordonnées
−−−→
internes au diélectrique noté (α, β, γ). En introduisant le fait que gradx ( 1r ) =
−−−→
− r~u2 = −gradα ( 1r ), nos pourrons écrire que

1 −−−→ 1
dVM = gradα ( ) · d~p
4πεo r
Par intégration sur le volume du diélectrique,
−−−→ 1
Z
VM = gradα ( ) · P~ dτ
τ r
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 8

~ −−−→
Sachant que divα ( Pr ) = 1r divα (P~ ) + gradα ( 1r ) · P~ , il vient

P~
Z
1 1
VM = [divα ( ) − divα (P~ )] dτ
4πεo τ r r
soit
1
Z ~ )
divα (−P 1
Z
P~
VM = dτ + divα ( ) dτ
4πεo τ r 4πεo τ r
D’après le théorème d’Ostrogradski appliqué au second terme, on obtient
le résultat

1
Z ~ )
divα (−P 1
Z ~
P · ~n
VM = dτ + dΣ
4πεo τ r 4πεo Σ r
Par analogie avec le potentiel créé par des distributions de charges libres
en électromagnétisme du vide, l’étude électromagnétique du diélectrique po-
larisé peut donc se ramener à un problème d’électromagnétisme dans le vide
où les champs ont pour sources les distributions de charges de polarisation
de densités volumique
ρp = divα (−P~ )
et surfacique
σp = P~ · ~n

Un calcul simple (cf. ”Autre approche possible...”) montrerait en outre


que ces charges de polarisation ne sont pas seulement des équivalents mathématiques
ou des ”charges fictives” comme elles sont parfois nommées, mais corres-
pondent à des excédents locaux de charges liées, excédents réels dus à la
polarisation. D’un point de vue macroscopique, les descriptions de l’état
électrique du diélectrique par une distribution de polarisation ou par une
distribution de charges sont équivalentes, tant en ce qui concerne le potentiel
et le champ créés que les effets subis. Il faut cependant bien prendre garde
de choisir l’une ou l’autre des représentations mais à ne pas les utiliser si-
multanément.

Si elles sont équivalentes, pourquoi introduire la polarisation ? La rai-


son est que la description en termes de polarisation est beaucoup plus
proche de l’état de la matière à l’échelle microscopique. En effet, si
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 9

la matière est décomposable en groupements stables, atomiques ou


moléculaires, ceux-ci possèdent ou acquièrent des moments dipolaires
individuels dont la moyenne pas unité de volume n’est autre que la
polarisation P~ ...

Autre approche possible...


Soit un domaine arbitraire D du diélectrique, limité par la surface Σ, de dimensions grandes devant les dimensions
atomiques (macroscopie). Il contient divers types de particules, de charges qi et de densités correspondantes ni par unité
~ =~
de volume non nécessairement uniformes. En l’absence de polarisation (P 0), le milieu est supposé neutre, ce qui entraı̂ne

X
ni qi = 0
i

La polarisation est créée par les déplacements moyens δ~i des porteurs de charge qi et le vecteur de polarisation P
~ est
défini sans ambiguité par X
~ =
P ni qi δ~i
i

A ces déplacements δ~i correpond un flux sortant de charges à travers la surface Σ. Les porteurs de charge qi qui, à un
instant donné, ont traversé l’élément de surface dΣ sont contenus dans le cylindre de base dΣ et de génératrice δ~i ; le
volume de ce cylindre est δ~i · dΣ ~ et les porteurs qu’il contient sont au nombre de ni δ~i · dΣ.
~

La charge correspondante transportée vers l’extérieur est donc

X
ni qi δ~i · dΣ
~ =P
~ · dΣ
~
i

Ce calcul, algébrique, est valable quel que soit le signe de qi et le sens de δ~i . La charge totale δQ ayant traversé Σ, et
~ , est donnée par
donc quitté D en y laissant la polarisation P

Z
δQ = ~ · dΣ
P ~
Σ

Le domaine D, initialement neutre, contient alors la charge totale opposée

Z
Qp = −δQ = − ~ · dΣ
P ~
Σ

Le théorème d’Ostrogradski donne alors Z


Qp = ~ ) dτ
(−div P
D
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 10

Ce résultat est valable quel que soit le domaine D : il s’ensuit que la polarisation, d’un point de vue macroscopique, est
équivalente à une distribution volumique de charge de densité

~
ρp = −div P

~ =~
A la surface du diélectrique, les charges qui tendent à sortir à travers un élément de surface dS n dS s’accumulent
localement (celle de signe opposé au contraire dégarnissent la surface) : le résultat global est l’apparition d’une charge
surfacique P~ · dS
~ donc d’une densité surfacique
σp = P ~ ·~n

On peut définir une équation de conservation pour les charges de po-


larisation conduisant à l’introduction d’un courant j~p puisqu’en dérivant
ρp = div(−P~ ) par rapport au temps on obtient

∂ρp ∂ P~
= div(− )
∂t ∂t
c’est-à-dire une équation de type
∂ρp
+ div j~p
∂t
avec
∂ P~
j~p = −
∂t

