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AL-ISTIQLÂL A LA JOIE DE VOUS PRÉSENTER

TEXTES SPIRITUELS – VI
Ibn Qayyim al-Jawziyya
Traduction
MUHAMMAD AL-MAGHRIBÎ (MOHAMMED KARIMI)
‫حفظه هللا‬

Ceci est un résumé du chapitre : La demeure spirituelle de la servitude -manzilatu-l-


`ubûdiyya- (première partie) du livre d’Ibn al-Qayyim « Madârij as-sâlikîn » (Degrés des
itinérants), de la page 125 à la page 321 du troisième volume. Ed. Dâr Al-Kitâb Al-Arabi,
Beyrouth, troisième édition 1996.

La servitude et la repentance (première partie)

La servitude est de deux sortes : une servitude générale et une servitude particulière.

La servitude générale est la servitude de tous les habitants des cieux et de la terre à l’égard
d’Allah, qu’ils soient pieux ou pervers, croyants ou incroyants. C’est une servitude qui
consiste en leur asservissement sous la domination et la royauté [d’Allah] ; Il a dit — exalté
soit-Il — : Et ils disent : « Le Tout-Miséricordieux s’est donné un enfant » ! Quel
blasphème abominable proférez-vous là ! Peu s’en faut que les cieux ne se fendent, que
la terre ne s’entrouvre et que les montagnes ne s’écroulent ! Ils attribuent au Tout-
Miséricordieux un enfant alors qu’il ne sied nullement au Tout-Miséricordieux d’avoir
un enfant ! Tous ceux qui sont dans les cieux et sur la terre se rendront auprès du Tout-
Miséricordieux, en serviteurs. [1]

Quant à la deuxième sorte de servitude, elle réside dans l’obéissance, l’amour et l’observation
des ordres ; Allah — exalté soit-Il — a dit : Ô Mes serviteurs ! N’ayez aucune crainte ni
affliction en ce Jour ! Vous qui croyez en nos signes et qui êtes soumis [2], Il a dit
: Porte à Mes serviteurs la bonne nouvelle, ceux qui prêtent l’oreille à la parole et en
suivent l’excellence [3], Il a dit : Les serviteurs du Tout-Miséricordieux sont ceux
qui marchent humblement sur la terre et qui, lorsque les ignorants leur adressent la
parole, leur répondent par des paroles judicieuses [4], Il a relaté les propos
d’iblîs (satan) : Je les égarerai tous, à l’exception de Tes serviteurs dévoués [5] et Il
lui a répondu : Tu n’auras aucun pouvoir sur Mes serviteurs. [6]

Toutes les créatures sont des serviteurs (dans le sens d’êtres asservis) de Sa seigneurialité.
Quant aux gens de Son obéissance et de Son Amitié, ce sont les serviteurs de Sa divinité (dans
le sens d’adorateurs). [7]
Les degrés qui relèvent de la parole divine : C’est Toi que nous adorons
sur le plan de la science et de la pratique

La servitude comporte des degrés qui diffèrent en fonction de la science et de la pratique.

Les degrés relatifs à la science sont au nombre de deux : la science au sujet d’Allah et la
science au sujet de Sa religion.

La science au sujet de d’Allah est de cinq degrés :

 la science au sujet de Son essence.

 la science au sujet de Ses attributs.

 la science au sujet de Ses actes.

 la science au sujet de Ses noms.

 la science qui consiste à L’exempter de ce qui n’est pas digne de Lui.

La science au sujet de Sa religion est de deux degrés :

 Sa religion qui consiste en Ses ordres et Ses lois, à savoir la voie de la rectitude qui
mène vers Lui.

 Sa religion qui consiste en la rétribution qui renferme la récompense et le châtiment.


Cette science inclut la science au sujet de Ses Anges, Ses Livres et de Ses Envoyés.

Pour ce qui est des degrés relatifs à la pratique, ils sont au nombre de deux :

 le degré des gens de la Droite.

 le degré des devanciers-rapprochés.

Le degré des gens de la Droite, c’est le degré de ceux qui s’acquittent des devoirs d’obligation
stricte, évitent les interdits, cependant s’adonnent aux choses licites, voire à certaines choses
réprouvées et omettent d’accomplir certaines choses recommandées.

Le degré des rapprochés, c’est celui de ceux qui observent les obligations et les
recommandations, évitent les interdits et les choses répréhensibles, ne donnent pas trop
d’importance aux choses licites qui ne leur profitent pas dans l’Autre monde et renoncent par
scrupule aux choses dont ils redoutent le dommage.

