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Géologie des argiles Chapitre 1 Introduction

Chapitre 1. Introduction
Définition
Il n’existe pas de définition unique du terme “argile”. Le mot “argile” englobe deux
connotations, l’une liée à la taille des grains et l’autre à la minéralogie. La définition dépend de la
discipline concernée. Le géologue ou le pédologue considèrent comme “ argile ” tout minéral de faible
granulométrie, la limite étant fixée à 2 ou 4 microns selon les cas. Les ingénieurs s’attachent plutôt
aux propriétés de plasticité des matériaux argileux quelque soit leur taille. Les céramistes regroupent
les matériaux selon leur comportement au chauffage...

Généralement, les minéraux argileux sont des phyllosilicates hydratés de petite taille. Cependant
(1) des minéraux comme les illites ou les chlorites sont fréquents dans la fraction silteuse des roches
magmatiques et métamorphiques; (2) tous les minéraux argileux ne sont pas des phyllosilicates (e.g.,
quartz, feldspath), ni même des silicates (e.g., oxydes). Les argiles sont généralement cristallisées,
même si des argiles amorphes existent (e.g. allophanes dans les sols développés sur substrat
volcanique ou andosols). Dans les ouvrages de référence, il existe différentes propositions de
définitions. Par exemple, Eslinger & Peaver (1988) proposent de définir les argiles comme un minéral
qui domine dans la fraction fine < 2 microns des roches et des sols. Par contre, Weaver (1989)
regroupe tous les minéraux phyllosilicatés sans aucune connotation de taille et propose pour éviter les
confusions d’utiliser le terme de “physils”.

Domaines d’études
Les minéraux argileux et les argiles sont étudiés dans de nombreux domaines (Fig. 1.1). Pour les
géologues, les argiles apportent des informations sur les conditions environnementales (source,
condition de formation, diagenèse...). Les ingénieurs pétroliers déduisent les conditions thermiques des
gisements (degré de maturation). Les ingénieurs civils s’intéressent aux propriétés des argiles en tant
que matériel industriel (réfractaires, matériaux de construction). Les agronomes analysent les
propriétés d’hydratation et d’adsorption des argiles pour concevoir les fertilisants. Quelque soit la
discipline, la structure cristalline des argiles est importante car elle est responsable des propriétés
spécifiques du minéral. Il existe une très vaste littérature concernant les argiles et les matériaux
argileux, dispersée selon l’orientation des revues (voir liste bibliographique annexée).

Figure 1.1 – Domaines d’études (Eslinger & Peaver, 1988).

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Géologie des argiles Chapitre 1 Introduction

Argile et cycle géologique


Dans le cycle géologique, les minéraux argileux sont restreints aux couches externes (Fig. 1.2). Ils
sont principalement formés à partir de minéraux préexistants, par réactions de la croûte terrestre au
contact de l’hydrosphère ou de l’atmosphère. Les argiles sont généralement absentes dans les roches
de haut température (roches magmatiques et métamorphiques à des T > 500°C). Par contre, elles sont
abondantes dans les sols, sédiments, roches sédimentaires ainsi que dans les zones d’altération
hydrothermale.

Figure 1.2 – Les argiles et le cycle sédimentaire (Eslinger & Peaver, 1988)

La figure 1.3 illustre le lien existant entre la composition des assemblages argileux dans des
sédiments marins (Atlantique NW, W Thétys) et le cycle géodynamique.

Figure 1.3 – Les argiles et le cycle géodynamique (Chamley, 1989)

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Géologie des argiles Chapitre 1 Introduction

Nomenclature des roches argileuses


Si l’on excepte le quartz, les argiles sont les minéraux les plus abondants de la lithosphère.
En effet (Fig. 1.4):
- les roches sédimentaires sont les roches les plus abondantes (en volume) à la surface de la lithosphère;
- les shales dominent les roches sédimentaires;
- les argiles sont les principaux constituants des shales.
Il n’existe pas de terme prédéfini pour décrire une roche composée principalement de minéraux
argileux (au sens minéralogique du terme - Weaver, 1989). Les termes claystone, mudstone, lutite
et pélite ont une connotation de taille et non minéralogique alors que ces roches sont dominées
par des phyllosilicates. En pratique, l’identification est pourtant basée sur la minéralogie
(diffraction des rayons X) plutôt que sur la granulométrie. Dans de nombreux cas, les minéraux
phyllosilicatés appartiennent à la classe des silts. Par conséquent, les roches appelées claystone,
mudstone, lutite ou pélite sont généralement des siltstones!

Figure 1.4- Importance des argiles dans les roches sédimentaires (Beauchamp, 2002)

Le tableau (Tab. 1.1) résume la nomenclature en usage pour les roches riches en minéraux
argileux. Les pétrologues utilisent la texture de la roche non consolidée pour classer les roches. Ils
assument donc que la granulométrie des sédiments non consolidés est préservée intégralement dans le
sédiment enfouis, en ignorant les processus diagénétiques qui affectent la minéralogie et la texture. Le
terme shale implique que la roche à tendance à se débiter selon des plans parallèles à la stratification.
Dans les shales, la fissilité augmente selon la proportion de phyllosilicates mais les phyllosilicates
doivent atteindre une taille supérieure à 5 microns avant que la fissilité ne se développe. Généralement
les propriétés de débitage dépendent des conditions de dépôt, de la diagenèse ou du métamorphisme.
Toutes les roches constituées de matériaux de faible granulométrie sont massives sous des pressions
élevées. La fissilité ne se développe que lorsque la pression diminue. Les autres roches nécessitent une
altération (infiltration d’eau?) plus poussée pour que des clivages se développent. Par contre, des
roches comportant une forte proportion de minéraux gonflants (i.e., les bentonites) ne développent pas
de fissilité tant qu’elles n’ont pas perdu une forte quantité d’eau.

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Géologie des argiles Chapitre 1 Introduction

Table 1.1- Nomenclature (Weaver, 1989)

Conditions de formation et stabilité des argiles


Les argiles résultent de l’interaction d’une solution avec une roche pré-existante (Fig. 1.5a, 1.5b).
Les processus de dissolution et de recristallisation conduisent à la formation ou à la transformation des
minéraux argileux. La proportion d’eau par rapport au solide détermine le degré, le type de réactions
chimiques et finalement le type de minéral formé. Les argiles sont instables en milieu anhydre.
Lorsque l’eau est abondante, le solide devient instable et la dissolution (congruente, complète)
constitue la première étape d’interaction eau/roche. Lorsque la proportion eau/roche avoisine 1, la
dissolution est incongruente, c-à-d que certains éléments sont dissous, d’autres restent en phase solide.
Les minéraux argileux constituent généralement la phase solide car ils sont généralement hydratés,
caractérisés par une structure physique particulière différente du minéral pré-existant (i.e., volume
supérieur lié à l’hydratation). Dans la figure 1.5b, la relation entre la proportion relative eau et roche
est mise en parallèle avec les différents processus de formation des argiles (i.e., altération, dépôt ou
sédimentation, enfouissement responsable de la diagenèse, altération hydrothermale).

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Géologie des argiles Chapitre 1 Introduction

Figure 1.5a – Conditions de formation et de stabilité des minéraux argileux. Les minéraux
argileux : les MUTANTS de la lithosphère (Thorez, 1989).

J. Thorez (1989) définit les argiles comme des « mutants » (Fig. 1.5a) : il s’agit de minéraux en
continuelle évolution minéralogique pour atteindre un état d’équilibre thermodynamique selon
l’agent d’altération. Ces mutations modifient la présence, l’abondance et la composition des minéraux
argileux.

Figure 1.5b – Conditions de formation et de stabilité des minéraux argileux (Velde, 1995).

En ce qui concerne leurs conditions de formation (Fig. 1.5c,1.5d), les argiles ne sont présentes
qu’à proximité de la surface terrestre, dans un environnement limité à une certaine gamme de
température et de temps.

Figure 1.5c – Conditions de formation et


de stabilité des minéraux argileux (Velde, 1995).

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Géologie des argiles Chapitre 1 Introduction

Pour la majorité des argiles, leur stabilité se limite aux quelques centaines de mètres supérieurs de
la croûte terrestre. Dès que la température dépasse 50-80°C, les argiles deviennent instables et
commencent à se modifier en d’autres minéraux, argileux ou non (e.g., mica, feldspath). La figure
donne la gamme d’évolution des argiles en fonction de la température et du temps. Pour de faibles
températures, de longues périodes de temps sont nécessaires pour changer la minéralogie des argiles.
Par contre, pour de courtes périodes de temps, la température de formation peut atteindre quelques
centaines de degré. Le taux d’évolution est fortement influencé par la température ambiante. Une
température élevée accélère la réaction mais l’évolution de la température dans les phénomènes
géologiques est très variable. Les événements rapides sont généralement des phénomènes localisés, ils
déstabilisent les assemblages argileux et impliquent des changements chimiques (e.g., intrusion
magmatique, percolation de fluide). Au contraire, des processus de sédimentation et d’enfouissement
sont des événements qui se produisent sur de longues périodes (1-100 Ma). Les argiles sont
transformées dans des bassins sédimentaires anciens et peu profonds (e.g., 200 Ma, 2 km de
profondeur, T basse +/- 80°C). Les argiles resteront intactes dans de bassins plus jeunes, plus profonds
et plus chauds (e.g., 2 Ma, 5 km, 180°C). La dimension temporelle est donc essentielle, au même
plan que la température, dans la stabilité et l’évolution des argiles.

Figure 1.5d – Conditions de formation et de stabilité des minéraux argileux (Velde1995).

Organisation du cours
Le cours de géologie des argiles est structuré en trois parties. La première partie décrit les argiles
en tant que minéraux (composition chimique, structure). Après une révision de la nomenclature
existante, nous développerons les propriétés physico-chimiques spécifiques aux argiles ainsi que les
méthodes particulières d’identification. La seconde partie concerne l’étude des argiles au cours du
cycle géologique. Nous aborderons les conditions de formation des minéraux argileux, de transport, de
sédimentation et d’évolution au cours de la diagenèse. Ensuite la troisième partie sera consacrée aux
applications, tant fondamentales qu’appliquées des argiles.

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Chapitre 2 – Méthodes
Notion d’échelle
Les minéraux argileux peuvent être étudiés à différentes échelles, de l’atome au paysage avec des
méthodes appropriées (Fig. 2.1 & 2.2). L’observation de lames minces permet une approche micro-
morphologique qui consiste à étudier la distribution des argiles dans la roche sédimentaire ou les sols.
La fabrique ou agencement des particules argileuses s’étudie via la microscopie électronique à
balayage (MEB, SEM); la morphologie des particules s’observe plutôt au microscope à transmission
(MET, TEM). Le degré d’hydratation des assemblages argileux s’obtient via des analyses thermique
différentielle (ATD, DTA) ou thermo- gravimétrique (ATG, TGA). L’étude à l’échelle moléculaire est
obtenue par spectroscopie infrarouge (IR), à l’échelle atomique par microscopie électronique à
transmission à haute résolution (HRTEM). La composition minéralogique des assemblages argileux
est déduite par la diffraction des rayons X (DRX, XRD).

Echelle d’observation
décroissante

Figure 2.1 – Méthodes d‘étude des argiles à différentes échelles (Velde, 1992).

Figure 2.2- Etudes des argiles à différentes échelles (Thorez, 1989).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

A l’exception de la XRD, les méthodes d’études ne s’appliquent généralement que sur des phases
argileuses pures ou simples. Les résultats sur phase mixte, par exemple des assemblages argileux
naturels de sols, sédiments ou roches sédimentaires, ne sont pas interprétables.

DTA et TGA
Les minéraux argileux comprennent différents types d’eau ou d’ions OH dans leur structure,
caractérisés par leur énergie de liaison (Fig. 2.3a).

Figure 2.3a – Localisation de l’eau dans les argiles (Velde, 1992).

L’analyse thermo-gravimétrique consiste à suivre la perte en poids d’un minéral argileux en


fonction de la température de chauffe. La courbe comporte différents paliers correspondant à la perte
des différents types d’eau (Fig. 2.3b):
- perte de l’eau adsorbée, généralement vers 80-90°C, correspondant à une perte en poids de 1%;
- perte de l’eau zéolitique, i.e. l’eau comprise dans les canaux des argiles fibreuses, il s’agit d’une
quantité fixée et limitée se produisant vers 100-150°C;
- perte de l’eau adsorbée dans l’espace interfoliaire, disposée en 1 ou 2 couches, vers 100-200°C;
- perte des ions OH de la structure (eau cristalline), débutant à partir de 500°C.

Figure 2.3b – Courbe de perte en poids lors d’une analyse thermo-


gravimétrique (Velde, 1992).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

L’analyse thermique différentielle est basée sur les réactions thermiques qui se produisent
lorsqu’un minéral est chauffé (Fig. 2.3c). Les variations de températures sont reportées en fonction du
temps et de la température. La courbe enregistre les pertes d’eau (réactions endothermiques
généralement, - sur la figure2.3c.) mais aussi les recristallisations et les recombinaisons (réactions
exothermiques, + sur la figure 2.3c).

Figure 2.3c – Mesure des variations de la température lors


d’une analyse thermique différentielle (Velde, 1992).

Ces méthodes sont importantes dans le domaine des céramiques. Le tableau 2.2 résume les
données DTA (Tab. 2.2a) et TGA (Tab. 2.2b) pour différentes argiles.

Table 2.2a – ATD (Eslinger & Peaver, 1988).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Table 2.2b – ATG (Eslinger & Peaver, 1988).

IR
La méthode de spectroscopie infrarouge consiste à soumettre une suspension argileuse diluée (<
1mg dans une solution de KBr) à une gamme de rayonnement infrarouge. Les argiles absorbent le
rayonnement selon les fréquences de vibrations de leurs composés cristallins (e.g., OH, Si-Al-F dans
tétraèdre, Mg dans octaèdre, liaison Si-O-Si dans tétraèdre). La figure 2.4 illustre les différents modes
de vibration (i.e., “ stretching, bending, molecular vibration ”).

Des exemples de spectres IR sur différentes argiles pures sont reportés à la figure 2.5. L’énergie
absorbée est reportée en fonction de la fréquence du rayonnement. La position des pics dans le
diagramme est caractéristique des liaisons atomiques. par exemple pour le groupement OH, la position
de la bande d’absorption va dépendre du type de feuillet (di- ou tri-octaédrique), de la nature des
cations dans le site octaédrique et du taux d’occupation.

Figure 2.4 – Analyse infrarouge (Velde, 1992).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Figure 2.5 – Exemples de spectres IR sur minéraux argileux (Caillière et al., 1982).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

MEB-SEM
La microscopie électronique à balayage est basée sur l’interaction entre un faisceau d’électron et
une matrice cristalline ou non. Le faisceau d’électrons secondaires ou celui des électrons rétro-diffusés
est utilisé pour obtenir une image de l’échantillon irradié avec une résolution de l’ordre de 0.01
micron. Cette technique donne des informations sur le relief de l’échantillon, la morphologie des
grains et leur agencement (Fig. 2.6). En complément, un spectre de dispersion en énergie (EDAX)
donne une information semi-quantitative sur le contenu chimique. Les échantillons doivent être
métallisés avant l’analyse. Cependant cette préparation n’est plus nécessaire avec le microscope
environnemental (ESEM).

EDAX spectrum

Figure 2.6– Photographies au MEB d’halloysites belges (Weilen).


Source : D. Nicaise.

MET-TEM et HRTEM
Le microscope électronique en transmission permet d’étudier la forme des particules argileuses
(Fig. 2.7). Une suspension d’argile est déposée sur une grille de Cu recouverte d’un film de matière
organique (collodion). Le faisceau d’électron est absorbé davantage par les argiles que par la matière
organique du support, ceci donne une ombre indicatrice de la forme des particules.
La microscopie électronique en transmission et à haute résolution permettent d’observer
des couches minces de matériaux argileux et de déduire les modes d’empilement des feuillets.
Cette approche est importante dans l’identification des minéraux interstratifiés.

Figure 2.7 – Photographies au MET d’halloysites belges (Angleur).


Source : D. Nicaise.

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Diffraction des rayons X


Cette méthode, essentielle dans l’identification des assemblages argileux complexes (i.e., cas des
assemblages naturels dans les sols et les sédiments), sera traitée au cours des séances de travaux
pratiques.

Introduction
La diffraction des rayons X consiste à appliquer un rayonnement de la longueur d’onde des rayons
X (0.1 < λ < 10nm) sur un échantillon argileux orienté ou non. Le rayonnement pénètre le cristal, il y a
absorption d’une partie de l’énergie et excitation des atomes avec émissions de radiations dans toutes
les directions. Les radiations émises par des plans atomiques qui sont en phases vont engendrer un
faisceau cohérent qui pourra être détecté. La condition pour que les radiations soit en phase s’exprime
par la loi de Bragg : nλ λ = 2d sinθ
θ

n: nombre entier correspondant à l’ordre de la diffraction
λ: longueur d’onde du rayonnement utilisé
d: espace basal, en angströms (Å)
θ: angle de diffraction

Chaque famille argileuse sera caractérisée par sa valeur de d (Fig. 2.8).

Illite : espace basal = 10 Angströms

Figure 2.8 – définition de l’espace basal à 10Å pour une illite (Moore & Reynolds, 1989).

Production des rayons X


Le rayonnement X est émis par un tube à rayons X constitué d’une anode métallique (Co, Cu)
bombardée par un faisceau d‘électrons produit par un filament chauffé. La radiation émise sort par des
fenêtres de Be. Le spectre émis, par exemple par une anode de Cu (Fig. 2.9), consiste en un fond
continu produit suite à la collision d’électrons sur l’anode. Ces électrons convertissent leur énergie
cinétique en rayonnement X. A ce spectre s’ajoute des pics (radiations caractéristiques) qui
correspondent à l’énergie libérée suite aux réarrangements des électrons suite à l’éjection de 1 ou
plusieurs électrons lors de l’excitation. Les raies Kα1,α2 correspondent à des transitions entre les
orbitales L et K, les raies caractéristiques Kβ aux transitions de l’orbitale M à l’orbitale K (Fig. 2.10).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Figure 2.9 – Production des rayons X.


(a) Tube à rayons X ; (b) Exemple de spectre émis par une anode de Cu (Tucker, 1991).

Fig. 2.10 – Rayonnement discret lié aux transitions électroniques (Tucker, 1991).

Principe de la diffraction
Lorsque le rayonnement X rencontre des électrons, il est dispersé dans toutes les directions selon
des fronts d’onde qui se propagent (Fig.2.11). Les rayons vont interférer entre eux et le faisceau
diffracté mesuré constitue la résultante des interférences constructives. Des centres de dispersion
(par exemple des atomes) régulièrement disposés vont engendrer des interférences constructives à
des endroits particuliers et destructives à d’autres endroits. Les fronts d’onde résultant de points
d’interférences constructives vont engendrer des cônes de diffraction. Les interférences entre les
différents cônes de diffraction produisent à nouveau des interférences constructives.
Pour une rangée d’atomes, le rayon diffracté se produit selon un angle θ, identique à l’angle
d’incidence. Le rayonnement est dispersé dans toutes les directions. Tous les rayons émis par les
atomes d’un même plan sont en phase et contribuent au faisceau diffracté. Ceci est valable pour
toutes les rangées d’atomes. La différence de chemin entre le faisceau incident qui arrive sur la
1ère ou la 2ième rangée est équivalente à 2dsinθ. Par conséquent, les rayons dispersés seront en
phase et se renforceront si la différence de chemin parcouru est égale à un nombre entier de
la longueur d’onde du rayonnement incident λ.

