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Après la prise du Capitole, vient l’heure
des comptes et de l’enquête
PAR PATRICIA NEVES
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 8 JANVIER 2021
Simples supporteurs du président, conspirationnistes
QAnon, militants d’extrême droite, le profil des
émeutiers du Capitole commence à émerger aux
États-Unis où le FBI enquête désormais pour tenter
d’identifier les auteurs des violences.
Fiche sur Jake Angeli sur le site de la police de Washington. © Capture d'écran/MPDC
New York (États-Unis).– Parmi ceux qui ont connu
Nicholas R., « Nick », un jeune homme identifié
comme l’un des assaillants du Capitole, beaucoup ont
exprimé leur stupeur sur Facebook. « On vous avait
dit qu’il était raciste. » « Il était si fier de la pancarte
pro Trump qu’il avait dans son appartement. » Nick
venait « régulièrement dans mon magasin, il jouait
avec le chat pendant des heures ». « Un gentil gars.
» « Un jour il a été vu en train d’enlever une affiche
Black Lives Matter. »
Le visage de leur voisin, leur ancien collègue d’une
petite ville du Maryland figure désormais aux côtés
de dizaines de cibles du FBI. Toutes soupçonnées
d’avoir pris d’assaut le Congrès américain mercredi 6
janvier lors de la certification de la victoire de Joe
Biden à l’élection présidentielle. Sur les images de la
violente émeute qui a coûté la vie à cinq personnes
dont une manifestante, une vétéran de l’Air Force, et
un policier, on aperçoit donc Nick.
À l’intérieur du Capitole, il déambule avec sa
casquette rouge sur la tête, signe de ralliement des
supporters de Donald Trump, sa longue barbe et son
badge autour du cou : le badge de son entreprise,
une société spécialisée dans le marketing. Rapidement
repéré, et d’ores et déjà mis à pied par son employeur,
Nick a été aperçu mercredi à côté d’une figure
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bien connue de QAnon, la nébuleuse complotiste
pro-Trump mêlant satanisme, pédophilie et « État
profond ».
Fiche sur Jake Angeli sur le site de la police de Washington. © Capture d'écran/MPDC
Sur les clichés, Nick se tient en effet à côté de
Jake Angeli, l’homme à « cornes », un habitué des
manifestations de soutien à Donald Trump. Comme
lors de ses précédentes apparitions, Jake Angeli
a arpenté le Congrès mercredi torse nu, déguisé
en guerrier à fourrure et à cornes. À l’un des
journalistes qui l’a interviewé, il aurait expliqué avoir
été « poliment » prié de quitter les lieux par la police
sans que celle-ci ne procède immédiatement à son
arrestation.
Ni à l’arrestation de Nick Ochs, le fondateur des
Proud Boys Hawaii, une organisation d’extrême
droite proche de groupuscules suprémacistes blancs,
invitée par Donald Trump en septembre dernier
à se « tenir prête ». Interviewé par CNN,
Nick Ochs a lui aussi expliqué ne pas avoir
été « interpellé » ni « questionné » par la
police. « Hello from the Capital lol »[« Salut depuis
la capitale lol » – ndlr] avait-il lancé sur les réseaux
sociaux depuis l’intérieur des bâtiments.
Supporteurs du président, conspirationnistes QAnon,
militants d’extrême droite, le profil des émeutiers qui
ont forcé l’entrée et mis à sac le Congrès américain
commence à se dessiner.
L’extrême droite en force
Les premières arrestations – 68 au total jeudi –
visent des individus venus de tout le pays, d’Arizona,
de Géorgie ou de Pennsylvanie entre autres, autant
d’États où les résultats de l’élection présidentielle ont
été contestés par le camp Trump. Des hommes et des
femmes arrêtés pour non-respect du couvre-feu mis en
place à Washington, voire pour port d’armes ou pour
l’intrusion dans le Capitole.