La servitude et la demeure spirituelle du réveil

La première demeure spirituelle de la servitude est le réveil -yaqaza-. C’est l’émotion


qu’éprouve le cœur quand il s’aperçoit avec stupéfaction de l’état d’indifférence dans lequel il
sombrait. Par Allah ! Combien est bénéfique cette stupeur ! Combien est grande sa valeur et
combien elle est déterminante ! Comme elle est utile en matière de cheminement spirituel !
Celui qui la ressent ne doit certes pas tarder à sentir venir la réussite. Sinon il sombrerait
encore dans l’ivresse de l’indifférence.

Un serviteur qui connaît ce genre de réveil entreprend avec énergie, en vue de plaire à Allah,
le voyage vers ses premières demeures et patries d’où il a été chassé [par satan et ses alliés]. Il
se prépare alors au voyage et passe à la demeure de la résolution, à savoir la détermination
ferme d’accomplir le voyage, de quitter tout ce qui peut l’en empêcher ou le gêner et
d’emmener avec lui tout ce qui peut l’aider et le guider. C’est en fait sa lucidité et son état
d’éveil qui déterminent sa résolution et c’est la force de sa résolution qui détermine sa
préparation.

Lorsque le serviteur se réveille, le réveil implique pour lui la pensée, à savoir la concentration
du cœur sur l’objectif pour lequel il se prépare de manière globale, sans parvenir encore à
connaître ses détails et le moyen d’y accéder.

Une fois que sa pensée se précise, elle lui ouvre le chemin de la clairvoyance qui est une
lumière projetée dans le cœur par laquelle il perçoit la Promesse et la Menace [divines], le
Paradis et l’Enfer, ce qu’Allah a préparé dans la première demeure pour Ses alliés et ce qu’Il a
préparé dans la deuxième demeure pour Ses ennemis. Il voit alors les gens sortir de leurs
tombes, la tête baissée, répondant à l’appel du Réel — exalté soit-Il — ; les anges descendre
des cieux et les cerner ; la terre resplendir de la lumière de son Seigneur ; le livre [des œuvres]
déposé [devant leurs auteurs] ; les Prophètes et les témoins appelés ; la balance dressée ; les
registres en vol ; les adversaires en comparution ; les créanciers agrippés à leurs débiteurs ; la
Vasque et ses coupes à la portée des mains des assoiffés dont peu d’entre eux reçoivent
l’autorisation d’en boire ; le pont jeté pour la traversée, les gens poussés vers lui, chacun
recevant la part de la lumière qu’il mérite pour le traverser au milieu des ténèbres, l’Enfer
grondant sous le pont, ceux qui y sont précipités dépassant largement ceux qui en échappent.
Ainsi s’ouvre dans son cœur un œil par lequel il voit tout cela et il s’érige alors dans son cœur
une vertu contemplative de l’Au-delà qui lui fait voir la vie future et sa pérennité puis, en
même temps, la vie d’ici-bas et sa finitude.

La clairvoyance est une lumière qu’Allah projette dans le cœur qui perçoit grâce à elle la
réalité de ce que les Envoyés ont apporté comme s’il en était un témoin oculaire. Ainsi il
prend conscience du bénéfice dont il pourra jouir s’il suit la voie à laquelle ont appelé les
Envoyés et le dommage qu’il risquerait de subir si jamais il déviait de cette voie. C’est ainsi
qu’il faut comprendre la parole d’un des pieux gnostiques : « La clairvoyance, c’est le fait de
s’apercevoir à quel point on peut jouir d’une chose et à quel point on peut en pâtir. » Certains
d’entre eux ont dit : « La clairvoyance, c’est ce qui te délivre de l’hésitation, que ce soit par
une certitude inspirée par la foi ou par une certitude acquise par une vision oculaire. »

Parmi les degrés du réveil du serviteur, il y a celui de la connaissance des actes qui ont permis
soit l’augmentation de sa foi soit sa diminution. Ainsi il essaie de se rattraper pendant les
jours précieux qui lui restent de sa vie et veille à ne pas perdre la moindre heure, voire le
moindre souffle, dans ce qui ne le rapproche pas d’Allah. Les gens qui tombent dans la
perdition ont en commun la négligence, bien que certains soient dans une situation pire que
d’autres. Tout souffle qui se dégage du serviteur dans ce qui ne le rapproche pas d’Allah, sera
pour lui une source de remords accablants le Jour de son retour ultime et un arrêt dans son
cheminement sur la voie, ou un retour en sens inverse s’il continue ainsi, ou un obstacle s’il
meurt dans cette situation.
S’il réussit en cette station et s’installe en cette demeure, elle lui donnera vue sur la station de
la repentance. Car par un examen de conscience, il fera la distinction entre ce qui est à son
avantage et ce qui ne l’est pas. Il ne lui reste qu’à se concentrer sur elle pour s’y installer et
l’observer jusqu’à sa mort.

