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6 "
FACULTE DES SCIENCES DE L'EDUCATION
THESE
PRESENTEE
A L'ECOLE DES GRADUES
DE LTJNTVERSITE LAVAL
POUR L'OBTENTION
DU GRADE DE MAITRE ES ARTS (M. A.)
EN DIDACTIQUE
DE L'HISTOIRE
PAR
FATIHA REFFALI
LICENCE ES HISTOIRE ET GEOGRAPHIE
(Spécialisation Histoire)
DE LA FACULTE DES LETTRES
ET DES SCIENCES HUMAINES
RABAT (MAROC)
OCTOBRE 1986
A Driss, mon mari,
A Yasmine,
A Reda,
et à mes parents.
AVANT- PROPOS
Étudiante marocaine, venant d'un pays où l’on est très préoccupé de développement et de
modernisation, entre autres dans le domaine de l'éducation, il nous semblait important que cette
thèse de maîtrise tente de contribuer, même modestement, à la bonne qualité de l'enseignement
dans notre pays. D'où le choix de ce sujet, L'enseignement de l'histoire: tendances actuelles:
situation marocaine et perspectives de rénovation, qui vise principalement l'enseignement de
l'histoire au Maroc.
Travailler sur un tel sujet quand on est à plus de six mille kilomètres du champ de
pratique ne va pas sans faire rencontrer à l'occasion quelques difficultés.
Pour ce qui est des études, livres ou articles, même si la bibliothèque de l'Université
Laval est de façon générale fort bien pourvue, la collection marocaine reste assez limitée. C’est
d'ailleurs le cas, il n'y a pas lieu de s'en étonner, de la plupart des bibliothèques nord-
américaines et le prêt interbibliothèques, malgré son utilité, ne résout pas tous les problèmes.
H faut dire toutefois que les travaux publiés sur l'enseignement au Maroc et sur celui de
l’histoire en particulier sont peu nombreux, la bibliographie de cette thèse, je crois, en
témoigne.
Je ne peux manquer d'évoquer enfin les difficultés qu'il y a pour une arabophone à
rédiger une thèse dans sa langue seconde, le français. Si cette thèse était à peu près lisible, elle
le devrait largement aux efforts patients de mon directeur de recherche, le Dr Christian Laville,
professeur titulaire de didactique de l'histoire à la Faculté des sciences de l'éducation de
l'Université Laval.
Mes remerciements s'adressent également à Mme l'inspectrice Essamlali Aïcha, pour son
aide lors des distributions de questionnaires, ainsi qu'aux étudiants marocains de l'Université
Laval et aux professeurs et élèves des villes de Rabat et de Kénitra. La réalisation de ce travail
doit beaucoup à leur coopération.
F. R.
TABLE DES MATIERES
A V A N T -P R O PO S........................................................................................................ iii
TABLE DES M ATIER ES.......................................................................................... iv
LISTE DES TABLEAUX ET SC H EM AS............................................................ vi
BIB LIO G R APH IE........................................................................................................vii
IN TR O D U C TIO N .......................................................................................................... 1
A. Arrière-plan historique............................................................................................. 1
B. Objectifs de la thèse; problématique et méthodologie.......................................... 4
Première partie
LES ORIENTATIONS ACT U E L L E S D E L'ENSEIGNEMENT D E L'HISTOIRE
A. De l'élite au citoyen................................................................................................. 10
a) L’histoire pour l'élite...................................................................................... 10
b) L'histoire pour le citoyen de l'État-nation..................................................... 11
c) Son appareil pédagogique............................................................................... 14
B. Le citoyen en démocratie........................................................................................ 16
a) Le renouvellement de l'histoire...................................................................... 16
b) Les sciences de l'éducation............................................................................ 19
c) Le discours critique........................................................................................ 27
Deuxième partie
L’
ENSEIGNEMENT DE L’
HISTOIRE D A N S LES ETABLISSEMENTS SECONDAIRES A U M A R O C
f) Le programme d'histoire................................................................................. 45
A. L'enquête. Sa méthodologie.................................................................................... 67
a) Le choix de l'instrument.................................................................................... 67
b) Description des questionnaires....................................................................... 68
C O N C L U SIO N .............................................................................................................. 88
A. Les objectifs............................................................................................................. 89
B. Les contenus............................................................................................................ 90
C. Méthodes pédagogiques etmoyens d'enseignement.......................................... 91
A P P E N D IC E S............................................................................................................... 93
A. Questionnaire administré aux étudiants marocains à l'Université Laval............... 94
B. Questionnaire administré aux enseignants d'histoire.............................................. 97
C. Questionnaire administré aux élèves........................................................................ 101
D. Les programmes d'histoire au secondaire............................................................... 104
LISTE DES TABLEAUX ET SCHEMAS
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INTRODUCTION
A. Arrière-plan historique
C ette pag e du D éfi de H assan II rappelle que la dom ination coloniale sur le M aroc ne
s'était pas co n ten tée de soum ettre les hom m es et de conquérir les territoires, m ais avait aussi
pris en charg e l'en seig n em en t e t s'en servait p o u r ap p u y er ses entreprises. C om m e l'indiquait
clairem en t en 1920 G orges H ard y , l'un des représentants de la F rance chargé de diriger
l'enseignem en t au M aro c, "il faut soum ettre les esprits après avoir réalisé la soum ission des
co rp s"2.
D ans ce but, l'adm inistration française avait entrepris de m ieux connaître le pays et ses
habitants. L a M issio n scientifique du M aroc, fondée au déb u t du p rotectorat français, puis
l'Institut des hautes études m aghrébien3, créé en 1920, avaient cette fonction; dans le m êm e
but, et p o u r dév elo p p er ce que le R ésident général L yautey appelait le "M aroc utile", étaient
constitués une D irectio n des affaires indigènes et un Service de renseignem ents4. M ais c'est
surtout p a r l'en seig n em en t que le protectorat français entendait agir.
L ’école fut conçue com m e un outil d e "conquête m orale", com m e le m oyen principal
d'influencer les m entalités e t de p rép arer les M arocains à s'intégrer à la civilisation française.
O n d istin g u a très vite, dans l'école coloniale, la "culture m usulm ane" de ^ in s tru c tio n
européenne", les deux d ev an t se rejoindre p o u r fo rm er "des jeu n es gens à m entalité
m usulm ane, qui p o u rro n t en outre bénéficier d e tous les progrès de la civilisation européenne"5.
P o u r cela, la lan g u e française fut em ployée p o u r enseigner les disciplines m odernes, com m e les
m athém atiques, la cartographie, la com ptabilité..., et la langue arabe réservée aux hum anités
des collèges m usulm ans, telles la gram m aire, la littérature, le droit m usulm an et quelques
rudim ents de théo lo g ie Q bâdal
C ette jo n ctio n culturelle est aussi une invite faite à la culture m usulm ane de se
"ressourcer d an s l'h u m an ism e antique, à l'assum er à la façon du christianism e aux n ie et IVe
siècle."6 C ar la politique scolaire du protectorat français veut renouer avec la civilisation
antique, estim an t q u e la civilisation arabo-m usulm ane n 'avait connu, p a r les R om ains et les
B yzantins, q u 'u n e fo rm e dérivée, dégénérée de cette civilisation: "R evenus, sur cette terre
africaine, n o u s ap portons à n o uveau, après quinze siècles d'absence, à ce peuple berbère qui a
do n n é T ertu lien , A pulée, S aint A ugustin e t com bien d'autres, les fortes, ordonnées et claires
disciplines d e la civilisation latine"7, prétendaient les Français.
5 Daniel Rivet, "Ecole et colonisation au Maroc, la politique de Lyautey au début des années 20", Cahiers d'histoire, tome
XXI, 1976, p. 186.
6 Ibid.. p. 184.
7]i
8 Ibid.. p. 183.
9 Ibid.. p. 178.
10ü
3
certaines parties de l’histoire "qui les laissent douter de la p uissance de la France: inutile
d'én u m érer d éfaite p a r défaite les événem ents de 187Q-187112." A u contraire, selon G eorges
H ardy, qui ex erça u n e influence im portante sur l'enseignem ent, il fau t que l ’histoire valorise le
p o u v o ir colonial. Il s'agit, écrivait-il, de
L o rsq u 'ap rès plus de q uarante ans d e p ro tecto rat français (1912-1956), le m ouvem ent
national au M aro c, rep résen té p ar le p arti de l'Istiglal. accède au pouvoir, une de ses priorités
e st la réfo rm e d e l'en seig n em en t U ne p art im portante du b u dget lui est co n sacrée14.
L 'o b je ctif p rin cip al est la dém ocratisation d e l'enseignem ent national, avec p o u r corollaire
l'unificatio n , l'arab isatio n et la m arocanisation du systèm e scolaire.
12 D'après B.E.O.P. 1920. Cité par M. Hassani-Idrissi. Visions du passé et fonctions idéologiques dans l'enseignement
contemporain de l'histoire au Maroc thèse de 3e cycle, Université de Paris VII, 1981, p. 48.
13 Georges Hardy et Paul Aures, Les grandes étapes de l'histoire du Maroc Paris, Émile Larose, 1921, p. 7.
14 Le budget de l'instruction publique était en 1955, dernière année du protectorat, de 11,7 milliards. Il passait à 15,7 en 1956
et à 18,7 milliards en 1957, sur un budget total d'environ 110 milliards; plus de crédits à l'instruction qu'à l'armée! Non
seulement le budget de l'éducation dépasse de 2 milliard«; et demi celui de l'année mais il est presque égal en 1957 à celui de
l'économie nationale (19 milliards). Voir à ce sujet Jean et Simon LacoutureLe Maroc à l’épreuve. Paris, Seuil, 1958, p.
243.
4
version m aro cain e des program m es européens p ar un program m e d'histoire générale vue
sous l'an g le m aro cain .
M ais le m anque de professeurs em pêche de pousser plus loin la réform e, notam m ent
sous l'an g le de l'arab isatio n , e t ju sq u 'e n 1970 les p ro g ram m es d'h isto ire g ard en t encore des
traces de la p ério d e coloniale. O n trouve d'un côté le program m e d ’histoire générale,
co m p ren an t l'h isto ire nationale, enseigné le p lus souvent en langue française p ar des
co o p éran ts français de form ation historique; de l'autre un pro g ram m e d'histoire de l'Islam ,
enseigné p a r des p ro fesseu rs m al form és sinon pas du tout à la d iscipline historique. C et
en seig n em en t est p eu scientifique e t parfois dogm atique. M êm e si "H jtih ad 15 est un
fo n d em en t de l'Islam ", rap p ellen t M . M errouni e t M . S o u ali16, l'histoire de l'Islam était
enseignée sans analyse ni esp rit de critique.
B . O b je c tif s d e la th è s e , p r o b lé m a ti q u e e t m é th o d o lo g ie
15 L'iitihad est l'une des potions capitales de la loi religieuse après flimâ1 le "concensus". L'Ijtihad signifie "l’effort personnel
de réflexion". Pratiqué au début de l'Islam, il finit par s'effacer devant l'ankylose iï~aqlid). la soumission passive. Voir
Vincent Monteil, Clefs pour la pensée arabe. Paris, Éditions Seghers, 1974, p. 51.
16 M. Souali et M. Merrouni, "Questions de l'enseignement au Maroc".Bulletin économique et social du Maroc, no 143-146,
1981, p. 364.
5
C e sont des objectifs qui apparaissent parfaitem ent raisonnables e t souhaitables; mais
q u i ne s'atteig n en t pas du jo u r au lendem ain e t auxquels on n 'arriv e pas sans difficultés.
L a con n aissan ce que nous avons de la situation de l'en seig n em en t d e l'histoire, acquise
en fréq u en tan t no u s-m êm e les bancs de l'école, p a r nos études d 'histoire e t en nous préparant à
la professio n enseignante, acquise aussi p a r la fréquentation g én érale des m ilieux intéressés à
l'en seig n em en t e t p ar ce qu'on y entend, nous laisse p en ser que si la rénovation paraît bien
engagée, elle n e se fait pas sans ren co n trer quelques problèm es e t sans que diverses
am élioratio n s so ien t désirables. A insi, il sem ble que l'enseignem ent h istorique que l'on
rencontre le plus so u v en t dans nos écoles reste un enseignem ent événem entiel, encyclopédique,
livresque, pratiq u é d e façon m agistrale, rep o san t essentiellem ent su r la m ém oire et la répétition.
P eu d e place y serait faite au développem ent des savoir-faire intellectuels, au développem ent de
la pensée critique, à celui des capacités d e m ieux com prendre sa société et d'y participer en
citoyen co n scien t e t responsable. L es élèves des classes d'histoire p araissen t souvent s'y
ennuyer, tirer p eu de p ro fit de form ation, d o u ter m êm e parfois d'en tirer quelque p ro fit que ce
soit. L es p ro fesseu rs aussi sem blent fréq u em m en t insatisfaits et souhaiter en nom bre un
enseignem en t d e l'histoire am élioré. C elui-ci p o urrait m ieux p rendre en com pte, paraît-il, les
avancées de la d iscip lin e historique, des sciences pédagogiques, de la psychologie de
l'apprentissag e, d ev rait s'in terro g er plus e t m ieux sur sa fonction sociale.
C ette préoccupation dicte notre dém arche. Il s'agit, en fin de com pte, de recueillir les
données utiles p o u r saisir la situation actuelle de l'enseignem ent de l'histoire au M aroc et d'en
faire l'ex am en sous divers angles. C om m e il s'agit aussi de d onner la m esu re de cette situation,
d'en ju g e r, il p araît nécessaire de disposer d'élém ents de com paraison, d e p ren d re quelque
distance de l'en seig n em en t m arocain de l'histoire en exam inant de sem blables enseignem ents
dans d'autres lieux. L a rencontre de ces observations devrait ensuite nous perm ettre de
d évelopper nos ju g em en ts et de p résen ter quelques hypothèses de rénovation.
6
E n fin , en con clu sio n , nous tenterons de rassem b ler ces données e t ces observations
p o u r faire q u elq u es con sid ératio n s sur l'av en ir de l'enseignem ent de l'histoire au M aroc,
évoquer quelques suggestions aptes à contribuer à son am élioration ou à sa rénovation
éventuelle.
Ergmiçre Pani?
L E S O R IE N T A T IO N S A C T U E L L E S
D E L 'E N S E I G N E M E N T D E L ’H I S T O I R E
Chapitre 1
A . D e l 'é l i t e a u c ito y e n
C 'est à une ép o q u e relativ em en t récente que l'enseignem ent de l'histoire est devenu un
enseignem en t o ffert à tous ou presque e t a com m encé à assum er les objectifs d'éducation
civique qu 'o n lui connaît. E n fait, la généralisation de l'enseignem ent historique suit la
constitutio n de 1"État-nation p u is, pro g ressiv em en t, sa dém ocratisation.
C 'est le m o d èle q u i a dom iné ju sq u 'à récem m ent dans les pays islam iques. F ranz
R osenthal y a o b serv é que:
1 François Furet. "I^a naissance de l'histoire".H-Histoire. no 1 (mars 1979), pp. 11-42; ou du même auteur la préface de
L'atelier de l'histnire. Paris, Flammarion, 1982, pp. 5-28.
2 Franz Rosenthal, A histnrv of Muslim Historiographv Leiden, EJ. Brill, Ÿ éd., 1968, pp. 47-48.
11
L 'en seig n em en t de l'histoire était donc réservé aux élites3. D es précepteurs s'en
c h a rg a ie n t D ans les autres classes de la société, des contes édifiants, à caractères religieux
souvent, rem p laçaien t l'histoire e t étaient transm is oralem ent dans les fam illes.
S tories, p o em s and historical data form ed part o f the k n o w led g e w ich parents
w o u ld tran sm it to their children... O nly the great and the w ell-to-do could
affo rd to hire teachers w ho w ould in stru ct their children in oth er subjects.
H isto rical k n o w led g e, therefore, w as usually acquired by p rivate reading or, on
a lo w er level, fro m story-tellers w ho seem to have filled the role o f popular
interpreters o f the M u slim religious view o f history since the beginning o f
Islam 4.
D an s le cas du M aroc précolonial, L evi-P rovincal a observé que l'histoire n'était jam ais
en seig n ée5. M êm e à F ez, p o u rtan t le siège d e l'unique u n iversité, L a O uaraw ivin. L. P aye n'en
a pas trouv é trace dans les en seignem ents d isp en sés6. C 'est que, ex plique A. L aroui, l'histoire
était sans utilité p o u r faire carrière7.
L 'av èn em en t de l'É tat national bourgeois, qui en O ccident se substitue progressivem ent
aux anciennes m onarchies et aux régim es autoritaires, am ène des besoins différents et un
n ouvel usag e de l ’histoire. L a nation est m aintenant définie p ar l'ensem ble de ceux qui
l'habitent et l'É tat-n atio n repose sur eux. L 'au to rité ne tient plus au dro it divin ou à l'héritage
dynastique, m ais à sa reconnaissance et à son acceptation de la part du grand nom bre. C 'est
p o u r assurer cette reconnaissance et cette acceptation que l'on fait appel à l'éducation,
do rén av an t o fferte à tous, et que l'on fait appel notam m en t à l'enseignem ent de l'histoire.
L 'en seig n em en t de l'h isto ire vise donc désorm ais l'en sem b le des citoyens. C 'est un
enseignem ent didactique et civique, chargé de convaincre de la validité de l'ordre politique et
social, de lég itim er ses dirigeants et leurs projets, de développer un sentim ent d'identité
3 Dans la culture arabo-islamique l'histoire, selon Aziz al Azmeh, est liée au pouvoir non parce que le récit historique
comporte une conception du pouvoir, mais parce qu'il fait partie intégrante de l'institution historiographique... L'histoire est
en relation avec le pouvoir politique, gardien et garant de la culture dans son ensemble, et dont le récit historique est une
structure. Voir Aziz Al azmeh, "L'annalistique entre l'histoire et le pouvoir une conception de l'histoire sous-jacente aux
chroniques, biographies et gestes dans l'aire culturelle arabo-islamique", dansHistoire et diversité des cultures Paris,
Unesco, 1984, p. 96.