2.2 ~
Un intermédiaire de calcul : le vecteur D
2.2.1 Utilité
Si l’on explicite, dans les sources du champ électriques, les contributions
intérieures et extérieures du milieu, l’équation de Mawxell-Gauss s’écrit

~ = ρp + ρext
div(E)
εo
c’est-à-dire encore
~ = −div(P~ ) + ρext
div(εo E)
~ s’introduit alors naturellement, tel que
Un nouveau champ D
~ + P~ ) = div(D)
div(εo E ~ = ρext

L’équation de Maxwell-Gauss vérifiée par D ~ a donc la même forme que


~ dans le vide, en présence des seules sources ρext ,
l’équation vérifiée par εo E
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 11

d’où le nom d’excitation électrique qu’on lui donne parfois. Ce vecteur de-
vrait être appelé densité de flux électrique, mais on lui préfère en France
le nom de vecteur déplacement ou induction électrique. L’unité de D ~ est la
même que celle de P~ , le C.m−2 .

L’analogie avec l’électrostatique dans le vide est parfaite. Le théorème de


Gauss pour le champ électrique dans le vide est remplacé ici par un théorème
de Gauss concernant le vecteur D ~
Z Z Z
~ dτ =
div D ~ · dΣ
D ~ = ρlibre dτ
τ Σ τ
L’intérêt de ce vecteur réside dans le fait qu’il n’est relié qu’aux charges
extérieures contrôlées par l’expérimentateur à travers le potentiel appliqué.
Leur densité ρext est facile à mesurer ou à déterminer. En revanche, le densité
de charges de polarisation ρp est le plus souvent difficile à calculer. Notons
également que le rotationnel du vecteur déplacement électrique D ~ dépend,
lui, de la polarisation et des charges liées, à la différence de sa divergence.

On peut en fait se convaincre très simplement de la réalité des charges


de polarisation en observant l’équation de Maxwell-Gauss pour le champ
macroscopique
div E~ = < ρmicro >
o
~ =< ρmicro >= div(D
o div E ~ − P~ ) = ρlibre − ρp

2.2.2 Conditions de continuité


Rappels d’électrostatique du vide
Plaçons nous à la surface d’un diélectrique, et partons de la relation de
Maxwell-Gauss générale
~ = ρ
div E
εo
Si l’on considère un cylindre de hauteur h infiniment petite dont les deux
bases sont situées de part et d’autre de la surface du diélectrique,
on peut écrire en intégrant sur le volume V constitué
Z Z
~ ρ QV
div E dV = dV =
V V εo o
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 12

avec Z Z Z
~ · dS
E ~= ~ · dS
E ~+ ~ · dS
E ~
S S(h) S(bases)

Par conséquent, à la limite où h tends vers zéro,


Z
~ = σ Sbase
~ · dS
E
S(bases) εo
où l’intégrale sur la surface des deux bases se résume à la différence
Z
~ · dS
E ~ = (E~2 · n~12 − E~1 · n~21 ) Sbase
S(bases)

~ à la
En conclusion, nous écrirons la relations de passage pour le vecteur E
traversée de la surface du diélectrique sous la forme
σ
E˜2 − E˜1 = n˜12
εo
D’autre part, avec le shéma suivant
où les longueurs A2 B2 et A2 B2 sont des infiniment petits d’ordre 1 et A1 A2
et B1 B2 des infiniment petits d’ordre 2, la relation de Maxwell-Faraday en
−→ ~ ~
régime stationnaire rot E = 0 permet d’obtenir, en prenant la circulation de
~
E le long du contour rectangulaire indiqué,

~ · d~l = E~1 · −
−−→ −−−→
I
E A1 B1 + E~2 · B2 A2 = Et1 A1 B1 − Et2 A2 B2 = 0
C

Ainsi, il y a continuité de la composante tangentielle du champ électrique à


la traversée de la surface de séparation, ce que l’on note
Et1 = Et2
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 13

Remarque
En raison de l’équivalence des potentiels entre une distribution de dipôles, et donc
d’un milieu diélectrique, et la superposition d’une distribution volumique et surfa-
cique de charges, le potentiel scalaire doit être partout continu, en particulier sur
la surface de séparation entre deux milieux. De plus, le potentiel dû à un volume
fini de matériau diélectrique doit tendre vers zéro lorsqu’on s’en éloigne infiniment.
Cas d’un diélectrique
Pour un diélectrique, on remplacera la relation de Maxwell-Gauss précédente
par
~ = ρlibre
div D
et des méthodes de calcul analogues conduiront à la relation de continuité
~2 − D
D ~ 1 = σlibre n~12

2.3 Cas d’un milieu uniformément polarisé


Considérons un milieu matériel de volume τ simplement connexe (sphère)
portant une polarisation volumique P~ uniforme. Le moment dipolaire de la
distribution vaut
P~ = P~ τ
Le potentiel électrostatique créé par ce matériau a pour expression
Z ~
1 P · (~r − r~0 )
VM (~r) = dτ
4πεo τ k~r − r~0 k3
soit
1 ~ −−→
VM = P · Eaux
ρo
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 14

