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Moreana XVIII , No.

69 (M ars 1981) 137

L'UTOPIE DE THOMAS MORE AU PORTUGAL


(au 16e et au début du 17e siècle)

1. SOURCES PORTUGAISES DE L'UTOPIE.

Comprendrait-on l'Utopie s'il n'y avait là Hythlodée, le marin por-


tugais, qui raconte l'histoire de l'île merveilleuse, où les hommes sont
heureux secundum naturam et rationem, critiquant par là même les fléaux
sociaux qui accablent la société britannique, et avec elle tout l'Occident?
Son propos étant de décrire une société située dans un pays lointain, il
était tout naturel que Thomas More pensât à faire intervenir un marin
portugais, à une époque où, avant même leurs frères espagnols, les Portu-
gais avaient commencé, dans leurs voyages, à découvrir l'Orient fabuleux :
le Livre II, consacré à l'histoire fantastique de l'Utopie fut, on le sait,
conçu ou du moins rédigé avant le Livre 1. C'est aussi à Hythlodée que
More fait dire tout ce qu'un marin expérimenté, connaissant le monde et
le comportement des hommes, pouvait penser des injustices flagrantes
constatées dans un pays qui se disait chrétien. Il est évident que, dans ce
livre, la vibrante apologie de la justice et la violente satire des injustices
expriment la pensée de Thomas More . Le fait même qu'Hythlodée sache
le grec et soit bon latiniste montre à quel point 1'auteur s'identifiait à son
personnage. Car chacun sait que les marins portugais n'étaient guère culti-
vés, et que rares étaient les capitaines qui pouvaient conter leurs voyages
dans la langue du Latium.
Pour résoudre le problème des sources de l'Utopie-- ce titre, nous
l'avons déjà écrit, apparaît très tôt, 1 dès l'édition florentine de 1519--, il
suffit de s'en tenir au texte lui-même. Sans parler de l'idée d'une républi-
que idéale, qui s'inspire sans aucun doute de la République de Platon, il
est certain que Thomas More a dû connaître, non seulement les récits de
Vespucci, 2 mais aussi, nous l'avons signalé, 3 la version latine des Paesi
nuovamente retrovati, qui parut à Milan en 1508 sous le titre Itinerarium
Portugallensium, 4 et peut-être les traductions en latin du livre de Var-
tema, 5 qui circulèrent à partir de 1511. Les coïncidences extraordinaires
que Luis de Mat os fut le premier à remarquer entre 1' Utopie et le livre de
Duarte Barbosa 6 s'expliqueraient alors facilement, bien que ce dernier
texte n'ait été diffusé en Europe que dans la version italienne de Ramusio
(éditions de 1550 et de 1554) 7 • En dépit des contacts qu'il aurait pu avoir
avec des marchands portugais à Anvers, à Bruges ou à Londres, il me
semble peu vraisemblable que More l'ait lu en manuscrit. Humaniste, il
préférait sûrement lire les textes qui 1'intéressaient en latin plutôt qu'en
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portugais et en italien, même si sa connaissance du latin lui permettait de


comprendre ces langues. Ce n'est donc pas par hasard qu'il a donné la
nationalité portugaise au marin qui décrit l'organisation sociale de l'Ile
d'Utopie : c'est un hommage aux Découvertes portugaises 8 •
Si les exploits des Portugais jouent un rôle déterminant dans l'oeu-
vre de More, on peut se demander dans quelle mesure le texte de 1' Utopie
a été connu et lu dans le pays où « naquit » Hythlodée . Dans une note
intéressante publiée dans Moreana, Fernando de Mello Moser a déjà évo-
qué la diffusion au Portugal du nom et de l'oeuvre de Thomas More . 9
Voici quelques indications, et surtout quelques réflexions, dont certaines
se rapportent à des textes ou des passages qui n'ont pas été indiqués ou
pas exploités : c'est une façon de collaborer aux très utiles recherches de
Fernando de Mello Moser, qui est depuis longtemps un lecteur assidu de
1'humaniste anglais et un grand admirateur des vertus héroïques d'un
saint souriant et moderne.

Il. THOMAS MORE DANS LES TEXTES PORTUGAIS .

Ce n'est, à vrai dire, que dans un petit nombre d'auteurs portugais


que nous avons pu découvrir des références à Thomas More. Il s'agit de
textes en latin, qui circulaient en Europe, en ce temps où le latin était la
véritable langue internationale. En outre Damiao de Gois , auteur du pre-
mier texte cité, était une figure aux dimensions européennes ; il fréquenta
les plus éminentes personnalités d'alors, tels Erasme et le cardinal Pole,
pour ne parler que de deux grands amis de More . Ses livres étaient édités
au Portugal, en Espagne, en Italie et même en Allemagne. Il est intéres-
sant de noter que les deux références à Thomas More apparaissent dans
des textes latins ; on trouve encore deux références à 1' Utopie dans des
textes portugais, sans compter les Index de l'Inquisition, où l'on
employait les deux langues, mais surtout le latin.
1. Lettre de Damiao de Gois à Erasme.
Fernando de Mello Moser a raison de placer en tête de sa liste de
références à More la lettre de Damiao de Gois à Erasme, signée de Padoue
le 26 janvier 1536. Souffrant déjà de la maladie qui devait l'emporter,
Erasme ne répondit pas à son jeune ami portugais, qui lui écrivit de nou-
veau le 15 juillet 1536, c'est-à-dire quelques jours après son décès. Dans
sa première lettre, Damiao de Gois remercie Erasme du récit de l'exécu-
tion de More (il s'agit sans doute de l'Expositio fidelis de morte D. Tho -
mae Mori), et s'indigne à son tour de ce qu'on ait si peu parlé de la persé-
cution dont fut l'objet cet homme remarquable. Effectivement, Erasme
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avait évoqué le martyre de More et de Fisher dans sa préface de l'Ecclé-