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

1. Interaction entre les rayons X et les électrons

2. Interférences entre
les rayonnements émis

3. Diffraction par un plan d’atomes


4. Interférences constructives

5. Diffraction par une structure cristalline à 3


dimensions

Cône de diffraction
Figure 2.11 – Principe de la diffraction (Schroeder, 2002).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Ensemble de diffraction
L’appareillage (Fig. 2.12) comporte un tube de rayons X refroidi par un système de circulation
d’eau. Le rayonnement X est focalisé sur l’échantillon via un système de fentes (Fig. 2.13). Le
détecteur est positionné par rapport à l’échantillon et se déplace avec l’angle d’incidence θ.
L’échantillon et le détecteur sont couplés. La rotation de 2θ du détecteur s’accompagne d’une
rotation de θ de l‘échantillon. Ceci permet de conserver un angle d’incidence et de diffraction
identique θ, équivalent à la moitié de l’angle de diffraction (2θ). L'énergie du faisceau diffracté est
enregistrée selon l’angle de diffraction (Fig. 2.14). Ensuite les spectres de diffraction ou
diffractogrammes soit interprétés manuellement ou via un logiciel de traitement.

Figure 2.12 – Ensemble de diffraction (Eslinger & Peaver, 1988).

Figure 2.13a – Disposition des fentes permettant de délimiter la géométrie


du faisceau de rayons X (Holtzapfel, 1985).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Figure 2.13b – Géométrie d’un ensemble de diffraction des rayons X:


Illustration de la loi de Bragg (Holtzapfel, 1985) .

Figure 2.14 – Principe de la diffraction et illustration de la Loi de Bragg


(Eslinger & Peaver, 1988).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Préparation des échantillons


Il existe plusieurs méthodes de préparation des échantillons (Fig.2.15). Les différentes méthodes
visent à orienter au maximum les minéraux argileux de façon à renforcer leur réflection principale liée
aux plans (001) ou (00l). La confection d’un agrégat orienté par la méthode de la sédimentation
(Moore et Reynolds, 1989) sur lame de verre sera appliquée lors des séances de travaux pratiques.

Figure 2.15 – Préparation des échantillons de pour la diffraction des rayons X.


Confection d’un agrégat orienté : (a) par sédimentation sur une lame de verre;
(b) méthode de la plaque de porcelaine ; (c) filtration (repris de Velde, 1992).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Traitement des spectres et identifications des minéraux argileux simples


Après diffraction, on obtient un spectre d’énergie du faisceau diffracté en fonction de l’angle de
diffraction 2θ. Dans ce spectre, les valeurs angulaires peuvent être en espace basal d (en angströms) en
appliquant la Loi de Bragg et en utilisant la longueur d’onde Kα de l’anode utilisée pour produire le
rayonnement X incident (Fig. 2.16). Ainsi chaque famille argileuse se caractérise par une valeur de d
pour les plans (001). Soit illite d = 10Å ; chlorite d = 14Å ; kaolinite d = 7Å ; smectite d = 15Å

Figure 2.16 – Spectre de diffraction des rayons X d’un agrégat orienté :


la carte d’identité des minéraux argileux. Exemple d’un mélange
d’illite, kaolinite et quartz (Moore & Reynolds, 1989)

Cependant il faut aussi considérer les différents ordre de diffraction n (Fig. 2.17). Une même
espèce argileuse aura donc plusieurs pics de diffraction correspondant à différentes valeurs de d: d/1
(n=1), d/2 (n=2), d/3 (n=3),...
Soit illite d/2 = 5Å; chlorite d/2 = 7Å, d/3 = 3.57 ; kaolinite d/2 = 3.54Å ; smectite d/2 = 7Å, d/3 = 5Å.
Dans un mélange argileux naturel, le spectre de diffraction enregistrera différents pics correspondants
aux réflections principales des différentes familles présentes mais aussi les réflections secondaires ou
d’ordre 3. On constate que les mêmes valeurs de d peuvent correspondre à des réflections d’ordre
différents pour des minéraux différents. par exemple, la réflection (001) de la kaolinite à 7Å coïncide
avec la réflection (002) de la chlorite.

Figure 2.17 – Spectre de diffraction des rayons : ordre de diffraction

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Dans le cas d’un mélange, le spectre sera la résultante de la somme des spectres individuels avec les
superpositions éventuelles (Fig. 2.18).

Résultante du
mélange argileux

Spectres individuels

Fig. 2.18 – Spectre de diffraction : minéraux individuels et mélanges argileux (Tucker, 1991).

Le tableau (Tab.2.3a, b) résume la position des réflections principales et l’intensité des réflections
d’ordre supérieurs pour les différentes familles argileuses. En ne considérant que le spectre normal,
certains minéraux ne sont pas dissociables. En routine, on va donc enregistrer pour un même
échantillon trois spectres obtenus dans des conditions expérimentales différentes, i.e., un spectre à
l’état naturel (spectre N), le second après solvatation (spectre EG) et le troisième après chauffage
(spectre H). Des traitements complémentaires (attaque acide, hydrazine, saturations cationiques,...)
peuvent être envisagés ponctuellement pour compléter l’identification des espèces argileuses.

Table 2.3a – Tableau de diagnose (Velde, 1992).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Table 2.3b – Tableau de diagnose (Eslinger & Peaver, 1988).

Voici des exemples de spectres caractéristiques des principaux minéraux argileux pris
individuellement: talc, kaolinite, halloysite, serpentine, illite, glauconite, palygorskite, sépiolite,
vermiculite, smectite, chlorite (Eslinger & Peaver, 1988). Les tableaux 2.4 à 2.6 donnent les effets des
traitements N, EG, H sur les principales espèces argileuses et la position des réflections (00l).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Réflections basales des vermiculites en fonction de la nature du cation interfoliaire


(Eslinger and Peaver, 1988).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Table 2.4 – Effet des traitements sur la position des réflections (Thorez, 1986).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Table 2.5 – Effets des traitements sur la position des réflections (Tucker, 1991).

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Géologie des argiles Chapitre 2 Méthodes

Table 2.6 – Effets des traitements sur la position des réflections (Eslinger & Peaver, 1988).

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Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Identification des minéraux interstratifiés par diffraction des rayons X


A l’exception des interstratifiés réguliers les minéraux interstratifiés produisent des reflections
larges, non intégrales et asymétriques. La figure 2.19a montre la séquence des réflections (00l) pour
une smectite pure. Chaque pic multiplié par l’ordre de la diffraction donne 17Å s’il n’y a pas
d’interstratifiés (i.e., séquence intégrale).

17.0 x 1 = 17
8.50 x 2 = 17
5.67 x 3 = 17
4.26 x 4 = 17
3.40 x 5 = 17
2.83 x 6 = 17

Figure 2.19a – Réflection harmonique pour minéraux argileux simples


(Eslinger & Peaver, 1988).

Par contre pour une smectite avec 10 à 15% de feuillets illitiques, la séquence n’est pas intégrale
(Fig. 2.19b).

17.0 x 1 = 17.00
8.60 x 2 = 17.20
5.58 x 3 = 16.74
4.10 x 4 = 16.40
3.37 x 5 = 16.85
2.81 x 6 = 16.86

Figure 2.19b – Réflections harmoniques pour minéraux argileux


interstratifiés (Eslinger & Peaver, 1988).

La figure 2.20 illustre l’évolution de la position de la réflection (001) et de la forme du pic


selon la teneur en smectite dans le feuillet. Le minéral interstratifié illite-smectite se rapproche de
plus en plus de la réflection de l’illite au fur et à mesure que la teneur en smectite des feuillets
diminue. La détection des interstratifiés est liée à l’observation de réflections pour des valeurs de d
ne correspondant à aucune famille d’argiles. L’analyse des minéraux interstratifiés peut également
se faire par comparaison des spectres mesurés avec des spectres théoriques (Fig. 2.21).

31
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Teneur en
smectite
croissante

Figure 2.20 – Exemple d’évolution des spectres de diffraction


selon la teneur en feuillets smectitiques d’interstratifiés illite-smectite (Weaver, 1989).

Montmorillonite pure

Illite pure

Figure 2.21 – Spectres théoriques de minéraux interstratifiés à 2 composants (Tucker, 1991).

L’analyse des interstratifiés implique la détection des interstratifiés, la détermination des


composés, le degré d’ordre ou de désordre et l’abondance relative des différents composés.
(a) L’identification des composés est basée sur le comportement observé selon les différents
traitements (Tab. 2.7). La majorité des minéraux interstratifiés ont des couches de type 2/1. Il existe
quatre types principaux de feuillets (smectite, chlorite, illite et vermiculite) qui combinés deux à deux
donnent des interstratifiés illite-smectite, illite-vermiculite, illite-chlorite, chlorite smectite ou chlorite-
vermiculite. Lors du chauffage, les feuillets smectitiques dans les interstratifiés I-S ou les feuillets
vermiculitiques dans les I-V s’effondrent à 10Å. Le minéral produit n’apparaît donc plus comme un
interstratifié et se comporte comme une illite.

32
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Table 2.7 – Identification des composants argileux dans un interstratifié à 2 termes


(Eslinger & Peaver, 1988).

(b) Par rapport aux séquences de pics d’une phase pure, les minéraux interstratifiés réguliers se
caractérisent par une réflection supplémentaire ou surstructure correspondant à la somme des
réflections basales des 2 composés. Les minéraux irréguliers présentent des réflections élargies, de
moindre intensité avec une périodicité inégale.
(c) La forme des réflections des minéraux interstratifiés reflète le pourcentage relatif des 2
composés dans le minéral interstratifié. La figure montre la position de la réflection pour un minéral
interstratifié irrégulier depuis la phase pure du composé 1 vers la phase pure du composé 2. Si la
distance entre les réflections est petite, le déplacement sera linéaire et la réflection aigue. si la distance
entre les réflections est grande (c-à-d si on s’écarte d’une composition intermédiaire 50-50), la
réflection devient diffuse et le déplacement suit une courbe en “ S ”. La figure 2.22 illustre la forme de
la réflection (002) d’un minéral interstratifié selon l’abondance relative des composés A et B.

Les tableaux 2.8 et 2.9 donnent la position des réflections (001) et l’évolution en fonction des
traitements pour des interstratifiés réguliers.

Figure 2.22 – Forme des réflections en fonction de l’abondance des 2 composants


dans un minéral interstratifié (Thorez, 1986).

33
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Table 2.8a – Effets des différents traitements sur les minéraux


interstratifiés (Thorez, 1986).

Table 2.8b – Effets des différents traitements sur les minéraux argileux interstratifiés
(Thorez, 1986).

34
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Table 2.9 – Effets des différents traitements sur des minéraux interstratifiés
à 2 composants (Holtzapfell, 1985).

Traitements complémentaires
Les schémas de diagnose des assemblages argileux naturels sont généralement basés sur la
comparaison des trois spectres N, EG et H. Des compléments d’information sur la nature des
interstratifiés et l’origine des minéraux argileux, les smectites en particulier, peuvent être obtenus en
complétant les analyses de routine par des saturations des espèces argileuses avec des chlorures de Li,
K, Mg,...Jacques Thorez a élaboré de nombreux schémas de diagnose (Thorez, 1986).
Schématiquement la saturation au Li permet, par exemple, de différencier la nature des smectites,
montmorillonites ou beidellites. Seules les beidellites conservent leur capacité de gonfler lorsqu’elles
sont soumises à des vapeurs de glycérol après chauffage.
On observe les séquences suivantes
- pour les beidellites: 14(N)-17(EG)-10(H), 12 à 14 (LiN), 10 (Li300°C), 17 (Li300°C+Gl) ;
- pour les montmorillonites: 14(N)-17(EG)-10(H), 12 à 14 (LiN) - 10 (Li300),10 (Li300Gl).

La saturation au K permet quant à elle de différencier l’origine des smectites, néoformées ou


transformées. Seules les smectites néoformées conservent leur capacité de gonfler lorsqu’elles sont
soumises à des vapeurs de glycérol après chauffage.
On observe les séquences suivantes
- pour les smectites transformées: 10 (KN), 10 (K110°C), 10 (K110EG) ;
- pour les smectites néoformées: 10 (KN), 10 (K110), >10 (K110EG).

35
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Schéma d’interprétation des spectres de diffraction des rayons X


1. Dessiner le bruit de fond (méthode des tangentes).

Figure 2.23 – Mesure du bruit de fond (Holtzapfell, 1985).

2. Repérer les pics

Figure 2.24 – Interprétation des spectres de diffraction sur agrégats


orientés : paramètres à mesurer (Moore & Reynolds, 1989).

3. Attribuer à chaque pic une valeur de d en fonction de la position angulaire et l’anode utilisée. Il
existe des tables de conversion (Tables de Rose) dans lesquelles on cherche la valeur de 2θ et on
obtient directement la valeur de d correspondante. Il est également possible d’utiliser des règles pré-
étalonnées selon la formule de Bragg.

36
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

4. Observer les déplacements des pics d’un traitement à un autre et identifier les minéraux présents
en utilisant les tables de diagnose.

5. Mesurer l’intensité du pic de référence, i.e., généralement la réflection (001), pour chaque
minéral identifié.
Soit:
Illite 10Å
Chlorite 14Å
Vermiculite 14Å
Smectite 17Å
Kaolinite 7Å
Palygorskite 10.4Å
Sépiolite 12Å
Toutes les mesures sont généralement effectuées sur le spectre EG.

6. Estimer semi-quantitativement l’abondance relative de chaque minéral identifié en multipliant


l’intensité mesurée par un facteur correctif tenant en compte la forme du pic et donc l’état de
cristallisation du minéral (Tab. 2.10 et 2.11). Ce facteur tient aussi compte d’autres paramètres liés à
la technique:
(a) L’élargissement expérimental des réflections qui affecte surtout les réflections étroites
(surface limitée). Ceci explique le choix du facteur correctif de 0.5 ou 0.7 pour la kaolinite plutôt que 1
comme pour l’illite.
(b) Les variations d’incidences du faisceau sur la préparation, surtout pour les petits angles où
la surface analysée est grande. Une part de la surface analysée n’est pas assimilable à un cercle
goniométrique, on a donc un défaut d’alignement entre la source, l’échantillon et le détecteur. Cela
induit une atténuation des intensités des réflections aux petits angles par rapport aux autres.
Pour l’intensité de l’illite mesurée à 10Å, on choisit arbitrairement un facteur correctif de 1. Pour la
kaolinite à 7Å, on fixe généralement un facteur correctif multiplicatif plus petit de 0.5 ou 0.7 (vu degré
d’organisation élevé, réflection moins atténuée). Pour la smectite, en théorie, on lui attribue
généralement un facteur correctif multiplicatif plus élevé de 1.5 à 2 (réflection atténuée, faible degré
d’organisation). Cependant, des essais de laboratoires ont montré que pour une même quantité de
smectite et d’illite, la réflection à 17Å de la smectite était 4 à 5 fois plus importante que celle de l’illite
(J. Thorez, comm. pers.). J. Thorez propose donc d’utiliser un facteur correctif de 0.2 à 0.25 pour les
smectites.

Illite x 1.0
10-14 x 0.40
14-14 x 0.40
Chlorite x 0.34
Vermiculite x 0.34
Smectite x 0.25
Smectite Al x 0.25
Kaolinite x 0.70
Table 2.10 – facteurs correctifs (J. Thorez)

Pour éviter d’utiliser un facteur correctif, il est également possible de mesurer directement
l’intensité de la smectite sur le pic à 10Å après chauffage. En effet, au chauffage la smectite se rétracte
à 10Å: l’intensité du pic à 10Å est donc la somme de l’intensité de la smectite et de l’illite. il suffit
alors de déduire l’intensité liée à l’illite mesurée à 10Å sur le spectre EG. Les argiles fibreuses se
caractérisent par des facteurs correctifs élevés car leur structure est défavorable à une bonne
diffraction.
L’intensité des argiles identifiées est corrigée par les facteurs correctifs. Les intensités corrigées
sont ensuite sommées à 100%. L’intensité corrigée divisée par la somme permet d’obtenir une
abondance relative de chaque minéral argileux identifié.

37
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Table 2.10 - Estimation semi-quantitative : Facteur correctif à appliquer


aux intensités mesurées (Holtzapfell, 1985).

L’estimation semi-quantitative des minéraux argileux présents dans un assemblage naturel est un
étape délicate. Notez qu’il existe plusieurs méthodes de semi-quantification des minéraux argileux.
Certaines se basent plutôt sur la mesure la surface des pics, multipliée ou non par un facteur correctif.
D’autres méthodes impliquent l’ajout dosé d’un minéral argileux dans l’échantillon avant l’analyse
(standard interne). Selon la méthode utilisée, il existe des différences importantes dans l’abondance
estimée des minéraux argileux. Dans une carotte de sédiment ou un sondage, l’interprétation doit
davantage reposer sur l’évolution de l’abondance relative des minéraux argileux, que sur les valeurs
absolues.

38
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Mesures complémentaires sur les spectres


A. Caractérisation de l’illite
La cristallinité de l’illite
La cristallinité s.l. de l’illite est définie comme la largeur à mi-hauteur du pic à 10Å de l’illite (Fig.
2.25). Ce paramètre est interprété différemment selon le contexte géologique. En domaine
sédimentaire, la cristallinité s.l. de l’illite témoigne du degré d’altération de l’illite (Thorez, 1986).
Pour des valeurs de cristallinité s.l. inférieures à 3 mm (i.e., 0.3° 2θ avec une vitesse d’enregistrement
de 1° 2θ/min), l’illite est dite « fermée »: elle a subi peu d’altération. Pour des valeurs >10 mm, l’illite
est dite « ouverte »: le minéral est largement altéré (Fig. 2.26).

Figure 2.25 – Mesures complémentaires : cristallinité de l’illite, cristallinité de


la smectite (v/p) (Holtzapfell, 1985).

Figure 2.26 – Cristallinité de l’illite (Thorez, 1986).

39
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Altération croissante

Figure 2.27 – Cristallinité de l’illite en fonction de l’altération (Thorez, 1986).

En domaine métamorphique, la cristallinité de l’illite diminue selon le degré croissant de


métamorphisme. Dunoyer de Segonzac (1969) a établi différents domaines de cristallinité selon les
différents stades diagénétiques (épizone, anchizone, catazone). Les valeurs sont arbitraires et
uniquement comparables si mesurées dans les mêmes conditions (Fig. 2.28). La cristallinité s.s. ne se
mesure que dans les conditions expérimentales précisées par Kubler.

Diagenèse
croissante

Figure 2.28 – Cristallinité de l’illite en fonction de la diagenèse (Thorez, 1986).

40
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Indice d’Esquevin
Le rapport d’intensité (002)/(001) de l’illite est défini comme l’indice d’Esquevin. Il est lié à la
composition de l’octaèdre, plus précisément au rapport Al2O3/(FeO+MgO). Il existe une
correspondance entre la valeur de la cristallinité s.l. et le rapport Al2O3/FeO+MgO de l’octaèdre.
Notons qu’il s’agit d’un paramètre directement mesurable sur les spectres de diffraction mais qu’il
n’est interprétable que s’il n’y a pas d’interférences avec d’autres minéraux.

