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MÉTÉORES CARTESIENS
ET
MÉTÉORES SCOLAST1QUES
Tractatus III.
De cometis « Et pour ce que j'ai tâché d'expli
quer curieusement leur production et
leur nature (scil. des comètes) et que
je ne crois point qu'elles appartiennent
aux Météores, non plus que les trem
blements de terre et les minéraux que
plusieurs écrivains y entassent... ».
VI, 323, 18-22.
Tractatus IV.
De spectris et imàginibus quae sub Sur la voie lactée, rien.
astris aliisve locis in sublimi apparent.' Sur les couleurs que nous voyons
De circulo lacteo, seu via lactea. dans l'air, Météores, Disc. 9, p. 345,
De coloribus in aère apparentibus. 1 — 348, 6.
De voragine, hiatu et area sçu corona. De area seu corona. 348, 6, à la fin.
De virgis et pareliis. De parhehis, v. Discours dernier,
De l'apparjtion. de plusieurs soleils.
Tractatus V. Discours 8.
De iride seu arcu coelesti. De I'arc-en-cie1.
Tractatus VI. Discours 4.
De ventis. Des vents.
Tractatus VII. Discours 5.
De aqueis concretionibus. * Des nues.
De nubibus et pluvia. De pluviis
extraordinariis et prodigiosis De pre- Discours 6.
sagiis temporum. De nebula seu cali- De la neige, de la pluie et de la grêle.
gine. De nive, De grandine. De glacie. Pour les pluies extraordinaires, Dis
De rore et pruina. cours 7, p. 321, 16-21. Les présagés
De melle. Antiquorum saccharum des temps. Discours 6, p. 310, 23 —
non esse quidpiam e coelesti rore con- 311, 24.' De rore et pruina. 309, 17 —
cretum ut quidam putant. De manna. 310, 14. De melle, 310, 14 22.
'
Tractatus VIII. Météores : rien.
De mari. De maris ortu situque. Principes de philosophie, IVe partie,
Varii motus quibus mare cietur. Reci- art. 49-56.
procum maris aestum non ubique sui
similem esse. Variae Philosophorum « ... J'en ai touché quelque chose
sententiae de effectrici causa aestus dans mon Monde, où j'ai expliqué
marini. Eorum sententia qui causam très particulièrement l'origine des fon
marini aestus in Lunae vim conferunt. taines, et le flux et le reflux de la mer;
Quamobrem mari datus a natura mot ce qui est cause que je n'en ai rien du
us. De maris et terrae permutatio- tout voulu mettre dans mes Météores ».
nibus. De diluviis. II, 430,^15-24.
Météores Cartésiens et Météores Scolastiques 363
se soulève quand elle est seulement poussée et agitée .par les pieds
de quelque passant » [Discours H, p. 239, 24-240, 7]. Il n'y a donc
pas lieu de supposer que la chaleur des corps célestes, dissolvant
l'air et l'eau, leur confère la légèreté que possède tout ce qui est
rare et chaud. Par cette action purement mécanique la légèreté
inhérente aux exhalaisons se trouve supprimée [« Hoc ve'ro maxime
praestant sua vi et influxu corpora coelestia... Causa vero instru-
mentaria, qua corpora coelestia ad haec effecta utuntur, est polis-
simum calor, qui aquam, ac terram pervadit, easque attenuando in
halitus sol vit ; quos pariter in sublime effert inter vent u levitatis,
quae calorem ipsum et raritatem consequitur, ut in superioribûs
démentis conspicimus ». L'Ecole connaît une explication analogue
à celle de Descartes, mais elle la rejette : « Sunt tamen qui putent
vapores et exhalaliones haudquaquam in se recipere levitatem, cujus
impulsu in altum ferantur, sed trudi extrinsecus a calore, quem sol
in hac infima regione reciprocantibus in se radiis congeminat. At
non recte philosophantur. Primum quia calor non est virtus per se
loco movens. Secundo quia cum praedicti halitus sint tenues et
calidi, qua ex complicatione levitas oritur, cur non habeant levi
tatem sibi inhaerentem, cujus vi sursum commeent » ? Conimb. 1,
«,p.»].
Les vapeurs et les exhalaisons ne doivent pas être confondues.