10
siaste, sorti des presses de Froben en août 1535. A plusieurs siècles de
distance, nous y voyons un hommage admirable ; sur le moment, dans le
feu de l'indignation, les amis italiens d'Erasme regrettaient qu'il n'ait pas
usé de tout son prestige pour dénoncer avec plus de force 1'horreur d'un
crime aussi attentatoire à la dignité humaine . Du reste, en la personne de
More, tous ceux qui, comme lui, s'adonnaient aux études classiques et
aux humanités se sentaient visés . Mais Erasme était affaibli, malade, âgé,
il lui eût fallu beaucoup de courage pour affronter le tyran. A moins que,
connaissant sa férocité et son insatiable soif de vengance, il n'ait craint
que, faute de pouvoir le châtier lui-même pour avoir protesté contre
l'injustice qui avait frappé cet incomparable ami, il n'exerçât des repré-
sailles sur la famille de Thomas More : épouse, enfants, gendres, petits-
enfants. Henri VIII n'allait-il pas, quelques années plus tard, faire exécu-
ter la vénérable mère de Reginald Pole, 11 dans sa rage de ne pouvoir faire
payer au cardinal lui-même l'audace du texte qu'il avait écrit pour tenter
de le convertir ? 12 Quoi qu'il en soit, les paroles d'Erasme au début de
son concionator sont d'une grande noblesse, de même que celles de
Damiao de G6is qui, tout en soulignant qu'il n'en est pas l'auteur, semble
s'y associer, dans la même lettre, d'ailleurs, où il annonce son intention
de faire publier l'oeuvre du Maître . 13
2. Thomas More dans un texte de Jeronimo Osorio (1567).
Laissant de côté l'épigramme d'Antonio de Gouveia, 14 humaniste
portugais qui passa toute sa vie à 1'étranger, 15 il peut être intéressant de se
pencher un peu sur les textes où Jer6nimo Os6rio parle de Thomas More.
Nul en effet n'était plus autorisé que Jer6nimo Os6rio pour dénoncer le
schisme anglican , lui qui, dans le De Rebus Emanue/is gestis, ne devait pas
hésiter à critiquer le roi Manuel I de Portugal pour la conversion forcée
des Juifs. En outre, par son oeuvre, Os6rio est étroitement lié à Damiao
de G6is; il a même tenu à lui rendre hommage à un moment où l'Inquisi-
tion portugaise commençait à inquiéter l'ami d'Erasme. 16 Os6rio publie
alors à Lisbonne, en 1567, un ouvrage en latin contre 1'Anglican Walter
Haddon ; 17 c'est le même genre d'exhortation qu'il adressait, quelques
années plus tôt, 18 à la reine Elisabeth d'Angleterre, pour qu'elle se con-
vertît au christianisme romain. Dans ce premier livre, écrit en un latin
digne des meilleurs humanistes, le prélat portugais évoque à quatre repri-
ses le nom de More, l'associant à celui de l'évêque Fisher, victime du
même tyran. Il ne fait pas d'allusion à l'Utopie. D'entrée de jeu il s'indi-
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gne du martyre infligé à deux hommes qu'il tient explicitement pour des
« sancti uiri ». On se livre, en Angleterre, aux pires infamies, écrit-il et il
précise aussitôt : la première est l'exécution inique de Fisher et de More,
qui sont restés jusqu'au bout, noblement, fidèles à leur religion et à leur
conscience ; mais il y a aussi le martyre des Chartreux, auxquels on a
infligé un cruel supplice, la confiscation des maisons religieuses pour un
usage profane, et la destruction de tant de documents, monuments de la
chrétienté.
Peu après, 20 Os6rio revient à la charge : quel crime odieux avait
donc commis l'évêque Fisher, pour que ni l'austérité de sa vie, ni la
dignité de sa charge n'aient pu lui épargner la mort ? Avait-il conspiré
pour la perte de son roi? l'avait-il trahi en pactisant avec ses ennemis? En
aucune façon. Ce saint homme innocent fut châtié comme un criminel
parce que, avec une inébranlable constance, il s'obstina à obéir à sa cons-
cience. Quant à Thomas More, homme remarquable, d'une incomparable
érudition, quel fut son crime ? Aurait-il dilapidé les finances du
royaume ? Fallait-il lui imputer la mort de quelque citoyen ou une con-
duite agressive? Nullement. C'est uniquement parce qu'il a refusé d'adu-
ler Je monarque et s'est exprimé librement qu'on lui a coupé la tête en
public, comme à un traître. 2 1 Après une nouvelle référence au sacrifice
des Chartreux « pendus, éviscérés puis brûlés », Os6rio évoque avec une
indignation croissante tous ceux qui ont été incarcérés, spoliés et désho -
norés en Angleterre pour avoir écouté la voix de leur conscience. 22
Au milieu de l'ouvrage, 23 Os6rio insiste, presque dans les mêmes
termes . Mais il va plus loin encore :c'est l'usurpation par Henri VIII de
l'autorité de l'Église, affirme-t-il, qui a conduit l'évêque Fisher, More et
tant d'autres saints hommes à leur perte-- si ce mot d'exitium convient
pour désigner une mort acceptée avec noblesse pour la gloire du Christ et
la sainteté de la religion . Un corollaire de cette usurpation, ajoute-t-il, a
été de multiplier les sectes, et de répandre des opinions aussi nocives que
la peste , avec leur cortège de misères et de trahisons. 24
Une dernière référence constitue une sorte de synthèse des précé-
dentes : 25 les martyrs sont exaltés parce qu'ils ont voulu attester la vérité
chrétienne, en préférant aux joies éphémères du monde la vie éternelle, au
prix d'épreuves qu'ils n'ont pu supporter que soutenus par leur foi.
En somme, dans l'esprit d'Os6rio, Thomas More est un martyr de
l'Évangile et de l'Église, parce qu'il a choisi de mourir plutôt que de trahir
sa conscience . Ce héros est par surcroît doté d'une prodigieuse érudition .
Enfin, si lui et Fisher ont subi Je martyre, c'est pour avoir refusé de recon-
naître Je roi comme chef de l'Église, autrement dit pour avoir voulu faire
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éclater la gloire du Christ dans la sainteté et 1'unité de la religion chré-


tienne. Au schisme l'auteur portugais attribue le pullulement des sectes
religieuses. Dans le dernier passage, il résume les précédents .
En 1567, donc, Os6rio exalte en Thomas More le saint, et ne parle
qu'une seule fois, pour lui rendre hommage, de sa très grande érudition .
Ce détail n'en est pas moins important. Os6rio pensait-il au texte de
1' Utopie ? Ou aux écrits de More contre Luther ? 26 Cette dernière hypo-
thèse est assez plausible, puisqu'il s'inquiète de la multiplication des sec-
tes. En tout cas, il n'y a pas, dans les ouvrages latins du Cicéron portu -
gais, de référence explicite à !'Utopie. On en trouvera chez d'autres
auteurs : lesquels, et dans quel contexte ? C'est ce que nous allons voir,
car il importe de comprendre à quoi correspondait la mention de 1' Utopie
dans tel ou tel « contexte », le mot étant pris ici dans son double sens :
textuel et historique.

III. L'UTOPIE AU PAYS DE RAPHAËL HYTHLODÉE

Il y eut , en Espagne, une première traduction de 1' Utopie en castil-


lan dès la première moitié du 17e siècle . 27 On n'en connaît pas en portu-
gais qui ait paru au 16e ou au 17e siècle, au Portugal ou ailleurs . Il est vrai
que 1'ouvrage circulait en latin dans 1'ouest de la Péninsule ibérique et que
tous les Portugais cultivés comprenaient le castillan . Les textes que nous
avons à notre disposition ne mentionnent même pas les deux meilleures
éditions de l'Utopie, celles de Bâle, alors que les documents concernant le
Mexique prouvent qu'on y trouvait l'édition de novembre 1518, 28 où
figurent, comme dans la première (de mars), les épigrammes de More et
de son cher Erasme . 29 Il serait néanmoins inexact de prétendre que le
livre n'eut pas de succès au pays d'Hythlodée. Il est cité par deux des plus
grands classiques portugais du 16e siècle , figure parmi les livres interdits
de l'Index inquisitorial de 1581, et à plusieurs reprises dans l'Index de
1624. L'oeuvre était donc assez répandue au Portugal pour que l'Inquisi-
tion crût devoir en interdire la lecture .
1. L'« Utopie» dans l'oeuvre de Joao de Barros.
Le premier grand auteur portugais à en parler est Joiio de Barros.
Cette référence revêt une signification particulière en raison du contexte
où elle apparaît, sans parler de l'importance que lui confère la personna-
lité de son auteur, le plus grand historien portugais du 16e siècle et certai-
nement l'une des plus grandes figures de la culture portugaise de tous les
temps. 30 En effet, Barros n'est pas seulement historien , mais philosophe,
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moraliste, géographe, grammamen, théologien. Dans chacun de ces


