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Toute la morale par provision de la troisième partie du Discours de la Méthode propose
une véritable théorie de la liberté, et même, des règles pour se rendre libre. Dans les
deux premières parties, il s’est proposé de mettre en doute toutes nos connaissances,
afin de rebâtir tout l’édifice de la connaissance sur la certitude, et non plus sur
l’habitude. Mais, doutant de tout, il doute aussi des préceptes de la morale. Il faut donc,
en attendant d’avoir réussi à déterminer par l’entendement ce qu’est le bien, adopter des
maximes qui vont régler nos actions.
Cela n’empêche pas de penser que les us et coutumes de tel ou tel pays sont
complètement relatifs (voir Montaigne). Toutefois, Descartes apporte une précision en
donnant un critère de discrimination entre les diverses opinions s’offrant à lui, et les
diverses conduites qui en résultent : il s’agit de suivre les opinions les plus modérées
parmi celles qui sont également sensées. Le bon sens joue un grand rôle.
C’est donc non seulement une maxime de conformisme, mais encore, de modération.
Cf. juste milieu d’Aristote. Il faut être modéré, parce qu’en l’absence de la connaissance
certaine, l’opinion la plus modérée apparaît la plus raisonnable car la plus facile à
corriger au cas où par après je découvre qu’elle est fausse. Cette idée se trouvait déjà
dans le De Vita beata de Sénèque.
Exemple du voyageur égaré dans une forêt : mieux vaut choisir un chemin, même si l'on
ne sait pas où il mène, que ne rien chosir du tout !
Descartes reprend très évidemment une grande partie de la thèse stoïcienne. Toutefois,
il y a une grande différence : chez Descartes, la physique a changé. Le monde n’est plus
un cosmos. De ce fait, la confusion stoïcienne entre éthique et physique n’est plus
possible. Faire la différence entre ce qui dépend de moi et ce qui ne dépend pas de moi,
chez Descartes, ce n’est plus faire la différence entre la nécessité physique et les
représentations que j’ai des événements, mais c’est montrer l’infinité de la volonté. Rien
ne m’oblige à vouloir quoi que ce soit. La liberté, chez Descartes, c’est un pouvoir de dire
non à tout, à tout ce que je n’ai pas et que je pourrais désirer.
Ne voulant pas, par une puissance infinie de la volonté, tout ce que je ne peux pas avoir,
je ne peux pas souffrir de ne pas l’avoir. Plutôt que d’être soumise aux choses, la volonté
se soumet toutes choses en n’adhérant pas à ce qui nous est refusé. La liberté va donc
consister à bien distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Or,
ce qui dépend de nous, ce sont nos désirs et nos passions. Mais changer ses désirs ne
veut pas dire renoncer à tout désir. Cela veut dire régler ses désirs en jugeant ce qui est
en notre pouvoir. C’est parce que la volonté est absolument libre qu’elle peut s’arracher à
la tyrannie des désirs et nous rendre heureux.
Descartes, peut-être à la différence des stoïciens, ne rejette pas les passions et les
désirs, mais il condamne le dérèglement que peut introduire notre imagination dans
notre rapport aux choses. Nous avons malheureusement acquis dans notre enfance de
très mauvaises habitudes : en pleurant, en commandant, nous nous sommes fait obéir
de nos nourrices, et nous avons eu ce que nous demandions. Or, être libre, pour
Descartes, c’est exactement l’inverse, puisque c’est faire la différence entre ce qui
dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Être libre, c’est sortir de l’enfance, i.e.,
sortir d’un état dans lequel on cherche à satisfaire, par l’intermédiaire d’autrui, des désirs
qui ne dépendent pas de nous. Etre libre, c’est une certaine façon de regarder les choses
consistant à ne pas désirer ce que l’on ne peut avoir.
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