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Agrégation de Physique
Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand
Etude macroscopique
de la polarisation,
du champ électrique E ~
et du vecteur D ~
dans les milieux diélectriques.
Mai 2003
TABLE DES MATIÈRES 2
Introduction
Le condensateur est un composant électrique extrêmement répandu ; il en
existe de nombreux types. Par définition, on appelle condensateur l’ensemble
de deux conducteurs en influence totale (toutes les lignes de champs issues
de l’un arrivent sur l’autre) : si l’on néglige les effets de bord, vous avez vu
que deux plans conducteurs parallèles (ou armatures), porteurs de charges
totales opposées, peuvent constituer un exemple de condensateur.
Cependant, les condensateurs les plus couramment répandus sont constitués
de deux armatures conductrices séparées par ce qu’on appelle un diélectrique
(par exemple du tantale (peu coûteux), du mica, des films plastiques ou pa-
raffinés, du titanate de baryum, etc...).
d~p = P~ (~r) dτ
Il faut bien retenir que, sous l’action d’un champ extérieur appliqué E~a , il
se crée au sein d’un diélectrique un champ de polarisation P~ qui est lui-même
à l’origine d’un nouveau champ électrique E~p qui modifie le champ appliqué
E~a (qui a conduit au phénomène de polarisation). Le champ total sera
~ = E~a + E~p
E
Cette situation fait donc apparaı̂tre ce qu’on appelle une boucle de rétroaction.
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 7
1 p~ · ~u
VM =
4πεo r2
Considérons un volume infinitésimal dτ décrit par un système de coordonnées
−−−→
internes au diélectrique noté (α, β, γ). En introduisant le fait que gradx ( 1r ) =
−−−→
− r~u2 = −gradα ( 1r ), nos pourrons écrire que
1 −−−→ 1
dVM = gradα ( ) · d~p
4πεo r
Par intégration sur le volume du diélectrique,
−−−→ 1
Z
VM = gradα ( ) · P~ dτ
τ r
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 8
~ −−−→
Sachant que divα ( Pr ) = 1r divα (P~ ) + gradα ( 1r ) · P~ , il vient
P~
Z
1 1
VM = [divα ( ) − divα (P~ )] dτ
4πεo τ r r
soit
1
Z ~ )
divα (−P 1
Z
P~
VM = dτ + divα ( ) dτ
4πεo τ r 4πεo τ r
D’après le théorème d’Ostrogradski appliqué au second terme, on obtient
le résultat
1
Z ~ )
divα (−P 1
Z ~
P · ~n
VM = dτ + dΣ
4πεo τ r 4πεo Σ r
Par analogie avec le potentiel créé par des distributions de charges libres
en électromagnétisme du vide, l’étude électromagnétique du diélectrique po-
larisé peut donc se ramener à un problème d’électromagnétisme dans le vide
où les champs ont pour sources les distributions de charges de polarisation
de densités volumique
ρp = divα (−P~ )
et surfacique
σp = P~ · ~n
X
ni qi = 0
i
La polarisation est créée par les déplacements moyens δ~i des porteurs de charge qi et le vecteur de polarisation P
~ est
défini sans ambiguité par X
~ =
P ni qi δ~i
i
A ces déplacements δ~i correpond un flux sortant de charges à travers la surface Σ. Les porteurs de charge qi qui, à un
instant donné, ont traversé l’élément de surface dΣ sont contenus dans le cylindre de base dΣ et de génératrice δ~i ; le
volume de ce cylindre est δ~i · dΣ ~ et les porteurs qu’il contient sont au nombre de ni δ~i · dΣ.
~
X
ni qi δ~i · dΣ
~ =P
~ · dΣ
~
i
Ce calcul, algébrique, est valable quel que soit le signe de qi et le sens de δ~i . La charge totale δQ ayant traversé Σ, et
~ , est donnée par
donc quitté D en y laissant la polarisation P
Z
δQ = ~ · dΣ
P ~
Σ
Z
Qp = −δQ = − ~ · dΣ
P ~
Σ
Ce résultat est valable quel que soit le domaine D : il s’ensuit que la polarisation, d’un point de vue macroscopique, est
équivalente à une distribution volumique de charge de densité
~
ρp = −div P
~ =~
A la surface du diélectrique, les charges qui tendent à sortir à travers un élément de surface dS n dS s’accumulent
localement (celle de signe opposé au contraire dégarnissent la surface) : le résultat global est l’apparition d’une charge
surfacique P~ · dS
~ donc d’une densité surfacique
σp = P ~ ·~n
∂ρp ∂ P~
= div(− )
∂t ∂t
c’est-à-dire une équation de type
∂ρp
+ div j~p
∂t
avec
∂ P~
j~p = −
∂t
2.2 ~
Un intermédiaire de calcul : le vecteur D
2.2.1 Utilité
Si l’on explicite, dans les sources du champ électriques, les contributions
intérieures et extérieures du milieu, l’équation de Mawxell-Gauss s’écrit
~ = ρp + ρext
div(E)
εo
c’est-à-dire encore
~ = −div(P~ ) + ρext
div(εo E)
~ s’introduit alors naturellement, tel que
Un nouveau champ D
~ + P~ ) = div(D)
div(εo E ~ = ρext
d’où le nom d’excitation électrique qu’on lui donne parfois. Ce vecteur de-
vrait être appelé densité de flux électrique, mais on lui préfère en France
le nom de vecteur déplacement ou induction électrique. L’unité de D ~ est la
même que celle de P~ , le C.m−2 .