domaines, ses oeuvres ont une portée exceptionnelle. Dans l'histoire des
idées au Portugal, c'est sans doute à lui que l'on doit, selon I.S. Révah, la
plus belle prose philosophique . 31 Mais la citation de Thomas More prend
tout son sens grâce au contexte dans lequel elle survient : dans le prologue
de la Ille Décade de 1'Asie.
Les deux premières Décades avaient paru à Lisbone en 1552 et
1553, éditées par un imprimeur portugais d'origine française, Germao
Galharde. La troisième, publiée dix ans plus tard, en 1563, est peut-être
plus rare encore que les deux premières. Il s'agit d'un livre imprimé en
beaux caractères gothiques, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler
dans des travaux bibliographiques . 32
La première partie du prologue de la Décade III est en quelque
sorte un éloge de 1'Histoire, sans laquelle, pense 1'auteur, hommes et peu-
ples ne sauraient mûrir. La seconde partie fait en outre l'éloge de la fic -
tion littéraire : ce genre d'ouvrage (historique aussi parfois) constitue,
malgré la part de l'invention, un instrument éducatif. En insistant sur
l'importance attribuée à Homère par Alexandre, Barras se pose en pré-
curseur, deux siècles avant Giambattista Vico, qui voyait dans l'oeuvre du
poète le premier texte historique . 33 La fiction historique ou littéraire« a
fait entrevoir la vérité aux savants sous le nuage de la fiction
poétique» 34 • Macrobe n'écrit-il pas que la poésie d'Homère est une
source de toutes ces « divines inventions » 35 , et a inspiré plusieurs chefs-
ct 'oeuere que cite Barro s. L'Utopie de More en est un, après la Cyropédie,
L 'Ane d'or, etc .. . 36 La Cyropédie est une fable exemplaire parce que
Xénophon a voulu « y exposer ce que devait être un roi dans la conduite
de son royaume » ; c'est un modèle d'administration de la cité. Fable
exemplaire aussi queL 'Ane d'Or, car Apulée y montre que« les hommes
sont des animaux stupides », alors qu'ils se croient doués de raison ; il
leur montre que la raison s'acquiert. « Fable moderne, écrit Barros, que
1' Utopie de Thomas More ; 37 mais il a voulu enseigner par là aux Anglais
comment ils devaient se gouverner ». Un modèle pour les Anglais, par
conséquent, mais en réalité pour tous les peuples de l'Occident, puisque
l'Utopie est située dans un Orient lointain. On dirait que Barras, en disant
cela, n'a pas seulement pensé à la« fable »du livre II; mais aussi, dans la
seconde partie de sa phrase, à la critique sociale implicite dans le Livre I
où More fait dire à Hythlodée combien 1'Angleterre aurait à apprendre de
l'Utopie en ce qui concerne l'organisation sociale. Fiction littéraire, fable
ou fiction poétique, invention «historique » ? C'est Homère, d'après
Macrobe, le père de tout cela . La République de Platon a sûrement servi
de modèle ou de source à More mais, dit Barros -- qui ne mentionne pas
Platon--, il est allé plus loin. C'est encore Heitor Pinto qui a évoqué cette
source de 1'Utopie le plus explicitement.
L'UTOPIE DE MORE AU PORTUGAL 143

2.L'Utopie dans l'oeuvre de Heitor Pinto.


Heitor Pinto a été, dans la Péninsule, l'un des plus profonds et des
plus subtils exégètes de la Bible. 38 Connaissant parfaitement l'huma-
nisme européen, il a écrit l'un des chefs-d'oeuvre de la prose morale du
16e siècle en portugais ; ce livre connut un très grand succès, non seule-
ment au Portugal et en Espagne, mais aussi en France et en Italie, où il fut
diffusé en français, en italien et en latin. 39 Dans la première partie de ce
texte, qui a pour titre « Imagem da Vida Crista » et fut publié pour la
première fois à Coimbra en 1563 , Pinto parle de More et de son oeuvre.
Cette première partie (de même , d'ailleurs, que la seconde), est composée
de plusieurs dialogues. Au chapitre IV, celui sur la Justice, interviennent
un théologien, un mathématicien, un juriste et un simple citoyen ; c'est là
que l'auteur cite More et son livre, à côté de Platon, de Xénophon et de
Cicéron (avec, en marge, des allusions indirectes à S. Ambroise et à Vola-
terranus). Voyons en quels termes se présente cette référence, afin de
mieux comprendre ce que voulait dire le moraliste . Nous nous permet-
trons de paraphraser, après avoir cerné de très près le texte, pour mieux
souligner la portée d'une simple mention assez sèche . Heitor Pinto rap -
proche More et son Utopie de Baldassare Castiglione et Il Cortegiano,
comparant ces deux textes à d'autres textes illustres, qui les ont précédés.
De même que Platon a décrit une république, « la plus excellente
qu'il pût imaginer, telle qu'il n'y en eut et n'y en aura jamais » ; que
Xénophon« a peint dans la Cyropédie un prince parfait, comme il n 'en
avait jamais vu et n'espérait pas en voir » ; que Cicéron «a montré un
parfait orateur comme il n'en a jamais existé et n'en existera jamais » --de
même Thomas More, comte d'Angleterre, et Baldassare Castiglione,
comte d'Italie, celui-là« dans son livre de la cité qui n'existe pas »,celui-
ci « dans son livre du parfait courtisan », « imitèrent ces auteurs de nos
jours ». 40 Le fait de voir dans « Utopie » la « cité qui n'existe pas »,
revient ici à y voir la république idéale (« la plus excellente que More pût
imaginer, telle qu'il n'y en eut et n'y en aura jamais » ; « la plus parfaite,
telle qu'il n'en avait jamais vu et n'espérait pas en voir »;«une cité par-
faite, comme il n'en exista et n'en existera jamais ») . Il ne faut pas oublier
que Pinto développe ces idées dans le dialogue wr la Justice. De là à con-
clure-- ou tout au moins à suggérer -- que, s'il est impossible d'aboutir à
une organisation aussi parfaite que celle d 'Utopie, toute société doit ten-
dre vers cette justice parfaite, il n'y a pas loin. Nous n'irons pas jusque-là
dans notre interprétation. Mais l'Évangile ne recommande-t-il pas aux
144 JOSÉ V. DE PINA MARTINS

chrétiens de viser à la perfection même de Dieu (Matthieu 5 :48) ? Leur


justice ne peut être parfaite en ce monde, mais doit être une image de la
Justice absolue que Dieu seul peut assurer. C'est apparemment en passant
que Pinto, théologien et moraliste, évoque Thomas More et son livre.
Mais le fait même qu'ille cite nous semble très significatif et mériterait,
croyons-nous, une lecture herméneutique plus approfondie. En 1563,
Heitor Pinto ne devait pas craindre de heurter l'orthodoxie dominante en
citant le livre de la «cité qui n'existe pas ». Alors que le nom d'Erasme
figure très tôt dans les index des livres interdits du Portugal -- même si
Marcel Bataillon a fait observer que l'Europe, à Paris et Louvain notam-
ment, s'est attaquée beaucoup plus tôt que Coimbra «aux oeuvres noci-
ves d'Erasme » 41 Heitor Pinto le cite dans la seconde partie de Imagem
da Vida Cristo, publié pour la première fois à Lisbonne en 1572, date où
ce nom était déjà considéré au Portugal comme uitandus. Thomas More
et 1' Utopie ne figurent pas encore dans le Roi de 1561, ni dans les deux
Indices de 1564, obéissant au Concile de Trente, mais 1'interdiction ne
tardera pas.
3. L'Utopie dans les Index de l'Inquisition en 1581 et en 1624.
Sauf erreur de notre part, 1' Utopie est interdite pour la première
fois au pays d 'Hythlodée dans le Catalogo dos /iv ros que se prohibem
nestes Regnos e Senhorios de Portugal, Lisbonne, Antonio Ribeiro, 1581 :
on y lit à la lettre « V » 42 1'indication « Vtopia Thome Mo ri », sans plus
de détails.
L'Index de 1624 ne fait que reprendre l'interdiction de 1581. Fer-
manda de Mello Moser en a déjà cité un passage 43 , mais il convient, à
notre avis, de développer quelque peu cette référence, car le même livre
signale, ce qui n'est pas sans intérêt, des traductions de 1' Utopie en latin et
en italien, plusieurs lettres de Thomas More à Erasme, et pas seulement
cela .
L'Index auctorum damnatae memoriae de 1624 est divisé en trois
parties, dont la première est !'Index romain de Clément VIII, approuvé
par une lettre papale du 17 octobre 1595. Dans cette partie le nom
d'Erasme figure bien, 44 mais pas celui de More. La seconde partie est
constituée par !'Index pro regnis Lusitaniae :on y trouve plusieurs livres
d'Erasme, 45 ainsi que le nom de Thomas More et !'Utopie au moins trois
fois. Dans la troisième partie, Librorum expurgationem complectens,
More, son Utopie et plusieurs lettres sont explicitement mentionnés. 46 Il
n'est peut-être pas inutile de signaler dans quel contexte, pour mieux com-
prendre la portée de l'Utopie au pays d'Hythlodée.
L'UTOPIE DE MOREAU PORTUGAL 145

