Vous êtes sur la page 1sur 104

DOC EN POCHE
ENTREZ DANS L’ACTU

Parlons
impôts
en 30 questions

Jean-Marie Monnier

nouvelle
édition
2013
Parlons
impôts
en 30 questions
(nouvelle édition)

Jean-Marie Monnier
professeur d’économie
au Centre d’économie de la Sorbonne (Paris I),
spécialiste des questions fiscales

La documentation Française
Responsable de la collection
Isabelle Flahault
Titre dirigé par
Céline Persini
Secrétariat de rédaction
Martine Paradis
Conception graphique
Sandra Lumbroso
Bernard Vaneville
Mise en page
Dominique Sauvage
Édition
Dagmar Rolf
Promotion
Stéphane Wolff

Avertissement au lecteur
Les opinions exprimées n’engagent que leurs auteurs.
Ces textes ne peuvent être reproduits sans autorisation.
Celle-ci doit être demandée à :
Direction de l’information légale et administrative
29, quai Voltaire
75344 Paris cedex 07

« En application du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, une reproduction


partielle ou t­otale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans
autorisation de l’éditeur. Il est ­rappelé à cet égard que l’usage abusif de la photocopie met
en danger l’équilibre économique des circuits du livre. »

© Direction de l’information légale et administrative, Paris, 1ère édition 2012, 2e édition 2013.
édition 2012 - ISBN : 978-2-11-008787-4
édition 2013 - ISBN : 978-2-11-009258-8
Sommaire

Panorama.................................................................................................................... 5

L’auteur présente le sujet, son actualité,


et l’illustre de faits, de lois, de chiffres,
de comparaisons internationales

Questions-réponses....................................................................................... 23

1 question = 1 double-page de réponse


Qui a dit qu’il fallait payer des impôts ?........................................................... 24
Quels principes pour une fiscalité démocratique ?................................. 26
Les impôts : quels penseurs, quelles controverses ?................................ 28
Que sont les prélèvements obligatoires ?...................................................... 30
Que sont les impôts et à quoi servent-ils ?.................................................... 32
Qu’est-ce qu’un impôt redistributif ?................................................................. 34
Qu’est-ce qu’un « bon » impôt ?............................................................................ 36
Trop d’impôt tue l’impôt ?........................................................................................ 38
Les Français sont-ils trop imposés ?................................................................... 40
Fiscalité en France et en Allemagne : qui gagne ?.................................... 42
La fiscalité française est-elle juste ?.................................................................... 44
Impôt sur les revenus : comment ça marche ?........................................... 46
ISF, bouclier fiscal : pourquoi un impôt sur le patrimoine ?................ 48
La TVA, un impôt injuste ?........................................................................................ 50
Nos entreprises sont-elles trop ou mal taxées ?......................................... 52
Les impôts comme instruments de politique économique ?........... 54
Une réforme de la fiscalité est-elle possible ?.............................................. 56
Des augmentations d’impôt plus redistributrices que la dette ?.... 58
Tous fraudeurs ?.............................................................................................................. 60

3
Comment font ceux qui fuient l’impôt ?......................................................... 62
Comment lutter contre la fraude fiscale ?...................................................... 64
Les niches, calamités fiscales ?.............................................................................. 66
Vers une fiscalisation de la protection sociale ?.......................................... 68
La fiscalité locale, de vieux impôts à réformer ?......................................... 70
La taxe professionnelle supprimée et après ?.............................................. 72
Vers un impôt européen ? Pourquoi ?............................................................... 74
Peut-il exister une fiscalité internationale ?................................................... 76
Des taxes pour les générations futures ?........................................................ 78
Peut-on fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG ?................................. 80
Les impôts sont-ils sexistes ?.................................................................................. 82

@ vous la parole.................................................................................................. 85

Une interaction avec les internautes : la mise


en ligne, lors de la parution de l’ouvrage,
des réponses à une sélection de questions

Bibliographie et sitothèque................................................................. 99

Pour aller + loin : les principaux livres


et sites internet

4
Panorama
Panorama
De la mise en œuvre d’une taxe carbone
pour combattre le réchauffement climatique
à la lutte contre les paradis fiscaux, il n’y
a plus de domaine où la fiscalité n’est pas
sollicitée comme instrument de politique
publique. Peut-on exiger autant de l’impôt ?
Ses missions principales ne sont-elles pas
la collecte des ressources publiques et la
redistribution des revenus ? Pourtant, il ne
remplit plus pleinement ces objectifs. Le
système fiscal ne doit-il pas être réformé
de façon à en améliorer la rentabilité et à le
rendre plus redistributif ?

L’impôt au cœur de la crise de la dette publique


La crise de la dette publique a révélé l’importance
des besoins de financement des États de l’Union
européenne (UE). En France, les pertes de recettes
liées à l’accumulation des allégements d’impôts et
de cotisations sociales ont nettement contribué à
l’accroissement des déficits et donc au creusement
de la dette. Ainsi, de 2000 à 2009, le budget de l’État

7
Qu’est-ce que la dette publique ?
La dette publique est l’ensemble des emprunts effec-
tués par les administrations publiques et sociales (État,
collectivités locales et Sécurité sociale). Son montant
résulte de l’accumulation de déficits publics (situation
où les recettes sont inférieures aux dépenses).

aurait perdu entre 100 et 120 milliards d’euros en


raison des diminutions d’impôts.
Selon un rapport de la commission des Finances de
l’Assemblée nationale du 30 juin 2010 présidée par le
député Gilles Carrez, sans ces pertes d’impôts, la dette
publique aurait atteint 54,6 % du produit intérieur
brut (PIB) au lieu des 77,4 % effectivement observés
fin 2009. Elle s’évalue pour 2012 à 90 % du PIB.
Depuis 2007, la crise financière et ses répercussions
planétaires ont mis en évidence la responsabilité des
inégalités de revenus dans les difficultés économiques
mondiales. Le tassement des rémunérations, dans
une période au cours de laquelle le recours au crédit
était facilité, a poussé les ménages à un endettement
excessif pour maintenir leur niveau de consomma-
tion. Alors que dans les années 1980, les systèmes
de redistribution visant la réduction des inégalités
ont été contestés, au nom de leur inefficacité éco-
nomique supposée, la crise actuelle a provoqué de
vives critiques des stratégies de démantèlement de
l’État-providence et de ses capacités redistributrices.

8
Panorama

La discipline budgétaire européenne


Les pays membres de l’UE doivent respecter une cer-
taine discipline budgétaire. En pratique, le déficit public
de chaque État membre ne doit pas dépasser 3 % du
PIB, et leur dette publique ne doit pas excéder 60 %
du PIB. En France, fin 2011, le déficit public s’élevait à
5,2 % du PIB et la dette publique à 85,5 % du PIB. Une
surveillance du respect de la discipline budgétaire
au sein de l’UE est prévue ainsi qu’une procédure de
sanctions en cas de déficits excessifs. Début 2011,
24 des 27 pays membres de l’UE – dont la Grèce mais
aussi l’Allemagne – faisaient l’objet d’une procédure
pour déficit excessif.

L’impôt au cœur des inégalités


L’impôt participe activement à la redistribution des
richesses pour limiter les inégalités de revenus. Or,
le caractère insuffisamment redistributif du système
fiscal français a été nettement contesté. L’ampleur
des inégalités et l’accroissement rapide des très hauts
revenus ont en effet souligné les faiblesses de la
fiscalité des revenus et du patrimoine des ménages.
Ainsi, l’impôt sur le revenu n’est payé que par environ
la moitié des contribuables. Le tiers de ses recettes
potentielles disparaît du fait de l’ensemble des mesures
d’allégements fiscaux au profit des contribuables, dites
« niches fiscales ». En proportion de leur revenu, les

9
classes moyennes seraient les plus imposées. Malgré
la suppression du bouclier fiscal au printemps 2011,
la légitimité de notre système fiscal est toujours en
question. Cette mesure qui limitait à 50 % la part
imposable des plus riches était devenue, pour certains,
le symbole d’une forme d’injustice fiscale.

La situation des très hauts revenus


Selon l’INSEE, en 2007, un individu appartenait aux
1 % des personnes les plus riches s’il percevait un
revenu annuel déclaré au moins égal à 84 500 euros
(par exemple un couple de cadres supérieurs gagnant
chacun 5 300 euros nets par mois). Au sein de cette
catégorie, les « plus aisés », c’est-à-dire les 0,01 % des
individus les plus riches, avaient un revenu annuel
déclaré allant de 688 000 euros à 13 millions d’euros.
5 800 personnes appartenaient à cette catégorie. 44 %
d’entre eux avaient essentiellement (pour plus de
80 % de leurs revenus totaux) des revenus d’une acti-
vité professionnelle (des salaires notamment), tandis
que 32 % percevaient essentiellement des revenus
du patrimoine. En moyenne, leur taux d’imposition
(obtenu en faisant la somme de l’impôt sur le revenu,
de la contribution sociale généralisée [CSG] et de la
contribution au remboursement de la dette sociale
[CRDS]) s’élevait à 25 %. On peut cependant s’attendre
à une augmentation de ce taux effectif d’imposition
après les réformes du second semestre 2012.

10
Panorama

Une politique fiscale remise en cause


Les pouvoirs publics ont été interpellés sur leurs
politiques fiscales au regard de ces limites. Les exo-
nérations de cotisations sociales ont été remises en
cause pour leur manque d’efficacité. Quant aux
niches fiscales, elles ont été contestées parce qu’elles
provoquent une diminution des recettes fiscales et
qu’elles profitent généralement aux contribuables
les plus aisés.
Ces critiques expliquent les mesures adoptées durant
l’été 2012 et dans le budget pour 2013. Les dispo-
sitions fiscales de la loi sur le travail, l’emploi et le
pouvoir d’achat (TEPA), adoptée en 2007, ont été
annulées, notamment l’exonération des heures sup-
plémentaires. La réforme fiscale votée dans le cadre
du budget pour 2013 aligne le mode de taxation à
l’impôt sur le revenu des revenus du patrimoine sur
celui des salaires. Une tranche supplémentaire du
barème d’imposition au taux de 45 % a été créée et
le niveau du plafonnement de l’avantage procuré par
le quotient familial a été abaissé. De la même façon,
le niveau du plafonnement des niches fiscales a été
réduit. Une taxe exceptionnelle de 75 % sur les revenus
supérieurs à 1 million d’euros était par ailleurs prévue
jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel ne censure
cette disposition fiscale le 29 décembre 2012. Enfin,
l’allégement de l’impôt de solidarité sur la fortune
décidé en 2011 a été supprimé.

11
Du côté de la fiscalité des entreprises, différentes
mesures visent à rapprocher le taux effectif d’impo-
sition des grandes entreprises de celui supporté par
les petites.

Les niches fiscales pèsent lourdement


En 2013, 433 niches fiscales devraient coûter 70,8 mil-
liards d’euros au budget de l’État. Dans cet ensemble,
douze dispositifs devraient coûter 30 milliards d’euros,
soit 42 % du total. Les niches concernent aussi bien les
entreprises que les ménages. Les impôts principale-
ment touchés sont l’impôt sur le revenu des personnes
physiques (IRPP), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et
l’impôt sur les sociétés (IS).

Les principales niches fiscales en 2013

Coût
Nombre de
estimé
Mesures Impôts bénéficiaires
(milliards
en 2011
d’euros)
Taux de 5,5 % (7 % à compter
du 1er janvier 2012) sur les travaux
d’amélioration des logements TVA 325 000 5,33
Crédit d’impôt recherche IRPP et IS 14 300 3,35
Abattement de 10 %
sur les retraites IRPP 13 621 000 3,28
Taux de 5,5 % (7 % à compter du
1er janvier 2012) sur la restauration TVA Non chiffré 3,08
Prime pour l’emploi IRPP 6 760 000 2,46
Emploi d’un salarié à domicile :
crédit d’impôt IRPP 1 598 200 2,10
Réduction d’impôt IRPP 2 237 100 1,57
Taux réduit de taxe sur le fioul Droits
indirects Non chiffré 2,10

12
Panorama

Taux de 2,10 % applicable aux 24 000


médicaments remboursables TVA entreprises 1,92
Exonération des prestations
familiales IRPP Non chiffré 1,90
Crédit d’impôt sur les intérêts
d’emprunt pour l’achat de
l’habitation principale IRPP 1 994 000 1,46
Exonération des sommes versées
pour la participation,
l’intéressement, et l’épargne
salariale IRPP Non chiffré 1,44
Source : Projet de loi de finances, 2013.

La taxation du travail : une spécificité française


Si on le compare avec ses homologues étrangers, le
système fiscal français présente des spécificités peu
compatibles avec le souci de l’efficacité économique
et la recherche de la justice fiscale.
La France se caractérise en effet par un système de
prélèvements obligatoires (PO) dans lequel la part de
l’ensemble des impôts sur le revenu – dont la CSG
et l’impôt sur le revenu des personnes physiques
(IRPP) – est faible (17 % des PO en 2010). Plus préci-
sément, l’IRPP, c’est-à-dire l’impôt le plus redistributif
du système fiscal, ne représente plus que 5,6 % des
PO pour cette même année. La part des cotisations
sociales, proportionnelles au revenu de chacun, est
importante (38,7 %). Par ailleurs, la part des taxes sur
les biens et les services dans l’ensemble des prélève-
ments obligatoires est peu élevée (25 %) par rapport
à la moyenne des autres pays de l’OCDE.

13
Structure fiscale, en % des prélèvements obligatoires
dans quelques pays de l’OCDE (2010)

le patrimoine
les sociétés

Cotisations
Impôts sur

Impôts sur

Impôts sur

Impôts sur
les salaires

et services
le revenu

Taxes sur
les biens
sociales

Divers
Pays

Allemagne 24,5  4,2 39,0  2,3 29,5 0


Danemark 51,0  5,8  2,1 0,5  4,0 31,9 0
États-Unis 32,8 10,8 25,7 12,8 18,0 0
France 17,0  5,0 38,7 3,2  8,5 25,0 1,0
Irlande 27,0  9,1 20,1 0,7  5,6 37,0 0
Italie 27,3  6,6 31,3  4,8 25,9 2,1
Suède 28,0  7,6 25,0 7,1  2,4 29,4 0
Moyenne OCDE 23,9  8,6 26,4 1,0  5,4 33,1 0,2
Source : OCDE, 2010.

En contrepoint, le Danemark donne l’exemple d’un


système plus redistributif grâce notamment à des
impôts sur les revenus très importants et peu de coti-
sations sociales. Quant à l’Allemagne, elle articule de
manière plus équilibrée les impôts sur le revenu, les
cotisations sociales et les taxes sur les biens et services.
Ainsi, le système fiscal français se caractérise surtout
par l’importance de la taxation du travail, la faiblesse
de l’imposition des revenus du capital et la modération
de l’imposition de la consommation.

14
Panorama

Un déséquilibre fiscal ancien


L’endettement public et les déséquilibres du système
fiscal ne sont pas nouveaux. En 1918, dans l’un de
ses célèbres essais intitulé La crise de l’État fiscal,
l’économiste et sociologue Joseph Schumpeter souli-
gnait que certains moments cruciaux, où il voyait des
« tournants de l’histoire », reviennent régulièrement.
Ils se caractérisent notamment par une crise finan-
cière et une incapacité des recettes fiscales à couvrir
les dépenses publiques, ce qui entraîne un recours
excessif à l’emprunt.
La France a connu plusieurs de ces moments de crise,
notamment en 1789, à la fin de la monarchie, qui
présentait un fort déséquilibre dans la répartition des
différents impôts. En particulier, la fiscalité indirecte
se déclinait en de multiples taxes sur la production,
la circulation ou la vente de marchandises. Elle était
excessive et profondément injuste, à l’exemple de la
gabelle, l’impôt sur le sel exécré.
Cette période se caractérise également par une crise
financière favorisée non seulement par la corruption,
mais aussi par le recours généralisé à l’emprunt. Ce
dernier visait à renflouer les insuffisantes ressources
fiscales dont disposait effectivement la Couronne.

15
La gabelle
La gabelle, c’est l’impôt sur le sel, devenu permanent
le 5 décembre 1360. Le sel étant alors le seul mode de
conservation des aliments et un élément indispensable
à la nourriture des animaux, sa taxation était stratégique
et très mal supportée. La gabelle s’accompagnait de
contrôles tatillons et vexatoires, et d’une obligation
pour les chefs de familles d’acheter une quantité mini-
male de sel aux greniers royaux. La contrebande du sel
était durement réprimée et donnait lieu à de lourdes
peines : les galères ou la mort. En 1774, elle représentait
15 % des ressources du royaume.