−−→ . 1 R ~0
où Eaux = 4πεo
ρ r~r−−r~r0 k3 est le champ électrostatique auxiliaire que créerait
τ o k~
une distribution volumique uniforme de charge répartie dans le même volume
avec la densité ρo . Le champ électrostatique créé par le milieu E~M s’en déduit
alors,
−−→ 1 −−→ −−→ 1 −−→ −−→
E~M = −grad VM = − grad(P~ · Eaux ) = − (P~ · grad) Eaux
ρo ρo
Ainsi, le champ et le potentiel électrostatiques créés par un matériau uni-
formément polarisé s’obtiennent aisément à l’aide du champ électrostatique
auxiliaire. On peut appliquer ceci, par exemple, à un matériau de forme
simple pour lequel ce champ auxiliaire est connu. Prenons l’exemple d’une
sphère uniformément polarisée.

Cas d’une sphère diélectrique uniformément polarisée


Le champ électrostatique créé par une sphère de rayon R, de charge Qo
répartie avec une densité volumique uniforme ρo se détermine simplement
par application du théorème de Gauss sur des surfaces sphériques ; il a pour
expressions
– si r < R,
−−−−→ ρo
Eaux,int = ~r
3 εo
– si r > R,
−−−−→ ρo R3
Eaux,ext = ~r
3εo r3
Ainsi, on en déduit les potentiels
~
– Vint (M ) = 3Pε·~ro
– Vext (M ) = 3ε1o ( Rr )3 P~ · ~r, soit si l’on introduit le moment dipolaire
~ = 4 π R3 P~ ,
P 3
1 P ~ · ~r
Vext (M ) =
4πεo r3
Quant au champ E~M créé par le diélectrique en M, il vaut par conséquent
−−−→ −−→ −−→ −−→
– Ep,int (M ) = − 1 (P~ · grad)Eaux = − 1 (P~ · grad)~r soit
ρo 3εo

−−−→ P~
Ep,int (M ) = −
3εo
en choisissant une orientation privilégiée (Oz par exemple) pour P~ .
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 15

−−−→ −−→ 1 ~ e~r )


3(P·
– Ep,ext (M ) = −grad Vext = 4πεo
[ r3
]
Le topographie des champs P~ , E ~ et D ~ est représentée sur la figure sui-
vante.

A l’intérieur, tous ces champs sont uniformes et le champ électrique est de


sens opposé à celui de polarisation P~ . A l’extérieur, le potentiel et le champ
électriques sont ceux que créerait un dipôle de moment dipolaire P ~ placé au
centre de la sphère.

L’hypothèse d’une polarisation uniforme d’un milieu matériel implique


une discontinuité du vecteur polarisation volumique à la traversée de la sur-
face le limitant. En effet, les conditions
−−→
div Pint = −ρint

et
P~ = ~0
à l’extérieur conduisent à ρint = 0. Les charges sont donc localisées sur la
surface avec une densité surfacique σint . L’équation de divergence fournit
comme on l’a vu la relation de passage entre le milieu diélectrique et le vide

n~12 · (P~2 − P~1 ) = −σint

soit encore
σint = P~ · n~ext
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 16

puisque n−→ −−→ ~ ~ ~ ~


12 = next , P1 = P et P2 = 0.
Notons que, le milieu étant globalement neutre, la composante normale de
~ est continue. Quant au champ E,
D ~ sa composante tangentielle est continue
alors que sa composante normale ne l’est pas,

− → · (−−→ −−→ σint −−→ P~


n−ext Eext − Eint ) = = next ·
εo εo
Sur la figure suivante, l’extérieur du matériau polarisé (milieu 1), est le vide
−−→ −−→
(milieu 2), ce qui donne Dext = εo Eext .

3 Polarisation des milieux diélectriques linéaires


Lorsqu’un milieu matériel est soumis à un champ électrique appliqué noté
~
Ea , il réagit par une polarisation que l’on traduit par un vecteur polarisation
P~ fonction du champ électrique dans le milieu.

3.1 Milieux diélectriques linéaires, homogènes et iso-


tropes
Pour un grand nombre de corps, la réaction du milieu à ce champ électrique
appliqué est caractérisée macroscopiquement par une relation linéaire locale
entre la polarisation volumique P~ et le champ électrique E
~ dans le matériau,
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 17

pourvu que celui-ci ne soit pas trop élevé. On écrit donc


.
P~ = χe εo E
~

où la quantité adimensionnée χe , appelée susceptibilité diélectrique, ne


dépend pas de E. ~ Il faut bien noter que E~ résulte de la somme des champs
−−−−→
appliqué macroscopiquement E~a et produit par le matériau polarisé Ep,M,int .
Expérimentalement, il vient que la linéarité est bien vérifiée pour de nom-
breux isolants, dans un large domaine de valeurs du champ E, ~ en tout point
du matériau et selon toutes les directions : on parle de milieux linéaires,
homogènes et isotropes (l.h.i). Successivement,
– par hypothèse de linéarité : P~ = [χe (M )] o E~ où l’expression entre
crochets représente le tenseur (matrice 3 × 3 le plus souvent) des sus-
ceptibilités diélectriques
– par hypothèse d’homogénéité : P~ = [χe ] o E
~
– par hypothèse d’isotropie : P~ = χe o E~
Dans d’autres matériaux,la polarisation restera proportionnelle au champ
~
E pourvu que ce dernier soit faible, mais la susceptibilité χe dépend du point
considéré (milieux inhomogènes) ou de la direction (milieux anisotropes).