On trouve donc la première mention de 1' Utopie dans la Pars


secunda, constituée par 1'Index pro Regnis Lusitaniae : 47 « Quant à
l'Vtopie, qu'il [Francesco Sansovino] a traduite des oeuvres de Thomas
More. Voir à la lettre V. 2 Class. Vtopia, etc. »Cette référence est du plus
haut intérêt, car elle révèle que circulait au Portugal le livre Del governo
et amministratione di diversi Regni, et Republiche, que Firpo considère
comme le « premier manuel de droit constitutionnel comparé ». 48 Dans
l'édition vénitienne de Salicato, 1583, que cet éminent spécialiste ne men-
tionne d'ailleurs pas, 49 le texte du Livre II de 1' Utopie occupe les fis. 183v
- 200v, trente-cinq pages de texte dense, sans alinéas, en caractères itali-
ques : c'est presque tout le texte de ce Livre Il, seulement amputé de la
conclusion qui, dans l'édition de Firpo, fait environ trois pages, et n'en
couvrirait guère que deux dans le format de 1583. 50 Il s'agit de la traduc-
tion d'Ortensio Lando, qui avait été publiée à Venise en 1548 par Anton
Francesco Do ni. L'édition originale du livre visé par 1'Index portugais fut
publiée en 1561, à Venise également, par Sansovino et connut, semble-t-il,
en Italie un succès considérable, non sans échos au Portugal. On com-
prend d'ailleurs très bien la sévérité de la censure inquisitoriale portugaise
car, dans un court prologue, l'éditeur italien a tenu à faire l'éloge non
seulement de Thomas More (ce qui eût été admis au Portugal, puisque
dans ce même Index on évoque avec beaucoup de respect les vertus héroï-
ques du martyr), mais aussi de son livre, à propos duquel il écrit : 51 « Cet
érudit, qui détestait les moeurs corrompues de notre siècle, a décrit avec
une grande élégance, dans ce pays de gens heureux, une République gou-
vernée par des lois excellentes, connaissant une paix totale et un bonheur
parfait, pour apprendre aux hommes, au moyen d'une invention plai-
sante, non seulement à découvrir la façon de vivre bien, mais à être heu-
reux ». Et le commentateur compare aussitôt 1' Utopie à la République de
Platon, sa préférence allant à la première, où, conclut-il, l'on verra qu'il
est toujours possible d'améliorer et de réformer nos républiques imparfai-
tes. Ce compliment rejoint ce qu'écrivaient, à la même époque, Joao de
Barras et Heitor Pinto. Mais, bien sûr, la sévère Inquisition portugaise ne
pouvait laisser passer un éloge aussi explicite de 1' Utopie.
Les censeurs portugais étaient d'ailleurs si convaincus que l'édition
italienne de 1561 pouvait représenter un danger pour les lecteurs, qu'ils la
dénoncent à plusieurs reprises. L'interdiction en latin, toujours dans cette
Pars secunda, 52 vise le De Gubernatione Regnorum & Reip. mais « Ita-
lico sermone », après celle de « Utopia opus sic inscriptum De optima
Reip. statu ».L'édition de 1561 est de nouveau mentionnée, en indiquant
qu'elle est vénitienne. A la même page, on peut lire une autre référence au
livre de More, 53 mais il s'agit simplement d'un renvoi à l'indication latine
donnée supra.
146 JOSÉ V. DE PINA MARTINS

Les censeurs n'étaient pas toujours de bons bibliographes : nous


venons de voir que, pour le Livre II de !'Utopie, presque entièrement
transcrit dans le dernier chapitre de l'ouvrage attribué à Sansovino, il
n'est question que de l'édition princeps, les éditions ultérieures n'étant
pas mentionnées. Ils avaient tout de même un réseau d'informateurs,
dont certains appartenaient au monde du livre, et savaient quelles étaient
les éditions les plus répandues ou les plus recherchées. C'est pourquoi,
dans cette même Pars secunda de !'Index, figurent les Opera (Louvain,
1566), qui étaient du reste déjà censurés . 54 L'Inquisition ne proscrit
cependant pas tout le corpus morien, car elle sait parfaitement que les tex-
tes spirituels de More et ses diatribes contre Luther puisaient leur inspira-
tion et leur force dans la plus stricte orthodoxie romaine. Dans cette édi-
tion, seule !'Utopie est totalement mise à l'index, 55 tandis que le censeur
loue chaleureusement la sainteté de l'auteur. 56 Les lettres de More sont
également mentionnées comme devant être expurgées, 57 nous allons le
voir.
La Pars prima de l'Index étant constituée par l'Index Romain de
livres interdits, il n'est pas sans intérêt de constater que Thomas More et
!'Utopie n'y figurent pas, mais uniquement dans !'Index portugais. Ce
n'est évidemment pas le cas d'Erasme et d'un bon nombre de ses
oeuvres. 58 Si la Pars tertia librorum expurgatorum complectens a surtout
attiré notre attention, dans !'Index de 1624, c'est qu'on y trouve les passa-
ges censurés, ou du moins des indications claires quant au terminus a quo
et au terminus ad quem. Le passage le plus important en ce qui concerne
Thomas More couvre deux demi-colonnes . 59 Après avoir rendu hom-
mage à l'humaniste censuré, considéré comme la gloire de l'Angleterre, 60
on indique avec précision les fragments à éliminer, dans l'édition des
Lucubrationes de Bâle (1563), dans les Opera de l'édition de Louvain, et
aussi-- cette insistance est significative-- dans l'édition citée plus haut du
livre de Sansovino en italien. 6 1
Examiner en détailles passages censurés dans tous ces textes nous
mènerait trop loin ; nous en choisirons tout de même deux ou trois, qui
nous semblent plus importants. En ce qui concerne la lettre préface de
Guillaume Budé, ce sont les mêmes passages qui sont supprimés dans les
deux éditions. Le second est un éloge d'Erasme, qui nous semble
aujourd'hui anodin. Le premier, en revanche, pouvait paraître subversif
dans le Portugal de 1624. « Il me semble, écrit Budé, que le message du
Christ a abrogé [terme de législation] parmi ses disciples les volumes épi-
neux du double code -- civil et canonique --qui fonde notre jurisprudence
et régit nos destinées. » 62 On peut s'étonner que d'autres passages de la,
L'UTOPIE DE MORE AU PORTUGAL 147

même lettre, qui ne sont pas moins révolutionnaires, n'aient pas été con-
damnés . 63
La seconde coupure, dans la lettre de Budé, présente Erasme
comme un grand homme, à qui les lettres sacrées et profanes doivent
beaucoup dans tous les domaines . 64 Il fallait en effet qu 'Erasme fût tenu
au Portugal pour un« auctor damnatus »pour que l'on juge dangereux
cet éloge de son savoir.
Quant à 1' Utopie, elle est purement et simplement interdite, en
latin comme dans la version italienne de Sansovino ; 65 celle-ci, nous
l'avons laissé entendre, devait circuler largement au Portugal. Les cen-
seurs du 17e siècle étaient mieux informés au sujet de ce livre que certains
critiques d'aujourd'hui qui pensent , peut-être parce qu'ils ne l'ont pas vu,
qu'il ne renferme que de longs extraits de la traduction italienne, 66
publiée en 1548, alors qu'on y trouve le Livre II en entier, à l'exception
des deux dernières pages .
L'édition lovanienne des Opera est encore attaquée pour un autre
texte, où il ne s'agit pas directement de More, mais de Luther. 67 Comme
la réponse de More n'a pas mérité la censure, nous pouvons nous deman-
der, trois siècles et demi après, pourquoi le censeur a jugé que le lecteur de
la réfutation n'avait pas à prendre connaissance du texte réfuté. N'avait -il
qu'une confiance relative dans la valeur des arguments de More ? Ou
faut-il conclure que notre logique, même si c'est celle de la stricte ortho-
doxie d'un catholique du 20e siècle-- et même dans une optique d'avant
Vatican II --, est différente de celle des censeurs de 1'Inquisition au 17e
siècle? ... A moins qu'ils ne soient partis du principe que tout ce qu'écri-
vait un hérétique devait être censuré, et que tous ses actes, pour la seule
raison qu'ils sont le fait d'un homme quis 'est séparé de 1'Eglise Romaine,
portent atteinte à 1'intégrité de la foi. Mais ne nous écartons pas du sujet.
Il importe, avant de conclure notre article, d'indiquer d'autres passages
de l'Index concernant Thomas More. Ceux que nous venons de relever
suffiraient à montrer avec quelle sévérité on traitait 1' Utopie dans le pays
d 'Hythlodée. Les autres surviennent dans des lettres, soit de lui, soit à lui
adressées, sur lesquelles nous ne nous attarderons pas.
Erasme figure en effet dans cet Index comme « Auctor damna-
tus »et les passages expurgés dans ses Opera omnia (Bâle, 1540) couvrent
79 pages, sur 158 colonnes serrées, 68 incluantplusieurs morceaux de sa
correspondance avec More . Cinq lettres au moins sont désignées, et dans
1'une d'elles trois passages sont expurgés. 69 Cinq autres lettres adressées à
Thomas More ont fait l'objet de coupures. Celle qui lui dédie le Moriae
encomium est complètement interdite, de même que le beau texte qui la
suit, et qui, depuis des siècles, est considéré comme le chef-d'oeuvre du
prince des humanistes . 70
148 JOSÉ V. DE PINA MARTINS