Une fiscalité « rentière » au xixe siècle


La fin du xixe siècle offre un autre exemple de désé-
quilibre fiscal. La fiscalité favorisait le rentier et la
richesse constituée au détriment des consommateurs
et des entrepreneurs.
Durant la longue transition entre la France rurale du
xviiie siècle finissant et la France industrielle à la veille
de la première guerre mondiale, le poids de l’impôt,
collecté principalement pour l’État, a crû. Mais il
s’agissait surtout de la fiscalité indirecte. Entre le
milieu du xixe siècle et 1913, la part des impôts dans
le revenu national est ainsi passée de 8 % environ à
près de 15 %. Pourtant, dans le même temps, les
« impôts sur les revenus » (ex. la contribution mobilière
calculée à partir de la valeur des logements) hérités

16
Panorama

de la Révolution sont passés de 32 % des ressources


fiscales de l’État en 1840 à 18,8 % en 1913. La part
des taxes indirectes n’a, quant à elle, cessé de croître
pour atteindre 55 % des ressources fiscales de l’État en
1913. En outre, les impôts directs sur les revenus ne
reposent pas sur une base constatée directement, mais
sur une valeur présumée à partir de signes extérieurs
(par exemple la taxe sur les portes et fenêtres) ou sur
la valeur foncière des immeubles. Surtout, elle est en
décalage complet par rapport aux structures écono-
miques et sociales qui émergent au xixe siècle. Cette
période est en effet celle du triomphe du capitalisme
industriel. Son développement s’accompagne de nou-
velles formes de revenus potentiellement taxables :
le salaire et le profit industriel alors non taxés. Or, la
fiscalité indirecte composée d’une multiplicité de taxes
sur les denrées (taxes sur les boissons, sur le sucre, le
café, etc.) est très lourde. D’une part, elle restreint le
pouvoir d’achat disponible pour la consommation,
ce qui réduit les débouchés français aux productions
françaises. D’autre part, elle frappe plus durement les
familles pauvres dont les besoins de consommation
représentent une part importante dans leurs revenus.
Ainsi, le système fiscal apparaît comme un obstacle au
développement de l’économie. Il favorise l’épargne
au détriment de la consommation et les placements
dans les titres de la dette publique (notamment les
titres étrangers dont les revenus étaient exemptés)
au détriment de l’investissement soumis à l’impôt
direct foncier.

17
La fiscalité française en quelques dates
4 août 1789 : abolition des privilèges, notamment
fiscaux.
26 août 1789 : Déclaration des droits de l’homme et
du citoyen.
1914 et 1917 : création de l’impôt sur le revenu des
personnes physiques (IRPP) par les lois du 29 mars
1914, du 15 juillet 1914 et du 31 juillet 1917.
Ordonnance du 4 octobre 1945 : création de la Sécurité
sociale et généralisation des cotisations sociales.
Loi du 31 décembre 1945 : création du quotient
familial.
Décret du 9 décembre 1948 : création de l’impôt sur
les sociétés (IS).
Loi du 10 avril 1954 et décrets du 30 avril 1955 :
création de la TVA.
Loi du 30 décembre 1981 : création de l’impôt sur les
grandes fortunes (IGF). Supprimé en 1987, il est rétabli
et remplacé par l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF)
par la loi 23 décembre 1988.
Loi du 28 décembre 1990 : création de la contribution
sociale généralisée (CSG).

L’équilibre éphémère des Trente Glorieuses


À l’issue d’une difficile bataille politique, entre 1914
et 1917, l’impôt sur le revenu est créé. Il constitue
la première étape de la formation d’une fiscalité qui
se révélera adaptée à la période allant de la fin de la

18
Panorama

seconde guerre mondiale à la fin des années 1970.


À l’issue de cette période, les prélèvements obliga-
toires se répartissent en trois blocs homogènes, selon
l’administration destinataire.
Les collectivités locales perçoivent la fiscalité dérivée
du xixe siècle, principalement à base foncière et
immobilière.
La Sécurité sociale dispose des cotisations sociales,
associées au droit des salariés à percevoir, en contre-
partie, des prestations sociales.
L’État bénéficie des prélèvements « modernes » sur les
flux de revenus et les transactions (IRPP, IS, TVA, etc.).

À partir des années 1990,


de nouveaux déséquilibres
Cet équilibre lié à une forme de spécialisation des
prélèvements obligatoires est alors bouleversé.
Du côté des budgets des collectivités locales, des
allégements d’impôts locaux conduisent l’État à multi-
plier les compensations soit par l’attribution d’impôts
auparavant collectés pour son propre compte, soit
par des dotations budgétaires.
On observe un mouvement comparable pour le budget
de la Sécurité sociale. L’impôt y occupe une place
grandissante pour financer les nouveaux besoins et
surtout pour compenser le manque à gagner lié aux
allégements de cotisations sociales.

19
Enfin, au niveau du budget de l’État, la place de
l’impôt s’amoindrit du fait des allégements d’impôts
et de l’accumulation des niches. Ainsi, on obtient une
dynamique dans laquelle l’emprunt remplace l’impôt
et produit une forte croissance de la dette.

Quelle réforme fiscale pour demain ?


Il existe donc des similitudes entre la situation actuelle
et les crises fiscales du passé. Pourtant, la question
fiscale se pose aujourd’hui dans des termes différents,
en raison de la mondialisation et de l’insertion de la
France dans l’Union européenne.
Les économies nationales sont désormais ouvertes et
interdépendantes. Pandémies, sous-développement
et pollutions sont des fléaux d’ordre planétaire. Enfin,
de nouveaux secteurs, liés au développement de
l’économie de l’information et de la connaissance,
émergent. Cela rend possible la mise en place d’une
fiscalité nouvelle, dite globale, car positionnée à un
niveau européen voire mondial.
Cependant, l’interdépendance des économies natio-
nales favorise la concurrence fiscale. Les pays essaient
ainsi d’attirer l’activité économique par une fiscalité
avantageuse. Mais cette interdépendance favorise
aussi la fraude contre laquelle la coordination des
politiques nationales est indispensable.

20
Panorama

Au second semestre 2012, deux premières étapes de


la réforme française de la fiscalité ont été accomplies.
Les mesures adoptées visent à corriger les déséquilibres
affectant notre système fiscal. D’autres modifications
de la fiscalité sont annoncées. La stratégie de réforme
retenue repose donc sur une démarche progressive.
Deux modes différents de réformes sont en effet
possibles. Les réformes progressives consistent à
étaler dans le temps les changements opérés sur les
paramètres fiscaux de façon à en amortir les consé-
quences. Les réformes par ruptures, plus brutales,
visent à bénéficier du choc psychologique provoqué
par la rupture (ex. exonération des heures supplémen-
taires dans le cadre de la loi TEPA du 21 août 2007).
Les économistes préfèrent généralement les réformes
graduelles car elles permettent d’observer l’impact des
modifications et d’opérer d’éventuels ajustements.
Cependant, des contraintes politiques et sociales
conditionnent également le succès de la réforme. En
effet, la modification de la fiscalité affecte plus ou
moins profondément le revenu des contribuables. De
ce fait, les choix fiscaux doivent être clairs et considérés
comme légitimes. Cela exclut le sentiment d’arbitraire
et le soupçon de privilèges fiscaux.
Les dispositions contenues dans les deux lois fiscales
adoptées au second semestre 2012 ont un double
objectif. D’une part, il s’agit d’améliorer la capacité
du système fiscal à couvrir les dépenses publiques et

21
sociales. D’autre part, elles visent à revenir à plus de
justice fiscale. Cependant, des dimensions essentielles
de notre système fiscal ont été ignorées et devront être
modernisées. C’est notamment le cas de la fiscalité
directe locale des ménages et de la fiscalité environ-
nementale. Au-delà, c’est la modernisation de notre
fiscalité et son ouverture sur de nouveaux domaines
(ex. bit tax, à savoir taxer l’utilisation d’internet en
fonction des volumes transférés) qu’il faut envisager.

22
Questions-réponses
››››››››
Qui a dit qu’il fallait payer
des impôts ?
Le roi, pour financer la guerre
En France, la guerre de Cent Ans conduit le roi à lever
des impôts pour faire face à l’augmentation des charges.
Jusqu’alors la puissance publique fonctionnait grâce
aux « recettes ordinaires » du domaine royal (terres et
droits appartenant au roi). Le roi est alors obligé de faire
appel à l’aide exceptionnelle de ses sujets. Ce sont les
« recettes extraordinaires ».
Les états généraux pour y consentir
Cette assemblée représente les trois ordres du royaume :
clergé, noblesse et tiers état. Créée en 1302, elle ne
siège pas en permanence et se réunit uniquement à la
demande du roi. Son accord est obligatoire pour créer
de nouvelles recettes extraordinaires. Elle devient aussi
un lieu d’expression critique quant à leur usage. Le roi
réussit à limiter son rôle car il ne la convoque plus entre
1614 et 1789.
Les parlements prennent la suite
Tout au long du xviiie siècle, le droit royal d’imposer est
contesté par les parlements de province et de Paris.
L’opposition de ce dernier à la réforme fiscale de 1787
joue un rôle dans la convocation des états généraux par
Louis XVI en 1789. À partir de la Révolution et jusqu’à
aujourd’hui, le Parlement siège en permanence et ses
pouvoirs financiers ne cessent de croître.

24
›››››››› Questions-réponses

Les ancêtres de nos impôts


› › ›  Les recettes extraordinaires apparaissent au xiv e siècle

avec quatre nouveaux prélèvements : les aides (impôts pré-


levés sur les biens, les denrées, les moyens de transports),
la gabelle (taxe sur le sel), les traites (droits de douane) et
le fouage (impôt perçu sur chaque foyer). Ils viennent ainsi
s’ajouter à la corvée (travail non rémunéré pour un seigneur
ou maître) et à la dîme (dixième partie de la récolte versée
au clergé) notamment.

L’Angleterre et la Magna Carta


› › ›  Rédigée en 1215 sous le règne de Jean sans Terre, la
Grande Charte limite l’arbitraire royal. Elle serait à l’origine
du principe selon lequel toute nouvelle taxe suppose un
vote des représentants de la Nation. En Angleterre, les pou-
voirs fiscaux du roi sont ainsi très tôt limités. Le Parlement
britannique s’affirme par la suite en accordant ou refusant
les impôts souhaités par le roi.

Un roi fauché
› › ›  Un des rois de France, Jean II Le Bon, a été contraint de
finir sa vie à Londres car il n’avait pas réussi à lever assez
d’impôts pour payer sa rançon. En effet, après sa défaite
à Poitiers, le 19 septembre 1356, il avait été emprisonné
par les Anglais, qui exigeaient quatre millions d’écus, soit
plusieurs années de recettes fiscales.

25
››››››››
Quels principes pour
une fiscalité démocratique ?
Le principe d’égalité fiscale
D’après les articles 13 et 14 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le principe
de répartition de la charge fiscale entre les citoyens est
l’égalité. Cependant, chacun doit contribuer à hauteur
de ses moyens (facultés contributives). Tous sont égaux
devant la loi fiscale, dont chacun a le droit de contrôler
la mise en œuvre.
Le principe de légalité
Cela signifie qu’il n’y a pas d’impôt ni d’allégement
fiscal sans loi. Dans une démocratie représentative, le
peuple souverain ou ses représentants ont seuls le droit
de consentir à l’impôt. Ainsi, chaque année – selon le
principe d’annualité –, l’article 1 de la loi de finances
autorise la collecte des impôts.
Le principe de nécessité
Pour financer les dépenses publiques, l’impôt est néces-
saire. En effet, sans consentement à l’impôt il ne peut
y avoir de dépenses communes et de services publics.
Avec l’impôt, on passe de l’individuel au collectif. Il
permet ainsi à chacun de participer au développement
du lien social et du bien commun.

26
›››››››› Questions-réponses

Pourquoi parler de « facultés contributives » ?


› › ›  Ce sont les revenus dont chacun dispose au-delà du
minimum vital. Selon une tradition ancienne, on ne peut
taxer le minimum nécessaire pour vivre. Afin d’assurer
une répartition juste de la charge fiscale, le législateur est
autorisé à opérer des différences de traitement en fonction
des facultés de chacun. Payer 20 % de son revenu est un
effort plus important pour les moins aisés.

La fiscalité après la Révolution


› › ›  La fiscalité monarchique est abolie par la République.
Afin d’éviter le retour de l’arbitraire fiscal, les nouveaux
impôts directs s’appliquent à tous de manière universelle.
Ces impôts ne reposaient pas sur les caractéristiques per-
sonnelles des contribuables et n’impliquaient pas de décla-
ration spontanée. L’actuelle taxe d’habitation est construite
sur ce modèle. Les informations nécessaires étaient donc
réduites. Le domaine ouvert aux contrôles en était limité.
Cela écartait finalement toute « inquisition » fiscale. Ceci
ne changera qu’en 1914 avec la création de l’impôt sur le
revenu des personnes physiques.

Les privilèges fiscaux ont-ils disparu ?


› › ›  Si les privilèges fiscaux ont été abolis durant la nuit du
4 août 1789, les régimes dérogatoires et niches fiscales
pourraient s’y apparenter. En 1973, le Conseil constitutionnel
a pourtant reconnu au principe d’égalité devant l’impôt une
valeur constitutionnelle. Il exerce un contrôle sur chaque
impôt mais admet cette différenciation des règles fiscales
en fonction des situations particulières.

27
››››››››
Les impôts : quels penseurs,
quelles controverses ?
L’impôt, c’est le vol ?
Selon les économistes Frédéric Bastiat (1848) et Murray
Rothbard (2002), l’impôt est un instrument de spoliation.
À l’inverse, l’homme politique Léon Bourgeois (1896)
défend l’impôt au nom de la solidarité entre les membres
du corps social. Les hommes et les générations sont
interdépendants. Les êtres humains ne sont rien sans
la société.
Un seul impôt, c’est mieux ?
Remplacer les différents impôts d’un système fiscal par
un seul impôt est une utopie fréquente dans la théorie
économique. Au xviiie siècle, l’école de pensée des
Physiocrates préconisait un impôt unique sur le foncier.
Au xxe siècle, Nicolas Kaldor (1955) prônait un impôt
unique sur la dépense (consommation et investissements)
et Maurice Allais (1988), sur le capital. En revanche,
selon l’économiste Joseph Stiglitz (1988), un système
fiscal composé de plusieurs impôts à taux faibles est
préférable à une ou quelques taxes à taux élevés.
Faire payer plus ceux qui gagnent plus ?
Pour certains économistes, c’est un principe juste. Pour
d’autres, cela serait inefficace. Ce que l’on appelle un
« impôt progressif » découragerait le travail et l’épargne
chez les individus qui produisent le plus.

28
›››››››› Questions-réponses

Montesquieu : la liberté, une condition à l’impôt !


› › ›  Selon le célèbre penseur politique du xviii siècle, l’impôt
e

peut être d’un niveau élevé chez les peuples jouissant d’un
haut degré de liberté. Mais il doit être plus faible là où la
servitude est forte. En effet, sans liberté, les contribuables
ne peuvent adhérer aux choix fiscaux du Gouvernement.
Le consentement est impossible. C’est pourquoi l’asser-
vissement détruit la confiance et provoque des révoltes
fiscales. Inversement, la liberté renforce le civisme fiscal.

Rousseau : du bon impôt consenti


› › ›  Le philosophe du xviii e siècle, Rousseau, s’oppose à

l’idée selon laquelle l’impôt pourrait être considéré comme


une forme de spoliation. Certes, le droit de propriété est
sacré. Mais, selon lui, s’il est librement consenti, l’impôt
est légitime et ne remet pas en cause le droit de propriété.

Proudhon et l’impôt-échange
› › ›  Le théoricien Proudhon défend l’idée que l’État échange
des services contre l’impôt (1860). Ce dernier serait com-
parable au prix payé lors d’une transaction commerciale.
En cela, il s’oppose aux défenseurs de la conception des
« facultés contributives ». Ainsi, pour l’économiste John
Stuart Mill (1848), l’impôt juste est calculé en fonction des
moyens des contribuables. En effet, si l’on voulait propor-
tionner l’impôt aux bénéfices retirés par chacun, il faudrait
faire payer moins les riches que les pauvres puisque ces
derniers sont vulnérables et ont plus besoin de protection.
Mais ce serait injuste.

29
››››››››
Que sont les prélèvements
obligatoires ?
Des versements destinés aux administrations publiques
Les prélèvements obligatoires (PO) sont les versements
obligatoires des contribuables, sans contrepartie directe,
et à titre définitif. Ils sont perçus par les administrations
publiques (État, collectivités locales et Sécurité sociale).
Des impôts et des cotisations sociales
Ce sont les deux catégories de PO définis par l’article 34
de la Constitution. D’une part, les impôts sont collectés
par l’État pour son propre compte (ex : l’impôt sur le
revenu), pour le compte des collectivités locales (ex : la
taxe d’habitation) ou pour celui des administrations de
Sécurité sociale (ex : la contribution sociale généralisée
[CSG]). D’autre part, les cotisations sociales sont desti-
nées au budget des administrations de Sécurité sociale.

Répartition des prélèvements obligatoires (PO)


par type d’administration (en % des PO)

Administrations publiques 1990 2011


Impôts (1) perçus par : 55,7 62,0
–  les administrations centrales 40,5 30,6
–  les administrations locales 11,4 13,5
–  les administrations de Sécurité sociale  1,7 17,3
–  les institutions de l’Union européenne  2,1  0,6
Cotisations sociales (2) perçues par : 44,3 38,1
–  les administrations centrales  0,8  0,9
–  les administrations de Sécurité sociale 43,5 37,2
Prélèvements obligatoires (1) + (2) 100 100
Source : INSEE, 2012.

30
›››››››› Questions-réponses

De la feuille de paye à l’impôt sur le revenu

Cotisations
Salaire brut + sociales = Coût du travail
employeurs
-
Cotisations URSSAF***
sociales salarié
-
CSG
déductible* URSSAF

-
CSG URSSAF
non déductible*
-

CRDS URSSAF

=
Salaire net versé CSG non Salaire brut
au salarié par + déductible + = fiscal**
l’entreprise CRDS*
*  Une fraction de la CSG est déductible du salaire imposable à l’impôt sur le revenu,
l’autre partie ne l’est pas. La contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS)
n’est pas déductible non plus. Cela signifie que la CSG non déductible et la CRDS sont
prises en compte pour le calcul de l’impôt sur le revenu.
**  Le salaire brut fiscal figurant dans le bas de la feuille de paye est l’assiette brute de
l’impôt sur le revenu. Après déduction de 10 % pour frais professionnels, on obtient
le salaire net imposable.
***  L’URSSAF est l’organisme de collecte des cotisations sociales.