La demeure spirituelle de la repentance est l’une des premières demeures. Elle fait également
partie des demeures médianes et dernières. Le serviteur qui chemine sur la voie d’Allah ne
s’en sépare pas. Il reste dans cette demeure jusqu’à la mort. Même lorsqu’il passe d’une
demeure à une autre, il l’emmène avec lui et fait halte en sa compagnie. Le repentir est en
effet le début du serviteur et sa fin. Le besoin de se repentir à la fin de sa vie est aussi
nécessaire que son besoin de se repentir au début de sa vie ; Allah le Très-Haut a dit : Et
repentez-vous envers Allah, vous les croyants, peut-être réussirez-vous. [8] Ce verset
figure dans une sourate qui a été révélée après l’hégire, cela signifie qu’Allah s’adresse par
ces paroles aux gens de la foi et aux meilleures de Ses créatures. Il leur demande de se
repentir après qu’ils aient embrassé la foi, fait preuve de constance, accompli l’hégire et mené
le djihad. Allah a subordonné la réussite et le salut au repentir à titre de subordination de
l’effet à sa cause et Il a employé pour cela la particule « la`alla » (traduite par « peut-être »)
qui exprime l’espoir, c’est comme s’Il leur disait : « Si vous vous repentez, vous pouvez
espérer la réussite », ce qui veut dire que seuls les repentants peuvent espérer la réussite —
qu’Allah nous range parmi eux ! —.

Allah — exalté soit-Il — a dit : Quant à ceux qui ne se repentent pas, ceux-là sont les
injustes. [9] Ainsi Allah a divisé les serviteurs en deux catégories : les repentants et les
injustes — il n’y a point de troisième catégorie —. Il a appliqué le nom « injuste » à celui qui
ne se repent pas, et certes personne n’est plus injuste que lui, en raison de son ignorance de
son Seigneur, du droit qu’Il a sur lui, des défauts de son âme et de la malignité de ses œuvres.

Il est rapporté dans le sahîh [de Muslim] que le Prophète a dit : « Ô gens, repentez-vous à
Allah ! Par Allah, je me repens à Lui plus de cent fois par jour. » [10]

Les Compagnons avaient compté que l’Envoyé d’Allah disait cent fois au cours d’une
seule assemblée : « Seigneur, pardonne-moi et accorde-moi Ton repentir ! Tu es Pardonnant
et Tout-Miséricordieux. » [11]

Depuis qu’il a reçu comme révélation la sourate suivante : Lorsque viendra le secours
victorieux d’Allah ainsi que l’ouverture, et que tu verras les gens entrer en masse dans
la religion d’Allah, glorifie par la louange ton Seigneur et implore Son pardon car Il
accorde volontiers Son repentir [12], le Prophète n’a pas effectué une prière sans y
faire l’invocation suivante : « Ô mon Dieu, je Te glorifie, mon Seigneur, en usant de la
louange que Tu t’es adressée à Toi-même et je Te demande de me pardonner. » [13]

Il est authentiquement rapporté qu’il ( ) a dit : « Nul n’aura le salut par son action. — Même
pas toi, ô Envoyé d’Allah ? dirent [les Compagnons]. — Même pas moi, répondit-il, à moins
qu’Allah ne me couvre de miséricorde et de grâce. » [14]

La réalité de la repentance

La repentance consiste en le retour du serviteur à Allah et en son éloignement de la voie de


ceux qui encourent la colère divine et de celle des égarés, chose à laquelle il ne peut parvenir
que si Allah le guide sur la voie de la rectitude ; et, il n’obtient cette guidance que par Son
aide et qu’en proclamant Son unicité. La sourate « L’Ouverture » -al-fâtiha- l’a présentée
dans un style parfait et l’a englobée de la manière la plus efficiente, si bien que celui qui
respecte le droit de cette sourate en matière de science, de contemplation, d’état spirituel et de
gnose, découvre que sa récitation en tant que pur acte d’adoration n’est valide que par un
repentir sincère, car le fait de se guider de manière parfaite sur la voie de la rectitude ne peut
pas se réaliser quand on ignore les péchés ni quand on y persévère. Le premier étant une
ignorance qui est incompatible avec la connaissance de la Vérité. Le deuxième étant un
égarement qui est incompatible avec la volonté d’atteindre la Vérité. C’est pourquoi le
repentir n’est valide qu’après la prise de conscience du péché, qu’après la reconnaissance de
sa nocuité et qu’après des prières adressées à Allah pour le libérer de ses néfastes
conséquences, à court terme comme à long terme.