avec Z Z Z
~ · dS
E ~= ~ · dS
E ~+ ~ · dS
E ~
S S(h) S(bases)
~ à la
En conclusion, nous écrirons la relations de passage pour le vecteur E
traversée de la surface du diélectrique sous la forme
σ
E˜2 − E˜1 = n˜12
εo
D’autre part, avec le shéma suivant
où les longueurs A2 B2 et A2 B2 sont des infiniment petits d’ordre 1 et A1 A2
et B1 B2 des infiniment petits d’ordre 2, la relation de Maxwell-Faraday en
−→ ~ ~
régime stationnaire rot E = 0 permet d’obtenir, en prenant la circulation de
~
E le long du contour rectangulaire indiqué,
~ · d~l = E~1 · −
−−→ −−−→
I
E A1 B1 + E~2 · B2 A2 = Et1 A1 B1 − Et2 A2 B2 = 0
C
Remarque
En raison de l’équivalence des potentiels entre une distribution de dipôles, et donc
d’un milieu diélectrique, et la superposition d’une distribution volumique et surfa-
cique de charges, le potentiel scalaire doit être partout continu, en particulier sur
la surface de séparation entre deux milieux. De plus, le potentiel dû à un volume
fini de matériau diélectrique doit tendre vers zéro lorsqu’on s’en éloigne infiniment.
Cas d’un diélectrique
Pour un diélectrique, on remplacera la relation de Maxwell-Gauss précédente
par
~ = ρlibre
div D
et des méthodes de calcul analogues conduiront à la relation de continuité
~2 − D
D ~ 1 = σlibre n~12
−−→ . 1 R ~0
où Eaux = 4πεo
ρ r~r−−r~r0 k3 est le champ électrostatique auxiliaire que créerait
τ o k~
une distribution volumique uniforme de charge répartie dans le même volume
avec la densité ρo . Le champ électrostatique créé par le milieu E~M s’en déduit
alors,
−−→ 1 −−→ −−→ 1 −−→ −−→
E~M = −grad VM = − grad(P~ · Eaux ) = − (P~ · grad) Eaux
ρo ρo
Ainsi, le champ et le potentiel électrostatiques créés par un matériau uni-
formément polarisé s’obtiennent aisément à l’aide du champ électrostatique
auxiliaire. On peut appliquer ceci, par exemple, à un matériau de forme
simple pour lequel ce champ auxiliaire est connu. Prenons l’exemple d’une
sphère uniformément polarisée.
−−−→ P~
Ep,int (M ) = −
3εo
en choisissant une orientation privilégiée (Oz par exemple) pour P~ .
2 CHAMPS ET POTENTIELS DE POLARISATION 15
et
P~ = ~0
à l’extérieur conduisent à ρint = 0. Les charges sont donc localisées sur la
surface avec une densité surfacique σint . L’équation de divergence fournit
comme on l’a vu la relation de passage entre le milieu diélectrique et le vide
soit encore
σint = P~ · n~ext
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 16
3.2 ~ et E
Relation entre D ~
Lorsque la relation P~ (E)
~ est linéaire, les vecteurs E
~ et D~ sont également
.