4 Franz Rosenthal. op. cit. pp. 46-48.
5 Levi-Provincal, Les historiens des chorfas. Paris, Larose, 1922, p. 35.
6 L. Paye, Enseignement et société musulmane, introduction et évolution de l'enseignement moderne au Maroc. 18S?-19.52
Paris, thèse ès lettres, 1957, vol. 1, p. 34, cité par M. Hassani-IdrissL op. cit. p. 11.
7 Abdelah Laroui, Les origines sociales et culturelles du nationalisme marocain. 1830-1912 Paris, R. Maspero, 1977, p. 198.
12
collective et des valorisations com m unes, d'in sp irer le resp ect des institutions et des pouvoirs
publics, d e so u ten ir p atriotism e et nationalism e. C ette nouvelle fonction de l'histoire, R obert
D aniels l'a décrite ainsi:
E n A llem ag n e, après 1871, l'en seig n em en t de l'histoire s'attachait surtout au triom phe
d e l'unité allem an d e e t aux succès de l'arm ée prussienne. C ette conception d'une A llem agne
triom phante reste centrale p o u r A dolph H itler. C elui-ci explique dans M ein K am pf. selon R.
R iem en -S ch n eid er, q u e l'éducation e t la culture do iv en t m ontrer aux enfants qu'ils sont d ’une
race supérieure et q u e le but de l'enseignem ent de l'histoire ne consiste pas à accum uler un
sav o ir p o u r le savoir, m ais d'en tirer les leçons p o u r l'avenir, c'est-à-dire le m aintien du peuple
allem and13.
8 Robert Daniels, Studvinp Historv: How and whv Englewood Cliffs, NJ., Prentice-Hall, 1966, p. 10.
9 Le nationalisme est défini par Raoul Girardet "comme le souci prioritaire de conserver l'indépendance, de maintenir l'intégrité
de la souveraineté et d'affirmer la grandeur de lÉtat-nation". VoirLe nationalisme français. Anthologie. 1871-1914. Paris,
Seuil, 1983, p. 9.
10 Micheline Johnson," L'enseignement de l'histoire et l'actualité, ou évolution de l'enseignement de l'histoire”, danCahicrs
du groupe de recherche en didactique de l’histoire no 7, Montréal, Guérin, 1978, p. 26.
11 Girardet. op. cit. p. 70.
12 On lira à ce sujet le livre de Eugen Weber, Peasant into frenchmen. The modemization of rural France. 1870-1914
Stanford, Ca., Stanford U. P., 1976, chapitre 7. Sur Lavisse en particulier, voir Pierre Nora, "Ernest Lavisse: son rôle dans
la formation du sentiment national", Revue historique 86ième année, T. CCXXVI11, (juillet-sept. 1962), p. 73.
13 R. Riemenschneider, "L'enseignement de l'histoire, en Allemagne, sous le Hî Reich”.. Francia 1979, no. 7, p. 403.
13
C 'est p eu t-être aux E tat-U nis q u e les objectifs nationaux poursuivis p a r l'enseignem ent
d e l'histoire o n t été le p lus franchem ent déclarés. L 'histoire, au 19e siècle, sert à d icter les
"bons" com p o rtem en ts et les convictions désirées. A près la G uerre de sécession, elle reçoit en
outre p o u r m issio n d e resserrer l'unité nationale. A l'occasion des grandes vagues
d 'im m igratio n s du d éb u t du siècle, elle dev ien t l'instrum ent d'intégration e t parfois
d'assim ilation des n o uveaux arrivants à la com m unauté nationale et à ses valeurs.
14 Marc Ferro, Comment on raconte l’histoire aux enfants à travers le monde entier Paris, Payot, 1981, p. 155.
15 Voir Harold Troper, "Nationality and history Education: nationalism and the history curriculum in Canada".The historv
teacher. vol. XII, no 1 (nov. 1978), p. 16 notamment. Voir aussi Christian Laville, "Minorités, compréhension mutuelle et
usage de l'histoire", Cahiers de Clio. no 84, hiver 1985, pp. 17-34.
16 Lire à ce sujet Femand Dumont "De l'idéologie à l'historiographie: le cas canadien-français", danChantiers. essai sur la
pratique des science»! rie l’homme Montréal, Hurtubise-HMH , (1973), pp. 85-114. Aussi Fernand Ouellet, "Historiographie
canadienne et nationalisme", Délibérations de la Société royale du Canada 1975, 4e série, pp. 25-29.
14
les M arocains sont bien placés p o u r le savoir. A insi le nationalism e auquel contribue
l'enseignem en t de l'histoire dans la p h ase de constitution ou de confirm ation de l'État-nation se
caractérise p a r "une volonté de puissance et d'expansion m arquée soit p ar des conquêtes
coloniales à d éfau t d'agrandissem ents territoriaux dans la m étropole, soir p ar une attitude de
supériorité à l'égard des autres peuples considérés co m m e co n cu rren ts17."
P o u r les p o sitiv istes, l'h isto ire est une narratio n , un r é c it C 'est un récit généalogique: il
p a rt des origines e t ram èn e p rogressivem ent vers le présent, do n t il est censé m ontrer
l'achèvem en t supérieur. "Il y a dans l'histoire une continuité et une accum ulation de force", des
"exigences irrésistib les du m ouvem ent e t du progrès", écrivait en F rance G abriel M onod,
fo n d ateu r d e la R ev u e h isto riq u e19. P o u r co nstituer ce récit, il n 'est que de retro u v er les
événem ents à travers les docum ents, puis après en avoir fait la critique p o u r s'assurer de leur
validité, de les alig n er en filiation sim ple de causes e t de conséquences. "Toute l ’histoire des
événem ents, in sistait Seignobos, un des pères du positivism e en histoire, est un enchaînem ent
évident et in contesté d'accidents, don t chacun est une cause déterm inante d'un autre20". Le récit
p o sitiv iste e st d o n c un récit organisé selon l’o rdre chronologique. C 'est aussi, surtout, un récit
conçu à p artir des faits d'ordres politique, m ilitaire, constitutionnel, ceux-ci étan t les plus
faciles à identifier e t à dater21. C es faits contribuent m ieux, égalem ent, à établir la "généalogie
d e la nation" et à p résen ter la nation de façon unitaire, sans tensions ni conflits, sans
17 Oüo-Ernst Shueddekopf, "L'enseignement de l’histoire et la révision des manuels d'histoire", dans L'éducation en Europe.
Strasbourg, 1967, p. 131.
18 François Furet.La naissance de l’histoire, op. cit. p. 37.
19 Cité dans Christian Laville, Le passage du national au social dans l'historiographie française. Essai historiograrhiQue
Québec, Laboratoire de didactique, Université Laval, série monographies, mai 1981, p. 22.
20 m , p. 23.
21 "Comme les faits généraux sont surtout de nature politique, écrivait Seignobos, et qu'il est plus difficile de les organiser en
une branche spéciale, l'histoire générale est restée en fait confondue avec l'histoire politique". (Dansibid.. p. 24).
15
distinctions ni différences. "L e suffrage universel a m is fin aux conflits sociaux", écrivait
E rn est L av isse d an s son in flu en t M anuel d'histoire de F ran ce22.
C 'e st d ans c e t esp rit q u e l'en seig n em en t de l'h isto ire d éfin it ses contenus. Il s'agit de
co n stitu er un récit, d'abord, le récit des origines qui ram èn e au p résen t p o u r en m ontrer l'état
de p rogrès supérieur. C 'est un récit, co m m e le souligne C lau d e B ernard, "tourné vers la
nation, c a r il la récap itu le"23. C e récit est essentiellem ent la m ise en succession chronologique
d'événem ents enchaînés les uns aux autres. L e récit p résente ég alem en t la galerie des "grands"
p erso n n ag es qui so n t les acteurs des faits choisis, car, rappelle Furet, il "so n t sensés être les
agents p rin cip au x d e l'évolution, p arce que la politique constitue le répertoire privilégié du
changem ent"24; il le fait aussi p u isq u e c'est de la sorte qu'il p eu t le m ieux susciter le respect ou
l'ad h ésio n à ceu x q u i, aujo u rd 'h u i, se situ en t dans la su ccessio n du pouvoir.
Sa pédagogie
C 'est d an s le m êm e esp rit d'histoire positiviste que l'en seig n em en t de l'histoire définit
sa pédagogie. H s'ag it d'une péd ag o g ie sim ple, conçue en fonction du récit, do n t il faut faire
acquérir la co n n aissan ce à tous.
E n résu m é, l'en seig n em en t de l'histoire qui s'est développé en co in cid en ce avec l'État-
nation et p o u r rép o n d re à ses besoins connaissait les caractéristiques principales suivantes: a) Il
est essentiellem ent un récit chronologique d'événem ents principalem ent politiques; b) le
m anuel-récit e t le p ro fesseur-répétiteur sont les pivots de la pédagogie; c) la pédagogie vise en
prem ier lieu à faire apprendre e t connaître le récit établi; d) la form ation du citoyen repose sur
l'apprentissag e e t la co n n aissan ce du récit.
B. L e citoyen en démocratie
L a g énéralisation de l'enseignem ent d e l'histoire dans les écoles a aussi été am enée par
ces grands p h én o m èn es q u e sont la révolution industrielle, l'urbanisation et la dém ocratisation.
L a dém ocratisation surtout a jo u é et a été facteur de changem ents.
L o rsq u 'u n e fois bien établi l'É tat-nation prend le chem in vers la dém ocratie et la
d ém ocratisation, le citoyen qu'il vise d ésorm ais n'est plus sim plem ent le patriote respectueux
d e l'ordre social n ational pré-existant; c'est p lutôt un citoyen disposé à p articiper au m aintien de
cet ordre, à son fonctionnem ent, capable de contrib u er à son am élioration et, si nécessaire, à sa
transform ation. L e citoyen de l'état dém ocratique est vu co m m e autonom e, participant, critique,
resp o n sab le avec tous d e la gestion, d e façon plus ou m oins directe, des affaires de la
collectivité. E n conséquence, sa form ation d o it être plus large e t plus élaborée que celle
dem andée p a r l'É tat-nation en construction; elle d o it répondre aux besoins plus com plexes de la
participation d ém o cratiq u e responsable. L 'enseignem ent historique p araît toujours capable
d 'assurer cette fo rm atio n , donc de rester un enseignem ent de form ation civique, m ais à
condition d e se transform er. C e renouvellem ent de la discipline historique et le développem ent
des sciences d e l'éd u catio n l'y aideront.
L 'h isto ire p o sitiv iste, q u i avait si bien servi l'enseignem ent de l'histoire, est attaquée un
peu partout du ran t la prem ière partie du siècle. O n lui reproche sa fixation sur le politique et le
constitutionnel, sa cen tratio n sur les événem ents et les personnages, son systèm e lim ité
d'explication p a r des enchaînem ents de causes e t de conséquences, sa vision déterm iniste
autour de l'idée d e progrès. L a critique est stim ulée et alim entée p ar les nouvelles sciences
sociales qui se d év elo p p en t aux m arges de l'histoire. L 'histoire s'ouvre à leurs préoccupations
e t à leurs persp ectiv es25.
"L 'h isto ire, raco n te F em a n d B raudel, un des pionniers de la réfo rm e en F rance, s'est
voulue attentive à toutes les sciences de l'hom m e, voilà qui donne à notre m étier d'étranges
frontières e t d'étran g es curiosités. T outes les sciences de l'hom m e, y com pris l'histoire sont
contam inées les unes p a r les autres. E lles p arlent les m êm es langages ou peu v en t le parler26."
25 On trouvera l'essentiel de ce renouvellement dans les articles du dictionnaire de Jacques Le Goff, Roger Chartier et Jacques
Revel "La nouvelle Histoire'1: par exemple, démographie historique, histoire religieuse, histoire sociale, etc. (Paris, Retz,
C.E.P.L. 1978).
26 Femand BraudeL Écrits sur l'histoire Paris, Flammarion, 1969, p. 55.
17
L a no u v elle histoire com m ence p ar m ultiplier ses curiosités. Sans abandonner son
intérêt p o u r le politiq u e, q u i s’en tro u v era tout de m êm e sensiblem ent réduit, elle s'ouvre à
l’économ ie e t aux m odes de production, au social et aux rapports sociaux, et m êm e aux
cro y an ces, aux rep résen tatio n s, aux m entalités... Il s'agissait, co m m e le rapporte A ndré
B urguière, de "relan cer l'h isto ire économ ique et sociale, de rem p lacer l'histoire des chefs, des
rois, des g én érau x , d es p résid en ts du co n seil [...] p a r u n e h isto ire des groupes sociaux dans
leur ex isten ce o b jectiv e e t dans la p erception qu'ils o n t d 'eux-m êm es"27. L es groupes et les
rapports en tre les g ro u p es sociaux in téressen t alors plus que les individus. Il s'agissait aussi de
d ég ag er les m ultiples interrelations entre les divers paliers du réel social. "N ous avons reconnu,
écrivait M arc B loch, u n des pères avec L ucien F ebvre de cette école dite des A nnales28 qui
m ena la réfo rm e en F rance, que dans une société quelle qu'elle soit, tout se lie et se com m ande
m utuellem ent: la structure politique e t sociale, l'économ ie, les croyances, les m anifestations les
plus élém en taires co m m e les plus subtiles de la m entalité29." C 'est ce que l'on a nom m é la
p ersp ectiv e g lo b ale, ou totale, de l'histoire.
E n sus d e ren o u v eler les curiosités, la nouvelle histoire se préoccupe d'établir le statut
scientifique d e la discipline. E lles d oit procéder, selon ses prom oteurs, com m e les autres
sciences, c'est-à-d ire à p artir de problèm es et à travers des hypothèses m éthodiquem ent
vérifiées. A lors q u e l'histoire-récit ou narrative des positivistes se contentait de décrire le passé,
l'histoire-p ro b lèm e ch erch e à expliquer, à l'aide du passé, les réalités du p résent qui font
p roblèm e e t q u i su sciten t l'inquiétude. Selon G . M assicotte: "Le problèm e c'est la form ulation
d'une inqu iétu d e et l'h istoire-problèm e, c'est la form ulation d'une inquiétude qui m et en cause
la perspectiv e du tem p s30."
L a p ersp ectiv e tem porelle s’étend aussi de façon sensible. L es historiens, notam m ent
ceux des A n n ales, d éveloppent de nouveaux concepts relatifs à la durée. C elle-ci apparaît
variable: "L 'h isto ire v a p lu s au m oins vite, m ais les forces profondes de l'histoire n'agissent et
n e se laissen t saisir q u e dans le tem ps long. U n systèm e économ ique et social ne change que
27 André Burguière, "L'école des Annales et les problèmes actuels de l’histoire". Cahiers de Clio. no 47, 1976, p. 40.
28 Ainsi nommée du nom de la revue Annales d'histoire économique et sociale Les fondateurs de cette école, Marc Bloch et
Lucien Febvre, ont créé la revue en vue de présenter leurs motivations et leurs pensées.
2^ Marc Bloch, Apologie pour l'histoire ou métier d'historien Paris, Armand Colin, 5e éd., 1964, p. 96.
30 La nouvelle histoire, op. cit. p. 229.
18
lentem ent30." L 'im p o rtan t devient ju stem en t de dégager ces forces profondes qui, en deçà des
péripéties d e l'histoire, caractérisent m ieux l'évolution des faits sociaux e t leurs
transform ations. D e retro u v er la longue du rée des structures.
P a r structure, on entend des phénom ènes stables, qui n e se m odifient que peu et très
le n te m e n t A insi, p a r exem ple, les conditions géographiques, les systèm es économ iques,
sociaux, p o litiq u es, culturels, p sychologiques; ceux-ci resten t constants p endant une longue
pério d e ou n 'év o lu en t q u e d 'une m anière im perceptible. L a structure est aussi un instrum ent de
la recherch e suscep tib le d'aider, quels q u e soient les époques et les lieux, à déchiffrer la
continuité historique e t à m ieux la com prendre.
L es co n jonctures sont des p hénom ènes de m oindre durée, tem poraires, qui p euvent se
m odifier assez rapidem ent; un ensem ble des traits reconnus à un m om ent donné et qui
caractérisent ce m o m e n t A ndré Segal a écrit que "les conjonctures résultent de la concurrence
tem poraire de facteurs sociaux qui distinguent les tem ps antérieurs ou postérieurs. E lles se
m o d ifien t e t se su ccèd en t selon un rythm e qui, p o u r n 'être pas sensible p o u r l'instant m êm e,
est cependan t percep tib le aux contem porains31."
Q u an t aux événem ents, faits ponctuels étroitem ent localisés dans le tem ps, ce sont eux
qui fo n t l'actualité; ils co nstituent des m om ents précis: une naissance, un décès, une
catastrophe; d e tels faits sont des événem ents quelle que soit l'im portance qui leur est accordée
p a r les con tem p o rain s ou p ar les historiens.
G râce à ces co ncepts de l'explication tem porelle, l'historien sait m ieux ord o n n er ses
explications. D p eu t p ar exem ple m ieux m esurer le poids relatif d'une bataille donnée de la
P rem ière guerre m ondiale, qui est un événem ent, celui de la guerre elle-m êm e, qui est de
l'ordre de la co n jo n ctu re, et qui s'inscrit à son to u r dans un fait structural, celui des
im périalism es européens.
31 André Segal, "Pour une didactique de la durée", dansEnseipner l'histoire, des manuels à la mémoire Textes réunis et
présentés par Henri Moniot, Berne, Peter Lang, 1984, p. 98.
19
L 'en seig n em en t d e l'histoire sera égalem ent influencée p ar le développem ent des
sciences d e l'éducation. C elles-ci se d éveloppent avec la préoccupation de rendre plus
scientifiques les opérations de form ation. C ar, progressivem ent, on se préoccupe plus de
form er que de sim p lem en t inform er.