L’explication du mot « repentance »

Beaucoup de gens expliquent la « repentance » par la ferme résolution de ne pas revenir au


péché, de cesser immédiatement de le commettre et de regretter de l’avoir commis dans le
passé. Si la faute commise porte préjudice à autrui, il faut envisager un quatrième élément, à
savoir le fait de se racheter vis-à-vis de lui. Or ce qu’ils ont évoqué n’est qu’une partie de la
définition de la repentance, ou plutôt ses conditions. Sinon la repentance dans la parole
d’Allah et dans celle de Son Envoyé, renferme en plus de cela, la résolution d’accomplir ce
qui est ordonné de manière constante. Donc la cessation de commettre le péché, la résolution
de ne plus récidiver et le regret ne suffisent pas pour faire de quelqu’un un repenti. Il faut
qu’il y ait en plus de cela chez le serviteur une ferme résolution de faire ce qui est ordonné et
de s’en acquitter.

Cependant lorsque le terme « repentance » est joint à l’accomplissement de ce qui est


ordonné, il prend le sens ci-dessus que beaucoup de gens retiennent. Pris isolément, il englobe
les deux, comme le terme « crainte -taqwâ- » qui lorsqu’il est cité seul, implique
l’accomplissement de ce qu’Allah a ordonné et l’éloignement de ce qu’Il a interdit, alors que
lorsqu’il est joint à l’accomplissement de ce qui est ordonné, il implique l’éloignement de ce
qui est répréhensible.

La réalité de la repentance, c’est le retour vers Allah en s’astreignant à accomplir ce qu’Il


aime et à éviter ce qu’Il réprouve. C’est donc un retour de ce qui est réprouvé vers ce qui est
aimé. Le retour vers ce qui est aimé constitue une partie de sa définition et le retour de ce qui
est réprouvé en constitue l’autre. C’est pourquoi Allah — exalté soit-Il — a subordonné la
réussite absolue à l’accomplissement de ce qui est ordonné et à l’éloignement de ce qui est
interdit dans l’intention de se repentir ; Il a en effet dit : Et repentez-vous envers Allah,
vous les croyants, peut-être réussirez-vous. [15]Tout repentant a d’ores et déjà réussi, et
ne peut réussir que celui qui accomplit ce qu’Allah lui ordonne et s’éloigne de ce qu’Il lui
interdit. Allah le Très-Haut a également dit : Quant à ceux qui ne se repentent pas, ceux-
là sont les injustes. [16]

Celui qui s’abstient d’accomplir ce qui est ordonné est un injuste, au même titre que celui qui
commet le répréhensible, et le seul moyen de se débarrasser de ce qualificatif « injuste », c’est
de faire preuve d’une repentance qui englobe ces deux aspects. Les gens se divisent en deux
groupes : le groupe des repentants et les groupe des injustes, et il n’y a pas de troisième
groupe. Les repentants sont ceux qui adorent [Allah], Le louangent, jeûnent,
s’inclinent, se prosternent, commandent le convenable, proscrivent le blâmable, ceux qui
observent les normes divines. [17]L’observation des normes divines constitue une partie
de la repentance, et la repentance englobe toutes ces vertus. Le repentant n’est qualifié de
repentant que parce qu’il revient de ce qu’Allah interdit vers ce qu’Il ordonne et de Sa
désobéissance vers Son obéissance.

Ceci étant, la repentance constitue la réalité de la religion de l’Islam et la religion entière est
incluse dans le sens désigné par le vocable « la repentance ». C’est pourquoi le repentant
mérite d’être qualifié de bien-aimé d’Allah, car Allah aime ceux qui se repentent et Il
aime ceux qui se purifient. [18] Or Allah aime celui qui accomplit ce qui est ordonné et
renonce à ce qui est interdit.

La repentance est donc le retour de ce qu’Allah réprouve extérieurement et intérieurement


vers ce qu’Il aime extérieurement et intérieurement. Le concept de la repentance englobe
l’Islam, la foi et l’ihsân (la perfection) et il touche toutes les stations spirituelles. C’est
pourquoi elle est l’objectif de tout croyant, le début de son affaire et sa fin et elle est la raison
pour laquelle les créatures ont vu le jour. L’ordre [divin] et Son unicité en constituent une
partie, voire sa partie la plus importante et l’assise sur laquelle elle repose.

Cependant la plupart des gens ne connaissent pas la valeur de la repentance et sa réalité, et a


fortiori ils ne la réalisent ni sur le plan de la connaissance, ni sur le plan de la pratique, ni sur
celui de l’état spirituel. Or Allah n’a comblé de Son amour les repentants que parce qu’ils sont
à Ses yeux l’élite de Ses créatures. Et si la repentance n’était pas un concept qui réunit les lois
de l’Islam et les réalités de la foi, le Seigneur -exalté soit-Il- ne se réjouirait pas du repentir de
Son serviteur de cette manière. [19]Tout ce que les gens disent à propos des stations et des
états n’est en fait que des détails de la repentance et ses conséquences.