3.2 ~ et E
Relation entre D ~
Lorsque la relation P~ (E)
~ est linéaire, les vecteurs E
~ et D~ sont également
.
reliés par une équation linéaire ; en effet, comme P~ = χe εo E
~ et D
~ = ~ + P~ ,
εo E
~ = (1 + χe ) εo E
D ~

soit encore
~ = εr εo E
D ~ = εE
~

Dans cet identité, εr = 1 + χe représente la permittivité relative du


matériau et ε = εo εr sa permittivité absolue. Donnons quelques exemples.

Matériau χe
air 5, 7.10−3
hydrogène 0,228
oxygène 0,507
BaT iO3 1.760
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 18

LIQUIDES (20o C) εr
eau 80,36
benzène 2,284
nitrobenzène 35,74
éthanal 4,34
éthanol 25,1
acétone 21,2
SOLIDES εr
diamant 5,5
silice 3,78
verre 4-7
plexiglass 3,4
téflon 2,1

Les relations P~ = εo χe E ~ et D~ = εE ~ n’ont pas le caractère fondamental


des équations de Maxwell. Ce sont des relations dites constitutives qui,
dans leur domaine de validité, permettent de tenir compte d’une manière
très simple de la réponse de la matière au champ électrique qu’elle subit.
Le calcul de χe ou de ε à partir d’une description microscopique du milieu
considéré est très difficile. Il exige une connaissance très fine de la structure
de la matière.
On peut montrer par la thermodynamique des diélectrique que la matrice diélectrique doit être symétrique. En effet,
l’enthalpie libre du diélectrique peut se mettre sous la forme, utilisant la définition de la densité d’énergie $e = 1
2
~ · E,
D ~

~ · dE
dg = −D ~

à température et pression constantes. Pour un milieu linéaire et homogène,

X
Di = εij Ej
j

et ainsi
3
X
dg = − dEi Di
i=1

Ceci peut s’écrire indifféremment, les indices étant muets,

XX XX
dg = − εij Ej dEi = − εji Ei dEj
i j j i

Ces deux manières d’écrire conduisent respectivement aux dérivées

∂g X
=− εij Ej
∂Ei j

et
∂g X
=− εji Ei
∂Ej i
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 19

En dérivant chacune de ces relations par rapport à la composante croisée du champ, on obtient

∂ ∂g
( ) = −εij
∂Ej ∂Ei

et
∂ ∂g
( ) = −εji
∂Ei ∂Ej

Le théorème de Schwartz sur les dérivées croisées permet alors d’égaler ces deux dernières équations : on obtient donc

εij = εji

La matrice [ε] est donc symétrique. Elle est de ce fait diagonalisable dans un repère dit principal. L’hypothèse d’isotropie

ajutera en outre le fait que les éléments diagonaux sont égaux.

On peut enfin faire deux remarques intéressantes.


– sur la valeur des permittivités relatives : on sait en électromagnétisme
que cette grandeur est reliée à l’indice de réfraction par la relation

n = εr

En faisant l’application pour l’eau par exemple, on trouverait un indice


voisin de 9... alors que cet indice est couramment pris voisin de 1,33 ! !
L’explication est simple : on se place ici en régime statique. L’indice
variant avec la fréquence, il présente un creux dans le visible expliquant
sa valeur beaucoup plus faible que prévue. (Jackson, Electrodynamics)
– sur le signe de la permittivité ε : il s’agit d’une grandeur positive. Ceci
est encore explicable via la thermodynamique et son second principe.
En effet, ”avec les mains”,

∂2g
= −ε < 0
∂Ei2
en vertu de ce second principe. Il s’ensuit que ε > 0...

3.3 Illustration expérimentale : le condensateur à lame


diélectrique
3.3.1 Constatations expérimentales
Considérons un condensateur plan à air, de capacité Co = εoeS (théorème
de Gauss et E = U/e), relié à un générateur qui maintient à ses bornes une
tension constante U.
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 20

Si l’on introduit une lame diélectrique entre les armatures (expérience


réalisée pour la première fois par Faraday), on constate que la charge du
condensateur augmente. Si la tension est toujours égale à U, la capacité du
condensateur C = Q U
a elle aussi augmenté. Des charges supplémentaires ont
été fournies par le générateur pour maintenir la tension constante.
Dans un grand nombre de matériaux, l’augmentation de la capacité dépend
de la nature de ce matériau et non de la tension appliquée ou de la charge
initiale du condensateur : ils sont linéaires. Si le diélectrique remplit tout
l’espace inter-armatures, la nouvelle capacité se retrouve liée à l’ancienne
par la relation
C = εr Co
comme nous allons le voir.