L es théories de l'apprentissages ont toutes une histoire sem blable, a écrit G agné: "elles
partent d e cas particuliers, dans chaque cas on voulait décrire et expliquer un type particulier
d'apprentissag e. T h o m d ik e v o u lait étu d ier l'association chez l'anim al, P av lo v , les réflexes,
E bbinghans la m ém orisation des listes de m ots, K ohler la résolution des problèm es chez les
anim aux. C es étu d es so n t devenues des théories d 'apprentissage ou du m oins d 'une bonne
p artie33." N o u s n e p o u v o n s rep ren d re toutes les théories de l'apprentissages, m ais nous nous
référerons aux travaux d e S kinner pour voir la pensée behavioriste et son influence en
éducation. N o u s ex am inerons aussi les travaux de B runer, dans le but de p réciser sa m éthode
et son im po rtan ce d an s le dom aine de l'apprentissage. E nfin, sachant com bien l'éducation
nouvelle donne une plus grande attention à celui qui apprend, en faisant un exam en de sa
psychologie, en s'in téressan t à ses m otivations, intérêts, besoins, tendances et aptitudes, il
nous p araît n écessaire ensuite d'év o q u er quelques données de la psychologie utilisée pour la
32 Marc-André Bloch, "Philosophie de l'éducation nouvelle", danJ>édagogie aujourd'hui. Paris, P.U.F., 1973, p.
33 Robert M. Gagné, The Conditions of I>eaminé. New York, Holt, Rinehard et Winston, 2e éd., 1970, p. 20.
20
solution de problèm es éducatifs. L 'idée que l'action pédagogique d oit tenir com pte de la
personnalité e t du dév elo p p em en t de l’élève apparaît dans différentes théories d ’apprentissage,
d o n t celle de P iag e t su r les stades de l'intelligence.
the fo rm atio n o f relations o f som e sort betw een series o f stim uli and responses.
Stim uli - th e causes o f learning - are environm ental agents that act upon an
o rg an ism so as eith er to cause it to respond o r to increase the probability o f a
resp o n se o f a certain class o r kind. R esponses - effects - are physical reactions
o f an o rganism to either external o r internal stim ulation34.
L a pen sée behavioriste considère aussi que les principales activités de l'apprentissage
so n t l'acquisition de connaissances, le d éveloppem ent de savoir-faire, l'évaluation. D ans cet
optique, l'éd u catio n a p o u r tâche d'induire, de diriger, e t de con trô ler ch ez l'enfant ou chez
l'adulte des co m p o rtem en ts prévus sous form es d'objectifs à poursuivre et à atteindre grâce aux
stim ulus-réponses. F rederic S kinner est considéré com m e un représentant de cette école et sa
théorie se rév èle d'une im portance toute particulière po u r l'enseignem ent35. A la différence de
T horndike, q u i à la fin du siècle dernier s'est rendu célèbre en form ulant la "loi de l'effet"36,
S kinner distin g u e deux sortes de réponses qu'il n o m m e com portem ent "répondant" et
com portem en t "opérant". L e com portem ent "répondant" est sem blable au com portem ent réflexe
réactif; p a r co m p o rtem en t "opérant" il entend le com portem ent qui n'est pas causé p ar un
excitant sp écifique, m ais qui naît p ar suite d'une action active propre, sur les bases d'un
34 Jack Fraenkel- Helping Students Think and Value. 2nd ed. Englewood Cliffs, NJ, Prentice-Hall, 1980, p. 106.
35 Voir B. F. Skinner. The Technology of Teaching. New York, Appleton-Century-Crofts, 1968, 271 p.
36 D'après Thorndike, dans le processus, la loi de l'effet est une connexion entre la situation-stimulus (la cage avec le levier) et
la réaction à accomplir (bouger le levier) sous l'influence de l'effet positif produit par l'accomplissement de 1action. Voir E.
L. Thomdike. The principal of teaching based on psychology New York, Prentice-Hall, 1906, 360 p.
21
re n fo rc e m e n t À p artir de ses expériences sur les anim aux, S kinner utilise des renforcem ents
positifs e t négatifs. C e processus est nom m é "conditionnem ent opérant" e t son application en
éducation est sim ple et directe selon Skinner:
entre étu d ian t et ch erch eu r [...] L es élèves com m enceront p a r p en ser à propos des idées
significatives au lieu de term iner p ar elle39."
V o ilà donc, une pédagogie qui dem ande à l'élève d'être actif et de p rendre ses
décisions, cela d evrait certainem ent faciliter la form ation d'une personne autonom e
intellectuellem ent, qualité souhaité du citoyen. S avoir découvrir personnellem ent les choses
p erm et d e p erfectio n n er son sens critique, d 'accéder à un m ode de résolution de problèm es.
M ais l'élève est-il intellectuellem ent capable de cela? Q u'en dit la théorie piagétienne du
développem ent intellectuel?
1.N.R.D.P.. Les activités d'éveil à dominante intellectuelle au cours préparatoire Paris, SEVPEN, no 51, 1971, p. 146.
40 J.S. Bruner, "The Act of Discovery", dans C. H. Monson.Education for what?.Boston. 1970, pp. 300-309
41 Ibü» P- 304
23
N o u s devons à P iag et une des descriptions les plus élaborées du développem ent et des
m odes d e fo n ctio n n em en t de l'intelligence, de l'enfance à l'adolescence. C hacune des étapes de
ce dévelop p em en t est définie en term es d ’opérations que le sujet est capable d'effectuer.
E n tant q u e n o tre intérêt p orte sur l'enseignem ent secondaire, ce sont particulièrem ent
les stades des opératio n s concrètes et celui des opérations form elles qui nous préoccupent.
A vec la scolarisation de l'enfant, la pensée logique devient possible; ainsi com m ence
chez l'enfan t la p ério d e des opérations concrètes (7 à 11 ans). À présent, il est en état
d 'acco m p lir p lu sieu rs opérations logiques, telles que situer dans le tem ps e t dans l'espace,
classer, ju g e r e t co m p ren d re des relations. Il est aussi capable de faire des raisonnem ents,
p ourvu que ceu x -ci soient rattachés à des situations concrètes.
L e stade de la pensée form elle (11 à 15 ans et plus) est le stade de la m aturité
intellectuelle. L a m aîtrise de ce stade m arque, selon Piaget, l'achèvem ent du développem ent
intellectuel à p artir duquel l'adolescent possède tous les m écanism es de base préalables à
l'apprentissag e d e toutes les disciplines quelles qu'elles soient. L 'adolescent est en état de
raisonner de faço n hypothético-déductive, c'est-à-dire qu'il est capable de déduire des
conclusions sur les bases de connées abstraites et cela sans le support de la réalité concrète. Il
est apte à co n stu ire des hypothèses et à les soum ettre à un exam en critique. Jean P iag et a écrit à
ce sujet qu'il "d ev ien t cap ab le de raisonner de m anière hypothético-déductive, c'est-à-dire sur
de sim ple assom ptions, sans relation nécessaire avec la réalité"43.
42 Tiré de Miretip. TnrVia-I^acé.T^ pensée formelle chez les étudiants du collège 1: objectif ou réalité. Rapport final d'uns
recherche au CEGEP de Limoilou. 2e éd., 1981, p. 8.
43 Jean Piaget, Ta psychologie de l'intelligence. Paris, Armond Colin, 1967, p. 158.
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A la naissance, bagage de L'enfant n'a plus besoin de La pensée concrète demeu La pensée formelle est
réflexes. voir l'objet pour y penser: il re essentiellement attachée essentiellement hypothé-
peut se le représenter. au réel. tico-déductive.
Le monde existe dans la
mesure où il est perçu Il se centre sur un seul aspect La notion du "possible" pro La déduction ne porte pas
sensoriellement. d’une situation et surtout sur longe simplement (et de peu) directement sur les réalités
l'aspect figuratif. le réel. ou sur les objets perçus,
L'intelligence est action, mais sur des énoncés hypo
coordination d'action, cons Il est incapable de réversibilité. La personne est capable thétiques et des éléments
truction des schèmes d'action, de faire des opérations dans verbaux.
coordination des schèmes. La pensée reste avant tout le domaine des relations
égocentrique. du nombre. La personne raisonne sur
La fin de cette période marque le "possible" et non plus sur
l’apparition de la représenta La pensée pré-opératoire est La personne ne fait pas des le réel seulement.
tion mentale. intuitive. hypothèses.
La personne envisage
toutes les possibilités d'une
situation.
M ais l'h isto ire n 'est pas une science facile, surtout p o u r des intelligences
incom plètem en t form ées. C 'est une discipline qui dem ande beaucoup de m aturité, de jugem ent
e t d'expérience p o u r com prendre son langage com plexe e t ses concepts qui sont souvent
sources de m au v aise com préhension et d'am biguité, com m e p ar exem ple servage, féodalité,
renaissance, état, ro i, parlem ent... V o ilà qui rend cette discipline abstraite et d'accès difficile44.
P o u r cela, la p en sée form elle sem ble être la form e de pensée nécessaire p o u r y accéder.
P iag e t estim e q u e l'âge d'accession à cette pensée serait entre 11-12 ans et 14-15 ans.
M ais certains chercheurs p en sen t qu'elle n e serait pas m aîtrisée avant seize ou dix-huit ans en
histoire. L 'u n d 'eu x , R o y H allam , a co n clu su ite à ses expériences sur des textes d'histoire,
que les élèv es so n t incapables de pen sée form elle, c'est-à-dire de fo rm u ler des hypothèses ou
d 'effectuer des raiso n n em en ts hypothético-déductifs à l'âge indiqué p ar P iaget. E n histoire, a-t-
il conclu, "fo rm ai o p erational thought appears to begin betw een the chronological âges o f 16.2
an d 18.8 y ears, b u tm e n ta lly this stage starts b etw een 16.8 and 18.2 y ears45." P lu sieu rs autres
recherches, telles celles de J. B. C oltham 46 e t de D . R. W o o d 47 sont arrivées à des conclusions
sem blables.
44 Selon Christian Laville, la maîtrise dé ces concepts paraît indispensable à l'étude de l'histoire. Mais cette maîtrise ne
s'acquiert que lentement chez les écoliers. Ainsi, par exemple, pour définir le concept "roi" suivant leur maturité croissante,
les écoliers ont répondu comme suit Les uns s'en tiennent à des éléments accessoires ou secondaire: a) un roi vit loin dans
un château; les autres en restent aux éléments concrets du concept: b) quelqu'un de très important, de très riche, un homme
célèbre de la famille, royale; d'autres n'en ont qu'une vue partielle: c) le dirigeant d'un pays; enfin, certains, les plus mûrs
intellectuellement, le saisissent sous ses aspects relatifs et ses diverses formes possibles: d) une personne qui peut diriger
elle-même un pays, mais qui peut aussi le faire en collaboration avec des conseillers ou un gouvernement, ou peut avoir un
statut honorifique. Voir Christian Laville, "Psychologie de l'adolescent et enseignement historique: le problème de l'accès à
la pensée formelle", Cahiers de Clio. no 43-44,1975, p. 36.
4^ Roy Hallam, "Thinking and leaming in historv".Teaching historv. vol. 11 (nov. 1972), p. 342.
46 J. B. Coltham, Junior school children's understandine of some terms commonlv used in the studv of historv.thèse de
Ph.D., University of Manchester, 1960, mentionné dans W. H. Burston et C. W. Greenüandbook for Historv Teachcrs, 2e
éd., London, Methuen, 1972, pp. 27-28.
47 D. M. Wood, The development of some concepts of social relations, thèse de M. Ed., University of Nottingham, 1964,
mentionné dans W.H. Burston et C.W. Green. idem.
26
des objectifs clairs, Ils constituaient la plu p art du tem ps une sorte de m agasin général dans
lequel on tro u v ait u n e liste de cours accom pagnée d'une brève description de contenu48." O n
retrouvait alors des objectifs form ulés dans des term es si généraux qu'il était im possible à un
utilisateur d e les interpréter co rrectem en t
L 'id é e d 'id en tifier et de form u ler plus p récisém ent les objectifs pédagogiques n'est pas
n ouvelle, m ais vers les années 1950, avec R alph T yler, elle p ren d un élan nouveau. Le
ch erch eu r am éricain avait proposé à des professeurs d'histoire de lui com m uniquer leurs
objectifs. D enregistra des buts très valables, tels que faire com prendre aux étudiants com m ent
les événem ents du passé en gendrent des situations et des problèm es ultérieurs, leur faire
d écouvrir l'in flu en ce du passé sur la m arche actuelle du m onde. M ais dans la réalité de leurs
enseignem en ts, selon T yler, ces professeurs d'histoire se contentaient g énéralem ent de
transm ettre à leurs étudiants les faits historiques p ar la m éthode m agistrale et de vérifier les
acquisitions p a r des récitations. T yler proposa alors que la form ulation des objectifs explicite ce
que l'élève qui a atteint le b u t d o it po u v o ir faire exactem ent, indique le com portem ent attendu.
C es objectifs d ev aien t se traduire en term es non seulem ent com m unicables, m ais aussi
m esurables. A insi un o b jectif pédagogique correctem ent form ulé devrait satisfaire à la
définition suivante de R obert M ager:
U n o b jectif est une intention com m uniquée p ar une déclaration qui décrit la
m o d ificatio n que l'on d ésire provoquer chez l'étudiant, déclaration précisant en
quoi l'étu d ian t au ra été transform é une fois qu'il aura suivi avec succès tel ou tel
enseig n em en t. Il s'agit de la description d'un ensem ble de com portem ents
(perform ance) que nous désirons voir l'étudiant capable de m anifester49.
A u trem ent dit, un objectif correctem ent form ulé devrait: 1) décrire le com portem ent
attendu de l'étudiant; 2) dire les conditions p o u r l'atteindre; 3) contenir un critère de
perform ance.
D ans les années 1950, un autre instrum ent v int contribuer à m ieux préparer les objectifs
pédagogiq u es, c'est la taxonom ie d e B loom . B loom et un groupe de chercheurs et de praticiens
intéressés aux program m es et exam ens avaient décidé d'élaborer une classification de tous les
objectifs susceptibles d'être rencontrés dans les program m es. T rois systèm es de classification
d'objectifs so n t issus de ces efforts: l'un rela tif au dom aine cognitif, un autre relatif au domaine
affectif, un tro isièm e p o u r le dom aine psychom oteur.
48 Richard Girard. Mesure fondée sur les objectifs Université Laval, Faculté des sciences de l'éducation, Département de
mesure et évaluation, 1983, p. 69.
49 R. F. Mager, Comment définir les objectifs pédagogiques Paris, Bordas, 1975, p. 2. (traduit de l'américain par G. Décote).
27
L a taxonom ie des objectifs pédagogiques du dom aine co g n itif com porte six grandes
catégories do n t le classem ent est hiérarchique: 1) connaissance; 2) com préhension; 3)
application; 4) analyse; 5) synthèse; 6) évaluation. C in q d'entre elles sont subdivisées en sous-
catégories. L a tax o n o m ie des objectifs dans le dom aine affectif, de son côté, "englobe les
objectifs d écriv an t les m odifications des intérêts, des attitudes, des valeurs, ainsi que les
progrès dans le ju g e m en t e t la capacité d'adaptation"50. D ans ce dom aine, cinq catégories
d'objectifs fu ren t identifiés: 1) réception; 2) réponse; 3) valorisation; 4) organisation; 5)
caractérisation p a r un systèm e de valeur.
L a principale retom bée sur l'enseignem ent de ces travaux est que m aintenant on cherche
à d éfin ir les ob jectifs poursuivis avec beaucoup plus de rigueur et qu'on tente de les poursuivre
dans au m oins trois dom aines, ceux des connaissances factuelles, des savoir-faires
intellectuels, des attitudes et des valeurs.
c) L e d isco u rs critiq u e
D an s les années 1960, à p artir souvent des réflexions que nous venons d 'év o q uer à
propos de l'év o lu tio n de la discipline historique et des sciences de l'éducation, l'enseignem ent
de l'histoire trad itio n n el a été m is en cause p ar un bon n o m b re d'enseignants dans plusieurs
pays. N o u s rap p o rtero n s, dans ce qui va suivre, quelques élém ents de leurs discours critiques,
en tentant d e souligner les perspectives nouvelles qui les anim ent, en soulignant notam m ent
leur préoccupation de fo rm er une personne sociale et autonom e intellectuellem ent p ar une
histoire renouvelée.
R en é V an S antbergen, en B elgique, est peut-être un des p rem iers, dans ces années, à
s'attaquer aux p ro b lèm es de l'enseignem ent de l'histoire: "A utant de problèm es à résoudre,
50 Marc-André Nadeau. L'évaluation des programmes d'étude, théorie et pratique Québec, P.U.L., 1981, p. 238.
Ibid.. p. 9.
28
P o u r d 'au tres, ce sont surtout les m éthodes d 'en seignem ent qui inquiètent. A insi
S uzanne C itron, en F rance:
Je d o is, d it-elle, parler du ren ouvellem ent des m éthodes, questions essentielles,
c a r fin alem en t nous som m es ju g és à travers nos m éthodes. C elles-ci nous
m ettent en relation avec notre public e t charrient la substance m êm e de notre
enseignem ent: d e "bonne" m éthodes peu v en t valoriser un "m auvais"
pro g ram m e m ais la réciproque n 'est p as vraie. N otre m auvaise réputation tient
d 'ab o rd à nos m au v aises m éth o d es53.
Q u an t au Q uébec, Jean-C laude B édard et Jean G ignac décrivent bien la situation qui
prévaut chez eux:
52 René Van Santbergen, "Pour une méthode thématique d'enseignement de rhistoire".Cahiers de Clio. no 29, 1972, p. 53.
53 Suzanne Citron, "Nécessité et implication d'un renouvèlement des méthodes dans l'enseignement de l'histoire"Cahiers de
Clio. 1968, no 15, p. 6.
54 Roger Saucier, "Crise de l'enseignement de niistoire".Cahiers de Clio. 1968, no 40, p. 9.
55 René Van Santbergen," L'histoire en procès dans l'enseignement secondaire". Le professeur d'histoire. 1981, p. 19.
56 Jean-Claude Bédard et Jean Gignac, "Une année d'expérience".Bulletin de la société des professeurs d'histoire du Québec
(mai 1973), p. 16.