B. Caractérisation des smectites


Biscaye (1965) a proposé de mesurer la “ cristallinité de la smectite ” par le rapport entre la
profondeur de la vallée vers les petits angles et le pic de smectite (rapport v/p – Fig. 2.29). La
profondeur de la vallée dépend de l’endroit où la réflection de la smectite intercepte le bruit de fond.
Au plus large est la réflection, au plus l’angle auquel il intercepte le bruit de fond est grand et la vallée
est mal définie, peu creusée. Les smectites bien cristallisées ont un pic bien marqué qui n’interfère pas
avec le bruit de fond vers les petits angles (v/p = 1). Les smectites mal cristallisées développent un
épaulement vers les petits angles (v/p = 0), les smectites très mal cristallisées ne montrent pas de pic
évident, la vallée est quasi inexistante (v/p < 0).

Figure 2.29 – Mesure de la cristallinité de la smectite (Thorez, 1986).

Le degré de cristallinité de la smectite (définie selon Biscaye) est fonction du degré d’altération de
la smectite, généralement lié au pourcentage de feuillets interstratifiés illitiques présents dans la
smectite. Des abbaques permettent d’estimer le pourcentage de feuillets illitiques dans une smectite à
partir de la mesure du paramètre v/p (Fig. 2.30 - Retke, 1991).

mesure sur
spectre

interprétation
Fig. 2.30 – Paramètre v/p et teneur en smectite dans un interstratifié I-S (Thorez, 1986).

41
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Des tableaux (e.g., Tab. 2.12, 2.13) donnent la correspondance entre le pourcentage
d’interstratification et la valeur de d obtenue sur des spectres de mélanges simples ou à partir de
diagrammes théoriques (Brindley & Brown, 1989; Moore & Reynolds, 1989).

Abondance croissante
de l’Illite

Table 2.12 – Abondance de l’illite dans un minéral interstratifié illite-smectite selon la


position des réflections (Eslinger & Peaver, 1988).

Table 2.13 – Abondance de l’illite dans un interstratifié illite-smectite


selon la position des réflections (Moore & Reynolds, 1989).

42
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Figure 2.31 – Position des réflections pour un mélange théorique de minéraux interstratifiés à 2
composants constitué de 50% de feuillets illitiques et 50% de feuillets smectitiques, conditions EG (Moore
& Reynolds, 1989).

Classe des smectites


L’allure de la réflection à 17Å sur le spectre EG (forme, symétrie) est indicatrice du degré
d’interstratification (e.g., présence ou non de feuillets illitiques dans la smectite). J. Thorez a introduit
une notion de classe des smectites, de la smectite pure à la smectite la plus riche en feuillets
interstratifiés (Fig. 2.32, 2.33): la classe A correspond à un pic bien défini par rapport au bruit de fond
(v/p > 0); la classe B à un épaulement (v/p > 0), la classe C à un pic mal défini (v/p > 0); la classe D se
caractérise par un pied vers les petits angles (v/p = 0); la classe E présente un v/p < 0.

Fig.2.33 - Cristallinité de la smectite: Relation entre le paramètre v/p et la classe des smectites
(Thorez, 1986).

43
Géologie des argiles Chapitre 2 (suite) Identification des Minéraux interstratifiés

Figure 2.32 – Caractérisation de la smectite : paramètre v/p, classe (Thorez, 1986).

44
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Chapitre 3 - Nomenclature et classification


Introduction
Comme nous l’avons vu dans le chapitre introductif, les minéraux argileux sont principalement des
phyllosilicates, c-à-d qu’ils sont constitués par un empilement de feuillets. La figure 3.1 explicite la
terminologie utilisée pour définir la structure des argiles.
On distingue 4 niveaux d’organisation:
- les plans (planes) sont constitués par les atomes;
- les feuillets (sheet), tétraédriques ou octaédriques, sont formés par une combinaison de plans;
- les couches (layer) correspondent à des combinaison de feuillets;
- le cristal (crystal) résulte de l’empilement de plusieurs couches.

Figure 3.1 – Structure générale des phyllosilicates (White, 1999).

Eléments structuraux
Les silicates constituent le modèle de base. Ils sont formés par un agencement de tétraèdres de SiO4-
dans lesquels un atome de Si est entouré de 4 atomes d’O (Fig. 3.2a). Les tétraèdres s’agencent en se
partageant les oxygènes en maille hexagonales (Fig. 3.2b). Les hexagones s’agencent et forment une
double chaîne. Dans les phyllosilicates, les tétraèdres forment des feuillets composés de 6 tétraèdres.
Les O non partagés pointent tous dans la même direction. La formule de base est Si4O104-. La charge
négative est compensée par accommodation de cations de petite taille Si, Al et rarement Fe3+ (Fig.
3.2c).

Figure 3.2abc – Eléments structuraux : les tétraèdres (Eslinger & Peaver, 1988).

45
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Les tétraèdres s’associent à des feuillets octaédriques composés d’un cation central et 6 OH- (Fig.
3.2d). Cette configuration permet d’accommoder des cations plus larges Al3+, Fe3+, Mg2+, Fe2+ mais
pas Ca2+, Na+, K+ (trop larges). Le feuillet octaédrique est constitué de 2 plans d’OH ou O, il est
couché sur une de ses faces. Il peut exister seul. Dans la brucite (Fig. 3.2e), Mg(OH)6, toutes les
positions cationiques sont occupées (3/3 = “ minéral trioctaédrique ”). Dans la gibbsite , Al2(OH)6, par
contre 2 positions sur 3 sont occupées (i.e., “ minéral dioctaédrique ”).

Figure 3.2de – Eléments structuraux : les octaèdres (Eslinger & Peaver, 1988).

Les tétraèdres s’agencent avec les octaèdres pour constituer des couches (Fig. 3.3, 3.4). Les
couches peuvent être neutres ou chargées négativement, compensées par des cations qui se logent dans
l’espace entre les couches (espace interfoliaire). La charge de la couche dépend des substitutions de
cations dans les feuillets T ou O.

Fig. 3.3a – Agencements des tétraèdres et des octaèdres (Moore & Reynolds, 1989).

Figure 3.3b – Agencements des tétraèdres et des octaèdres en feuillets 1/1


(Eslinger& Peaver, 1988 ; Weaver, 1989).

46
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Figure 3.4 – Exemple de minéral argileux à structure 1/1 : kaolinite (White, 1999).

Critères de classification
Les principaux critères de classification sont basés sur les paramètres suivants (Tab.3.1a):
- la combinaison de feuillets (T/O ou 1/1; T/O/T ou 2/1; T/O/T/O ou 2/1/1);
- le type de cations dans l’octaèdre;
- la charge de la couche;
- le type de matériel dans l’espace interfoliaire (cations, molécules d’eau,...).

Table 3.1a – Critères de classification des phyllosilicates (Eslinger & Peaver, 1988).

Quelques critères secondaires sont le polytypisme (ou mode d’empilement), la composition


chimique, le type d’espèces argileuses et le mode d’empilement pour les interstratifiés.

Le tableau 3.1.b résume la classification, basée sur les 4 premiers critères, recommandée par
l’Association Internationale Pour l’Etude des Argiles (AIPEA).

47
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Tab. 3.1b. Classification des phyllosilicates recommandée par l’AIPEA – Eslinger & Peaver, 1988

A. Classification des minéraux argileux simples


Minéraux 1/1
- Groupe des kaolinite-serpentine
Ce groupe de minéraux combinant un feuillet T et un feuillet O (minéraux T/O ou 1/1) se
caractérise par peu de substitutions cationiques, à l’exception de Fe3+ (Tab. 3.2).
Dans ce groupe, dickite et nacrite constituent un cas particulier. Ces minéraux sont des polytypes de la
kaolinite (Fig. 3.4). Ils se caractérisent par un mode d’empilement d’une même couche différent,
fonction la position de la charge vacante. Leur stabilité dépend de la température. La dickite remplace
la kaolinite à une profondeur d’enfouissement de l’ordre de 3,1-3,2km et pour de températures > 110-
130°C.

Figure 3.4 – Minéraux 1/1 : Polytypes (Manning, 1995).

48
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Table 3.2 – Classification des minéraux argileux 1/1 (Caillière et al., 1982).

- Halloysite
Ce minéral se forme par altération de la kaolinite, suite à l’addition de couches d’eau entre les
feuillets (Fig. 3.5). L’espace basal augmente en conséquence. Ce minéral se présente sous forme de
spirale. Après chauffage, l’halloysite se déshydrate irréversiblement en kaolinite.

Figure 3.5a – Formation de l’halloysite (Manning, 1995).

49
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Figure 3.5b – Formation de l’halloysite (Manning , 1995).

Minéraux 2/1
La structure est composée de 2 couches tétraédriques et une couche octaédrique, avec la seconde
couche T renversée par rapport à la première. L’espace basal caractéristique est de 10Å. Le minéral
représentatif de ce groupe est la muscovite. Ce minéral s’apparente à la phlogopite mais présente des
substitutions tétraédriques: Si est remplacé par Al et le déficit de charge est compensé par
l’introduction de K+ dans l’interfoliaire.

Figure 3.6a – Exemple de minéral à structure 2/1 : muscovite (Eslinger & Peaver, 1988).

Figure 3.6b – Exemple de minéral à structure 2/1 : muscovite (White, 1999)

50
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Les minéraux 2/1 de type dioctaédriques regroupent différentes séries: micas dioctaédriques,
vermiculites et smectites. La classification est résumée dans le tableau 3.3.

Table 3.3 – Classification des minéraux argileux 2/1 dioctaédriques (Caillière et al., 1982).

- Groupe des micas


Le groupe des micas dioctaédriques peut être représenté dans un diagramme ternaire (Fig. 3.7)
entre pyrophyllite (pas de substitution), céladonite (substitutions octaédriques) et muscovite
(substitutions tétraédriques).

Figure 3.7 – Classification des minéraux argileux 2/1 dioctaédriques (Eslinger & Peaver, 1988).

51
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Table 3.4 – Classification des minéraux argileux 2/1 trioctaédriques ( Caillière et al., 1982).

Les micas trioctaédriques sont reliés de part leur structure au talc (Tab. 3.4). Ils incluent des
minéraux comme la phlogopite et la biotite et quelques espèces plus exotiques comprennent du Mn,
Zn, Ni, Li dans l’octaèdre. Il s’agit de minéraux peu importants en tant que minéraux argileux.

- Groupe des vermiculites


Les vermiculites se caractérisent par la présence de cations hydratés dans l’espace interfoliaire
(Fig. 3.8). Ils ont une charge (x) comprise entre 0.6 et 0.9, plus faible que les micas (x = 1) mais plus
élevée que les smectites (x = 0.2-0.6). Le complexe interfoliaire comprend généralement des cations
Mg ou Ca et 2 couches de molécules d’eau. Les vermiculites dioctaédriques résultent généralement de
l’altération des micas (illite ou muscovite) et sont abondantes dans les sols. Les vermiculites
trioctaédriques sont plutôt issues de l’altération des chlorites ou néoformées. Notons que
l’identification par DRX des vermiculites est difficile car elle présente un espace basal variable,
fonction du cation interfoliaire. Dans la cas le plus courant (Mg interfoliaire), les vermiculites ne sont
pas sensibles à la solvatation. Il est donc conseiller de saturer au préalable les vermiculites par du
MgCl2 afin de leur donner un caractère Mg plus stable.

Figure 3.8 – Représentation d’une vermiculite (White, 1999).

52
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

- Groupe des smectites


Il s’agit du groupe le plus diversifié des minéraux 2/1, le seul à être uniquement présent dans la
fraction fine des roches (Tab. 3.5). Comme les vermiculites, les smectites se cractérisent par la
présence d’eau interfolaire (Fig. 3.9) mais avec une charge cationique plus faible (x = 0.2-0.6). La
variation de composition du groupe des smectites est liée à la présence de différents cations
échangeables, faiblement retenus étant donné la faible charge cationique (Tab. 3.6). Les smectites
comprenant des cations divalents Mg ou Ca contiennent 2 couches d’eau dans l’interfoliaire (espace
basal = 14-15Å). Par contre, les smectites avec des cations monovalents comme le Na ne contiennent
qu’une seule couche d’eau (d = 12 Å).

Table 3.5 – Types de smectites (Clauer & Chauduri, 1995).

Figure 3.9 – Représentation d’une smectite (White, 1999).

Table 3.6 – Composition des smectites (Manning, 1995).

53
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Il existe 2 sous-groupes: les smectites trioctaédriques ou saponites et les smectites dioctaédriques


ou montmorillonites s.l.
- Les saponites sont reliées au talc par leur structure et composition. Elles sont présentes dans
les lacs en contexte évaporitique ou dans les bassins marins, formées par altération de basaltes
océaniques.
- Les smectites dioctaédriques sont reliées à la pyrophyllites par leur structure et leur
composition. Les montmorillonites s.l. se divisent en 2 membres liés par une solution solide
+/- complète, entre les montmorillonites s.s. (substitutions octaédriques - Tab. 3.7a) et les
beidellites (substitutions tétraédriques - Tab. 3.7b). Les nontronites constituent le pôle
beidellitique riche en Fe. Notons que le terme de bentonite est utilisé en géologie économique
pour désigner un dépôt de montmorillonite exploitable commercialement. Par contre, en
géologie sédimentaire, les bentonites désignent un niveau particulier formé par altération de
cendres volcaniques, constitué d’un assemblage de montmorillonite, kaolinite, minéraux
interstratifiés et zéolites.

Table 3.7 – Exemples de composition chimique de smectites naturelles :


(a) montmorillonites, (b) beidellites (Weaver, 1989).

54
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

- Groupe des chlorites


L’espace interfoliaire des chlorites est occupé par un feuillet d’hydroxydes chargé positivement, à
structure de brucite ou de gibbsite (Fig. 3.10). L’espace basal caractéristique atteint 14Å. Les chlorites
sont stables à haute température. Leur stabilité thermique accrue par rapport aux vermiculites
s’explique par la liaison forte existant entre les hydroxyles.

Figure 3.10 – représentation de la chlorite (White, 1999).

Les chlorites présentent des chimies complexes suite aux nombreuses substitutions. Leur
composition ressemble à celle des serpentines mais leur structure est complètement différente. Leurs
origines sont variées : héritées de roches métamorphiques, formées par altération hydrothermale,....
Les variétés dioctaédriques (e.g., sudoïtes) sont assez rares.

Minéraux à pseudo-feuillets
Les argiles fibreuses se caractérisent pas des feuillets argileux discontinus (Fig. 3.11). Elles
présentent une structure de base en ruban de type 2/1, proche du talc en composition mais avec une
structure en chaînes comme dans les pyroxènes ou les amphiboles. Les tétraèdres sont reliés entre les
chaînes. L’oxygène apical pointe alternativement vers le haut ou le bas dans les rubans adjacents. Les
feuillets tétraédriques sont continus, les feuillets octaédriques discontinus. Il y a de larges espaces
entre les chaînes qui sont remplis d’eau, liée ou non (eau zéolitique) et de cations échangeables. la
structure en ruban confère à l’argile un aspect en lattes ou en fibres. La sépiolite comporte
essentiellement le Mg comme cation échangeable, rarement le Na. La palygorskite (ou attapulgite) est
plus riche en Al que la sépiolite.

Figure 3.11 – Argiles fibreuses: Exemple de la palygorskite (Chamley, 1989).

55
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Synthèse
Chaque groupe minéralogique se caractérise par une structure particulière en couches avec divers
matériel remplissant l’espace interfoliaire (Fig. 3.12). Par conséquent, les réflections basales
identifiées par DRX donne une indication du minéral présent dans l’échantillon. Les trois structures
principales sont:

(1) les minéraux T/O ou 1/1 avec un espace basal de 7Å (kaolinite);

(2) les minéraux T/O/T ou 2/1 avec un espace basal de 9.5Å pour le talc et la pyrophyllites, 10Å
pour l’illite et l’halloysite, 10,4Å pour la palygorskite,12Å pour la sépiolite,14 à 15Å pour les
smectites et les vermiculites;

(3) les minéraux T/O/T/O ou 2/1/1 avec un espace basal de 14Å (chlorite).

Figure 3.12a – Familles argileuses (Moore & Reynolds, 1989).

Figure 3.12b – familles argileuses (Holtzapfell, 1985).

Les tableaux 3.9a et b reprennent une classification complète des familles argileuses, incluant les
minéraux amorphes, les minéraux présentant des feuillets discontinus ou pseudo-feuillets (argiles
fibreuses) ainsi que les minéraux argileux interstratifiés.

56
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Table 3.9a – Classification générale des minéraux argileux (Caillière et al., 1982).

Table 3.9b – Classification générale des minéraux argileux (Miller & Gardner, 1998).

57
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

B. Classification des minéraux argileux interstratifiés


Introduction
Les minéraux interstratifiés se caractérisent par la superposition, selon un empilement vertical, de
2 (ou plus) types de couches. Il ne s’agit pas d’un simple mélange physique des différents composés
mais d’un minéral à part entière. L’interstratification est due (1) aux liaisons fortes dans les couches
individuelles mais faibles entre les couches; (2) à la configuration proche de toutes les couches avec
l’oxygène pointant vers l’extérieur. Il s’agit de minéraux fréquents en milieu naturel (Tab. 3.10),
souvent négligés car difficiles à détecter et à quantifier par DRX.

Table 3.10a – Minéraux interstratifiés observés en milieu naturel (Thorez, 1986).

Figure 3.13 – Minéraux interstratifiés (Velde, 1995).

58
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Table 3.10b – Minéraux interstratifiés à 2 ou 3 composants (Eslinger & Peaver, 1988).

Les critères de classification sont fonction du type de couches impliquées (I, C, S,..); du
pourcentage de chaque couche et de la séquence verticale d’empilement (régulier ou non). La figure
3.13 donne quelques exemples d’empilement.

Concept de particules fondamentales


La mesure par TEM et HRTEM de l’épaisseur des particules argileuses a démontré qu’il existait
un lien entre le pourcentage de feuillets illitiques dans un interstratifié illite-smectite et l’épaisseur des
particules. En 1984, Nadeau a introduit le concept de “ particules fondamentales ” (Fig. 3.14a).

K K K

Figure 3.14a – Notion de particules élémentaires (Eslinger & Peaver, 1988).

59
Géologie des argiles Chapitre 3 Classification

Les interstratifiés seraient composés d’unités ou particules fondamentales avec des espaces gonflants.
Trois types de particules sont ainsi définies:
- les smectites caractérisées par un espace basal de 10Å (minéral 2/1););
- les illites avec un espace double de 20Å (minéral 2/1 avec du K dans l’interfoliaire;
- les chorites avec un espace de 24Å (minéral 2/1 + 1 couche octaédrique).
Selon ce concept, chaque particule élémentaire est entourée d’une couche de molécules d’eau. Cette
couche au sein d’un agrégat orienté se comporte comme un interfoliaire smectitique. Ainsi la particule
élémentaire d’illite serait le plus fin cristal possible d’illite. Dans un agrégat, la partie central aura un
comportement d’illite et l’extérieur se comportera comme une smectite. Par exemple, un interstratifié
irrégulier illite-smectite serait composé d’un mélange de particules élémentaires d’illites (20Å) et de
smectites (10Å) avec une superposition possible de plusieurs couches de smectites (Fig. 3.14b). Par
contre, lorsqu’il n’y a pas de particules de smectites mais uniquement des illites de 20Å ou plus (Fig.
3.14c), l’interstratifié sera régulier (R=1). Nadeau définit les interstratifiés comme des agrégats de
particules plutôt que comme des cristaux isolés car toutes les réflections (hkl) ne sont pas présentes
dans les spectres de diffraction.

Figure 3.14b et c – Notion de particules élémentaires (Eslinger & Peaver, 1988).

