Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
PLAN
A/ Intérêts scientifiques.
B/ Intérêts pétroliers.
CONCLUSION
Bibliographie
Introduction
Ce sujet est particulièrement vaste, car les argiles, on le verra, constitue une famille de
minéraux très diversifiée, et leurs utilisations, surtout aujourd'hui, sont tout aussi
variées. On n'en indiquera ici que quelques-unes. Mais on peut noter immédiatement
que les argiles, en tant que matériau d'origine des poteries et des briques, représente
sans doute, après la pierre taillée ou polie, et le bois, l'un des tout premiers matériaux
naturels utilisé par l'espèce humaine.
Il nous faudra d'abord définir les argiles, ce qui peut déjà se faire de plusieurs
manières selon que l'on parle d'argiles en tant que minéraux ou en tant que roches
contenant majoritairement lesdits minéraux. La description des minéraux argileux
permettra d'en dégager les principales propriétés, qui éclaireront les utilisations de ces
matériaux. On abordera ensuite leurs modes de formation, en remarquant que les
minéraux argileux sont exclusivement cantonnés à la partie la plus superficielle de la
croûte terrestre. Ce n'est qu'ensuite que l'on détaillera certains intérêts des argiles.
Caractères généraux.
On parle, dans le langage courant, d'argiles, pour désigner des roches sans cristaux
visibles, donc constituées de particules très fines, et aux propriétés mécaniques
particulières, notamment en présence d'eau: elles ont un contact collant, absorbent
l'humidité, et sont alors plastiques (malléables).
Cette particularité sert aussi de première base pour une définition plus rigoureuse.
2) Définition granulométrique.
Les échelles granulométriques, qui définissent les particules constitutives des roches
sédimentaires selon un critère de taille, sont nombreuses, mais identifient
généralement les argiles comme les particules les plus fines : la classification de
Wenthworth appelle argiles (clays ) les particules inférieures à3,9 micromètres (cf.
figure ci dessous ).
3) Caractéristiques chimiques et variétés.
En tant que roches sédimentaires, les argiles sont des mélanges de minéraux, dominés
par un type, dit minéraux argileux (cf. plus loin), auxquels elles doivent leurs
propriétés. Néanmoins, en fonction des autres minéraux présents,de la texture de la
roche, de son aspect ou de ses propriétés, de son contenu en matière organique, ou de
l'utilisation qu'en fait l'homme, de nombreuses catégories sont distinguées :
# D'après son usage par l'homme : argiles réfractaires, marnes à ciment, argiles
smectiques (terre à foulon, bentonites, argiles à dégraisser), etc...(cf. chap.3)
Enfin, une analyse chimique globale des roches argileuses peut se reporter sur un
diagramme triangulaire, mais cela ne permet pas de séparer différentes classes
d'argiles.
Ces cas sont cependant rares, d'où la nécessité de méthodes d'études spécifiques.
Cette méthode n'est pas exclusive aux argiles, mais s'y applique en priorité.
Elle consiste à envoyer un faisceau de rayons X sur les minéraux. Les minéraux
argileux sont composés de feuillets silicatés superposés : ceux-ci réfléchissent les
rayons X qui les atteignent sous une incidence donnée, et dans une direction donnée.
Pour un faisceau monochromatique de longueur d'onde donnée, λ, abordant, sous un
angle Θ une famille de plans atomiques, séparés les uns des autre d'une distance d
(distance réticulaire), les atomes diffusent cette onde dans toutes les directions et,
dans le cas où les rayonnements renvoyés par les plans successifs sont en phase,
l'intensité correspondante est suffisante pour être mesurée. La différence de
marche δ entre deux rayons réfléchis par deux plans consécutifs étant :
δ = OH + OH' = 2.d.sin Θ
1) Critères de classification.
# Nombre de feuillets :
Selon les minéraux, et les constituants qui se logent dans les espaces interfoliaires,
ceux-ci présentent des largeurs différentes.
# Kaolinite : C'est une phyllite 1/1 sans substitution. Le feuillet est neutre. La
distance de la surface d'un feuillet à celle du feuillet suivant est de 0,7 nm (7
angströms (Å)), sa formule est : Si2 Al2 O5 (OH)4 ou Si4 Al4 O10 (OH)8.
# Chlorites : leur structure est, là encore, semblable à celle des illites et des smectites,
mais l'espace interfoliaire est occupé par une couche d'hydroxydes de natures variées.
Cette couche octaédrique supplémentaire est stable, et l'équidistance réticulaire est
fixe, et de 1,4 nm.
# Minéraux argileux interstratifiés : dans ces minéraux alternent des feuillets avec des
espaces interfoliaires de largeurs différentes, déterminables seulement si cette
alternance est régulière. Ces minéraux sont les étapes de transformation d'un minéral
argileux à l'autre.
