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Éditions de
la
Sorbonne
Terres promises  | Hélène Harter,  Antoine Marès,  Pierre Mélandri,  et al.

De Pétain à de
Gaulle : la trajectoire
tourmentée du
diplomate Jacques
Truelle
Catherine Nicault
p. 349-363

Texte intégral
« Comment savoir quand l’honneur commande de dire non,
et quand il exige de dire oui ? Comment être chevalier errant
quand le monde entier erre aussi parce qu’il n’y a plus de
chemins ? »
Jean-François Deniau, Mémoires de 7 vies1.
1 «  Homme loyal si jamais il en fut  », une «  parfaite droiture de
caractère » : tel est le trait qui, pour les diplomates Armand Bérard
et François Charles-Roux, définit le mieux Jacques Truelle (1891-
1945) dans les années 19302. Or, la guerre devait soumettre à rude
épreuve les fonctionnaires français les plus scrupuleux. Après avoir
cru de son devoir, comme la quasi-totalité de ses pairs, de servir
Vichy, Truelle rallia après bien des affres la « dissidence » gaulliste
en juin 1943. Pourquoi avoir tant attendu ? Dans quelles conditions
a-t-il accompli, finalement, le «  grand saut  »  ? Venant après trois
études consacrées à des diplomates français éminents de cette
époque3, voici une analyse du cheminement politique d’un agent de
rang moindre, qui voudrait contribuer à éclairer le comportement
général du corps.
2 Toute approche biographique pose avec une acuité particulière la
question des sources. Or, des notes que, selon son ami Jean
Mouton4, Jacques Truelle ne cessait de jeter sur le papier pendant
la guerre, il ne nous est rien parvenu, pas plus que sa
correspondance autre qu’officielle. Discret, stoppé au seuil d’une
seconde carrière sans doute brillante par une mort prématurée,
Truelle est quasi-absent des mémoires laissés par ses
contemporains comme l’ignore la littérature historique sur le
personnel diplomatique de ce temps5. C’est donc sur une
documentation indirecte mais finalement riche  –  traces
subsistantes dans les archives du Quai et surtout écrits intimes de
membres de son entourage  –  que nous nous sommes fondée, en
nous efforçant d’éviter les écueils de la reconstruction.

Les épreuves d’un jeune homme de bonne


famille
3 Les débuts dans la vie de Jacques Truelle sont ceux, classiques et
apparemment sans histoire, d’un rejeton de la bonne bourgeoisie
parisienne. Ce fils d’agent de change6, dont la parentèle compte un
directeur de compagnie d’assurances, un député et des
« particules7 », habite les « beaux quartiers8 ». Nous ignorons où il
fit ses études secondaires et si c’est là la source de sa connaissance,
moins habituelle que celle de l’allemand dans ce milieu, de l’italien
et l’anglais, deux langues qui orienteront plus tard le choix de ses
postes. En  1912  en tout cas, après l’obtention du baccalauréat de
philosophie (1909), puis d’une licence en droit (1912), il entame
son service militaire. La guerre le surprend sous les drapeaux.
4 Traumatisante pour toute sa génération, l’expérience est, au sens
propre, indélébile pour notre héros. Le  7  octobre  1914, le jeune
Truelle est touché à Notre-Dame de Lorette par un éclat d’obus ; on
l’ampute la nuit même de la jambe gauche. Le hasard veut que soit
alors à ses côtés l’héritier de la dynastie bancaire des Camondo, qui
témoigne du « courage extraordinaire » de son camarade ; il « n’a
pas cessé de plaisanter9  », rapporte Nissim à son père. Selon sa
citation à l’ordre de l’armée, en novembre suivant, le blessé, sur le
point d’être opéré, aurait lancé crânement  : «  Çà n’a pas
d’importance pourvu qu’on foute la pelle aux boches10.  » La lettre
de condoléances qu’adresse Marcel Proust à Moïse de Camondo
après la disparition de Nissim atteste des liens qui unirent ensuite
les deux jeunes gens  : «  Je ne connais pas votre fils, mais j’ai
souvent entendu parler de lui par mon jeune ami Jacques Truelle
pour qui votre fils a été exquis quand il a été blessé11. »
5 À l’hôpital jusqu’en février  1915, puis réformé, le convalescent
décroche le diplôme de l’École libre des sciences politiques (section
diplomatique) en juin  1917, signe d’une attirance pour la carrière.