Jean-Marie Monnier

31
››››››››
Que sont les impôts
et à quoi servent-ils ?
Des prélèvements de l’État
L’impôt est un prélèvement obligatoire. Seul l’État détient
le pouvoir de lever l’impôt car c’est un acte de souve-
raineté. Il capte ainsi par la contrainte une fraction des
revenus créés dans l’économie. Les impôts servent prin-
cipalement à financer les dépenses et services publics
(ex. piscines municipales). Ils sont également un moyen
d’agir sur la politique économique et sociale.
Impôts directs et impôts indirects
Les impôts directs visent directement les ressources
des contribuables (ex. impôt sur le revenu). Les impôts
indirects ciblent leur emploi (ex. taxe sur la valeur ajoutée
[TVA]). Un impôt direct trouve donc son origine dans une
situation (avoir un revenu), tandis qu’un impôt indirect
intervient à la suite d’un événement (un achat).
Impôts proportionnels, progressifs, régressifs
Un impôt est dit proportionnel quand on prélève la même
part de richesse à tous. Le taux de prélèvement est
donc identique quelle que soit la grandeur économique
(revenu, patrimoine, etc.) à laquelle il s’applique (base
imposable ou assiette). Un impôt est dit progressif lorsque
l’on prélève une plus grande part à ceux qui ont plus.
Il est dit régressif lorsque l’on prélève une proportion
moins importante à ceux qui ont plus.

32
›››››››› Questions-réponses

Des impôts aux rôles multiples


› › ›  Dès l’origine, ils visent à financer les dépenses et services
publics. Par leur redistribution, ils peuvent aussi corriger
les inégalités de niveau de vie. Ils permettent également
de réguler l’activité économique. Par exemple, leur baisse
peut potentiellement relancer la consommation. Enfin, ils
participent à modifier les comportements des contribuables,
comme la taxe générale sur les activités polluantes.

Contribuables et redevables, des différences ?


› › ›  Un contribuable (ou assujetti) est celui qui paie effec-
tivement l’impôt. Un redevable est celui qui doit verser le
montant de l’impôt à l’administration. L’impôt direct est
payé et supporté par la même personne (ex. impôt sur le
revenu). Pour les impôts indirects, le redevable est différent
du contribuable. Par exemple, le montant de la taxe sur
la valeur ajoutée (TVA) est reporté sur le prix d’un produit.
La charge de la TVA est donc supportée par une autre
personne (le consommateur) que celle qui verse l’impôt
(le commerçant).

Le saviez-vous ?
› › ›  L’impôt a toujours été payé en monnaie. Mais à la fin
du Moyen Âge, la monnaie était rare et le troc, un moyen
d’échange répandu. Pourtant, il fallait bien régler ses impôts.
Les difficultés à payer l’impôt furent l’une des causes des
révoltes fiscales des xve et xvie siècles.

33
››››››››
Qu’est-ce qu’un impôt
redistributif ?
Un impôt qui corrige des inégalités
Un impôt est redistributif quand il réduit les inégalités
engendrées par la répartition des revenus issue de l’acti-
vité économique (ex. les salaires). Tous les impôts n’ont
pas un objectif redistributif, comme c’est le cas pour
l’impôt sur le revenu. Mais tous ont un impact redistributif
car ils affectent le revenu global des ménages.
Une redistribution horizontale et/ou verticale
La redistribution verticale des revenus consiste pour l’État
à prélever plus sur les riches et moins, ou pas du tout,
sur les pauvres. Elle s’appuie donc sur la hiérarchie des
revenus. Ainsi l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF)
visait à financer à l’origine le revenu minimum d’insertion
(RMI devenu Revenu de solidarité active [RSA]). En
revanche, la redistribution horizontale est motivée par
d’autres critères. Ainsi, l’impôt sur le revenu dépend du
nombre de personnes par foyer fiscal, etc.
Une forme de redistribution parmi d’autres
Pour corriger les inégalités des revenus, l’État se sert
de l’impôt mais il fournit également des prestations en
nature à un prix faible (ex. école) ou encore en verse en
espèces (ex. allocation adulte handicapé). Enfin, il peut
mettre en place des règles contraignantes, par exemple
pour imposer un salaire minimum interprofessionnel de
croissance (SMIC).

34
›››››››› Questions-réponses

Et si le gâteau était mieux partagé…


› › ›  Quand les revenus issus de l’activité économique sont
très inégaux, on redistribue plus et on augmente donc l’impôt
des riches qui le contestent. La redistribution est plus facile,
lorsque l’inégalité de répartition des revenus est limitée.

L’impôt sur le revenu (IR) : quelle progressivité ?


› › ›  L’IR en France est calculé avec un barème qui découpe
le revenu imposable par niveaux (les tranches), avec chacun
un taux d’imposition. L’impôt à payer est égal à la somme
des impôts correspondant à chaque tranche. Par exemple,
Antonin et Martin, tous deux célibataires, ont gagné en
2012 un revenu (imposable en 2013) respectivement de
28 230 euros et de 160 500 euros, soit un écart de 1 à 5,7.
En 2013, le taux d’imposition pour Antonin est de 10,3 % et
celui de Martin de 32,9 %. En impôt, l’écart entre Antonin
et Martin est de 1 à 18,2.
Barème 2011 Antonin Martin
Taux
Montant de l’impôt Montant de l’impôt
Tranches d’imposition
pour la tranche pour la tranche
de la tranche
Moins de 5 963 € 0 % 0 0
(11 896-5 964) × 0,055
de 5 964 € à 11 896 € 5,5 % 326,26 €
= 326,26 €
(26 420-11 897) × 0,14
de 11 897 € à 26 420 € 14 % 2 033,22 €
= 2 033,22 €
(28 230-26 421) × 0,3 (70 830-26 421) × 0,3
De 26 421 € à 70 830 € 30 %
= 542,70 € = 13 322,70 €
(150 000-70 830) × 0,41
De 70 831 € à 150 000 € 41 %
= 32 459,7 €
(160 500-150 000)
Plus de 150 000 € 45 %*
× 0,45 = 4 725 €
Montant total de l’impôt à payer 2 902,18 € 52 866,9 €
Source : Jean-Marie Monnier.
*  En 2013, pour la taxation des revenus de 2012, et pour les revenus supérieurs à un
million d’euros, un nouveau dispositif visant à remplacer la taxation exceptionnelle de
75 %, censurée en décembre 2012 par le Conseil constitutionnel, devrait être instauré.

35
››››››››
Qu’est-ce
qu’un « bon » impôt ?
Un bon impôt a trois qualités
Il doit procurer le plus de recettes possible. Son taux
et son assiette doivent être stables afin de sécuriser les
projets de chacun (y compris ceux des administrations
publiques). Il doit enfin s’adapter aux évolutions éco-
nomiques et sociales. Le plus souvent, ces trois impé-
ratifs sont contradictoires et donc difficiles à satisfaire
simultanément.
La fiscalité optimale : un idéal…
Pour certains économistes, un bon impôt serait celui
qui participe à une « fiscalité optimale ». Celle-ci serait
équitable – la charge fiscale serait répartie selon les
moyens de chacun –, efficace en ne décourageant pas
les activités économiques et efficiente en ayant les coûts
de gestion les plus faibles possibles. La satisfaction
collective (ou bien-être) serait ainsi maximale.
… car chacun cherche à éviter l’impôt
Les consommateurs diminuent leurs achats quand
des taxes augmentent les prix des marchandises. Les
ménages peuvent reporter sur d’autres la charge fiscale
dont ils sont redevables (ex. taxe foncière). Enfin, il y
a la fraude et l’évasion fiscales. Les activités écono-
miques en sont affectées et les coûts de gestion de l’impôt
majorés. La fiscalité comportementale peut transformer
ce défaut en atout en luttant contre les actes jugés
nuisibles (ex. lutte anti-tabac).

36
›››››››› Questions-réponses

Croissance ne veut pas dire bien-être


› › ›  La croissance contribue au bien-être collectif mais peut
également le dégrader. Ainsi, plus d’activités industrielles
peut signifier plus de richesse… mais aussi plus de pollution.
Afin de parvenir au bien-être maximum, la fiscalité ne doit
donc pas avoir pour seul objectif de favoriser la croissance
et l’activité économique. Elle peut aussi servir à limiter les
dégâts engendrés par celle-ci en instaurant une taxe sur
les activités polluantes par exemple.

L’impôt contre le tabagisme


› › ›  Le tabac peut être considéré comme une habitude
qui coûte cher à la société. Or les fumeurs ne diminuent
généralement pas leur consommation de tabac en cas de
majoration limitée des prix. Pour lutter contre le tabagisme
en réduisant les ventes, il faut donc augmenter fortement
les taxes. Cela permet également de financer la lutte contre
les conséquences liées au tabagisme. L’État a ainsi instauré
une taxe de 73,4 % sur le prix du paquet et une taxe fixe
de 0,39 euros pour vingt cigarettes.

La taxe foncière n’est pas un impôt idéal


› › ›  En tant qu’impôt direct, la taxe foncière vise les revenus et
le patrimoine des propriétaires d’habitations. Mais lorsqu’ils
mettent celles-ci en location, les propriétaires augmentent
généralement le loyer du montant de la taxe foncière. Elle
pèse donc sur les ressources des locataires.

37
››››››››
Trop d’impôt tue l’impôt ?
Trop d’impôt ferait fuir les contribuables
Au-delà d’un certain seuil, les impôts décourageraient
l’activité économique. Certains préféreraient « l’exode
fiscal » et trouveraient « refuge » dans des pays fran-
cophones proches pratiquant une fiscalité attractive.
Des industriels ou artistes y trouveraient le moyen de
réduire la taxation d’une partie de leurs revenus. Ces
comportements restent cependant minoritaires.
La trappe à inactivité
Selon certains, les inactifs (ni en emploi, ni au chômage)
touchant des minima sociaux seraient dissuadés de
reprendre un emploi. Le montant de leurs aides sociales
sans travailler serait en effet supérieur à celui de leur
salaire sans les aides et avec les charges induites par
la reprise d’une activité (ex. CSG, transports). C’est ce
que l’on appelle la trappe à inactivité.
Quelles solutions pour éviter ces effets négatifs ?
Pour lutter contre l’exode fiscal, un « bouclier fiscal »
a été créé en 2006 puis supprimé en 2011. Avec ce
mécanisme, les impôts directs d’un contribuable ne
pouvaient pas dépasser 60 % puis 50 % de ses revenus.
Pour favoriser l’activité des ménages les plus pauvres, la
prime pour l’emploi (PPE) a été instaurée en 2001. Cette
aide fiscale est accordée lorsque l’un des membres du
foyer a une faible activité professionnelle.

38
›››››››› Questions-réponses

PPE et RSA ou comment favoriser le retour au travail


› › ›  La PPE n’a pas été un succès. Certaines femmes fai-
blement rémunérées ont décidé de quitter leur emploi.
Ainsi, leur ménage est passé sous le seuil de revenu per-
mettant d’en bénéficier. De ce fait, certains suggèrent de
fusionner la PPE et le revenu de solidarité active (RSA)
afin de concentrer les financements et rendre le dispositif
plus efficace. Une personne seule sans activité qui perçoit
uniquement le RSA (483,24 euros au 1er janvier 2013) ne
le perd pas si elle trouve un emploi, car le RSA comporte
des « dispositifs d’intéressement ».

Les pauvres travaillent tout de même…


› › ›  En dépit du coût financier de la reprise d’activité, les
chômeurs choisissent le plus souvent de travailler, même
à temps partiel. Ils acquièrent notamment une expérience
à valoriser sur leur CV. Selon une enquête réalisée en 2007
auprès des bénéficiaires potentiels de la PPE, 65 % des
personnes recherchant un emploi pensent que le princi-
pal obstacle qu’ils rencontrent pour trouver un travail est
l’inadéquation de leur formation ou l’insuffisance de leur
expérience professionnelle. Le coût de la reprise du travail
n’est donc pas déterminant.

Le saviez-vous ?
› › ›  Entre 1942 et 1964, le taux le plus élevé du barème
fédéral de l’impôt sur le revenu aux États-Unis dépassait
90 %. En 1970, ce taux était encore de 70 %. En 2013, en
France, un nouveau dispositif visant à remplacer la taxation
exceptionnelle de 75 % sur les revenus supérieurs à un
million d’euros, censurée en décembre 2012 par le Conseil
constitutionnel, devrait être instauré.

39
››››››››
Les Français sont-ils
trop imposés ?
Des taux supérieurs à la moyenne européenne
C’est ce que montrent les comparaisons internationales
se basant sur la part de la richesse produite et imposée
tous les ans dans chaque pays (taux de prélèvements
obligatoires – PO). Alors que le taux moyen des pays
de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) était de 33,8 % en 2010, celui de
la France s’élevait à 42,9 %, celui l’Allemagne à 36,1 %
et celui de l’Italie à 42,9 %.
Une statistique à utiliser avec prudence
Chaque pays a une politique fiscale différente selon la
forme de son intervention publique. Ainsi, lorsque les
dépenses de santé et de protection sociale sont financées
par l’impôt ou par les cotisations sociales, cela pousse le
taux de PO à la hausse. Entre la France et l’Allemagne,
l’écart résulte principalement du mode de calcul du
taux de PO et de différences dans l’organisation de la
protection sociale.

L’évolution du taux de prélèvements obligatoires


dans quelques pays de l’OCDE (en %)
1980 2010
Allemagne 36,4 36,1
États-Unis 26,4 24,8
France 40,1 42,9
Italie 29,7 42,9
Japon 25,1 27,6
Royaume-Uni 34,8 34,9
Suède 46,5 45,5
OCDE 30,9 33,8
Source : OCDE.

40
›››››››› Questions-réponses

Y a-t-il 42,9 % de pommes dans un kilo de poires ?


› › ›  Les administrations publiques sont assujetties aux PO
(cotisations sociales, etc.). Les fonctionnaires payés grâce
à ces prélèvements sont aussi des contribuables. Une part
importante des prestations sociales financées par des PO
sont imposables (ex. allocations chômage). En d’autres
termes, les PO sont partiellement autofinancés. La richesse
nette créée dans l’économie ne représente donc qu’une
partie de ce sur quoi portent les PO. En conséquence, le
taux de PO, qui théoriquement porte uniquement sur la
richesse produite, est surévalué.

Partir aux États-Unis pour payer moins d’impôt ?


› › ›  En 2010, leur taux de PO est le plus faible des pays de
l’OCDE (24,8 %). Mais l’assurance maladie et les régimes
de retraite y sont souvent privés. Les cotisations ne relèvent
alors pas des prélèvements obligatoires. Elles sont versées à
des mutuelles, à des assurances ou à des fonds de retraite
privés. Sans compter ceux qui ne peuvent pas se payer la
Sécurité sociale. Ainsi, en 2009, 80 millions d’Américains
n’avaient pas de couverture maladie ou étaient insuffisam-
ment couverts.

Trop de cotisations sociales en France ?


› › ›  La France se distingue par un ratio des cotisations
sociales sur le PIB élevé (16,6 % en 2010 contre 14,1 % en
Allemagne). Elles financent nos revenus de remplacement
(allocation chômage) et les dépenses sociales profitant à
tous (assurance maladie). Pour réduire leur poids, la TVA
avait été majorée en compensation d’une diminution des
cotisations sociales. Cette « TVA sociale » a été annulée en
juillet 2012.

41
››››››››
Fiscalité en France
et en Allemagne : qui gagne ?
De fortes similitudes
La convergence fiscale franco-allemande est devenue une
priorité pour notre Gouvernement. Les deux pays ont des
points communs. D’une part, les cotisations sociales et la
taxe sur la valeur ajoutée (TVA) y représentent une part
importante des prélèvements obligatoires (PO). D’autre
part, la fiscalité environnementale ne concernait en 2010
que 5,8 % des PO en Allemagne et 4,2 % en France.
Mais des divergences notables
Les impôts sur les revenus sont plus importants et plus
progressifs en Allemagne qu’en France. Par ailleurs,
l’Allemagne n’a pas d’équivalent de la contribution sociale
généralisée (CSG). Le poids de sa fiscalité du patrimoine
est plus faible. En effet, sa fiscalité foncière est moins
importante et l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a
été suspendu. De plus, il existe moins de niches fiscales
qu’en France. La fiscalité est ainsi bien plus lisible.
Évolution de la répartition des prélèvements obligatoires
(en % des PO)
Allemagne France
1995 2010 1995 2010
Fiscalité indirecte 30,2 29,8 37,6 35,5
Dont TVA 16,3 19,1 17,3 16,5
Dont Autres impôts sur la consommation 6,6 6,7 6,5 5,1
Fiscalité directe 27,5 29,4 19,7 25,8
Impôts sur les revenus personnels 23,4 22,0 12,3 17,8
Impôts sur les revenus des sociétés 5,0 5,8 4,2 4,4
Autres (impôts sur le patrimoine) 1,8 1,7 3,3 3,6
Cotisations sociales 42,3 40,8 43,5 39,3
Pour mémoire : taux de PO 37,2 36,1 42,9 42,9
Source : Eurostat, 2012.

42
›››››››› Questions-réponses

ISF : le modèle allemand ?