60
Géologie des argiles Chapitre 4 Propriétés

Chapitre 4 - Propriétés des argiles


Introduction
Les minéraux argileux se caractérisent par trois propriétés principales:
- leur forme et leur surface spécifique;
- leur capacité d’adsorption d’eau et de gonflement;
- leurs multiples possibilités d’échanges ioniques.

Forme et surface spécifique


Les argiles se présentent sous trois formes (Fig. 4.1a):
- en flocons, caractérisés par une même dimension dans les deux directions et une épaisseur
équivalente à 1/20ième de la longueur;
- en lattes, avec une dimension plus longue et une épaisseur toujours équivalente à 1/20ième de la
longueur;
- en aiguilles présentant deux dimensions identiques et la 3ième beaucoup plus grande (assez
rare).

Figure 4.1a – Forme des particules argileuses (Velde, 1995).

Les argiles sont définies depuis le XIX siècle comme des minéraux de petite taille. Ces minéraux ne
sont donc pas identifiables au microscope optique. En fait, la majorité des argiles ont des
caractéristiques communes, ce qui justifie à posteriori la définition. La fine taille des argiles leur
confère une surface importante par rapport au volume des particules (Fig. 4.1b). La surface relative
augmente avec la diminution du diamètre. La surface des argiles est supérieure par rapport à celles de
minéraux de même taille mais de forme différente. Le rapport épaisseur/largeur est de l’ordre de 20
pour les argiles. Les propriétés des argiles sont principalement contrôlées par leur surface.

Figure 4.1b – Evolution du rapport surface/volume en fonction du diamètre pour différentes formes de
particules (sphère, cube ou feuillet) – Velde, 1995.

Le tableau 4.1 donnent les valeurs caractéristiques des surfaces des grandes familles argileuses. La
surface totale comprend la surface externe, comprise entre les particules argileuses, et la surface
interne, correspondant à l’espace interfoliaire (Fig. 4.2). Les smectites ont les surfaces totales
maximales: surface smectites > vermiculites >>> illites > kaolinites = chlorites.

61
Géologie des argiles Chapitre 4 Propriétés

Table 4.1 – Surface spécifique des particules argileuses (Eslinger & Peaver, 1988).

Figure 4.2 – Surfaces interne et externe des particules


argileuses (Eslinger & Peaver, 1988).

Degré d’hydratation
Le degré d’hydratation varie d’une famille argileuse à une autre. Certains minéraux argileux ont la
capacité d’incorporer dans leur structure des molécules d’eau (Fig. 4.3). Cette eau modifie la
dimension de la couche en provoquant son gonflement. Ces argiles sont appelées argiles gonflantes
(“swelling clays ” - Tab. 4.2). Les smectites, vermiculites et minéraux interstratifiés offrent des
capacités d’expansion beaucoup plus importantes que celles des autres espèces argileuses.
L’incorporation d’eau est réversible à la pression atmosphérique et dépend de la température et de la
pression de vapeur. Plus l’air est humide, plus l’argile pourra incorporer de l’eau.
palygorskite
sépiolite
smectites

kaolinite
chlorite
illite

Figure 4.3a – Capacité d’adsorption d’eau par les particules argileuses (Velde, 1992 ; 1995).

62
Géologie des argiles Chapitre 4 Propriétés

Les minéraux gonflants ont une structure de base à 10Å. Selon l’hydratation, une couche d’eau de
2.5 ou 5.2Å d’épaisseur se développe. Cette hydratation conduit à une augmentation de volume
pouvant atteindre 95%. Notons qu’il existe des minéraux comprenant de l’eau adsorbée mais qui n’ont
pas pour autant de propriétés de gonflement (i.e., groupe des argiles fibreuses). Dans un climat à
saisons contrastées, la présence de smectites conduit à une déstructuration du sol (e.g., vertisols): en
été les smectites gonflent alors qu’en hiver les smectites se déshydratent et entraînent la formation de
larges fissures (Fig. 4.4).

Figure 4.3b – Localisation de l’eau dans les particules argileuses (Velde, 1995).

Table 4.2 – Classification des argiles selon leurs propriétés de gonflement : espèce argileuse, cation
dominant, espace basal (en Å) en conditions glycolées et sèches (Velde, 1995).

Figure 4.4. – Conséquence du gonflement des argiles dans d’un sol (La Nature, 1981).

63
Géologie des argiles Chapitre 4 Propriétés

Charge des surfaces argileuses


Les minéraux argileux se caractérisent par une surface électrique non neutre (Fig. 4.5). Il existe
deux types de charge:
- une charge permanente ou structurelle liée aux substitutions ioniques (Al3+ pour Si4+ dans T, Mg 2+ ou
Fe2+ pour Al3+ dans O), de signe négatif;
- une charge de surface variable selon le pH du milieu, liée au réactions chimiques qui se produisent à la
surface des minéraux ou suite à l’adsorption de surfactants, de signe + ou -.

(a) Kaolinite: for 1:1 structure, positive ions are attracted


to the light-blue tetrahedral basal oxygen surface. At the
same time, negative ions are attracted to the dark-blue
octahedral hydroxyl surface.

(b) Vermiculite or smectite.for 2:1 structure, mostly positive


ions are attracted to the light-blue tetrahedral basal oxygen
surfaces.

Figure 4.5ab – Adsorption à l’équilibre et échange ionique (Schroeder, 2002).

La charge de surface est liée à l’hydrolyse de liens rompus Si-O et Al-OH le long des surfaces. A
faible pH, l’argile se caractérise par une capacité d’échange anionique: H+ se lie davantage par rapport
à OH-, une charge positive se développe. A fort pH, une capacité d’échange cationique (CEC) se
développe: Les OH- se lient davantage que H+ et une charge négative se développe (Fig. 4.5cd). A
l’équilibre ou “ au point de charge zéro ” (ZPC), il n’existe pas de capacité d’échange (Fig. 4.6).

(c) At low pH: (d) At high pH:


MOH + H + = MOH 2+ MOH + OH- = MO- + H2O
Figure 4.5cd – Adsorption à l’équilibre et échange ionique (Schroeder, 2002).

L’étude de la distribution des cations à la surface des particules argileuses est modélisée par la
théorie de la double couche. Les modèles expliquent les interactions entre la surface des argiles, les
cations interfoliaires, l’eau interfoliaire et les solutions environnantes.
La figure 4.7a présente le modèle de Gouy-Chapman. Dans ce modèle, des smectites sont mises en
solution. Si la concentration en smectites est faible, les smectites vont se disperser, l’eau va se troubler
et il y aura peu de sédimentation. On obtient une solution colloïdale. Sans eau, les couches T-O-T sont
liées par des forces électrostatiques mais en présence d’eau les couches T-O-T sont isolées. Vu la
surface négative des argiles, les cations de la solution vont être attirés par la surface des particules
argileuses pour atteindre un nouvel équilibre. La concentration en cation sera plus grande à proximité
de la surface des argiles. Un gradient va s’établir et les cations vont avoir tendance à diffuser vers la
solution. On atteint une situation d’équilibre dans laquelle il existe une zone limitée mais diffuse dans
laquelle la concentration en cation diminue avec la distance jusqu’à ce que la concentration égale celle
de la solution. Deux couchent s’individualisent: (1) une couche négative à la surface des argiles; (2)
une couche positive juste à côté (d’où la notion de double couche).

64
Géologie des argiles Chapitre 4 Propriétés

With pH's below the pHZPC the solid has would pH's above the pHZPC, the solid would have
have anion exchange capacity. cation exchange capacity.

pH's at the pHZPC , the solid would have no


exchange capacity.
Figure 4.6 – Charge de surface (Schroeder, 2002).

L’épaisseur de la double couche dépend de la charge de la surface argileuse et de la salinité. Dans


un bècher, il existe une répulsion entre les particules. Si on augmente la concentration en smectites, la
diffusion des cations vers la solution est moins prononcée. la couche de Gouy est comprimée et les
argiles se rapprochent davantage. Si on augmente encore la concentration en smectites, il peut y avoir
une superposition des couches de Gouy. L’attraction électrostatique permet alors aux particules de
s’associer avec éventuellement floculation et sédimentation.

Figure 4.7a –Distribution des cations adjacents à une surface argileuse:


Modèle de Gouy-Chapman (Eslinger & Peaver, 1988).

65
Géologie des argiles Chapitre 4 Propriétés

Il existe une variation du modèle précédent connu sous le nom de modèle de Stern (Fig. 4.7b). Ce
modèle considère que les cations ont des dimensions finies. La charge négative des argiles est
compensée par les charges adsorbées dans la couche de Stern et dans la couche diffuse.

Figure 4.7b – Modèle de Stern (Eslinger & Peaver, 1988).

Capacité d’échange cationique


La capacité d’échange cationique (CEC) mesure la capacité d’une argile à échanger des cations.
Elle mesure la concentration en cations non fixés dans la couche diffuse et dépend de la charge totale
(i.e., charge de surface et structurale). La CEC est fonction du pH, elle est généralement donnée pour
un pH neutre (7). Le principe de la mesure est illustré à la figure 4.8.

Figure 4.8 – Mesure de la CEC (Eslinger & Peaver, 1988).

Un échantillon est saturé avec un cation en le mélangeant dans une solution de chlorures. Les cations
qui se trouvaient dans la couche diffuse vont être échangés et seuls les cations ajoutés seront fixés.
L’excès de cation est rincé puis remplacé par un autre cation. On mesure ensuite la quantité de cations
libérés. Les valeurs de CEC pour le principales familles argileuses sont reportées dans le tableau 4.3.

66
Géologie des argiles Chapitre 4 Propriétés

Table 4.3 – CEC des minéraux argileux (Eslinger & Peaver, 1988).

67
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Chapitre 5 - Origine des minéraux argileux


Introduction
Les minéraux argileux résultent soit de l’altération physique c-à-d de la désagrégation d’une roche
préexistante (minéraux primaires); soit de l’altération chimique (minéraux secondaires). Dans ce cas,
ils sont formés par transformation d’un minéral (minéraux transformés) ou par précipitation à partir
d’une solution (minéraux néoformés). Les modes de formation des argiles sont repris
schématiquement dans les figures 5.1 et 5.2.

Figure 5.1 – Evolution des minéraux primaires et formation des argiles (Landry et Mercier, 1992).

Heritage no change
clay mineral = parent mineral

Rejuvenation Incorporation of K+ or Mg 2+
in a sligthly altered clay mineral

open illite+ K+ = closed illite


Transformation

vermiculite + Mg 2+ = chlorite

Degradation Loss of K+ or Mg 2+
closed illite - K+ = open illite
chlorite - Mg 2+ = vermiculite

Aggradation New mineral with the same structure


open illite = closed illite + K+ (rejuvenation)
Different mineral
open illite+ Mg2+ = Mg chlorite

Neoformation Combination of ions in solution


Figure 5.2 – Processus de formation des minéraux argileux (modifié de Thorez, 1998).

68
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

En résumé, il existe 3 modes de formation des minéraux argileux, issus de mécanismes différents
(Fig. 5.3). Chacun des modes donne des informations différentes :
- sur les conditions d’altération au niveau de la région source (argile = outil paléoclimatique);
- sur les conditions de transport (argile = outil paléocéanographique);
- sur les conditions géochimiques environnementales.

Figure 5.3 – Origine des minéraux argileux (Velde, 1995).

A. Altération
L’origine principale des minéraux argileux est liée à l’altération, suivie de l’érosion, du transport
et de la sédimentation, de formations géologiques et pédologiques exposées à la surface terrestre. Tous
les processus superficiels résultant de l’interaction entre les roches (lithosphère), l’air (atmosphère),
l’eau (hydrosphère) et les organismes (biosphère) sont regroupés sous le terme d’altération.
L’altération inclut les mécanismes résultant de la fragmentation des roches, la production de
substances dissoutes et le développement de profils pédologiques.

Figure 5.4 – Altération des roches et formation des minéraux argileux dans les sols
(Chamley, 1989 ; Velde, 1992).

69
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

L’altération tend à atteindre un état d’équilibre si les conditions environnementales restent stables.
Par exemple, dans le développement d’un sol, les 2 processus (i.e., altération physique et chimique) se
combinent. L’altération physique permet la fragmentation de la roche-mère. Ensuite la percolation
d’eau va progressivement modifier la composition de la roche-mère et des horizons pédologiques vont
se développer au fur et à mesure de l’altération. La figure 5.4 présente la structure idéalisée d’un sol
avec la définition de ses différents horizons. Les minéraux argileux sont les constituants majeurs dans
les sols (Tab. 5.1).

Table 5.1 – Principaux minéraux secondaires des sols (Allen, 1997).

Paramètres contrôlant l’altération


L’altération chimique comprend 4 types de réactions selon la composition de la solution d’attaque
(Tab. 5.2).

Altération chimique?

Table 5.2 – Processus d’altération chimique (Chamley, 1989).

70
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

L’acidolyse se développe dans un environnement riche en matière organique, de nature acide et


caractérisé par la présence de complexes organo-minéraux. L’alcalinolyse se développe plutôt en
environnement basique avec des solutions chargées en Ca ou Mg. L’hydrolyse, processus le plus
répandu et le mieux connu, correspond à l’attaque d’une roche par de l’eau dans des conditions de pH
moyen. Enfin la salinolyse se produit en environnement évaporitique salin (Na, K) dans des conditions
normales de pH.

Le degré d’altération va dépendre de la combinaisons de plusieurs facteurs qui vont déterminer la


nature des minéraux secondaires formés. (Fig. 5.5). Les facteurs principaux sont:
- le climat (température, humidité, alternance saisonnière) qui contrôle le degré d’hydrolyse;
- le relief qui détermine le degré de drainage ou de confinement;
- la nature de la roche-mère qui conditionne la séquence des minéraux formés.

Figure 5.5 – Principaux facteurs de l’altération : climat, roche-mère et topographie (Beauchamp, 2002)

Le degré d’altération va augmenter en fonction du taux de précipitation, du relief mais aussi en


fonction du temps (i.e., durée des processus - Fig. 5.6).

Figure 5.6 – Principaux facteurs d’altération : topographie, climat et temps (Velde, 1992).

71
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Hydrolyse
L’hydrolyse correspond à une réaction chimique entre un sel et de l’eau pour former un acide et une
base (Tab. 5.3). L’hydrolyse est synonyme d’une destruction par de l’eau au sens éthymologique, elle
consiste en une soustraction progressive d’ions à partir du matériel parental. Les ions les plus mobiles
sont soustraits en premier lieu (Na, K, Ca, Mg, Sr). Les éléments de transition sont évacués plus tard
(Mn, Ni, Cu, Co, Fe) mais avant Si. L’Al est l’élément le moins mobile. L’hydrolyse attaque les
parties les plus exposées du minéral c-à-d la surface externe, les fissures ou clivages.

Hydrolyse croissante
Table 5.3 – Degré d’hydrolyse d’un feldspath potassique (Chamley, 1989).

Par exemple, en climat tempéré humide, on peut schématiser l’hydrolyse en 3 étapes (Fig. 5.7):
- lessivage d’un cation (Na, K) par ouverture d’un feuillet;
- migration d’un cation octaédral vers l’interfoliaire pour compenser le déficit de charge (ces
cations seront évacués par la suite en solution);
- migration vers l’octaèdre et finalement vers l’interfoliaire des cations tétraédriques (Si, Al).

1. Lessivage d’un cation interfoliaire


2. Migration d’un cation octaédrique
3. Migration d’un cation tétraédrique

Figure 5.7 – Influence de l’hydrolyse sur les minéraux argileux (Chamley, 1989).

72
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Plusieurs facteurs favorisent l’hydrolyse:


- l’abondance des minéraux solubles;
- la composition de la roche
(a) les évaporites s’altèrent plus rapidement que les carbonates,
les carbonates s’altèrent plus vite que les silicates
(b) parmi les minéraux silicatés, la séquence d’altération correspond à la
séquence inverse de la séquence de cristallisation fractionnée de Bowen.
- la petite taille des minéraux (surface spécifique plus importante);
- la présence d’acides organiques liés à l’activité bactérienne;
- les conditions de drainage permettant d’évacuer les solutions;
- l’humidité (et dans une moindre mesure la température) permettant d’accélérer les réactions.

L’intensité de l’hydrolyse donne des minéraux secondaires de moins en moins riches en cations,
surtout les mobiles, et des solutions de plus en plus chargées. Selon les conditions de drainage et
d’évacuation des solutions, différents minéraux argileux vont se former. Pour un drainage peu intense,
les minéraux secondaires conservent un rapport Si/Al élevé (rapport de 2 = bisiallitisation) conduisant
à la formation de minéraux argileux de type 2/1 (smectites). Un drainage moyen permet la formation
de minéraux de type 1/1 (kaolinite) par un processus appelé monosiallitisation (Si/Al = 1). Lorsque le
drainage est intense, toute la silice est évacuée (processus d’allitisation). Les minéraux secondaires ne
sont plus des argiles mais des oxydes (gibbsite).

Figure 5.8a – Hydrolyse et zonation climatique (Allen, 1997).

Le degré d’hydrolyse dépend des conditions climatiques (Fig. 5.8a). Très schématiquement, on
observe des bandes d’altération parallèles aux latitudes (et altitudes). En effet, la distribution des sols
est principalement zonale, fonction des précipitations annuelles et de la température. Notons que la
distribution climatique va également influer sur le type de végétation, la densité de la végétation,
l’intensité de l’activité biologique dans les sols. Ces paramètres vont aussi jouer sur le degré
d’altération. Par exemple, sous climat désertique sec subtropical, il y aura peu d’altération chimique
malgré la température élevée.

73
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

La figure 5.8b montre la nature des minéraux secondaires observés dans les sols selon un transect
latitudinal du pôle à l’équateur. (a) En climat froid, l’altération physique domine, les sols sont peu
évolués, peu épais avec uniquement un horizon C. Les minéraux argileux sont essentiellement des
minéraux primaires (illite, chlorite). (b) En climat tempéré et humide, La température moyenne et les
précipitations comprises entre 500 et 1000 mm/a permettent une altération chimique significative. Un
sol se développe sur 10 à 150 cm. Les argiles. Les argiles secondaires sont de type 2/1, résultant d’une
pseudo-bisiallitisation en climat tempéré (vermiculites) ou d’une bisilallitisation (smectites) si la
température est plus élevée et le contraste saisonnier plus important. (c) En climat froid et humide, le
sol (podzol) sera complètement lessivé avec un horizon A constitué uniquement de silice, un horizon
B argileux (smectite, illite et intestratifiés). (d) En climat chaud et humide, l’hydrolyse sera active, et
conduira à une monosiallitisation (kaolinite). Globalement le processus de bisiallitisation domine,
représentant 2/5 des sols. Le tableau 5.4 donne les minéraux argileux associés aux différents sols.

Figure 5.8b – Hydrolyse et zonation climatique (Allen, 1997).

Table 5.4 – Argiles des sols (Weaver, 1989).

74
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Séquence d’altération
L’altération se développe dans les matériaux les plus fins des sols. Les minéraux les moins stables
seront présents uniquement dans les premiers stades d’altération, les plus résistants domineront les
derniers stades (Tab. 5.5). En 1963, Jackson a proposé de classer les minéraux en 13 stades selon leur
degré de stabilité, du moins stable (valeur arbitraire de 1) au plus stable (valeur de 13). Dans cette
séquence idéalisée (Fig. 5.11a), les minéraux parentaux sont des micas (muscovite, biotite, illite); les
minéraux transitoires sont des phases simples (smectite, vermiculite) ou interstratifiés chlorite-
vermiculite ou intergrades.