29
A u Q uébec com m e ailleurs, l'enseignem ent de l’histoire était donc traditionnel, conçu
com m e le fo n d em en t des institutions politiques et des règles de droit, "centré sur les cham ps de
bataille, les p arlem ents, une histoire qui oubliait souvent q u ’il y avait des hom m es qui
s'agitaient an o n y m em en t à l ’in térieu r des phénom ènes sociaux e t économ iques57."
A ux E tat-U n is, l'enseignem ent de l'histoire était aussi critiqué p a r les pédagogues et les
éducateurs, car là aussi il était enseigné com m e un défilé de faits et de généralisations sur le
passé. E dw in F en to n résum e bien cette situation chez eux:
H istory has been taught in m any A m éricain classroom s as little m ore than a
p ro cessio n o f facts and generalisations about the past, o u r students studied
history co u n try by country and w ith in a country's history, by successive
political regim e... N o respectable historian w ould accept this travesty as an
adeq u ate g o al fo r teaching history in the schools5**.
E n A ngleterre, la situation n'était pas différente. L 'A m éricaine L in d a R osenzw eig, qui
l'a bien observée, ex plique que: "A s in th e U nited States, traditional teaching seem s to
dom inate in the m ajority o f schools, although im pressive exceptions can be cited, particularly
in schools w here the Schools council history 13-16 project m aterials have been adopted59."
57 Jean-Charles Bonenfant, dans Colloque de Bromont-L'avenir de l'histoire et de la géographie. 1974, Québec, 1976, p. 36.
58 Edwin Fenton, On the Nature of History and the Students who Study It manuscrit, 1981, pp. 2-3.
59 Linda Rozenzweig, op. cit. p. 172.
Chapitre II
LES VOIES D E L A R É F O R M E
A. D e s o b je c tif s r e p e n s é s
D ans ces conditions, ce n 'est plus les connaissances factuelles qui sont la principale
m esure de l'efficacité de l'enseignem ent, m ais d'autres objectifs fondam entaux relatifs à la
préparation des je u n es à leur future vie en société. C 'est de ces objectifs que nous allons parler.
N ous tentero n s alors d e v o ir ce que l'histoire p eu t o ffrir à des fins de form ation, ce qu'elle
offre p o u r co n trib u er à ren d re des individus m ieux form és à connaître et à com prendre par eux-
m êm es leu r société, et po u r les rendre plus autonom es intellectuellem ent et capables d'agir
socialem ent.
U n citoyen bien arm é p o u r participer aux choix sociaux d oit disposer de connaissances,
de savoir-faire intellectuels, d'un appareillage de l'ordre des attitudes et des valeurs. C e sont
des objectifs de ces o rd res qu'on d oit fix er à un pro g ram m e d 'en seignem ent de l'histoire.
a) L es co n n aissan ces
L 'h isto ire, se définit com m e une étude scientifique du passé hum ain dans le but de
m ieux "connaître, com prendre et expliquer les sociétés présentes et passées", com m e le
rappelle C hristian L av ille1. U ne large partie de notre réalité contem poraine est incom préhensible
1 Christian Laville, "Place et rôle de l'enseignement de l'histoire, principalement dans l'enseignement secondaire pour la
formation de l'homme au XXe siècle". Bulletin de la Société des professeurs d'histoire du Québec vol 17, no 2 (avril 1976),
p. 7.
31
sous un reto u r au passé; celui qui veut connaître et expliquer une réalité dans le présent doit
av o ir des co nnaissances sur les causes e t les origines de celle-ci dans le passé.
O n défin it les concepts com m e des m ots représentant une classe ou une catégorie
d'idées, d 'o b jets ou de p hénom ènes ay an t des caractéristiques com m unes. M êm e si l'histoire
possède des co ncepts q u i lui sont p ropres, certains relatifs au tem ps, tels période, chronologie,
changem ent, év o lu tio n , d'autres relatifs à la perspective tem porelle, com m es les concepts de
structure, co n jo n ctu re et événem ent, elle em prunte la plu p art de ses concepts aux autres
sciences sociales.
S elon E d w in F enton, les concepts peu v en t être classés en trois catégories: les concepts
universels, les m acro-concepts et les concepts analytiques3. L es concepts qui font partie de la
catégorie appelée m acro-concepts sont trop généraux et n'aident pas l'élève suffisam m ent pour
in terro g er le passé ou le p résen t de la société sous étude. C e sont, com m e d it D av id A rm strong,
des "concepts com plexes"4; ainsi, p ar exem ple, les concepts dém ocratie, socialisation,
diffusion, in flation. L es concepts universels, com m e culture, civilisation, sont encore plus
englobants et généraux que les m acro-concepts. D recouvrent des réalités d'une telle am pleur
qu'ils n e sont pas d es outils de connaissance très utiles. L e concept culture, p a r exem ple,
co m p ren d tout à p ropos de l'hom m e dans un tem ps et un espace donnés, et acculturation est le
term e qui v eu t d ésig n er tous les phénom ènes d'interaction résultants du co n tact de deux
cultures. L 'h isto rien qui voudrait étudier le problèm e de l'acculturation dans une société donnée
d ev rait em p lo y er, p o u r m ieux cern er son objet d'étude, des concepts du genre analytique . Ces
concepts, ex p liq u e E u g en e A nderson, "serve as the nucléus fo r questions; they are the
véhiculés fo r hypothesis testin g 5."
2 Roger Christe, "Notice sur les objectifs spécifiques de l'enseignement de l*histoire".Cahiers de Clio. no 5 (1977), p. 61.
3 Edwin Fenton, John M. Good et Mitchell P. Lightenberg, "Selected social studies concepts", dans Bany K. Bever.Concepts
in the Social Studies. Washington, N.C.S.S., 1967, pp. 24-25.
4 David G. Armstrong. Social Studies in Secondarv Education New York, Macmillan, 1980, p. 32.
5 Eugene M. Anderson et Cary Wehlage.Social Studies Curriculum in Perspective Englewood cliffs, NJ., Prentice-Hall,
1972, p. 7.
32
C e gen re d e concepts su ggèrent p lus précisém ent quoi reg ard er et qui interroger,
guident le ch erch eu r en suggérant un certains nom bre de questions à p o ser au problèm e sous
étude. L e m acro -co n cep t structure sociale, p a r exem ple, fait penser à des concepts analytiques
com m e classe, g roupe, statut... L es questions analytiques que suggèrent ces concepts sont de
p rem ière utilité p o u r l'historien. A insi p ar exem ple, le con cep t ressource suggère des questions
com m e: quelles ressources sont disponibles? C om m ent sont-elles utilisées? Q ui les exploite?
E tc.
b) L es savoir-faire intellectuels
U n e des clés d'un en seig n em en t de l'histoire m ieux apte à ren co n trer les objectifs qu'on
fixe à cet en seignem ent se trouve dans la discipline historique elle-m êm e et particulièrem ent
dans sa m éthode.
é Edwin Fenton, "Structure and inquiry", dans Rodney F. Allen et al., dir., Structure in the Social Studies. Washington,
N.C.S.S, 1971, p. 79.
7 Christian Laville, "Place et rôle de l'enseignement de l'histoire", op.cit. p. 8.
33
E n histoire, on p e u t d onner aux élèves des vérités toutes faites, en seig n er l'histoire dite
factuelle et tout laisser à l’initiative du m aître, qui im pose des contenus déterm inés avec
l’em ploi de la m éth o d e des cours ex-cathédra.
T outefo is, il y a certains principes directeurs que chaque pro fesseu r d'histoire devrait
toujours av o ir à l'esprit, q u el que soit l'âg e d e ses élèves. C elui, n o tam m en t, d'en treten ir
l'intérêt d e l'élève à l'ég ard du sujet traité en em ployant des m éthodes q u i l'obligent à participer
activ em en t aux ap p ren tissag es. S inon, s'il n e s'ag it que d 'éco u ter p assiv em en t un cours, de lire
en classe tel p arag rap h e ou telle leçon du m an u el à la m aison, l'intérêt p o u r l'histoire s'évanouit
vite.
E n seig n er l ’h isto ire sous l'angle de la m éthode suppose que le p ro fesseu r v eu t dépasser
le niveau de la sim ple acquisition des connaissances ch ez l'élève p o u r déb o u ch er su r des m odes
d 'ap p ren tissag e actifs, des form es d ’en seig n em en t autres que m agistrales et expositives. Il
s'ag it p lu tô t d ’u n e d ém arch e faite d ’hy p o th èses e t d e v érifications d ’h ypothèses, qui conduit
l’élève p ro g ressiv em en t à des conclusions plus sûres; une d ém arche plus riche de capacités
potentielles d e fo rm atio n d e l’esprit e t de développem ent de l’autonom ie intellectuelle. N ous
devons im p liq u er alors l ’élève systém atiquem ent dans la dém arche de l’historien: les étapes de
cette dém arche peu v en t être décrites ainsi:
C ette d ém arche que nous venons de décrire est constituée de deux m ouvem ents
principaux: un p rem ier essentiellem ent in d u ctif et l'autre déductif. Les étapes inductives sont
celles d'identification du problèm e et de form ulation des hypothèses, alors que les étapes de
34
S'il est vrai, com m e évoqué plus tôt, que les élèves atteignent en histoire le stade de la
pensée form elle p lus tard que dans d'autres diciplines, il y aurait certainem ent avantage à
introduire graduellem ent les étapes de cette dém arche; à com m encer p ar des apprentissages
rep o san t sur des capacités inductives, p u isq u e celles-ci sont m aîtrisées plus tôt, et à ne procéder
vers des apprentissages supposant l'ensem ble de la m éthode que plus tard, quand les capacités
déductives qui accom pagnent la pensée form elles ap p araissen t
M ettre l'accen t su r la m éthode plus que les contenus développe chez l'élève deux
qualités essentielles: prem ièrem ent, l'accent sur la m éthode aide à résoudre le problèm e de la
pensée form elle, en p erm ettan t des opérations m entales plus concrètes, celles sur lesquelles
p e u t s'ap p liq u er l'in d u ctio n , et en in v itan t à des sujets p lu s concrets, p lus près des élèves et de
leu r vie quotidienne; car à ce stade, les élèves sont capables de raisonnem ents logiques lorsque
leu r pensée rep o se su r des données concrètes e t des problèm es significatifs inspirés de la vie
réelle. D eux ièm em en t, m ettre l'accent sur la m éthode développe ainsi chez l'élève la pensée
critique.
L a p ensée critique est essentielle aux prises de décision rationnelles e t réfléchies. Elle
sert à p ren d re co n scien ce d'un p roblèm e, à o rg an iser e t à exam iner les faits, à do u ter des
vérités toutes faites, et m êm e à rem ettre les connaissances en question. O n voit son im portance
p o u r l'in d ép en d an ce d 'esp rit.
S elon D ressel e t M ayhew , la pensée critique e st un ensem ble d'habilités qui s'exercent
en ordre successif: 1) habileté à définir un problèm e; 2) habileté à sélectionner les données
pertinentes p o u r la résolution d'un problèm e; 3) habileté à reconnaître les suppositions établies
e t non établies; 4) habileté à form uler et à choisir des hypothèses pertinentes; 5) habileté à tirer
des conclusions valid es8. O n voit com m ent les opérations de la pensée critique sont proches de
celles d e la p en sée historienne, et on devine com bien l'apprentissage de celle-ci p eu t être
favorable au dév elo p p em en t d'une p ensée autonom e et critique. L a m éthode de l'histoire
p erm et d'acq u érir des connaissances m ais égalem ent des m éthodes intellectuelles et des
techniques de travail, car l'histoire n'est pas seulem ent une discipline culturelle m ais aussi
instrum entale.
8 P. L Dressel et L. B. Mavhew. General Education. Exploration in Evaluatim. American council on education Washington,
1954, p. 110.
35
S i l'en seig n em en t d e l ’histoire v eu t bien rem p lir son rôle, qui d evrait être rappelons-le
de préparer l'élève à com prendre les faits sociaux, il lui faut, à côté des objectifs de
connaissances et d e savoir-faire intellectuels, se préo ccu p er d'objectifs de l'ordre des attitudes
e t des valeurs, car celles-ci influent tout autant sur les connaissance que sur les savoir-faire mis
en oeuvre p o u r les produire.
P o u r ce qui est des valeurs, il s'agit d 'am en er les élèves à saisir e t à com prendre la
présence e t le rô le des valeurs et des systèm es de valeurs dans les situations sociales et les
com portem ents individuels e t collectifs de la société dans laquelle ils vivent, et aussi de savoir
com m ent elles déterm in en t la constitution du savoir.
L a to léran ce, la ju stice sociale, la liberté, la paix, la dém ocratie, l'égalité9, sont des
valeurs qu'o n trouve dans la p lu p art des sociétés hum aines et qui agissent quotidiennem ent en
leu r n o m L 'élèv e d ev rait être habitué à en m esu rer le poids. F ace à de telles valeurs, et à
d'autres, il d ev rait aussi être am ené à ratio n n aliser les siennes propres et aussi, peu t-o n espérer,
à d istin g u er en tre ses valeurs et celles d'autres groupes ou peuples.
E n p o ssessio n lucide et réfléchie de ces attitudes et ces valeurs, le futur citoyen sera
sûrem ent m ieux fo rm é p o u r agir d'une façon rationnelle et efficace à la construction de sa
société.
B. D e s m é t h o d e s renouvelées
L a ren co n tre des préoccupations nouvelles dans le cham ps de la form ation, qui am ènent
une reform ulation des objectifs poursuivis, associée à la volonté de prendre en com pte les
avancées de l’h isto ire m oderne et celles des sciences de l'éducation, am ènent un
ren o u v ellem en t m ajeu r des m éthodes dans l'enseignem ent de l'histoire. Plusieurs courants se
développent e t en té m o ig n e n t N ous pensons notam m ent à celui qui em prunte la voie de la
diachronie e t du thém atism e, nous pensons surtout à celui qui choisit celle de la redécouverte et
d e l'inductio n . C es co u ran ts n e sont pas sans co n v erg er à l'o ccasion, s'alim enter et parfois se
conjuguer.
L'histoire diachronique et thém atique perm ettrait d'accéder plus facilem ent à la totalité
du réel, en co m m en çan t p a r en exam iner des aspects isolés dans un prem ier tem ps, m ais en
recherchant ensuite les interrelations entre ces aspects, en soulignant la m ultiplicité des rapports
en tre eux.
C ette approche p erm et de m ieux adapter l'enseignem ent historique aux capacités des
élèves et de m ieux p ren d re en com pte les perspectives de l'histoire m oderne. A insi, les thèm es
choisis au d éb u t de la scolarité p euvent l'être en fonction de leurs caractères concrets et il est
possible d e réserv er p o u r plus tard ceux do n t le caractère abstrait est plus m arqué: com m encer
p a r des thèm es d e vie quotidienne, p ar exem ple, et finir avec des sujets de théorie politique ou
d'histoire des m entalité; s'ancrer au com m encem ent dans l'environnem ent im m édiat puis
s'étendre p ro g ressiv em en t à des espaces géographiques et tem porels plus vastes et plus
éloignés.
37
L e B elge R ené V an Santbergen est probablem ent celui qui a le m ieux développé les
principes de cette ap p ro ch e10 e t celui d o n t l'influence a m arqué le plus les pratiques dans
plusieurs pay s, n o tam m en t en F rance e t au C anada fran çais1i .
L a p hase inductive de la dém arche de l'historien leur paraît particulièrem ent riche de
capacités d 'ap p ren tissag e intellectuels. C ontrairem ent à la déduction, qui n'invite au m ieux qu'à
vérifier des énoncés établis, en en rem ontant le fil, l'induction conduit à poser soi-m êm e des
problèm es et à p ro céd er vers leur résolution en form ulant des hypothèses.
lû Voir notamment "L'histoire en procès dans l’enseignement secondaire".Le Professeur d'histoire no 1 (nov. 1968), pp. 17-
36; aussi, "Pour une méthode thématique d'enseignement de rhistoire"-Cahiers de Clio. no 29 (1972), pp. 50-60.
11 En France, la réforme des enseignements d'histoire durant les années 1970 s'est largement inspirée des principes du
thématisme et de la diachronie, mai»; en y insérant, ponctuellement, des tranches synchroniques. Voir Catherine Goguel,
"Les origines de l'expérience d'histoire au Lycée de Sfevres".Cahiers de Clio. no 41 (1975), p. 54. Au Québec, le nouveau
programma d'histoire générale de 1973 manifeste cette influence, ainsi que plusieurs manuels, dont celui de Huguette
Dussault et Christian Laville. Initiation à l'histoire et aux sciences de l'homma Montréal, C.E.C., 1973-1974. Il en va de
même au Nouveau-Brunswick depuis la seconde moitié de la dernière décennie.
12 Voir "L'histoire en procès...", pp. 23s.
38
A ux É tats-U nis, en effet, ce courant pédagogique devient vite dom inant en histoire et
dans les autres sciences hum aines e t sociales, dans le cadre de ce qu'il est convenu de nom m er
les "N ew S ocial S tu d ie s"14. E dw in F enton est un des leaders du m o u v em en t15; po u r lui,
l'enseignem en t de l'histoire d o it rep o ser sur trois critères: "The needs and interests o f the child,
contem porary social p roblem s about w hich students m ay need inform ations, and im portant
substantive k n o w led g e draw n from the social science disciplines16."
D 'u n e certain e façon, les contenus p erd en t leur priorité, puisqu'il s'agit d 'am ener les
élèves à pratiq u er eu x -m êm e la dém arche m éthodologique de l'histoire et que cette dém arche
IT E S T îT 2 5 .
14 Voir à ce sujet Eugene M. Anderson et Cary Wehlage.Social Studies Curriculum in Perspective. Englewood Cliffs, NJ.,
Prentice-Hall, 1972.
15 Lire notamment. Teaching the Social Studies in the Secondary School, an Inductive Approach Chicago, Holt, Rinehart
and Winston, 525o.:The New Social Studies. New York, Holt, Rinehart and Winston, 1967, 144 p.
