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LES MÉTHODES
PÉDAGOGIQUES
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LES MÉTHODES PÉDAGOGIQUES

(Extraits de « Comment construire une session locale de perfectionnement »)


Antoine Le Roux
Michel Marmorat
1983
On emploie le mot méthode pour caractériser la démarche raisonnée
suivie pour parvenir à un but ; on pourrait dire aussi que c'est le
cheminement suivi pour aller d'un point à un autre. S'agissant de
pédagogie la méthode sera ce qui permet, à la fois, d'élaborer et de
décrire la démarche nécessaire pour faire passer le(s) formé(s) d'un point
de connaissance x à un point de connaissance y , d'un état à un autre.
Mais l’expression « méthode pédagogique " tend à souligner autre chose :
à savoir que le choix d'une méthode n'est pas neutre. La méthode retenue
ne fonctionne pas seulement comme un outil. Elle a en elle-même une
influence, elle est-elle même action pédagogique. La discussion n'est pas
close de savoir si cette influence est une visée ou seulement une
retombée. Néanmoins les formateurs sont nombreux à penser que
l'implicite d'une méthode est aussi important que son explicite, au point
que l'on affirme parfois que la manière d'apprendre a autant et peut être
même plus d'importance que ce que l'on apprend ( 1 ).
Retenir une méthode plutôt qu'une autre, ou seulement la recommander
supposerait donc une réflexion approfondie sur l'ensemble des choix
possibles. Dans ces quelques pages on s'en tiendra cependant à
l'indication de quelques caractéristiques essentielles.
Pour ce faire on abordera successivement les méthodes magistrales et les
méthodes actives.

1
Construire, par exemple, toute la scolarité en méthode active donne des élèves - des adultes donc -
qui ont une relation au savoir . . . et à l'autorité très différente de celle d'élèves éduqués selon une
méthode de type magistral.
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1- LES MÉTHODES MAGISTRALES


Par étymologie, est magistral (du mot latin magister, maître), ce qui est fait
ou donné par un maître. Les méthodes magistrales sont donc celles où la
connaissance est distribuée aux formés selon des initiatives ou des
modalités qui viennent essentiellement du formateur.
Celui-ci étant le maître de la connaissance délivre en quelque sorte le
modèle de ce qu'il convient d'acquérir. Les formés n'y parviennent pas
forcément du premier coup ; entre ce qu'ils acquièrent et le modèle, il
subsiste un écart, et l'action du formateur vise à réduire cet écart jusqu'à
le rendre inexistant.
Ceci explique que l'on dise également que ces méthodes sont des
pédagogies du modèle et de l'écart. Traditionnellement, on distingue trois
méthodes de cette nature : expositive, démonstrative, interrogative.
• La méthode expositive
- caractérisation
Cette méthode doit son nom au fait que le vecteur de transmission de la
connaissance est l'exposé, c'est à dire le développement oral d'un sujet,
en apportant tout le contenu, et donc à la fois l'information, la structure du
raisonnement et le résultat s'il y a lieu.
Il convient de noter qu'en soit un exposé n'est pas suffisant pour que l'on
puisse parler de méthode expositive. L'exposé est la partie qui permet de
distribuer l'information (2). Si on veut dépasser ce stade pour atteindre
celui de la formation (3) il faudra installer des procédures facilitant et
contrôlant le passage et la mémorisation du message. Ceci suppose que
la connaissance soit distribuée selon une progression (au cours d'une
session par exemple) et / ou selon une logique (le plan de l'exposé par
exemple). Mais ceci suppose aussi que soient instituées des procédures
de réalimentation du système, ce qu'on appelle le Feed Back : celui-ci
peut être assuré par des questions pendant la séance ou la session, mais
aussi par un système d'interrogations, de devoirs, d'exercices, d'examens,
etc.
- Indications pédagogiques les plus pertinentes
La méthode expositive peut être utilisée avec des groupes de toutes
tailles. Elle permet la transmission de tout ce qui se rapporte à la
connaissance des propriétés générales ou des éléments spécifiques, c’est
à dire au savoir. Elle permet aussi de transmettre des savoir-faire
accompagnés d'innovation, dans le domaine des savoir-faire intellectuels,
pourvu que soient prévus des exercices d'application.

2
Être informé c’est « savoir que . . . "
3
Être formé c’est « savoir pourquoi . . . "
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• La méthode démonstrative
- caractérisation
Cette méthode tire son nom du fait que le vecteur de la transmission de la
connaissance est la démonstration c'est à dire le fait de montrer, de ‘’ faire
montre de . . .". La méthode démonstrative en effet est celle qui consiste à
faire acquérir des connaissances relatives aux gestes et / ou aux modes
opératoires en effectuant devant les formés les opérations sensori-
motrices nécessaires (4).
Cependant la présence d'une démonstration dans une activité n'est pas
suffisante pour qu'on puisse parler de méthodes démonstratives. D'abord
parce que le mot " démonstration " est utilisé dans divers contextes (5).
Ensuite parce que, là aussi, pour être dans un cadre pédagogique il
faudra installer des procédures facilitant le passage et la mémorisation
des connaissances.
Le geste sera primordial mais sera néanmoins toujours accompagné de la
parole. L'ensemble de l'opération sera découpé en étapes, en phases et
en points clés (6). Mais surtout on fera faire et refaire l'ensemble des
opérations aux formés, jusqu'à l'acquisition par eux du bon geste. On voit
que dans cette méthode les procédures liées au contrôle sont intégrées
dans le déroulement même de chaque séance.
Il faut signaler que l'utilisation de la méthode démonstrative implique pour
chaque formé la mise à disposition d'un poste de travail ou d'un outillage,
et le passage à l'acte à la suite du formateur.
Indications pédagogiques les plus pertinentes