3.3.2 Evolution de la capacité par insertion de la lame


Dans l’étude que nous allons mener, nous négligerons les effets de bord
dans le condensateur plan. Compte tenu de la symétrie, le champ E ~ entre
les armatures est alors uniforme, ainsi que le champ de polarisation P~ du
matériau diélectrique introduit, supposé homogène.

Pour une valeur U de la tension appliquée, on sait que le champ électrique


~
E s’écrit, en appelant (Oz) l’axe perpendiculaire aux armatures orienté dans
le sens des potentiels décroissants,

~ = U e~z
E
e
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 21

~ s’écrit aussi en fonction de la charge Qo,ext


En l’absence de diélectrique, E
du condensateur ou de la densité surfacique de l’armature positive

~ = U e~z = Qo,ext e~z = Qo,ext e~z = σo,ext e~z


E
e Co e εo S εo

En présence du diélectrique, le champ E~a créé par les charges libres du


condensateur est à l’origine de la polarisation P~ par les petits déplacements
des charges liées du diélectrique.

L’effet de cette densité volumique de dipôles électriques se décrit par les


charges de polarisation suivantes, où σp > 0

ρp = −div P~ = 0

σp1 = P~ · n~1 = −σp


σp2 = P~ · n~2 = σp
Le champ E~p créé par la collection de dipôles est celui créé par les charges
de polarisation ±σp ; il s’obtient via le théorème de Gauss,

σp P~
E~p = n~1 = −
εo εo
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 22

Ce champ est bien opposé au champ appliqué qui crée la polarisation, d’où
sa dénomination de champ dépolarisant.
La somme du champ appliqué E~a , créé par les charges Qex et −Qex des ar-
~
matures, et du champ E~p = − εPo créé par le matériau, ici la lame diélectrique
uniformément polarisée, est égale au champ électrique macroscopique E ~
~
~ = E~a + E~p,M = Qext e~z − P
E
εo S εo
c’est-à-dire, puisque P~ = P e~z et σlibres,int = P~ · n~ex = P~ · −e~z = −P ,

~ = U e~z = σext + σlibres,int e~z


E
e εo
Notons que c’est dans ce champ total que s’établit l’équilibre avec le vecteur
polarisation P~ permettant de définir la susceptibilité χe par P~ = εo χe E
~ et
~
non dans le champ appliqué Ea .

~ est nul (et il en est de même


Dans les armatures métalliques, le champ E
pour P~ et D) ~ ; par continuité de la composante tangentielle de E ~ et par
~ et E,
linéarité entre D ~ ces champs se limitent à leur composante normale.
Les équations de Maxwell-Gauss conduisent à
~ = ρl ⇒ D
div D ~ − ~0 = σ1 n~2

~ = ρl + ρp ⇒ E
div E ~ − ~0 = σl + σp1 n~2
εo εo
~ on obtient
Comme D = εo εr E,
1
σp1 = −(1 − ) σl
εr
et puisque σp = −σp1 = σp2 , on a
1
σp = (1 − ) σl
εr
Dans le cas où εr > 1, nous avons σp < σl . Pour un milieu dilué peu
polarisable, εr ' 1 et σp  σl ; pour un milieu dense très polarisable, εr  1
et σp ' σl . Dans tous les cas, les dessins doivent faire apparaı̂tre clairement
des charges de polarisation en nombre moindre que les charges libres.
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 23

3.3.3 Travail à charge libre constante


Une fois le condensateur chargé, il suffit de l’isoler et de procéder à l’intro-
duction du diélectrique. Le diélectrique se polarise et il apparaı̂t des charges
de polarisation qui modifient le potentiel, et donc la capacité.

Dans le vide, nous avons que


σl
E~a = n~2
εo
Par introduction du diélectrique linéaire, le champ total s’écrit

~ = σl n~2
E
εo εr
Par conséquent,
~
~ = Ea
E
εr
et
Vo
V =
εr
La relation du condensateur Qo = Co Vo donne Q = Qo = CV donc

C = Co εr
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 24

Si u est la densité et U l’énergie électrostatique du condensateur de


volume τ , nous écrirons que
1
uo = εo Ea2
2
et
1 Q2o 1 Q2
Uo = =
2 Co 2 Co
car Q = Qo . Par ailleurs,
1~ ~ 1 uo
u= E · D = εo εr E 2 =
2 2 εr

~ = E~o
car E εr d’où l’on tire

1 Q2 Uo
U= =
2 C εr
soit
C = εr Co
Dans ce cas, l’énergie est divisée par εr , et la force d’attraction entre
les armatures est également divisée par cette constante (même charge
libre, champ moindre).