Table 5.5 –Stades d’altération et minéraux argileux dans les sols (Weaver, 1989).

Figure 5.11a – Séquence d’altération des minéraux argileux dans les sols : la Séquence de Jackson
(1963, repris deThorez, 1985).

Notons que dans les sols, les argiles peuvent être très différentes des minéraux synthétisés ou
trouvés dans des dépôts purs. On trouve par exemple dans les sols une vermiculite particulière (Fig.
5.11b). Cette vermiculite des sols comporte des hydroxyles d’Al dans les espaces interfoliaires et des
oxides (goethite, hématite) où l’Al est remplacé par le Fe. En 1949, Pearson & Ensminger ont observé
dans un sol aux USA un minéral caractérisé par un espace basal de 14Å mais avec des propriétés
différentes d’une vermiculite, smectite ou chlorite. Ce minéral résulte de l’altération d’une phase

75
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

vermiculitique ou smectitique. La présence d’hydroxyles d’Al (ou piliers aluminiques) limite la


fermeture des feuillets à 10Å au chauffage et diminue la capacité d’échange. Par la suite, ces minéraux
ont été identifiés dans de nombreux sols, surtout dans la fraction argileuse la plus grossière (0.2 à 2
microns).

Figure 5.11b – Séquence d’altération des minéraux argileux dans les sols
(Parker & Rea, 1989).

La séquence donne une succession d’étapes (ou de phases) qui se développent avec une perte en
Fe, Mg et Si et une augmentation de la stabilité des minéraux. Les flèches indiquent les chemins
d’altération possibles d’un minéral à un autre avec les retours éventuels. Les derniers stades de 11 à 13
ne sont pas considérés sur la figure (Fig. 5.11a).

La séquence de Jackson est un schéma très simplifié car elle ne tient pas compte de nombreux
facteurs qui influencent le degré d’altération (Thorez, 1986). Par exemple:
- la composition, la granulométrie, la texture, la porosité du matériel parental;
- la composition, le volume, la régularité des précipitations (climat);
- la topographie, le relief, la géométrie du substrat, la stabilité tectonique;
- la nature et la densité de la végétation,....
De plus, la séquence est supposée réversible alors que l’altération peut s’arrêter à n’importe quel stade.
Certains minéraux sont plus sensibles à l’altération (smectite, vermiculite, interstratifiés) que d’autres
(chlorite, illite, biotite, muscovite) et des déphasages dans le degré d’altération peuvent apparaîtrent.
L’altération est progressive, tous les minéraux n’atteignent pas le même stade simultanément. La
séquence sous-estime l’importance des minéraux interstratifiés. A partir d’une compilation des
séquences d’altération reportées dans la littérature, J. Thorez a proposé une version plus complète de
la séquence de Jackson, sous forme d’un bloc diagramme (Fig. 5.12). Les minéraux parentaux (illite,
chlorite) sont reportés aux 2 extrémités; les minéraux transitoires, principalement des interstratifiés,
sont représentés au niveau des panneaux latéraux et diagonaux; les minéraux finaux (smectite,
vermiculite) aux 2 autres extrémités.

76
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Figure 5.12 – Séquence d’altération des minéraux argileux dans les sols (Thorez, 1985).

Les chemins d’altération sont en réalité encore plus complexes. La figure 5.13, par exemple,
présente les 13 voies d’altération possibles pour une chlorite (Thorez, 1986). La figure 5.14 présente
le lien entre les tendances dans la séquence d’altération et les conditions climatiques (drainage,
humidité).

Figure 5.13 – Séquence d’altération de la chlorite dans les sols (Thorez, 1985).

77
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Figure 5.14 – Séquence d’altération des minéraux argileux dans les sols (Thorez, 1985).

Parallèlement à la démarche suivie par Jackson, J. Thorez a proposé d’utiliser le classement des
minéraux selon leur degré d’altération pour calculer un index (index d’hydrolyse, HI) représentatif des
conditions d’hydrolyse globale. Cet index se calcule à partir des spectres de rayons X.

HI = Σ (abondance relative des minéraux) x SN / Σ minéraux parentaux


où SN= numéro dans la séquence d’altération de 1 à 13 (Tab. 5.6).

Cela implique d’identifier les minéraux présents, de quantifier leur abondance relative et de fixer les
minéraux parentaux (SN= 1 par définition).

Table 5.6 – Degré d’altération des minéraux argileux dans les sols (Thorez, 1985).

78
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Séquence d’altération - Approche théorique


L’étude de l’altération peut se faire via la construction de digramme de stabilité calculé selon
l’énergie libre de formation et la composition des phases solides. Ce genre de diagrammes indique
approximativement la composition de la solution dans laquelle un minéral est le plus stable et donne la
nature du minéral qui précipitera à partir d’une solution de composition fixée. Il indique également la
séquence selon laquelle les minéraux évoluent en fonction du changement de chimie des solutions. Les
diagrammes de stabilité ne reprennent qu’un nombre limité de cations (e.g., K2O, Al2O3, SiO2, H2O
dans figure 5.15a ou Na2O, Al2O3, SiO2, H2O dans figure 5.15b). Si un autre cation intervient,
d’autres phases vont précipiter.

Domaines de stabilité des minéraux secondaires pour le système K2O-


Al2O3-SiO2-H2O avec K+/H+ = 4, 25°C – Weaver, 1989.

te
i ss an
cr o
se
dr ol y
Hy

Fig. 5.15b – Domaines de stabilité des minéraux secondaires pour le système


Na2O, K2O-Al2O3-SiO2-H2O – Eslinger & Peaver, 1988

79
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Synthèse
La composition des argiles dans les sols dépend de la composition du climat, du matériel parental,
de la topographie et du temps.

(1) Influence du climat


La figure 5.17 présente les résultat de plus de 400 analyses de sols échantillonnés selon un
transect E-W, entre la Dead Valley et la Californie (USA). Tous les échantillons ont été prélevés dans
des conditions de température identique en choisissant des échantillons à des altitudes différentes
selon le lieu. La fraction argileuse (< 2 microns) a été analysée par DRX. Globalement la distribution
des argiles sont identiques pour une roche-mère acide ou basique (excepté pour l’illite). La
montmorillonite s.l. ne se développe dans les sols que pour des précipitations faibles (i.e., inférieures à
40 inches, particulièrement abondantes < 10 inches). Kaolinite, vermiculite et gibbsite sont bien
représentées lorsque les précipitations sont abondantes (> 40 inches). L’illite, par contre, n’est présente
que dans des sols développés sur substrat acide sous des conditions de faible précipitation
(probablement lié à la disponibilité du K).

Figure 5.16a – Influence du climat sur la composition des minéraux secondaires:


Altération sur roches magmatiques acides de Californie (Weaver, 1989).

Figure 5.16b – Influence du climat sur la composition des minéraux secondaires:


Altération sur roches magmatiques basiques de Californie (Weaver, 1989).

80
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

(2) Influence de la roche-mère


La figure 5.18 illustre la relation entre le type de roche magmatique et la minéralogie des argiles
secondaires.

Roche-mère

Minéraux secondaires

Figure 5.18 – Influence de la nature de la roche-mère sur la composition des minéraux secondaires
(Velde, 1992).

Quelques exemples de séquences d’altération, en climat tempéré, illustrent le rôle de la nature du


substrat:
- Altération sur granite (Fig. 5.19, 5.20, Tab. 5.7);
- Altération sur gabbro (Fig. 5.21, 5.22, Tab. 5.8);
- Altération sur substrat basique à ultrabasique (Fig. 5.23, Tab. 5.9);
- Altération sur basalte (Fig. 5.24, 5.25, Tab. 5.10).

Figure 5.19 – Séquence d’altération sur granite en climat tempéré (Velde, 1992).

81
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Figure 5.20 – Evolution des minéraux argileux dans un sol


développé sur roche-mère acide (Velde, 1995).

Table 5.7 – Séquence d’altération sur granite (Velde, 1992).

Figure 5.21 – Séquence d’altération sur gabbro en climat tempéré (Velde, 1992).

82
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Table 5.8– Séquence d’altération sur gabbro (Velde, 1995).

Figure 5.22 – Séquence d’altération sur gabbro (Velde, 1995).

83
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Figure 5.23 – Séquence d’altération sur roche magmatique basique à ultrabasique (Velde, 1995).

Table 5.9 – Séquence d’altération sur roche magmatique basique à ultrabasique (Velde, 1995).

Figure 5.24 – Séquence d’altération sur basaltes (Velde, 1992).

84
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Table 5. 10 – Séquence d’altération sur granite (Velde, 1992).

(3) Influence de la tectonique


L’intensité de l’érosion peut être enregistrée dans la composition des minéraux argileux (Fig.
5.25). Dans un environnement tectonique actif, les minéraux seront principalement transportés intacts
vers le bassin de sédimentation, avec donc une dominance des processus d’héritage. Dans un
environnement sans perturbation tectonique, le bassin collecte les solutions issues de l’altération avec
seulement quelques particules argileuses héritées. Les processus de néoformation dominent. Pour une
situation intermédiaire, les minéraux argileux auront une origine mixte, transformés et néoformés.

Figure 5.25 – Influence de la tectonique sur la formation des minéraux secondaires (Thorez, 1989).

(4) Influence du temps


Le tableau 5.11 présente l’évolution de la minéralogie des argiles dans des paléosols quaternaires.
Les argiles qui se développent sur un sol interglaciaire montrent une augmentation des minéraux
interstratifiés, vermiculites, des smectites dégradées et parfois de la kaolinite par rapport aux dépôts
glaciaires caractérisés plutôt par des minéraux primaires (chlorites, illites). Dans un paléosol, les effets
de l’altération augmentent selon l’âge des dépôts. Par exemple en Touraine (France), des sols formés
sur des dépôts éoliens et fluviatiles montrent une diminution des minéraux primaires fragiles et une
augmentation des minéraux secondaires du Pléistocène au Pliocène. Les figures 5.26a et b illustrent
l’évolution de la minéralogie des argiles dans des paléosols d’âge tertiaire. Dans la figure 5.26a, Thiry
et al. (1977) ont mis en évidence une formation successive de smectite, smectite-kaolinite et kaolinite
de la base vers le sommet de profils pédologiques éocènes développés sur des craies du Bassin de
Paris en fonction de conditions hydrolysantes croissantes. Une couverture de kaolinite (latérite) coiffe

85
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

généralement les sédiments crétacés ou les roches plus anciennes et correspond aux conditions
hydrolysantes au Paléogène.

Table 5.11 – Influence du temps sur la formation des minéraux argileux secondaires (Chamley, 1989).

Figure 5.26a – Evolution des minéraux argileux dans un paléosol (Chamley, 1989).

La figure 5.26b présente également un paléosol tertiaire recoupé en sondage développé sur la ride
médio-atlantique Islande-Faeroe (Atlantique Nord). Le sondage recoupe environ 470m de sédiments
Eocène à Oligocène et de dépôts glacio-marins Plio-Pléistocène. La minéralogie et la géochimie
évoluent au cours de la séquence sédimentaire. En particulier, les feldspaths, pyroxènes et magnétites
du basalte sont successivement remplacés par des montmorillonites, puis des kaolinites, hématites et
goethites. On constate une diminution vers le haut du profil de Si, Fe2+, Mg, Ca, Na, K balancée par
une augmentation de Al, Fe3+ et Ti. Ceci démontre que la ride médio-atlantique était émergée à
l’Eocène et a été soumise à un climat chaud et humide qui a permis la latéritisation. La subsidence et
la submersion de la ride à la fin de l’Eocène sont responsables de l’arrêt de la séquence d’altération et
la préservation du profil pédologique sous la couverture de sédiments marins.

86
Géologie des argiles Chapitre 5 Origine

Figure 5.26b – Evolution des minéraux argileux dans un paléosol Paléogène développé sur des basaltes
de la ride médio-océanique Irlande-Faroe (site DSDP 336 - Chamley, 1989).

87
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

Chapitre 5B. Authigenèse


Introduction
L’authigenèse correspond à la formation in situ d’argile quelque soit l’environnement, i.e. dans un
sol, un sédiment au cours de la diagenèse, du métamorphisme ou de l’hydrothermalisme. Dans les
environnements sédimentaires, les argiles authigènes ne sont pas abondantes. Cependant elles ont été
beaucoup étudiées car elles apportent des informations sur les processus géochimiques. Parmi les
argiles authigènes, il existe de nombreuses smectites (nontronite, stevensite), des micas (glauconite,
céladonite) des minéraux associés au groupe des chlorites et des minéraux fibreux (sépiolite,
palygorskite). Très schématiquement les environnements continentaux se caractérisent par des argiles
Mg, les environnements marins peu profonds des argiles Fe et les environnements marins profonds des
argiles Fe-Mg. Il existe un contrôle évident de la géochimie du Fe et du Mg dans la formation des
argiles authigènes (Fig. 5.27).

Origine: Néoformation

Figure 5.27 – Minéraux argileux Fe-Mg formés par authigenèse : Environnements (Velde, 1995) .

Glauconites
Les glauconites sont des pellets verdâtres formés à proximité de l’interface eau-sédiment,
correspondant au remplacement d’agrégats biologiques (pelotes fécales) ou sédimentaires (grains
carbonatés). Les glauconites se distribuent essentiellement au niveau de la plateforme continentale
entre 100 et 300m. L’étude des signatures isotopiques en Sr, Nd et δ18O a permis de comprendre les
mécanismes de formation des glauconites (Fig. 5.28ab). Dans le Golfe de Guinée, la composition
isotopique en Sr des glauconites est proche de celles des argiles détritiques associées aux glauconites
suggérant un lien génétique. Clauer propose un processus de glauconitisation en 2 étapes : (1) un
mécanisme de dissolution-précipitation d’argiles détritiques dans des pellets dans des environnements
confinés, isolés de l’eau de mer ; (2) une évolution dans un système ouvert avec influence de la
signature de l’eau de mer, par exemple une croissance cristalline par précipitation directe à partir de
l’eau de mer. Les signatures isotopiques du Nd confirme le modèle basé sur le Sr mais suggère
l’intervention d’un troisième composant, par exemple les oxy-hydroxydes de Fe associés aux argiles
(i.e., phase minérale riche en REE mais pauvre en Sr). Le Fe des glauconites pourrait donc provenir de
ces phases associées aux argiles.

88
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

Figure 5.28a – Interprétation de l’origine des glauconites basée sur les compositions isotopiques en
oxygène et en strontium (Clauer & Chaudhuri, 1995).

Figure 5.28b – Interprétation de l’origine des glauconites basée sur les compositions
isotopiques en strontium et en néodyme (Clauer & Chaudhuri, 1995).

89
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

Altération de la croûte océanique


Le matériel volcanique généré au niveau des rides médio-océaniques et des volcans sous-marins
réagit avec l’eau de mer pour produire des minéraux secondaires argileux, essentiellement des
smectites, céladonites et des zéolites. Il y a 3 modèles de formation à basse température :
(1) Altération lente de roches volcaniques refroidies ;
(2) Réaction à basse température de silice biogène avec les oxy-hydroxydes de Fe libérés du
basalte chaud lorsqu’il rencontre l’eau de mer ;
(3) Précipitation et l’altération de fluides hydrothermaux (Fig. 5.29ab).

Figure 5.29a – Minéraux produits par altération de la croûte océanique (Chamley, 1989).

Durant le refroidissement du magma, la formation d’argile à partir de 500°C est d’abord très rapide
entre 400 et 200°C puis ralentie. Le long des rides médio-océaniques, les fluides hydrothermaux
altèrent le basalte en zéolites à des températures de 200-300°C. Selon des données expérimentales,
l’altération hydrothermale des basaltes produit uniquement des smectites entre 200-400°C. Par contre,
à 500°C, on observe un mélange de smectites et de talc. La figure 5.29b montre la séquence de
formation des argiles lors d’un refroidissement de coulées basaltiques et le réchauffement du basalte
par les fluides hydrothermaux. Des argiles smectitiques trioctaédriques Fe-Mg se forment à basse
température dans des conditions alcalines. En conditions oxydantes, il y a formation de céladonites, de
smectites dioctaédriques Fe (montmorillonite, nontronite) et d’hydroxydes de Fe vers 20°C. Au cours
du réchauffement, la pénétration de l’eau de mer sous conditions oxydantes conduit à la formation de
smectites dioctaédriques et de micas au contact du basalte. Si l’eau de mer est enrichie en Mg (libéré
du basalte à haute température), il peut y avoir formation de chlorite ou de minéraux interstratifiés
chlorite-smectite réguliers (corrensites). L’eau de mer ou l’eau juvénile (i.e., issue du basalte)
produisent des argiles comme les saponites, sépiolites et palygorskites. A basse température,
l’altération de la croûte océanique est due aux fluides hydrothermaux au contact des basaltes. Seuls les
verres volcaniques, les olivines et les plagioclases sont transformés. Par contre à haute température
l’altération des roches volcaniques a des caractéristiques proches du métamorphisme. Il y a
modification de tous les minéraux. Avec l’accroissement de la température, le faciés à zéolites
(formation de saponite, talc, smectite-vermiculite-chlorite, zéolites Na-Ca) est progressivement
remplacé par le faciés schistes verts (formation de chlorite) puis le faciés amphibolite (formation de
hornblende et de plagioclase).
Le tableau 5.14 présente des analyses chimiques d’argiles authigènes marines. On constate une
large gamme de compositions entre un pôle Fe et un pôle Al. Il n’a pas été démontré si les
montmorillonites Fe résultent du mélange de nontronites authigènes (plutôt Fe) et de nontronites
détritiques (plutôt Al) ou si les débris volcaniques constituent une source d’Al pour former une phase
pure riche en Al (nontronite – fig. 5.30).

90
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

Figure 5.29b – Mécanismes d’altération de la croûte océanique (Chamley, 1989).

Table 5.14 – Compositions de nontronites marines authigènes (Weaver, 1989).

91
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

Figure 5.30 – Evolution des compositions des argiles authigènes (Chamley, 1989).

Altération hydrothermale
L’hydrothermalisme résulte de l’interaction de l’eau migrant dans la croûte océanique. L’eau se
refroidit progressivement et lessive le basalte (Fig. 5.31). Il se produit des re-précipitations. Les dépôts
hydrothermaux comprennent principalement des oxydes Fe-Mn et peu de phases argileuses (lié à
l’excès de Fe et déficit de Si ou Al ?). Les argiles sont essentiellement des smectites dioctaédriques
(nontronites), avec localement quelques smectites trioctaédriques (saponites). Des palygorskites et des
sépiolites peuvent être aussi présentes, résultant de transformation de sédiments riches en smectites
situés à proximité des basaltes et soumis à la circulation hydrothermale. Dans les sédiments pélagiques
intrudés ou recouverts de coulées basaltiques, il se produit un développement d’argiles particulières
(interstratifiés illite-chlorite ou chlorite) suite au métamorphisme de contact.

Figure 5.31a – Minéraux argileux produits par hydrothermalisme : Synthèse (Chamley, 1989).

92
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

Figure 5.31b – Minéraux produits par hydrothermalisme :


Exemple de la Ride Est Pacifique 20°N (Chamley, 1989).