reliés par une équation linéaire ; en effet, comme P~ = χe εo E
~ et D
~ = ~ + P~ ,
εo E
~ = (1 + χe ) εo E
D ~
soit encore
~ = εr εo E
D ~ = εE
~
Matériau χe
air 5, 7.10−3
hydrogène 0,228
oxygène 0,507
BaT iO3 1.760
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 18
LIQUIDES (20o C) εr
eau 80,36
benzène 2,284
nitrobenzène 35,74
éthanal 4,34
éthanol 25,1
acétone 21,2
SOLIDES εr
diamant 5,5
silice 3,78
verre 4-7
plexiglass 3,4
téflon 2,1
~ · dE
dg = −D ~
X
Di = εij Ej
j
et ainsi
3
X
dg = − dEi Di
i=1
XX XX
dg = − εij Ej dEi = − εji Ei dEj
i j j i
∂g X
=− εij Ej
∂Ei j
et
∂g X
=− εji Ei
∂Ej i
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 19
En dérivant chacune de ces relations par rapport à la composante croisée du champ, on obtient
∂ ∂g
( ) = −εij
∂Ej ∂Ei
et
∂ ∂g
( ) = −εji
∂Ei ∂Ej
Le théorème de Schwartz sur les dérivées croisées permet alors d’égaler ces deux dernières équations : on obtient donc
εij = εji
La matrice [ε] est donc symétrique. Elle est de ce fait diagonalisable dans un repère dit principal. L’hypothèse d’isotropie
∂2g
= −ε < 0
∂Ei2
en vertu de ce second principe. Il s’ensuit que ε > 0...
~ = U e~z
E
e
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 21
ρp = −div P~ = 0
σp P~
E~p = n~1 = −
εo εo
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 22
Ce champ est bien opposé au champ appliqué qui crée la polarisation, d’où
sa dénomination de champ dépolarisant.
La somme du champ appliqué E~a , créé par les charges Qex et −Qex des ar-
~
matures, et du champ E~p = − εPo créé par le matériau, ici la lame diélectrique
uniformément polarisée, est égale au champ électrique macroscopique E ~
~
~ = E~a + E~p,M = Qext e~z − P
E
εo S εo
c’est-à-dire, puisque P~ = P e~z et σlibres,int = P~ · n~ex = P~ · −e~z = −P ,
~ = ρl + ρp ⇒ E
div E ~ − ~0 = σl + σp1 n~2
εo εo
~ on obtient
Comme D = εo εr E,
1
σp1 = −(1 − ) σl
εr
et puisque σp = −σp1 = σp2 , on a
1
σp = (1 − ) σl
εr
Dans le cas où εr > 1, nous avons σp < σl . Pour un milieu dilué peu
polarisable, εr ' 1 et σp σl ; pour un milieu dense très polarisable, εr 1
et σp ' σl . Dans tous les cas, les dessins doivent faire apparaı̂tre clairement
des charges de polarisation en nombre moindre que les charges libres.
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 23
~ = σl n~2
E
εo εr
Par conséquent,
~
~ = Ea
E
εr
et
Vo
V =
εr
La relation du condensateur Qo = Co Vo donne Q = Qo = CV donc
C = Co εr
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 24
~ = E~o
car E εr d’où l’on tire
1 Q2 Uo
U= =
2 C εr
soit
C = εr Co
Dans ce cas, l’énergie est divisée par εr , et la force d’attraction entre
les armatures est également divisée par cette constante (même charge
libre, champ moindre).
Dans le vide,
~ 0
σlo
Ea = ~n
εo
Dans le diélectrique linéaire, nous écrirons
~ = σl ~n
E
εo εr
~ on note l’égalité
V étant la circulation de E,
V = Vo
ce qui conduit à
~ = E~a0
E
d’où
σl = εr σlo
On en déduit donc que
Q = Q o εr
Q Qo
et comme V = C
= Vo = Co
, on retrouve la relation
C = Co εr
Nous remarquons que dans les deux protocoles d’insertion d’une lame
diélectrique dans le condensateur, à charge ou potentiel constants, l’équilibre
électrostatique initial est perturbé, mais la capacité s’en trouve toujours aug-
mentée et multipliée par εr .
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 26
Les champs E ~ et D,
~ dans la sphère, sont déterminés par le système
d’équations locales
−→ ~ ~
rot E = 0
et
~ =0
div D
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 27
Sous ces hypothèses, le problème possède une solution unique qui corres-
pond à une polarisation volumique P~ uniforme. Le champ E, ~ en tout point,
est la superposition du champ appliqué Ea et du champ E~M créé par la
~
matière polarisée.
P̃
E˜d (O) = −
3εo
La susceptibilité diélectrique étant définie par rapport au champ électrique
macroscopique E ~ = E~a + E~d , comme P~ = εo χe E, ~ nous avons l’expression de
la polarisation en fonction du champ appliqué
εo χe E~a
P~ =
1 + χe /3
−−−→ P~
Ep,int (M ) = −
3εo
si r < R, et
−−−→ R3 3(P~ · e~r )~
er − P~
Ep,ext (M ) = [ ]
3εo r3
si r > R.