4
Sensori-moteur : qui concerne les organes, les sens et le(s) mouvement(s).
5
Malgré une ambiguïté de vocabulaire, la méthode démonstrative n'a rien à voir avec les ‘’
démonstrations " mathématiques, par exemple, qui sont une manière d'exposer la justesse d'un
raisonnement dans l'ordre des symboles, éventuellement à l'aide d'un support écrit.
Par rapport aux travaux ‘’ pratiques " effectués dans un certain nombre de disciplines ces travaux :
- sont un exercice de contrôle dans le cadre d'une méthode expositive ou interrogative s'il s'agit de
faire des applications d'un savoir dans des domaines de l'ordre conceptuel ou symbolique, par
exemple, en physique ou chimie, sans activité sensori-motrice ;
- se différencient de la méthode démonstrative s'ils sont une mise en situation active de recherche ou
de vérification expérimentale ;
- sont une application de la méthode démonstrative s'il s'agit pour les formés de savoir reproduire des
séries d'actes indiqués par le formateur.
6
Étape : l'étape est un point de découpage du cours, par lequel l'enseignant fait nécessairement
passer le groupe dans une progression logique. C'est le moment privilégié qui permet au formateur de
faire une synthèse partielle de ce qu'il vient d'exécuter.
Phases : dans un processus d'apprentissage logique, les phases sont le découpage d'une étape en
opérations simples. Chaque phase est un passage obligatoire dans la progression pour des raisons
d'efficacité.
Point-clé : ce qui à l'intérieur d'une phase conditionne l'exécution du travail dans les règles de l'art.
En plus de l'efficacité entre en jeu la notion de sécurité.
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La méthode démonstrative sera utilisable avec des petits groupes de


niveau plutôt homogène. Elle convient particulièrement aux esprits
procédant du concret vers l'abstrait, aux personnes à forte activité
physique habituelle.
Elle permet de faire acquérir le savoir-faire de l'ordre de l'opératoire
sensori-moteur. Tout ce qui concerne le conditionnement du geste, le
comportemental avec à la base une activité physique peut faire l'objet d'un
apprentissage par cette méthode ( 7 ).
• La méthode interrogative
- Caractérisation
Cette méthode doit son nom au fait que le vecteur de transmission des
connaissances est constitué par un enchaînement d'interrogations
formulées par le formateur à l'adresse des formés : ces interrogations
prenant la forme de questions d'anticipation (prédéterminées dans leur
rédaction et leur succession) et de questions d'improvisation (permettant
d'ajuster "en situation" le questionnement aux difficultés qu'éprouvent les
formés à répondre pertinemment).
On notera que dans cette méthode l'interrogation est utilisée pour faire
découvrir aux formés certaines connaissances qu'ils ignorent (8) mais dont
leur esprit possède les éléments. Les questions posées jouent donc un
rôle essentiel et pour cela chacune devra être précise et porter sur un
point précis ; l'ensemble des questions s'articulera sur un ordre logique.
Cette description de la méthode montre qu'ici les procédures de
progression et de contrôle de la séance sont intimement liées puisque le
formateur ne pose une question qu'autant que les formés ont répondu
correctement aux questions précédentes ( 9 ).
Indications pédagogiques les plus pertinentes
Cette méthode convient à des groupes d'une trentaine de participants (en
raison de l'incitation continue à prendre la parole) ; à des groupes dans
lesquels on est assuré que les éléments de réponse sont présents, donc à
des groupes bien étudiés quant à leur niveau ; à des groupes, enfin, dont
on peut penser qu'ils accepteront l'aspect contrôle intégré au jeu des
questions.
Elle permet de faire acquérir des savoirs, qu'il s'agisse de connaissances
de propriétés générales ou de connaissances d'éléments spécifiques. Elle
permet également l’acquisition de savoir-faire méthodologique ou de
savoir-faire intellectuel.
Par contre, il est bien évident que, cette méthode n'a rien d'une
pédagogie de la devinette, par exemple : elle ne conduira pas à découvrir
7
Il convient de bien noter que si tous les savoir-faire ne se transmettent pas par la
méthode démonstrative, celle-ci ne peut servir qu'à faire acquérir des savoir-faire de
l'ordre sensori-moteur.
8
Alors que dans la méthode expositive les questions servent à vérifier l'état des
connaissances, ce sont des questions de contrôle.
9
Cette dernière constatation conduit à penser à l'enseignement programmé qui est,
effectivement, une application de la méthode interrogative.
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une date historique, mais elle permettra de comprendre le pourquoi de tels


événements historiques, soit connus des formés, soit (et à défaut)
indiqués par le formateur.
Pour clore ces développements sur ces trois méthodes ( 10 ) on dira un
mot de ce qui a été nommé plus l'implicite de certains choix
méthodologiques.
Sans trancher sur le point de savoir si les effets en sont voulus ou
seulement acceptés, il faut convenir que cette famille des méthodes
magistrales - dans la mesure même où c'est le formateur qui guide,
impose, balise le travail des formés - induit les conséquences suivantes :
- attachement au volume des connaissances plutôt que capacité à
résoudre les problèmes ;
- dépendance par rapport à l'autorité et aux objectifs sociaux de
l'éducation;
- individualisme et esprit de compétition en relation avec la dépendance
par rapport au formateur ;
- transmission et maintien des valeurs et des normes sociales.