16 Dans Fenton, Teaching.... p. 6.
39
n 'im p o se au cu n su jet particu lier, qu'au contraire elle p eu t s'appliquer sur à peu près tous. Il ne
s'ag it plus, co m m e le rap p o rte R en ée G authier, de faire apprendre l'histoire, "m ais de la
retracer et se livrer à un travail historique. L e travail historique de l'élève d o it rem placer
l'en seig n an t de l'histoire. D e m êm e qu'il nous est im possible de p en ser p o u r quiconque, de
m êm e il no u s est im possible de chercher po u r un autre17."
O utre la B elgique et les États-U nis, une sem blable approche toucha la plupart des pays
occidentaux d an s les années 1970. A u C an ad a dans son ensem ble, entraînée p ar le m odèle
am éricain 18; au Q u éb ec particulièrem ent où, dès 1973, le nouveau program m e d'histoire
générale vise à "initier au m étier d'historien" e t où cet o b jectif est m aintenu depuis. En
A ngleterre ég alem en t, grâce aux travaux, influents sur les pratiques d'enseignem ent, du School
C ouncil P ro je c t19. E t m êm e, m ais à un degré m oindre, en France, où les services de recherche
de l'Institut natio n al de la recherche pédagogique, dirigés p ar L ucille M arbeau, en sont de
vig o u reu x p ro m o teu rs20.
17 "Pour une dynamique de la curiosité dans l'enseignement de l'histoire".Éducation-Ouébec. vol. 2, no 6 (nov. 1971), p. 21.
18 On voit clairement apparaître le modèle, au fil des années 1970, à travers les pages deThe History and Social Science
Teacher, la principale revue de pédagogie de l'histoire et des sciences sociales au Canada.
19 Particulièrement le proietHistorv 13-16 Voir Charles E. Samec, 'Teaching for Historical Understanding in British
Schools". The History Teachcr. vol. 13, no 1 (nov. 1979), p. 61.
20 Voir notamment les cahiers Recherches dans le premier cycle de renseignement du second deerépubliés par l'INRP (Paris).
Deuxième partie
L ’E N S E I G N E M E N T D E L 'H I S T O I R E
D A N S L E S É T A B L IS S E M E N T S S E C O N D A IR E S A U M A R O C
Chapitre III
PRINCIPES ET PRESCRIPTIONS
L es resp o n sab les d éclarent que les objectifs de l'enseignem ent de l'histoire et de la
géographie sont no m breux, m ais on p eu t les rép artir en deux groupes: les objectifs nationaux et
les objectifs p édagogiques. C itons-en des extraits significatifs.
L es objectifs nationaux
L a co n n aissan ce du m ilieu de l'élève n'est pas le seul but de cet enseignem ent,
car cela conduit à une lim itation de ses perspectives et à créer chez lui une
conscience nationaliste ferm ée, chose incom patible avec la citoyenneté
au th en tiq u e, c'est pou rq u o i les p rogram m es d'histoire essayent toujours de
situ er l'histoire du M aroc et du m onde m usulm an dans le cadre de l'histoire
u niv erselle, e t de d o n n er un aperçu sur l'histoire des autres peuples, en m ettant
en év id en ce leu r contribution dans le progrès hum ain selon l'horaire disponible
e t le niveau des élèves.
C ela p erm e t à l'élève d'avoir progressivem ent le sentim ent de la continuité du
p ro g rès d e l'h u m an ité e t de la solidarité entre les peuples. L 'élèv e p ourra se
situer réellem en t e t précisém ent lui-m êm e et situer sa nation dans le tem ps et
dans l'espace, ce qui lui perm ettra de contribuer avec conscience, vigilance et
foi au co m b at de libération et de développem ent de son p ay s1.
L es objectifs pédagogiques
L e cours d'histoire doit contribuer énorm ém ent à la form ation intellectuelle et m orale de
l'élève. V o ici q u elq u es-u n s des objectifs visés, selon les m êm es instructions:
L e cours d 'h isto ire dév elo p p e aussi l'aptitude à analyser, à com parer, à déduire,
à sy n th étiser et cela à partir des docum ents, photos et autres m oyens
d'o b serv atio n s p u is p asser de l'analyse à l'extrapolation et au dessin des cartes
e t des schém as.
1 Royaume de Maroc, Ministère de l'éducation national. Secrétariat général. Direction de l'enseignement secondaire et
technique. Division des programmes et inspections spécialisées.Programme d’histoire et de géographie dans l'enseignement
secondaire, octobre 1973.
2 Ibid.. pp. 4-5.
43
L a leçon d ’histoire
L 'ex p licatio n q u i est en p rem ier lieu, n e d o it pas prendre l'aspect d'un
m o n o lo g u e ou d'un cours m agistral ou les élèves écoutent sans réaction. M ais
c'est un éch an g e où le pro fesseu r p art des faits connus des élèves fait appel à
le u r co m préhension et sollicite leurs interventions afin de participer au cours.
D ans le deuxièm e cycle, le résum é dicté doit disparaître dès la cinquièm e année,
l ’élève s'h ab itu era à la prise de notes au m om ent de l'explication, l'élève peut
être aidé p a r un plan détaillé au tableau qui paraîtra soit au début du cours soit
par étapes. Ils est inconcevable de dicter le résum é dans la 6ièm e et la 7ièm e
année secondaire4.
3 Ib id .. pp. 4-6.
4 Ib id.. p. 9.
44
C 'est un o u til d e travail p o u r l'élève organisé et p résen t avec lui à l'école com m e
à la m aison. D l'habitue à s'auto-cultiver à travers la lecture, l'aide à déduire, à
co m p arer, à résu m er.
Il faut que le pro fesseu r habitue ses élèves à réviser la leçon précédente dans le
m anuel; il p eu t leur dem ander de lire le leçon du jour.
Il est souhaitable que le m anuel soit ouvert devant les élèves au m om ent du
déro u lem en t de la leçon, afin qu'ils bénéficient des illustrations qui s'y trouvent
p o u r les exploiter, p o u r exercer leur observation, leur intelligence et leur
com p réh en sio n .
Il n'est pas n écessaire que le professeur explique tout ce qui se trouve dans le
m anuel, co m m e les détails, car ceux-ci sont m is pour développer les
co n n aissan ces d e l'élève.
Il est p référab le q u e les élèves, avec l'aide du professeur, résum ent l'idée
générale d e ch aq u e paragraphe, sans que celle-ci ne dépasse une ou deux lignes
car l'essen tiel est de fix er les connaissances et les conclusions dans l'esprit des
élèv es5.
5 Ibid.. p. 13"
45
L ’ap p ren tissag e de l'histoire est p o n ctu é de deux exam ens m ajeurs. L es instructions en
décriv en t les ex igences. P o u r l'obtention du certificat d'études secondaires de la fin du prem ier
cycle, l'élève doit: 1) analyser un sujet historique en une quinzaine de lignes; 2) analyser un
texte histo riq u e et rép o n d re à quelques questions très sim ples qui p o rten t sur la com préhension
d'un texte court. L es textes d'histoire seront extraits des m anuels scolaires inscrits au
program m e du p rem ier cycle et sur lesquels les élèves auront travaillé dans l'année.
P o u r le b accalauréat, s'ils sont en lettres m odernes et économ iques, les élèves ont le
choix entre deux dissertations et une explication de texte. D ans la section scientifique et lettres
originelles, si l'histoire e st leur sujet principal, après le tirage fait une quinzaine de jours avant
l'exam en, ils ch o isissen t en tre trois d issertatio n s, m ais si l'histoire n 'est qu'un sujet secondaire
les élèves o n t le choix d e réd ig er dix lignes sur un sujet donné ou de répondre à quelques
questions acco m p ag n an t un texte.
f) L e p ro g ram m e d 'histoire
L a deu x ièm e p artie des instructions officielles présente les program m es d'histoire de
tout l'en seig n em en t secondaire. D ans ce qui va suivre, nous allons p résen ter un résum é de ces
program m es, av an t d'en tam er leur analyse plus tard. (On retrouvera les program m es au
com plet en appendice d ).
1. L 'a v è n e m e n t de l'Islam
2. L e g rand C alifat islam ique
3. M o rcellem en t de l'em pire m usulm an
4. L 'em p ire m ag réb in
5. R elatio n du m onde m usulm an et de l'E urope
B . L e s in s t r u c t i o n s o ffic ie lle s e t le p r o g r a m m e : a n a ly s e
Iss., objectifs
M ais quel est le "bon citoyen" dont il est question? Q u'attend-on exactem ent de lui? De
quelles cap acités, précisém en t, devra-t-il disposer? Tel qu'il est form ulé, l'o b jectif reste très
vague, de peu d'utilité p o u r le m aître p o u r définir son program m e concret, choisir des activités
d 'ap p ren tissag e, des outils pédagogiques.
6 Ibid.. p. 5-^.
48
E n fait, un o b jectif ainsi énoncé indique une finalité générale m ais d it peu de chose sur
les objectifs p éd ag o g iq u e quotidiens à poursuivre, sur les m oyens p o u r atteindre la finalité.
D 'ailleurs, les instructions officielles m élangent fréquem m ent fins e t m oyens. M êm e si les deux
concepts sont in terreliés, ils resten t différents e t il im porte de les distinguer, car "confondre ces
deux concep ts, ex p liq u e Jacques L apointe, no u s am ène bien souvent à appliquer des solutions
à des problèm es n o n d éfinis ou encore peu ou m al définis"7.
U n tel m élan g e laisse l'éducateur désorienté, em barrassé e t dans un état de doute pour
viser l'attein te des objectifs fixés, lorsque les instructions ne donne aucune indication sur les
m oyens de les atteindre. P lus les objectifs sont définis de façon vague ou im précise au départ,
plus il est d ifficile d 'entreprendre des actions cohérentes p o u r assurer leu r réalisation. D 'après
R o b ert M ag er, "il e s t im possible d 'év alu er avec efficacité la v aleu r d'un cours où d'un
pro g ram m e lo rsq u 'il n'y a pas d 'o b jectifs clairem en t définis et que l'on n e d iap o se d'aucune
base sûre p o u r ch o isir conv en ab lem en t les m oyens, les sujets ou les m éthodes
d 'en seig n e m en t"8.
L es in stru ctio n s disent, p a r exem ple, que le cours d'histoire d o it développer chez
l'élève l'observ atio n e t l'esp rit critique, l'aptitude à analyser, à com parer, à déduire et à
synthétiser. M ais co m m en t y arriver pratiquem ent dans la réalité scolaire? O n sait que le m anuel
est parm i les m o y en s didactiques les plus disponibles et celui qui jo u e le plus grand rôle9.
C o m m en t l'élève d ev rait-il se servir du m anuel po u r développer ces aptitudes, s'auto-cultiver,
d éd u ire, co m p ren d re, sy n th étiser, etc.? L es instructions n'en d isen t m ot.
D 'ailleu rs, à p ro p o s du m anuel, les responsables disent qu'il d o it être o uvert devant les
élèves au m o m en t du déroulem ent de la leçon. O r la plupart des réponses sont m entionnées
dans le récit du m an u el e t les élèves n 'ont à répondre que ce qui est écrit sans exercer aucun
autre effort. Us e st m êm e indiqué q u e "les titres des paragraphes résu m en t l'idée essentielle, on
p eu t donc s'en su ffire10". C o m m en t esp érer alors que l'élève fasse autre chose que
"m ém oriser"? Il a effectivem ent été observé que la plupart du tem ps le m anuel est "appris par
l'élève à l'état b ru t avec son récit e x h a u s tif'11.
7Jacques Lapointe, "L'analyse des besoins d'apprentissage".Revue des sciences de l'éducatioa vol. IX, no 2, 1983, p. 263.
8 Robert Mager, "Comment définir des objectifs pédagogique^'. traduit et adapté par G. Decote, Nouveau tirage, 1976, p. 2.
9 Nous reviendrons sur cette question plus loin.
10 Les instructions officielles, op.cit.. pp 15-16.
11 Zakia Bennani-B.. Contribution à la méthodologie de l'enseignement de l'histoire au Maroc l'exploitation pflagogiqyiLds
mêmes contenus dans deux années successives mémoire de post-graduat, Université libre de Bruxelles, 1978, p. 27.
49
L es in stru ctio n s officielles d éclarent aussi que l'enseignem ent de lTiistiore vise la
form ation intellectuelle e t m orale de l'élève, en développant son intelligence, sa m ém oire, son
observation, son esp rit critique e t la notion du tem ps, la relativité et le raisonnem ent, m ais ne
m ettent aucun critère à la disposition de l'enseignem ent p o u r faire acquérir ces élém ents à
l'élève, n i n e d isen t co m m en t l'enseignant d o it p résen ter la m atière historique à l'élève, ni
co m m en t p eu t se dév elo p p er la notion du tem ps.
H fau t d'ailleurs rappeler, à ce dernier sujet, com bien le tem ps historique est de nature
com plexe e t co m bien il p o se de problèm es didactiques distincts suivant le niveau
d'enseignem ent. E n effet les élèves e t les étudiants n 'o n t pas tous les m êm es caractéristiques
aux différents âges, notam m en t en ce qui concerne les com portem ents affectifs, les influences
sociales e t le d év eloppem ent cognitif. L es rédacteurs des instructions officielles devraient alors
faire des suggestions didactiques différentes selon le niveau d'enseignem ent, différencier entre
le niveau d'âge d es élèves du p rem ier cycle e t ceux du second cycle, suggérer p ar exem ple des
étapes sim ples p o u r les uns e t plus com plexes p o u r les autres, telles que "raisonner" et
"critiquer", c a r les études des psychologues d ém ontrent que les adolescents éprouvent les plus
grandes difficultés à "raisonner" en histoire. L e didacticien C hristian L aville pose m êm e la
question "peu t-o n en seig n er l'histoire au secondaire?" en rappellant que ce n'est peut-être que
vers dix-huit ans q u e l'adolescent accède à la p ensée fo rm elle12.
L e co n trô le du travail de l'élève, do n t les instructions disent qu'il e st "l'un des m om ents
les plus im p o rtan ts d an s le déro u lem en t du co u rs"13, et la leçon d'histoire sont deux points
essentiels des m éth o d es d 'en seig n em en t suggérées.
12 Voir les principales conclusions des recherches de Christian Laville à ce sujet dansiBulleùn de liaison de la S.P.H.O. vol.
XIII, no 2, "Peut-on enseigner l'histoire au secondaire", (mars 1975), p. 39.
13 Les instructions officielles, op.cit.. p. 6.
50
P o u r être b ien classé, l'élève doit donc se soum ettre au m anuel scolaire et à tout ce qui
est d it p a r le professeur. E n conséquence, les relations entre m aître et élèves se résum ent au
m aître qui transm et des connaissances et aux élèves qui écoutent, enregistrent et résum ent dans
leurs cahiers ce qui est d it p a r le professeur. O n est loin des tendances actuelles de
l'enseignem ent de l'histoire qui p rô n en t les ateliers, la pédagogie de la découverte et de
l'expression p erso n n elle. Si l'élève est l'agent p rem ier de son éducation, et si agir p ar soi et
po u r soi est le m eilleu r m oyen d 'acq u érir de l'expérience et de s'instruire p o u r devenir
autonom e intellectuellem ent, com m ent les élèves du secondaire le pouiront-ils lorsque le
p ro fesseu r agit dans le cours d'histoire à leu r place? M aurice Séguin nous d it à ce propos: "Le
rem p lacem en t constitue une oppression. Q uand une personne agit à la place d'une autre
personne, q u an d elle se substitue p h ysiquem ent ou intellectuellem ent à une autre, il s'ensuit
p o u r cette p erso n n e rem p lacée la perte de l'opportunité d'acquérir de l'expérience et de
l'initiative e t d e d év elo p p er des habitudes d'agir et de p en ser16." En outre, com m e le rappelle
M arc-A n d ré B loch, "les expériences e t connaissances d'autrui, qui nous sont transm ises et que
nous assim ilons p a r un travail réceptif, n ’o n t de significaton p o u r notre vie psychique que dans
14 L'évaluation: est une approche relativement récente qui a attiré l'attention surtout pendant la décennie écoulée. Auparavant
on évaluait presqu'exclusivement l'enseignement à partir des résultats obtenus par les élèves. Mais depuis plusieurs années,
des recherches surtout aux Etats-Unis, s'efforcent de conférer une plus grande exactitude et une plus grande efficacité à
l'évaluation pédagogique, leurs travaux ont donné naissance à une science de l'évaluation qui comporte comme toute science
un langage particulier. Le premier modèle systématique pour l'évaluation du rendement a été élaboré par l'américain Tyler
dans les années trente. Cette réalisation a orienté la plupart des études concernant l'évaluation. A ce sujet Voir E. De Coté,
C.T. Geerligs, Lagerweij. Peters, R. Vandenberphe Les fondements de l'action didactique A De Boeck, 1979, p. 293.
15 Mohamed Zaimi, "L'élève marocain et le cours d'histoire" .Revue culturelle Aaulam. Casablanca, les éditions
maghrebiennes, no 5 et 6 (janvier 1980), p. 39. (Notre traduction).
16 Maurice Séguin, Initiation à l'histoire du Canada, normes, texte polycopié, (Université de Montréal), département d'histoire,
1965-66, p. 10.
51
la m esure où elles ren co n tren t des expériences propres, de nature an alo g u e17." A insi les seules
connaissances qui p u issen t influencer le com portem ent d'un invividu sont celles qu'il découvre
lui-m êm e. D o n c, p o u r com prendre la vie des hom m es, l'élève dev rait accom plir sa propre
dém arche intellectuelle et le travail de recherche deviendrait la base m êm e de l'enseignem ent de
l'histoire en m ettan t l'accen t sur la m éthode plus que su r le contenu. C 'est ainsi que l'élève
acquérait de vraies connaissances historiques, puisque c'est lui-m êm e q u i les aurait constituées
e t apprises, e t q u e les "contrôles" pourraient tester les savoir-faire intellectuels au delà de la
m ém oire.