3.3.4 Travail à potentiel constant


Le générateur servant à charger le condensateur est cette fois maintenu en
place pendant l’introduction du diélectrique. Il doit donc y avoir un transfert
de charges libres entre générateur et condensateur pour que le potentiel créé
par σl et σp soit constant dans l’opération.
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 25

Dans le vide,
~ 0
σlo
Ea = ~n
εo
Dans le diélectrique linéaire, nous écrirons
~ = σl ~n
E
εo εr
~ on note l’égalité
V étant la circulation de E,
V = Vo
ce qui conduit à
~ = E~a0
E
d’où
σl = εr σlo
On en déduit donc que
Q = Q o εr
Q Qo
et comme V = C
= Vo = Co
, on retrouve la relation
C = Co εr

Nous remarquons que dans les deux protocoles d’insertion d’une lame
diélectrique dans le condensateur, à charge ou potentiel constants, l’équilibre
électrostatique initial est perturbé, mais la capacité s’en trouve toujours aug-
mentée et multipliée par εr .
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 26

3.4 Application à la sphère diélectrique


Une sphère constituée d’un matériau de susceptibilité diélectrique χe est
placée dans un champ électrique E~a = Ea e~z uniforme et stationnaire.

Les champs E ~ et D,
~ dans la sphère, sont déterminés par le système
d’équations locales
−→ ~ ~
rot E = 0
et
~ =0
div D
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 27

Sous ces hypothèses, le problème possède une solution unique qui corres-
pond à une polarisation volumique P~ uniforme. Le champ E, ~ en tout point,
est la superposition du champ appliqué Ea et du champ E~M créé par la
~
matière polarisée.

3.4.1 Calcul des distributions de charges de polarisation


Nous avons ici que
ρp = −div P~ = 0
et
σp = P~ · ~n = P cos θ
si θ désigne l’angle indiqué sur la figure. Remarquons que la densité surfacique
de charge de polarisation n’est pas uniforme ; ces charges créent un champ
noté E~d (”d” pour ”dépolarisant”) de sens opposé à E~a en O.
Au centre, on écrira que
Z
~ σp dS (−~n)
Ed (O) =
S 4πεo R2
soit π
P cos(θ) 2πR2 sin(θ)dθ (−u~z cos(θ))
Z
E~d (O) =
0 4πεo R2
Z π
1
Ed~(O) = sin(θ)cos2 (θ)dθ (−P~ )
2εo 0
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 28

Sachant que cette intégrale simple vaut 2/3, on en déduit


E˜d (O) = −
3εo
La susceptibilité diélectrique étant définie par rapport au champ électrique
macroscopique E ~ = E~a + E~d , comme P~ = εo χe E, ~ nous avons l’expression de
la polarisation en fonction du champ appliqué

εo χe E~a
P~ =
1 + χe /3

Le calcul de E~M a déjà été effectué. En désignant par R le rayon de la


sphère et en prenant son centre O comme origine des coordonnées, on trouve

−−−→ P~
Ep,int (M ) = −
3εo
si r < R, et
−−−→ R3 3(P~ · e~r )~
er − P~
Ep,ext (M ) = [ ]
3εo r3
si r > R.
A l’intérieur de la sphère, le champ électrique s’écrit

−−→ −−−→ P~
Eint = E~a + Ep,int (M ) = E~a −
3εo
−−→
Sachant que P~ = εo χe Eint , il vient l’expression des champs

−−→ 3 E~a
Eint =
3 + χe
3 χe
P~ = εo E~a
3 + χe
−−→ 3(1 + χe )
Dint = εo E~a
3 + χe
A l’extérieur de la sphère, de la même façon,
−−→ ~ 1 R3
Eext = Ea + [3(P~ · e~r )~
er − P~ ]
3εo r3
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 29

et
−−→ −−→ ~ 1 R3 3χe 3χe
Dext = εo Eext = εo Ea + 3
[3( εo E~a · E~a )~
er − εo E~a ]
3r 3 + χe 3 + χe
On peut vérifier sur cette dernière formule la continuité de la composante
normale du vecteur D ~ à la traversée de la surface caractérisée par r = R et
n~ext = e~r ,
−−→ −−→
n~ext · (Dext − Dint ) = 0
Par ailleurs, si χe = 0, on trouve bien que le matériau se comporte comme
le vide. En revanche, en faisant tendre cette susceptibilité vers l’infini, on
−−→ −−→
obtient à la limite Eint = ~0, P~ = 3εo E~a et Dint = 3εo E~a . Ce cas ...
−−−−→
Cet exemple montre que le champ électrique Ep,M,int créé en son intérieur
par le matériau polarisé est de sens opposé au champ appliqué. Ce phénomène
est tout à fait général. On donne à ce titre parfois le nom de champ électrostatique
dépolarisant à ce champ, même s’il ne participe pas à une ”dépolarisation”
du milieu.
Comme la valeur de E~M dépend de la géométrie de l’échantillon, il est
nécessaire de choisir un échantillon de forme bien connue pour calculer l’in-
fluence de ce champ et ainsi mesure la constante diélectrique du matériau.
Notons que le champ dépolarisant est nul dans le cas d’un cylindre infiniment
allongé.