10
Il convient de signaler que certains auteurs proposent un type de méthode qu'ils
appellent méthode intuitive (cf. Piaget, J. Leif, G. Rustin). Ils désignent par là une
démarche pédagogique basée sur l'observation : l'enseignement intuitif serait
l'enseignement par les choses, par l'exercice des sens, à partir du concret. Il y aurait
intuition au sens philosophique du terme : connaissance directe comme par un
simple regard de l'esprit, sans l'intermédiaire d'une opération intellectuelle.
Là où les choses se compliquent c'est que certains pédagogues voient dans cette
méthode une simple variante de la méthode interrogative : l'enseignant en partant
des réalités concrètes amène l'élève par des questions à dégager l'idée abstraite, à
comparer, à généraliser, à raisonner.
D'autres pédagogues classent la méthode intuitive dans les méthodes actives : le
formé est mis, sur du matériau qui mobilise son intérêt, à même de découvrir par lui-
même les diverses conséquences d'un principe, ou les applications d'une règle.
En fait, l'enseignement par les choses présente bien des aspects divers et bon
nombre d'ambiguïtés. Le plus sage est sans doute de considérer que ces choses ne
sont que des auxiliaires pédagogiques, et que c'est la manière dont les formés sont
appelés à s'en servir qui permet de décider si on est dans le cadre d'une pédagogie
de type magistral ou dans celui d'une pédagogie de type active.
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2- LES MÉTHODES ACTIVES


A- Caractérisation générale
On appelle méthodes actives toutes celles qui cherchent à faire sortir les
progrès des connaissances et de la culture des formés, non d'une
distribution de celle-ci selon le bon vouloir du formateur, mais du propre
fonds psychique des formés, en éveillant leurs intérêts, en suscitant leurs
initiatives, en développant en eux le désir de savoir toujours d'avantage. Il
y a pédagogie active, peut-on dire, lorsqu'il y a redécouverte personnelle
des vérités à conquérir (J. Piaget), que l'activité se manifeste par des
actions concrètes ou par une réflexion abstraite et intérieure.
Les conditions de fond pourqu'une méthode puisse se révéler active sont
les suivantes (11 ) :
- que le formé se trouve placé dans une situation motivante d'expérience,
cette expérience étant par elle-même mobilisatrice des centres d'intérêts ;
- qu'un véritable problème soit l'objet du travail ; un problème c'est à dire
une situation sans solution préexistante connue et sans démarche de
résolution connue;
- que toute l'information nécessaire et toutes les possibilités d'observation
soient mises à disposition;
- qu'existe la possibilité de formuler des hypothèses et d'élaborer des
solutions transitoires ;
- qu'il y ait passage à l'expérimentation des solutions ainsi retenues.
BQuatre exemples empruntés à la formation des jeunes 12
Pour mieux faire percevoir ce que sont les méthodes actives, on peut -
s’agissant de leur utilisation dans la formation des jeunes- donner quatre
exemples présentant chacun un intérêt différent. Un premier exemple
illustrera l’utilisation du travail individuel de l’enfant dans le cadre d’une
démarche de complexité croissante (méthode Montessori); un second
décrira le travail individuel de l’enfant dans le cadre d’une démarche
globale (méthode Decroly); un troisième exemple illustrera l’utilisation des
mécanismes individuels de la pensée dans le cadre d’un travail en groupe
(méthode Freinet); un quatrième, enfin, fera appel à l’utilisation de la vie
sociale de l’enfant par le travail en groupe (méthode Cousinet).
a) Méthode Montessori : le point de départ des expériences de la
doctoresse Montessori a été la constatation que le recours à l’activité
spontanée donnait, même chez les débiles mentaux, des résultats qui
n’avaient aucun rapport avec ceux des méthodes verbales ordinaires. Elle
eut alors l’idée d’appliquer aux enfants normaux les procédés qui avaient
si bien réussi chez les anormaux. De là sont nées les Case dei Bambini,
ouvertes en 1907.

11
D’après J.DEWEY, 1916.
12
D’après R. Hubert ‘’ Traité de pédagogie générale ‘’ -PUF- 1970 page 155 et
suivantes.
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Les principes sur lesquels repose la méthode sont premièrement le


respect de la liberté de l’enfant, entendue en son sens biologique, mais
non en son sens social, deuxièmement l’activité au double sens de l’action
fonctionnelle à base d’intérêt spontané et d’exercice sensori-moteur. Son
originalité propre consiste en ce qu’elle utilise un ensemble très
systématique d’exercices selon les âges, avec un matériel rigide pour
servir d’instrument à ces exercices.
Le système Montessori n’exclut pas toute espèce de discipline. Mais celle-
ci est rendue facile par la mise en œuvre des intérêts des enfants, leur
passion de la recherche et leur continuité dans l’effort. « Une des rares
discipline imposées est une sorte de jeu: la ‘’leçon de silence’’ durant
laquelle l’enfant apprend à contrôler et à inhiber ses mouvements, en
restant silencieux et les yeux fermés jusqu’à l’appel libérateur ».
Quant au matériel de Montessori, il n’est que « l’occasion de prolonger les
conduites adaptatives de l’enfant, telles que l’observation psychologique
les découvre »: ainsi les exercices d’encastrement, d’emboîtement en
profondeur et en plan, suggérés par les expériences répétées que fait
l’enfant pour construire sa notion de l’espace.
Tout ce matériel sert à des fins à la fois pédagogiques et scientifiques. Il
sert à l’éducation des sens et sa construction est en même temps fondée
sur les lois de la psychophysique. Ainsi le maître « n’intervient que pour
organiser le travail, et ce n’est pas lui qui instruit à proprement parler; le
vrai maître est le matériel ».
Au reste ce ne sont pas seulement les exercices sensori-moteurs qui
reposent sur le principe de l’activité, mais tous les travaux éducatifs,
depuis la gymnastique et les jeux, jusqu’aux travaux manuels, l’exécution
des mouvements de la vie pratique et matérielle, le jardinage, etc...
Enfin le passage du plan sensori-moteur au plan intellectuel est assuré
selon les mêmes principes. « Une nouvelle série d’exercices permet de
compléter la perception directe par des représentations plus abstraites: ce
sont ceux qui consistent à manier les poids, les dimensions et les formes
avec les yeux bandés, en substituant donc les yeux de l’esprit à ceux du
corps ». C’est en outre l’acquisition de la nomenclature et du langage
adapté au matériel. C’est surtout l’application des sensations éduquées à
l’observation de l’ambiance elle-même, au dessin, aux constructions en
papier, à l’analyse géométrique des figures. Enfin vient l’acquisition des
connaissances scolaires ordinaires: lecture, écriture et arithmétique. Ici
encore se manifeste la volonté de substituer l’exercice complet et
complexe à l’exécution de ces mouvements analytiques par où débute
l’éducation traditionnelle (tracer des bâtons par exemple ou des séries
d’unités isolées). Le matériel consiste ici en lettres en relief et mobiles que
l’enfant peut manier, en barres servant à la fois à l’évaluation des
longueurs et à la numération, etc.…, fuseaux, cubes, chiffres en relief
analogues aux lettres, etc.
b) Méthode Decroly : alors que la méthode Montessori reste encore
dans une large mesure fidèle au principe de complexité croissante, la
méthode Decroly est au contraire fondée toute entière sur le principe
inverse, auquel le médecin de Bruxelles a été conduit lui aussi en partant
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de l’observation des enfants anormaux: à savoir que le développement