A l’intérieur de la sphère, le champ électrique s’écrit
−−→ −−−→ P~
Eint = E~a + Ep,int (M ) = E~a −
3εo
−−→
Sachant que P~ = εo χe Eint , il vient l’expression des champs
−−→ 3 E~a
Eint =
3 + χe
3 χe
P~ = εo E~a
3 + χe
−−→ 3(1 + χe )
Dint = εo E~a
3 + χe
A l’extérieur de la sphère, de la même façon,
−−→ ~ 1 R3
Eext = Ea + [3(P~ · e~r )~
er − P~ ]
3εo r3
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 29
et
−−→ −−→ ~ 1 R3 3χe 3χe
Dext = εo Eext = εo Ea + 3
[3( εo E~a · E~a )~
er − εo E~a ]
3r 3 + χe 3 + χe
On peut vérifier sur cette dernière formule la continuité de la composante
normale du vecteur D ~ à la traversée de la surface caractérisée par r = R et
n~ext = e~r ,
−−→ −−→
n~ext · (Dext − Dint ) = 0
Par ailleurs, si χe = 0, on trouve bien que le matériau se comporte comme
le vide. En revanche, en faisant tendre cette susceptibilité vers l’infini, on
−−→ −−→
obtient à la limite Eint = ~0, P~ = 3εo E~a et Dint = 3εo E~a . Ce cas ...
−−−−→
Cet exemple montre que le champ électrique Ep,M,int créé en son intérieur
par le matériau polarisé est de sens opposé au champ appliqué. Ce phénomène
est tout à fait général. On donne à ce titre parfois le nom de champ électrostatique
dépolarisant à ce champ, même s’il ne participe pas à une ”dépolarisation”
du milieu.
Comme la valeur de E~M dépend de la géométrie de l’échantillon, il est
nécessaire de choisir un échantillon de forme bien connue pour calculer l’in-
fluence de ce champ et ainsi mesure la constante diélectrique du matériau.
Notons que le champ dépolarisant est nul dans le cas d’un cylindre infiniment
allongé.
Par ailleurs, le champ extérieur créé par la polarisation est celui d’un
dipôle placé en O et de moment p~ = p u~z . En effet, le potentiel dipolaire
général
pcos(θ)
Vp =
4πεo r2
s’identifie ici à
R3 P cos(θ)
VM,ext =
3εo r2
Ainsi, p = 34 πR3 P = V × P d’où le moment dipolaire total de la sphère,
4 εo χ e ~
p~ = πR3 Ea
3 1 + χe /3
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 30
Dans l’espace commun, la densité de charges totale est nulle. Dans les
calottes aux extrémités, les densités sont opposées et, comme a = O− O+ → 0,
ces densités deviennent surfaciques.
Considérons, pour θ donné, l’élément de volume constitué par la surface
R2 sin(θ)dθdϕ et l’épaisseur a cos(θ). Sa charge est
dq = ρdS a cos θ
donc σ = dSdq
= ρa cos θ qui est bien du type σ = P~ · ~n = P cos θ avec P = ρa
(ρ → ∞ lorsque a → ∞).
Le moment dipolaire s’obtient de deux manières :
−−−−→
– p~ = (ρτ ) O− O+ où ρτ est la charge de toute la sphère S +
– p~ = τ P~ pour la sphère polarisée car P~ est uniforme
L’identification fournit
−−−−→
ρτ O− O+ = τ P~
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 31
et
−−−−→
ρ ~a = ρ O− O+ = P~
Le théorème de Gauss permet de déterminer les champs créés par les deux
sphères. Le champ créé par S + vaut
ρ −−−→
E~+ = O+ M
3εo
à l’intérieur et est celui de la charge ρτ placée en O+ à l’extérieur.
Le champ créé par S − vaut
−ρ −−−→
E~− = O− M
3εo
à l’intérieur et est celui de la charge −ρτ placée en O− à l’extérieur.
−→
On peut évaluer la discontinuité du champ électrique EM en R,
1 P~ P cos θ σp
Ep,M,ext (r = R) − Ep,M,int = (3P cos θ e~r − P~ ) + = e~r = e~r
3εo 3εo εo εo
3 POLARISATION DES MILIEUX DIÉLECTRIQUES LINÉAIRES 32
Le fait que ces lignes de champ se referment n’est pas grave ; d’abord
parce qu’il ne s’agit que de E~M et pas de E ~ = E~a + E~M et surtout parce
qu’elles ne changent pas de sens en franchissant la surface de S (le potentiel
VM décroı̂t puis croı̂t avant de revenir à sa valeur initiale au bout d’un tour :
−→ ~
rot EM ).