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Ils risquent à terme d’être inculpés pour des chefs
pouvant aller jusqu’à l’insurrection. « Toutes les
options sont sur la table », a précisé le procureur
du district de Columbia, Michael Sherwin, d’autant
que « du matériel électronique […] des documents
[…] ont été volés dans les bureaux des sénateurs »,a-
t-il précisé. Cela pourrait poser des questions « de
sécurité nationale ».
Parmi les documents soustraits par les manifestants,
une enveloppe volée sur le bureau de Nancy Pelosi,
cheffe de file des démocrates à la Chambre des
représentants. Le butin a été fièrement exhibé devant
les objectifs par le voleur auto-déclaré, Richard
Barnett, 60 ans, leader d’un groupe pro-armes en
Arkansas. Celui qui se décrit lui-même comme un
« nationaliste blanc » selon le Washington Post, a été
l’un des visages des émeutes, en particulier pour avoir
pris la pose, le pied posé sur le bureau de Nancy Pelosi.
Richard Barnett dans le bureau de Nancy Pelosi mercredi 6 janvier. © Saul Loeb/AFP
D’autres manifestants se sont à l’inverse fondus dans
la masse, au milieu des multiples symboles racistes
et antisémites. Des symboles tels que des drapeaux
confédérés, l’aigle nazi, une référence au « camp
d’Auschwitz » arborée sur un pull, ou encore des
drapeaux « AF », « America first » (l’Amérique
d’abord), mouvement affilié à Nicholas Fuentes,
présent lui aussi à Washington mercredi, mais à
l’extérieur du Capitole, affirme-t-il. Fuentes est accusé
par des journalistes américains d’avoir également fait
intrusion dans le bureau de Nancy Pelosi.
Un éco-système médiatique alternatif
Une émeute vraisemblablement préparée, en partie,
sur internet. Selon BuzzFeed, un groupe Facebook
intitulé Red State Secession, comprenant 8 000
membres, a de fait renvoyé vers un site proposant
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des itinéraires de voyage vers Washington. « Si vous
n’êtes pas prêt à utiliser la force pour défendre la
civilisation, alors soyez prêt à accepter la barbarie », a
averti un membre dudit groupe, toujours sur Facebook,
d’après le New York Times.
« Ce terrorisme domestique évolue dans
un éco-système médiatique alternatif, renforcé
par la désinformation propagée par Donald
Trump »,explique Samantha Kutner, qui étudie le
groupuscule des Proud Boys au sein du Khalifa Ihler
Institute. Dans l’anonymat, sur les réseaux sociaux
et via les plateformes adoptées par l’extrême droite,
à l’instar de Parler, les discours de haine prennent
forme.
Pour le géographe américain Phil Neel, ces discours
ne sont toutefois pas nouveaux. « L’idée d’une
guerre civile, d’une seconde révolution américaine
est présente depuis longtemps, notamment depuis la
crise financière de 2008, analyse-t-il. Avec cette idée
de patriotisme, de frontière et aussi de diversité.
Les groupes [à l’extrême droite – ndlr] ne sont plus
exclusivement blancs […]. Ils défendent le recours à
la violence, y compris à la destruction de la propriété
publique (et non privée) par la nécessité de restaurer
un gouvernement non corrompu. »
Donald Trump, qui fait l’objet de plusieurs enquêtes
pour fraudes (bancaires, fiscales), a pour sa part
fini par condamner, jeudi dans une vidéo diffusée
sur Twitter, la violence des assaillants après
l’avoir personnellement encouragée. « We love
you », avait-il lancé à ses supporteurs mercredi.
Le président se retrouve de plus en plus isolé.
Alors que Nancy Pelosi et le sénateur Chuck
Schumer ont appelé le vice-président Mike Pence
à recourir au 25e amendement pour destituer le
président sortant, des membres de son administration
ont démissionné, lui reprochant d’avoir provoqué
les événements par son discours enflammé : la
ministre de l’éducation, Betsy DeVos, et celle des
transports, Elaine Chao.
Les arrestations devraient quant à elles se poursuivre.
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