3) Classement récapitulatif.
Trois origines des minéraux argileux sont classiquement délimitées dans la littérature:
1) L'héritage.
Par ce terme, on désigne simplement les minéraux argileux présents dans une roche,
et que l'altération libère intacts, sans modification, dans le sol ou les formations
détritiques résultantes, ou des argiles formées à partir d'une autre roche et accumulées
dans celle étudiée.
Libération
roche-mère ---------> argiles
Cependant, il est rare que les minéraux argileux n'aient réellement subi aucune
modification, même limitée.
2) Les transformations.
Dans ce cas - ci, des minéraux formés auparavant, ou apportés d'ailleurs, subissent des
réarrangements de leurs réseaux silicatés, sans destruction complète de leur
organisation précédente. Ils évoluent ainsi vers un nouvel état d'équilibre, avec les
conditions locales du milieu dans lequel ils sont inclus.
On distingue, dans ces transformations, la dégradation, c'est-à-dire les processus allant
dans le sens de l'altération, autrement dit de l'apparition d'une structure cristalline
moins régulière, et d'une perte de substance. C'est un processus commun dans les sols.
(Remarque : ne pas confondre l'agradation, ici définie, et l'aggradation (avec deux g),
qui est un mode de croissance des systèmes sédimentaires au cours du temps, défini
par la stratigraphie séquentielle, correspondant à un équilibre entre le volume des
apports sédimentaires et l'espace disponible dans le bassin).
Dégradation ->
<- Agradation
3) Les néogenèses (ou authigenèses).
On rappellera simplement ici les grands traits de l'altération, avec les figures
suivantes :
On rappellera seulement ici les trois grandes étapes de l'hydrolyse selon son efficacité,
avec l'exemple classique de l'hydrolyse de l'orthose: l'hydrolyse constitue la principale
réaction de dégradation.
# Bisiallitisation.
Silice et cations basiques ne sont pas totalement lessivés. On aboutit à des phyllites
2/1 (montmorillonite, illite, vermiculite), caractérisées par la présence de cations
basiques interfoliaires (K+, Na+).
# Monosiallitisation.
Les cations basiques sont ici totalement éliminés, et une part encore supérieure de la
silice : il se forme des silicates argileux de type 1/1 :
---> Solution
# Allitisation.
C'est l'hydrolyse totale. Silice et cations échangeables sont entraînés tandis que
l'alumine précipite sur place. Ces produits accumulés sur place correspondent
couramment à des hydroxydes d'aluminium du type gibbsite ou boehmite.
L'altération des minéraux en argiles, entre autre par l'hydrolyse, dépend des conditions
climatiques : chaleur, qui accélère les réactions chimiques, pluviosité, vent et autres
agents mécaniques. En conséquence, les minéraux argileux issus de l'altération et qui
sédimentent, se répartissent selon une disposition zonale latitudinale, superposée à
celle des grands types de climats.
A/ Intérêts scientifiques.
1) Variations eustatiques.
Les particules argileuses étant les plus fines des cortèges détritiques, ce sont aussi
celles qui sédimentent le plus loin des côtes : En conséquence, les niveaux les plus
argileux des séries sédimentaires (de marges passives surtout) signent les épisodes de
niveau marin élevé. (Cf. stratigraphie séquentielle).
2) Reconstitution de milieux.
En supposant globalement applicable le principe de l'actualisme, en considérant l'effet
de la diagénèse, et d'après ce qui a été dit dans les précédentes parties, l'étude des
argiles d'une strate sédimentaire, ou d'un ensemble de strates de même lithologie, peut
donner des informations sur les roches-mères possibles (donc la présence d'un
orogène à proximité par exemple), le climat (cf. les paléo-cuirasses latéritiques, ou les
bauxites), le type d'altération dominant à l'époque, son intensité ou ses variations
d'intensité, l'éloignement entre le bassin sédimentaire et les roches-sources,...
Comme mentionné précédemment, les argiles sont les minéraux et les roches
majeures issues de la dégradation, puis du dépôt, des constituants des autres roches,
formées à plus grandes profondeurs (roches plutoniques et magmatiques):ce sont,
pour l'essentiel, les argiles qui ferment le "cycle géologique" et en représentent la
partie superficielle, issue de l'interaction lithosphère-atmosphère: par conséquent, les
mesures de flux de matières et/ou d'éléments chimiques doivent considérer en premier
lieu les transports et stockages sous forme d'argiles ou de minéraux argileux.