Remarquons que l’hypothèse ”P~ uniforme sachant que E~a uniforme” est
correcte. En effet, l’équilibre du milieu polarisé se réalise dans le champ
macroscopique E ~ = E~a + E~M . Pour un milieu linéaire, homogène et isotrope
(l.h.i), P~ uniforme suppose E~ uniforme, et, par conséquent, si E~a l’est, il faut
−−−−→
que Ep,M,int le soit, comme c’est bien le cas ici.
On peut donner l’expression du champ macroscopique à l’extérieur de la
sphère
−−→ −−−−→ 1 R 3
Eext = E~a + Ep,M,ext = E~a + ( ) (3(P~ · e~r )~
er − P~ )
3εo r
Comme
εχe
P~ = E~a
1 + χe /3
4 DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS : LES CRISTAUX LIQUIDES33
molle.
En 1905, Lehmann parvient à convaincre ses pairs que l’état cristal liquide
est un état de la matière à part entière. En effet, il met en évidence des dis-
continuités dans l’étude de leurs transitions de phase.
A l’inverse d’un cristal, dans lequel les atomes et les molécules sont
un arrangement ordonné et périodique, et d’un liquide où cet ordre est
complètement rompu, un cristal liquide standard est composé de molécules-
bâtonnets disposées aléatoirement ; tout en se déplaçant les unes par rapport
aux autres sous agitation thermique, ces molécules restent en moyenne pa-
rallèles entre elles : on parle de mésophases.
Cet ordre partiel dans l’organisation des molécules permet ainsi aux cris-
taux liquides de revêtir des apparences très diverses : solide, caoutchouteuse,
gélatineuse ou pâteuse.
En 1920, Friedel établit une classification reposant sur des critères d’ordre
et de symétrie dans les arrangements moléculaires. Il constitua trois grandes
catégories de cristaux liquides :
– la phase nématique, la moins ordonnée, où les molécules ont simple-
ment tendance à s’aligner parallèlement les unes aux autres, et présentant
des défauts ressemblant à des fils
– la phase cholestérique, depuis la découverte des dérivés du cholestérol.
Elle est faite d’un arrangement en hélice des molécules chirales. On
la décrit comme un empilement continu de plans dans chacun des-
quels règne un ordr nématique. Friedel présentait la phase cholestérique
comme une manière d’être spéciale de la phase nématique.
– la phase smectique a été nommée ainsi à cause des propriétés mécaniques
proches de celles d’un film savonneux (savon = ”smectos” en grec). Les
molécules y sont alignées parallèlement les unes aux autres mais en
étant regroupées en couches parallèles régulièrement espacées.
4 DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS : LES CRISTAUX LIQUIDES35
4.2 Fonctionnement
Deux surfaces de verre sont recouvertes d’un film conducteur pour créer
une différence de potentiel. On applique un champ électrique.
On dépose sur la paroi intérieure un surfactant afin d’orienter les molécules,
et les brosser suivant une certaine direction.
On accole un polariseur à l’extérieur de chaque surface de verre, puis on
fait tourner la plaque inférieure de 90 afin que le polariseur et l’analyseur
soient placés perpendiculairement.
On introduit entre les deux surfaces un cristal liquide nématique à aniso-
tropie diélectrique positive.
On obtient donc un nématique dont l’orientation des molécules tourne
d’un quart de tour (90) entre l’électrode du haut et celle du bas (schéma
a). La lumière est guidée par ces molécules, elle ressort donc librement de la
cellule, suivant la direction de l’analyseur. La cellule est allumée.
Lorsque l’on applique un champ électrique entre les électrodes, les molécules
s’alignent progressivement suivant la direction du champ (schéma b). La
lumière n’est plus déviée par les molécules, elle est donc stoppée par l’analy-
seur car celui-ci est perpendiculaire. La cellule est eteinte.
Si on coupe le champ électrique, la structure en hélice des molécules se
reforme, et la cellule se rallume. On peut, en segmentant les électrodes d’une
manière précise, et en les commandant électriquement de façon individuelle,
former des caractères ou des chiffres. Chaque segment de l’image est appelé
pixel.
4 DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS : LES CRISTAUX LIQUIDES36
Conclusion
Il est évident que la polarisation peut être interprétée à partir des mo-
ments dipolaires associés aux éléments microscopiques du diélectrique : atomes,
molécules et ions. L’étude complète ne pourrait être envisagée que dans le
cadre de la physique quantique qui est le cadre naturel à l’échelle atomique,
mais la physique classique a elle aussi permis d’établir des modèles donnant
des ordres de grandeur satisfaisants.