L a leçon d 'histoire se base avant tout sur le m anuel scolaire. L es instructions officielles
p ro p o sen t q u an d m êm e quelques autres m oyens d'enseignem ent, do n t les cartes historiques,
les photos, les diapositives. M ais l'utilisation de ces m oyens reste très faible selon une enquête
faite dans cinq lycées de R ab at18 et cela est dû à deux raisons principales: l'insuffisance du
m atériel audio-visuel; le m an q u e de form ation des professeurs. T outefois, le professeur
em ploie à l'occasion les illustrations e t les textes du m anuel scolaire.
L 'an aly se des textes do n n e à l'élève l'occasion de s'exercer à des interprétations. M ais
cela "reste occasionnel, selon B ennai Z akia, non recherché et m inim e p ar rapport au cours ex-
cathédra qui reste largem ent pratiqué et d o m inant19." Zaim i M oham ed considère aussi que
l'en seig n em en t m agistral do m in e encore nos cours d'histoire20. C ette m éthode est un m oyen
pédagogique valable e t certaines recherches ont dém ontré, notam m ent, que l'enseignem ent
m agistral p erm et de transm ettre efficacem ent de l'inform ation, m ais qu'il n e favorise guère le
développem ent de certaines habiletés m entales (porter un jugem ent, p ar exem ple).
C 'est d 'ailleurs très m anifestem ent dans un esprit d'enseignem ent m agistral que les
instructions d écriv en t ce q u 'elle appellent "L a leçon d'histoire". Ses deux pôles en sont
l'explication e t le résum é.
L 'ex p licatio n , c'est celle du m aître à l'élève, un échange vertical où "le pro fesseu r
sollicite l'intervention de l'élève, fait appel à son intelligence et l'incite à observer"21, mais
"sans p ro v o q u er une anarchie dans la classe"22. E ssentiellem ent, l'élève ne parle que pour
17 Marc-André Bloch. "Philosophie de l'éducation nouvelle" danspédagoeie d'aujourd'hui P.U.F. 1973 p. 116.
18 Houcine Albairat et Senhajim Benani, L'utilisation des moyens audio-visuels dans l'enseignement de l'histoire-géoeraphie
au secondaire, enouête menée dans cino lycées de Rabat C.P.R de Rabat-Souissi, cycle de formation des professeurs, année
universitaire 1981-1982.
19 Zakia Benani-B.. op. cit.. p. 35.
20 Mohamed Zaïmi. o p .cit.. p. 47.
21 Les instructions officielles.op.cit.. p 35.
22 ML
52
réciter des leço n s où répondre à des exercices oraux, et ses interventions libres restent rares. Le
dialogue qu i ex iste dans les classes d'histoire au M aroc, si on se fie à une étude récente, est
L es facteurs d e cette situation sont selon cette étude "la form ation des professeurs, la
lourdeur du p ro g ram m e qui em pêche de poursuivre le dialogue didactique, un surplus des
élèves dans les classes e t enfin une faiblesse d'équipem ent"24.
L es in stru ctio n s d isen t aussi que le cours d'histoire ne d oit pas se transform er en une
énum ératio n d e dates, d'événem ents, et de nom s de personnages et que le pro fesseu r doit
suivre les m éthodes p édagogiques actives. C elles-ci ne sont pas définies. M ais on sait qu'une
m éthode active fait le plus large appel à l'initiative des élèves, les traite non com m e des sujets
réceptifs e t inertes, m ais en associés et en participants, et la relation entre le m aître et élèves est
une relation de récip ro cité et d'échanges. Selon ce qui précède nos classes d'histoire sont loin
d 'être ainsi.
¿3 Mohaned Berhoun et al.. L e dialogue dans le cours d'histoire dans l'enseignement secondaire mémoire pour l'obtention du
diplôme d e l'ENS, Rabat, 1979-1980, p. 34.
24 Ibid., p. 35.
53
P o u r le second cycle, les instructions officielles indiquent qu'il ne faut plus dicter un
résum é aux élèves. C eu x -ci do iv en t prendre des notes à leur gré, car il est attendu qu'à ce
niveau ils sav en t ce q u 'il faut reten ir e t o n t acquis des procédés d'enregistrem ent adaptés. M ais
qu an d e t co m m en t l'ont-ils appris? O nt-ils été préparés à distinguer entre l'essentiel et le
secondaire dans leu r cours d'histoire antérieurs? L a réalité m ontre que les élèves continuent à
dem an d er des résu m és, surtout dans les classe de term inale, à cause de l'exam en du
baccalauréat qui exige le "par coeur" p o u r réussir, et c'est dans ces classes aussi que le
"dialogue" d im inue afin d e disposer du tem ps nécessaire p o u r term iner le program m e.
L es m anuels scolaires
D ans son liv re intitulé C onceptions et production des m anuels scolaires. François
R ichaudeau défin it un m anuel scolaire com m e "un m atériel im prim é, structuré, destiné à être
utilisé dans un p ro cessu s d'apprentissage et d e form ation concrète"25. M algré la variété des
m oyens audiovisuels, les m anuels scolaires restent dans la plupart des pays les instrum ents les
plus utilisés p ar les enseignants dans leurs classes. Ils sont les m eilleurs inform ateurs des
élèves. Ils so n t aussi d 'une grande facilité d'em ploi lorsque chaque élève dispose librem ent de
son livre. M ais il fau t se souvenir, com m e le rappelle R ichaudeau, qu'un m anuel peut être
co n stru it "so it en fonction de l'élève, so it en fonction du m aître", et qu'alors "le choix de l'une
ou de l'autre de ces perspectives déterm inera la nature du m anuel, déterm inera enfin le "ton" du
m anuel (à q u i s'ad resse-t-o n )"26.
A u M aroc, les m anuels d'histoire po u r le p rem ier cycle du secondaire sont apparus au
m êm e m om en t que l'arabisation de la m atière, tandis que ceux du deuxièm e cycle ne sont venus
q ue dix ans plus tard. L es m anuels disponibles sont les suivants.
25 Francois Richaudeau. Conception et production des manuels scolaires, guide pratiQue Paris. Unesco, 1979, p. 51.
26 ¡¿id, p. 56.
54
E n p rin cip e, selon les instructions officielles, les m anuels s'adressent en m êm e tem ps à
l'élève e t au p rofesseur. C elui-ci est laissé libre de l'utiliser à sa convenance, et seul le m anuel
d e prem ière année do n n e des directives d'utilisation. C es m anuels, sau f celui de la prem ière
année encore, n e co n tien n en t pas d'exercices, d'appels à des inform ations extérieures, ils ne
com prennen t n i référen ces, n i lexiques, ni instrum ents de contrôle. Ils contiennent cependant
une docum en tatio n assez variée (tableaux, cartes, dessins, etc.), qui généralem ent appuie le
texte de la leçon. D est d it dans les instructions officielles que les m anuels aident l'élève à se
cultiver, à co m p ren d re, à observer, à déduire, m ais on ne voit dans les m anuels aucune
m éthode qui p erm ettrait d'y arriver.
L 'histo ire présentée dans ces m anuels est une histoire racontée, principalem ent
événem entielle, m ilitaire et politique, réduite du côté social, économ ique et culturel. C 'est un
récit linéaire, continu, souvent à prétention érudite, m ais dans un style qui se veut facile et clair,
e t p ro céd an t au plus ancien au plus récent, à travers une filiation sim ple de causes en
conséquences. C 'est le genre, com m e nous le d écrit C hristian Laville, du récit "com plet,
achevé, ferm é sur lui-m êm e. L e passé y paraît établi une fois p our toute"27. S'il est à peu près
certain q ue l'élèv e p eu t retirer un bon nom bre d'inform ations de ce récit, il est douteux qu'il en
retire des capacités de produire lui-m êm e des connaissances ou de développer son autonom ie
intellectuelle et sa pensée critique.
27 Christian Laville, "Le manuel d'histoire pour en finir avec la version de l'équipe gagnante" Enseigner l’histoire des manuels
à la mémoire. Textes présentés par Henri Moniot, Berne, Peter Lang, 1984, p. 37.
55
E n outre, les m anuels sont destinés autant aux professeurs qu'aux élèves. C e double
rôle n'im plique-t-il pas un danger pédagogique? R écit chargé, au vocabulaire com plexe, à
vocation encyclopédique, peut-il développer chez l'élève d'autres capacités que la sim ple
m ém orisation d e faits, d e nom s, d'événem ents? Il est de toute façon des recherches
britanniques28 qui o n t d outé des capacités des élèves de com prendre quoi que ce soit aux
m anuels d 'h isto ire récits. A près avoir m is à l'épreuve divers m anuels scolaires du secondaire,
elles ont conclu que les élèves incapables de pensée form elle ne peuvent pas com prendre le récit
abstrait des m anuels. O r c'est la situation, très probablem ent, du grand n o m b re des élèves
m arocains, aux p rem iers niveaux s u rto u t
b ) A nalyse du program m e
m odifications m ineures (réunir, p ar exem ple, en une seule leçon les leçons sur l'unité
allem ande e t italienne de sixièm e année); c'est donc un program m e bien établi29. N ous en
ferons m ain ten an t l'exam en, particulièrem ent sous l'angle d e ses contenus et de la pédagogie
q u 'il suppo se.
C aractéristiques du contenu
C ho isir de recom m encer, p ar ailleurs, avec la Préhistoire et l'A ntiquité est-il le m eilleur
choix? O n sait que n 'ay an t pas atteint le stade des opérations form elles, l'élève n'a pas encore
acquis le sens d e la d u rée, du changem ent, de l'histoire. Il n'arrive m êm e pas à situer les
hom m es e t les événem ents dans leur contexte. A ce niveau l'élève est un "anachronique. Au
m om ent o ù on co m m en ce à lui présenter l'hom m e e t ses activités, il situe tous les événem ents
dans le m êm e p résen t indéterm iné où il vit lui-m êm e"30. F aut-il alors transporter l'élève d'office
dans le p assé le p lu s lointain, dans des espaces géographiques si éloignés?
L a p erception du tem ps historique n'est pas une chose facile à ce niveau car elle dépend
à la fois de l'habileté intellectuelle, de la m aturité psychologique, de la possibilité de se projeter
hors du présen t, so it vers le passé soit vers l'avenir, elle dépend égalem ent d'autres facteurs
Í9 Sur l'histnire rin pmgrammp, nn lirTÀhrielnuahari KoLan, "Une analyse du programme de l'enseignement de l'histoire au
premier cycle de l'enseignement secondaire", dans la revue "ALHADAF", no 2,1985, p. 25, (en arabe).
30 Jean Cosette, "Quelque réflexion sur le cours ri'hi.<¡toire".Cahiers de Clio. numéros 45-46, 1976, p. 5.
57
tels que la culture, le milieu et la famille. Incapable de saisir l'ampleur de cette histoire
lointaine, l'élève risque de ne retenir que des noms, des faits, des dates, de mémoriser des
analyses et des synthèses toutes faites sans apprendre à se servir de son intelligence. C'est
pourquoi, aujourd'hui, on préfère souvent commencer l'histoire par l'analyse de l'aspect
concret des choses avant d'envisager l'étude des notions plus complexes, politiques,
philosophiques, artistiques. Les élève s'y retrouvent plus aisément dans les besoins
fondamentaux des hommes et des sociétés humaines, tels les besoins primaires (le vivre, le
couvert, l'habit, la protection de la vie), les nécessités économiques (commerce, industrie,
agriculture, transport, communication), avant d'arriver progressivement aux besoins d'ordre
politique (la vie en société, la vie nationale et internationale), et enfin à ceux d'ordre culturel
(science, religion, art, jeux, éducation). Comme l'explique Femand Lemaire:
Donc le recul dans un passé lointain, comme la projection dans un lieu éloigné avec un
sujet abstrait, tel une religion ancienne, peut plonger l'élève dans l'irréel, surtout celui de
première et même de deuxième année. Pour lui Tailleurs et autrefois sont hors de son monde.
L'idéal serait donc d'essayer de remonter d'aujourd'hui à autrefois, du présent au passé, du
plus proche au plus lointain dans le temps, et cela rendrait l'élève plus capable d'imaginer un
passé antérieur au sien et de saisir l'évolution des choses dans le présent.
31 Femand Lemaire, "Un programme d’histoire pour notre temps". Cahiers de Clio, no 4, 1965, p. 6.
32 Les instructions officielles, 1973.op.cit.. p. 4.
58
Dans cet esprit le cours d'histoire devrait consister à pratiquer dans toutes ses étapes la
méthode scientifique adaptée à la recherche historique (méthode exposée dans ses grandes
lignes plus tôt). Cela signifie que l'enseignement de l'histoire ne doit pas se limiter à la
narration et à la mémorisation des faits, mais doit apprendre comment raisonner, chercher,
analyser, critiquer, synthétiser, car c'est ici même la genèse du principe de formation et la seule
approche possible pour les élèves pour comprendre les civilisations lointaines et proches. C’est
aussi le meilleur moyen pour que l'élève sache définir l'histoire, connaisse le rôle de l'historien
et aussi l'utilité de l'histoire pour la compréhension des civilisations passées, présentes et
futures.
Le programme se caractérise aussi par un surcharge des contenus et par la répétition des
sujets du premier cycle au niveau du deuxième cycle. Comme plus de quarante pour cent des
élèves quittent le secondaire à la fin du premier cycle, l'ensemble de l'histoire nationale et
internationale leur est offert avant. On assiste alors à une course folle à travers le temps, où le
programme voit tout de la préhistoire jusqu'au milieu du 20e siècle, la quatrième année
couvrant à elle seule cinq siècles (du 16e au 20e) et les cinq continents.
Cette surcharge du programme est constatée de tous, tant des enseignants que des
inspecteurs et même des élèves. Pour les enseignants, "c'est un programme trop chargé et très
long"34, dit l'un; pour un autre, cette surcharge est "parfaitement compatible avec l'un des
33"Àndré Segal, "Enseigner la différence par l'histoire". Mélanges René Van Santbereen. Numéro spécial des Cahier? d? Çljg
1984, p. 45.
34 Abdelouahad Kotri, Contribution à l'évaluation des acquisitions des connaissances.... Qg.çit-, P- 63.
59
objectifs nationaux" mais "va aussi tout à fait à rencontre des autres objectifs pédagogiques
assignés par les instructions"35; "la lourdeur du programme est nette", dit un troisième36. Et
selon une enquête auprès des enseignants, "76% insistent qu'il est un programme lourd"37 à
enseigner.
Les inspecteurs pensent de même. Ils constatent que les contenus lourds et surchargés
des programmes sont parmi les principaux problèmes qui se posent pour réaliser les objectifs
fixés par les instructions38. Quant aux élèves, ils n'arrivent pas à terminer le programme, ils ne
l'étudient pas profondement, il est pour eux difficile à assimiler car il contient un trop grand
nombre de leçons39.
Enseigner est une fonction très surévaluée, dit-il. Enseigner signifie instruire.
Cela ne m'intéresse pas d'instruire quelqu'un, de décider que telle et telle
connaissance doit être inculquée, d'obliger autrui à savoir quelque chose. Trop
de gens sont aujourd'hui guidés, dirigés. C'est une relation que je trouve
néfaste. Ensuite, de quelles connaissances s'agit-il? Quels sont ces faits sacro-
saints, incontestables, qu'on souhaite à tout prix incruster dans de jeunes
esprits? La seule chose dont je suis sûr, c'est que la physique telle qu'elle est
enseignée aujourd'hui, et la chimie, et la sociologie [...] seront complètement
passées de mode dans dix ans. Même les faits historiques sont question de
culture et d'époque. Nous nous trouvons actuellement dans une situation
tellement évolutive qu'elle met en question tout l'acquis de notre culture.
35 BachirTamer. Une image de l'enseignement de l'histoire au Maroc au travers d'une analyse des instructions officielles
Mémoire de Post-graduat, U.L.B., 1980-1981.
36 Zakia Benani B.. Contribution à la méthodologie de l'enseignement de l'histoire au Maroc... op.cit.. p . 15.
37 Laroui et al.. A propos des instructions officielles à travers les programmes d'histoire Mémoire présenté pour l'obtention
du diplôme de l'E.N.E.S., Rabat, 1979-80, p. 19, (en arabe).
38 Kridia et al.. Les problèmes d'enseigneT l'histoire dans l'enseignement secondaire mémoire présenté pour l'obtention du
diplôme de l'E.N.E.S., Rabat, 1976-77, p. 17, (en arabe).
39 Ibid.. p. 19.
40 Abdelouahad Kotari.Contribution à l'évaluation de connaissances op.cit.. p. 69.
60
Aucune connaissance n'étant plus certaine, la seule chose que nous puissons
enseigner actuellement, c'est apprendre à apprendre41.
D faudrait donc, si l’on veut mieux assurer une formation réelle des élèves, renoncer
aux programmes surchargés et ambitieux. Une approche active de l ’histoire, écrit Fernand
Lemaire, "exige un rythme de travail très lent; une méthode expositive, ou même cette
"redécouverte" collective où l'on avance à un rythme des plus rapides, permettent de faire
"ingurgiter" aux élèves des programmes encyclopédiques. Il faut y renoncer si chaque élève
doit réaliser une découverte personnelles42."
L'histoire étudiée du Maroc est une histoire politique et événementielle, et les rapports
entre les différents domaines économique, social, politique, culturel est une chose rare dans le
programme. La politique constitue l'axe principal. En troisième année, par exemple, les sujets
d'histoire du Maroc sont quasi exclusivement politiques, dynastiques et constitutionnels.
On sait pourtant, comme l'observe l'auteur d'une étude sur l'enseignement de l'histoire
nationale, que "l'histoire strictement politique offre peu d'attrait" pour les élèves43. Un
sondage effectué au Québec en 1975 par deux enseignements d'histoire nationale démontre
aussi que "l'aspect politique est plus difficilement accepté par les jeunes"44.
41 Cari Rogers," Les enfants ne sont pas des oies à gaver", cité par André Lefebvre dan^ahiers du groupe de recherche en
didactique de l’histoire.Montréal. Guérin, 1978, p. 137.