Cela n'implique pas que les argiles soient les modes principaux de transport ou de
piégeage pour tous les éléments chimiques : Ainsi, l'altération, donc la production
d'argile, a été considérée comme un facteur majeur pour la consommation
duCO2 atmosphérique, et on a donc tenté d'évaluer l'influence de l'augmentation des
flux de matières issue de l'érosion intense de l'Himalaya sur l'équilibre du cycle du
carbone. Or, des évaluations récentes (Nature, Letters, vol.390, Nov.97) indiquent que
le piégeage de carbone dans les sédiments du Golfe du Bengale, issus de l'érosion
himalayenne, résulterait surtout de l'enfouissement de carbone organique, plus que de
l'altération des silicates de la chaîne de montagne.
L'érosion (au sens large d'érosion mécanique plus altération chimique) peut se
résumer par l'équation :
Les auteurs de cet article ont montré la réalité et la rapidité de ces réactions dans des
sédiments marins anoxiques du delta de l'Amazone.
Après avoir collecté, en différents points du delta, des sédiments, ils y ont enfoui et
fixé, en laboratoire, de petites quantités de substrats solides précis, présents
naturellement dans ces sédiments (kaolinite, grains de quartz, grains de quartz
recouverts d'oxydes de fer, billes de verre, chacun représentant un type des apports
constatés dans le sédiment: aluminosilicates, sable, débris latéritiques et silice
amorphe des frustules de diatomées vivant dans la colonne d'eau)
Chacun de ces substrats a été inclu dans un porte-objet en acrylique, recouvert d'une
membrane filtrante et d'un filet de nylon, le tout étant placé au centre d'une bouteille
en plastique remplie de sédiment et scellée sous atmosphère d'azote.
L'ensemble a été laissé 12 à 36 mois à 28° C, puis les échantillons ont été examinés au
microscope électronique à balayage: ils montraient en effet la cristallisation de
nouveaux minéraux aux dépends des substrats, dont la nature argileuse et le type exact
ont ensuite été déterminé par diffractométrie et analyse à la microsonde.
Il s'agit de minéraux argileux riches en potassium et en fer, assez proches de micas.
Les auteurs en tirent des estimations quantitatives sur l'importance de ces réactions, et
sur leur influence dans les bilans de matière, en particulier fer, potassium, et fluor.
L'impact réel de ces réactions sur les calculs de flux de matière, ou sur les quantités
contenues dans les réservoirs, demande cependant la confirmation du caractère global
de ces mécanismes, et de la possibilité de généraliser ces résultats, obtenus pour un
seul fleuve, à l'ensemble des apports fluviatiles à l'océan, même si les auteurs
rappellent que l'Amazone contribue déjà à environ 6% du total des particules
apportées annuellement par les fleuves aux océans.
Les compagnies pétrolières, dans leurs prospections, accordent une grande importance
à la localisation des bancs argileux dans les séries sédimentaires : en effet, ces
couches peuvent correspondre à des roches-mères de pétroles ou de gaz (issues d'une
boue riche en matière organique déposée en conditions anoxiques ou hypoxiques),
mais, surtout, elles représentent d'excellentes roches de couverture, c'est-à-dire des
couches imperméables, susceptibles d'avoir stoppé les hydrocarbures lors de leur
remontée depuis leur roche-mère sous-jacente, (du fait de leur faible densité).
L'imperméabilité des roches argileuses s'explique facilement par la compaction subie
lors de la diagénèse, qui aligne les feuillets des minéraux argileux, d'où une forte
réduction de la porosité de la formation. Les particularités des argiles expliquent aussi
les critères définis pour les localiser sur les sondages.
L'imperméabilité des argiles en fait aussi un matériau intéressant pour l'isolement des
déchets et le confinement des liquides qui peuvent se former au cours de leur
dégradation.
Le repérage des couches argileuses concerne aussi le génie civil, puisque ces couches,
si elles absorbent une trop grande quantité d'eau, lors de fortes intempéries par
exemple, commencent par devenir malléables et, au pire, perdent leur cohésion,
donnant ainsi des glissements de terrains, ou des coulées boueuses, appelées aussi
"laves torrentielles".
Ces coulées sont des mélanges eau-argiles-grains de toutes tailles (jusqu'à un mètre de
diamètre ou plus), au comportement mécanique particulier, qui les fait avancer sur de
grandes distances, malgré leur importante concentration en matière solide. Cette
concentration (jusqu'à plus de 85%) donne à ces laves un comportement de "fluide à
seuil", c'est-à-dire que la contrainte tangentielle nécessaire à leur mise en mouvement
doit être supérieure à une valeur seuil [au contraire de l'eau, par exemple, que la plus
faible force suffit à déplacer]. L'écoulement nécessite donc une pente suffisante.
Là encore, les particules argileuses ont un rôle déterminant, car, pour une même
concentration solide, la viscosité est d'autant plus forte que la granulométrie est
faible, donc que la quantité d'argiles est importante.