› › ›  La France diverge de la politique allemande dans ce
domaine. L’Allemagne a suspendu cet impôt en 1997. Basé
sur des valeurs anciennes, il créait des injustices. En avril
2011, lors de la suppression du bouclier fiscal, la France a
maintenu l’ISF avec un seuil d’imposition relevé et des taux
plus faibles. Il concerne aujourd’hui les contribuables dont
le patrimoine est supérieur à 1,3 million d’euros.

Impôt sur les sociétés et TVA : les principales différences


› › ›  L’Allemagne a fortement réduit le taux de l’impôt sur
les bénéfices des sociétés (IS) pour favoriser les activités
économiques sur son territoire. Il s’élevait à 15 % en 2008.
En 2007, elle a également augmenté un de ses taux de TVA
pour financer la baisse de ses déficits publics et celle des
cotisations sociales. En France, le taux de l’IS est passé de
50 % en 1985 à 33,33 % aujourd’hui. Seule la TVA pour
la restauration a été baissée à 5,5 % en 2009, avant d’être
relevée à 7 % en 2012 et à 10 % à partir du 1er janvier 2014.

Le saviez-vous ?
› › ›  En 2009, l’Allemagne et la France se classaient res-
pectivement 23e et 26e sur 27 pays de l’Union européenne
pour le poids de la fiscalité environnementale dans leurs
prélèvements obligatoires.

43
››››››››
La fiscalité française
est-elle juste ?
Les plus riches ne sont pas les plus imposés
La somme d’euros qu’ils versent est certes plus impor-
tante que celle des autres. Mais, en proportion de leur
revenu, les plus riches paient moins d’impôt que les
classes moyennes et, surtout, que les plus mal lotis. En
effet, comme le montrent les économistes C. Landais,
T. Piketty et E. Saez, le système de prélèvement est pro-
gressif jusqu’à 20 000 euros de revenu pour un individu,
proportionnel jusqu’à 50 000 euros, puis régressif au-delà.
Un impôt sur le revenu (IR) trop peu redistributif
Il représente seulement 2,6 % du PIB (soit le taux le
plus faible de l’OCDE), alors qu’il est en principe l’impôt
le plus redistributif de notre système fiscal. De plus, le
taux de prélèvement de la tranche la plus élevée (pour
les plus aisés) a baissé depuis 1985 de 65 % à 41 % du
revenu puis remonte à 45 % en 2013. Enfin, l’assiette de
l’IR est réduite par les niches fiscales. Certains revenus
du capital (ex. dividendes) ne sont pas pris en compte.
Le travail, plus taxé que le capital
Selon Eurostat, en 2010, le taux global de taxation des
revenus du travail s’élevait en France à 41 % et celui des
revenus du capital à 19 %. La moyenne dans l’Union
européenne était respectivement de 33,4 % et de 15,6 %.

44
›››››››› Questions-réponses

Un système fiscal faiblement progressif… ou franchement régressif ?


60 %
Taux global d'imposition (tous prélèvements)

4 200 € brut 9 400 € brut


1 700 € brut par mois par mois
par mois
50 %
63 000 € brut
par mois
40 %
Système actuel (moyenne générale : 47 %)
30 %
Classes populaires Classes moyennes Classes aisées Très aisées
Les 50 % des revenus Les 40 % du milieu Les 10 % les plus hauts Les 1 % les plus
20 % les plus bas (revenu (revenu brut (revenu brut supérieur hauts (revenu brut
brut mensuel individuel compris entre à 5 200 €) supérieur à
compris entre 1 000 € 2 300 € et 5 100 €) 14 000 €)
10 % et 2 200 €)

0%
P0-10
P10-20
P20-30
P30-40
P40-50
P50-60
P60-70
P70-80
P80-90
P90-95
P95-96
P96-97
P97-98
P98-99
P99-99,9
P99,9-99,99
P99,99-99,999
P99,999-100
Percentiles* de revenu individuel

*  Le percentile 0-10 désigne les 10 % des personnes avec les revenus les plus faibles, P10-20 les
10 % suivants, etc.
Lecture : le graphique montre le taux global d’imposition (incluant tous les prélèvements) par
groupe de revenus au sein de la population des 18-65 ans travaillant à au moins 80 % du plein
temps. Les taux d’imposition croissent légèrement avec le revenu jusqu’au 95e percentile puis
baissent avec le revenu pour les 5 % les plus riches.
Source : C. Landais, T. Piketty & E. Saez, Pour une révolution fiscale, La République des idées,
Seuil, 2011, p.50.

L’impact du système fiscal sur nos revenus


› › ›  Considérons l’impact de l’ensemble des impôts (cotisa-
tions sociales, CSG, IR, TVA, taxe d’habitation, etc.) sur le
niveau de revenu des ménages. La moyenne générale des
taux de taxation est alors de 47 %. Les taux de taxation des
classes moyennes sont les plus forts. Ainsi, Jean dont le
revenu brut mensuel est de 4 200 euros supporte un taux
de taxation global correspondant à 49 % de son revenu.
Celui de Pierre, payé au SMIC, soit 1 430 euros bruts par
mois, correspond à 41 % de son revenu brut. Quant à Paule,
avec un revenu brut mensuel de différentes sources de
63 000 euros, son taux est le plus faible, soit 38 %.

45
››››››››
Impôt sur les revenus :
comment ça marche ?
Premier calcul : le revenu net global imposable (R)
C’est la somme des revenus du travail et du patrimoine
sans les (nets des) frais professionnels, déductions,
abattements et charges déductibles (pensions alimen-
taires, etc.). Tous les revenus n’entrent pas dans l’as-
siette, comme les intérêts servis pour divers comptes
(ex. livret A).
Second calcul : les droits simples
Il faut alors utiliser le quotient familial. Il consiste à diviser
R par le nombre de parts (N) (1 pour le conjoint, ½
pour le 1er et 2e enfant puis 1 par enfant). Cela donne
le revenu pour une part. Le barème de l’impôt sur le
revenu des personnes physiques (IRPP) s’applique au
revenu pour une part. Cela donne l’impôt pour une part.
On multiplie celui-ci par N, on obtient l’impôt brut. La
décote, ou réduction d’impôt pour les impôts n’excédant
pas 960 euros (en 2012), l’annule ou le réduit. Pour les
plus aisés, l’avantage en impôt dû au quotient familial
est limité (plafonné).
Résultat final : l’impôt net à payer
On corrige les droits simples des réductions et crédits
d’impôt. Ce sont des sommes accordées en contrepartie
de certains emplois du revenu (ex. dons aux œuvres).
Les réductions d’impôts ne sont pas remboursables en
cas d’impôt égal à zéro. Les crédits d’impôt le sont (ex. la
prime pour l’emploi).

46
›››››››› Questions-réponses

Impôt sur le revenu : quels calculs ?


Revenus nets de l’activité professionnelle Revenus nets du patrimoine
Traitements Pensions Bénéfices Revenus Revenus
et salaires de retraite professionnels fonciers financiers
(loyers)

Déductions et abattements
Charges déductibles, ex. : pensions alimentaires
= Revenu net global imposable (base imposable ou assiette)

Revenu net global Nombre de parts


imposable = R =N
Quotient familial
R/N = Revenu
pour une part

Barème

I = impôt pour une part

Plafonnement
IxN = éventuel
Décote impôt des effets
éventuelle brut du quotient
familial

Droits simples
+/-
Crédits et réductions d’impôt
=
IMPÔT NET À PAYER

Au total, environ la moitié seulement des contribuables payent l’impôt sur le revenu

Jean-Marie Monnier

47
››››››››
ISF, bouclier fiscal : pourquoi
un impôt sur le patrimoine ?
Le patrimoine est une faculté contributive
Le patrimoine est l’ensemble des avoirs corporels
(ex. immeubles) et incorporels (ex. actions) d’une per-
sonne. Ces avoirs lui procurent des avantages non pris
en compte par la fiscalité des revenus. Par exemple,
celui qui possède son logement ne paie pas de loyer,
ce qui équivaut à un revenu. Ce flux supplémentaire de
ressources peut contribuer au système fiscal.
Il existe quatre types d’impôts sur le patrimoine
L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est un impôt
annuel sur le patrimoine net de ses dettes. Il est progressif
mais comporte de nombreux allégements.
Les droits de mutation à titre onéreux correspondent à
l’essentiel des « frais de notaire » acquittés lors d’une
vente d’immeuble.
Les droits de mutation à titre gratuit sont payés en cas
de donation ou de succession.
La fiscalité à base foncière (taxes foncières sur la propriété
bâtie et non bâtie et taxe d’habitation) est destinée aux
collectivités locales.
Le bouclier fiscal limitait cette imposition
Supprimé en 2011, il visait à ce qu’un contribuable ne
paie pas plus de 50 % de son revenu en impôts directs
payés. À partir de 2013, s’applique un plafonnement
de l’ISF payé par un contribuable à 75 % de son revenu
au maximum.

48
›››››››› Questions-réponses

Le patrimoine : les plus grandes inégalités


› › ›  Patrimoines et revenus sont très concentrés dans cer-
taines catégories sociales. Mais le patrimoine l’est plus que le
revenu. Ainsi, 10 % des ménages (les plus riches) détiennent
48 % du patrimoine total des ménages. Ils reçoivent le
quart de tous les revenus d’activité et près des deux tiers
des revenus du patrimoine. Les très hauts revenus (1 %
de la population) perçoivent 5,5 % des revenus d’activité
professionnelle et le tiers des revenus du patrimoine. En
raison de cette concentration, la fiscalité du patrimoine
peut être très redistributive.

Le bouclier fiscal : quel impact sur l’ISF ?


› › ›  Entre 2000 et 2009, le nombre de redevables de l’ISF est
passé de 244 000 à 560 000. 10 % de ces foyers acquittent
75 % de l’ISF total. En 2009, avant d’appliquer aux revenus
le bouclier fiscal, l’ISF moyen payé par les 1 % les plus
riches représentait 0,77 % de leur patrimoine brut. Avec
le bouclier fiscal, 0,42 %.

Le saviez-vous ?
› › ›  Ne pas payer de loyer améliore en moyenne de 15 %
le niveau de vie des propriétaires de leur logement. S’ils
doivent rembourser un emprunt lié à son acquisition, le
gain moyen de niveau de vie n’est que de 9 %.

49
››››››››
La TVA, un impôt injuste ?
Une taxe proportionnelle et régressive
La TVA est proportionnelle à la consommation. Elle
représente une part fixe du prix d’achat. Les taux sont
de 19,6 %, 7 %, 5,5 % ou 2,1 % selon les produits. Ils
seront de 20 %, 10 %, 5 % et 2,1 % en 2014. Mais la
TVA est régressive par rapport aux revenus. En effet,
plus on est riche, moins la part de revenu qu’on alloue
à la consommation est importante. Inversement, les
ménages les plus pauvres consomment l’intégralité de
leurs revenus. La TVA pèse donc plus lourdement sur eux.
Vers plus de redistribution ?
Certains ont proposé d’instaurer des taux de TVA diffé-
rents. Ainsi, les taux des produits consommés par les
ménages modestes seraient réduits. Ceux des produits
de luxe seraient majorés. Cette idée n’est pas applicable.
En effet, les modes de consommation se sont rappro-
chés. Les personnes défavorisées consomment aussi
des biens de luxe et les plus riches profiteraient aussi de
la baisse des taux. Enfin, la réduction des taux pourrait
être captée par les producteurs ou les distributeurs s’ils
ne diminuaient pas leurs prix.
Une fiscalité indirecte régressive
Elle représente en moyenne 12,5 % du revenu des
ménages. Ainsi, pour les 10 % de ménages les plus
démunis, elle représente 17 % de leurs revenus alors
que pour les 10 % les plus riches, seulement 8 %.

50
›››››››› Questions-réponses

TVA, une taxe en cascade


› › ›  En effet, elle frappe les biens et les services lors de
chaque transaction. Les personnes (entreprises) qui sont
assujetties déclarent la TVA encaissée sur leurs ventes. Pour
cela, elles déduisent la TVA qu’elles ont elles-mêmes payée
sur leurs achats ou investissements (« droit à déduction »). Si
la différence est positive (TVA collectée supérieure à la TVA
déductible), elles adressent un chèque au Trésor public. Si
le solde est négatif, elles bénéficient d’un crédit de taxe. Le
consommateur final ne bénéficie pas de ce droit à déduc-
tion. Il supporte donc effectivement la charge de la TVA.

La TVA dite « sociale »


› › ›  Son objectif était d’augmenter les ressources de la
Sécurité sociale et de baisser les prélèvements payés par
les entreprises. Pour cela, on augmentait les taux de TVA
et on baissait les cotisations. Votée en mars 2012, elle a
été annulée en juillet suivant.

TVA, c’est l’Union européenne qui décide ?


› › ›  Les règles relatives à la TVA ont été harmonisées au
niveau de l’UE. Les taux ont été rapprochés. Il s’agissait
d’une étape importante de la création du marché unique
en 1993. Des marges de manœuvre nationales demeurent.
Mais elles sont peu importantes. La France a ainsi dû
attendre plusieurs années avant d’avoir le droit exceptionnel
de réduire la TVA sur la restauration au taux de 5,5 % en
2009 avant de l’augmenter à 7 % en 2012. Elle est portée
à 10 % en 2014.

51
››››››››
Nos entreprises sont-elles
trop ou mal taxées ?
Une fiscalité en apparence élevée
La part des prélèvements obligatoires (PO) reposant
sur les entreprises est plus élevée en France (39 % en
2006) que dans les autres pays de l’Union européenne
(UE) (29 % en moyenne en 2006). L’importance des
prélèvements sur le travail l’explique. Néanmoins, les
allégements fiscaux récemment adoptés tendent à limiter
les impôts des entreprises (ex. suppression de la taxe
professionnelle).
L’inégale taxation du bénéfice des entreprises
Les grandes entreprises payent moins d’impôt sur les
bénéfices que les petites. Elles ont plus souvent recours
aux services de conseillers fiscaux. Elles pratiquent
plus fréquemment l’évasion fiscale, les niches fiscales
et les régimes fiscaux dérogatoires. Elles peuvent ainsi
localiser plus facilement leurs bénéfices dans des pays
où la fiscalité est faible.
La politique fiscale française à contre-courant
Ces dernières années, les pays de l’UE ont souvent réduit
le taux de leur impôt sur le bénéfice des sociétés (IS) et
élargi son assiette. La France a conservé son taux de l’IS
(33,33 %), mais grignoté son assiette avec des niches
fiscales. Pour 2013, les avantages fiscaux des grandes
entreprises ont été réduits.

52
›››››››› Questions-réponses

Des impôts différents pour des entreprises différentes


› › ›  Selon leur nature juridique, les entreprises ne payent
pas toutes les mêmes impôts. Les sociétés sont taxées à l’IS
et les entreprises individuelles à l’impôt sur le revenu. Les
impôts payés varient aussi selon la taille de l’entreprise ou
sa localisation. Les petites et moyennes entreprises (PME)
bénéficient d’un taux d’IS réduit (15 %). Les entreprises
implantées dans des zones géographiques prioritaires béné-
ficient de l’allégement total ou partiel des différents impôts
dont elles sont redevables (ex. zones franches urbaines).
Les principaux impôts à la charge des entreprises sont
concernés par ces distinctions : IR, IS, contribution éco-
nomique territoriale, taxe foncière…

Réforme fiscale et compétitivité


› › ›  Pour restaurer l’égalité du prélèvement fiscal entre
grandes sociétés et PME, l’impôt sur les sociétés est réformé
dès 2013. Plusieurs avantages fiscaux dont bénéficiaient
principalement les plus grandes sociétés ont été suppri-
més ou aménagés. Par ailleurs, dans le cadre du pacte
de compétitivité, un allégement du coût du travail sous
forme de crédit d’impôt est prévu. Il coûtera 20 milliards
d’euros au budget de l’État en année pleine. Un statut
fiscal d’entrepreneur sera créé et les incitations fiscales à
l’innovation améliorées.

Le saviez-vous ?
› › ›  En 2008, le poids de l’IS payé effectivement par les
PME se serait élevé à 22 % de leur bénéfice financier, alors
qu’il n’aurait représenté que 8 % du bénéfice financier
des entreprises du CAC 40 (Conseil des prélèvements
obligatoires, 2009).

53
››››››››
Les impôts comme
instruments de politique
économique ?
Un outil de la relance
Pour les économistes dits « de l’offre », l’impôt sert à
améliorer la compétitivité des entreprises et à accroître
l’épargne. Pour cela, ils préconisent la baisse des cotisa-
tions sociales employeurs, des impôts des entreprises et
des plus riches. Pour les économistes dits « keynésiens »,
l’impôt est utile dans la relance de la demande. Ils pro-
posent de baisser les impôts des classes moyennes et
défavorisées qui consomment le plus. Mais, selon eux,
une hausse des prestations sociales serait plus efficace.
L’impôt permet d’orienter les comportements
L’impôt sert à orienter les entreprises et les ménages vers
des activités économiques jugées désirables : celles qui
profitent à l’ensemble de la société (ex. la recherche).
L’impôt permet aussi de détourner chacun des activités
« nuisibles ». Ces dernières ont un impact global négatif
comme les activités polluantes.
L’impôt, principal outil des politiques nationales
en Europe
Dans l’Union européenne, la création monétaire et la
fixation des taux d’intérêt relèvent de la Banque centrale
européenne. La discipline budgétaire limite la capacité
des États à augmenter leurs dépenses. La politique fiscale
est donc le principal outil restant aux États membres.