Dans ses lignes générales la distinction que Descartes introduit entre
elles est la même que celle de l'Ecole. Les vapeurs sont de nature
aqueuse, les exhalaisons sont au contraire composées de ces parties
irréguliéres dont nous avons dit que se composent les corps durs
comme la terre [Disc. I, 234, i-2] : « Mais remarquez que ces
petites parties, qui sont ainsi élevées en l'air par le soleil, doivent
pour la plupart avoir la figure que j'ai attribuée à celle de l'eau, à
cause qu'il n'y en a point d'autres qui puissent si aisément être
séparées des corps où elles sont. Et ce seront celles-ci seules que je
nommerai particulièrement des vapeurs, afin de les distinguer des
autres qui ont des figures plus irrégulières, et auxquelles je retien
draile nom d'exhalaisons, à cause que je n'en sache point de plus
propre » [Disc. II, 240, 20-29. Descartes n'aime pas ce terme parce
qu'il conserve l'idée de halitus ou anhelitus qui s'accorde mal avec
son explication mécanique du phénomène par l'action du soleil sur
le mouvement de la matière subtile]. De même l'Ecole définit les
vapeurs des haleines chaudes et humides qui proviennent des
liquides, alors que les exhalaisons sont des souffles chauds et secs,
provenant tantôt de terres plus grasses, tantôt de terres plus sèches
[a Est autem vapor, halitus sive spiratio calida et humida, quae ex
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quées, je n'ai pas envie de les omettre » [Disc. H, 248, 47-26. Comp
arez Conimb., X, 3-5, p. J13-116]. Le sel n'est pas autre chose pour
Descartes que « les parties les plus grosses » de l'eau de mer et qui
ne peuvent être pliées comme les autres par l'action de la matière
subtile, ni même être agitées sans l'entremise des parties de l'eau
qui sont plus petites qu'elles. Cela seul suffit à résoudre tous les
problèmes que se posait l'Ecole à l'occasion de la salure de la mer.
Descartes explique la saveur piquante du sel [Disc. 111, 250, 40-19.
Conimb., X, 3, p. 442], pourquoi le sel empêche la corruption des
viandes [Ibid*, 250, 19-254, 1], pourquoi l'eau de mer est plus
pesante que l'eau douce [lbid., 254, 4-5. Conimb., X, 9, p. 144],
pourquoi les parties les plus grosses et les plus lourdes' qui consti
tuent le sel ne tombent pas au fond de l'eau [lbid., 254, 5-27.
Conimb. : « Cur superius mare salsius et calidius sit, quam inferius?..
quamquam esse e contrario debuit : gravius enim quod salsum » , X,
9, p. 444. Remarquez cependant que les deux problèmes, quoique
voisins, ne se confondent pas], pourquoi les fontaines et les rivières
« n'étant composées que des eaux qui ont été élevées en vapeurs, ou
bien qui ont passé au travers de beaucoup de sable, ne doivent
point être salées » [lbid., 254, 21-29. Conimb., X, 9, p. 444]. Mais
Descartes n'avait pas tort de considérer son discours sur le sel
comme nettement supérieur à ce qu'en disaient les Traités de
l'Ecole. Le nombre des problèmes particuliers qu'il aborde est très
considérable, et il élimine sans mot dire les considérations finalistes
assez naïves développées par les scolastiques pour rendre raison de
la salure de la mer. Il ne pense ni que la mer est salée pour per
mettre aux poissons de mer d'y vivre et de se nourrir du sel qu'elle
contient : « Est autem aqua salsa ad marinos pisces suo modo
alendos, idonea, quia habet admistam quasi olei pinguedinem ». 11
ne pense pas non plus que si la mer est salée « propter aquatilium
commoda » , elle l'est aussi en vue de faciliter la navigation
[Conimb., X, 9, p. 445]. C'est vraiment, malgré l'arbitraire des
explications que Descartes apporte, un esprit nouveau qui anime
tout ce traité. *
Laissant la considération du sel pour retourner à celle des
vapeurs, Descartes examine comment elles se meuvent en l'air, et
comment elles y causent les vents. Il définit le vent ; « Toute agita
tion d'air qui est sensible » (Disc. IV, 265, 3-4). Ce faisant, il
prend parti pour Hippocrate contre Aristote, car Hippocrate soute
nait: « Nihil aliud esse ventum quam aerem commotum ». Si
Descartes ajoute ici la clause « qui est sensible », à la définition
rejetée par Aristote, c'est précisément pour enlever toute force à
3?0 E. Ûilson
tionem hoc pacto se habere docent. Quando una cum vapore illo
tenui, ex quo ros generatur, efferuntur, potissimum sublucanis
temporibus, partes quaedam terrae subtiles ; ex varia ejusmodi
partium cum humido tenui commixtiorïe, si humidum aqueum non
mult uni dissolvatur, gignitur succus praedulcis qui herbis, foliis,
flosculis et terrae solo excipitur : atque hie mel vocatur ». Conimb.
VII, 9, p. 72. Sur le sucre des anciens et la controverse qu'il soule
vaitcf. VII, 10, pp. 74-75].
Descartes a aussi voulu donner son avis sur la prévision du
temps, mais il s'en tient aux règles empiriques traditionnelles : Si
le brouillard monte le matin, c'est signe de pluie [Disc. VI, 310,
23-31. Conimb. : « Haec nebula... si confertim ascendat et, ad aerem
frigid um evecta, una cum vaporibus concrescat, saepe in pluviam
vertitur ». VU, 4, p. 64], et autres signes de ce genre, qu'il déclare
d'ailleurs être fort incertains. Il en est même dont il préfère ne
pas parler, et ce sont sans doute ceux que l'on tirait dans l'Ecole
non seulement du soleil, mais encore de la lune, des étoiles, de la
mer, des grenouilles : « ranae ultra solitum vocales », des grues,
des oies, des corbeaux et de beaucoup d'autres objets [Conimb.
