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Récit de Situation Clinique Authentique n°2

Claire Gasnier

Cas d'une consultation en solo, autour de problèmes de sante concernant les spécificités de
l'enfant et de l'adolescent.

Présentation de la situation :
Il s’agit d’une de mes premières consultations en solo. Entre dans le cabinet un jeune
homme de 17 ans accompagné de sa mère. C’est la mère qui prend la parole pour évoquer le
motif de la consultation, elle m’annonce rapidement : « mon fils veut prendre du poids, il
n'existerait pas quelque chose (sous-entendu un médicament) pour ça ? ». Je ne m’attendais
pas à ce type de demande, j’ai été relativement déstabilisée et je me suis sentie plutôt
démunie devant une demande plutôt inhabituelle et qui m’est apparue plutôt incongrue sur
le moment. Physiquement le patient est plutôt élancé, il mesure 1.74 m et pèse 52 kg, soit
un IMC à 17.18. Sa maman est de gabarit standard.

J’interroge alors le patient sur son mode de vie, ses habitudes alimentaires et sur ses
motivations vis-à-vis de cette demande. J’apprends que ce jeune homme se sent mal dans
son corps. Il m’informe qu’il souhaiterait que je lui prescrive quelque chose qui lui permette
de prendre rapidement du poids, car il se trouve trop mince, pas assez carré/musclé. Il me
dit aller à la salle de sport 2 à 3 fois par semaine, et consommer essentiellement des glucides
simples à assimilation rapide, ainsi que des produits riches en lipides, mais sans résultats sur
son physique. Sur le moment je n’ai pas pensé à l’interroger sur la prise de compléments
alimentaires type complément hyper-protéinés comme on peut en trouver dans les salles de
sport. Etant donné la présence de sa mère, je me suis sentie gênée pour l’interroger plus en
détails sur son ressenti vis-à-vis de son physique, a-t-il été l’objet de moqueries, de
brimades ? Je l’ai tout de même interrogé sur le physique de son père et des proches, il
m’apprend que son père est comme lui, ainsi que ses oncles. Par manque d’expérience, je
n’ai pas non plus questionné le patient sur ses relations avec son père, et pourquoi il est
gêné par le fait de lui ressembler.

J’ai expliqué au patient et à sa mère qu’il n’existait pas de médicament miracle qui
permettait de prendre du poids, que son physique était en grande partie due à la génétique,
que son alimentation n’était probablement pas la plus saine ni la plus adaptée. La maman
me dit qu’étant donné qu’il n’y a pas de traitement, est-ce qu’il serait possible de voir une
diététicienne. Je l’informe sur les modalités et sur le fait qu’il n’y aura pas de prise en charge
par la sécurité sociale. Cela semble poser un problème pour la mère du patient. Je prépare
donc un courrier afin d’adresser le patient vers un médecin nutritionniste, ce qui semble
répondre à l’attente du patient et de sa maman.

Questions soulevées par cette situation


- De quelle façon aurais-je pu procéder afin d’arriver à interroger le patient seul ? En
effet, je regrette de ne pas avoir pensé à demander à la mère de sortir.
- Le problème de la relation mère/fils – parent/enfant : on peut se questionner sur la
présence de la mère à la consultation et au fait qu’elle assiste à l’examen clinique de

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son fils, déshabillé. Respect du corps et de l'intimité ? Sa mère ne l’a pas « vu »
grandir et évoluer ?
- Pourquoi ce jeune homme ne veut pas ressembler à son père ?
- Quelles sont les représentations de la maigreur / du muscle, pour le patient, pour la
société en général ?
- Comment aborder les questions d’alimentation / de diététique en consultation ? Vers
qui adresser le patient ?
- Interroger le patient sur sa pratique sportive plus en détails, et sur l’éventualité de la
prise de protéines
- Quel type de « médicaments »/« traitement » cette famille était-elle venue chercher
en consultation, qu’ont-ils entendu ou vu/lu sur Internet ? Quels mésusages
existent ?