Nous avons voulu montrer ici que, si !'Index de 1624 rend hom-
mage aux vertus, à la sainteté et à l'érudition de More, il n'en censure pas
moins !'Utopie et plusieurs de ses lettres. A ses côtés, on trouve ses amis
Erasme et Budé, et d'autres que nous n'avons pas pu citer. Tout cela
prouve que l'oeuvre de Thomas More, notamment les Opera (Louvain,
1566), les Lucubrationes (Bâle, 1563), et la traduction italienne du Livre
II de !'Utopie dans l'édition de 1561, était lue au Portugal: autrement, le
censeur n'autait pas pris tant de précautions, allant jusqu'à indiquer les
éditions les plus diffusées. Cet Index est donc un document précieux pour
l'étude du rayonnement de Thomas More dans la culture portugaise aux
16e et 17e siècles.
En guise de conclusion.
L'Utopie n'a certes pas eu autant de succès au Portugal que dans
d'autres pays : en Belgique, par exemple, où parut en 1516 à Louvain
l'édition princeps, en attendant la publication (1565, 1566) des Opera 71 ;
en France, où fut publiée à Paris la seconde édition en 1517, puis en 1550
la première traduction française ; 72 en Italie, où sortirent à Florence en
1519la première édition avec le titre« Utopia » 73 , et à Venise en 1548 et
en 1561 des traductions intégrales de l'ouvrage et du livre II ; en
Espagne, 74 où le texte traduit en castillan fut diffusé à partir de 1637. Et
que dire du lointain Mexique, où un noble Espagnol, humaniste et juriste,
devenu évêque tenta de mettre en oeuvre ce plan de communauté
modèle ? 75 C'est, dans le monde, le seul exemple historique d'un essai
réussi d'application concrète d'un projet utopique au 16e siècle . Rien de
comparable à tout cela au Portugal. Mais le succès qu'y remporta 1' Uto-
pie mérite d'être étudié à fond parce qu'il est significatif.
Tout d'abord, pour écrire son livre, Thomas More a dû lire des
textes portugais ou concernant les Découvertes portugaises, vraisembla-
blement dans des traductions en latin: les Découvertes sont à l'origine de
l'Utopie, et elle n'eût peut-être pas existé sans elles. Hythlodée en est la
preuve.
Les références puisées chez Damiao de Gois et Jer6nimo Os6rio
soulignent les très grandes qualités de l'humaniste et surtout du martyr :
hommage rendu à un exemple insigne de fidélité au Christ. Le fait que
1' Utopie soit mentionnée dans des textes fondamentaux de la culture por-
tugaise au 16e siècle, ayant pour auteurs Joao de Barras et Heitor Pinto,
peut sembler sans grand intérêt : il prend tout son sens éthique et politique
si on le situe dans son contexte littéraire et historique.
L'UTOPIE DE MORE AU PORTUGAL 149

Enfin les interdictions du livre de Thomas More , prononcées à


partir de 1581, et précisées surtout dans l'Index de 1624, où l'on trouve
même des indications concernant les éditions (de Venise, de Louvain, de
Bâle) prouvent que Thomas More et son oeuvre étaient fort appréciés
dans la patrie d'Hythlodée.

Paris, 6février 1981 José V. de Pirra Martins

N 0 TES

1. Certains critiques, qui ignorent 1'existence de cette édition, disent que le titre
«Utopie »est tardif. Dans notre catalogue« L'Utopie», Fondation Calouste Gulbenkian,
Centre Culturel Portugais, Paris, 1977, p. 18, nous avons écrit:« Cette édition est celle qui
consacre comme définitif le titre de l'ouvrage». La rareté de l'édition pourrait peut-être
expliquer cette ignorance.

2. Thomas More en parle dans le début du Livre Ide l'Utopie (De optima Reip.
Statu deque noua insu/a Utopia, Bâle mars 1518, p. 28) : « Rapha~l iste, sic enim uocatur
gentilicio homine Hythlodaeus, [... ] orbis terrarum contemplandi studio Americo Vespucio
se adiunxit, atque in tribus posterioribus illarum quatuor nauigationum quae passim iam
leguntur, perpetuus eius cornes fuit, nisi quod in ultima cum eo non rediit ».

3. Voir notre catalogue «L'Utopie>>, pp. 22-23 : «Thomas More, humaniste


d'une immense curiosité intellectuelle, a dû connaître cette édition qui n'a pu que renforcer
son désir d'apprendre les nouvelles concernant le Nouveau Monde >>.

4. Itinerarium Portugallensium e Lusitania in Indiam et idem occidentem et


demum aquilonem, [Milan], anno nostrae salutis M.D.VIII.

5. Voir catalogue cité« L'Utopie >>,p . 23 : « Ce texte fut édité une quarantaine de
fois au moins au cours du XVIe siècle, à partir de 1510, date de la première édition italienne,
et de 1511, date de la première traduction latine. La première traduction allemande est datée
de 1515 et la première édition en langue castillane, de 1520. Quelques-unes des nouvelles
correspondent à celles du livre de Duarte Barbosa. Par ailleurs, certains détails concernant
1'organisation sociale des peuples visités ne sont pas sans rappeler le discours de Rapha~l
Hythlodée, mais cela ne suffit pas à tirer des conclusions qui nécessiteraient une preuve
solide. Thomas More aurait pu avoir connnaissance directement ou indirectement du récit
des aventures de Vartema, même avant la composition de l'Utopie>>.
150 JOSE V. DE PINA MARTINS

6. Luis de Matos, A « Utopia » de Tomas More e a expansao portuguesa, Ins-


tituto Superior de Ciências Sociais e Politica Ultramarina, tiré à part d'Estudos Politicos e
Sociais, IV, na 3, Lisbonne, 1966, pp. 809-820. Nous avons écrit sur cet article, in catalogue
cité<< L'Utopie >>, p. 42 : <<Étude sédu isante où l'on rapproche, avec une science solide,
beaucoup de nuances et d'intelligence, le personnage de Raphaël Hythlodée de la personna-
lité de Duarte Barbosa ».

7. En ce qui concerne la première éditon , voir notre catalogue << L'Humanisme


portugais (1500-1580) et l'Europe», Université de Tours, 1978, pp. 36-37.

8. Catalogue <<L'Utopie», pp. 6-7 <<Cette invention du portugais


Hythlodée, navigateur et philosophe, ne peut se comprendre que d'une seule façon ; c'est
objectivement un hommage du futur chancelier d'Angleterre à l'épopée des navigateurs por-
tugais, dont parlaient alors tous les européens cultivés, et qui faisait l'admiration de tous
ceux qui, d'une part, croyaient que l'église était investie d'une mission civilisatrice oecumé·
nique, à condition de rester fidèle à l'évangile, et de l'autre étaient conscients de l'impor-
tance scientifique des Découvertes ».

9. Fernando de Mello Moser, More's Early Reputation in Portugal, in Moreana,


Vol. XV, N° 57, mars 1978, pp. 25-30.

JO. Des. Erasmi Rot. Ecclesiastae siue de ratione concionandi libri quatuor,
Basileae in Officina Frobeniana anno M D XXXV, fi. a 3r : [En ce qui concerne Thomas
More] << qui fuit eius regni supremus iudex, cui pectus erat omni niue candidius, ingenium
quale Anglia nec habuit unquam nec habitura est, alioqui nequaquam infelicium ingenio-
rum parens ». Ce traité sur la prédication lui avait été demandé par John Fisher.

