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Le seul fait que F ait dérogé à cette règle du débat contradictoire auquel il nous

avait habitué indique à quel point le statut de « grand écrivain » n’est pas encore
acquis pour notre auteur H malgré le plébiscite de ses nombreux lecteurs en
France et à l’étranger et l’adoubement d’une partie de la critique qui n’arrive pas à
faire taire ces esprits grincheux qui renâclent devant cette unanimité autour d’un
auteur devenu lui-même un objet de suspicion voir de mépris pour quelque uns
rares cependant qui refusent ce titre à un écrivain que l’on adore détester ,qu’on
appréhende aussi de se voir soupçonner de l’apprécier et qui cristallise autour de
lui une jalousie et une rancœur qui explique la complicité de nos trois thuriféraires
qui ne ménagent pas leurs efforts pour défendre leur auteur contre la vindicte des
hérétiques qui n’ont pas été encore convertis .Mais à ce moment de ma réflexion
m’est avis qu’il y a plus de mauvaise foi que de bonne ou de foi tout court dans
l’éloge presque inconditionnel de nos trois débateurs je dis presque car je
reviendrai plus tard sur la petite égratignure que notre ami F a involontairement
infligé à la statue du commandeur ,maladresse vite corrigée par la prêtresse du
culte inconditionnel voué à notre auteur qui s’est précipitée pour réparer l’affront
de ce bémol attribué insidieusement à la valeur incontestable de sa prose à
laquelle on ne saurait évidemment trouvé aucun défaut mais si j’étais mauvaise
langue je m’inquiéterai justement qu’elle n’en ai aucuns ou qu’on ne lui en trouve
aucuns même au prétexte que l’on ne critique pas celle d’un « grand écrivain » ,qui
s’aventurerait encore à critiquer Flaubert comme l’a fait Barbey .Toutes proses
possèdent ses faiblesses ou forces qui peuvent d’ailleurs se nourrir les unes les
autres et ne pas le reconnaitre c’est prétendre le contraire de ce que l’art a à
signifier et particulièrement la littérature qui est une chose de l’esprit ni
totalement chose ni totalement esprit or si nos trois compères ne trouvent rien à
redire de l’écriture de H celle-ci possède-t-elle pour autant les qualités qui font
celle d’un grand écrivain c'est-à-dire celle du pouvoir de nous interroger sur nous-
mêmes sous la forme d’une espèce de conversation silencieuse et infinie avec nous
mêmes ? Or cette quête métaphysique d’infini que nos trois intervenants prêtent
trop généreusement aux personnages dits «Houellebecquiens » semblent plutôt
une vue de leur esprit embrumée par un manque d’imagination ou au contraire
trop d’imagination de la part de nos laudateurs patentés. La qualité de l’écriture de
H que je qualifierai de flottante légère et éthérée est peut-être ce qui le trahit le
plus car en voulant bien écrire comme il le prétend lui-même calquant sa
conception de l’écriture sur celle de son maître à écrire plus qu’ à penser
Schopenhauer , car je persiste à croire que H pense peu ou recycle des pensées
plus ou moins digérées puisque il n’en ressort rien de vraiment original,il facilite
évidemment le travail de compréhension du lecteur qui lui n’a aucun mal à
digérer ce qui l’a déjà été par l’auteur.Si nos trois flagorneurs ne trouvent rien à
redire du style laconique de H c’est qu’il n’ y a pas beaucoup de chose à en dire et
s’il y a défaut impardonnable c’est justement de vouloir les éliminer , de vouloir
purifier l’écriture , l’épurer de toutes scories ,mais on ne saurait déduire de cette
absence de défaut ,de cette écriture trop propre pour être honnête, sans bavure
et sans reste comme le dise les philosophes, une absence de qualité,car la prose de
H n’en est pas dénuée certes mais elle veut trop le montrer elle pour avoir la
puissance de celle d’un grand écrivain ,elle ne manifeste pas cette générosité cette
spontanéité dénuée de calcul et de sous entendus ,car son œuvre est faite de part
en part de sous-entendus et traversée par une souffrance qui apparait factice et
c’est de là que nait peut-être cette illusion comique car involontaire ,du fond de
cette identité perdue qui s’exclut du monde pour mieux le dénoncer.H est un
écrivain facile or un « grand écrivain » n’est jamais facile ,son œuvre le dépasse,le
nom qu’il lui donne est son propre nom son nom propre qu’il donne à son œuvre