54
›››››››› Questions-réponses

Emprunt et impôt : des coûts différents


› › ›  Le coût de l’impôt résulte de sa gestion et de la lutte
contre la fraude. Le coût de l’emprunt est l’intérêt qu’il faut
payer pour rémunérer les prêteurs. C’est la Banque centrale
européenne qui fixe les taux d’intérêt.

Les impôts, la dette et la croissance


› › ›  Emprunter revient à étaler dans le temps le financement
d’une dépense. Les recettes fiscales permettent de payer le
remboursement de la dette. Mais il faut aussi un supplément
de recettes fiscales pour acquitter les intérêts de la dette. Or,
la croissance économique augmente ces recettes. Le taux
de croissance de l’économie doit donc être au moins égal
au taux d’intérêt de la dette pour financer les intérêts sans
creuser le déficit. Lorsque les taux d’intérêt sont élevés pour
attirer les capitaux, cela favorise les prêteurs. En revanche,
s’ils sont supérieurs au taux de croissance, le paiement
des intérêts s’avère plus difficile et le déficit, donc la dette,
augmentent spontanément. C’est le cas lorsque la Banque
centrale européenne mène une politique de « l’euro fort ».

Chaque État tente de tirer la couverture à lui


› › ›  La mondialisation se traduit par la mobilité géogra-
phique des individus, des entreprises, et donc des bases
d’imposition. Or, les États cherchent à attirer toujours plus
de ressources fiscales. Ils ont donc tendance à se lancer
dans la concurrence fiscale en baissant certains impôts
(ex. l’impôt sur les sociétés). C’est pourquoi la mondialisa-
tion pèse sur la capacité des États à mener une politique
fiscale indépendante.

55
››››››››
Une réforme de la fiscalité
est-elle possible ?
Trente ans de réformes fiscales
Elles ont modifié l’architecture des prélèvements. La fisca-
lité directe des ménages a été reconfigurée, notamment
avec la création de l’impôt de solidarité sur la fortune
(ISF) en 1989 et de la contribution sociale généralisée
(CSG) en 1990. La suppression de la taxe professionnelle
et son remplacement par la contribution économique
territoriale en 2010 ont affecté la fiscalité directe des
entreprises et la fiscalité locale. Enfin, la fiscalité indi-
recte a été harmonisée au niveau européen (ex. la TVA).
La réforme fiscale en douceur… ou pas !
Une réforme progressive permet d’étaler dans le temps les
changements et de procéder à d’éventuels ajustements.
Mais elle peut également être brutale. L’objectif est alors
de bénéficier du choc psychologique provoqué par cette
rupture. Ainsi, le Gouvernement Fillon visait avec la loi
sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat (Tepa, 2007)
une hausse soudaine du nombre d’heures travaillées
par les salariés. Cela a peu fonctionné.
De nouvelles réformes sont indispensables
La crise économique a révélé la défaillance des systèmes
de redistribution. L’accumulation des déficits a mis en
évidence l’insuffisance des ressources fiscales.

56
›››››››› Questions-réponses

Réformes fiscales : quels obstacles ?


› › ›  Ils peuvent être de nature politique et se traduire par
l’incapacité à faire des choix clairs entre différents objectifs.
Ils peuvent aussi être de nature administrative : les nouveaux
textes pouvant être trop complexes et susciter de l’incom-
préhension. Ils peuvent enfin être de nature économique
et sociale. Des modifications de distribution des revenus
induisent dans ce cas des tensions. Ce fut le cas de la loi
du 30 juillet 1990 qui prévoyait une importante réforme de
la fiscalité directe locale des ménages.

Pour une révolution fiscale ?


› › ›  L’ouvrage du même titre, publié en 2011, par les éco-
nomistes C. Landais, T. Piketty et E. Saez propose un plan
de réforme qualifié de révolutionnaire. L’impôt sur le revenu,
la CSG et plusieurs taxes seraient remplacés par un nouvel
impôt sur le revenu, plus progressif. Son assiette serait
élargie. La suppression des niches fiscales permettrait
également d’élargir celle de l’ISF.

Penser la réforme à un niveau global


› › ›  La mondialisation et la crise environnementale incitent
à restructurer la fiscalité au niveau international. Cela passe
par la création de nouvelles taxes au niveau européen ou
mondial comme celle sur les transactions financières. Des
impôts déjà existants pourraient être également européanisés
comme l’impôt sur les sociétés. La concurrence fiscale entre
États membres pourrait être ainsi supprimée.

57
››››››››
Des augmentations d’impôt
plus redistributrices
que la dette ?
S’endetter pour relancer l’économie
L’emprunt permet d’obtenir l’épargne disponible pour
financer des dépenses publiques supplémentaires.
Celles-ci peuvent stimuler l’activité économique (ex. la
mise en œuvre de grands travaux). En théorie, cela
engendre une hausse des recettes fiscales qui permettent
de rembourser la dette.
Mais la dette a un impact contre-redistributif
Quand l’État emprunte (et donc s’endette), il s’adresse à
ceux qui disposent d’épargne à prêter, soit les plus riches.
L’impôt permet de rembourser et de payer les intérêts.
Or l’impôt est payé par tous, même les plus pauvres.
L’emprunt provoque ainsi un transfert des plus pauvres
vers les plus riches. Son bilan est contre-redistributif. Le
plus souvent, il vaut donc mieux augmenter les impôts
(qui sont redistributifs) qu’emprunter.
La dette publique est principalement celle de l’État
La dette publique (État, collectivités locales et Sécurité
sociale) a augmenté de 21 % du PIB en 1978 à 90 %
en 2012. La dette de l’État a massivement contribué à
cet accroissement puisqu’elle est passée de 13 % du
PIB à 71 % sur la même période. Les hausses d’impôts
et les diminutions de dépenses publiques prévues dans
le budget pour 2013 visent à ramener le déficit à 3 %
du PIB et à réduire la dette de 7 points de PIB entre
2012 et 2017.

58
›››››››› Questions-réponses

Grands et petits emprunts


› › ›  Le Gouvernement a lancé en 2009 un grand emprunt
d’un montant de 35 milliards d’euros pour financer des inves-
tissements d’avenir. Par le passé, de nombreux emprunts ont
été contractés comme l’emprunt « Giscard », lancé en 1973.
Mais on ignore souvent que son bilan fut calamiteux pour
l’État. En effet, ce dernier avait alors collecté 6,5 milliards
de francs. En 1988, son remboursement définitif lui avait
coûté 92 milliards de francs. Aujourd’hui, la dette corres-
pond plutôt à des emprunts à court terme. Ils couvrent les
dépenses courantes. Fin 2012, la dette de l’État s’est élevée
à environ 1 400 milliards d’euros. La charge d’intérêts était
chiffrée à 46,7 milliards d’euros pour 2013.

Des ménages qui anticipent : un frein à l’emprunt


› › ›  Pour certains économistes, l’emprunt n’engendrerait
aucune croissance supplémentaire. Les ménages antici-
peraient une hausse future de la fiscalité. Ils épargneraient
en prévision de cette évolution. Cela diminuerait donc au
contraire la consommation et l’activité.

Nous sommes les générations futures !


› › ›  Pour certains, la dette est néfaste. Elle reviendrait à
reporter sur les générations futures le financement de
nos dépenses actuelles. Or, la durée de vie moyenne des
emprunts de l’État est de sept ans environ. Ce sont donc
le plus souvent les générations actuelles qui remboursent
la dette.

59
››››››››
Tous fraudeurs ?
Fraude, évasion et optimisation fiscales
Ce sont des manœuvres légales ou illégales effectuées par
un contribuable afin de réduire ou de se soustraire à ses
obligations fiscales et sociales. En cas de fraude fiscale,
l’irrégularité est intentionnelle pour échapper à l’impôt.
En cas d’évasion fiscale, des procédés juridiques légaux
sont détournés illégalement pour réduire ses impôts.
Enfin, l’optimisation fiscale consiste à utiliser toutes les
règles légales pour diminuer légalement ses impôts. La
différencier de l’évasion fiscale est parfois difficile.
La fraude, un manque de civisme fiscal
Les possibilités pour échapper à l’impôt augmentent
avec la complexité du système fiscal. Elles ne résultent
pas seulement d’un arbitrage entre gains et coûts de la
fraude. Elles sont également liées au refus du pouvoir
fiscal et à la non-acceptation des politiques fiscales.
La fraude, entre 29 et 40 milliards d’euros perdus !
En 2007, la fraude fiscale et sociale représentait donc
une perte pour l’État de 1,7 % à 2,3 % du PIB. D’autres
estimations l’évaluaient à 5 % du PIB. Il est difficile de
connaître l’ampleur de la fraude des particuliers. Les
grandes entreprises fraudent peu car elles pratiquent
plus facilement l’optimisation fiscale.

60
›››››››› Questions-réponses

Le montant des fraudes et irrégularités en impôts rappelés*


(en milliards d’euros)
Prélèvements fiscaux Prélèvements sociaux
Hors Total
Impôts Travail PO
TVA IS IR Autres Total travail Total
locaux au noir
au noir
7,3 à 20,5 à 6,2 à 8,4 à 28,9 à
4,6 4,3 1,9 2,4 2,2
12,4 25,6 12,4 14,6 40,2
*  impôts rappelés : impôts dus et non payés suite à la fraude ; IS : impôt sur les sociétés ;
IR : impôt sur le revenu ; PO : prélèvements obligatoires ; TVA : taxe sur la valeur ajoutée.
Source : Conseil des prélèvements obligatoires, 2007.

Les stratégies des entreprises pour payer moins d’impôt


› › ›  Les entreprises cherchent à réduire les risques d’erreur
fiscale de leur part mais aussi de contrôle et de sanction
de la part de l’administration fiscale. Cela suppose parfois
leur réorganisation. Elles cherchent aussi à profiter au
maximum des marges de manœuvre fiscale. Lorsqu’elles
fraudent, les grandes entreprises utilisent des montages
sophistiqués. Les nouvelles technologies de l’information
y jouent un rôle crucial.

Comment « frauder sans être vus » ?


› › ›  L’économie souterraine se compose bien sûr d’abord des
activités illicites (trafic de stupéfiants, prostitution, etc.). Elle
comprend aussi les activités licites non déclarées (ex. travail
dissimulé dit « au noir »). Autant de revenus qui échappent
à l’impôt. Le poids de l’économie souterraine dans les pays
de l’Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE) est estimé à environ 15 % du PIB
dans les pays du Sud de l’Europe, 7 à 8 % dans les pays
d’Europe du Nord. La France et l’Allemagne se situeraient
dans la moyenne, à environ 10 % du PIB.

61
››››››››
Comment font ceux
qui fuient l’impôt ?
Les paradis fiscaux
Ils permettent de placer des sommes importantes avec
une fiscalité très faible et ce, en toute discrétion. Ils
facilitent ainsi la fraude et le blanchiment de l’argent
sale. Malgré la difficulté à les évaluer, les sommes tran-
sitant par ces entités s’élèveraient à 5 % du PIB mondial
(Assemblée nationale, 2009).
Les délocalisations fiscales
Au sens strict, ce sont les transferts d’entreprises à
l’étranger pour payer moins d’impôt. Dans les faits, le
cas est assez rare. Les entreprises déplacent surtout leur
base imposable (ce sur quoi elles sont imposables). Ainsi,
la manipulation des prix de transfert est une technique
très connue. Ce sont les prix des biens et prestations
échangés dans un groupe international. On fixe les prix
de vente entre filiales : élevés pour celles qui sont dans
des pays à fiscalité attractive et bas pour les autres. Au
total, il y a plus de bénéfices à déclarer dans les pays à
fiscalité réduite. Le groupe paie donc moins d’impôt. Le
commerce intra-groupe représente 60 % du commerce
international.
L’exil fiscal des riches
Il consiste à changer de résidence fiscale pour bénéficier
d’une fiscalité avantageuse. En 2008, 821 personnes
l’auraient pratiqué pour 566 000 redevables de l’impôt
de solidarité sur la fortune. Néanmoins, aucune enquête
n’est réalisée sur les retours et les implantations fiscales
d’étrangers en France.

62
›››››››› Questions-réponses

Comment reconnaître un paradis fiscal ?


› › ›  Un paradis fiscal présente six caractéristiques prin-
cipales :
1)  une fiscalité très faible voire quasi nulle pour les non-
résidents ;
2)  un secret bancaire et professionnel renforcé ;
3)  une très large liberté d’installation ;
4)  une totale liberté de mouvement des capitaux ;
5)  des infrastructures de haut niveau, en particulier dans
le domaine des technologies de l’information, en lien avec
un grand centre financier ;
6)  la stabilité politique et économique.

La concurrence fiscale dans l’Union européenne (UE)


› › ›  Pour attirer les entreprises, les pays de l’UE ont tous
réduit leur fiscalité des sociétés. Certains ont baissé fortement
le taux de l’impôt sur les sociétés (IS). L’Irlande a fait passer
à 12,5 % son taux de l’IS en 2003. Les Pays-Bas ont réduit
ce taux de 34,5 % en 2004 à 29,1 % en 2007. D’autres
pays, comme la Belgique, ont limité l’assiette imposable
de l’IS. La France n’est pas en reste puisque le taux de l’IS
est passé de 50 % en 1985 à 33,33 % aujourd’hui. Elle a
créé des régimes particuliers pour les groupes et diminué
la fiscalité des sièges sociaux.

Le saviez-vous ?
› › ›  Les avoirs financiers (transferts de fonds) dissimulés
dans les paradis fiscaux que sont Guernesey, Jersey et
l’Île de Man s’élèveraient à 934 milliards de dollars, ceux
qu’abriterait la Suisse à 807 milliards de dollars. Enfin, les
Îles Caïman hébergeraient, à elles seules, 2 000 milliards
de dollars.

63
››››››››
Comment lutter
contre la fraude fiscale ?
Par une politique de prévention élargie
La crainte de la répression a longtemps servi de base à la
prévention. Désormais, d’autres aspects sont considérés.
Il faut d’abord simplifier et stabiliser le droit fiscal. En
effet, son actuelle complexité décourage les comporte-
ments vertueux. Améliorer l’administration fiscale est
une autre possibilité. Enfin, il faut rétablir la confiance
dans le fisc en général.
Par la rénovation du contrôle fiscal
Elle est nécessaire car la fraude s’est diversifiée. Cette
dernière recourt notamment à l’Internet qui permet de
rapides transferts de fonds empruntant des circuits
compliqués à contrôler. Pour contrer ces tendances, les
contrôles doivent reposer sur une analyse des risques
et se diversifier. Mais ceci ne doit pas s’effectuer au
détriment des droits des contribuables.
L’indispensable coopération internationale
L’Union européenne a aboli les frontières nationales
et adopté des règles fiscales communes. Mais il n’y a
pas d’administration européenne chargée du contrôle
fiscal. Cela a facilité l’européanisation de la fraude. La
coopération entre les administrations fiscales nationales
est donc nécessaire. Cette dernière implique la création
d’outils communs et l’échange d’informations.

64
›››››››› Questions-réponses

Un contrôle fiscal plus efficace ?


Évolution des résultats du contrôle fiscal 2000 2005 2011
Contrôles sur place
Nombre de vérifications de comptabilités 45 608 47 267 47 408
Nombre d’examens de situations personnelles   4 925   4 959   4 033
Impôts rappelés* (en milliards d’euros (m€))   6 595   6 856   8 349
Contrôles sur pièces (impôts rappelés, m€)   4 278   5 127   5 130
*  Impôts rappelés : impôts dus et non payés suite à la fraude.
Sources : Projets de loi de finances 2004 et 2013.

La e-administration fiscale
› › ›  Un portail fiscal par internet a été ouvert. Il offre des
informations en ligne. Il permet aux contribuables de dis-
poser d’un compte fiscal dématérialisé. Chacun peut faire
ses déclarations et paiements en ligne. Les déclarations
d’impôt sur le revenu sont pré-remplies. Ces nouveaux
services fluidifient les relations entre le fisc et les contri-
buables. La confiance de ceux-ci dans l’établissement de
l’impôt s’en trouve renforcée. Cela affaiblit la tentation de
la fraude. A contrario, en dévoilant les informations qu’elle
détient, l’administration fiscale révèle ses lacunes, ce qui
peut inciter à la fraude.

Un contrôle multiforme
› › ›  Le contrôle « sur pièces » est en principe systématique.
Il s’opère par l’examen du dossier fiscal des contribuables.
Le contrôle « sur place » cible les fraudes graves. C’est une
opération lourde qui s’effectue à l’extérieur du service.
Elle mobilise des moyens étendus de recoupement. De
nouvelles formes de contrôle plus souples associent les
deux méthodes. Dans ce cas, la coopération des autres
administrations est davantage sollicitée.

65
››››››››
Les niches,
calamités fiscales ?
Des niches qui alourdissent la dette
Ce sont des avantages fiscaux correspondant à des
dérogations légales aux règles fiscales et sociales. Elles
se traduisent souvent par des réductions ou des crédits
d’impôts (ex. réduction d’impôt pour les investissements
immobiliers Outre-mer) ou des exonérations spécifiques
(ex. intérêts du livret A). Avec les autres allégements de
la fiscalité (ex. baisse des taux de l’impôt sur le revenu),
elles ont contribué à creuser les déficits. Leur accumu­
lation aurait été responsable de 30 % du surcroît d’endet-
tement depuis le début des années 1980 (projet de loi
de finances 2011).
Des niches peu redistributives
Les dépenses contraintes (ex. alimentation) des plus
aisés représentent une faible part de leurs revenus.
Ils peuvent donc employer leurs revenus restants de
façon à bénéficier des niches fiscales et à minorer leurs
impôts. Par exemple, les 20 % des ménages les plus
riches bénéficient de 79 % des réductions d’impôt et
de 63 % des crédits d’impôts (hors prime pour l’emploi
[PPE]) (Conseil des prélèvements obligatoires, 2011).
Des niches complexifiant le système fiscal
Elles nuisent à sa lisibilité. Le nombre de règles fiscales
à connaître augmente. Certains contribuables renoncent
alors aux avantages dont ils pourraient bénéficier, faute
d’en comprendre les mécanismes.