Il. La Comtesse Margaret Pole, mère du cardinal et cousine du roi, fut exécutée le
28 mai 1541.

12. Il s'agit du livre Pro unitatis ecclesiasticae defensione, Rome, 1536, dont parle
Damiào de Goes dans une lettre au cardinal. Voir la traduction française de ce texte par
Noëlle-Marie Egretier, Reginald Pole, Défense de l'unité de l 'église, Vrin, Paris, 1967.

13. Voir cette lettre dans la thèse d' Amadeu Torres, Noese e Crise na Epistolografia
Latina Goisiana : l -As Carias Latinas de Damiào de Gois, Introduçao, texto critico e ver-
sao, Braga, 1979, p. 94: << Habeo tibi gratiam pro Thomae Mori mortis explanatione; fuit
donum no bis gratissimum . Amici tui, quos hic habes plurimos et eruditos, quorum consue-
tudine familiariter utor, mirantur quod mortem tarn cari ac intimi amici scriptis non cele-
bres tuis. Nonnulli dicunt mentionem, quam in prologo Ecclesiastis de eo atque Rofensi
facis, dignam non esse tantis uiris, quod prolixius debebas, aiunt, in materiam tarn dignam
procedere. Tu scis quid sis factums , ego tamquam amicus moneo ». (P.S. Allen, XI, p.
270).

14. Voir aussi cette épigramme dans l'édition Antonii Goueani Opera iuridica, philo-
logica, philosophica [... ], Roterodami, Apud Henricum Beman, MDCCLXVI, p. 696.

15. Sur les idées philosophiques d'Antonio de Gouveia, voir l'ouvrage toujours
valable de Joaquim de Carvalho, Antonio de Gouveia e o Aristotelismo da Renascença,
L'UTOPIE DE M ORE AU P ORTUGAL 151

Coimbra, 1916, édité de nouveau en 1978 in Joaquim de Carvalho, Obra Completa, 1- Fila-
sofia e Historia da Filosofia (1916-1934), FundaÇao Calouste Gulbenkian [Lisboa], pp. 1-
116, sous notre direction. Mais la meilleure étude sur la vie, l'oeuvre et la personnalité de
l'humaniste, est le livre Antonio de Gouveia e o seu tempo de Joaquim Verissimo Serrlio,
Coimbra, 1966.

16. Voir, sur cet ouvrage, ce que nous écrivons dans notre catalogue L'Humanisme
Portugais (1500-1580) et l'Europe, pp. 39-40 : « l'auteur fait preuve, en pleine période de
Réforme catholique et alors que s'amorçait la répression inquisitoriale, d'une compréhen-
sion vraiment iréniste et déjà oecuménique de la situation des Juifs, contraints de se conver-
tir ou d'abandonner le Royaume après les mesures de 1497 >>.

17. A mplissimi a/que doctissimi uiri D . Hieronymi Osorii, episcopi Sy/uensis,


in Gualterum Haddonum magistrum libellorum supplicum apud c/arissimam Principem
Helisabetham Angliae, Franciae, & H iberniae Reginam, libri tres. Olisipone excudebat
Franciscus Correa Regius Typographus. Anno incarnationis Dominicae. 1567. Nonis
Oct ob.

18. Episto /a Reuerendissimi D. Hieronymi Osorii Episcopi Syluensis ad Seren is-


simam Elisabetam Angliae Reginam, Olysippone, Excudebat Antonius Riberius, expensis
loannis Hispani, Anno Domini , 1575. L'édition princeps est de 1562.

19. FI. 6r (b 2r) : << Quid ais ? Tu ne sol us ignoras, ex quo primum tempo re Britannia
grauia infamia laborel ? Quomodo enim fieri potuit, ut cum sancti uiri loannes Fischerus
pontifex Rofensis, atque Thomas Morus propter religionis atque fidei constantiam publiee
iugulati sunt : cum Carthusiani uiri religiosissimi fuere crudelissimo supplicia mactati : cum
aedes in quibus perpetuae castitatis domicilium constitutum fuerat, publicatae & in profa-
nas usus conuersae sunt : cum multa sanctitatis monimenta fuissent euersa, ut Britannia non
in admodum insigni infamia uersaretur >>.

20. FI. 7r (B 3r) : [... ] quod nam tantum fuit illud episcopi Rofensis facinus, ut eum
neque uitae grauitas, neque pontificia dignitas ab interitu uindicaret ? Fuerat ne pestem in
patriam machinal us ? De principis nece coniurauerat ? De prodenda rep . cum hostibus con-
silia inierat ? Minime. Sed ob id tantum quod impiae sententiae suffragari constantissime
recusarat, uir sanctus & innocens scelestorum hominum poenam sustinuit >>.

21. lb. : << Quid Thomas Morus uir optimus, & eruditione singulari praeditus
admiserat ? Publicas ne literas corruperat ? Opes regias domum auerterat ? Necem aut
grauem al iquam iniuriam ciuibus suis attulerat ? Nihil horum. Sed ea tantum de causa ,
quod Regi adulari & assentari noluit, libereque sententiam dixit, fuit illi publiee tanquam
proditori caput abscisum >>.

22. FI. 7r (B 3r-v) : << lam uero Canusiani homines summa religione praediti , fori
atque publicae lucis insolentes, cur ita crudeliter uexati, suspensi, dillacerati , atque tandem
flammis absumpti sunt? Ob id certe, quod sententia sua id quod eis nefarium uidebantur,
minime comprobarant. Quid de sanctis pontificibus, quibus cathenas iniecistis, quos tene-
bris inclusistis, quos opibus & honore spoliastis dicendum est ? Fuitne aliud eorum crimen,
nisi quod noluerint ullo modo decretis, quae eis iniqua uidebantur , assentiri? >> (Cuthbert
liunstal, ami de More, fut dépossédé de son siège épiscopal à l'avènement d'Elizabeth, et
mourut prisonnier en 1559).
152 JOSÉ V. DE PINA MARTINS

23. FI. 78v (L 2v) : « [ ... ] nefarii cuiusdam uiri consilio & authoritate sibi persuasit
esse se ecclesiis omnibus, quae Britanniae fini bus continerentur, praepositum [il s'agit du
roi]. Ea res episcopo Rofensi & Moro, & reliquis sanctis hominibus, qui extremum suppli-
cium subierunt, exitio fuit, si exitium potest appellari clarissima mors, pro Christi gloria, &
religionis sanctitate constanter oppetita ».

24. FI. 79v (L 2v) : « Inde tot opiniones pestiferae, tot sectarum dissidia, tot homi-
num furores in Britannae ecclesiae statum, cum magna moris antiqui pernicie, redunda-
runt ».

25. FI. 134r (S 2r) : « Quod uero dicis, multos fuisse apud uos, qui Euangelii sin-
cerum cultum exilio, nuditate, fame, sanguine etiam atque spiritu sanxerint : fateor. Sic
enim Episcopus Rofensis, sic Morus, sic sancti Cartusiani, ut reliquos taceam, clarissimam
pro Christi gloria mortem obierunt. Sic sancti pontifiees euersi bonis, spoliati dignitate, in
carcerem coniecti sunt. [... ] ».

26. Dans l'édition des Omnia Latina Opera de More, Louvain, 1566, la Responsio
ad Lutherum occupe les fis. 59r-117v, chaque page ayant deux colonnes.

27. Cordoue, 1637, version castillane de Medinilla y Porres, avec un célèbre pro-
logue de Francisco de Quevedo qu'on pourra lire dans la récente édition de Utopia, Mexi-
que, 1978, pp. 17-18. Le jugement de Quevedo sur l'Utopie est le suivant (p. 18): « Ellibro
es corto ; mas para atenderle como merece ninuna vida sera larga ; escribi6 poco y dijo
mucho ; si los que gobiernan le obedecen, y los que obedecen se gobiernan por él, ni a aquél -
los sera carga, ni a éstos cuidado ».