C’est un peu auparavant, en mars, qu’il a fait la connaissance de
Marcel Proust, figure déjà bien connue des cercles esthètes et
mondains de la capitale mais pas encore du grand public ; instruit
de son « amitié pour Swann », le héros de son premier roman paru
en  1913, l’écrivain l’a convié à dîner chez Ciro’s, une table
parisienne à la mode12. De la relation privilégiée qui s’établit
d’emblée entre cet homme de 46  ans, déjà très diminué par la
maladie, et l’infirme de 26 ans, témoignent un court hommage de
Truelle à l’écrivain disparu13  et surtout onze lettres que lui a
adressées Proust entre 1917 et 1920.
6 Leur ton  –  surtout celles de  1917, les plus nombreuses  –  suggère
que l’écrivain noue là, au moins au départ, une de ces amitiés
amoureuses qu’il s’est souvent plu à cultiver14. Ses lettres
témoignent en tout cas d’une intimité immédiatement partagée
entre le jeune Truelle, Proust et, dans une moindre mesure, Paul
Morand et la princesse Hélène Soutzo, couple pour lequel le
romancier, qui se complait dans une «  situation triangulaire qu’il
affectionne », éprouve alors « une passion étrange15 ». Si Proust est
manifestement son Pygmalion en littérature  –  Truelle lui soumet
au moins une nouvelle16  –, Paul Morand, alors jeune diplomate
de  29  ans et lui aussi débutant en littérature, fut
vraisemblablement le mentor qui guida ses pas vers la carrière,
encore que Proust y comptât d’autres amis. Devenu «  attaché
autorisé  » (c’est-à-dire non rémunéré) à l’ambassade de Rome en
mai  1918, Truelle compte sans doute suivre les traces de ces
écrivains-diplomates qui sont une tradition au Quai. Il est possible
aussi qu’il lui ait fallu trouver, après la mort de son père en 1917 et
en raison de quelque revers de fortune17, une situation digne de son
standing social, ce que la diplomatie lui offrait indéniablement.
7 Car, autre constat, Truelle est parfaitement à l’aise dans le
« Monde ». S’il est absent des pages du journal de l’abbé Mugnier18,
familier pourtant des mêmes cercles parisiens et versaillais, la
correspondance de Proust et le journal tenu alors par Morand19 le
montrent fréquentant assidûment les intimes de l’écrivain  –
  notamment les plus Parisiens des Roumains, le prince Antoine
Bibesco et ses proches  –, mais aussi une pléiade de femmes du
monde, Pierre de Polignac, bientôt S.A.S. le prince de Monaco, ou
Jacques Porel, le fils de la comédienne Réjane et du directeur du
théâtre du Vaudeville. Le comble : Proust confie à un tiers que son
protégé a «  eu un moment la faiblesse d’être très snob20  »  ! Il
évolue en tout cas avec le plus grand naturel dans cette société
élégante, portée aux persiflages et volontiers antisémites, auxquels
les Juifs ou demi-Juifs admis en son sein  –  Proust le tout
premier  –  se prêtent volontiers. Du reste la phrase mentionnée
dans sa citation suggère que le jeune Truelle pourrait bien avoir été
en communion, avant guerre, avec ces jeunes bourgeois
nationalistes interrogés pour l’enquête d’Agathon21  ; c’est à son
jeune ami que Proust emprunte Mademoiselle Monck de Maurras
pour les besoins de l’un de ses romans.