Développement :
Prise en charge des adolescents
A la fin de la consultation, la première chose qui m’a interpellée et au sujet de
laquelle j’ai pu échanger avec la praticienne qui m’encadrait était que j’avais l’impression
d’être passée à côté d’une occasion d’essayer d’aborder des problématiques plus
personnelles avec le patient. Je me demandais alors comment j’aurais pu proposer à la mère
de sortir de la pièce, et comment cette demande aurait été reçue par le patient et sa mère.
J’aurais pu proposer de faire sortir la mère au moment de l'examen clinique, en
argumentant sur la question de l’intimité, ou pour une partie de la consultation. Une autre
possibilité aurait été de proposer au patient de se revoir seul ultérieurement, en cas de
réticence du parent à sortir de consultation ou de réaction de malaise chez l’adolescent.
Le fait de voir le patient seule m’aurait permis d’essayer de chercher à libérer la
parole du jeune homme, cependant chez l’adolescent la discussion est souvent difficile et il
n’est pas sûr que le fait de le voir seul lui ai permis de communiquer (les adolescents ne
parlent pas/peu). Le fait de le voir seul permet de le mettre en autonomie / confiance, tout
en essayant de conserver la confiance du parent. Si le parent sort de consultation, il est plus
facile d'aborder différents sujets avec l'adolescent, comme l'existence d'un mal-être et si oui,
depuis quand et a quelle intensité, l'humeur, les comportements suicidaires, le sommeil et
l'appétit, l'environnement social du jeune (amis/ école/ activités extra-scolaires/ réseaux
sociaux...), les comportements à risques (tabac, alcool, sexuels, autre...), l'ambiance
familiale...
Le patient étant mineur, il faut cependant toujours prendre en compte l’autorisation
parentale.
La majorité des consultations des adolescents se fait à la demande des parents,
même à 18 ans, les 2 tiers des rendez-vous sont sollicités par les parents. Selon une étude de
la revue du praticien, datant de 2005, à 18 ans, 51% des filles et 61% des garçons viennent
accompagnées, avec un motif discuté préalablement avec les parents. Le motif de
consultation est essentiellement somatique (75 %), mais aussi administratif ou préventif (19
%) et rarement psychologique (6 %), alors que syndrome dépressif touche environ 32 % des
jeunes. La difficulté des consultations avec les adolescents est le fait que le dialogue
s’articule autour de 3 pôles : l’adolescent, son/ses parent(s) et le médecin. Les parents
représentent l’autorité, l’adolescent est en quête d’autonomie. La demande de l’adolescent
est souvent imprécise et incomplète, il va volontiers laisser l’accompagnant exposer la