Des analyses isotopiques en Pb ont été réalisées sur la fraction argileuse de sédiments marins sus-
jacents aux basaltes de la croûte océanique (leg DSDP 54, à proximité des îles Galapagos- Fig. 5.32).
La composition isotopique des argiles est proche de celles des basalte. Il existe cependant un léger
fractionnement isotopique: le rapport 207Pb/204Pb des argiles est légèrement supérieur à celui des
basaltes des Galapagos. Ceci suggère une contamination par du matériel d‘origine continentale.
L’objectif de ce genre d’études était de tester les potentialités du système isotopique U-Th-Pb pour
dater les remplissages argileux des basaltes altérés des rides médio-océaniques. L’enrichissement en U
des produits secondaires formés à basse température rendait possible ce genre d’analyses. La
similitude des signatures isotopiques en Pb des basaltes et des argiles secondaires limite fortement
cette approche.

Figure 5.32 – Signatures isotopiques du plomb d’argiles formées par hydrothermalisme:


Exemple des Galapagos (Clauer & Chaudhuri, 1995).

93
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

Altération de basaltes à basse température


Il existe de nombreux exemples d’altération des basaltes océaniques suite aux forages profonds
DSDP et ODP. La séquence d’altération varie selon l’accroissement de température (Fig. 5.33): les
nontronites évoluent en beidellites et céladonites puis en saponites (8-280°C) ou en serpentines (T >
300°C).

Figure 5.33 – Séquence d’altération des basaltes océaniques selon la température (Velde, 1992).

Schématiquement, l’altération de basaltes engendre des argiles riches en Fe à basse température


et une augmentation de l’abondance des alcalins en fonction de l’augmentation de la température.
Par exemple, certains basaltes altérés montrent la formation de céladonites ou de glauconites en
plus des saponites et nontronites (Fig. 5.34). Les données de diffraction des rayons X montrent une
argile à 10Å qui comporte seulement quelques feuillets gonflants. Le spectre XRD ressemble à une
glauconite bien cristallisée. D’après les compositions en δ18O, ces argiles seraient formées à basse
température.

Figure 5.34 – Exemple de spectre DRX de céladonites/glauconites d’origine hydrothermale (Weaver,


1989).

94
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

L’altération des basaltes donne un assemblage argileux complexe et les interprétations restent
encore spéculatives. Les produits d’altération se concentrent dans des fissures de 1 à 10 mm de large
se développant dans la série basaltique (Fig 5.35). Une zonation dans l’altération se développe depuis
le basalte intact vers la périphérie (Fig. 5.36). Le principal minéral secondaire est une smectite
alumineuse (beidellite, montmorillonite) qui remplace généralement le plagioclase.

Zone altérée

Basalte frais

Figure 5.35 – Exemple d’altération de basaltes en coussins : Ride des Bermudes, site DSDP 417A
(Weaver, 1989).

95
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

Figure 5.36 – Diagrammes de diffraction de montmorillonites et interstratifiés prélevés à différents


endroits des basaltes en coussins, site DSDP 417A, Ride des Bermudes (Weaver, 1989).

Le stade de formation de cette argile est débattu : soit formée à haute température ou suite à une
longue exposition par rapport à l’eau de mer (i.e., processus de palagonitisation). La smectite se
formerait dans les premiers stades puis évoluerait en céladonite ou interstratifiés illite-smectite. Les
autres minéraux secondaires se forment à partir du Fe et de l’Al du basalte et du Mg et du K de l’eau
de mer. Selon Honorez (1987), le processus d’hydratation du verre volcanique ou palagonitisation se
produirait en 3 étapes (Fig . 5.37) :
(1) Lors du stade initial, le basalte intact est préservé et il n’y a pas de minéraux authigènes
secondaires dans le verre altéré. Le verre s’oxyde et se transforme en palagonite. Les minéraux
authigènes sont limités aux espaces entre les grains et les vésicules. L’altération débute par la
formation de smectite Mg (saponite) et de zéolites (phillipsite).

96
Géologie des argiles Chapitre 5 (suite) Auhthigenèse

(2) Lors du stade mature, tout le verre est altéré et remplacé par des smectites et des zéolites. Les
smectites présentent des compositions comprises entre des argiles Mg et K (saponite,
nontronite).
(3) Lors du stade final, les minéraux résiduels sont entièrement remplacés. Les minéraux
secondaires consistent en un mélange de smectites de composition K-Mg-Fe et d’oxydes de Fe-
Mn hydratés.
Le budget chimique consiste en le piégeage de K, Mn, Na de l’eau de mer vers le basalte et la
libération de Ca, Mg, Si. L’intensité des échanges chimiques dépend de la durée de la circulation
d’eau dans le basalte.

Figure 5.37 – Mécanismes d’altération de verres volcaniques à basse température: Palagonitisation


(Chamley, 1989).

97
Géologie des argiles Organisation du cours

Organisation du cours de Géologie des argiles


A. Cours théorique (15h)
Première partie : Minéralogie
Chapitre 1 : INTRODUCTION
Chapitre 2 : METHODES D’ETUDES
Chapitre 3 : CLASSIFICATION et NOMENCLATURE
Chapitre 4 : PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES

Deuxième partie : Sédimentologie et Géologie


Chapitre 5 : ORIGINES, PROCESSUS DE FORMATION
Chapitre 6 : ENVIRONNEMENTS SEDIMENTAIRES
Chapitre 7 : DIAGENESE

Troisième partie : Applications fondamentales et appliquées


Chapitre 8 : RECONSTRUCTIONS PALEOENVIRONNEMENTALES
Chapitre 9 : ARGILES et INDUSTRIES
Chapitre 10 : ARGILES et ENVIRONNEMENT

B. Travaux pratiques (15h)

Clay Geology

Structure
Classification
Physico-chemical Pedology
Analysis properties Origins
Methods Formation
processes
Sedimentary
Diagenesis
Mineralogy environments
Cristallography

Sedimentology
Clays
and
Applications Environmental
Fundamental
Environment
Reconstructions
and Applied Research
Clays
Paleoceanography
Paleoclimatology and Industry

Schéma d’organisation du cours de Géologie des argiles


Géologie des argiles Organisation du cours

Table des matières

PREMIERE PARTIE : Minéralogie


1. INTRODUCTION
Définition
Domaines d’étude
Nomenclature des roches argileuses
Les argiles dans le cycle géologique
Conditions de formation et de stabilité
Organisation du cours

2. METHODES D’ETUDES
Diffraction des rayons X
Microscopie électronique à transmission (MET)
Microscopie électronique à balayage (MEB)
Analyse thermo-gravimétrique (ATG)
Analyse thermique différentielle (ATD)
Infrarouge (IR)

3. CLASSIFICATION et NOMENCLATURE
Structures des minéraux argileux
Critères de classification
Les grandes familles argileuses: kaolinite, illite , smectites, chlorite, palygorskite et sépiolite
Les minéraux interstratifiés

4. PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES
Forme et surface spécifique
Adsorption d’eau et gonflement
Capacité d’échange ionique

DEUXIEME PARTIE : Sédimentologie et Géologie


5. ORIGINES, PROCESSUS DE FORMATION
Introduction
Pédogenèse
Authigenèse
Hydrothermalisme

6. ENVIRONNEMENTS SEDIMENTAIRES
A. Environnements continentaux : apports par les vents, rivières, lacs et estuaires
B. Environnements marins :
Introduction
Distribution des minéraux argileux dans l’Océan

7. DIAGENESE
Introduction
Réactions diagénétqiues
Modèles diagénétiques
Facteurs contrôlant la diagenèse
Géologie des argiles Organisation du cours

TROISIEME PARTIE : Applications fondamentales et appliquées


8. RECONSTRUCTIONS PALEOENVIRONNEMENTALES
Approche
Exemples
Reconstruction climatique : Influence de la mousson (Mer d’Arabie)
Reconstruction tectonique : Ouverture d’un bassin océanique (Mer du Japon)
Reconstruction paléocéanographique : Influence des courants profonds (Atlantique Nord)

9. ARGILES et INDUSTRIES
Introduction
Kaolin
Bentonites
Argiles pour la construction
Minéraux réfractaires

10. ARGILES et ENVIRONNEMENT


Introduction
Rôle des argiles dans la rétention des éléments traces
Bio-disponibilité des métaux lourds
Centre d’enfouissement technique

II. TRAVAUX PRATIQUES


Principe de la méthode de diffraction des rayons X :
- Production des rayons X
- Interactions avec les minéraux argileux
- Spectres de diffraction des minéraux argileux
- Comportements après saturation cationique

Exercice : Interprétation des spectres de diffraction d’assemblages naturels:

Laboratoire
- Séparation de la fraction argileuse d’un sédiment
- Confection d’un agrégat orienté
- Acquisition du spectre de diffraction
- Traitement informatique des données et interprétation.
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Chapitre 6 – Transport des argiles dans les environnements


continentaux et marins
Introduction
Vu leur taille, les argiles vont rester longtemps en suspension et être transportées sur de plus
longues distances par rapport aux autres minéraux des fractions plus grossières (Fig. 6.1). On constate
un enrichissement progressif des rivières vers les océans ou les lacs. La figure 6.2. illustre les modes
de transport des matériaux argileux à l’océan. Nous allons étudier les assemblages argileux des
minéraux typiques des apports éoliens, des particules en suspension dans les rivières, estuaires, lacs
puis des bassins océaniques.

argile fraction

Figure 6.1 – Transport des argiles et accumulation dans les lacs et les océans (Velde, 1995).

Figure 6.2 – Mécanismes de transport des argiles détritiques dans l’océan (Modifié de Stow, 1994 et
Washner, 1999).

A. Domaine continental
6.1. Apports éoliens
Les poussières éoliennes collectées à proximité des déserts contiennent généralement une
abondante quantité de quartz en association avec des minéraux argileux ou non. Le spectre
minéralogique est assez large et reflète la compositions des régions sources (Tab. 6.1.).

98
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Table 6.1 – Constituants minéraux majeurs (X) et mineurs (x) d’aérosols


continentaux prélevés entre 1966 et 1985 (Weaver, 1989).

La figure 6.3 présente les résultats d’une étude de la composition minéralogique d’une trentaine
d’échantillons de poussières éoliennes collectées dans le Sahara en mai 1974 à 2000m d’altitude sur
une distance de 500 km. Paquet et al. (1977) observent l’abondance des minéraux argileux (>25%)
avec des espèces très variées (illite, chlorite, interstratifiés I-S et C-S, smectite, kaolinite,
palygorskite). Les minéraux se distribuent en 4 groupes reflétant l’importance des sources locales et
l’érosion de sols et sédiments. L’importance des sources locales diminue avec la distance et avec les
tempêtes qui homogénéisent les produits issus des différentes sources.

Apports éoliens
Figure 6.3 - Assemblages minéralogiques des poussières sahariennes (Chamley, 1989).

99
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

La signatures des poussières éoliennes récoltées au-dessus de différents bassins océaniques est
présentée dans le tableau 6.2. Pour l’Océan Atlantique, de nombreuses données sont disponibles.
L’illite et la kaolinite sont les 2 minéraux argileux les plus abondants. Globalement il existe peu de
variations quantitatives entre les données suite à l’homogénéisation lorsque la distance de transport
augmente. En ce qui concerne le Pacifique, les données sont peu abondantes. La faible concentration
des poussières dans chaque échantillon récolté rend contestable les estimations. Cependant l’illite reste
le minéral argileux le plus important. Des variations minéralogiques assez importantes existent en
fonction des latitudes. Cette zonation reflète principalement les compositions contrastées des régions
sources et la distribution des courants atmosphériques.
Table 6.2 –- Assemblages minéralogiques des aérosols océaniques - Chamley, 1989
(italiques: minéraux argileux exprimés en % relatifs, total des argiles normalisé à 100%;
quartz exprimé en % pondéral de l’échantillon total)

Le transport des particules varie selon la vitesse de l’agent de transport mais aussi du diamètre des
particules (Fig. 6.4). Pour des particules < 80 microns, un transport direct est quasi impossible car les
petites particules deviennent aérodynamiquement lisses et les forces électrostatiques sont trop fortes.
Par conséquent, les argiles sont entraînées suite à l’abrasion et à la fragmentation de particules plus
larges pendant le transport ou suite à l’impact de grains plus grossiers. Les tempêtes de désert
transportent du matériel jusqu’à 3km d’altitude sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres.

Figure 6.4 – Vitesse du vent requise pour le transport de particules


selon leur granulométrie (Velde, 1995).

100
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Exemples de distribution de minéraux argileux


La figure 6.5 montre la distribution de la kaolinite dans les sédiments de surface au large de
l’Australie. Dans le Pacifique Sud, il existe une bande d’enrichissement en quartz, illite et kaolinite qui
s’étend vers le SE depuis l’Australie vers la Nouvelle-Zélande. Cette distribution se corrèle
parfaitement avec la trajectoire des poussières formées dans les déserts australiens. Dans l’Océan
Indien, il y a également une zone enrichie en kaolinite vers l’ouest suite au transport par les vents
depuis les régions désertiques.

Figure 6.5 –- Abondance relative de la kaolinite dans les sédiments de surface


au large de l’Australie - Chamley, 1989

La figure 6.6 présente la carte de distribution des argiles fibreuses. Dans les bassins océaniques, la
Mer d’Arabie par exemple, l’abondance de la palygorskite reflète le trajet des vents associés à la
mousson.

Figure 6.6 – Distribution des argiles fibreuses en domaine continental et océanique (Velde, 1995).

101
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

6.2. Apports fluviatiles


Les études dans les années 50 ont démontré la bonne correspondance entre la composition des
sédiments de rivières et les formations géologiques et pédologiques adjacentes soumises à l’érosion.
L’analyse des particules en suspension, dans les années 80, a ensuite confirmé le parallélisme avec la
minéralogie des bassins versants. De nombreuses études ont été menées pour caractériser la
composition minéralogique moyenne des particules en suspension des grandes rivières (Fig. 6.7).
Globalement, les argiles constituent le composant principal des particules en suspension et reflètent
principalement la composition des sols du bassin versant. L’illite est abondante dans les rivières des
hautes latitudes (e.g., Mackenzie, Saint-Laurent), dans des régions drainant des zones montagneuses
(e.g., Indus, Gange, Brahmapoutre) ou très arides (Orange). La kaolinite est importante dans les
rivières des régions tropicales où la chlorite est généralement absente (Niger, Congo, Nil, Orange). La
smectite se rencontre dans des rivières des zones tropicales et subtropicales (Caroni, Niger, Nil,
Orange). En plus de ces tendances générales, on constate parfois une certaine saisonnalité, par
exemple un changement minéralogique suite à une tempête.

Apports par les rivières

Figure 6.7–- Distribution des minéraux dans la fraction particulaire de


différentes rivières – Weaver, 1989

En plus de l’influence des conditions climatiques ou topographiques (Fig. 6.8), la composition


minéralogique des apports fluviatiles est fortement influencée par la taille des particules (Fig. 6.9): les
minéraux argileux se concentrent dans les fractions fines. Parmi les argiles, la forme des particules et
la distribution des charges de surface jouent sur la distribution minéralogique. La kaolinite sédimente
généralement plus rapidement que les particules de smectites de plus petite taille en général. La
distribution des argiles dans les fleuves Mississippi et Amazone est comparée à la figure 6.9. Pour le
Mississippi par exemple (Fig. 6.10), la composition minéralogique moyenne du fleuve reflète le
mélange des différents apports, avec une contribution relative à la charge en suspension de chacun des
affluents.

102
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Figure 6.8 – Distribution minéralogique et granulométrique de la matière


particulaire collectée dans différentes rivières : Influence du relief et du climat (Weaver, 1989).

Figure 6.9 – Distribution minéralogique et granulométrique de la matière particulaire collectée


dans l’Amazone et le Mississippi (Chamley, 1989).

103
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Figure 6.10 – Assemblages minéralogiques de la matière


particulaire dans les affluents du Mississippi (Weaver, 1989).

6.3. Sédimentation lacustre


Les sédiments lacustres comprennent la majorité des minéraux, argileux et non argileux, issus des
différents types de roches. Les illites et les smectites sont les minéraux argileux dominants,
accompagnés éventuellement de chlorite, kaolinite et/ou palygorskite selon l’environnement.
Généralement il existe une correspondance entre la composition des sédiments lacustres et la
composition minéralogique moyenne des roches et sols des bassins versants. Notons que la
minéralogie est très différente selon qu’il s’agit d’un lac salé ou non.

Environnements salins
Les lacs salés se développe uniquement dans des conditions exceptionnelles, lié à une évaporation
importante ou à des apports d’eau salée. Leur répartition est inégale, ces lacs pouvant être importants
dans certaines régions du monde (Ouest USA, Est Afrique). Les sédiments lacustres comprennent des
assemblages argileux généralement variés, incluant des minéraux détritiques et authigènes.

Tab. 6.3 –- Minéralogie de la fraction argileuse dans les sédiments lacustres:


Exemple du lac Kineret - Chamley, 1989

104
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Le tableau 6.3 donne les assemblages minéralogiques de la fraction argileuse des sédiments d’un
lac israélien. L’association des smectites, kaolinite et palygorskite reflète la composition des roches et
des sols du bassin versant. Les smectites, par exemple, sont issues de l’altération des roches
basaltiques et des profils pédologiques associés. Ce lac se caractérise pas peu de minéraux authigènes.
Le lac Chad (Fig. 6.11a), par contre, se distingue par l’abondance de minéraux authigènes (e. g.,
smectite Mg). Les apports des principales rivières au sud du lac ont une composition minéralogique
différente de la majorité des sédiments du lac. Les apports fluviatiles comprennent de la kaolinite
dominante avec de l’illite, du quartz et des feldspaths. Cet assemblage reflète les apports détritiques du
substrat précambrien. Les sédiments de surface du lac montre une zonation de la composition des
smectites. Des smectites Fe-Al, ayant la même composition que les vertisols adjacents, dominent dans
la partie sud du lac. Vers le nord, les conditions d’évaporation sont plus importantes et ce sont des
smectites Mg (stevensite) qui dominent. Des nontronites sont observées au niveau du delta de la
rivière Chari. La figure 6.11b présente la position de la composition des eaux de la rivière et du lac
dans un diagramme d’équilibre.

Figure 6.11a –- Composition des smectites dans les sédiments du lac Chad,
Afrique Centrale - Chamley, 1989

Figure 6.11b –- Diagramme de stabilité et compositions des smectites des sédiments du Lac Chad -
Chamley, 1989

105
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Environnements non salins


Dans les lacs récents, l’association minérale reflète principalement les conditions d’altération
(climat, relief, tectonique..) du bassin versant (cf. Chapitre 5). Les argiles lacustres sont donc utilisées
comme un outil paléoclimatique. Notons qu’il existe parfois un mimétisme de composition entre les
minéraux formés dans les sols et les minéraux authigènes du lac. Cela complique l’identification de
l’origine des minéraux argileux. Il faut généralement une étude complète des assemblages
minéralogiques des bassins versants pour interpréter les assemblages lacustres.

A. Du continent à l’océan
Estuaires et delta
Les estuaires constituent une transition entre le continent et l’océan. Les argiles qui constituent la
majorité des particules en suspension des rivières vont donc passer d’un environnement pauvre en ions
dissous à un environnement plus concentré suite au changement de salinité, parallèlement au pH. Les
argiles vont être particulièrement sensibles vu leurs propriétés de surface (cf. Chapitre 4). La figure
6.12a montre la distribution des minéraux argileux dans les sédiments du delta de la Guadalupe (Golfe
du Mexique, USA). La smectite tend à diminuer vers le large alors que chlorite et illite augmentent.
Grim & Johns (1954) interprètent ce changement par la transformation des smectites lors de leur
contact avec des environnements salins.