66
›››››››› Questions-réponses

L’impôt sur le revenu, le plus touché par les niches


› › ›  En 2013, 433 niches devraient coûter 70,8 milliards
d’euros au système fiscal. Dans ce cadre, 48,6 % du coût
des niches fiscales affecte l’impôt sur le revenu, contre par
exemple 26,1 % la taxe sur la valeur ajoutée, 4,7 % l’impôt
sur les sociétés et 2 % la taxe d’habitation.

Dépenses fiscales, niches et modalités particulières


de taxation
› › ›  Les « dépenses fiscales » mesurent le coût des déroga-
tions légales aux normes fiscales et sociales. Le terme de
« niche » s’est généralisé dans le débat public pour désigner
l’avantage fiscal correspondant. Ces dernières années une
part importante des dépenses fiscales dont bénéficient les
entreprises a été requalifiée en « modalités particulières de
calcul de l’impôt ». Ce faisant, elles sortent du décompte
des niches fiscales.

Des effets d’aubaine


› › ›  Les niches fiscales peuvent donner lieu à ce que l’on
appelle des « effets d’aubaine ». C’est le cas des entreprises
et des ménages qui profitent de l’avantage financier procuré
par les niches sans modifier leur comportement. On a ainsi
reproché aux restaurateurs de profiter de l’allégement de
TVA dont ils ont bénéficié pour majorer leurs marges sans
modifier leurs prix.

67
››››››››
Vers une fiscalisation
de la protection sociale ?
L’impôt finance 24 % environ de la protection sociale
Cette part a fortement augmenté depuis le début des
années 1990 et la création de la contribution sociale
généralisée (CSG). Les prélèvements sociaux reposaient
alors sur les seuls salariés. Il a donc fallu les élargir
aux retraités et aux revenus du patrimoine. Ensuite, la
croissance des besoins a nécessité de nouveaux finan-
cements. Enfin, l’impôt a permis à l’État de compenser
le manque à gagner pour la Sécurité sociale résultant
des exonérations de cotisations sociales.
Moins d’assurance, plus de solidarité ?
Demain, la protection sociale devra notamment financer
la hausse du coût de la dépendance des personnes
âgées. Certains pensent qu’il faut ajuster le financement
à la nature des prestations. Les prestations relevant de
l’assurance conserveraient les cotisations (ex. chômage).
Celles qui dépendent de la solidarité devraient être finan-
cées par l’impôt, c’est-à-dire la CSG, puisque tout le
monde ou presque la paye.
Un appauvrissement de la protection sociale ?
Selon certains, la fiscalisation pourrait transformer la pro-
tection sociale en un simple filet de sécurité. Mais cette
évolution n’est pas inéluctable. Ainsi, au Danemark, les
cotisations sociales représentent 2,1 % des PO (en France
38,7 %), mais la protection sociale y est de haut niveau.

68
›››››››› Questions-réponses

Évolution des ressources de la protection sociale hors transferts*


1990 2000 2010
Mds€ % Mds€ % Mds€ %
Cotisations sociales 227,4 79,5 284,9 66,7 404,3 63,9
Impôts et taxes   8,9  3,1  82,8 19,4 150,2 23,7
Contributions publiques  39,7 12,2  48,4 11,3  65,2 10,3
Produits financiers   4,6 13,9   2,2  0,5   4,2  0,6
Autres recettes   5,5  1,6   9,0  2,1   9,2  1,5
Total 286,1 100 427,3 100 633,1 100
*  Transferts : flux financiers internes entre les différents régimes de protection sociale.
Sources : Comptes de la protection sociale (2001 et 2010).

Des compensations d’exonérations de cotisations sociales


croissantes
› › ›  Entre 1992 et 2010, les exonérations de cotisations
sociales (part employeur) sont passées de 2 milliards d’euros
(mds €) à 30 mds € environ. 10,1 % du montant total des
cotisations sociales sont ainsi exonérés, soit 20,5 % de la
part employeur. Leur compensation par le budget de l’État
est passée de 1 md € à 27 mds € entre 1992 et 2010, soit
de 50 % à 90 % du montant total des exonérations.

Financement et transformation du modèle de gouvernance


› › ›  Depuis 1996, le Parlement discute et vote chaque année
une loi de financement de la Sécurité sociale. Elle prévoit
les recettes et fixe un objectif de dépenses. Jusqu’alors, la
Sécurité sociale était gouvernée suivant le modèle paritariste
associant syndicats et entreprises. Même si ce modèle
demeure, la fiscalisation donne désormais plus de pouvoir
à l’État.

69
››››››››
La fiscalité locale,
de vieux impôts à réformer ?
Des allégements faute de réforme
La fiscalité locale est composée d’impôts vieillis, com-
plexes et difficiles à réformer (ex. la taxe d’habitation
[TH]). Les prélèvements sur les ménages utilisent une
assiette archaïque, la valeur locative. Ils créent de nom-
breuses inégalités. Faute de réforme, l’État a multiplié
les allégements et en finance le manque à gagner pour
les collectivités.
Une décentralisation sans réforme fiscale
Entre 1982 et 1983, les collectivités locales ont obtenu
d’importants transferts de compétences sans que soit
réglé le problème de leur financement. Pour accroître
leurs recettes, l’État leur a donc attribué des impôts (dits
transférés) dont il percevait auparavant les recettes. Il
a aussi créé des dotations, soit des concours financiers
qu’il apporte aux collectivités.
De fortes inégalités entre collectivités
et entre contribuables
Les mécanismes de redistribution des richesses entre
collectivités (« péréquation ») sont peu efficaces. Dès
lors, sont inégaux l’offre de services publics locaux mais
aussi les niveaux de taxation des contribuables. Ainsi,
à Valenciennes, le taux de la TH s’élève à 35,53 % et
à 30,02 % pour le foncier bâti, alors qu’à Neuilly-sur-
Seine, il est de 12,57 % pour la TH et de 2,9 % pour le
foncier bâti.

70
›››››››› Questions-réponses

À quoi ressemble la fiscalité locale ?


› › ›  Près des deux tiers des recettes fiscales locales (64,7 %
des recettes) proviennent des impôts directs. Les communes
et leurs groupements sont les principaux bénéficiaires des
ressources fiscales (54,1 %).
Répartition de la fiscalité locale en 2009 (en %)

et groupements

Départements
Communes

Régions
Total

Total
4 taxes directes 63,9* 61,8 31,1  7,2 100
Taxe d’habitation 14,9 66,8 33,2  0,0 100
Taxes foncières 21,1 62,1 30,1  7,9 100
Taxe professionnelle* 28,0 58,9 30,7 10,4 100
Autres impôts 36,1 40,6 41,9 17,5 100
TEOM**  4,9 100  0,0  0,0 100
DMTO**  7,8 22,0 78,0  0,0 100
Taxe produits pétroliers  8,7  0,0 61,5 38,5 100
Divers 14,7 54,7 25,1 20,2 100
Total 100 54,1 35,0 10,9
*  Compensation par l’Etat de la suppression de la taxe professionnelle
**  TEOM : taxe d’enlèvement des ordures ménagères. DMTO : droits de mutation à
titre onéreux.
Source : Direction générale des collectivités locales, Les collectivités locales en chiffres, 2012.

L’autonomie financière des collectivités


› › ›  La réforme constitutionnelle de 2003 contient deux
principes financiers majeurs. Tout transfert de compétence
doit s’accompagner d’un transfert de ressources. L’autonomie
financière des collectivités est garantie. Cela implique qu’une
part « significative » de leurs ressources totales doit donc
être composée de ressources propres.

71
››››››››
La taxe professionnelle
supprimée et après ?
La suppression de la taxe professionnelle (TP)
Créé en 1975, cet impôt local très controversé s’appliquait
alors sur les équipements et les salaires payés par les
entreprises. Après la disparition de la part portant sur
les salaires en 1999, la TP était considérée comme un
frein à l’investissement. Elle a été supprimée en 2010
dans le cadre d’une réorganisation de la fiscalité locale.
La contribution économique territoriale (CET)
La TP a été remplacée par une contribution économique
territoriale (CET), une imposition des entreprises de
réseau (transport, électricité, etc.), de « petites » taxes
(ex. taxe spéciale sur les contrats d’assurance) et de
nouvelles dotations. La CET comprend deux prélève-
ments : la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la
cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
La fiscalité locale des entreprises reste trop complexe
Depuis la décentralisation, l’accumulation des allége-
ments compensés par l’État a grignoté la TP. La charge
en a été fortement réduite pour les entreprises, mais
son mode de calcul est devenu illisible. Finalement,
cet impôt mal accepté a été remplacé par deux impôts,
dont l’un (la CVAE) a un mode de calcul compliqué et
s’ajoutent aux autres prélèvements dont les entreprises
sont redevables.

72
›››››››› Questions-réponses

Les quatre « vieilles »


› › ›  La TP faisait partie de ce que l’on appelle les « quatre
vieilles » avec les taxes foncières sur les propriétés bâties et
non-bâties et la taxe d’habitation. Ces quatre impôts directs
locaux, hérités de la Révolution française, demandaient à
être révisés, ce qui a été fait pour la TP.

La recentralisation des finances locales


› › ›  Avec les dotations et les compensations d’allégements
fiscaux, le poids de l’État dans les finances locales s’accroît
depuis vingt ans. La liberté des collectivités de fixer les taux
de leurs impôts est grignotée. Elle a d’abord été encadrée.
Puis des taxes partagées entre collectivités locales et État ont
notamment été instaurées (taxe intérieure sur les produits
pétroliers). Cela restreint la liberté de gestion dont elles
bénéficient depuis la décentralisation. En ce qui concerne
la CET, les collectivités fixent le taux de la CFE et l’État celui
de la CVAE. Or, cette dernière a le produit le plus élevé.

Le saviez-vous ?
› › ›  Les recettes de la TP se sont élevées à 31,4 milliards
d’euros en 2009. En 2011, le produit des taxes écono-
miques payées par les entreprises en remplacement de la
TP (imposition des entreprises de réseaux, CFE et CVAE)
s’est élevé à 22,3 milliards d’euros. Le manque à gagner
pour les collectivités locales a été compensé par des taxes
indirectes et des dotations de l’État.

73
››››››››
Vers un impôt européen ?
Pourquoi ?
La création d’un pouvoir fiscal européen est nécessaire
Il donnerait à l’Union européenne (UE) une capacité
d’intervention devenue indispensable avec la crise écono-
mique. Il consoliderait ainsi ses institutions, en particulier
le Parlement, puisqu’il ne peut y avoir d’impôt sans
vote. Le transfert à l’UE de l’impôt sur les sociétés, par
exemple, s’inscrirait dans la lutte contre la concurrence
fiscale et la spéculation.
Un processus d’harmonisation en panne
L’ouverture du marché unique et l’instauration de l’Union
économique et monétaire (UEM) ont été précédées d’une
phase active d’harmonisation. Il s’agissait de faciliter la
libre circulation des marchandises et des capitaux. En ce
qui concerne la TVA et la fiscalité indirecte (ex. taxes sur
le tabac), le processus a été partiellement mené à bien.
En revanche, il a échoué pour la fiscalité de l’épargne
et l’impôt sur les sociétés.
L’UE souffre de la concurrence fiscale
Certains pays (ex. l’Irlande) ont choisi la concurrence
fiscale au détriment de l’harmonisation. La pratique de
modifications agressives des paramètres fiscaux, appelée
dumping, en est la forme extrême. Ce type de comporte-
ments conduit à des stratégies fiscales dommageables.
Les pays concernés ont attiré des entreprises motivées
par des gains de court terme. Plus globalement, cela a
participé à la crise financière.

74
›››››››› Questions-réponses

Quelles sont les ressources « propres » de l’UE ?


› › ›  Il en existe trois grandes catégories. La première com-
prend les droits de douane et les droits assimilés (15,1 %
des ressources de l’UE). La deuxième est constituée par
le transfert d’une fraction des recettes nationales de TVA
(11,4 % des ressources européennes). Enfin, la troisième
est un prélèvement sur les ressources des États membres
correspondant à une fraction de leur PIB (73,5 % des
ressources européennes).

L’harmonisation n’est pas l’uniformisation


› › ›  L’harmonisation, à la différence de l’uniformisation,
n’entraîne pas l’adoption de fiscalités identiques. Elle permet
le rapprochement des paramètres (assiette, taux) fiscaux. Les
différences dues aux spécificités économiques et sociales
nationales sont préservées. Elle est le résultat d’un processus
de coopération entre les États membres de l’UE. Elle sécurise
l’environnement institutionnel de l’activité économique.

Le saviez-vous ?
› › ›  129,1 milliards d’euros, c’est le budget de l’UE en 2012,
soit 0,98 % de son PIB. La création d’une fiscalité propre
avec le projet de taxe Tobin permettrait d’augmenter les
ressources de l’UE.

75
››››››››
Peut-il exister une fiscalité
internationale ?
Deux réponses à la mondialisation
La fiscalité internationale peut se traduire par une coor-
dination des politiques fiscales ou la création de taxes
globales. La globalisation économique et financière dés-
tabilise les économies nationales devenues fiscalement
interdépendantes. Elle favorise notamment la mobilité
de leurs bénéfices et bases d’imposition (ex. Google) et
accroît les inégalités internationales.
Financer la lutte contre les fléaux mondiaux
Dans une économie mondialisée, la faim, la pauvreté,
les inégalités et les pandémies sont des facteurs de
déstabilisation. Les objectifs du Millénaire pour le déve-
loppement sous l’égide de l’ONU en 2000 prônaient la
lutte contre ces fléaux. À cet effet, la générosité privée
et l’aide publique au développement sont insuffisantes.
Les taxes globales stabiliseraient les financements.
Vers des taxes globales ?
Elles s’appliquent aux activités prédatrices (ex. spé­
culation) ou aux secteurs émergents trop peu taxés (ex. la
bit tax qui reposerait sur le volume du trafic internet).
Elles supposent une application transnationale. Or, si
des initiatives partielles existent déjà, leur généralisa-
tion se heurte à la volonté politique des États. Outre la
coordination des politiques fiscales, l’Union européenne
pourrait dans l’avenir être à l’origine de cette stratégie.

76
›››››››› Questions-réponses

Google aux Bermudes


› › ›  Pour déplacer leurs bénéfices (et bases d’imposition)
vers des pays à fiscalité privilégiée, les groupes internatio-
naux facturent souvent à leurs filiales des redevances sur
les droits de propriété intellectuelle (ex. droits d’usage des
marques). Google a ainsi localisé dans le paradis fiscal des
Bermudes une filiale propriétaire des droits du groupe en
la matière (ex. marque, moteur de recherche). En faisant
payer des redevances élevées pour l’usage de ces droits
à sa filiale irlandaise, Google a payé en 2009 seulement
2,4 % d’impôt sur les 12,5 milliards de dollars de bénéfices
ainsi transférés vers les Bermudes.

La taxe sur les billets d’avion


› › ›  Elle a été instaurée au 1
er juillet 2006. Elle représente

de 1 à 40 euros des prix des billets d’avion. Entre 2007 et


2010, elle a rapporté en France entre 160 et 170 millions
d’euros par an. Elle permet l’achat de médicaments contre
le paludisme, le sida et la tuberculose pour les pays en
développement. Elle n’a pas eu d’effet négatif sur le trans-
port aérien. Mais, en dehors de la France, une dizaine de
pays seulement l’appliquent (ex. le Brésil).

La taxe Tobin, c’est pour bientôt ?


› › ›  Reprenant une suggestion de l’économiste Keynes en
1936, elle a été proposée en 1972 par l’économiste James
Tobin. Créée en France début 2012, elle frappe certaines
transactions financières au taux très faible de 0,2 %. Elle
ne doit donc pas pénaliser les opérations courantes, mais
décourager la spéculation. À l’initiative de la France et
de l’Allemagne, onze pays de la zone euro et la Pologne
devraient l’appliquer prochainement.

77
››››››››
Des taxes
pour les générations futures ?
Des taxes, pour quoi faire ?
Elles peuvent financer la lutte contre la dégradation
environnementale et favoriser les comportements éco-
logiquement vertueux. Dans le premier cas, le lien entre
l’impôt et le service est lisible (ex. taxe pour l’élimination
des déchets). Dans le second, le coût des conséquences
(externalités) de la pollution sert au calcul de la taxe
(ex. taxe sur les émissions de CO2). On vise alors la
modification des comportements responsables de la
pollution.
Une fiscalité environnementale faible en Europe
Des réformes fiscales guidées par l’impératif écologique
ont été réalisées par la Suède (1991), le Royaume-Uni
(2001) et l’Allemagne (à partir de 1999). La France
reste en retrait malgré le Grenelle de l’environnement
de 2007. En 2010, les taxes environnementales repré-
sentaient 7,4 % des prélèvements obligatoires (PO) de
l’Union européenne.
Que faire de ces recettes fiscales ?
Ces taxes, comme celle pénalisant les émissions de CO2,
ont un effet anti-redistributif. C’était le cas de la contri-
bution climat-énergie abandonnée en 2009. Certains ont
donc proposé de financer, avec les recettes, des com-
pensations versées aux ménages défavorisés, d’autres
la conversion écologique de l’économie ou encore de
réduire le coût du travail.