mental se fait à partir du global, de l’indifférencié (dans tous les domaines)
pour procéder de ce globalisme initial à l’analyse et à la synthèse
combinées.
La plus célèbre des applications de ce principe est celle que Decroly a
faite à la lecture. Au lieu de faire débuter l’enseignement de la lecture par
la connaissance des lettres, pour en former des syllabes, puis des mots, il
a eu l’idée, en s’appuyant à la fois sur l’analyse de la perception des
enfants et sur les inductions de la psychologie expérimentale, de
commencer la lecture par le mot et même par de petites phrases.
L’expérience a prouvé que l’enfant parvient ainsi à lire beaucoup plus
rapidement et surtout avec un plaisir beaucoup plus grand qu’avec les
méthodes habituelles.
La même méthode vaut selon Decroly pour tous les enseignements. On
retrouve l’état d’indifférenciation (de globalisation, dit-il) aussi bien sur le
plan de la conception et de la pensée que sur celui de la perception. Là
réside le principe de la célèbre doctrine des centres d’intérêts, qui est au
cœur même de la pédagogie de Decroly.
L’éducation traditionnelle n’a pas seulement le défaut d’isoler
l’enseignement des intérêts spontanés de l’enfant; elle a le tort de séparer
les divers enseignements les uns des autres. On fait à l’enfant des leçons
successives de grammaire, de géographie, de calcul...etc. sans aucun lien
l’une avec l’autre, de même qu’elles sont toutes sans aucun rapport à la
vie infantile. « L’effort de Decroly a été, au contraire, de Chercher à
procéder, dans l'enseignement même, à un passage constant du global à
l'analyse et à la synthèse combinée ; autrement dit de l'action significative
du centre d'intérêt à l'acquisition systématique des connaissances qui s'y
rapportent ».
Ces centres d'intérêts sont groupés en quatre classes importantes qui
sont: l’alimentation, le besoin de se protéger contre les intempéries, le
besoin de se protéger contre les dangers communs et le besoin de travail.
" Nous étudions chaque année, dit mademoiselle Hamaide, un seul centre
d'intérêts, nous l'étudions dans toutes les classes, ce qui crée dans l'école
un esprit de solidarité, un esprit spécial qu'on ne trouve nulle part ailleurs
qu'à l'école Decroly, parce que l'intérêt du personnel, l'intérêt de la
direction, l'intérêt des enfants est le même et que tout le monde travaille
pour le même idéal’’. (La méthode Decroly - Éducation - 1932).
Toutes les branches du travail sont réunies autour du centre d'intérêts et
tous les efforts sont fondés sur les trois grands processus de la pensée :
observer, associer, exprimer. L'observation de l'enfant s'exerce tout
d'abord sur le réel et le vivant. Si le centre d'intérêt est, par exemple, la
construction de maisons, les efforts sont soutenus par des activités
proprement dites : dessiner des plans, réunir des matériaux, élever des
bâtiments. A cette occasion l'enfant expérimente, manipule, décrit et réunit
lui-même sa documentation à l'atelier, l'usine, la ferme, en collaboration
avec le maître qui donnera ‘’ peu de mots, beaucoup de faits ". La salle de
classe devient laboratoire, atelier, bibliothèque. Les observations acquises
sont reliées entre elles et exprimées au moyen d'exercices concrets et
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variés (modelage, dessin, fabrication d’objets). Quant aux techniques