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problématique et répondre aux questions concernant l’anamnèse. De plus la plupart des
jeunes pensent que le médecin traitant se cantonne le plus souvent au soin somatique.
L’adolescent a tendance à être très sensible au comportement du médecin, à son attitude.
L’adolescent est en général timide dans ses réponses et pudique lors de l’examen clinique,
mais d’un autre coté il va souhaiter que le médecin devine ce qu’il ressent et s’intéresse à lui
personnellement. C’est pourquoi, en fin de consultation, les adolescents peuvent avouer un
sentiment de frustration. Ils déclarent n’avoir pas dit tout ce qu’ils souhaitaient dans 30 %
des cas et jusqu’à 45 % dans les groupes à risques. De son côté le praticien consulté est
avant tout un adulte avec un vécu personnel de l’adolescence qui peut interférer sur son
rôle professionnel. La plupart des généralistes sous-estiment le risque suicidaire de
l’adolescent. Les conduites à risque peuvent être particulièrement difficile à identifier. Le
médecin généraliste va avoir tendance à attendre un état dépressif pour évoquer un risque
suicidaire, or, la moitié des suicides mortels ont lieu en dehors d’un état dépressif
caractérisé.
Le médecin généraliste peut utiliser le temps de la consultation pour essayer
d’instaurer un climat de confiance avec l’adolescent. Cela pourra être facilité par
l’ancienneté du suivi et la fréquence des consultations. Le choix du tutoiement ou du
vouvoiement n’est jamais anodin, le but étant d’arriver à garder la bonne distance. Le
tutoiement est plus protecteur, familier, bienveillant, il rapproche et rassure, mais peut être
vécu comme intrusif ou peu respectueux. Le vouvoiement témoigne du respect mais met à
distance. Le plus important est de se sentir à l’aise et de trouver la bonne distance
relationnelle, permettant de montrer son empathie et son intérêt pour l’adolescent. Le plus
simple est probablement d’en convenir directement avec l’intéressé. Devant les difficultés,
l’adolescent réagit fréquemment avec des conceptions binaires qui conduisent à des
impasses, discuter avec lui en lui proposant d’autres choix possibles peuvent l’aider à
évoluer.
Depuis quelques années des outils ont émergés afin de faciliter l’ouverture du
dialogue et du dépistage d’un éventuel mal-être ou du risque suicidaire chez l’adolescent.
Lors de la consultation le médecin généraliste peut saisir les occasions pour élargir le
contenu lors de 4 moments qui y sont particulièrement adaptés : l’exposé du motif, la
présence du tiers, l’examen clinique et les questions de l’entretien.
« Lors de l’exposé du motif, il s’agit de proposer une ouverture par une allusion du
type : « à part ça », « oui, mais encore ». Cette simple évocation multiplie par 4 la fréquence
d’abord psychologique au cours de toute consultation.
À propos de l’accompagnant, il suffit d’intégrer le sens de sa présence ou de son
absence et de se positionner avec 2 questions : « Qui demande quoi et pour qui ? » puis : «
Que dire à qui, comment et pourquoi ? ». Faire sortir ou entrer les accompagnateurs ne
relève d’aucune règle universelle tant les situations sont variées. L’important est de penser
ces 2 questions en aménageant une autonomie et une confidentialité progressives entre 12
et 18 ans. Intervenir activement introduit un changement relationnel qui peut avoir valeur de
rite de passage. C’est, soit matérialiser un premier entretien à 2, soit clarifier la place de
l’adolescent vis-à-vis de l’accompagnant par une valorisation de sa parole. Mais cette
vigilance peut aussi se manifester en l’absence du tiers, surtout chez les plus jeunes, auprès
de qui il sera opportun de recueillir le vécu de cette absence, fuite ou confiance. L’important
est d’établir un acte professionnel qui ne laisse pas le praticien soumis à un système familial
délétère.