8 Reste que Truelle et Proust furent d’évidence liés par une estime et
une affection sincères. « C’est, écrit Proust à son propos, un cœur
admirable (comme son esprit)22.  »«  Bien qu’amputé de la guerre,
poursuit-il, il n’a cessé, n’ayant plus aucun intérêt à la Paix, à
soutenir les thèses les plus violemment pacifistes devant les gens
que cela devait le plus scandaliser ». À Truelle lui-même, il écrit :
« [...] Nous avons tellement le même point de vue sur la vie et c’est
presque quelque chose d’admirable23 [...] »« Seules l’absence et la
mort ont pu interrompre (sa relation avec Proust)24 », témoignera
Truelle après la disparition de l’écrivain en novembre 1922.
9 Raffiné, d’une extrême distinction malgré sa claudication, d’une
conversation pleine de charme, mais aussi sensible et doué pour
l’amitié vraie25, courageux, capable de s’affirmer à contre-courant
si ses convictions l’exigent, tel apparaît donc Jacques Truelle au
seuil de sa carrière  ; un jeune homme mûri par l’épreuve, un
infirme aussi, dégoûté de la guerre, dont la santé définitivement
ébranlée peut expliquer et le célibat26, mal vu en général chez les
diplomates de carrière, et son incapacité, finalement, à mener de
front une carrière littéraire et une carrière diplomatique qui
l’absorbe bientôt entièrement.

Le choix « naturel » du premier Vichy


10 De  1919  à juin  1940, Jacques Truelle est un diplomate de bonne
réputation. L’alternance entre les postes à l’étranger et les séjours
au Département a été à peu près respectée, pas tout à fait
cependant, Truelle s’attardant visiblement le moins possible à Paris
où seule l’attire la présence de sa mère, avant son décès au
printemps  193827. C’est à l’étranger qu’il engrange de l’expérience
et trouve des protecteurs  : François Charles-Roux surtout,
conseiller de Camille Barrère à Rome-Quirinal où Truelle fait ses
débuts comme attaché, puis secrétaire d’ambassade (mai  1920-
novembre  1924), avant de le rejoindre, sur sa demande, à Rome-
Saint-Siège comme conseiller lorsque Charles-Roux y est nommé
ambassadeur, de juillet  1933  à octobre  1936. Mais Truelle a été
aussi en poste à Londres de janvier  1928  à juillet  1933  et, depuis
juillet  1938, il seconde le comte René Doynel de Saint-Quentin à
Washington.  Ministre plénipotentiaire de  2e classe depuis
mars  1939, Truelle est en droit d’espérer, à la veille de la guerre,
après vingt ans d’une carrière solidement conduite, la direction
d’une légation.
11 Sa position encore seconde comme l’éloignement pourraient suffire
à expliquer que son nom ne soit pas resté attaché, dans cet avant-
guerre, à l’un des clans qui se déchirent alors au Quai, celui des
«  durs  » anglophiles et partisans de la fermeté face à Hitler, ou
celui des « mous », italophiles et de tendance pacifiste. Mais nous
serions portée à voir aussi dans cet effacement une conception du
service de l’État qui lui font fuir les dissensions susceptibles de
nuire aux forces et au crédit de la nation.  L’estime que lui porte
Charles-Roux, celle que lui manifeste en 1943-1944 René Massigli,
paraissent difficilement compatibles en tout cas avec des
sentiments munichois. Autres indices  : il «  abhorre  » Pierre
Laval28, souvenir sans doute de l’épisode de l’accord Laval-Hoare
qu’il a vécu en direct à Rome en  1935, et Truelle sera catalogué
« anglophile » en octobre 1940 par la France libre naissante29. Pour
l’heure, qui est celle de la Drôle de guerre, il œuvre de son mieux
dans une Amérique isolationniste nullement disposée encore à
renoncer à sa neutralité, mais dont la France attend au moins un
soutien diplomatique et matériel  –  notamment la fourniture
d’avions. L’invasion de mai  1940  en revanche coupe largement
l’ambassade, à l’instar de tous les postes à l’étranger, de
l’administration centrale. C’est par elle, toutefois, que transitent les
appels désespérés de Paul Reynaud à Roosevelt en juin. Nul doute
que Truelle ait été consterné par la défaite et la signature de
l’armistice.