telles que la grammaire et le calcul, elles s'acquerront au moyen de jeux et
d'exercices éducatifs bien divers qui reposeront, d'après le principe et la
globalisation, sur des représentations d'êtres vivants et d'objets concrets.
Mêmes les disciplines les plus hautes peuvent être groupées en fonction
de cette activité : la géographie humaine et l'histoire de la civilisation, la
géographie physique et les cadres de l'histoire générale.
L'art du maître ne consiste pas tant à entretenir l'intérêt, qui se maintient
de lui-même, qu'à faire sentir aux enfants la nécessité de connaissances
intermédiaires, à concentrer réellement tout le programme autour de
l'intérêt qui dirige la recherche.
Un autre caractère de cette méthode est d'exclure radicalement tout
manuel d'enseignement. Ceux-ci sont supprimés ‘’ au profit d'un fichier
individuel, d'un livre de vie ", dont le plan est discuté et fixé par les élèves
et le maître en collaboration continue, et dont chaque écolier poursuit la
confection au travers de toute sa scolarité. Ainsi le ‘’ livre de vie " est le
produit des efforts individuels spontanés, le répertoire de connaissances
que chacun tient à conserver et à employer, parce qu’il a le sentiment de
les avoir élaborées lui-même.
Il va de soi que la méthode Decroly se prête tout aussi bien au travail
individuel qu'au travail en équipe. Cependant, tout en maintenant l'enfant
en liaison intime avec le milieu social dans lequel il vit, elle est
particulièrement apte à lui permettre de s'organiser librement pour le
travail personnel. Elle est le type même de l'enseignement sur " mesure "
parce que tout entier fondé sur l'individualité de l'enfant.
c) Méthode Freinet : singulièrement intéressante, est la méthode
imaginée par l'instituteur Freinet, sous le nom de l'imprimerie à l'école. Le
procédé ne se limite pas à diriger le goût des enfants pour les exercices
manuels, vers la pratique rudimentaire de l'imprimerie. Il fait de la
composition de texte, imaginé, écrit et ensuite composé en lettres
d'imprimerie par l'enfant le centre d'intérêt de la journée scolaire.
" La méthode Freinet, dit M. H. Bouchet, qui pénètre peu à peu dans
l'enseignement primaire, grâce à la propagande tenace et éclairée de son
auteur, exige les manipulations essentielles d'une véritable imprimerie.
Placer l'enfant de cinq à six ans, qui connaît à peine quinze à vingt lettres
de l'alphabet, devant une table de composition, lui mettre dans les mains
un petit composteur et lui faire composer un texte connu de tous et qu'on
imprimera ensuite, c'est là une technique non seulement nouvelle mais
autrement complète et passionnante que tout ce qui s'est fait jusqu'à ce
jour ". (L'individualisation de l'enseignement - p 361-362).
Non seulement cette méthode développe l'habileté manuelle et la
mémoire visuelle, mais elle facilite l'apprentissage de la lecture, de
l'écriture et de l'orthographe. Les autres disciplines, telles que le calcul, la
géographie et l'histoire, en bénéficient naturellement. Enfin et surtout les
enfants ayant contracté l'habitude de s'exprimer avec une entière liberté,
dès l'âge le plus tendre dans leurs petites compositions, le maître apprend
à connaître chacun d'eux avec sa personnalité intuitive, sans imposer à
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chacun le moindre refoulement affectif. Tout l'effort éducatif peut être


parfaitement adapté à chaque sensibilité individuelle.
La méthode Freinet est d'ailleurs susceptible d'applications prolongées.
Elle peut se compléter utilement, chez les plus grands, par l'art du dessin,
de la gravure sur bois ou sur linoléum. Le " journal de l'école " rassemble
utilement tous ces procédés.
d) Méthode Cousinet : cette méthode n'utilise pas seulement les
mécanismes individuels de pensée mais aussi l'aptitude de l'enfant à la vie
sociale. Elle se distingue des précédentes en ce qu'elle met l'accent sur
l'organisation du travail par petits groupes. Certes les trois méthodes
précitées ne négligent pas l'intérêt du travail collectif. Cependant
l'individualisation reste le but et la socialisation n'est qu'un des moyens.
La méthode Cousinet vise principalement à la socialisation : il s'agit
d'utiliser à des fins culturelles la tendance spontanée des enfants à former
de petites bandes où ils mettent leurs activités en commun.
Cousinet définit ainsi son système : " Les enfants se réunissent par
groupes de 5 à 6, et chaque groupe choisit le travail dont il veut
s’acquitter. Le travail choisi est exécuté en collaboration, chaque membre
du groupe apportant ses habitudes, ses connaissances et coopérant à
l'œuvre commune. Le ferment de leur collaboration, c'est le plaisir d'avoir
été un bon ouvrier, c'est à dire d'avoir mis son empreinte personnelle au
résultat collectif. Plus d’égoïsme ni d'orgueil : chacun œuvre du mieux qu'il
peut, son propre travail bénéficiant à ses yeux du prestige de l'ouvrage
total auquel il apporte sa pierre. Ainsi ciseleurs et verriers du Moyen Âge
donnaient tout son fini au détail d'une cathédrale. Le chef d'équipe n'est
accepté par les travailleurs que s'il respecte leur propre effort. Chacun
d'ailleurs choisit avec sûreté le travail qui lui convient le mieux ".
Ainsi Cousinet laisse les groupes se constituer en toute indépendance,
choisir librement leur chef et définir eux-mêmes leur programme de travail.
L'autonomie est ici aussi grande que possible et vise à concilier
parfaitement l'organisation de la coopération avec le développement de la
personnalité individuelle : il s'agit avant tout de faire sentir à l'enfant
combien il peut s'enrichir dans un groupe appliqué à une œuvre collective,
bénéficiant de toutes les ressources dont le groupe dispose.
Les deux courants des méthodes actives en pédagogie des adultes
Dans une organisation qui regroupe par définition des adultes, un certain
nombre de travaux s'effectuent en groupe ( 13 ), par exemple les sessions
de formation. La théorie sur la vie des groupes enseigne que dans tout
groupe quel qu’il soit, il existe deux niveaux : le niveau de la tâche et le
niveau de la valence ( 14 ). Le niveau de la tâche c'est celui qui correspond
au conscient : les membres du groupe coopèrent pour la réalisation de la
tâche, les règles de fonctionnement sont connues de tous. Le niveau de la
valence concerne les activités sous-jacentes aux activités de travail, toute
la sphère affective qui entoure le niveau rationnel.
13
Groupe : ensemble de personnes interdépendantes.
14
Valence : capacité qu'ont les individus, en groupe, de se combiner de façon
instantanée et involontaire selon une hypothèse de base.
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Selon que le travail en groupe porterait essentiellement sur la tâche ou