De presagiis temporum, Vil, 3, p. 61-64]. Lorsque Descartes ren
contre un présage de pluie intelligible et rationnellement explicable,
il le signale et en fournit l'explication. Tel est le cas des hirondelles
[Disc. VII, 312, 12-21. Conimb. loc. cit. p. 63], ou du vent qui
« fait jouer les cendres et les fétus qui se trouvent au coin du feu,
et y excite comme de petits tourbillons assez admirables pour ceux
qui en ignorent la cause, et qui sont ordinairement suivis de quelque
pluie » [Disc. VII, 312, 21-313, 3. Cf. Conimb. « Domesticus ignis
pall en s murmuransque tempestatem... spondet. Cum ignis contectus
e se favillam discutit, cum cinis in foco concrescit, cum carbo
vehementur perîucet, aquarum significatio est ». VII, 3, pp. 62-63].
Mais il n'insiste pas sur ces questions et passe à l'étude des
tempêtes, de la foudre et de tous les autres feux qui s'allument en
l'air.
Descartes explique les tempêtes par la chute brusque d'une nue
chassant avec violence tout l'air qui est au-dessous d'elle ; les
Coïmbrois y voient des exhalaisons renfermées dans une nue qu'elles
crèvent violemment pour s'en échapper. C'est ainsi que s'expliquent
les. tempêtes soudaines et violentes des mers équinoxiales. [« Et
pour ce qu'il ne se voit quasi jamais d'autres nues en ces lieux-là
(Cap de Bonne-Espérance), sitôt que les mariniers y en aperçoivent
quelqu'une qui commence à se former... ils se hâtent d'abattre leurs
voiles, et se préparent à recevoir une tempête, qui ne manque pas
Météores Cartésiens et Météores Scolastiques 3ÎS
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une poche d'air. Cet air, pressé et chassé par la nue supérieure qui
continue de descendre, crève la nue inférieure pour s'échapper,
descend avec violence vers la terre et remonte en tournoyant : « Et
ainsi il compose un tourbillon qui peut n'être point accompagné de
foudre ni d'éclairs, s'il n'y a point en cet air d'exhalaisons qui soient
propres à s'enflammer ; mais lorsqu'il y en a, elles s'assemblent
toutes en un tas, et étant chassées fort impétueusement avec cet
air vers la terre, elles composent la foudre » (Disc. VII, 319, 5-H)].
Les Coïmbrois ne font pas intervenir de tourbillons dans la généra
tion de la foudre, mais ils la considèrent aussi comme une exhalai
son enflammée qui crève avec un bruit épouvantable la nue dans
laquelle elle est enfermée. Si elle se trouve crever la partie infé
rieure de cette nue, le même élan par lequel elle la déchire la pré
cipite sur le sol. Les deux explications du phénomène sont donc
étroitement apparentées. [« Fulmen est exhalatio ignita e nube
magno impetu excussa... Incenditur vero talis exhalatio, quae
admodum sicca esse débet, vel per motum, vel per antiperistasim ;
et quia accensa rarefit magnoque conatu exitum e nube frigida et
densa ac diu reluctanti quaerit, dum eam tandem rumpit, horren-
dum edit tonitruum ; quod si nubem per inferiorem partein, quam
tune tenuiorem invenit, frangat, eadem vi et impetu quo eam
scindit, ad terras ferfur ; nec in aère mox diffluit et dissipatur, ut
pleraeque onines exhalationes ignitae, turn quia velocissime erumpit,
turn quia constat partibus bene coagmentatis et inter se cohaerenti-
bus. Nonnunquam tamen fulmen, quia languidiore ictu vibratur,
non pertingit ad terras, sed in aère extinguitur et evanescit »
(Conimb. H, 5, p. 21)], et il en est de même en ce qui concerne la
description de leurs effets. Descartes estime que : « cette foudre
peut brûler les habits et raser le poil sans nuire au corps, si ces
exhalaisons, qui ont ordinairement l'odeur du soufre, ne sont que
grasses et huileuses, en sorte qu'elles composent une flamme légère
qui ne s'attache qu'aux corps aisés à brûler. Comme au contraire
elle peut rompre les os sans endommager les chairs ou fondre l'épée
sans gâter le fourreau, si ces exhalaisons, étant fort subtiles et
pénétrantes, ne participent que de la nature des sels volatils ou des
eaux fortes... Enfin la foudre be peut quelquefois convertir en une
pierre fort dure, qui rompt et fracasse tout ce qu'elle rencontre, si,
parmi ces exhalaisons fort pénétrantes, il y en a quantité de ces
autres qui sont grasses et ensoufrées » (Disc. VII, 319, 14-29)].
Ces explications sont les témoins qui subsistent dans la physique
cartésienne du chapitre des Météores scolastiques : De fulminum
effectif où l'on retrouve les mêmes phénomènes étranges décrits et ,
Météores Cartésiens et Météores Scolastiques 379
XVII
QUELQUES OBSERVATIONS
SUR LA SYNTHÈSE ASYMÉTRIQUE