Cet exemple illustre bien les problèmes encore posés, pour le génie civil, par les
roches argileuses et leurs modifications sous l'effet des intempéries ou des séismes qui
peuvent les déstabiliser. D'autre part, l'étude de ces phénomènes est aussi nécessaire à
la compréhension de phénomènes similaires, comme les coulées turbides sous-
marines, qui ne présentent pas de danger pour les populations humaines, et intéressent
surtout les sédimentologues.
Les argiles sont une part importante des sols (cf. plus haut), où elles contribuent à
l'apparition d'une structure complexe, le complexe argilo-humique. Il provient de la
formation de liaisons électrostatiques entre les minéraux argileux et la matière
organique du sol, en particulier les acides humiques, à l'aide, de plus, de cations
comme les ions calcium. [Ces ions assurent la floculation des argiles, c'est-à-dire la
formation de micelles neutres par association des cations et des feuillets argileux
chargés négativement]. Le tout donne au sol une structure grumeleuse, stable et
favorable pour l'agronome.
Seuls les grands types d'interactions acides humiques-argiles sont rappelés dans la
figure ci-dessous.
De plus, cette liaison de cations aux argiles en fait aussi un réservoir d'éléments utiles
aux plantes, qu'elles leur restituent lentement.
Du fait des deux premières propriétés décrites ci-dessus, les argiles ont été, dès les
premières civilisations, les matériaux de base, en particulier pour la construction (la
fameuse tour de Babel, et autres ziggurats du Moyen-Orient, étaient constituées de
briques d'argiles), et pour les objets utilitaires. Encore actuellement, l'argile est le
matériau de base pour la création de briques, tuiles, carrelages, céramiques
industrielles, robinetteries, porcelaines, faïences, poteries, etc...
Une argile pure, essentiellement constituée de kaolinite, donne après cuisson (par des
réactions de déstabilisation et réarrangements cristallins, analogues à celles d'un
métamorphisme de contact), un corps dur mais poreux et rayable par l'acier, de faible
résistance mécanique (ces argiles sont utilisées pour la fabrication de produits fins,
type faïences et porcelaines, après mélange avec d'autres produits).
Par contre, les argiles moins pures contiennent des éléments dits "fondants"(que l'on
peut aussi ajouter, sous forme de chaux, potasse, soude, feldspaths,...) : ces éléments
sont susceptibles de fondre aux températures appliquées, donnant alors des silicates de
viscosité variables. Dans certains cas, on assistera donc à une brutale baisse de
viscosité, permettant un façonnage à chaud, dans d'autres, les silicates se vitrifient
lentement, sans ramollissement, et comblent alors les pores (ces processus
s'apparentent à ceux rencontrés naturellement au cours de l'anatexie). La présence de
ces fondants assure donc le développement d'une phase vitreuse qui rigidifie
l'ensemble en liant les éléments cristallins.
Il n'est pas question de décrire ici les variétés des "poteries" et céramiques. On se
reportera pour cela aux articles correspondants de l'Encyclopedia Universalis.
Les propriétés absorbantes des "argiles smectiques" sont mises à profit depuis
longtemps par les drapiers (terre à foulons) et les huileries (argiles à dégraisser). On
peut aussi mentionner, par exemple, la terre de Sommières, une argile commercialisée
pour effacer, par absorption, les tâches de graisse sur les textiles.
D'autre part, la finesse, et l'état très divisé des argiles, en fait des filtres et des
catalyseurs employés dans l'industrie chimique. Dans le secteur recherche de la
chimie, on cherche aussi à utiliser les argiles pour piéger entre leurs feuillets des
substances chimiques, afin de les stabiliser, et d'augmenter les rendements des
réactions chimiques, ou d'orienter les molécules afin de privilégier une réaction par
rapport à une autre.
CONCLUSION
A travers cet exposé, on a pu mettre en évidences les singularités des argiles, tant sur
les plans structuraux et génétiques que pour les bénéfices que l'Homme peut tirer de
leur exploitation.
Sous des aspects plus pratiques, si l'emploi des argiles en tant que matériaux de
construction de base tend à diminuer dans les sociétés industrialisées, elles
représentent encore une matière première aux usages multiples, certains tous récents
(dans l'industrie chimique par exemple). De plus, on s'y intéresse actuellement pour
leurs capacités à piéger les métaux lourds et pour leur imperméabilité, et par
conséquent pour leur emploi dans le stockage de déchets hautement toxiques ou
radioactifs, ou, plus simplement, pour éviter le lessivage des fluides, issus de
l'évolution d'une décharge d'ordures, susceptibles d'aboutir à la pollution des nappes
phréatiques ou des alimentations urbaines.
Mais leurs usages se sont maintenant multipliés, du fait de leur diversité naturelle bien
sûr, mais aussi grâce à la possibilité actuelle de synthétiser artificiellement des
matériaux argileux aux propriétés contrôlées.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES
ARTICLES ET REVUES