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Lors de l’examen clinique, il s’agit de profiter de ce moment pour générer un échange
en commentant l’examen. Quatre-vingt-onze pour cent des consultations d’adolescents font
l’objet d’un examen clinique. Ce moment privilégié peut dépasser le simple recueil de
données pour contribuer à familiariser l’adolescent avec son corps et son évolution. Même
avec un adolescent très pudique, cette approche corporelle participe à l’augmentation de
l’estime de soi.
Lors des questions d’investigations, il est indispensable d’effectuer un test rapide
d’exploration du mal-être. Le « TSTS » a été validé en consultation courante pour approcher
la possibilité d’antécédents suicidaires. Il consiste à aborder 4 thèmes en formulant au cours
de l’entretien les questions d’ouverture suivantes :
– Traumatologie: « As-tu déjà eu des blessures ou un accident (même très anodin)
cette année ? »
– Sommeil: « As-tu des difficultés à t’endormir le soir ? »
– Tabac: « As-tu déjà fumé ? (même si tu as arrêté) »
– Stress: « Es-tu stressé (ou tendu) par le travail scolaire ou par la vie de famille, ou
les deux ? ».
Ces 4 thèmes forment le sigle TSTS.
À chaque réponse positive obtenue, il est alors proposé une question complémentaire
introduisant un niveau de gravité à partir de 5 « mots clés » :
– sommeil ➪Cauchemars: « Fais-tu souvent des Cauchemars ? »
– traumatologie ➪Agression: « As-tu été victime d’une agression physique ? »
– tabac ➪Fumeur quotidien: « Fumes-tu tous les jours du tabac ? »
– stress scolaire ➪Absentéisme: « Es-tu souvent Absent ou en Retard à l’école ? »
– stress familial ➪Ressenti Désagréable familial « Dirais-tu que ta vie familiale est
désagréable ? »
Ces 5 mots-clés forment l’acronyme CAFARD.
Deux réponses positives à deux questions différentes concernent la moitié des
adolescents ayant eu des idées suicidaires et légitiment le médecin à s’enquérir de problèmes
de mal-être actuel ou passé. Trois réponses positives au «cafard» concernent la moitié des
adolescents ayant fait une tentative de suicide. »
Si au cours de la consultation un mal-être est dépisté, le médecin généraliste se doit
d’intervenir, tout gardant à l’esprit que l’objectif est d’aider l’adolescent à passer le cap.
Tout d’abord le généraliste doit s’engager en donnant son point de vue sur la situation, puis
le confronter à celui de l’adolescent, en sachant reformuler. Ensuite, il est important de
favoriser le lien en fixant avant le terme de la consultation un rendez-vous pour le revoir,
sans attendre une demande de sa part. Plus la situation apparaitra grave, plus sera
nécessaire de diminuer le délai de la prochaine consultation. Cette attitude permet de
montrer à l’adolescent son intérêt et introduit la relation dans la durée, tout en évitant
d’allonger le temps de consultation. Lors de la consultation suivante, le médecin peut
reprendre les champs ouverts par le TSTS et ainsi aborder la problématique sur plusieurs
consultations :
– la petite traumatologie introduit aux antécédents somatiques ;
– le sommeil ouvre à l’abord des rêves, des envies, de la vie psychique, des
croyances;
– le tabac introduit au mode de vie, aux éléments qui procurent du plaisir au jeune,
et à la vie sexuelle (en effet entre 14 et 17 ans, la consommation de tabac est très corrélée à
la précocité de l’expérience sexuelle);

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– l’évocation du stress scolaire amène à discuter du travail, de la projection dans
l’avenir et des relations avec les copains.
– Enfin, parler de la famille permet de discuter de ses représentations vis-à-vis de sa
future vie d’adulte, des changements peuvent avoir eu lieux et de son vécu.
Une évaluation des ressources personnelles et environnementales de l’adolescent est
une première étape. La réalisation d’un arbre généalogique peut être proposé au patient,
sur lequel il peut ajouter des commentaires en insistant sur ceux de son quotidien et les
personnes ressources en qui il a confiance. Ne pas omettre d’aborder également la question
des territoires et de ses représentations par la question : « Dans ta chambre, es-tu chez toi,
ou chez tes parents ? ». Posée de même au parent présent, elle permet de mettre en
évidence les différences de représentation de chacun. Ce temps passé sur la reflexion
conjointe sur les divers éléments de son quotidien et de son ressenti, va permettre à
l’adolescent de s’exprimer sur lui-même. Cela pourra éventuellement préparer le jeune à
poursuivre chez un psychologue ou un psychiatre selon la gravité de la situation.

Question des régimes hyper protéinés :