La demande de pardon

La demande de pardon -istighfâr- est de deux sortes : singulière et jointe au repentir.

Comme exemples de la demande de pardon singulière, il y a la parole de Nûh (Noé) — paix


sur lui — à son peuple : Demandez pardon à votre Seigneur car Il aime à pardonner. Il
vous enverra du ciel une pluie abondante [20], la parole de Sâlih à son peuple : Que
n’implorez-vous le pardon d’Allah, peut-être vous prendra-t-Il en Sa miséricorde
? [21], la parole d’Allah — exalté soit-Il — : Demandez pardon à Allah, en vérité,
Allah est Pardonnant et Très-Miséricordieux [22] et Sa parole : Mais Allah ne
saurait les châtier tant que tu te trouves parmi eux ; de même qu’Il ne saurait les punir
tant qu’ils demandent Son pardon. [23]

Comme exemples de la demande de pardon jointe à la repentance, il y a la parole d’Allah —


exalté soit-Il — : Demandez pardon à votre Seigneur ! Revenez repentants à Lui ! Il
vous assurera une vie heureuse ici-bas jusqu’à un terme fixé, et Il accordera Sa faveur à
tout homme de mérite [24], la parole de Hûd à son peuple : Demandez pardon à
votre Seigneur et repentez-vous à Lui. Il vous enverra du ciel une pluie
abondante [25], la parole de Sâlih à son peuple : C’est Lui qui vous a créés à partir
de terre et qui vous y a établis. Demandez-Lui pardon et revenez repentants vers Lui,
car mon Seigneur est si Proche et si Prompt à exaucer les prières [26] et la parole de
Shu`ayb : Demandez pardon à votre Seigneur, revenez à Lui repentants. Mon
Seigneur est Miséricordieux, Tout amour. [27].
Donc, lorsqu’elle est citée seule, la demande de pardon -istighfâr- est comme la repentance,
elle est même la repentance dans toute l’acception du terme tout en incluant la demande de
l’effacement du péché, l’enlèvement de son effet et de la préservation contre ses
répercussions. La préservation de l’anonymat [du pécheur] est certes une implication ou
même une partie de l’istighfâr, mais celui-ci ne se réduit pas à elle, comme pensent certains,
car Allah couvre celui qu’Il pardonne et celui qu’Il ne pardonne pas. L’istighfâr désigne donc
la couverture [des défauts] soit par inclusion soit par implication.

Le pardon -maghfira- consiste à prémunir [le serviteur] des mauvaises répercussions du péché
[qu’il a commis]. C’est un terme dont dérive le nom « al-mighfar » qui est le heaume qui
protège la tête [des coups et des chocs]. Or la couverture est seulement une des implications
de ce sens. D’ailleurs le turban -`imâma- n’est pas appelé « mighfar », ni même le bonnet,
bien qu’ils couvrent la tête. Le vocable « mighfar » désigne nécessairement la protection.

Voilà donc l’istighfâr qui empêche le châtiment et auquel Allah fait allusion dans Sa parole
: Il ne saurait les punir tant qu’ils demandent Son pardon. [28] En effet, Allah ne
châtie point un serviteur qui est enclin à demander pardon. Quant à celui qui s’obstine à
commettre le péché et qui demande à Allah de lui pardonner, on ne peut pas parler dans ce cas
d’un istighfâr dans toute l’acception du terme. C’est pourquoi une telle demande de pardon
n’empêche pas le châtiment.

L’istighfâr inclut donc la repentance et vice-versa. Chacun d’eux inclut la signification de


l’autre lorsqu’on le prend isolément.

Lorsque l’un des deux vocables est joint à l’autre, l’istighfâr signifie la demande d’être
préservé du mal d’un péché commis dans le passé et la repentance signifie la demande d’être
préservé du mal des mauvaises actions qu’on craint de commettre dans l’avenir.

On distingue donc deux péchés :

 un péché déjà commis et là l’istighfâr de ce péché consiste à demander protection


contre ses mauvaises répercussions.

 un péché dont on craint l’arrivée et qui pour s’en repentir exige qu’on se décide
fermement à ne pas le commettre.

Le retour vers Allah concerne les deux : un retour vers Lui pour le protéger contre le mal d’un
péché déjà consommé et un retour vers Lui pour le protéger contre un mal futur, que ce soit le
mal que lui inspire son âme ou ses mauvaises actions.