28. Silvia Zavala a prouvé qu'un exemplaire de l'édition de Bâle, Novembre, 1518,
appartenait au premier évêque de México, Juan de Zumarraga : cet exemplaire se trouve
a ujourd'hui à la bibliothèque latino-américaine de l'Université du Texas, aux États-Unis.
Voir, à ce sujet, le beau chapitre<< El Humanismo de Vasco de Quiroga »,dans le livre de
Zavala, Recuerdo de Vasco de Quiroga, México, 1965, pp. 57-70.

29. L 'édition princeps des épigrammes de Thomas More est celle de Bâle, Mars
1518, pp. 165-271, après le texte latin de l'Utopie. La très belle édition de l'Utopie d'André
Prévost [Paris, Marne, 1978], reproduit le texte de novembre 1518 en fac-similé, avec une
excellente version française.

30. La meilleure synthèse sur l'oeuvre et la personnalité de Barros reste toujours celle
d'J.S. Révah, in Revista do Livro, Rio de Janeiro, mars 1958 {N ° 9), pp. 61-71. Il faut toute-
fois consulter le travail récent d'Antonio Alberto Banha de Andrade, Joao de Barros, His-
toriador do Pensamento, Humanista Português de Quinhentos, Lisbonne, 1980 (212 pages
in-4 °). Sur le problème de l'érasmisme de Barros, voir notre mise au point<< Joao de Barras e
a tradiçà'o erasmiana »,in Humanismo e Erasmismo na Cu/tura Portuguesa do Século XVI-
Estudo e Textos, Fundaçao Calouste Gulbenkian, Centra Cultural Português, Paris, 1973,
p_p. 49-61.

31. Voir op. cit., p. 63: <<L'extraordinaire hardiesse de Ropica Pnefma (1531-1532)
serait incompréhensible hors de l'atmosphère érasmisante de la cour de Jean III. Que cette
oeuvre ait plu à Jean -Louis Vivès, cela n'a rien d'étonnant : l'humaniste espagnol le fit
savoir à Joao de Barras en lui dédiant, au mois d'août 1535, ses Exercitationes animi in
Deum».
L'UTOPIE DE MORE AU PORTUGAL 153

32. Voir notre catalogue L'Humanisme Portugais (1500- 1580) et l 'Europe, p. 35.

33. Giambattista Vico, Opere, a cura di Fausto Nicolini, Riccardo Ricciardi Edit ore,
Milan -Naples, [!953], pp. 950-951, in« Discoverta del vero Dante ovvero Nuovi Principi di
Critica Dantesca >> : << [ ... ]nell a Nua va Scienza d'intorno alla natura delle nazioni abbiamo
[professato] Omero essere il primo storico della ge ntilità >>.

34. Da Asia de Joao de Barras, Decada Terceira, Parte Primeira, Lisboa , 1777,
p. [4] : << porque deo a entender a verdade aos sapientes debaixo de huma nuvem de ficçao
poetica >> .

35. Op. cil., ibidem : << E Macrobio diz delle [Homero], que he fonte , e origem de
todalas divinas invençoes. >>

36. Barras ne cite presque que des auteurs classiq ues. More, qu'il place à côté des
plus célèbres, est le seul moderne dont il fait l'éloge. Si les<< fables >>peuvent être une source
d'éducat ion, !'Utopie est toutefois la seule par laquelle son auteur a voulu que<< les Anglais
apprennent l'art de se gouverner >>.

37. Op. cil. , ibidem : <<Fabula moderna he a Utopia de Thomaz Moro ; mas nella
quiz elle doutrinar os Inglezes como se haviam de governar >>.

38. La meilleure étude sur l'oeuvre théologique et spirituelle d'Heitor Pinto est
celle d'Edward Glaser, dans l'introduction à son édition de lmagen de la vida cristiana, Bar-
celona , 1967 .

39. Il y a des éditions d'ouvrages d'Heitor Pinto en portugais, françai s, castillan,


italien et latin, publiées dans les villes suivante : Lisbonne, Coimbra, Braga, Paris, Lyon,
Madrid, Barcelone, Saragosse, Salamanque , Alcala de Henares, Medina del Campo et
Venise . Il y a aussi des éditions de ses commentaires bibliques publiées à Coimbra, Lyon,
Paris, Salamanque, Cologne et Anvers. Ces commentaires, en trois volumes, ont été impri-
més à Lyon en 1584 et 1590 et à Paris en 1617.

40. l magem da Vida Christam, [.. .], Tomo 1, Lisbonne, 1843, pp. 170-171 : << Donde
veo Platao a definir & descreuer hua republica, a mays excellente que elle imaginou, a qua!
nunca foy, nem ha de ser. E Xenophonte excellente philosophe & orador condiscipulo do
mesmo Platao pintou na Pedia de Cyro hü perfeyto principe, qua! elle nunca vira, ne cria q
veria nunca. [... ] E o mesme Cicero, co que agora allegaua, descreueo hum perfeyto orador,
qua! nunca ouue, nem auerà. A estes authores imitaram em nessos tëpos Thomas Morus
Conde de lnglaterra, no liure da Cidade, q hi nà ha : & Balthasar Castellao Code de Italia
no seu liure do perfeito cortesam >>. Nous citons la meilleure édition moderne : l'édition
princeps remonte à 1563 .

41. Dans son travail sur<< L'édition scolaire coimbroise des Colloques d'Erasme >>,
in Etudes sur le Portugal au temps de l'Human isme, Fondation Cal ouste Gulbenkian, Cen-
tre Culturel Portugais, Paris, 1974, p . 198: <<Les Colloques imprimés parmi les Conimbri-
censes vers 1546 éclairent un secteur de plus de cette Réforme catholique qui jugeait Erasme
avec indépendance, mais non sans égards , souvent avec une secrète tendresse, et qui du
moins ne s'en faisait pas un épouvantail >> .
154 JOSE V. DE PINA MARTINS

42. FI. 16v.

43. Op. cit., pp. 27-28.

44 . Voirpp.l5, 17et 43 .

45. Voir pp. 110, 115 . Pour Thomas More, pp. 180 et 186 (deux fois).

46. Voir pp. 463, 465, 473, 474, 490 et surtout p. 1030.

47 . Cette mention, à la p . 122, continue plutôt la référence à Francesco Sansovino


qui commence en bas de la p. 121.

48. Luigi Firpo, « Thomas More e la sua fortu na in Italia », in !dea di Thomas
More, a cura di Angelo Paredi, Marialisa Bertagnoni e Cesare Gram pa, Neri Pozza Editore,
Vicenza, 1978, p. 276. L'étude très fouillée de Luigi Firpo occupe les pp. 251-282.

49. Luigi Firpo, p. 276 op. cil., ne fait mention que des éditions vénitiennes
de 1561, 1567, 1578 et 1607.

50. Dans la verion d'Ortensio Lando, 1548, Je Livre II de J'Utopie ne dépasse pas en
effet trois pages , si l'on prend comme point de répère l'édition de J'Utopia, a cura di Luigi
Firpo, Torino, I 971 (pp. 186-189). Dans la version de Luigi Firpo (e non d'Ortensio Lando),
présentée in Utopia, Neri Pozza Editore, Vicenza, 1978, Je même texte occupe à peu près
cinq pages (229-239), à côté du texte latin.

51. Del governo et amministrazione di diversi Regni, et Republiche, cosi antiche


come moderne di M . Francesco Sansovino Libri XXII, In Vinegia, Presso Altobello Sali-
calo, M D LXXXIII, Alla Libraria della Fortezza, fi. 183v (Del governo et amministratione
della Republica d'Utopia): << Ora questo uomo dottisimo hauendo a noia i corrotti cost umi
del nostro secolo, scrisse molto ornamente in quella Regione della gente beata questa Repu-
blica gouernata da ottime leggi , et ridotta in somma pace, et in felicità, accio che gli huomini
imparassero dalla sua piaceuolissima fittione di trouare il vero modo di uiuer bene, et felice-
mente[ ... ].>>

52. Index 1624, p. 186, col. A : << Vtopia Opus sic inscriptum De optimo Reip.
statu ; quod etiam Italico sermone circunfertur in opere Francisci Sansouini De Guberna-
tione Regnorum & Reip . impresso Venetij s anno 1561 >>.