Les protéines sont indispensables dans le métabolisme, elles ont de nombreux rôles,
ce sont les enzymes indispensables au fonctionnement de l’organisme, les
immunoglobulines, le transport de molécule, les protéines de structure, elles ont un rôle
dans le maintien de la pression oncotique. Etant constituées de chaines carbonées, elles
peuvent servir de source d’énergie en cas de jeûne très avancé et dans certaines situations
pathologiques entrainant une augmentation de la dépense énergétique et un
hypercatabolisme azoté (cancers, brulures, sepsis, polytraumatisés, chimiothérapie,
radiothérapie, plaies, escarres…).
Concernant les différents aliments sources de protéines, on retrouve les produits
laitiers (3-30%), les produits animaux (viande, volaille, gibier, poisson, fruits de mer, abats,
charcuterie, jambon) (12-30%), les œufs (12-15%), les céréales (10%), les légumes secs (7-
8%), les féculents (2%). Les besoins moyens quotidiens en protéines sont de 0.66g/kg/j, soit
de 0.45 (-2DS) à 0.75 (+2DS). Ainsi l’apport moyen de protéines recommandé par jour chez
un individu adulte de moins de 60 ans non obèse, non sportif, ayant une fonction rénale
normale et suivant un régime non restreint est de 0,8 g/kg/j (chiffre qui permet de couvrir
les besoins de 97,5% de la population générale). Des apports compris entre 2,2 et 3,5 g/kg/j
seront considérés comme élevés et des apports supérieurs à 3,5 g/kg/j très élevés : ces seuils
ont été déterminées à partir de la capacité maximale d’adaptation de l’uréogénèse chez
l’adulte (pour un homme de 70 kg). L’apport moyen actuel en France tourne autour de 1,2-
1,5 g/kg/j (on est loin de la carence…)
Les régimes hyperprotéinés sont principalement utilisés dans un but amaigrissant. En
effet ce sont des régimes déficitaires en autres macronutriments (glucides et lipides). Ce ne
sont pas les protéines qui font maigrir, c'est la diminution d'apport des lipides et glucides qui
provoque la perte de poids, les protéines permettent uniquement d'assurer les fonctions
vitales de l'organisme. Le corps n’a pas d’autre choix que de puiser dans les réserves de
masse grasse déjà présentes pour trouver une source d’énergie puisque les protéines ne
donnent pas (ou peu) d’énergie mais servent de « briques de construction » pour le corps
Quelles sont les conséquences physiologiques d’un regime hyperprotéiné ? Tout
d’abord il présente un risque d’hyperammoniémie délétère pour le fonctionnement
cérébral. De plus il est connu qu’une trop grande consommation de viande rouge est un
facteur de risque de cancer colorectal. Les régimes riches en protéines animales favorisent
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l’hyperoxalurie, l’hypocitraturie, l’hyperuricurie et l’hypercalciurie; toutes responsables
d’une augmentation du risque de lithiases urinaires (cf collège de la société française
d’urologie). En cas d’excès de protéines (> 2 g/kg/j), les substrats protéiques en excès ne
sont pas stockés, ils sont éliminés par oxydation et favorisent l’hyperuricémie (risque accru
d’insuffisance rénale, d’acidose métabolique, de goutte, d’encéphalopathie due à la
libération d’ammoniac), augmentation de la thermogénèse, sans pour autant contribuer à la
synthèse protéique.
Les indications médicales d’un régime enrichi en protéines sont restreintes à des
situations bien particulières : grands brûlés, patients atteints de cancers, patients dénutris,
toute situation de stress pour l’organisme qui nécessite de couvrir les pertes azotées liées à
l’hypercatabolisme (objectifs protéiques jusqu’à maximum 2g/j).
Selon l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (2007), une limite
supérieure de sécurité n’est déterminée pour aucun des acides aminés. A ce jour, aucune
donnée scientifique ne permet d’affirmer que les apports d’acides aminés inclus dans les
protéines, même avec des apports protéiques élevés, puissent atteindre des niveaux de
toxicité chez l’homme sain. Cependant, on ne peut garantir l’absence de toxicité d’un apport
en acides aminés libres à des doses supra-nutritionnelles, compte-tenu de l’absence de
données sur les limites supérieures de sécurité et des risques de déséquilibre métaboliques
et physiologiques associés à ce type d’apport. Chez l’homme sain, il n’y a pas d’intérêt avéré
à apporter des acides aminés libres à des doses supra-nutritionnelles, c’est-à-dire des doses
d’acides aminés ne pouvant pas être apportées par une alimentation diversifiée et
équilibrée.
Cependant, dans le cas des sportifs, les compléments nutritionnels utilisés vont au-
delà des régimes hyperprotéiques. En 2014, l’Anses s’est auto-saisie pour la réalisation d’une
expertise concernant les risques liés à la consommation de compléments alimentaires
destinés aux sportifs visant le développement musculaire ou la diminution de la masse
grasse. Les résultats de cette expertise ont été publiés en 2016. Depuis la mise en place du
dispositif national de nutrivigilance en 2009 et jusqu’au 16 février 2016, quarante-neuf
signalements d’effets indésirables susceptibles d’être liés à la consommation de
compléments alimentaires destinés aux sportifs ont été portés à la connaissance de l’Anses.
Dix-sept de ces signalements sont suffisamment complets pour pouvoir faire l’objet d’une
analyse d’imputabilité. Les effets indésirables rapportés dans ces cas sont majoritairement
d’ordre cardiovasculaire (tachycardie, arythmie et accident vasculaire cérébral) et
psychiatriques (troubles anxieux et nervosité). Huit cas d’effets indésirables sont
d’imputabilité vraisemblable. Si ce type de compléments alimentaires est traditionnellement
utilisé par les culturistes, la consommation tend à se développer dans d’autres disciplines
sportives. Par ailleurs, comme il semble que cette pratique soit de plus en plus encouragée
sur les forums et par les produits bien visibles sur internet, les consommateurs sont très peu
susceptibles de bénéficier d’un encadrement médical ou de conseils de professionnels de
santé. La plus part des sportifs ne se contentent pas de la prise d’un complément
alimentaire, mais ont souvent recours à des « cocktails » de compléments alimentaires avec
pour objectif de majorer les effets attendus de chacune des substances.
Bien qu’interdits en France, plusieurs compléments alimentaires utilisés par les
sportifs contiennent des stéroïdes anabolisants de synthèse (testostérone et dérivés), ainsi
que du clenbutérol un agoniste des récepteurs β-adrénergiques utilisé comme médicament
bronchodilatateur à usage vétérinaire et détourné par certains sportifs pour ses effets
supposés anabolisants et lipolytiques.