La repentance sincère

Allah — exalté soit-Il — a dit : Ô vous qui croyez ! Repentez-vous auprès d’Allah d’un
repentir sincère ; sans doute votre Seigneur vous accordera-t-Il l’expiation -nukaffir- de
vos mauvaises actions et vous introduira-t-Il dans des jardins sous lesquels coulent des
fleuves. [29] Ainsi en protégeant Son serviteur du mal de ses mauvaises actions, à savoir
leur expiation -kaffâra-, Il élimine ce que celui-ci déteste. Quant à ce que le serviteur aime, à
savoir son entrée au Paradis, Allah l’a subordonné à sa réalisation de la repentance sincère.
L’expiation des mauvaises actions et le pardon des péchés

Dans Son Livre, Allah — exalté soit-Il — les a cités soit ensemble soit séparément. Comme
exemple de leur réunion dans un seul verset, il y a la parole d’Allah, relatant cette invocation
que font Ses serviteurs croyants : Seigneur ! Pardonne-nous nos péchés, accorde-nous
l’expiation -kaffir- de nos fautes et reprends-nous vers Toi parmi les hommes
pieux. [30]

Comme exemple de l’expiation citée seule, il y a Sa parole : tandis que ceux qui croient,
effectuent les œuvres pies, croient en ce qui est descendu sur Muhammad, en tant que
vérité, venant de leur Seigneur, Il leur accorde expiation de leurs mauvaises actions et
réforme leurs attitudes. [31]

Comme exemples du pardon pris isolément, il y a Sa parole : Ils y auront toutes sortes de
fruits ainsi que le pardon de leur Seigneur [32] et Sa parole : Seigneur ! Pardonne-
nous nos péchés et nos excès. [33] Les exemples de ce genre sont nombreux dans le
Coran.

On distingue donc quatre choses : les péchés -dhunûb-, les mauvaises actions -sayyi’ât-, le
pardon -maghfira- et l’expiation -takfîr-.

On entend par les péchés les fautes capitales -kabâ’ir- et par les mauvaises actions -sayyi’ât-
les péchés véniels -saghâ’ir-, à savoir [pour ces derniers] ceux qui entrent dans le champ
d’action de l’expiation, tels que les erreurs et tout ce qui peut être rattrapable. Quant aux
fautes capitales, comme l’homicide volontaire et le serment mensonger, l’expiation n’a aucun
effet sur elles, ni de rôle à jouer en ce qui leur concerne.

Comme preuve que les mauvaises actions -sayyi’ât- sont les péchés véniels et qu’elles sont
concernées par l’expiation, il y a la parole d’Allah suivante : Si vous évitez les fautes
capitales qui vous ont été interdites, Nous vous accorderons expiation de vos mauvaises
actions et Nous vous introduirons [au Paradis] d’une noble façon. [34]

Il est rapporté dans le sahîh de Muslim, sur l’autorité d’Abû Hurayra , que l’Envoyé
d’Allah a dit : « Chacune des cinq prières canoniques est une expiation des péchés commis
entre celle-ci et la prière précédente. La prière du vendredi est une expiation des péchés
commis entre celle-ci et celle du vendredi précédent. Le mois de ramadan est une expiation
des péchés commis entre celui-ci et le ramadan précédent, cela à condition de s’abstenir des
fautes capitales. » [35]

Le terme « maghfira (pardon) » a une portée plus complète que celle du terme
« takfîr (expiation) ». C’est pourquoi le premier concerne les fautes capitales et le deuxième
concerne les péchés véniels.

Le terme « maghfira » renferme le sens de la protection et de la préservation et le terme


« takfîr » renferme le sens de la couverture et de l’élimination. Pris isolément, chacun inclut
l’autre, comme il a été signalé précédemment. Ainsi dans Sa parole — exalté soit-Il — : Il
leur accorde expiation de leurs mauvaises actions -sayyi’ât- [36], Allah entend par
les sayyi’ât les péchés véniels et les péchés capitaux et par l’expiation leur effacement et la
protection contre leur mal. Bien plus, l’expiation mentionnée seule concerne les pires actions,
comme dans la parole d’Allah : afin qu’Allah leur accorde expiation des plus mauvaises
de leurs actions. [37]

En comprenant cela, on comprend le secret de la promesse de l’expiation [des fautes] — et


non pas le pardon — pour les épreuves et les accidents subis, comme le prouve le hadith
suivant : « Il n’est pas une fatigue ou une maladie ou un souci ou une affliction ou un mal ou
un chagrin qui touche le musulman, jusqu’à l’épine qui le pique, sans que, pour cela, Allah ne
lui accorde d’expier ses péchés. »[38]