78
›››››››› Questions-réponses

Évolution de la fiscalité environnementale en % des PO


10
9
8
7
6
5
Allemagne France Royaume-Uni
4
Suède UE à 27
3
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : Eurostat, 2011.

Qu’est-ce que la fiscalité environnementale ?


› › ›  Au sens large, elle comprend les prélèvements et les
mesures fiscales dérogatoires ayant un impact sur l’envi-
ronnement. Dans les statistiques européennes, on compte
les taxes sur l’énergie (ex. taxe intérieure de consommation
sur les produits énergétiques, ex-TIPP), sur les transports
(ex. taxe sur les cartes grises) et les taxes dites « pollution/
ressources naturelles ». Ces dernières comprennent les
impôts liés aux émissions polluantes (ex. taxe générale sur
les activités polluantes, TGAP).

La pollution et les effets externes


› › ›  Il y a effet externe (ou externalité) lorsque l’action d’un
individu influe sur la situation d’une ou plusieurs personnes,
de manière involontaire et bien que ces personnes ne soient
pas parties prenantes à l’action. Les effets externes peuvent
être positifs (influence bénéfique) ou négatifs (détérioration
de la situation). La pollution est un effet externe négatif de
l’activité économique.

79
››››››››
Peut-on fusionner l’impôt
sur le revenu et la CSG ?
Une réforme pour demain
Évoquée depuis 1991, cette réforme est envisagée pour
rationaliser notre système fiscal et pour en améliorer la
redistributivité. En fusionnant l’impôt sur le revenu avec
la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution
au remboursement de la dette sociale (CRDS) et le
prélèvement sur les revenus du patrimoine destiné au
fonds de solidarité vieillesse (FSV), la progressivité serait
généralisée à l’ensemble des impôts sur les revenus.
Comment les fusionner ?
Si l’assiette utilisée est celle de la CSG car elle est large,
deux scénarios sont envisagés. Le premier scénario
consiste à supprimer l’impôt sur le revenu et introduire
dans la CSG un barème progressif. Le nouvel impôt
serait alors individualisé. Selon le second scénario, la
CSG est supprimée et les taux de l’impôt sur le revenu
augmentés en compensation. L’impôt fusionné serait
donc « familialisé », il fonctionnerait par foyer fiscal.
Les avantages de la fusion
Avec la nouvelle assiette de l’impôt rénové, les niches
fiscales ne seraient plus d’actualité. Le prélèvement à
la source faciliterait d’ailleurs leur suppression. Pour le
contribuable, la disparition des niches et de plusieurs
impôts améliorerait la lisibilité du prélèvement et rap-
procherait ce dernier du revenu effectivement perçu.

80
›››››››› Questions-réponses

Des impôts sur le revenu redistributifs


aux évolutions divergentes (en % PIB)
9
8
7
6
5
4
3
2
1 IRPP CSG, CRDS, FSV Total
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2008 2009 2010
Source : OCDE, 2010.

Qu’est-ce que le prélèvement à la source ?


› › ›  Actuellement, l’impôt sur les revenus de l’année n-1 est
dû l’année n. Avec la retenue à la source, il serait directement
prélevé par les employeurs, donc la même année, sur la
base d’un taux calculé par l’administration fiscale. Pour les
contribuables, l’avantage est l’adaptation automatique du
prélèvement aux fluctuations des revenus. Mais la retenue
à la source ne supprime pas la déclaration des revenus.
Car pour certains revenus (ex. les revenus fonciers), elle est
impossible. Il faudra également opérer des régularisations
et calculer le taux du prélèvement l’année suivante.

Payer deux fois plus d’impôt sur une année ?


› › ›  Le passage à la retenue à la source pose un problème
de superposition de l’impôt dû pour l’année précédente
dans l’ancien système et de l’impôt dû au titre de l’année
en cours dans le nouveau modèle. L’abandon du recouvre-
ment d’une année d’impôt est une solution dont la gestion
pourrait cependant être délicate.

81
››››››››
Les impôts sont-ils sexistes ?
Des dispositifs fiscaux défavorables à l’emploi féminin
Le régime des emplois familiaux couplé aux chèques
emploi-service encourage les contrats de travail très
flexibles, le plus souvent à temps partiel et occupés par
des femmes. La prime pour l’emploi pousse les femmes
pauvres vivant en couple à arrêter de travailler. Enfin, le
système d’allocations familiales et le principe de l’impo-
sition jointe des couples peuvent aussi décourager le
travail des femmes.
Des inégalités professionnelles hommes/femmes
renforcées
La fiscalité participe ainsi au phénomène de surrepré-
sentation des femmes parmi les emplois à temps partiel
et de qualité médiocre. Leur salaire moyen est d’autant
plus faible par rapport à celui des hommes.
Renoncer à l’imposition jointe des couples ?
Certains pensent qu’elle surtaxerait le « deuxième salaire »,
celui des épouses ayant un emploi. Leurs salaires, souvent
inférieurs à ceux de leurs maris, seraient considérés
comme une variable d’ajustement. En Europe du Nord,
l’impôt sur le revenu est individualisé. Cela favoriserait
l’insertion des femmes sur le marché du travail. Ainsi, le
taux d’emploi des femmes de 25 à 54 ans en 2011 était
de 79 % aux Pays-Bas et de 76,2 % en France. Mais,
parmi ces femmes actives, 73,7 % avaient un emploi à
temps partiel aux Pays-Bas et 29,1 % en France.

82
›››››››› Questions-réponses

La PPE contre l’emploi des femmes


› › ›  La prime pour l’emploi (PPE) est destinée aux personnes
ayant un emploi à temps partiel ou complet, sur une partie
ou la totalité de l’année dont les revenus sont faibles (entre
0,3 SMIC et 1,4 SMIC). Chaque membre du couple peut
y prétendre. Mais un avantage spécifique est accordé aux
ménages où un seul conjoint travaille. Un autre avantage est
destiné aux couples dont l’un des deux membres travaille
à temps partiel. Cela a incité certaines femmes à quitter
leur travail ou leur temps plein.

Les femmes seules avec enfants pénalisées


› › ›  19 % des familles sont monoparentales et 30 % d’entre
elles sont pauvres. Dans 80 % des cas, leur « chef de famille »
est une femme et le nombre d’enfants est inférieur à trois.
Elles perçoivent donc peu d’allocations familiales et ne
bénéficient que très peu du quotient familial. En effet,
l’avantage qu’il procure augmente avec le nombre d’enfants,
surtout à partir du troisième. Pour les plus pauvres, l’aide
procurée par la PPE est très faible.

Plus de cadeau pour les nouveaux pacsés,


mariés ou… divorcés !
› › ›  Depuis 2012, les nouveaux conjoints et divorcés ne
sont plus avantagés par le dépôt de trois déclarations (deux
séparées et une commune) l’année de leur union ou de
leur divorce. Les fraîchement mariés et pacsés déposent,
au choix, une déclaration commune ou deux déclarations
séparées. L’année du divorce, deux déclarations séparées
sont déposées.

83
@ vous la parole
@ vous la parole

› › ›  Qui paie des impôts ?


‹ ‹ ‹ ‹ ‹  Tout le monde paie des impôts, y compris les entreprises,
les associations et les administrations. Mais tout le monde
ne s’acquitte pas des mêmes impôts. Le champ d’application
de chaque prélèvement définit quelles personnes sont en
principe imposables et quelle est la portée géographique de
l’imposition. Par exemple, l’impôt sur le revenu des personnes
physiques (IRPP) est en principe dû par les personnes résidant
en France, sur leurs revenus français ou étrangers. Mais seuls
48 % des ménages théoriquement imposables payent l’IRPP
pour deux raisons : les bas revenus sont exonérés et les niches
fiscales permettent à beaucoup d’échapper à l’impôt. Autre
exemple, l’impôt sur les sociétés (IS) est dû par les sociétés
de capitaux et les organismes sans but lucratif (associations),
sur leurs bénéfices réalisés en France. Les niches fiscales per-
mettent aussi à beaucoup d’entreprises d’échapper à l’impôt.
En 2007, 50 % des sociétés ont payé l’IS, mais seulement 4 %
des grandes entreprises.
Dans le cas de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ce sont les
achats effectués en France qui sont imposables, les exportations
étant exonérées. Cependant, les entreprises déclarent la TVA
encaissée sur leurs ventes, mais déduisent la TVA qu’elles ont
payée sur leurs achats. C’est pourquoi le consommateur final,
qui n’a pas le droit à déduction, paye l’intégralité de la taxe et
en supporte seul la charge. Finalement qui paye quel impôt
dépend de la définition générale de chaque prélèvement, et
des niches fiscales.

› › ›  Combien y a-t-il d’impôts en France ?


‹ ‹ ‹ ‹ ‹  La France a beaucoup d’impôts, mais il n’existe pas de
nomenclature générale. L’Union européenne (UE) diffusait
jusqu’en 2002 un inventaire des prélèvements pour chaque
pays membre. Il en dénombrait une quarantaine pour la France.
Depuis la réforme budgétaire de 2001, le projet de budget
comprend chaque année un rapport sur les prélèvements
obligatoires et leur évolution. Il contient une liste de ces pré-
lèvements (plus d’une centaine) avec leurs recettes.

87
La situation française n’est pas exceptionnelle dans l’UE.
L’Allemagne, cependant, compte moins de prélèvements
que la France. Cela s’explique par l’organisation institution-
nelle différente de chacun des deux pays. L’Allemagne est un
État fédéral où les impôts sont partagés entre l’État fédéral,
les États fédérés et les communes. Par ailleurs, elle utilise les
cotisations sociales pour la protection sociale. La France est
un État unitaire décentralisé dans lequel les prélèvements ont
été spécialisés par catégories d’administration. L’État prélève
les impôts sur les activités économiques : sur les revenus,
sur les sociétés, TVA, etc. Les collectivités locales perçoivent
principalement une fiscalité à base foncière et immobilière.
La Sécurité sociale est financée par des cotisations sociales.
Cette « spécialisation » des prélèvements en a augmenté le
nombre. Elle s’atténue cependant depuis vingt ans, avec la
fiscalisation (c’est-à-dire le recours à l’impôt) de la protection
sociale et l’introduction d’impôts partagés entre l’État et les
collectivités dans les ressources locales.

› › ›  Qui décide de mettre en place un impôt ?


‹ ‹ ‹ ‹ ‹  L’initiative de proposer une nouvelle taxe revient souvent au
Gouvernement. Néanmoins, la décision de créer, de modifier
ou de supprimer un impôt ou une taxe est de la compétence
du Parlement en vertu du principe de légalité (« pas d’impôt
sans loi »). Ce dernier est l’une des applications du principe
général du consentement du peuple à l’impôt. Selon l’article 34
de la Constitution de la Ve République, « la loi fixe les règles
concernant […] l’assiette, le taux et les modalités de recou-
vrement des impositions de toutes natures ». Dans le domaine
des cotisations sociales et plus généralement de la Sécurité
sociale, le Parlement n’établit que les principes généraux. Il
revient donc au Gouvernement de fixer les paramètres des
cotisations (assiette, taux).
La distinction entre impôts et cotisations a cependant évolué
avec la création en 1996 des lois de financement de la Sécurité
sociale. Dans ce cadre, le Parlement discute des prélèvements
affectés à la Sécurité sociale. Par ailleurs, si les collectivités locales
n’ont pas l’initiative de créer leurs impôts, la loi prévoit que
certaines taxes sont de nature facultative (ex. taxe d’enlèvement
des ordures ménagères, taxe locale sur la publicité extérieure,

88
@ vous la parole

etc.). En d’autres termes, les collectivités ont le droit de choisir


de recourir ou non à ces taxes sur leur territoire.

› › ›  Qu’est-ce que le quotient familial ?


Pourquoi certains souhaitent-ils le supprimer ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  Il intervient dans le calcul du montant de l’impôt sur le
revenu des personnes physiques (IRPP). C’est le principal ins-
trument de la « familialisation » de l’IRPP, c’est-à-dire de la prise
en compte de la taille des familles par cet impôt.
Le mécanisme est le suivant. Une fois calculé le revenu imposable
(R) du foyer fiscal, on établit le nombre de parts (N) auquel il peut
prétendre du fait de sa composition (1 part pour un célibataire,
1,5 part pour un célibataire avec un enfant, 2 parts pour un
couple, 2,5 parts pour un couple avec un enfant, 4 parts pour
un couple avec 3 enfants, etc.). La division de R par N (R/N)
donne le quotient familial, soit le revenu imposable pour une
part. Grâce au barème (pour 1 part), on calcule l’impôt pour
1 part (I). Puis on multiplie I par N et on obtient l’impôt brut.
Ensuite, interviennent diverses corrections.
Certains pensent que ce quotient conduit à surtaxer le salaire
des femmes mariées ou qu’il les décourage de travailler. Les
femmes mariées avec enfants sont souvent moins payées que
leur mari, notamment parce qu’elles travaillent fréquemment
à temps partiel. Leur paye est donc considérée comme un
salaire marginal, qui se rajoute à celui de leur mari. Or, avec
le quotient familial, on additionne leur revenu à celui de leur
mari pour calculer R. C’est pourquoi certains veulent remplacer
l’impôt sur le revenu familialisé par un impôt individualisé. En
2013, l’avantage en impôt procuré par le quotient familial est
réduit de 2 336 à 2 000 euros.

› › ›  Peut-on avoir des revenus modestes


et payer l’ISF ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  Dans son rapport de 2009 sur le patrimoine des ménages,
le Conseil des prélèvements obligatoires ne signale pas de cas
aberrant de contribuable ayant des revenus modestes et qui
serait redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

89
D’une part, la détention du patrimoine est très concentrée.
En 2010, les 10 % de la population les plus riches détenaient
48 % du patrimoine total des ménages (biens immobiliers, actifs
financiers, patrimoine professionnel). À l’inverse, les 30 % les
plus pauvres possédaient 1 % du patrimoine total des ménages,
les 6 % les plus pauvres n’ayant pas de patrimoine. On peut
ajouter qu’il y a en moyenne un lien étroit entre le niveau de
revenu et l’importance du patrimoine détenu : plus on a des
revenus élevés, plus on possède une fortune conséquente.
D’autre part, pour être imposable, le patrimoine des ménages
devait dépasser 800 000 euros avant la réforme de 2011. Depuis
la réforme, le seuil de taxation correspond à un patrimoine
minimum de 1,3 million d’euros.
Compte tenu des exonérations et exemptions qui restreignent
l’assiette de l’ISF (objets d’art, patrimoine professionnel, etc.), les
patrimoines taxés sont principalement composés d’immeubles.
Avec le gonflement des prix de l’immobilier, certains contri-
buables disposant de revenus moyens ont pu, dans le passé,
voir la valeur de leur patrimoine franchir le seuil de taxation.
S’ils ont existé, ces cas étaient exceptionnels et pouvaient être
résolus grâce au dialogue avec l’administration fiscale.

› › ›  Le pacte de compétitivité traduit-il une politique


de baisse de la fiscalité des entreprises ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  Il fait suite au rapport de Louis Gallois de novembre 2012
qui contient 22 propositions pour restaurer la compétitivité de
l’industrie française. Principale explication de la dégradation
de ce secteur, le coût du travail serait trop élevé. Il faudrait
réduire fortement les cotisations sociales, renforcer les aides
à l’innovation, et améliorer le dialogue social.
Le Pacte national pour la compétitivité ne retient pas toutes
les propositions du rapport. Mais la principale disposition en
est inspirée : baisser fortement les charges salariales grâce à
un crédit d’impôt en proportion de la masse salariale brute
calculée uniquement avec les salaires inférieurs à 2,5 SMIC.
Il sera accordé aux entreprises de services et industrielles à
partir de 2013. En année pleine, son coût pour l’État sera de
20 milliards d’euros avec une montée en puissance sur trois ans.

90
@ vous la parole

Chez les économistes opposés à cette mesure, la première


critique consiste à dire que le coût du travail n’est pas en
cause, mais plutôt les choix stratégiques qui, comme dans
le secteur automobile, positionnent les produits français en
basse ou en moyenne gamme. Deuxième reproche, le crédit
d’impôt sera accordé sans condition. En outre, si une hausse
de la TVA est prévue en compensation, elle ne rapportera que
7 milliards d’euros. Le financement du dispositif pose donc
problème. Enfin, si le rapport Gallois demande le gel sur cinq
ans de la fiscalité des entreprises, y compris de la cotisation
sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), aucun bilan de la
suppression de la taxe professionnelle dont elle est issue n’est
proposé. Or, grâce à elle, les entreprises bénéficient depuis
2010 d’un allégement fiscal de 10 milliards d’euros par an,
soit la moitié du crédit d’impôt compétitivité. Il serait donc
utile d’en connaître l’impact sur l’emploi.

› › ›  Quel est l’impôt le plus fraudé ?