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Les principales substances présentées comme ayant des effets sur le développement
de la masse musculaire ou la fonte de la masse grasse présentent des effets indésirables
parfois graves, principalement cardiovasculaires, neuropsychiatriques, hépatiques et rénaux.
Ces substances sont cependant très souvent associées dans un même complément
alimentaire ou associées par les consommateurs eux-mêmes, ce qui rend difficile la
détermination des imputabilités respectives. Certaines substances ont des effets
potentialisateurs connus lorsqu’elles sont associées (synéphrine et caféine par exemple)
mais il est fort probable que les interactions entre substances soient encore plus complexes,
expliquant certains des effets indésirables observés. Il n’a été décrit aucun décès imputable
à ces substances en France.
Chez les enfants et les adolescents, les stéroïdes anabolisants peuvent être
responsables d’arrêt de la croissance ou d’infertilité. La consommation de caféine chez les
enfants et adolescents est de nature à entraîner des troubles du sommeil, entraînant une
fatigue et une somnolence diurne, alors même que l’activité physique devrait avoir pour
effet d’améliorer la qualité du sommeil (Anses 2016). Par ailleurs, un sommeil de mauvaise
qualité affecte les capacités cognitives et les performances scolaires. Une dette chronique de
sommeil a pu être associée à la survenue de pathologies somatiques (hypertension, maladies
cardiovasculaires, diabète, obésité) et de troubles psychiatriques (anxiété, dépression). Une
dette de sommeil, ainsi que la précocité de la consommation de substances psychoactives
comme la caféine peut favoriser l’évolution vers une conduite addictive.
Au total, les recommandations de l’ANSES sont les suivantes :
« 
- Les compléments alimentaires destinés aux sportifs sont déconseillés chez les sujets
présentant des facteurs de risque cardiovasculaire ou souffrant d’une cardiopathie ou
d’une altération de la fonction rénale ou hépatique.
- Ils sont déconseillés chez les enfants, les adolescents, les femmes enceintes ou
allaitantes.
- Les compléments alimentaires destinés aux sportifs contenant de la caféine sont
déconseillés chez les sujets adultes sensibles aux effets de cette substance.
- La consommation concomitante de plusieurs compléments alimentaires ou leur
association avec des médicaments est déconseillée.
- La consommation de compléments alimentaires destinés aux sportifs doit être
signalée à son médecin et son pharmacien.
- Les sportifs doivent être particulièrement attentifs à la composition des produits
consommés et privilégier les produits conformes à la norme AFNOR NF V 94-001
(juillet 2012).
- Les consommateurs et les intermédiaires de vente doivent privilégier les circuits
d’approvisionnement les mieux contrôlés par les pouvoirs publics (conformité à la
réglementation française, traçabilité, identification du fabricant).
- Des études complémentaires sur le devenir dans l’organisme et la toxicité à long
terme des extraits de plantes et de certaines substances présents dans les
compléments alimentaires destinés aux sportifs sont nécessaires.
- Une amélioration de la coopération internationale sur la surveillance des effets
indésirables associés à la consommation des compléments alimentaires destinés aux
sportifs doit être mise en œuvre.
»