Sachons que les épreuves n’impliquent pas nécessairement le pardon des fautes. Seule la
repentance peut faire pardonner tous les péchés. Les bonnes actions font aussi diminuer les
péchés. Elles vont jusqu’à les faire disparaître complètement. Elles sont comparables à la mer
; les impuretés ne peuvent pas altérer son état, et comme a dit le Prophète : « Une eau qui
atteint la contenance de deux jarres ne saurait être corrompue par l’impureté. » [39]

Les pécheurs disposent dans ce monde de trois grands fleuves dans lesquels se purifier. S’ils
n’arrivent pas à se purifier complètement, ils finiront leur purification dans le fleuve de la
Géhenne le Jour de la résurrection. Ces fleuves sont : le fleuve de la repentance sincère, le
fleuve des bonnes actions, celles-ci résorbent les péchés qui les entourent, et le fleuve des
grandes épreuves expiatrices. Lorsque Allah veut du bien de Son serviteur, Il l’introduit dans
l’un de ces trois fleuves. Ainsi, le Jour de la résurrection, il se présente devant Lui parfait et
pur, sans avoir besoin d’une quatrième purification.

Le début de la repentance et sa fin

A la repentance correspond un début et une fin. Son début, c’est le retour vers Allah en
cheminant sur la voie de la rectitude qu’Il a tracée pour Ses serviteurs et qui procure Sa
satisfaction. Allah a ordonné à Ses serviteurs d’emprunter cette voie ; Il a en effet dit
: Telle est Ma voie dans toute sa rectitude ! Aussi, suivez-la et ne suivez pas les
sentiers multiples [40], Il a dit : Et tu conduis sans conteste [les hommes] sur une
voie de rectitude, la voie d’Allah, à qui appartient ce qui est aux cieux et ce qui est sur la
terre [41] et Il a dit : Ils sont guidés à la parole excellente, guidés à la voie de Celui
qui est Digne de louanges. [42]

Sa fin consiste en le retour vers Allah lors du grand Rendez-Vous (le Jour de la résurrection)
et par le franchissement du pont jeté [sur l’Enfer] qui mène à Son Paradis. Celui qui revient
vers Allah dans la demeure d’ici-bas par le repentir, il reviendra vers Lui lors du Retour
ultime pour jouir de Sa récompense. Telle est l’une des interprétations de la parole d’Allah
: et quiconque se repent et effectue l’œuvre salutaire, c’est celui-là qui revient à Allah
d’un valable retour. [43] Elle est retenue par al-Baghawî et d’autres exégètes. Ils ont dit :
« Sa parole : [Il] revient à Allah d’un valable retour signifie qu’après sa mort, il
revient à Allah d’un retour excellent, plus méritoire que n’importe quel autre retour. » La
première repentance, à savoir Sa parole : et quiconque se repent est un retour de
l’associationnisme -shirk-, alors que la deuxième repentance, c’est un retour vers Allah pour
la récompense.

 Deuxième interprétation :
La proposition consécutive [dans ce verset] prend le sens d’un ordre. Cela signifie : « Celui
qui décide fermement de se repentir et le désire ardemment, qu’il consacre donc sa repentance
à Allah seul, dans la seule intention de Lui plaire, à l’exclusion d’un autre. »

 Troisième interprétation :

Le sens visé par ce verset est celui qui implique le sens ci-dessus, à savoir le fait de rendre le
serviteur conscient de Celui envers lequel il se repent et vers lequel il revient. C’est comme si
Allah lui disait : « [et quiconque se repent], qu’il sache vers qui il revient repentant ! … C’est
vers Allah, à l’exclusion d’un autre ! »

 Quatrième interprétation :

La repentance s’effectue d’abord par la résolution et l’intention fermes de la réaliser. C’est


quand la résolution est devenue forte, que la repentance se réalise concrètement. La première
repentance consiste en l’intention ferme de la faire et la deuxième consiste en sa
concrétisation. Ce verset peut être exprimé ainsi : « Celui qui se repent envers Allah par son
intention et sa résolution, sa repentance envers Allah se concrétisera certainement par des
actes ». Semblable à cela, la parole du Prophète : « Celui dont l’émigration a pour fin Allah
et Son Envoyé, son émigration sera comptée comme étant pour Allah et Son Envoyé. Celui
dont l’émigration a pour fin un bas-monde qu’il atteint ou une femme qu’il épouse, son
émigration ne sera comptée que pour ce vers quoi il a émigré. » [44]

à suivre…

_________________________

[1] Coran, Mariam, 88-93.

[2] Coran, az-zukhruf, 68-69.

[3] Coran, az-zumar, 17-18.