essentiellement sur la valence, on serait en présence dans le premier cas
d'une illustration du courant centré sur l'appropriation, dans le second cas
d'une illustration du courant à orientation psychologique.
Le courant des méthodes actives centrées sur l'appropriation
- caractérisation
On appelle ce courant ‘’ centré sur l'appropriation des connaissances " en
raison du fait que les formés sont mis à même de faire leurs les
connaissances selon une grande autonomie, portant également sur la
démarche. Cette appropriation se fait par échanges et confrontations entre
les formés. Des supports pédagogiques sont mis à disposition. Mais la
progression est déterminée par le groupe ; les formés avancent à leur
propre rythme et suivant leur propre cheminement. Le formateur qui
pourtant détient des connaissances, n'a pas pour objectif de les
transmettre à son gré ; il les tient à disposition pour les délivrer au moment
ressenti comme nécessaire par les formés. Par ailleurs il se centre
essentiellement sur la démarche et les procédures utilisées, sans aucune
censure. Les formés découvrent donc la structure des connaissances par
leurs propres façons de penser, leurs confrontations, la recherche d'une
démarche à leur convenance.
- Indications pédagogiques les plus pertinentes
On peut dire des méthodes de ce courant qu'elles permettent
l'appropriation de deux grands types de connaissances : le savoir et le
savoir-faire (pour autant dans ce dernier cas, que ne se posent pas de
problèmes importants de sécurité). On peut pratiquement tout apprendre
par les méthodes actives de ce courant, mais en mettant l'accent sur la
méthodologie de l'apprentissage : non seulement on apprend, mais on
apprend à apprendre.
De plus, les ‘’ retombées " se produisent au niveau social, dans la mesure
où le travail s'effectue en groupe de (8 à 12 participants) ( 15 ), et conduit
chacun à modifier son système de relation aux autres, donc son savoir-
être.
Le courant des méthodes actives à orientation psychosociologique
- caractérisation
On appelle ce courant à orientation psychosociologique ( 16 ) parcequ'une
part importante du travail dans le groupe consistera à étudier le mode de

15
Quitte à subdiviser un grand groupe en plusieurs groupes d'une dizaine de
participants.
16
L’objet de la psychosociologie consiste dans les relations entre le psychisme et la
vie sociale, surtout à travers l'étude de la vie des groupes. C'est un science-carrefour
qui regroupe ce qu'il y a de plus social dans la psychologie et de plus psychologique
dans la sociologie. Mais le psychisme et la vie social comportent plusieurs niveaux
d'interaction étroitement liés : celui de la relation interpersonnelle (deux personnes),
celui de la relation dans les groupes restreints (famille, équipe de travail, groupe de
discussion), celui de la relation dans les grands groupements qui constituent la
société globale (les classes sociales par exemple).
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fonctionnement de celui-ci, la dynamique des interactions à l'œuvre en


son sein. Le travail de base sera donc constitué par des discussions de
groupe: échanges sur des conceptions, des idées, des expériences, des
représentations etc. avec centration sur ce qui se vit et sur les relations
psychoaffectives entre membres du groupe ou sur les relations entre ces
derniers et l'animateur. Celui-ci par une attitude non directive (à base
essentiellement d'écoute et de reformulation) assure l'organisation de
l'échange et le maintien d'un climat favorable à la discussion, ou
seulement cette dernière tâche. Autant dire que le formateur n'est centré
sur aucun contenu prédéterminé. Ceci ne veut pas dire que le formateur
ne devrait pas maîtriser certaines connaissances. Bien au contraire, il doit
être parfaitement formé en matière de vie et de conduite des groupes.
Mais sauf exception ( 17 ), cette formation il n'aura pas à la faire acquérir
par le groupe ; il aura à l'utiliser pour faire progresser le groupe dans sa
production.
- Indications pédagogiques les plus pertinentes
Ce type de méthode, qui suppose des petits groupes de 8 à 12
participants, est réservé à l’acquisition du seul savoir-être ; on peut même
dire que le savoir-être ne s'acquiert que par des approches de ce type.
Capacité à travailler en groupe et à écouter, connaissance de soi et des
autres et de sa relation aux autres, aptitude à communiquer,
assouplissement des attitudes personnelles et modification des
comportements : rien de tout cela ne s'apprend par les livres ou les
conseils des autres, si du moins le but recherché est l'évolution durable et
profonde.
De quelques manières de pratiquer des méthodes actives en formation
d’adultes, on va présenter ici les réunions-discussions, les études de cas,
les jeux de simulation. Mais le libellé même du titre de ce paragraphe a
pour fonction d'attirer l'attention sur l'importance capitale de la manière de
‘’ faire avec ", de mettre en œuvre ces modalités de travail en groupe. Il
convient en effet de signaler d'ores et déjà que ces modalités ne seront
des méthodes actives d'autant que le formateur aura fait le choix de les
utiliser dans cette optique, et donc aura mis en adéquation l'ensemble des
paramètres de la situation, et plus particulièrement ceux-ci : cadre
institutionnel, objectif de la séquence, composition et motivation du
groupe, temps disponible, attitude du formateur. De plus se sont ces
mêmes choix qui permettront de déterminer si l'approche privilégiée, mais
rarement unipolaire, se rattache plutôt à des pratiques du courant de
l'appropriation ou plutôt à des pratiques du courant psychosociologique.

17
Par exemple dans le cas d'une formation d'un groupe à la vie des groupes.
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Les réunions-discussions à fonction pédagogique