53 . Index 1624, p. 186, col. B : « Vtopia. Vejase acima entre os Latinos. >>

54. Index 1624, p. I80, col. B: « Thomae Mori, viri alias sa nctissimi, seu (vt habe-
tur) in editione Louaniensi 1566 Raphaelis Hythlodei Vtopia omnino prohibetur. At vero
Epistolae lucubrat ionibus eiusdem Thomae adiunctae, donec emedentur iuxta praescripta in
Expurgatorio >>. En ce qui concerne l'édition des Opera de Thomas More, Louvain, 1566,
au fi. 6v, on peut lire cette note, signée par« F. roannes Hentenius sacrae Theologiae Pro-
fessor >> : « Haec Thomae Mori opera, ita correcta, iudico no sine fructu excusa tradi mor-
talibus posse, cum & pietatem & delectationem no irreligiosam adferat , quod attestor ego )),
juste avant la signature.
L'UTOPIE DE MORE AU PORTUGAL 155

55. Index, 1624, ibidem : « Vtopia omnino prohibetur ». Remarquer (n. 54) qu'on
dit « 1'Utopie de Thomas More ou (comme le veut son attribution) de Raphael Hythlodée >>.

56 . Index 1624, ibidem : << Thomae Mori, viri alias sanct iss imi [... ] ».

-57. Index 1624, ibidem : «At vero Epistolae [... ) donec emëdentur iuxta praes-
cripta in Expurgatorio ».

58. Voir, par exemple, Index 1624, p. 15, col. A, où il est quest ion d'Erasme consi-
déré comme « auctor damnatus ». Parmi les livres érasmiens interdits, on voit les Collo -
ques, Morio, Lingua, Christiani Matrimonii lnstitutio, etc.

59. Index 1624, p. 1030, col. A-B.

60. Index 1624, ibidem : « Ex Thomae Mori Angliae Ornamenti eximij, lucubratio-
nibu s [... ] ».

61. Index 1624, ibidem : «Ex Thomae Mori [... ] lucubrationibus [... ] Basi-
leae apud Episcopium F. 1568 [1563) [... ]. Louaniensis editio operum Thomae Mori paulo
antiquior, anni videlicet 1566, sic expurganda. [... ]. Eadem Vtopia inserta est operi de
optimo Reipub. statu editio Italico idiomate a Francisco Sansouino Venetijs anno 1561, est-
que totus liber 18 siue vltimus [... ] ». Il appert que le censeur a bien voulu 1568; l'erreur
provenait sans doute de la ressemblance entre 3 et 8.

62. Thomas More, Omnia latina opera, Louvain, 1566, fi. A iijr, col. A : «Quo
certe instituto Christus omnia iuris, istius ciuilis pontifificiique adeo recentioris argumen-
to sa volumina, inter suos quidem abrogasse mihi videtur, quod ipsum ius hodie arcem
tenere prudentiae videmus, ac fa ta nostra regere ». Dans 1'édition parisienne de 1517, ce
passage se trouve aux fis. A iijv-iiiijr. Dans les éditions bâloises de mars et novembre 1518
on peut lire ces mot s au fi. a 4r, ou p. 7 (L'édition d'A. Prévost conserve cette pagination).
Les éditeurs de Louvain ont remplacé omne par omnia dans la première ligne, et introduit
après iuris une virgule qui n'est pas dans 1'édition princeps de la lettre (Paris, 1517). Pour les
éditeurs de Yale (CW 4, p. 273), omne s'accorde avec institutum sous-entendu.

63. La lettre de Budé est d'une audace chrétienne extraordinaire. Il suffirait, pour en
être convaincu, de lire seulement ce passage (Éd. bâloise 1518, fl.a 3r): « CÜ si ad ueritatis
normam , & ad simplicitatis Euangelicae praescriptum exigere iura uelimus, nemo sit tarn
stupidus quin intelligat, nemo tarn uaecors quin fateatur si urgeas, tarn ius & fas hodie ac
iàdiu in sanctionibus pontificijs, & ius atque aequü in legibus ciuilibus & principum placitis
dissidere quàm Christi rerum humanarum conditoris instituta, eiusque discipulorum ritus,
ab eorü decretis & placitis qui Croesi & Midae aceruos bonorum finem esse pu tant & felicita-
lis cumulÜ » (A. Prévost, p. 5, lignes 14-22).

64. Thomas More, Omnia latina opera, Louvain, 1566, fi . A iijv, col. A:« [... ] cla-
rissimi viri ac de literis sacris, profanis, omneque genus meritissimi ».Le texte, après la cou-
pure imposée par le censeur, serait réduit à la phrase« quod Erasmi [... ] amicus est iuratissi-
mus ». (Prévost, p . 10).
156 JOSE V. DE PINA MARTINS

65 . Voir supra note 61 et toutes celles qui concernent l'édition de l'ouvrage de 1561
attribué à Sansovino.

66. Nous penson s, parmi d'autres , aux critiques Frank E . Manuel et Fritzie P.
Manuel qui, dan s leur beau livre Utopian Thought in the Western World, Harva rd Uni -
versity Press , Cambridge, Mass achu sett s, 1979, écrivent:<< In 1561 More' s Utopia became
more widely known in Italy when Francesco Sansovino included in his compendium of com-
pa rative poli tics, Del governo dei reg ni et delle republiche cosi an tiche come moderne libri
XVIII[ ... ], long passages from the Landi translation under the rubric << Del governo della
republica d'Utopia » by << Tomaso Moro cittadino di Londra, & huomo santi ss imo di
vita ».

67. Thomas More, Omnia latina opera, Louvain, 1566, fl . 59r-v (K iiiij r-v) :
<< Praejatio Lutheri script a ad quendam no bi lem bohemum qua suam ipse invidiam ac livo-
rem, tum in Pontificem, tum in ipsum Caesarem, Germaniae principes viros un iversos, pro -
dit[ .. . ])).

68. Index 1624, pp. 455-534.

69. Index 1624, p. 463, col. B ; 465, col. A (Epistola Thomae Mori ad Petru
Aegidiu) ; p. 473, col. A ; p. 474, col. A ; p. 490, col. B, deux lettres censurées.

70. Index 1624, p. 468, col. A, deux lettres censurées; p. 474, col. A; p. 489, col. B;
et 492, col. B, interdiction totale du Mo riae encomium, avec la lettre de dédicace à Thomas
More : << Praecidatur etiam totum Moriae Encomium id est, Stultitiae Laus, cum praefixa
epistola Erasmi ad Thomam Morum [. .. ] >>.

71. En ce qui concerne l'édit ion p rinceps de l'Utopie, voir notre catalogue
<<L'Utopie >>,Paris, 1977, p. 15, avec la description de l'exemplaire de la Bibliothèque de la
Sorbonne .

72. Catalogue<< L ' Utopie>>, p. 16 (édition parisienne de 1517) et pp. 46-47 (fac-si-
milé de la première traduction française, Paris, Charles AngelieJ:,I550).

73. Catalogue<< L'Utopie>>, pp. 17-18, avec la description d'un exemplaire de l'édi -
tion rarissime de Florence, 1519.

74. Voir supra, note 27 de ce travail, où il est question de l'édition espa -


gnole de 1637. Pour la bibliographie de Thomas More, mise à jour, en Espagne , voir le beau
livre de Francisco L6pez Estrada : Tomas Moro y Espana: sus relaciones hasta el sig/a 18,
editorial on Universidad Compluteuse, Madrid, 1980.

75 . Sur 1'histoire de 1'utopie topique (car elle a pu avoir une réalisation historique
réelle), voir les études de Silvia Zavala , au moins La « Utopia » de Tomas Moro en la
Nueva Espana, El Colegio Nacional [México], 1950; Recuerdo de Vasco de Quiroga, Edito -
rial Porrua, México, 1965 , très belle publication où le premier travail a été reproduit (pp. 11-
40) ; et, tout dernièrement, A lgunas paginas adicionales sobre Vasco de Quiroga (Memoria
de El Colegio Nacional, Tomo IX, Num. 2, Ano 1979), Editorial de El ColegioNacional,
México, 1980 . Ce dernier travail est une importante mise au point bibliographique .
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