Rôle des estuaires

Figure 6.12a – Variation de la composition des minéraux argileux selon la position par
rapport à l’embouchure de la Rivière Guadalupe , Golfe du Mexique –- Weaver, 1989

En 1972, Morton a élargi cette étude à plus de 80 échantillons prélevés selon un transect du delta
vers le golfe (Fig. 6.12b): il ne note pas de différence entre l’abondance des smectites, illite et
kaolinite entre les 2 environnements, la chlorite n’est pas observée au niveau du delta. La similarité
dans l’assemblage de la rivière et de la baie ainsi que l’absence locale de chlorite démontrent que
l’assemblage minéralogique dans l’environnement marin est sous le contrôle dominant des apports
détritiques et ne résulte pas de modification chimique in situ. La distribution s’explique plutôt par un
processus de sédimentation différentielle.

Zone étudiée par Grim & Johns, 1954

Figure 6.12b – Variation de la composition des minéraux argileux selon la position par
rapport à l’embouchure de la Rivière Guadalupe , Golfe du Mexique –- Chamley, 1989

106
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Des expériences ont montré qu’à la transition rivière/océan, il pouvait se produire un transport et
une sédimentation sélectifs des minéraux argileux. Whitehouse & Carter (1958) ont observé la
sédimentation préférentielle de la kaolinite et de l’illite par rapport à la smectite dans des eaux de
faible salinité où les argiles ont tendance à flocculer suite à l’adsorption de cations. Les figures 6.13a
et b illustrent la répartition des charges à proximité de la surface des argiles selon la concentration en
cations des eaux. Au niveau d’un estuaire, l’illite et la kaolinite vont sédimenter tandis que la smectite
aura tendance à rester en solution. Le processus de sédimentation différentielle dépend de nombreux
paramètres: pH, T°, turbulence des eaux, % matière organique, concentration en ions dissous…En
moyenne, selon les expériences menées par Whitehouse et al. (1960) sur des suspension mono-
minérale et sans déplacement, le taux de sédimentation pour la smectite est de 1.3m/j ; 11.8m pour la
kaolinite et 15.8m pour l’illite pour une température de 26°C et une salinité de 18/1000. Globalement
la smectite sédimente donc moins rapidement que les autres argiles suite à ses propriétés de taille,
forme et d’interaction avec l’eau.

Figure 6.13a – Floculation des argiles (Velde, 1995).

Figure 6.13b – Flocculation des argiles –- Velde, 1995

107
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

De nombreuses études ont par la suite confirmé le processus de sédimentation différentielle dans les
environnements estuariens. Les figures 6.14, 6.15 et 6.16 présentent la distribution des minéraux
argileux selon des transects de l’estuaire vers l’océan pour différents fleuves (Loire en France,
Guadalquivir en Espagne, St James, aux USA).

Figure 6.14 –
Sédimentation
différentielle des
argiles: Exemple
de l’Estuaire de la
Loire, France –-
Chamley, 1989

Figure 6.15–
Sédimentation
différentielle des
argiles: Exemple de
l’Estuaire du
Guadalquivir,
Espagne - Chamley,
1989

108
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Figure 6.16 – Sédimentation


différentielle des argiles:
Exemple de l’estuaire de la
rivière St James , USA
- Chamley, 1989

C. Apports à l’océan
Introduction
Globalement, on observe une variation granulométrique et minéralogique de la côte vers le large
(Fig. 6.17) : la proportion d’argile dans le sédiment augmente vers le large et l’assemblage
minéralogique évolue suite au processus de sédimentation différentielle: la kaolinite sédimente
d’abord puis illite, chlorite, smectite et palygorskite. Peu d’études ont tenté d’expliquer le mécanisme
détaillé responsable de la sédimentation différentielle des minéraux argileux dans le milieu marin. Le
mécanisme de sédimentation par floculation sélective est le plus fréquemment cité, lié aux nombreux
travaux de Whitehouse & McCarter (1958) et Whitehouse et al. (1960). Les évidences de floculation
ne concernent que les environnements estuariens.

Apports à l’océan

Figure 6.17a – Accumulation sédimentaire et classement des sédiments à


l’embouchure d’une rivière - Weaver

109
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Figure 6.17b – Variation latérale de la minéralogie des argiles selon la


distance de transport – Eslinger & Peaver, 1988

Gibbs en 1977 a étudié les facteurs contrôlant la ségrégation de minéraux argileux en milieu marin
dans l’Atlantique ouest équatorial au niveau de l’embouchure de l’Amazone, sur une distance de
1400km (Fig. 6.18). De l’embouchure vers le NW le long de la côte, la smectite évolue de 27 à 40%
dans la fraction argileuse, la kaolinite diminue légèrement de 36 à 32% et l’illite chute de 28 à 18%.
Ces tendances sont parallèles à la côte mais il existe une tendance similaire à travers la plateforme.

Figure 6.18 – Etude de la ségrégation


des argiles en milieu marin au large
de l’Amazone - Weaver, 1989

Gibbs a envisagé 3 causes pour expliquer les variations minéralogiques observées :


(1) un processus de transformation chimique ;
(2) un processus de sédimentation différentielle ;
(3) une ségrégation physique des particules.

110
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Le premier processus est trop lent (> 5 ans) et n’est pas confirmé par des différences entre les
sédiments récents et plus anciens. De plus, ce processus conduirait à la transformation des vermiculites
et chlorites en illites, des smectites en illite et chlorites alors que l’on observe plutôt une augmentation
des smectites et une diminution des illites. L’augmentation de la smectite vers le large pourrait
s’expliquer par la sédimentation différentielle. Cependant illite et kaolinite floculent rapidement dès
qu’il se produit un changement de salinité de 2/1000, elles sédimentent donc rapidement dans des eaux
légèrement salées. La smectite sédimente plus lentement mais elle aura floculé à quelques dizaines de
kilomètres de l’embouchure où la salinité approche la valeur de l’eau de mer. Gibbs a calculé
l’assemblage théorique des sédiments en appliquant les vitesses de sédimentation déterminées par
Whitehouse pour différentes salinités dans le delta de l’Amazone. Ses résultats indiquent un dépôt
rapide des illites et kaolinites à proximité de l’embouchure et un assemblage quasi pur en smectite en
aval. Ce schéma est très différent des observations. Même si il existe un biais lié à l’extrapolation de
données expérimentales à des conditions naturelles plus complexes (turbulence, mélange
minéralogique..), la différence entre le modèle théorique et les observations implique que la
floculation ne peut à elle-seule expliquer la ségrégation minéralogique observée. Par conséquent,
Gibbs envisage une influence de la ségrégation des particules due à leur taille : les particules les plus
fines (i.e., smectite 0.1 à 0.9 microns, 0.4 de moyenne dans l’Amazone) seraient transportées plus loin
par rapport aux particules plus grossières (illite: 0.4-80 microns, moyenne 2 à 4 microns; kaolinite :
0.4-10 microns, moyenne 1-2 microns). Gibbs a testé cette hypothèse en mesurant la surface sous la
courbe de distribution pour chaque espèce argileuse et en calculant un assemblage minéralogique
moyen pour une gamme granulométrique (courbe en traits sur Fig. 6.18b). Il existe une bonne
correspondance entre la composition actuelle des sédiments et la composition prédite par le modèle.
De plus, Gibbs a également réalisé des essais de ségrégation de suspensions de l’Amazone mises à
décanter dans un bècher : ces simulations confirment les observations. En conclusion, la ségrégation
physique semble le mécanisme le mieux adapté pour expliquer la différenciation minéralogique dans
l’Atlantique Ouest. Ceci ne signifie pas que c’est le mécanisme dominant dans tous les cas. Il faudrait
répéter l’étude de Gibbs pour d’autres régions du globe avec d’autres assemblages minéralogiques, des
conditions hydro-dynamiques différentes…Enfin, des observations au microscope électronique à
balayage ont mis en évidence l’existence de particules de kaolinite beaucoup plus petites que les
smectites. Ceci implique que d’autres propriétés que la taille interviennent (e.g., forme, charge
électrostatique).

Distribution des argiles en milieu océanique


Les données concernant la distribution des minéraux argileux dans les océans ont été acquises par
différents auteurs (Biscaye, 1965 ; Griffin et al., 1968, Rateev et al., 1968). Ces données ont été
compilées et synthétisées par Window (1976) sous la forme de carte de distribution (Fig. 6.19). Les
données sont moyennées pour les sédiments de surface des grands bassins océaniques (Tab. 6.4, Fig.
6.20). Elles constituent une référence à large échelle même s’il existe de nombreuses imprécisions
locales.

Table 6.4 – Composition minéralogique moyenne des sédiments de surface dans


différents bassins océaniques –- Chamley, 1989

111
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Atlantic Indian Pacific


100%
90%
Relative clay mineral abundance

80%

70%

60%
50%

40%
30%
20%

10%
0%

Indian Ocean
North Atlantic

Carrabian Sea
Gulf of Mexico

Bay of Bengal
South Atlantic

Arabian Sea

North Pacific

South Pacific
Oceanic basins
chlorite illite smectite kaolinite
Fig. 6.20 – Assemblage minéralogique moyen des sédiments de surface des différents bassins océaniques.

Parmi les minéraux argileux, les illites et les smectites sont les plus répandues, elles peuvent
représenter jusqu’à 50 à 70% de la fraction argileuse. Chlorite et kaolinite sont moins abondantes,
elles dépassent exceptionnellement 50% et sont fréquemment inférieures à 10.
- La kaolinite est un minéral abondant dans les sols des régions intertropicales. La distribution
océanique de la kaolinite reflète un contrôle climatique dominant. L’abondance de la kaolinite
augmente vers l’équateur dans tous les bassins océaniques et montre un contrôle par l’intensité de
l’hydrolyse.
- La chlorite montre une augmentation vers les hautes latitudes, elle est principalement issue de
l’érosion physique des roches magmatiques et métamorphiques en conditions d’altération chimique
limitée. La chlorite varie souvent en antagonisme avec la kaolinite.
- L’abondance de l’illite augmente vers les hautes latitudes parallèlement à la chlorite. Sa
distribution reflète le ralentissement de l’hydrolyse et l’augmentation de l’altération physique.
- La distribution des minéraux fibreux reflète souvent la trajectoires des courants atmosphériques
(e.g., Mer d’Arabie).
- La distribution de la smectite est plus confuse, liée à leur double origine (altération,
authigenèse). Ceci démontre que le contrôle climatique peut être accessoire par rapport à d’autres
facteurs (e.g., apports volcaniques).

112
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Illite

smectite

kaolinite

chlorite

Figure 6.19 – Distribution des minéraux argileux dans les sédiments de surface
des différents bassins océaniques – d’après Windom, 1976 (in Velde, 1995).

Globalement, les apports détritiques dominent les apports minéralogiques à la sédimentation


océanique. La distribution des argiles montre une zonation latitudinale, cette distribution zonale
reflète la distribution des zones d’altération chimique sur les continents. Les argiles peuvent être
divisées en 2 groupes : (1) les minéraux des climats froids et tempérés, i.e., illite et chlorite, qui
diminuent vers l’équateur; (2) les minéraux des climats tropicaux et équatoriaux, i.e., kaolinite, une
partie des smectites. Par conséquent les minéraux argileux des sédiments marins reflètent les
conditions d’hydrolyse dans le bassin versant.

113
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Le tableau 6.5 présente une compilation des données sur la distribution minéralogique et
granulométrique du matériel sédimentaire apporté à l’océan. Les résultats montre la dominance des
argiles (67 %) sur les silts (26 %) et les sables (7 %). En considérant les surfaces différentes
correspondant aux zones climatiques, les différences de drainage et la composition minéralogique, on
peut déterminer la contribution de chaque zone climatique dans l’apport à l’océan pour différentes
fractions granulométriques. Les fractions silto-sableuses sont majoritairement issues des régions
équatoriales humides: 3.8 millions de tonnes (soit 57 % de la masse délivrée à l’océan). La fraction
argileuse représente 15.2 millions de tonnes (soit > 90 %). Ces données montrent que la quantité et la
granulométrie du matériel apporté à l’océan changent d’une zone climatique à une autre mais aussi
que les assemblages minéralogiques peuvent changer.

Table 6.5a – matériel sédimentaire apporté à l’océan : minéralogie, flux annuel Lisitzin, 1996.

Table 6.5b - Matériel sédimentaire apporté à l’océan: granulométrie - Lisitzin, 1996

114
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

Cependant des études récentes montrent de nombreuses exceptions, ce qui montre que le climat
n’est pas le seul facteur. La pétrographie de la région source devient le paramètre essentiel lorsque
l’altération chimique est faible. Ceci explique pourquoi la kaolinite, les smectites et autres minéraux
de basse latitude, se retrouvent dans les bassins arctiques et péri-antarctiques. De plus les courants
océaniques interviennent dans la distribution des minéraux argileux des sédiments océaniques et
altèrent la zonation climatique idéale (Fig.6.20). Des apports advectifs longues distances, via les vents
ou les courants marins, peuvent également perturber le schéma idéal. Les apports terrigènes peuvent
être complétés ou remplacés par des formations authigènes dans des environnements marqués par une
activité hydrothermale et/ou volcanique ainsi que dans des domaines de faibles apports continentaux.

Fig. 6.20 – Exemples d’évolution de la composition des assemblages argileux des sédiments marins en
relation avec la profondeur: relation entre minéralogie des argiles, circulation océanique profonde et
et masses d’eau. Données de Fagel et al. 1996 (A) ; Melguen et al. 1978 (B) ; Petschick et al. , 1996 (C).

115
Géologie des argiles Chapitre 6 Environnements sédimentaires

En conclusion, des études complémentaires sont souvent nécessaires pour interpréter les
assemblages argileux complexes des sédiments marins. Par exemple, les signatures isotopiques des
argiles peuvent permettre d’identifier les régions sources (e.g., Fig. 6.21).

Fig. 6.21 – Signature isotopique en Sr (composition 86Sr/87Sr) des sédiments holocènes collectés dans les
bassins est Atlantique le long de trois transects perpendiculaires à la ride médio-océanique MAR (Clauer
et Chaudhuri, 1995).

Fig. 6.22 – Evolution parallèle de la signature isotopique en Nd de la fraction fine des sédiments marins
et la minéralogie des argiles, Mer du Labrador. Illustration du concept de traçage isotopique des masses
d’eau. Données de Fagel et al. (1996) et Innocent et al. (1997).

116
Chapitre 6 - Annexes
Abondance relative des minéraux argileux dans la fraction fine (<1 micron) des sédiments océaniques.
Cartes de distribution de la chlorite (en brun), de l’illite (en vert), de la kaolinite (en rouge) et de la
smectite (en bleu). Cartes reprises de Lisitzin (1996).
Géologie des argiles Chapitre 7 Diagenèse

Chapitre 7 – Diagenèse
Introduction
La diagenèse inclut toutes les modifications physiques et chimiques qui se produisent dans un
sédiment après son dépôt mais avant le métamorphisme (Fig. 7.1). La limite diagenèse-
métamorphisme est arbitraire. On peut la fixer vers 300°C, i.e., la température à laquelle toutes les
argiles sont transformées en illite ou chlorite. Mis à part la compaction, complète vers 3000m
d’enfouissement, le changement majeur lié à la diagenèse consiste en la réaction progressive des
smectites en illites via des minéraux intermédiaires interstratifiés. La figure 7.1. montre la
distribution en espèce et abondance des minéraux argileux selon l’âge des sédiments: smectite,
kaolinite, interstratifiés diminuent avec l’âge tandis que les illites et chlorites augmentent. La smectite
est presque toujours absente dans des sédiments d’âge paléozoïque, sauf conditions environnementales
particulières. Cette observation suggère que les smectites et les kaolinites ont été transformées en illite
ou chlorite suite à l’enfouissement.

Diagenèse

Figure 7.1 – Modifications minéralogiques en fonction de l’âge des roches


– Eslinger & Peaver, 1988

Réactions de conversion des smectites en illites


La réaction smectite vers illite implique un piégeage d’Al et K tout en préservant plus ou moins la
structure 2/1 (cf. Chapitre 3). La réaction peut se faire par transformation, en étapes successives, avec
production d’intermédiaires interstratifiés ou par néoformation, impliquant une phase de dissolution et
la précipitation d’illites avec des interfaces gonflants de type smectitique. On peut écrire 3 réactions de
base différentes pour expliquer la transformation des smectites en illites (Fig. 7.2).

Figure 7.2 – Mécanismes de formation des illites à partir de smectites – Eslinger & Peaver, 1988

117
Géologie des argiles Chapitre 7 Diagenèse

(1) La smectite absorbe de l’Al dans sa structure tétraédrique. L’augmentation de la charge est
compensée par l’introduction de K dans l’interfoliaire. La structure originale de la smectite est
conservée. Il s’agit d’un mécanisme de transformation. K et Al proviennent de la dissolution
de feldspaths. La silice, le magnésium et le fer qui sont libérés se combinent pour former des
chlorites (Fig. 7.3).
(2) L’Al se concentre dans les tétraèdres d’une illite formée suite à la dissolution et le départ de la
silice de la smectite initiale. La smectite est cannibalisée pour constituer des couches d’illites.
Il s’agit d’un mécanisme de transformation mais sans préservation de la structure
initiale.
(3) Suite à la dissolution de la smectite, il y a précipitation d’illite ou d’interstratifiés illite-
smectite. Une néoformation sans précurseur smectitique est également possible.

Figure 7.3 – Réactions diagénétiques dans les shales – Eslinger & Peaver, 1988

Modèles d’illitisation
Il existe différents modèles pour expliquer l’illitisation par enfouissement (Fig. 7.4-7.7). Certains
combinent différentes réactions de transformation et de dissolution-précipitation.

Modèle de Nadeau et al. (1984)


D’après des observations au microscope électronique à transmission (TEM), Nadeau et al. (1984)
ont proposé que le mécanisme d’illitisation se produise sans minéraux interstratifiés intermédiaires
(Fig. 7.4). Le comportement aux rayons X typique des minéraux interstratifiés serait en fait lié à la
diffraction interparticulaire (Théorie des particules fondamentales – cf. chapitre 3). McHardy et al.
(1982) ont observé les minéraux responsables du comportement d’interstratifiés aux rayons X. Il s’agit
de très petites particules (d’environ 3 mm d’épaisseur) d’illite. Les surfaces de ces petits cristaux
d’illites pourraient adsorber de l’eau et se comporter comme des feuillets smectitiques. Les petites
illites résultent de la dissolution de smectite, suivie de leur recristallisation. Les interstratifiés illite-
smectite sont constitués de 1 à 3 particules élémentaires d’illite et de smectite.

Figure 7.4 – Modèle de conversion des smectites en illites:


Mécanisme de néoformation selon le concept de la diffraction interparticulaire
(d’après Nadeau et al., 1985 repris de Chamley, 1989).

118
Géologie des argiles Chapitre 7 Diagenèse

Quand toutes les smectites sont dissoutes, la population résiduelle consiste en 2 à 5 particules
élémentaires d’illite. Avec la diagenèse, l ‘épaisseur des particules fondamentales augmente. Lorsqu’il
y a au moins 5 particules élémentaires, l’argile est interprétée aux RX comme une illite. Selon Nadeau
et al. (1984) , la conversion de la smectite en illite est un mécanisme de recristallisation suite à une
dissolution de la smectite et la néoformation d’illite au sein d’une population de petits cristaux sans
stades intermédiaires. Ce modèle a été conforté par des observations au microscope électronique à
transmission haute résolution (HRTEM) par le groupe de Peacor (Fig. 7.5).