Par ailleurs, le champ extérieur créé par la polarisation est celui d’un
dipôle placé en O et de moment p~ = p u~z . En effet, le potentiel dipolaire
général
pcos(θ)
Vp =
4πεo r2
s’identifie ici à
R3 P cos(θ)
VM,ext =
3εo r2
Ainsi, p = 34 πR3 P = V × P d’où le moment dipolaire total de la sphère,

4 εo χ e ~
p~ = πR3 Ea
3 1 + χe /3
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 30

3.4.2 Calcul par dédoublement


On peut montrer, en prolongement de cette dernière remarque, que la
distribution de charges de polarisation revient à celle d’une superposition de
deux sphères notée S + et S − de rayon R, uniformément chargées en volume
avec les densités respectives +ρ et −ρ, et dont les centres O+ et O− , confondus
en l’absence de polarisation, sont légèrement séparés, de telle sorte que
−−−−→
ρ V O− O+ = V P~

Soit la configuration suivante :

Dans l’espace commun, la densité de charges totale est nulle. Dans les
calottes aux extrémités, les densités sont opposées et, comme a = O− O+ → 0,
ces densités deviennent surfaciques.
Considérons, pour θ donné, l’élément de volume constitué par la surface
R2 sin(θ)dθdϕ et l’épaisseur a cos(θ). Sa charge est

dq = ρdS a cos θ

donc σ = dSdq
= ρa cos θ qui est bien du type σ = P~ · ~n = P cos θ avec P = ρa
(ρ → ∞ lorsque a → ∞).
Le moment dipolaire s’obtient de deux manières :
−−−−→
– p~ = (ρτ ) O− O+ où ρτ est la charge de toute la sphère S +
– p~ = τ P~ pour la sphère polarisée car P~ est uniforme
L’identification fournit
−−−−→
ρτ O− O+ = τ P~
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 31

et
−−−−→
ρ ~a = ρ O− O+ = P~

Le théorème de Gauss permet de déterminer les champs créés par les deux
sphères. Le champ créé par S + vaut
ρ −−−→
E~+ = O+ M
3εo
à l’intérieur et est celui de la charge ρτ placée en O+ à l’extérieur.
Le champ créé par S − vaut
−ρ −−−→
E~− = O− M
3εo
à l’intérieur et est celui de la charge −ρτ placée en O− à l’extérieur.

A l’intérieur de S, on pourra écrire que


−−−−→ ρ −−−→ −−−→ ρ −−−−→
Ep,M,int = (O+ M − O− M ) = O+ O−
3εo 3εo
ce qui est équivalent à
−−−−→ P~
Ep,M,int = −
3εo
A l’extérieur de S, puisque a  R, le champ est celui du dipôle de moment
4
~p = π R3 P~
3
placé en O. Ainsi
−−−−→ −−→ p~ · e~r 1
Ep,M,ext = −grad 2
= (3(~p · e~r ) − p~)
4πεo r 4πεo r3
soit encore
1 R 3
Ep,M,ext = ( ) (3(P~ · e~r )~
er − P~ )
3εo r

−→
On peut évaluer la discontinuité du champ électrique EM en R,

1 P~ P cos θ σp
Ep,M,ext (r = R) − Ep,M,int = (3P cos θ e~r − P~ ) + = e~r = e~r
3εo 3εo εo εo
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 32

Cette discontinuité est normale à la surface de S et conforme aux deux


~ donnant
équations de Maxwell relatives à E,

δE~ = δ(E~a + E~M ) = σlibre + σp ~n


εo
Ceci correspond à une réfraction des lignes de champ de E~M à la surface de
S. En voici la topologie.

Le fait que ces lignes de champ se referment n’est pas grave ; d’abord
parce qu’il ne s’agit que de E~M et pas de E ~ = E~a + E~M et surtout parce
qu’elles ne changent pas de sens en franchissant la surface de S (le potentiel
VM décroı̂t puis croı̂t avant de revenir à sa valeur initiale au bout d’un tour :
−→ ~
rot EM ).

Remarquons que l’hypothèse ”P~ uniforme sachant que E~a uniforme” est
correcte. En effet, l’équilibre du milieu polarisé se réalise dans le champ
macroscopique E ~ = E~a + E~M . Pour un milieu linéaire, homogène et isotrope
(l.h.i), P~ uniforme suppose E~ uniforme, et, par conséquent, si E~a l’est, il faut
−−−−→
que Ep,M,int le soit, comme c’est bien le cas ici.
On peut donner l’expression du champ macroscopique à l’extérieur de la
sphère
−−→ −−−−→ 1 R 3
Eext = E~a + Ep,M,ext = E~a + ( ) (3(P~ · e~r )~
er − P~ )
3εo r
Comme
εχe
P~ = E~a
1 + χe /3
4 DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS : LES CRISTAUX LIQUIDES33

on obtient de manière équivalente


−−→ χe R
Eext = E~a + ( )3 (3(E~a · e~r )~
er − E~a )
χe + 3 r
ce que l’on peut encore décomposer dans la base polaire (~
er , e~θ ),
−−→ 2χe R 3 χe R
Eext = Ea cos θ [1 + ( ) ] e~r − Ea sin θ [1 + ( )3 ] e~θ
3 + χe r 3 + χe r