comme le dit Goethe mais H ne donnera jamais que son prénom à une œuvre
insignifiante malgré ses qualités qui cependant existent comme indépendamment
d’elle ,seulement formellement ,artificiellement.N’en déplaise à tous ses
admirateurs l’oeuvre de H ne sera jamais plus grande que son auteur,ni plus
petite,elle demeurera à sa taille qui restera toujours moyenne ce qui n’est pas déjà
si mal.On ne peut pas nier une certaine efficacité du style qui ne se réduit
malheureusement qu’à ses effets immédiats car elle est mise au service d’une
pensée qui s’avère assez succinte et résumée par nos trois avocats dans une
formule elliptique sur laquelle je reviendrai car elle exprime parfaitement
l’incapacité de l’auteur à donner vie à ses personnages qui n’offrent d’eux que
leurs caricatures grotesques .On a l’impression  que pour que la clarté de sa
démonstration ,de « ses thèses » fondamentales ou de ses hypothèses il a simplifié
à outrance l’existence de ses personnages au point d’en appauvrir la réalité au lieu
d’en explorer la complexité ce qui est la finalité du roman pour Kundera .H ignore
la complexité ,il ne s’en embarrasse pas et c’est pour cela qu’il satisfait les lecteurs
paresseux peu exigeant qui se contente d’ observer avec délectation la souffrance
particulière de ces personnages et le processus de décomposition ou délitement
de leur vie absurde sans et pour cause et à raison comme l’affirment nos trois
larrons s‘identifier pleinement à eux mais plus à leur « discours général » qui est
l’expression d’une prise de conscience factice non pas de leur propre médiocrité
qu’ils refusent de reconnaitre mais de celle du monde dont il font le bouc
émissaire de tous leurs malheurs .Si F n’ait pas résister à citer une phrase assez
ignoble d’un de ses personnages c’est qu’elle exprime à la fois toute la morgue et
les ressentiments de l’auteur ,cette pulsion ou passion haineuse et corrosive
transfigurée, sublimée par des jugements immoraux et finalement tempérée par
une souffrance rédemptrice qui ne sauve pas malheureusement nos trois
incorruptibles de la faute impardonnable de prendre tout cela pour de la
compassion alors qu’au mieux il n’y a que de la dérision comme le laisse entendre
notre grand et irremplaçable Renaud Camus dans un élan de lucidité dont manque
cruellement nos trois admirateurs impénitents et au pire selon mon interprétation
que du vice exprimé dans une langue qui n’est vertueuse que dans sa volonté
d’être virtuose dans l’art de la dissimulation ou de la simulation et non dans celui
de la consolation comme le prétend notre prophétesse car toute l’écriture de H
n’est que simulacre ou pâle imitation d’un monde malgré l’illusion de réalisme qu’il
veut donner à sa vision narcissique ainsi qu’ à ses turpitudes dont il arrive à nous
faire partager ou simuler la jouissance et l’impuissance , c’est là en quoi consiste
sa seule réussite d’écrivain .S’il n’a pas le mérite de nous apprendre quoique ce
soit que nous ne sachions déjà sur la condition humaine il a au moins celui de nous
faire rire de sa propre vacuité ou vanité qu’il repousse dans ses derniers
retranchements ,quelque chose qu’on ne peut pas lui dénier mais qui reste
désespérément insuffisant pour nous consoler de notre ignorance comme le croit
ou veut nous faire croire notre thésarde .Houellebecq c’est l’anti-pascal ,celui qui
désespère devant l’infiniment petit ou l’infinie petitesse de leur âme déchue qui
n’en finit pas de tomber toujours plus bas.Si nos trois gardiens du temple avaient
fait l’effort de méditer un peu plus sur ce que charrient de passions tristes cette
phrase citée opportunément par F comme la transposition de la conception
lacanienne et non orthodoxe du pêché originel qui rappelle-il est de céder sur son
désir et de ne pas l’assouvir dans sa totale et entière liberté, ils nous auraient
épargner leur efforts pour nous convaincre que H n’est pas un écrivain surestimé
et lever les derniers soupçons qui pourraient ternir son image .Houellebecque
serait-il à la littérature ce qu’Onfray est à la philosophie ,ce que la posture est à
l’imposture ,plus de faire valoir que de valeur réelle, plus de savoir faire que de
vrai savoir ,bref de la pacotille à bon marché au mépris ou au demi-prix d’une sous
production culturelle ?

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