Figure 7.5 – Modèle de conversion des smectites en illites: Observations au microscope électronique
par transmission (MET) confirmant la transformation directe de smectite en illite (d’après Ahn et
Peacor 1986 repris de Chamley, 1989).

(a) Les smectites dans les illite-smectite (I-S) ont une texture en vague avec de nombreuses
dislocations. L’épaisseur varie entre 10 et 13Å. Les illites dans les I-S ne comportent par
contre pas de défaut. Les smectites et les illites co-existent sous forme de domaines séparés,
sans intervention d’I-S. Les smectites sont progressivement remplacées par des illites.
(b) Selon la profondeur d’enfouissement, l’épaisseur des paquets illitiques augmente. A 2450m,
les argiles sont constituées de 2 à 5 couches d’illites, ce qui donne aux RX des spectres
caractéristiques d’interstratifiés irréguliers I-S (Fig. 7.6).
(c) Vers 5500m, il y a au moins 10 particules fondamentales empilées avec minimum 5 couches
d’illite par particule. Par conséquent, le comportement aux rayons X suggère la présence
d’interstratifiés I-S réguliers avec au moins 80% d’illite.

Figure 7.6 –Modèle de conversion des smectites en illites:


Modèle de McEwan (Moore and Reynolds, 1989).

119
Géologie des argiles Chapitre 7 Diagenèse

Modèle de Inoue
Le modèle développé par Inoue et al. (1987) est intermédiaire entre une transformation et un
mécanisme de dissolution-précipitation (Fig. 7.7). L’observation au microscope électronique à
balayage (SEM) de sédiments Crétacé et Tertiaire diagénétisés montre la présence d’illite-smectite
réguliers. Ces I-S se développent sur un substrat ayant la morphologie d’une smectite. Ce mécanisme
d’illitisation implique la combinaison de deux processus : (1) un héritage de smectite suivi (2) d’une
dissolution-recristallisation avec peu de modifications chimiques. Ce processus ressemble à la
croissance de smectites lattées à la périphérie de smectite floconneuse, processus fréquemment
observé au cours de la diagenèse précoce. Cependant il implique un changement minéralogique. Selon
Pollastro (1985), une partie des I-S serait détruite à haute température par cannabilisation sélective des
feuillets smectitiques. Cette destruction structurelle partielle apporterait l’essentiel (voir la totalité) des
éléments chimiques nécessaires à la précipitation d’I-S riches en illites. Par conséquent, le nombre de
feuillets argileux diminuerait avec le temps et la profondeur suite à la destruction progressive des
feuillets smectitiques et au nourrissage des feuillets illitiques.

Figure 7.7 – Modèle de conversion des smectites en illites:


Modèle de Inoue – Chamley, 1989

Contrôle de la température
De nombreuses séquences diagénétiques ont été étudiées dans le monde. Une des études la mieux
documentée concerne le Golfe du Mexique (Hower, 1981 – Fig. 7.8). Les contrôles de la réaction
smectite vers illite sont essentiellement la température (Fig. 7.8), le temps, la nature de la roche et
des fluides. La pression a peu d’effet. La figure 7.8 présente l’évolution du pourcentage d’illite dans
un interstratifié illite-smectite selon la profondeur ou la température pour des sédiments du Golfe du
Mexique. La meilleure tendance est observée en fonction de la température.

Figure 7.8 – Evolution minéralogique et contrôle thermique:


exemple du Golfe du Mexique (Hower, 1981 repris de Eslinger and Peaver 1988).

120
Géologie des argiles Chapitre 7 Diagenèse

La figure 7.9 présente également l’évolution du pourcentage d’illite dans des I-S pour des
sédiment plio-pléistocènes de Californie. Généralement le pourcentage d’illite augmente d’abord
progressivement avec la profondeur, puis assez brutalement à partir de 3000m d’enfouissement (de 40
à 70 voire 80% d’illite). A cette profondeur, l’interstratifié devient régulier. Parfois la transition est
moins abrupte et la structure régulière peut être acquise plus profondément (vers 5000m). Le
pourcentage d’illite peut augmenter à 90% et davantage vers 6500-7000m.
Notons qu’ne illite pure peut ne pas apparaître dans certaines régions, même à des profondeurs
d’enfouissement de 8000m (e.g., Golfe du Mexique). Par contre, dans des roches anciennes ou dans
des régions caractérisées par un gradient géothermique élevé, l’illite peut être présente à des
températures > 200°C.

Figure 7.9 – Evolution


minéralogique et contrôle
thermique (Californie, Golfe
du Mexique) – Eslinger &
Peaver, 1988

De nombreuses études montrent l’évolution des assemblages argileux suite à la diagenèse


d’enfouissement. Toutes les études montrent une tendance à la simplification des assemblages
argileux, souvent associée à une recristallisation des argiles. La figure 7.10 illustre l’évolution de la
composition des assemblages argileux dans une série Jurassique de 4000m d’épaisseur (SE de la
France). Les résultats montrent la disparition de la kaolinite vers 3000m puis de la smectite vers
3500m. Parallèlement, l’illite est de mieux en mieux cristallisée avec la profondeur croissante.

Figure 7.10 – Evolution minéralogique selon la profondeur


d’enfouissement (Montagne de Lure, France) – Chamley, 1989

121
Géologie des argiles Chapitre 7 Diagenèse

Modifications des propriétés physiques


Dans les sédiments marins récents, les particules argileuses s’agencent selon une structure
irrégulière de type château de cartes. Avec l’enfouissement, les particules s’organisent selon une
structure plus régulière. La figure 7.11 illustre l’évolution de l’organisation des particules avec
l’enfouissement.

Figure 7.11 – Modèle de fabriques minérales en fonction de la profondeur d’enfouissement


(d’après Bennett et al., 1981) – Weaver, 1989

On constate une diminution progressive de la porosité avec l’enfouissement. Des courbes


d’évolution de la porosité selon la profondeur d’enfouissement sont reportées à la figure 7.12.

Figure 7.12 – Evolution de la porosité dans des shales et des argiles.


Données de Hinch (1978), repris de Weaver 1989.

Des résultats expérimentaux sont comparés à des séries naturelles. D’après les résultats expérimentaux, la
diminution de la porosité est fonction principalement de la taille des particules (kaolinite > illite > smectite). En
général, les expériences sur des argiles pures donnent des porosité supérieures aux valeurs naturelles. La porosité
de séries anciennes paléozoïques est inférieures à celle de sédiments plus jeunes (crétacé). Cela dépend de la
composition minérale des shales et de la taille des grains: les shales naturels ont plus de quartz par rapport aux
argiles expérimentales, les shales Paléozoïque ont plus d’illites et de smectites que les shales Crétacé.

122
Géologie des argiles Chapitre 8 Reconstitutions paléoenvironnementales

Chapitre 8 – Reconstructions paléoclimatiques


Les interprétations paléoenvironnementales des assemblages argileux sédimentaires sont basées sur
la détermination de l’origine des minéraux argileux présents. Cette approche implique une
compréhension des processus de formation des minéraux argileux (Fig. 8.1):
- les argiles authigènes seront des marqueurs des conditions géochimiques environnementales ;
- les argiles détritiques seront des marqueurs des processus de transport, de dispersion et de
provenance.

Figure 8.1 – La boîte à outils des argiles.

Les difficultés résident dans le fait que des origines différentes sont envisageables pour une même
argile, que les argiles d’origines et/ou de sources différentes se mélangent au cours des processus
sédimentaires. Par exemple, les figures 8.2a et 8.2b illustrent les multiples interprétations
paléoenvironnementales que l’on peut envisager avec le groupe des smectites.

123
Géologie des argiles Chapitre 8 Reconstitutions paléoenvironnementales

Figure 8.1a – Les smectites indicatrices des paléoenvironnements – Chamley, 1989

Figure 8.2b – Les smectites indicatrices des paléoenvironnements – Thorez, 2000.

124
Géologie des argiles Chapitre 8 Reconstitutions paléoenvironnementales

L’approche paléoenvironnementale consiste d’abord à identifier les minéraux argileux présents


dans les sédiments récents. La composition de l’assemblage minéralogique est comparée à la signature
minéralogique des régions adjacentes. La sélection des régions sources est déterminée par la
configuration locale des agents de transports (i.e., courants atmosphériques ou marins). La figure 8.3
résume les sources et les vecteurs principaux permettant d’expliquer les assemblages minéralogiques
des sédiments de surface dans la Mer d’Arabie. Après cette étape préliminaire essentielle, il est
possible de suivre l’évolution des assemblages minéralogiques dans les séries sédimentaires et de les
interpréter en terme de modifications paléoclimatiques. Cette approche repose sur le lien existant entre
le régime climatique et le degré d’altératio : les minéraux secondaires formés dans les sols reflètent les
conditions d’hydrolyse dans le bassin versant. Cependant de nombreux autres facteurs contrôlent les
conditions d’altération et peuvent oblitérer partiellement, voire totalement, le signal climatique.

Figure 8.3 – Origines des minéraux argileux accumulés dans les sédiments récents de la Mer
d’Arabie (données de Kolla et al., 1981, illustration Chamley, 1989) – Velde, 1995

La figure 8.4 illustre schématiquement les principaux processus et facteurs dont il faut tenir
compte lorsqu’on souhaite extraire une information climatique d’un assemblage argileux. Des
exemples seront présentés au cours.

CLAY MINERALS

CLAYS

(from Velde, 1995)


Figure 8.3 – Interprétations paléoenvironnementales basées sur l’étude des minéraux argileux
(modifié de Velde, 1995) .

125
Géologie des argiles Chapitre 10 Environnement

Chapitre 10. Argiles et environnement


Introduction
Les argiles jouent un rôle significatif dans une gamme variée de problèmes environnementaux et
les applications augmentent sans cesse. La figure 10.1 donne quelques domaines d’applications
illustrant le rôle des argiles :
- dans le transport des polluants organiques (pesticides, herbicides) dans les sols;
- dans le transport des éléments métalliques dans les sols ;
- dans le transport des isotopes radioactifs et leur réactivité vis-à-vis de ceux-ci (e.g., rétention
du 137Cs après l’accident de Tchernobil) ;
- dans la conception de barrière d’étanchéité dans les décharges ;
- dans des problèmes de santé.

Figure 10.1 – Rôle des argiles dans l’environnement – Parker & Rea, 1989

Rôle des argiles dans la rétention des éléments traces


Les éléments traces dans les eaux naturelles et dans les sols sont rapidement piégés par la phase
particulaire par des colloïdes. L’efficacité du processus dépend des propriétés et de la concentration du
réactant et de facteurs environnementaux qui affectent les propriétés de surface des colloïdes. Les
argiles interviennent suite à leurs propriétés d’adsorption et d’absorption et leur capacité à former des
complexes organo-minéraux (argile-oxyde-humus). La figure 10.2 rappelle ces propriétés.
L’absorption consiste en l’accumulation d’espèces chimiques à la surface des argiles. L’adsorption
regroupe les processus d’incorporation des polluants dans la structure argileuse. Il s’agit de processus
complexes que l’on peut schématiser (Fig. 10.3). La surface argileuse est chargée négativement
(charge fixe). Cette charge est neutralisée par des cations positifs venant de la solution en contact, ces

140
Géologie des argiles Chapitre 10 Environnement

cations définissent la charge diffuse ou couche de Gouy (cf. chapitre 4). Les ions de la couche diffuse
sont adsorbés. Ils pourront être cependant échangés avec d’autres ions si la composition de la solution
change. Si les ions adsorbés sont fortement liés aux argiles (adsorption spécifique), la couche fixe
incorpore des ions et la couche de Gouy devient chargée négativement.

Figure 10.2 – Adsorption et


absorption – Parker & Rea, 1989

Figure 10.3 – Rôle des argiles dans la


migration des éléments traces: processus
d’adsorption – Parker & Rea, 1989

Les éléments traces vont donc être transportés avec les colloïdes par l’eau ou le vent, sédimenter ou
former des agrégats par floculation. La désorption est souvent lente et incomplète. La sorption se
produit au niveau des surfaces des argiles par liaisons ioniques.

Le cation métallique (Fig . 10.4) garde sa sphère d’hydratation et n’est donc pas en contact direct
avec la surface argileuse tant que les molécules H2O et les groupes OH- ne forment pas de liaisons
hydrogènes avec les atomes d’oxygènes des surfaces argileuses. A ce stade, le cation métallique se
rapproche de l’argile, la liaison devient plus forte vu la perte de la sphère d’hydratation. La
réversibilité du processus dépend d’un cation à un autre (taille, charge, degré d’hydratation) et de la
nature du minéral et des conditions environnementales (pH).

Figure 10.4 – Transport des éléments traces par les colloïdes – Parker & Rea, 1989

Les propriétés d’adsorption s.l. varient selon la nature de l’argile, en particulier selon la capacité
d’échange cationique (Fig. 10.5). Parmi les argiles, les montmorillonites et les vermiculites ont les
capacités les plus importantes.

141
Géologie des argiles Chapitre 10 Environnement

Figure 10.5 – Adsorption du cuivre par différentes argiles – Parker & Rea, 1989

Cependant la capacité d’échange cationique n’est pas le seul paramètre. La figure 10.6 compare les
propriétés d’adsorption (au sens large) des oxydes Fe-Mn, de l’acide humique et des argiles
(montmorillonite) pour le Co. Il semble que les oxydes Fe-Mn et la matière organique aient des
capacités d’adsorption s.l. plus importantes que les argiles.
Figure 10.6 – Adsorption du cobalt par différentes substances – Parker & Rea, 1989

De nombreuses expériences ont été réalisées pour étudier le comportement du Zn. Les résultats
montrent que la capacité d’échange cationique des acides humiques est plus grande que celle des
bentonites et des oxydes. Par contre, la capacité d’adsorption pour le Zn est maximale pour les oxydes
et plus importante pour les acides humiques que pour les bentonites. Bien que les oxydes aient une
capacité d’échange plus importante que les oxydes, leur capacité d’adsorption s.l. est 2 ordres de
grandeur plus faible. La capacité d’adsorption s.l. serait corrélée à la force des liaisons entre le réactant
et les éléments métalliques (Tab. 10.1).

Table 10.1- Influence de la capacité d’échange dans les processus d’adsorption du Zn.
Rea et Parker, 1989.

142
Géologie des argiles Chapitre 10 Environnement

Bio-disponibilité des métaux lourds


Les argiles jouent un rôle dans le piégeage biologique des métaux lourds toxiques. En particulier,
elles réduisent les effets toxiques pour différents métaux (e.g., Cd, Pb, Hg, Cu, Ni). La figure 10.7
illustre les expériences de Stotzky et al. Ces expériences démontrent l’habilité de différentes argiles à
protéger les bactéries ou les champignons des effets toxiques du Ni, Cd, Zn et Pb dans les sols. En
présence de Pb, le taux de croissance des populations est limité pour la kaolinite, moyen pour la
palygorskite et élevé pour la montmorillonite. Ces tendances reflètent le taux de capacité d’échange de
ces différents minéraux: faible pour la kaolinite, moyen pour la palygorskite, et élevé pour la
montmorillonite.

Figure 10.7 – Rôle du pH dans l’adsorption du mercure – Parker & Rea, 1989

La figure 10.8 présente le degré d’adsorption s.l. du Hg pour différents constituants des sols
(oxydes de Fe hydratés, kaolinite, bentonite, illite, composés organiques). Le processus d’adsorption
s.l. dépend du pH: il diminue lorsque le pH augmente.

Figure 10.8 – Contrôle de la bio-disponibilité sur l’adsorption du plomb


par différentes argiles – Parker & Rea, 1989

143
Géologie des argiles Chapitre 10 Environnement

En conditions acides, le nombre de sites d’adsorption chargés positivement augmente et le nombre


de site chargé négativement diminue. Les ions H+ sont en compétition avec les cations métalliques
pour les sites d’échanges à bas pH. Les cations hydroxylés (e.g., HgOH+), formés par hydrolyse, ont
des liaisons plus fortes que les cations métalliques libres (e.g., Hg2+). En condition acide, le métal reste
sous forme de cation libre et le pourcentage d’adsorption s.l. par un colloïde est faible. Avec
l’augmentation du pH, la concentration de cations métalliques hydroxylés augmente et le pourcentage
de cations métalliques lié aux colloïdes augmente brutalement. Si le pH augmente davantage, il y a
formation d’hydroxydes non chargés (e.g., Hg(OH)H) puis d’anions métalliques (e.g., Hg(OH)3-). Le
pourcentage d’adsorption s.l. diminue suite à la répulsion entre anions et surface argileuse négative. La
figure montre que les capacités d’adsorption sont minimales pour la kaolinite, faibles pour la bentonite
et plus importantes pour les oxydes. Cependant, il existe des résultats contradictoires selon les
expériences. Ceci souligne la complexité des processus.

Rôle des argiles dans la construction de centre d’enfouissement technique (CET)


Les argiles sont utilisées dans la construction de barrières imperméables. Les smectites sont
préférentiellement utilisées étant donné leur réactivité chimique et leur imperméabilité après
compaction (cf. chapitre 9). La figure 10.9 illustre la disposition des barrières d’étanchéité entre la
décharge et le socle géologique. Les argiles peuvent être utilisées seules ou mélangées à des matériaux
composites.

Figure 10.9 – Rôle des argiles dans la construction de centre d’enfouissement technique
– Parker & Rea, 1989

La gestion des décharges doit intégrer toutes les circulations d’eau susceptibles de réagir avec les
déchets en produisant des lixiviats et leur migration vers l’extérieur du dispositif (Fig. 10.10).

Figure 10.10 –Rôle des argiles dans les CET: circulation d’eau dans les centre d’enfouissement
technique – Parker & Rea, 1989

144
Géologie des argiles Chapitre 10 Environnement

Généralement, un site de décharge est subdivisé en petites unités ou cellules, avec chacune un système
de collecte et de contrôle des lixiviats (Fig. 10.11). Les déchets sont déposés, compactés puis couverts
quotidiennement par une couche d’argile ou d’un autre matériel pour éviter un transport par les vents,
limiter la circulation d’eau et éviter les infestions par les rats. Lorsque le remplissage est complet, la
cellule est scellée par un couvercle en matériau composite ou non et une nouvelle cellule est utilisée.
Ensuite lorsque les opérations sont terminées, une couverture végétale est installée pour permettre le
réaménagement du site.

Figure 10.11 – Rôle des argiles dans la construction de centre d’enfouissement technique :
Remplissage des décharges – Parker & Rea, 1989

Le choix du site dépend de la géologie du substrat. Parfois, il est nécessaire d’installer un


liner constitué d’argiles naturelles (1 cm d’épaisseur ou moins), de bentonites sodiques (bentonites du
Wyoming) ou d’un composite bentonite-géotextile. La bentonite est un matériel cher. Généralement
8% de bentonites sont mélangées à du matériel provenant du sol ou substrat local. Ce mélange va
constituer une couche de plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur. Dans le matériel composite, la
bentonite est intercalée entre 2 couches de géotextiles.
Des études de la réactivité d’argiles naturelles exploitées dans trois gisements en Belgique
(Soignies, Kruibeke, Tournai) ont été réalisées dans le cadre d’une action de recherche concertée
(ARC) coordonée par l’Université de Liège (prof. R. Charlier, GEOMAC). Des études expérimentales
sur le comportement des argiles vis-à-vis des lixiviats ont été réalisées en parallèle avec le suivi
d’échantillons naturels prélevés dans les décharges. L’objectif de ces études, intégrant approche
fondamentale et appliquée, était de définir des normes pour sélectionner le matériel argileux utilisé
pour la construction de futurs centres d’enfouissement technique.

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