42 Femand Lemaire, op.cit p. 11.
43 C. Petter Hill, L'enseignement de l'histoire, conseils et suggestions.Paris. Unesco, 1953, pp. 24-25.
44 Laurent Boivin et Grégoire Poulet Sondage auprès des professeurs et des étudiants en histoire nationale document de
travail manuscrit présenté à monsieur Bruno Deshaies, responsable des sciences de l'homme au Ministère de 1éducation du
Québec, Commission scolaire régionale Chauveau, avril 1975.
61
De toute façon, la place faite à l'histoire nationale reste faible dans son ensemble.
Quatorze leçons seulement sur 88 dans tout le deuxième cycle. Cela même si "le programme
d'histoire, selon les instructions officielles, essait toujours de placer l'histoire du Maroc et du
monde musulman dans le cadre de l'histoire générale... ”48. En réalité, l'histoire du Maroc
n'arrive souvent qu'en dernier lieu et les contenus d'histoire européenne prennent une plus
large place que ceux du Maroc. Le schéma ancien de l'histoire coloniale persiste donc,
l'histoire la plus présente est celle de l'Europe, la culture de référence, celle à laquelle les autres
sont comparées, reste aussi la culture européenne. L'enseignement de l'histoire au Maroc, vu à
L'Orient
Le monde musulman La situation en Afrique du Nord
Le Maroc sour les Sââdiens
Tunisie
Gharb islamique
Maroc: La décadence sâàdienne et l’avènement
de la dynastie Alaouite
Afrique •Le Maroc sous Moulay Ismail
•Le Maroc au XVIIIe siècle
Europe et en Amérique
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Les mouvements d'indépendance en Amérique Latine
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L'unité italienne et allemande
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L'impérialisme en Extrême-Orient
Au Moyen-Orient L'Algérie
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Au Maghreb Maroc: Moulay Slimane et
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65
travers les programmes, paraît encore fortement teinté d'européocentrisme. Les contacts avec
l'occident restent le fondement de l'histoire des autres peuples, l'histoire du Maghreb et du
monde musulman n'est qu'une annexe à l'histoire européenne.
La place faite à l'Afrique, à l'Amérique latine et à l'Asie dans les programmes est
moindre encore que celle faite au Maroc. Ces espaces ne commencent à exister que quand
l'Europe les "découvre". Ni l'Afrique, ni l'Amérique ne sont vues avant; c'est donc seulement
au moment où le contact avec les Européens s'établit que l'élève Marocain découvre ces
continents et les peuples qui les habitent L'élève risque d'en conclure que ce sont les
Européens qui, en découvrant l'Afrique, l'ont "créée". D jibril Tamsir nous rappelle d'ailleurs
que "les historiens Européens, après avoir décrété que l ’histoire commençait avec l'écriture,
rejetèrent dans la préhistoire tout le passé de l'Afrique noire précédant le contact entre l'Europe
et l’Afrique du XIXe siècle"49.
Déjà, les historiens colonialistes niaient un passé à l'Afrique. "H n'y a rien, écrivait l'un
d'eux, c'est le vide complet, pas une ruine, pas une tombe, pas une inscription, c'est en vain
que l'on chercherait ne serait-ce qu'une légende qui contienne un semblant d'histoire tribale
remontant à peine à quelques générations50." En 1963, la même vision demeure: "Peut-être
dans l’avenir, y aura-t-il une histoire de l’Afrique susceptible d’être enseignée, pour l’instant il
n’y a rien ou très peu, seulement l’histoire des européens en Afrique"51. On pourrait penser
que les programmes d’histoire au Maroc sont fait dans cet esprit: sur un grand total de 226
leçons, l'Afrique noire ne reçoit que trois leçons dans tout le programme. Et toujours dans une
vision européenne post-coloniale. Des illustrations en témoignent de façon presque caricaturale:
des esclaves enchaînés et attachés les uns aux autres52, une image de quatre Européens autour
d'une tête noire, coupée et accrochée sur un bâton53, une carte montrant l'Afrique noire coupée
en tranches entre les grandes puissances54...
49 Djibril Tansir Miane, "La reconquête de l'identité historique: décoloniser l'histoire ou la défalsifier?", dan$Hl£l2il£-£i
diversité des cultures, op.cit.. p. 226.
50 P. MitcheU, Africa afterthoughts. Londres, 1954, pp. 18-19, cité par Dan O'Meara, "problèmes posés par la
'décolonisation' de l'histoire de l'Afrique", dans Histoire et diversité des CUltUTSS Qg^OÎ-, P- 234.
51 "The rise of Christian Europe". The Lislener. Londres, vol 70, no 1809 (novembre 1963), p. 871, cité par Dan O merajfcid.
52 Voir le manuel de la 6e année, L'histoire du monde au 19e siècla p. 120.
5 3 Ib ü ,p . 118.
54 Jfciï., p. 122.
66
L'Amérique latine et l'Asie ne sont pas mieux dotées que l'Afrique dans les
programmes. L'Amérique latine occupe une seule leçon dans le programme, sous le titre des
"grandes découvertes". On y signale qu'il y avait deux empires- "L'empire des Aztèques", avec
sa capitale Mexico, meilleure que toutes les villes de l'Espagne à cette époque57, et "L'empire
des Incas" au Pérou qui avait une histoire très ancienne et une civilisation supérieure à la
civilisation espagnole dans toutes les domaines58. On ne dit pas pourquoi, mais on ajoute
ensuite que ces peuples sont encore primitifs en croyant que les Espagnols sont des dieux
venus de la mer. Ensuite, le récit contenue en traitant de l'action des Portugais et des Espagnols
pour détruire ces empires.
Les populations d'Asie n'occupent que deux leçons dans tout le programme. L'une
s'intitule "L'Extrême orient du XVIe au XVüIe siècle" et l'autre "Le mouvement de libération
en Extrême orient". Donc de nouveau des sujets qui dérivent d'un regard européen. Pourtant
l'Asie - comme d'ailleurs l'Amérique latine et l'Afrique - est au programme, toujours d'après
les instructions officielles, "selon sa participation au progrès de l'humanité"59. L'humanité est-
ce donc seulement lEurope?
A. L'enquête. Sa méthodologie
a) Le choix de l'instrument
Nous avons choisi le questionnaire comme outil de la recherche parce que c'est le
meilleurs moyen dont nous disposions pour compléter les informations recueillies à travers
l'étude des instructions officielles et des programmes. Nous avons pensé qu'il constituait pour
notre recherche le moyen adéquat pour obtenir le maximum de données sur la situation vécue
de l'enseignement de l'histoire au Maroc. Ayant disposé de plus de temps et surtout de moyens
matériels moins comptés, nous aurions aimé employer des interviews, mais ce ne fut pas
possible.
actuel des manuels et le point de vue des enseignants à leur sujet, sur les conceptions et les
aspirations des enseignants relativement à l'histoire.
Dans une université aussi grande que Laval, rejoindre tout ces étudiants n'est pas chose
facile. Le questionnaire fut alors distribué de deux manières: à leur adresse personnelle, lorsque
nous en disposions grâce au registraire de l'université; au moment de la prière du vendredi,
dans la mosquée de l'université. Quatre-vingt réponses nous sont parvenues des 166
questionnaires distribués.
Quarante questionnaires ont été distribués dans les villes de Rabat et de Kénitra. En
général les professeurs ont accueilli favorablement nos questionnaires, mais certains ont été
réticents, refusant parfois de répondre sous prétexte qu’ils reçoivent déjà trop de
questionnaires. Ceux qui ont répondu ont mis beaucoup de temps avant de le faire à cause des
vacances de la Fête du Trône et de Pâques et aussi des examens de fin de session. Finalement,
20 questionnaires remplis sont revenus, c'est-à-dire la moitié du nombre distribué.
Nous avons distribué sur place 60 copies de ce questionnaire, mais, pour des raisons
semblables à celles évoquées précédemment, n'en avons recueilli que 24. La distribution des
questionnaires aux élèves a été faite par les professeurs, de sorte que ceux-ci puissent expliquer
les buts de la recherche et la manière de répondre.
24 24 30 30
Littéraire
Autre 8 79 10 98,7
80 100
Total
71
La population des étudiants est largement plus de sexe masculin (86,2%) que féminin
(13,7%); 55,1% sont inscrits au premier cycle universitaire, 21,2% au deuxième cycle, 23,7%
au troisième. Sur les 80 étudiants, on constate que 58,7% sont détenteurs d'un baccalauréat
scientifique, 30% d'un baccalauréat littéraire, et 10% un autre type de baccalauréat marocain,
tel le baccalauréat économique. (Voir le Tableau 3 ci-devant)
Parmi les étudiants marocains qui pousuivent actuellement leur études universitaires à
l'Université Laval, 68,7% se souviennent de cours d'histoire qu'ils ont reçus et seulement
31,5% des étudiants ne s'en souviennent pas. Ces derniers n'en donnent pas moins des
opinions sur l'enseignement de l'histoire.
Ceux qui disent se souvenir de leurs cours d'histoire se rappellent surtout les leçons
d'histoire contemporaine, tant d'histoire nationale qu'universelle. En histoire nationale, ce sont
les leçons sur le Maroc et la colonisation ou celles sur le Maroc et le mouvement de libération
qui leur ont laissé le plus de souvenirs. En histoire mondiale, ce sont particulièrement les
leçons de la classe de terminale, par exemple celles sur les grandes puissances entre les deux
guerres, sur la crise de 1929, sur les deux guerres mondiales qui ont le plus marqué. Cela
montre l'importance des leçons de la dernière année du secondaire en matière d'histoire et
probablement aussi du poids que fait peser l'examen du baccalauréat sur les mémoires.
L'analyse des réponses montre que parmi les 17 énoncés du questionnaire, il est 6
énoncés où tous les sujets se montraient totalement en accord ou totalement en désaccord (voir
le Tableau 4 ci-après)
C'est surtout l'énoncé 16, "L'histoire reposait sur des notes dictées par le professeur",
qui a obtenu le plus fort pourcentage d'accords (70%). Cela manifeste clairement que la plupart
des étudiants reconnaissent avoir reçu un cours dicté par leur professeur, les élèves ne faisant
donc qu'écouter et enregistrer ce qui leur était dit.
Tableau 4: Opinions recevant le plu$ d'accords ou de désaccords.
Plus
en op. 17: Les pédagogies actives étaient
largement employées en histoire n-31 38,7
désaccord
op 4: L'histoire m'a permis de mieux
comprendre ma situation de n-18 22,7
Marocain
y
73
En rapport avec l'énoncé 8,60% des étudiants disent que "L’histoire faisait une place
importante aux faits d'ordre politique", mais une faible place seulement aux fait d’ordres
culturel (20%), social (18,7%), économique (15%). Le grand nombre se souvient bien pour les
faits politiques, mais la mémoire est plus indécise pour les faits d'autres ordres, ce qui est aussi
fort révélateur. Ces réponses sont bien en accord avec le programme officiel, qui réserve
environ 85% des sujets d'enseignement au politique.
Pour l'énoncé 13, "D y avait trop de matière à apprendre et pas assez à réfléchir", 60%
des répondants se disent d'accords. Cela montre que l'histoire est une "branche de mémoire",
une matière de "consommation" de connaissances construites, pas une discipline où l'on
applique des savoir-faire intellectuels, en réfléchissant sur des faits historiques, en les
interrogeant par exemple, en les analysant et en les critiquant.
Les principaux énoncés du Tableau 6 sur lesquels les sujets paraissent le plus en accord
sont les mêmes habituellement pour deux cycles de répondants. L'énoncé 16, par exemple,
"L'histoire reposait sur des notes dictées par le professeur", apparaît chez ceux du premier et
du deuxième cycle. L'énoncé 13, "Il y a vait trop de matière à apprendre et pas assez à
réfléchir", apparaît entre le premier et le troisième cycle. L'énoncé 14, "L'histoire était
enseignée de façon magistrale", apparaît entre le deuxième et le troisième cycle, et enfin
l'énoncé 10, "L'histoire était surtout celle de grands événements du passé", apparaît entre le
premier et le deuxième cycle.
r
Tableau 6: Les opinions recevant le d!u9 d'accords
ou de désaccords selon le cvcle universitaire
-Cr-
75
Pour les sujets qui sont les plus en désaccord, on constate que l’énoncé 17, "Les
pédagogies actives étaient largement employées en histoire", apparaît dans les trois niveaux,
c'est-à-dire que le cours d'histoire qu'ils ont reçu n'était pas basé sur une méthode active mais
mettait plutôt l'accent sur l'absorption massive, par les élèves, d'une information verbale sans
attacher d'importance à l'apprentissage de la pensée historique, à l'initiative et à la créativité à
l'occasion de recherches individuelles. Les étudiants des trois niveaux aussi n'étaient pas
d’accords avec l’énoncé 11 disant que "L'histoire était surtout celle du peuple marocain", ce qui
encore est bien conforme au programme où l'histoire politique, constitutionnelle et dynastique
domine.
Sur le tableau synthèse des question B1 et B2 (Tableau 9). il est clair que l'utilité de
l'histoire pour les étudiants marocains aux trois niveaux paraît dans l'idée de "connaître le
passé". L'histoire qu’ils ont reçue était donc surtout de cet ordre. Car à la question d'opinion 3
sur l’histoire "a-t-elle rendu l'étudiant marocain capable de comprendre le présent?", on obtient
32% des répondants qui affirment leur désaccord à cette question. Donc, dans notre tableau
synthèse, "comprendre le présent" est classé au 3ième rang. Pour la question "l'histoire
développe-t-elle l'esprit critique?", les étudiants estiment que l'histoire qu'ils ont étudiée n'a
pas développé cette capacité chez eux et alors, d'après son pointage, elle est classée au 4e rang.
Question B1: L’histoire que J'ai étudiée était surtout utile pour:
énoncé Degré d'importance de 1 à 5
0 1 (5pts) 2 (4pts) 3(3pts) 4(2pts) 5(1 pts) Total
Développer mon esprit 10 15 24 39 54 21 153
critique
Le développement 10 48 66 34 19 167
de ma mémoire
y
-\
%
Titre : L'apprentissage. de l’histoire
1 262
Des connaissances
2 167
Développement de ma mémoire
3 166
Une formation intellectuelle
4 107
Une formation sociale
79
Définition de l'histoire
Selon ce tableau, 77 étudiants (96,2%) estiment que l'histoire était "le récit des grands
faits du passé classés en ordre chronologique". Deux étudiants seulement pensent avoir
rencontré de l'histoire une version scientifique destinée à expliquer le présent Ceux qui ont
choisi la première définition nous montrent que l'histoire qu'ils ont reçue est une histoire qui
les cantonnait dans le passé et ne répondait pas à leurs besoins et à leurs aspirations. C'est-à-
dire qu'elle leur faisait étudier l'histoire à partir d'un temps et d'un espace qui ne leur étaient
pas familiers. C'est pourtant au présent que l'histoire devrait intéresser d'abord et surtout les
élèves, car "toute véritable histoire, rappelle Joseph Hours, est histoire contemporaine, c'est à
dire du présent1." Dans le même sens, Marrou écrit: "L'histoire contemporaine, même
lorsqu'elle traite de sujets en apparence très éloignés dans l'espace et dans le temps, elle ne
mérite le nom d'histoire que dans la mesure où elle se révèle comme contribution à l'élucidation
des problèmes que pose à la conscience de l'historien l'interprétation de la situation qui leur est
faite par la conjoncture politique, sociale, économique et culturelle du temps où ils sont
situés.2"
On peut penser que les 2,5% des étudiants ayant choisi la deuxième définition ont
rencontré des professeurs sachant ne pas se perdre dans le passé pour le passé, mais au
contraire attentifs à relier le passé au présent et à des réalités proches des élèves. Ainsi, par
exemple, parler des grandes famines de l'antiquité et du moyen âge, peut être une excellente
occasion de parler de la famine au Sahel.
l 'Josenh H'ou'n;. Valeur de l'histoire Paris. Presses universitaires de France, 1963, p 11-12
2 Henri-I. Marrou, "Qu'est-ce que niistoire7' dans Charles Samaran, éd.,L'hiStoirs Ct SgS méthodes. Pans, Encyclopédie de la
Pléiade, NRF-Gallimard, 1961, p. 7.
Tableau 11: Le bon souvenir des cours d'histoire
oo
CD
Tableau 12: Le mauvais souvenir des cours d'histoire
L'histoire ne m'intéressait 59 15 16 12 57
pas
J'apprenais des choses 58 45 24 8 0 86
sans importance____
Le professeur n'était 57 60 20 4 1 94
pas intéressant
Autre raison 67 30 48
Je trouvais l'histoire 59 16 24 12 59
inutile
Total 300 155 84 57 38 10 344
V.
82
Les tableaux 11 et 12 ci-devant, montrent les bons ou les mauvais souvenirs des cours
d’histoire. Sur le Tableau 11. on obtient un total élevé de 225 points de ceux que l'histoire
semble intéresser. Ces étudiants déclarent qu’ils apprenaient les choses importantes (209
points), et qu'ils trouvaient l'histoire utile (192 points). Mais l'énoncé "le professeur était
intéressant" est rélégué en 4e place. Comme motif de bon souvenir du cours d'histoire, les
étudiants évoquent quatre raisons principales: savoir "mes origines"; connaître "la mentalité de
nos ancêtres"; savoir "d'histoire de mon pays"; accroître "ma culture générale".
Ceux qui ont gardé un mauvais souvenir de l'histoire (Tableau 12) accusent le
professeur, qui "n'était pas intéressant" (94 points), plus que la matière historique (57). En
deuxième lieu, ils déclarent qu'ils apprenaint des choses sans importance (86). Ce résultat et
l'inverse du tableau précédent où ceux qui ont gardé un bon souvenir de l'histoire plaçaient la
matière en premier lieu et déclaraient qu'ils apprenaient des choses importantes en deuxième
En ce qui concerne les motifs de garder un mauvais souvenir, on évoque les suivants:
matière mal enseignée; répétition des sujets; programme surchargé; trop de détails inutiles;
matière de "par coeur"; professeur autoritaire; manque de pédagogie; manque de critique des
faits; manque d'actualité.