12 La souffrance lui est d’ailleurs, probablement, une raison de plus
pour rester à son poste, prêt à faire son devoir là où le régime
légal  –  Vichy, naturellement  –  en décidera. Le  7  septembre  1940,
sur le point de laisser la place au sénateur Henry-Haye que vient de
nommer le nouveau régime, le comte de Saint-Quentin réclame
pour son collaborateur «  une légation importante30  ». De fait
Truelle, nommé le  23  octobre  1940  par Vichy «  envoyé
extraordinaire et ministre plénipotentiaire  » à Bucarest, est l’un
des bénéficiaires du mouvement diplomatique qu’orchestre, de
juillet à novembre 1940, François Charles-Roux, secrétaire général
du Quai depuis mai, sous l’autorité du ministre Paul Baudouin31.
Annoncée la veille de Montoire et de l’annonce officielle de la
politique de «  collaboration  », sa nomination est suivie de peu,
le  1er novembre, de la démission de Charles-Roux. Jusque-là, ce
dernier et, dans une certaine mesure, Baudouin ont cru pouvoir
maintenir, malgré les exigences allemandes, une ligne politique de
nature, selon eux, à préserver les chances d’un relèvement
français  : exécution de l’armistice mais sans une virgule de plus
pour paraphraser le général Weygand, et maintien, même après le
drame de Mers-el-Kébir, du lien avec l’Angleterre dont ils espèrent
qu’elle pourra résister aux assauts allemands.
13 Manifestement Truelle doit sa promotion à son adhésion à cette
ligne, comme à sa confiance dans le maréchal Pétain.  Il est
probable, du reste, que les appels de ce dernier à une rénovation
nationale trouvent des échos favorables chez lui, aveugle encore au
décalage existant entre une œuvre de redressement qui ne
toucherait par aux principes républicains et humanistes, à laquelle
il peut souscrire, et le programme radicalement réactionnaire de la
«  révolution nationale  », mené, qui plus est, sous un régime
d’occupation.  Si, selon Charles-Roux, c’est le ministre lui-même
qui aurait «  tenu à lui attribuer une importante légation en
Europe32  », on peut tabler qu’il est plus proche du secrétaire
général. Comme lui, il aspire à ce que l’amitié américaine soit
préservée dans l’espoir d’une intervention armée des États-Unis
dans la guerre et non pas dans celui d’une simple « stabilisation de
[sa] neutralité33  ». Les dépêches en provenance de Washington,
alors que Truelle s’y trouve encore, ne peuvent qu’encourager en
tout cas Charles-Roux dans ces dispositions, en soulignant
combien l’Angleterre a la faveur de l’opinion et du gouvernement
américain, lequel lui prête «  une aide [...] qui a déjà depuis
longtemps dépassé les bases de la neutralité34 ». Bref, tout laisse à
penser que Truelle, bon connaisseur du potentiel britannique et
surtout américain, veut croire que le sort de la France n’est pas
définitivement scellé.
14 On comprend, dès lors, pourquoi, bien que non résigné à la défaite,
il ne soit pas imaginable pour lui de rallier, à cette époque, la
rébellion gaulliste. Invoquer l’influence de ses supérieurs, Saint-
Quentin35  et Charles-Roux, n’est pas une explication suffisante
puisque ni le retrait du second de la scène publique ni l’annonce de
la politique de collaboration ne l’ont alors détourné de Vichy.
Contrairement à ce que pourrait laisser croire le témoignage de G.