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Conclusion
Au vue de l’ensemble de ces informations, il me semble que la question d’une prise
alimentaire de protéines ou compléments alimentaires aurait pu être abordée avec le
patient et sa mère afin de lui fournir des informations claires et loyales sur le sujet. Les AA
apportés en excès par l’alimentation sont éliminés, il n’y a pas de stock. Les protéines ne
sont pas source d’énergie, elles servent au fonctionnement de l’organisme. Un régime
exclusif en protéines expose à des carences en autres macronutriments mais aussi en
micronutriments. Au sein des pays développés, l’apport moyen journalier en protéines est
nettement supérieur aux besoins recommandés ; il n’y a donc pas (ou peu) de risque d’être
carencé en protéines. Les compléments alimentaires destinés aux sportifs contiennent
souvent de nombreuses substances dont l’origine n’est pas toujours contrôlée et pouvant
avoir des effets délétères sur le système cardio-vasculaire, ou des effets psychoactifs
pouvant aggraver une situation de mal-être chez un adolescent. Avoir ces connaissances
aurait pu me permettre d’aborder ce sujet avec le patient. Avec le recul, je pense que
j’aurais dû informer le patient des limites de mes connaissance dans ce domaine, j’aurais pu
lui expliquer que j’allais faire des recherches sur le sujet et le faire revenir par la suite pour
lui fournir des réponses.
Le patient est revenu en consultation 4 mois plus tard, sur un jour où je n’étais pas là.
Il a consulté pour des douleurs épigastriques et des nausées. Il a été pesé à 56.5 kg, soit une
prise de 4.5 kg (IMC : 18.7). Dans le dossier il n’y a pas de courrier du nutritionniste, je ne
sais donc pas si cette prise de poids est en lien avec une reprise alimentaire par un
nutritionniste ou si le patient a procédé autrement afin d’arriver à son but.
Je ne sais pas non plus si les questions d’un éventuel mal-être ont été exposées.
Cependant depuis cette consultation et suite aux recherches effectuées sur le sujet, je pense
que je serais plus à l’aise pour aborder la problématique des consultations des adolescents,
tout en restant vigilante sur les problématiques de mal-être en lien avec cette période
charnière de la vie d’un individu.

Champs de compétence abordés dans ce RSCA


→ N°2. Situation liée à des problèmes aigus/non programmés/fréquents/exemplaires.
→ N°4. Situation autour de problèmes de santé concernant les spécificités de l’enfant
et de l’adolescent.
→ N°6. Situation autour de problèmes liés à l’histoire personnelle, familiale et à la vie
de couple

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