Deux questions cherchaient à savoir la conception que les professeurs se font de la recherche de
l'élève et la place qui est accordée à cette recherche. Les tableaux suivants montrent comment il
fut répondu.
83
fréquence pourcentage
indispensable 7 35,0
15 75
très utile 8 40,0
utile 4 20,0
peu utile 1 5,0
Total 20 100,0
fréquence pourcentage
indispensable 1 5,0
5 25%
très utile 4 20,0
utile 9 45,0
15 75%
peu utile 6 30,0
Total 20 100,0
On retire du premier tableau que 15 professeurs sur 20 estiment que la recherche des
élèves est indispensable ou très utile. Mais on trouve dans le tableau qui suit que seulement 5
professeurs font faire des recherches à leurs élèves "très souvent" et "souvent" et 15
professeurs déclarent que cette pratique n'existe que "parfois" sinon "rarement".
Lorsqu'on demande si le déroulement de la leçon repose sur celui des chapitres des
manuels, 95% des professeurs répondent par l'affirmative. De même ils conviennent en
84
majorité, comme le montre le tableau suivant, de faire étudier par les élèves la leçon du manuel
à la suite de chaque cours.
Fréquence pourcentage
systématiquement 3 15%
généralement 8 40%
parfois 7 35%
rarement 1 5%
jamais 1 5%
20 100,0
aucune 0 0
de 1 à 4 19 95%
de 5 à 9 1 5%
10 et plus 0 0
20 100,0
Plus que la moitié des professeurs renvoient les élèves au manuel après la leçon,
montrait le Tableau 15. et le Tableau 16 rapporte que le nombre de page à lire alors est
habituellement inférieur à 5 et n'exède jamais 10. H reste que l'enseignement de l'histoire
repose grandement sur les textes des manuels. Par contre, lorsqu’à une autre question il est
demandé aux professeurs si les élèves font "des révisions dans les manuels en vue de
compositions ou d'interrogations écrites à livre fermé", les réponses sont assez partagées, 9
répondant oui et 11 non. Mais l'interrogation orale comme contrôle des connaissances
exposées dans le manuel et les interrogations orales à livre ouvert reçoivent les suffrages d une
bonne majorité (70%). Par contre, le manuel sert nettement moins pour faire des exercices
écrits ou des compositions, 5% seulement des professeurs disant souvent, les autres jamais
(30%) ou parfois (65%).
85
Au manuel dans son ensemble, on fait des reproches semblables. Les trois quarts des
professeurs s'en disent insatisfaits. La liste des reproches exprimés est longue: langage trop
abstrait et peu accessible aux élèves moyens; leçons longues et vocabulaire difficile, peu adapté
à l'âge mental des élèves; vocabulaire conçu pour une mentalité adulte; manque d'exercices
pratiques; n'incite pas l'effort d'imagination chez les élèves; trop long par rapport aux heures
disponibles; certaines leçons ne répondent pas aux objectifs poursuivis.
En fait, face aux manuels dont ils disposent, les professeurs arrivent mal à les définir.
Ainsi, 10 professeurs le considèrent comme "un réservoir de connaissances et 6 disent le
contraire; pour 8 d'entre eux, c'est "un livre de lecture" et pour 7 ce n’en est pas. La plupart
(18) acceptent que ce soit une "collection de textes et de documents"; mais qu’est-il entendu
exactement par texte?
Pour terminer cet examen des réponses des professeurs, signalons quatre des questions
à choix multiples pour lesquelles les répondants se sont montrés largement en accord: 60%
d’entre eux estiment que l'histoire qu’ils enseignent est "le récit des grands faits classés en
ordre chronologique"; 70% que l'histoire qu'ils enseignent "rend l'élève plus capable de
connaître le passé"; et la presque totalité souhaite "plus de connaissances pédagogiques" mais 2
seulement demandent "plus de connaissances historiques".
86
L'histoire nous
fait connaître le passé de l'humanité 15 62,5%
L'histoire nous fait
apprendre les événements
politiques sociaux économiques du passé 5 20,83%
L'histoire nous fait connaître
le passé et le présent de notre temps 4 16,67%
Total 24 100,0
Manifestement, pour les élèves, l'histoire c'est d'abord le passé (plus de 83% d'entre
eux). Une minorité seulement accepte de mettre le présent avec le passé dans l'histoire
(16,67%).
Questionnés ensuite sur l'utilité de l'histoire, à peu près les mêmes nombres disent que
la discipline sert à connaître le passé et la même minorité y voit de l'utilité pour comprendre le
présent.
D'après leurs réponses, 22 élèves sur 24 déclarent que l'histoire qu'ils apprennent
compte beaucoup de noms et de dates, 19 disent qu'elle repose sur la mémoire et le même
nombre trouvent aussi qu'elle repose sur les notes dictées par le professeur.
87
Pour ce qui est du développement de l'esprit critique, 13 sur 24 ne voient pas en quoi
l'histoire qu'ils reçoivent y contribue et la moitié d'entre eux n'y rencontrent pas de pédagogie
active.
Le réponses des élèves se raprochent dans plusieurs cas de celles des étudiants
marocains de Laval. Ainsi, par exemple, leurs réponses à l'énoncé "L'histoire repose sur des
notes dictées" et aux choix proposés de définitions de l'histoire se ressemblent beaucoup.
CONCLUSION
Dans cette thèse, notre préoccupation principale était de préparer une éventuelle
contribution à l'amélioration de l'enseignement de l'histoire au Maroc. Alors, dans un premier
temps, nous avons été reconnaître quelles étaient les orientations principales de l'enseignement
de l'histoire dans d'autres pays: cela devait nous procurer une sorte de grille d'analyse à
travers laquelle nous pourrions examiner la situation marocaine. Ensuite, cette grille à l'esprit,
nous avons examiné l'enseignement de l'histoire au Maroc tel qu'il se présente dans les
instructions officielles et tel qu'il est actuellement dans les programmmes; puis, nous avons
mené une enquête auprès d'enseignants et d'élèves du Maroc et nous avons administré aussi un
questionnaire aux étudiants marocains de l'université Laval, afin de mieux connaître l'état de
l'enseignement de l'histoire au Maroc.
De cet examen, nous avons tiré les considérations suivantes, dont nous souhaitons
qu'elles puissent fonder quelques améliorations à apporter à l'enseignement de l'histoire
marocain, de sorte que celui-ci contribue mieux à la formation d'une jeunesse capable de
participer au développement, à la modernité et à la démocratie de son pays.
89
A) Les objectifs
Enfin, des objectifs d'ordre des valeurs et des attitudes sont aussi importants, car ce
sont les valeurs qui donnent un sens aux connaissances et orientent leur usage.
L'enseignement de l'histoire doit donc développer chez les élèves des objectifs de cet ordre tels
que: développer la volonté de participer socialement, développer le désir d'exprimer son
opinion, développer son sens critique.
Quant aux objectifs assignés dans les instructions officielles, nous avons constaté qu'ils
sont d'un niveau de généralité très élevé et nous avons signalé aussi que plus les objectifs sont
formulés de façon vague, plus l'action de l'école risque de ne pas les atteindre. Il est donc
indispensable d'assumer une communication claire et aisée entre les responsables de
l'éducation et les enseignants et entre les enseignants eux-mêmes, pour assurer que les objectifs
seront bien compris et éventuellement mieux atteints. On peut penser à des objectifs qui se
traduisent chez l'élève par des comportements observables bien spécifiés. Des objectifs ainsi
présentés présentent de nombreux avantages, notamment les suivants:
• Un choix plus aisé des activités d'apprentissage: savoir clairement où l'on veut aller
facilite considérablement le choix des moyens.
90
B) Les contenus
d'une bonne perception du monde actuel par un enseignement centré sur la réalité
contemporaine. Une telle orientation mettrait l'élève dans des situations historiques qui sont
plus près de lui, de son monde réel.
Nous devons donc penser à un enseignement de l'histoire qui prend sa source dans des
préoccupations tirées de la réalité contemporaine. Cette approche, contrairement à l'approche
chronologique traditionnelle, permet l'étude de thèmes qui sont plus près de la réalité des
élèves, donc plus intéressants et motivants.
D faut alors repenser le contenu de notre programme, la part faite au politique ne devrait
pas dominer les autres facteurs et les rapports entre les différents domaines économique,
politique, social, culturel devraient être soulignés. Tous ces ordres de faits participent à cette
"histoire totale" prônée, entre autres, par l'école des Annales, qu'il faut enseigner sans
encyclopédisme ni positivisme. Le programme devrait donc s'enrichir de ces nouvelles
tendances, sans négliger toutefois les différents facteurs qui constituent l'histoire du Maroc ni
négliger quelques contenus choisis dans un esprit d'alphabétisation minimal, car il est quelques
faits qu'on peut difficilement ignorer. En outre, à notre époque d'élargissement du monde, on
devra s’interroger sur la place faite dans nos programmes à l'histoire de l'Afrique, de l'Asie, de
l'Amérique latine et probablement envisager de l'augmenter.
Comme nous avons réfléchi aux meilleurs moyens de formuler des objectifs
padagogiques qui dépassent la simple acquisition de connaissances, nous devons aussi dire
que, sur le plan pédagogique, un enseignement organisé selon une "démarche méthodologique”
peut rendre l'élève plus capable de résoudre les problèmes historiques, sociaux ou même
personnels. La maîtrise de cette démarche lui permettrait de mettre en application certains
savoir-faire intellectuels, tels que juger ou raisonner; bien pratiquée, elle assurerait également
le développement de la pensée critique.
92
Conduire les élèves par un travail de recherche et d'analyse à découvrir eux-mêmes les
connaissances leur fait découvrir des connaissances qui seront mieux assimilées et plus
opératoires que celles acquises passivement en écoutant le maître. Les "méthodes actives", qui
reposent sur une initiation des élèves à la recherche scientifique devront être recommandées à
notre enseignement de l'histoire et les manuel devront contenir les moyens pour mener à bien
cette recherche, c'est-à-dire un appareil pédagogique comprenant des documents, des questions
et des exercices, ainsi que des suggestions de sujets d'étude.
Restent les moyens d'évaluation. Les compositions et les examens devront être
améliorés car on ne pourra plus tester que la mémoire et le "par coeur" des leçons. H faut aller
au delà de la simple récitation, et donc contrôler les capacités des élèves lorsqu'ils font d'autres
exercices de réflexion et de raisonnement, car l'évaluation n'est pas uniquement normative; elle
est surtout formative.
APPENDICES
Appendice A
J ’ai actuellement besoin de données sur le vécu de cet enseignement chez nous. J'ai alors
pensé faire appel aux consoeurs et confrères actuellement aux études à LAVAL. Vous me
rendriez donc un grand service en acceptant de répondre aux questions qui suivent. Bien
sûr vos réponses, anonymes, resteront stRctement confidentielles. Je vous demande
simplement de prendre une quinzaine de minutes pour répondre spontanément à ces
quelques questions. Tout commentaire ajouté o la suite des questions pourrait
éventuellement m'être utile.
Mme E s s e l a o u i Fatiha
□ comprendre le présent
A u tre s re m a r q u e s :
A ppendice B
Ce questionnaire a pour but de recu eillir des informations sur l ’enseignement de l ’histoire su
Maroc, principalement au secondaire Les informations obtenues serviront pour la thèse de 3e
cycle que je prépare actuellement » l ’université Levai (Québec, Canada). Bien sûr, vos réponses
resteront strictement confidentielles
Je vous rem ercie vivement de l ’aide que vous m'apporterez en répondant à ce questionnaire.
Mme ESSEIAOUI Fatiha
Age D20-29 D 3 0 -3 9 0 4 0 -4 9
Niveau d'enseignement:
La "recherche" de le part des élèves dans leur cours d'histoire e s t-e lle 7 :
□indispensable Dtrès utile Dutile
□peu utile Dlnutile
Les élèves d oivent-ils étudier la leçon correspcridante du manuel après chaque cours?
□systématiquement Ggénérilement Dpariois
□ rarem en t Djamais
Le manuel tie n t-il compte des intérêts et des préoccupations des élèves?
□oui Dnon
La pédagogie au manuel tien t-elle compte du Degré oe développement intellectuel oes élèves?
□oui Dnon
Le manuel...
...facilite le travail du professeur 1 2 3
C. Répondez l i b r e me n t
Il est ressorti d’un questionnaire auquel ont répondu plus de cent étudiants
marocains è l'université Laval que "l'histoire est le récit des grands faits
du passé", "une matière ennuyante', qui "repose essentiellement sur la
mémoire", "dépourvue d'intérêt", "utile seulement pour connaître le passé",
et "mal enseignée"...
Tout autre commentaire de votre part pourrait m'être utile. Ecrivez-les au verso S.V.P. MERCI
A ppendice C
L'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
S û ^ U jJ j O
L’histoire est-elle une matière facile?
Doui □ non
S \ i U _)
Pourquoi?
■ l^ J ' ->
Laquelle des définitions suivantes de l'histoire
paraît le mieux convenir à l’enseignement de J ' ¿ J b
l'histoire que tu connais?
□ l 'histoire raconte les
principaux faits du passé
D L'histoire cherche è expliquer U-_D
le présent à l'aide du passé ' '
Programme de la 3e année
De l'avènement de l'Islam à la fin des Mérinides
(du Vie au XVe siècles)
i- L'avènement de llslam
1 .-2. La vie et l'oeuvre du prophète Mohamed: unification de l'Arabie
3. La communauté musulmane sous les premiers califes: Abou Bakr
et Omar
4. Conflit entre Othman et Ali
II. T^egrand Califat islamique
5. L'empire ommeïade: organisation du califat et conquête
6. Les évolutions intérieures dans le royaume musulman: l'évolution
économique et sociale
7. La civilisation ommeïade
8. Constitution de l'empire abbasside
9. L'empire abbasside
10. La vie économique, culturelle et artistique
ni. Morcellement de l'empire musulman
11. Morcellement de l'occident musulman pendant le nè etffiè siècles de l'hégire
12. Evolution du pouvoir ommeïade en Andalousie
13. Le royaume Idrisside et la fondation deFès
14. Le califat Fatimide en Ifriqya
15. L’orient musulman entre le morcellement et les tentatives d'unification: Fatimides - Seljoukides
107
Programme de la 4e annéesecondaire
Du XVIe siècle au monde contemporain
I. Le monde musulman du XVIè au XVüè siècle
1. L'empire ottoman: formation et extension
2. L'occident musulman entre chrétiens et Turcs:
a) Chute du royaume de Grenade. Les premiers établissements chrétiens auMaroc. Rôle de Beni
Ouattas et des confréries dans la lutte contre les étrangers.
b) Les Ottomans en Afrique denord.
3. La dynastie sââdienne: réunification du Maroc, l'apogée de la dynastie sous El Mansour
4. La décadence sââdienne et morcellement du pays
5. L'avènement de la dynastie Alaouite: Moulay Rachid - Moulay Ismaïl - Réorganisation - Meknès
6. Le Maroc au XVIIIè siècle:
- Les crises militaires
- Règne de Sidi Mohamed Ben Abdellah
- Moulay Slimane et les nouvelles crises
7. Décadence de l'empire ottoman au XVmè siècle
8. L’extrême-orient du XVIè au XVIIIè siècle
n. Llévolution de l'Europe du XVIè au XVIIIè siècle
9. La Renaissance européenne
10. Les grandes découvertes: causes et conditions générales. Les conséquences: l'empire espagnol; le
développement du commerce atlantique.
II. Les transformations de lEurope du XVIIIè siècle: pousséedémographique. Essor du commerce colonial.
Impérialisme mercantile
12. La Révolution industrielle
13. La Révolution Française: causes et conséquences
14. Les Etats-Unis d'Amérique: formation et développement
15. Les conséquences sociales et intellectuelles de la révolution industrielle (lutte des classes, syndicalisation,
socialisme, Marx.)
m. L'impérialisme européen et les mouvements d’indépendance
16. L'impérialisme européen: caractères généraux et zones d'influence
17. L'Algérie: situation sous lEmir Abdelkader, échec de l'assimilation
18. La Tunisie: essai de réforme, le protectorat. La Lybie
19.-20. Le Maroc:
- La pénétration européenne
- L'évolution intérieure
- La crise marocaine et le protectorat
21.La première guerre mondiale: causes et conséquences
108
Programme de la 5e annéesecondaire
Du XVIe au début du XIXe siècle
I. Les débuts des temps modernes
1.-2. Influence de la civilisation arabe et musulmane enEurope
3. Les transformations économiques et sociales en Europe
4.-5. Les grandes découvertes et leurs conséquences
6.-7. La Renaissanceeuropéenne
8. à 11. Le monde musulman au XVIe siècle:
- tableau du monde: L'Orient musulman
• l’hégémonie ottmane enMéditerranée
- la situation en Afrique du Nord
- le Maroc sous les sââdiens
n. Le XVIIe etle XVIHg siècle
A. Dans le monde musulman:
12.-13. La Perse et l'Inde
14. Le Reflux Ottoman en Europe, l'affaiblissement de leur pouvoir en Orient
15.-16. Les régences d'Alger et de Tunisie
17. La décadencesaâdienne et le morcellement du pays
18. L'avènement de la dynastie Alaouite
19. Le Maroc sous moulay Ismail
20. Le Maroc aux XVIIIe siècle
- crises militaires
- règne de Sidi Mohamed ben Abdellah
B. En Afrique
21. L'Afrique noire au XVIIe et XVIIIe siècle
C. En.Europe
22. Les conditions économiques enEurope occidentale au XVIIe siècle
23. La civilisation de l'âge classique
24. La monarchie absolue de Louis XIV
25. Les limitations de l'absolutisme en Angleterre
26. Les Provinces-Unies
27. Les mouvements colonialistes Européens: rivalité Franco-anglaise en Inde et Amérique du nord
28. Les transformations économiques au XVIIIe siècle
29. La Révolution agricole et industrielle en Angleterre
30. Le mouvement social et philosophique et le progrès de l'esprit scientifique
31. La Révolution américaine
32.-33. La Révolution Française: cause, grandes étapes et leur signification
34.-35. La France et l'Europejusqu'en 1815
109