- caractérisation
Une réunion est constituée par une assemblée de personnes où, à titre
d'activité principale, de l'information est échangée (18). De ce point de vue,
une assemblée où un responsable transmet des ordres est une réunion ; il
en va de même si ce responsable s'informe, lui, des problèmes des
participants à cette assemblée.
La catégorie réunion-discussion indique, en plus, que la fonction de
l'assemblée sera non seulement d'échanger mais aussi d'étudier et de
traiter l'information, éventuellement s'il y échet de préparer et / ou de
prendre une décision. La réunion-discussion est donc, en tous cas, une
réunion d'étude.
Des réunions de ce type peuvent avoir une fonction pédagogique : on
pourra, par exemple, faire découvrir par la discussion certaines
connaissances qu'on désire faire acquérir aux participants. Pour autant, la
pédagogie ne sera pas automatiquement du type actif. Il conviendra en
effet de savoir dans quelle catégorie de réunion-discussion on se trouve
par rapport aux trois manières de faire entre lesquelles l'animateur peut
choisir.
- types de réunions-discussions
1 - L'animateur peut choisir de centrer le groupe sur sa tâche (sur le
contenu du travail proposé). Dans ce type de réunion-discussion, c'est le
groupe qui produit, c'est à dire échange de l'information, la traite, l'étudie.
Mais c'est l'animateur qui par un jeu de questions préétablies fait sortir des
échanges la méthode et le plan, que lui, a prédéterminés. Dans ce type de
réunion-discussion on est en présence d'une démarche pédagogique
s'apparentant à la méthode interrogative.
2 - L'animateur peut choisir de centrer le groupe sur la relation entre le
groupe et la tâche. Dans ce cas c'est le groupe qui doit déterminer la
méthode et le plan de travail, mais avec l'aide de l'animateur qui coopère
encore sur ce point. On voit que la présence de l'animateur se fait
néanmoins beaucoup plus discrète puisque la relation que le groupe a
avec sa tâche va influer sur la manière dont le problème va être traité.
Dans ce type de réunion-discussion on est en présence d'une démarche
pédagogique quelque peu hybride : à cheval sur la méthode interrogative
et la méthode active. Interrogative si c'est par un jeu de questions que le
groupe est amené à faire des choix de plan et de méthode. Active si les
participants (dans un processus de réunion-discussion) en viennent de
plus en plus d'eux-mêmes à connaître les questions à se poser pour se
faciliter la tâche quant au plan et la méthode. Active de toute manière car
ce plan, cette méthode et donc aussi la production qui en découle sont
entre les mains du groupe.

18
à titre d'activité principale : critère décisif. Un exemple peut le montrer à contrario au cours
des manœuvres d'atterrissage d'un avion, il y a bien échanges d'information entre les
copilotes, mais on ne parlera pas pour autant de réunion pour caractériser cette situation :
l'activité principale ce sont les manœuvres d'atterrissage.
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3 - L'animateur peut choisir de centrer le groupe sur le groupe, c'est à dire


de faire du groupe, de ce qui s'y vit l'objet même du travail. Le but d'une
telle démarche est essentiellement psychosociologique : susciter une
évolution favorable chez les participants (ceci peut concerner par exemple
des participants qui désirent se former à la dynamique des groupes). Dans
ce type de réunion-discussion l'animateur ne donne ni le plan ni la
méthode. C'est le groupe seul qui le fait explicitement ou non. On est dans
le cadre des méthodes actives puisque le groupe a pleine autonomie pour
décider non seulement de quoi il discute mais encore comment il le fait. Le
rôle de l'animateur est, essentiellement, d'élucider les sens cachés de ce
qui se dit, de ce qui se vit, de ce qui se dit qu'il se vit.
- indications pédagogiques les plus pertinentes
On rappellera ici qu'un groupe de travail ne doit pas excéder 10 à 12
personnes, et que selon certains, chaque personne ajoutée double la
difficulté de conduite du groupe.
Quant à la nature des acquisitions pouvant découler d'un travail par
réunion-discussion : on a vu que toutes les situations n'étaient pas
pédagogiquement figées, mais allaient en quelque sorte d'un pas peu actif
à un pas plus ou moins totalement actif. Compte tenu de cette
constatation, on présentera un tableau des types de réunions-discussions
en les mettant en relation d'une part avec les méthodes auxquelles elles
se rattachent, d'autre part avec les acquisitions qu'elles permettent.
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COMPARAISON DES TROIS MÉTHODES SUR UN EXEMPLE


Cet exemple est une extension de celui pris par un pédagogue suisse, H.
Aebli, élève de Jean Piaget, pour établir la différence entre les méthodes
interrogatives et actives. Il s'agit de calculer un côté d'un rectangle
connaissant la surface et l'autre côté.
A - Méthodes affirmatives
Le maître dira : nous avons vu hier que pour calculer la surface S d'un
rectangle, lorsqu'on connaît les deux côtés a et b, mesurés dans la même
unité, il suffit de multiplier a par b, c'est à dire, S = a x b.
Si nous connaissons S (il souligne S) et a (il souligne a), alors nous
aurons b en divisant par S par a.
Par exemple : si S = 36 dm² et a = 4 dm, alors b = 36 / 4 = 9 dm.
B - Méthodes interrogatives
La méthode interrogative (comme les méthodes actives) ne se prête guère
directement à l'abstraction généralisatrice : il va être nécessaire de
travailler sur des cas concrets pour pouvoir généraliser puis abstraire à
partir de ces cas concrets 19 .
Le maître va dessiner un rectangle au tableau et il va indiquer la surface
et un des côtés de ce rectangle.

a
S = 36 dm² a=4 dm

Puis il va procéder par une suite de questions - réponses :


Q - Quelle est la surface du rectangle ?
R - 36 dm²
Q - Quelle est sa hauteur ?
R - 4 dm
Q - Combien peut-on mettre côte à côte de petits carrés de 1 dm de côté
le long du côté qui mesure 4 dm ?
R - 4 carrés
Le maître les trace

19
En ce sens les méthodes affirmatives sont essentiellement basées sur la déduction alors
que les méthodes interrogatives et actives font, de plus en plus, largement appel à l'analogie
et à l'induction.
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Q - Que forment ces 4 dm² ?