4 Dans la vie de tous les jours : les cristaux


liquides
4.1 Historique
Il y a à peine plus d’un siècle, en 1888, un botaniste autrichien, Reinitzer,
fit une découverte révolutionnaire et surprenante : en étudiant des cristaux
de benzoate de cholestérol, il s’aperçut qu’ils ne se comportaient pas comme
des cristaux habituels.
En effet, ils fondent à 145, 5o C, en se transformant en un fluide laiteux, qui
devient ensuite un liquide parfaitement clair à 178, 5o C. Ces observations
engendrèrent de nombreuses étude amenant les cristallographes, en 1900, à
conclure sur un nouvel état de la matière : le cristal liquide.
Au niveau de leur structure chimique, la plupart des cristaux liquides sont
constitués de molécules organiques qui comportent au moins deux parties
différant par
– leur structure : une partie rigide et une partie flexible
– leurs propriétés : une partie hydrophile et une partie hydrophobe

Le cristal liquide est donc un nouvel état de la matière, n’entrant alors


pas dans la classification habituelle distinguant les trois états (solide cristal-
lin, liquide et gaz) et les faisant figurer dans la grande famille de la matière
4 DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS : LES CRISTAUX LIQUIDES34

molle.
En 1905, Lehmann parvient à convaincre ses pairs que l’état cristal liquide
est un état de la matière à part entière. En effet, il met en évidence des dis-
continuités dans l’étude de leurs transitions de phase.

A l’inverse d’un cristal, dans lequel les atomes et les molécules sont
un arrangement ordonné et périodique, et d’un liquide où cet ordre est
complètement rompu, un cristal liquide standard est composé de molécules-
bâtonnets disposées aléatoirement ; tout en se déplaçant les unes par rapport
aux autres sous agitation thermique, ces molécules restent en moyenne pa-
rallèles entre elles : on parle de mésophases.
Cet ordre partiel dans l’organisation des molécules permet ainsi aux cris-
taux liquides de revêtir des apparences très diverses : solide, caoutchouteuse,
gélatineuse ou pâteuse.
En 1920, Friedel établit une classification reposant sur des critères d’ordre
et de symétrie dans les arrangements moléculaires. Il constitua trois grandes
catégories de cristaux liquides :
– la phase nématique, la moins ordonnée, où les molécules ont simple-
ment tendance à s’aligner parallèlement les unes aux autres, et présentant
des défauts ressemblant à des fils
– la phase cholestérique, depuis la découverte des dérivés du cholestérol.
Elle est faite d’un arrangement en hélice des molécules chirales. On
la décrit comme un empilement continu de plans dans chacun des-
quels règne un ordr nématique. Friedel présentait la phase cholestérique
comme une manière d’être spéciale de la phase nématique.
– la phase smectique a été nommée ainsi à cause des propriétés mécaniques
proches de celles d’un film savonneux (savon = ”smectos” en grec). Les
molécules y sont alignées parallèlement les unes aux autres mais en
étant regroupées en couches parallèles régulièrement espacées.
4 DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS : LES CRISTAUX LIQUIDES35

4.2 Fonctionnement
Deux surfaces de verre sont recouvertes d’un film conducteur pour créer
une différence de potentiel. On applique un champ électrique.
On dépose sur la paroi intérieure un surfactant afin d’orienter les molécules,
et les brosser suivant une certaine direction.
On accole un polariseur à l’extérieur de chaque surface de verre, puis on
fait tourner la plaque inférieure de 90 afin que le polariseur et l’analyseur
soient placés perpendiculairement.
On introduit entre les deux surfaces un cristal liquide nématique à aniso-
tropie diélectrique positive.
On obtient donc un nématique dont l’orientation des molécules tourne
d’un quart de tour (90) entre l’électrode du haut et celle du bas (schéma
a). La lumière est guidée par ces molécules, elle ressort donc librement de la
cellule, suivant la direction de l’analyseur. La cellule est allumée.
Lorsque l’on applique un champ électrique entre les électrodes, les molécules
s’alignent progressivement suivant la direction du champ (schéma b). La
lumière n’est plus déviée par les molécules, elle est donc stoppée par l’analy-
seur car celui-ci est perpendiculaire. La cellule est eteinte.
Si on coupe le champ électrique, la structure en hélice des molécules se
reforme, et la cellule se rallume. On peut, en segmentant les électrodes d’une
manière précise, et en les commandant électriquement de façon individuelle,
former des caractères ou des chiffres. Chaque segment de l’image est appelé
pixel.
4 DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS : LES CRISTAUX LIQUIDES36

Conclusion
Il est évident que la polarisation peut être interprétée à partir des mo-
ments dipolaires associés aux éléments microscopiques du diélectrique : atomes,
molécules et ions. L’étude complète ne pourrait être envisagée que dans le
cadre de la physique quantique qui est le cadre naturel à l’échelle atomique,
mais la physique classique a elle aussi permis d’établir des modèles donnant
des ordres de grandeur satisfaisants.

L’étude macroscopique que nous venons de mener pourrait conduire à


aborder des phénomènes remarquables tels que les effets Kerr ou Pockels
en optique, ou encore les phénomènes de ferroélectricité et piezoélectricité,
d’usages répandus dans la vie courante.

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