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L’architecture traditionnelle méditerranéenne et

«ses abords»:Entre les exigences de la tutelle et le souci de signification.


Auteur: Amel TOUIL HADJ MESSAOUD Communication N°:
Architecte (EPAU d’Alger) spécialisée en préservation et mise en valeur des monuments et sites his-
toriques. Actuellement, enseignante d’architecture à l’université de Blida, elle se consacre au patri-
moine historique à travers des travaux universitaires et publications d’articles, ainsi qu’à travers la
participation à des travaux de restauration.
Le premier principe sur lequel se base la méthode REHABIMED est le principe de l’intégration qui reconnaît à l’o-
pération de réhabilitation, la nécessité de considérer l’architecture méditerranéenne dans un espace à plus grande
échelle, afin de contenir toutes les relations significatives qui rattache cette dernière, au lieu dans lequel elle s’in-
sère et refuser ainsi d’effectuer cette opération en tant qu’enclave isolée.
La figure spatiale des « abords » confirme ce principe puisqu’elle vient reconnaître pour chaque architecture histori-
que, objet central de protection, la nécessité de considérer un cadre à son échelle duquel elle est inséparable et
sans lequel l’opération de réhabilitation envisagée ne saurait être complète.
A une échelle tutélaire, la considération des abords
d’un bien patrimonial est en soi avant-gardiste, car
elle signifie qu’on ne s’intéresse plus uniquement
aux limites matérielles d’un bien, mais qu’on prend
en compte, l’ensemble des relations matérielles ou
immatérielles, reliant ce bien à un cadre à son
échelle.
Photo prise en 1889 montrant la ty-
pologie d’implantation des palais et
maisons de Humat Sabat El Hût –
Quartier de la voûte au poisson–
avant l’intervention française, témoi- Situation actuelle de ces palais et maisons constituant le Bastion 23 (à gauche) dans un environnement urbain complètement étranger. On peut y voir ( au centre) projet
gnant des maisons de la casbah d’Al- du conservatoire d’Alger, en cours de réalisation et l’avenue du 1e novembre (à droite) réalisée ave le projet de Tony Socard en 1954.
ger descendant jusqu’à la mer.

Plusieurs modèles de tutelle de cette figure spatiale existent à l’é-


chelle méditerranéenne. Ils confirment que si l’architecture historique
est facilement définissable dans des limites matérielles claires, il n’en
est pas le cas pour ses abords qui ne sont pas automatiquement
identifiables, mais exigent pour chaque cas qui se présente, une re-
cherche selon un procédé plus ou moins défini dans la législation du
pays en question.
La législation italienne fixe le procédé du « vincolo indiretto » - mise sous tutelle indirecte- qui régie
une corniche environnementale autour du bien immobilier, objet central de protection. Cette corniche résulte
des conditions d’intégrité, de lumière et de perspective, de décor de ce bien, sans oublier de se référer à l’envi-
ronnement pour conserver la continuité historique et stylistique de l’édifice .La zone de respect qui en découle
n’est pas régie au préalable par des données quantifiables fixes. Le modèle français offre par contre une démar-
che de délimitation calculée au préalable sur le principe de champ de visibilité défini selon un périmètre de
500m. Ceci signifie la détermination à l’intérieur de ce périmètre de tous les immeubles vus à partir du monu-
ment, ou en même temps que lui (co-visibilité) et qui seront soumis au contrôle de l’administration.
L’Algérie après son indépendance a hérité de ce modèle français, qui a fortement influencé les démarches adop-
tées dans ce domaine. Les abords des monuments historiques classés sont déterminés depuis la loi de 1998,
selon une relation de visibilité calculée sur une distance de 200m. La mise en œuvre pratique de cette procé-
dure en Algérie, a montré d’énormes difficultés d’application et d’interprétation, faisant que les abords de nom-
breux édifices historiques n’ont pas été à l’abri de diverses mutilations.
On peut citer l’exemple du fragment urbain constitué d’un groupe de palais et mai-
sons datant de la période ottomane à Alger, miraculeusement épargné de plusieurs
menaces de démolition et qui représente aujourd’hui, l’unique témoignage des mai-
sons de la Casbah d’Alger descendant jusqu’à la mer. Ce groupement dénommé
Bastion 23 durant l’ère coloniale, se trouve aujourd’hui en complète rupture par
rapport à son lieu historique, d’abord par la percée de l’ex Bd Amiral pierre,ajouté à
cela le plan de restructuration du quartier de la marine datant des années 50, dont
l’empreinte est fortement ressentie à travers des projets contemporains tel que le
projet du conservatoire d’Alger. Pire encore, les abords de ce groupe d’édifices, qui Proposition d’aménagement du carrefour du 1e novembre aux abords

a bénéficié d’une opération de réhabilitation, sont voués à de lourds travaux publics. immédiats du Bastion 23, réalisé par la société même, qui fut char-
gée des travaux de réhabilitation de ce groupe édifices historiques.

L’échec de la tutelle patrimoniale ici,confirme le principe selon lequel la réhabilitation de l’architecture traditionnelle
doit se faire dans la tradition du lieu où elle se trouve, pour garantir une protection fondée sur des bases cohéren-
tes et justifiables.

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