R - Un rectangle ou une bande
Q - Quelle est la surface de cette bande ?
R - 4 dm²
Q - Si je trace une autre bande identique à côté (il le fait), quelle sera la
surface de cette bande ?
R - 4 dm²
Q - Combien vais-je pouvoir faire ainsi de bandes qui ont chacune une
surface égale à 4 dm² dans le rectangle dont la surface est de 36 dm² ?
R-9
Q-Traçons les (il les trace), quelle est la largeur de chacun de ces petits
rectangles?
R - 1 dm
Q - Quelqu'un peut-il dire quelle est la longueur du côté du rectangle ?
R - 9 dm
Q - Comment avez-vous trouvé le côté b de ce rectangle ?
R - En divisant la surface par le côté a
Q - Prenons un autre rectangle (il le trace) de surface 15 et de côté connu
3 (etc. C'est l'étape de généralisation).
Ici le point clé a été l'idée de la bande.
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C - Méthodes actives
Aebli propose de remettre à chaque groupe de deux ou trois élèves un
paquet de 36 carrés de carton de 1 dm² de côté et il dit aux élèves :
" Chaque groupe a reçu un certain nombre de carrés. Vous devez faire un
rectangle sur votre table avec ces carrés en les utilisant tous, mais il faut
que l'un des côtés mesure 4 dm. Lorsque vous aurez fini, il faudra me dire
quelle est la longueur de l'autre côté ? "
Les élèves travaillent, ils peuvent le faire à partir des deux données
connues : la surface et le côté de 4 dm. Les essais à partir de la surface
sont mal aisés, par contre il est possible de matérialiser le rectangle à
partir du côté connu en composant une bande de 4 carrés, puis en
construisant le rectangle sur cette bande. Une fois que les élèves ont
trouvé, il leur demandera, par exemple, comment ils ont fait. Lorsque les
élèves auront élucidé cette première démarche, il leur dira :
" Vous allez maintenant construire tous les rectangles possibles en
utilisant toujours tous les cartons et, chaque fois que vous en aurez trouvé
un, vous inscrivez ses deux côtés".
Les élèves travaillent, recensent les rectangles ( 1 x 36, 2 x 18, 3 x 12, 4 x
9, 6 x 6, 9 x 4,12 x 3, 18 x 2, 36 x 1). Le maître leur demande alors s'ils
voient quelle est la loi et facilite au besoin leur réflexion jusqu'à ce qu'ils
aient élucidé cette deuxième démarche. 20

20
On notera que la définition de Dewey est un optimum qui sera rarement atteint.
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MÉTHODES BASÉES SUR LE MODÈLE


ET
MÉTHODES BASÉES SUR L'APPROPRIATION
On peut distinguer deux systèmes pédagogiques, en premier la pédagogie
basée sur l'idée de modèle : le maître est le dépositaire du modèle,
modèle du savoir (c'est à dire avoir des informations sur une chose ou sur
ses liaisons avec d'autres choses), modèle du savoir-faire (c'est à dire
savoir démontrer un théorème par exemple, savoir appliquer ou savoir-
faire à bon escient) et modèle du programme (c'est à dire des
enclenchements logiques entre les savoirs et les savoir-faire ).
A l'autre extrême nous aurons la pédagogie de l'appropriation par l'élève
du savoir et du savoir-faire. Ce qui devient important est que l'élève
devienne capable de découvrir, voire de créer ses propres modèles et de
les structurer en ensembles cohérents, redécouvrant ainsi les parties de
programme qui eussent pu lui être enseignées selon la structure modèle
du maître. Pour qu'il devienne "capable" il faudra s'ajuster à lui et non lui
demander de s'ajuster au modèle et au maître.
La pédagogie du modèle implique le contrôle de l'écart au modèle. On la
dit aussi souvent " pédagogie du modèle et de l'écart ".
Le schéma suivant peut donner une idée des recoupements avec les trois
grandes méthodes pédagogiques que nous venons de voir.

Méthodes affirmatives Méthodes interrogatives Méthodes actives

Méthodes basées sur le modèle

Méthodes basées sur l’appropriation


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RÉPÉTITION - ENTRAINEMENT
ET
PRISE DE CONSCIENCE - ÉVOLUTION
Certaines méthodes en pédagogie sont centrées sur la répétition et
l’entraînement. Les méthodes affirmatives, sous leur angle expositif,
peuvent conduire au bachotage par la répétition (il est fait surtout appel à
une mémoire à court et moyen terme, à la limite c'est le "par cœur", on
apprendra sans comprendre) ; sous leur angle démonstratif elles utilisent
souvent l'entraînement qui est une forme, à tendance plus gestuelle, de la
répétition ( on entraîne un champion ).
D'autres remarquent qu'il y a dans la vie des événements qui frappent et
dont l'individu se souvient jusqu'à sa mort. Or quelles sont les
caractéristiques de ce qui frappe : c'est que cela se fait en une seule fois
et qu'une seule fois suffit. Si donc, d'un "chaos" pédagogique, une idée,
une solution, un sentiment, émergent brutalement en une sorte de prise
de conscience à la fois de la présence et de la prégnance de cette idée,
de cette solution, de ce sentiment pour l'élève, cela lui sera suffisant pour
fixer cette idée, pour intégrer cette solution, pour privilégier ce sentiment et
ainsi déterminer un changement, une évolution dans son savoir, son
savoir-faire, son savoir-être. Les méthodes actives se rattachent plus à
cette manière de voir les choses.
Le schéma suivant indique le recoupement des méthodes basées sur la
répétition et l'entraînement et des méthodes basées sur la prise de
conscience et l'évolution avec les méthodes affirmatives, interrogatives et
actives.

Méthodes basées sur la répétition et


l’entraînement

Méthodes basées sur la prise de


conscience et l’évolution

Cependant on peut se demander si la répétition et l'entraînement ne


finissent pas par créer une sorte de prise de conscience implicite qui se
traduirait par l'acceptation de certaines choses comme des "vérités". Mais
cela nécessite beaucoup de répétitions. La cumulation quantitative peut
alors amener un saut qualitatif qui correspondrait à la méthode d'évolution.
Ce qui peut surtout être reproché aux méthodes par entraînement 21 ,
c'est de ne pas avoir cherché systématiquement à révéler à l'élève sa
prise de conscience implicite, à ne pas avoir amené l'élève à l'expliciter lui-
même, se privant ainsi d'un très fort agent positif de renforcement.

21
Indépendamment des risques de manipulation.

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