‹ ‹ ‹ ‹ ‹  L’impôt le plus fraudé est la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
En 2007, la fraude à la TVA aurait provoqué une perte sèche
pour le budget de l’État de 7,3 à 12,4 milliards d’euros, soit
25 % du total de la fraude fiscale et sociale.
La Commission européenne estime que la fraude à la TVA
représenterait environ 10 % des recettes de cette taxe, soit
entre 2 et 2,5 % du produit intérieur brut (PIB) européen. Le
système européen de TVA, créé en 1993 lors de l’ouverture
du marché unique, présentait une double caractéristique. Il
devait être transitoire. Il devait aussi protéger la libre circula-
tion des marchandises passant d’un pays à l’autre de l’Union
européenne (UE) sans contrôle ni taxe. En conséquence, les
marchandises ne sont taxées que dans le pays de destination,
c’est-à-dire de consommation, et pas aux anciennes frontières.
Ce mécanisme qui favorise pourtant une fraude massive n’a
pas été réformé car les États membres de l’UE n’ont jamais
pu se mettre d’accord sur le régime définitif de TVA. Par
ailleurs, il n’y a pas d’administration européenne chargée du
contrôle fiscal. Depuis lors, la fabrication de fausses factures,
par des entreprises fantômes localisées dans un pays de l’UE
où le contrôle fiscal est peu efficace, permet à des entreprises

91
malveillantes situées dans un autre État membre de se faire
rembourser par l’administration fiscale des crédits de TVA fictifs.
La fraude à la TVA est ainsi devenue une industrie très lucrative.

› › ›  Que se passe-t-il si on baisse les impôts ?


Et inversement ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  À court terme, la baisse des impôts provoque une contrac-
tion des ressources de l’État, ce qui crée du déficit et donc de
l’endettement public. Cet impact initial peut dans certains cas
être ensuite compensé par un surcroît de ressources fiscales
engendré par la relance de l’activité économique. En effet, pour
certains économistes, la baisse des impôts, si elle est bien ciblée,
améliore les conditions de l’activité économique et accélère ainsi
la croissance. Par exemple, la baisse de l’impôt sur le revenu des
ménages aisés permettrait d’accroître l’épargne placée auprès
des établissements financiers et bancaires. Cela augmenterait
la masse des fonds prêtables et ainsi l’investissement des
entreprises. La diminution de l’impôt sur les sociétés produirait
directement une amélioration de l’investissement. La baisse de
la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) conduirait à la diminution
du prix des marchandises encourageant la consommation.
Enfin, la baisse des cotisations sociales doperait l’embauche.
Mais dans la pratique, les politiques de ce type n’ont pas eu
les résultats bénéfiques escomptés. La baisse de l’impôt sur le
revenu des plus riches et la baisse de l’impôt sur les sociétés
ont plutôt favorisé la spéculation et non l’investissement. La
baisse de la TVA sur la restauration a permis l’amélioration des
marges des restaurateurs. Par ailleurs, l’impact sur l’emploi des
baisses de cotisations sociales est décevant.
En effet, les conséquences d’une baisse ou d’une augmenta-
tion de la fiscalité dépendent de l’impôt que l’on choisit de
modifier, de la réaction des ménages ou des entreprises et des
circonstances du changement.

92
@ vous la parole

› › ›  Pourquoi n’existe-t-il pas une commission


sur les niches fiscales chargée de les évaluer
pour réajuster ce dispositif ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  Une telle commission indépendante du Parlement est
difficilement envisageable. En effet, le principe de la légalité
de l’impôt signifie non seulement qu’il ne peut y avoir d’impôt
sans loi, mais également qu’il ne peut y avoir d’allégement
fiscal ou de suppression d’un allégement sans loi.
Rien n’indique cependant qu’il soit nécessaire de créer une
commission supplémentaire pour réviser les niches fiscales. En
effet, la Cour des comptes, qui est la plus haute juridiction
financière de l’ordre administratif en France, a vu son rôle
croître ces dernières années. En dehors du contrôle des comptes
publics, elle assiste et conseille le Parlement et le Gouvernement.
Ses rapports ont un poids croissant dans le débat public. Or,
très fréquemment, elle a évalué les dispositifs fiscaux, et en
particulier les niches fiscales, du point de vue de l’équité et de
l’efficacité. À ses côtés, le Conseil des prélèvements obligatoires
a rendu plusieurs rapports importants sur les dispositifs fiscaux
dérogatoires. Récemment, un rapport de l’inspection des
Finances a examiné de manière exhaustive les niches fiscales.
L’information existe donc. Mais la rationalisation et la réduction
des niches fiscales sont difficilement réalisables. Ainsi, fin 2007,
parallèlement à la révision générale des politiques publiques,
le Gouvernement avait lancé une revue générale des prélève-
ments obligatoires. Elle visait notamment la rationalisation et
l’encadrement des niches fiscales. Elle n’a pas abouti.

› › ›  Est-il prévu de faire évoluer les valeurs locatives


cadastrales ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  La loi de finances rectificative pour 2010 du 29 décembre
2010 prévoit la révision des valeurs locatives cadastrales des
locaux professionnels (article 34). Ces dernières désignent le
revenu qu’un propriétaire peut obtenir de la location de ses
locaux. Cette révision a débuté par une expérimentation dans
cinq départements en 2011. En 2013, les valeurs locatives
nouvelles devraient être déterminées selon une méthodologie
qui vise à simplifier et moderniser la procédure d’évaluation. Il

93
s’agit de prendre en compte plus directement la situation du
marché locatif. Le changement complet des valeurs locatives
professionnelles devrait être effectif en 2014.
Cette révision était rendue nécessaire par la suppression de la
taxe professionnelle et la création d’une contribution écono-
mique territoriale comprenant une contribution foncière des
entreprises. Celle-ci s’ajoute à la taxe foncière (bâti et non bâti)
que payent déjà les entreprises. Or les valeurs locatives servant
effectivement au calcul de ces impôts fonciers datent de 1970.
La révision de 1990 a certes été votée par le Parlement, mais
celui-ci a aussi décidé de ne pas l’appliquer car l’ampleur de
ses implications risquait de compromettre la décentralisation
elle-même. En conséquence, en dehors de réévaluations basées
sur l’inflation, les valeurs locatives sont obsolètes.
Lors des discussions budgétaires de la fin 2012, le gouvernement
s’est engagé à lancer une procédure de révision des valeurs
locatives des locaux d’habitation en 2014. Elle s’inspirera du
processus expérimental déjà utilisé pour les locaux profession-
nels. La révision étant réalisée en 2016, les nouvelles valeurs
locatives seraient prises en compte dans les impositions de 2018.

› › ›  À quand l’imposition à la source en France ?


‹ ‹ ‹ ‹ ‹  Actuellement, l’impôt sur les revenus des personnes phy-
siques (IRPP) de l’année n-1 est dû l’année n. Avec la retenue
à la source, il serait directement prélevé par les employeurs,
donc la même année, sur la base d’un taux calculé par l’admi-
nistration fiscale. La retenue à la source de l’IRPP est un projet
ancien, souvent annoncé, mais encore jamais mis en œuvre.
La situation française est pourtant particulière puisque le
prélèvement à la source sur les revenus salariaux est déjà
utilisé pour les cotisations sociales, pour la contribution sociale
généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la
dette sociale (CRDS). En outre, il est pratiqué dans presque
tous les pays développés.
Ses avantages seraient importants. On pourrait ainsi supprimer
le décalage d’un an entre la perception du revenu et sa taxation.
Surtout, son instauration offrirait notamment l’opportunité
d’une remise à plat complète des niches fiscales. En effet, la
retenue à la source suppose un système de taxation des revenus

94
@ vous la parole

simplifié, que l’actuelle profusion de dispositifs dérogatoires


rend impossible.
Cependant, tous les revenus ne peuvent faire l’objet du pré-
lèvement à la source (ex. les loyers). Cela suppose donc de
maintenir la déclaration annuelle. Si les entreprises sont chargées
du prélèvement, avec quelles informations le feront-elles ?
Enfin, durant l’année de la transition, se poserait un problème
de superposition de l’impôt dû pour l’année précédente dans
l’ancien système et de l’impôt dû au titre de l’année en cours
dans le nouveau modèle. L’exonération d’une année éviterait
la double taxation, mais sa gestion pourrait être délicate.

› › ›  Comment comparer les taux d’imposition


de la France, des pays de l’Union européenne
et des États-Unis ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  Les systèmes fiscaux nationaux sont le produit de nombreux
facteurs. Jouent un rôle essentiel, l’organisation institutionnelle
des pays (fédéralisme/État unitaire ; centralisé/décentralisé), leur
niveau de développement et leurs structures économiques,
la place de la redistribution dans le revenu des ménages et
le modèle de protection sociale auquel ils se rattachent. On
observe donc des divergences importantes entre systèmes
fiscaux, et la comparaison est délicate. Ceci est renforcé par
les lacunes des statistiques.
Fréquemment, on se contente de comparer le taux global de
prélèvement obligatoire (TGPO). En 2009, il était de 24 % aux
États-Unis, de 41,9 % en France et de 35,8 % en moyenne au
sein de l’Union européenne. Si le taux français est plus élevé
que celui des États-Unis, cela s’explique par une proportion
plus importante de la redistribution et de la protection sociale
dans le revenu des ménages.
Mais le TGPO est un indicateur peu fiable qui doit être com-
plété. On constate ainsi notamment, qu’en France, la part
des impôts sur le revenu dans les prélèvements obligatoires
(PO) est faible (17,4 % en 2008) par rapport aux États-Unis
(38,1 % en 2008). La France utilise beaucoup plus les cotisations
sociales (37,2 % des PO en 2008) que les États-Unis (25,1 %).
De même, la proportion des impôts sur la consommation est

95
plus importante en France (24,5 % des PO en 2008) qu’aux
États-Unis (17,6 %).

› › ›  Quels sont les objectifs de la réforme fiscale de


la fin 2012 ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  Elle a été effectuée en deux étapes. D’une part, la deu-
xième loi de finances rectificative de juillet 2012 a supprimé
les dispositions de la loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir
d’achat (TEPA) d’août 2007 et la TVA sociale adoptée en
février 2012. D’autre part, la troisième loi de finances recti-
ficative de novembre 2012, prise en application du pacte de
compétitivité, et la loi de finances pour 2013 sont étroitement
complémentaires.
Quatre objectifs principaux sont visés : collecter des ressources
nouvelles pour réduire les déficits publics et tendre vers l’équi-
libre en 2017 ; améliorer la progressivité du prélèvement fiscal
sur les ménages pour le rendre plus juste ; limiter les avantages
fiscaux dont jouissent les grandes sociétés afin de les rapprocher
des taux de taxation des entreprises plus petites et restaurer
la compétitivité-coût des entreprises françaises.
Le gain pour l’État de ces mesures fiscales s’élève à 7 milliards
d’euros en 2012 et à 20 milliards d’euros en 2013. Il faut y
ajouter 10 milliards d’économies dans les dépenses publiques
en 2013. Mais, le pacte de compétitivité devrait coûter 10 mil-
liards d’euros dès 2013. L’impact immédiat sur le budget des
ménages est donc important. Cela ne peut manquer d’accentuer
le profil récessif d’une conjoncture très dégradée. Un bilan
éventuellement positif du pacte de compétitivité ne pourra
vraiment intervenir que lorsqu’il sera monté en puissance, à
partir de 2014.

› › ›  Quels sont les systèmes d’imposition sur le


patrimoine dans les autres pays que la France ?
‹ ‹ ‹ ‹ ‹  La fiscalité du patrimoine se décompose en deux grandes
catégories, d’une part les impôts sur les revenus du patrimoine,
et d’autre part les impôts pour lesquels le patrimoine lui-même
forme l’assiette (soit la grandeur à laquelle le prélèvement
s’applique). Dans cette dernière catégorie, on trouve les impôts

96
@ vous la parole

sur la propriété immobilière (ex. taxes foncières), les impôts sur


l’ensemble du patrimoine (ex. impôt de solidarité sur la fortune),
les impôts sur les transactions (ex. ventes d’immeubles) et les
impôts sur les successions et les donations.
Si l’on compare la situation française à celle de ses partenaires,
en particulier l’Allemagne, on constate que le taux d’imposition
des revenus du capital est plus faible en France (16,2 % en
2009) que dans la moyenne de l’Union européenne (17,3 %)
et surtout qu’en Allemagne (18,3 %). En revanche, la France
impose plus le patrimoine directement que les autres pays de
l’UE. Elle se situe dans une situation inverse à celle de l’Alle-
magne qui impose nettement moins le patrimoine directement,
quelles qu’en soient les modalités, que la moyenne de l’UE.

97
Bibliographie et sitothèque
◗◗ Nicolas Delalande,
Les batailles de l’impôt, Le Seuil, 2011.
◗◗ Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez,
Pour une révolution fiscale, La République des idées, Le
Seuil, 2011.
Téléchargeable sur le site : http : //www.revolution-fiscale.
fr/le-livre.
◗◗ Jacques Le Cacheux,
Les Français et l’impôt, coéd. Odile Jacob, La Documentation
française, 2008.
◗◗ Jean-Marie Monnier,
Les prélèvements obligatoires, Economica, 1998.
◗◗ Michel-Pierre Prat, Cyril Janvier,
Petit dictionnaire de la fraude fiscale, Dalloz, 2011.
◗◗ André Roux (dir.),
Finances publiques, coll. Les Notices, La Documentation
française, 2011.
◗◗ « Fiscalité : à l’aube d’une révolution ? »,
Cahiers français, no 373, La Documentation française,
mars-avril 2013.
◗◗ « Réforme fiscale : quels enjeux ? »,
Regards sur l’actualité, no 375, La Documentation fran-
çaise, novembre-décembre 2011.
◗◗ Site de la Cour des comptes :
www.ccomptes.fr
◗◗ Site officiel d’information fiscale :
www.impots.gouv.fr

99
◗◗ Site de l’Institut national de la statistique et des études
économiques :
www.insee.fr
◗◗ Site du ministère de l’Économie et des Finances :
www.performance-publique.budget.gouv.fr
◗◗ Site du dictionnaire encyclopédique des finances
publiques de la Société française de finances publiques :
ww.sffp.asso.fr/dictionnaire

100
Collection Doc’ en poche
Série « Entrez dans l’actu »
1.  Parlons nucléaire en 30 questions
de Paul Reuss
2.  Parlons impôts en 30 questions (2e édition mars 2013)
de Jean-Marie Monnier
3.  Parlons immigration en 30 questions
de François Héran
4.  France 2012, les données clés du débat présidentiel
des rédacteurs de la Documentation française
5.  Le président de la République en 30 questions
d’Isabelle Flahault et Philippe Tronquoy
6.  Parlons sécurité en 30 questions
d’Éric Heilmann
7.  Parlons mondialisation en 30 questions
d’Eddy Fougier
8.  Parlons école en 30 questions
de Georges Felouzis
9.  L’Assemblée nationale en 30 questions
de Bernard Accoyer
10.  Parlons Europe en 30 questions
de David Siritzky
13.  Parlons dette en 30 questions
de Jean-Marie Monnier
14.  Parlons jeunesse en 30 questions
d’Olivier Galland
21.  Parlons justice en 30 questions
d’Agnès Martinel et Romain Victor
À paraître en octobre 2013
22.  France 2014, les données clés
À paraître en octobre 2013

Série « Place au débat »


11.  Retraites : quelle nouvelle réforme ?
d’Antoine Rémond
12.  La France, bonne élève du développement durable ?
de Robin Degron
15.  L’industrie française décroche-t-elle ?
de Pierre-Noël Giraud et Thierry Weil
16.  Tous en classes moyennes ?
de Serge Bosc
23.  Crise ou changement de modèle ?
d’Élie Cohen
À paraître en octobre 2013
24.  Quelle(s) famille(s) pour demain ?
À paraître en octobre 2013
Série « Regard d’expert »
17.  Le vote populiste en Europe
de Laurent Bouvet
À paraître en mars 2014
18.  Les politiques éducatives en France
d’Antoine Prost et Marie-Thérèse Frank
À paraître en octobre 2013
19.  La face cachée de Harvard
de Stéphanie Grousset-Charrière
À paraître en octobre 2013
20.  La criminalité en France
À paraître en octobre 2013

DOC EN POCHE
E N T R E Z D A N S L’ A C T U

L’essentiel pour rendre l’actu facile en trois temps


Une présentation rapide et claire du sujet.
Les 30 points indispensables pour démêler le vrai du faux.
Les réponses à des questions d’internautes de vie-publique.fr
pour être au plus près de vos préoccupations.

Parlons impôts…
En 2012, le débat fiscal a encore été intense (impôt sur la
fortune, taxe à 75 %, mouvement des « pigeons »…). Les
impôts font l’objet de réformes de façon récurrente rendant
notre système fiscal complexe et controversé. En temps de
crise budgétaire, ils représentent un enjeu essentiel pour
financer les dépenses publiques et contribuer à réduire les
inégalités sociales. Mais qu’en est-il des impôts en France ?
Comment comprendre le fonctionnement et les objectifs de
notre système fiscal ? Pour sortir du brouhaha médiatique,
« Entrez dans l’actu » vous apporte des informations objectives,
factuelles et chiffrées sur les impôts.

Jean-Marie Monnier est professeur d’économie au Centre d’éco-


nomie de la Sorbonne (Paris I) et spécialiste des questions fiscales.

Diffusion
Direction de l’information
légale et administrative
La documentation Française
Tél. : 01 40 15 70 10
Photo : © Ocean/Corbis

www.ladocumentationfrancaise.fr
Prix : 5,90 €

-:HSMBLA=U^WZ]]: ISBN : 978-2-11-009258-8


DF : 1FP32710
Imprimé en France

Vous aimerez peut-être aussi