[4] Coran, al-furqân, 63.

[5] Coran, al-hijr, 39-40.

[6] Coran, al-hijr, 42.

[7] Note du traducteur : l’auteur fait la distinction en deux catégories de serviteurs :

 il y a le serviteur au sens passif de l’être asservi qu’Allah administre et gère. Sur ce


plan, tous les êtres créés sont des serviteurs d’Allah.

 il y a le serviteur au sens actif de l’adorateur qui adore son Seigneur, Lui obéit et suit Sa
voie.

[8] Coran, an-nûr, 31.


[9] Coran, al-hujurât, 11.

[10] Hadith rapporté par Muslim — Livre du dhikr —.

[11] Hadith rapporté par at-Tirmidhî — Livre des invocations-, Ahmad dans
son musnad (1/388-394-410-434-455) (2/84) avec une chaîne d’autorités fiable.

[12] Coran, an-nasr.

[13] Hadith rapporté par al-Bukhârî — Livre de l’appel à la prière — et Muslim — Livre de
la prière —.

[14] Hadith rapporté par al-Bukhârî — Livre des exhortations attendrissantes — et Muslim —
Livre des qualités des hypocrites —.

[15] Coran, an-nûr, 31.

[16] Coran, al-hujurât, 11.

[17] Coran, at-tawba, 112.Coran, at-tawba, 112.

[18] Coran, al-baqara, 222.

[19] L’auteur fait allusion au hadith suivant : le Prophète a dit : « Allah éprouve plus de
joie, quand un de Ses serviteurs croyants revient à Lui, que ne peut en éprouver un homme qui
tout en se trouvant dans une terre désertique, avec sa monture qui porte sa nourriture et sa
boisson, s’endort dans un coin et à son réveil découvre que sa monture s’est enfuie. Il part à sa
recherche jusqu’à ce que la soif le contraigne à arrêter ses recherches, puis se dit : “ Il vaut
mieux que je revienne à l’endroit où j’étais et que je m’endorme avec sérénité dans l’attente
de la mort. ” Il met sa tête sur son bras en attendant la mort. Au bout d’un moment, il se
réveille et voilà que sa monture se tient près de lui chargée de sa nourriture et de sa boisson.
Allah éprouve plus de joie encore lorsque l’un de Ses serviteurs croyants revient à Lui que
celle de cet homme au moment où il retrouve sa monture et son viatique. » [Hadith rapporté
par al-Bukhârî, Muslim, at-Tirmidhî et Ahmad dans al musnad.] Dans une autre version : « Il
la saisit par la bride s’écriant, au comble de sa joie : « Ô mon Dieu, Tu es mon serviteur et je
suis ton Seigneur. » Tellement emporté dans sa joie, il commit ce lapsus. »

[20] Coran, Nûh, 10-11.

[21] Coran, an-naml, 46.

[22] Coran, al-baqara, 199.

[23] Coran, al-anfâl, 33.

[24] Coran, Hûd, 3.

[25] Coran, Hûd, 52.


[26] Coran, Hûd, 61.

[27] Coran, Hûd, 90.

[28] Coran, al-anfâl, 33.

[29] Coran, at-tahrîm, 8.

[30] Coran, âl `imrân, 193.Coran, âl `imrân, 193.

[31] Coran, Muhammad, 2.

[32] Coran, Muhammad, 15.

[33] Coran, âl `imrân, 147.

[34] Coran, an-nisâ’, 31.

[35] Hadith rapporté par Muslim — Livre de la purification — et Ahmad dans


son musnad (2/359-400-414).

[36] Coran, Muhammad, 2.

[37] Coran, az-zumar, 35.

[38] Hadith rapporté par al-Bukhârî — Livre de la maladie —, Muslim — Livre de la piété —
, at-Tirmidhî — Livre de l’exégèse — et Ahmad dans son musnad (2/303-335-402) (3/48-
187) (6/48-88-120).

[39] Hadith rapporté par Abû Dâwûd — Livre de la purification —, at-Tirmidhî — Livre de la
purification —, an-Nasâ’î — Chapitres de la purification et des eaux —, Ibn Mâja — Livre de
la purification — et Ahmad dans son musnad (2/23-27-107).

[40] Coran, al-an`âm, 153.

[41] Coran, ash-shûrâ, 52-53.

[42] Coran, al-hajj, 24.

[43] Coran, al-furqân, 71.

[44] Hadith rapporté par al-Bukhârî — Livre de la foi, livre des exploits des Auxiliaires —,
Muslim — Livre de l’émirat —, Abû Dâwûd — Livre de la répudiation — at-Tirmidhî —
Livre des mérites du djihad — et Ahmad dans son musnad (1/25-43).

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