Henry-Haye, visiblement aigri par la défection ultérieure de celui
qui fut brièvement son conseiller à Washington, il semble bien que
Truelle a entretenu de bons rapports avec son nouveau chef de
poste qui, débordé, demande qu’on le lui laisse encore un
trimestre36. De fait Truelle ne prend ses fonctions à Bucarest que
le 4 mars 1941, non d’ailleurs que Vichy ait accédé au désir de son
nouvel ambassadeur aux États-Unis, mais parce que, victime d’une
phlébite en septembre, Truelle ne peut embarquer pour l’Europe
que le  4  janvier  1941  ; il a, dans l’intervalle, assuré tant bien que
mal son service à l’ambassade37.
15 Haut fonctionnaire légaliste et discipliné – il a, rappelons-le, vingt
ans de « maison »–, aspirant à ce que les Français restent unis et
dignes dans leur malheur, Truelle reste donc fidèle sans murmurer
à Vichy en 1940 comme tous les agents en poste aux États-Unis, à
l’unique exception de Garreau-Dombasle, le conseiller commercial
basé à New York. Ce dernier a en effet démissionné dès l’armistice,
mais entretient des disputes mesquines, dont témoigne Raoul
Aglion38, délégué de la France libre débarqué à New York le
2  janvier  1941, avec les représentants gaullistes sur place. Raison
de plus pour Truelle de garder ses distances avec la « dissidence ».
N’éprouve-t-il pour autant aucun trouble dans son for intérieur  ?
Selon Raoul Aglion, le personnel diplomatique et consulaire
français aux États-Unis était «  farouchement loyal à Vichy39  ».
Unité de façade, rétorque Henry-Haye, qui se plaint au contraire
d’avoir ressenti à l’ambassade «  une hostilité sourde chez les
“diplomates de carrière”, partagés dans leurs appréciations sur la
situation40 ». Truelle, sans aucun doute, fut du nombre de ceux qui,
selon lui, « feignaient d’être des disciples convaincus du Maréchal,
mais discutaient la valeur ou le patriotisme de tel personnage de
son entourage41  »–  Laval en l’occurrence. Si la mise à pied de
l’« infâme bougnat42 », en décembre 1940, lui est un soulagement,
elle n’est pas faite pour rendre plus lucide le tout nouveau ministre
de France, en route vers Bucarest.

Bucarest ou la difficile entrée en rébellion


16 «  Déprimé  », selon René de Week, son homologue suisse en
Roumanie, par son passage à Vichy à la fin de janvier et en
février 1941, Truelle n’en garde pas moins en effet, lorsqu’il prend
ses nouvelles fonctions, sa confiance en Pétain43. Il est vrai que ce
dernier, lors d’une entrevue à l’hôtel du Parc, lui a clairement laissé
entendre qu’il suivait bien une ligne « nationale », qu’il souhaitait
une victoire anglaise, qu’il mesurait les potentialités de l’industrie
américaine sous ce rapport. De Laval enfin, il lui a parlé avec un
souverain mépris. Pourtant c’est une impression désabusée que
Truelle a gardée de cet «  homme qui possède tous les pouvoirs et
qui n’en exerce aucun44 ». À René de Week il ne tarde pas à avouer
qu’« il se méfie de Darlan45 », le nouveau vice-président du Conseil
depuis le  10  février. Mais, ajoute-t-il aussi, au grand dam de son
interlocuteur, gaulliste de la première heure, il «  tient pour
inévitable une certaine dose de “collaboration”46 ».
17 Deux années seront nécessaires à Truelle pour se « déprendre » du
Maréchal et de Vichy, puis se rallier au mouvement gaulliste. Le
contexte roumain y a certainement contribué. Le nouveau ministre
de France en effet n’est pas, à Bucarest, un homme isolé,
abandonné à lui-même. Dans cette Roumanie aux élites
francophiles, il renoue avec nombre d’anciennes « relations », liées
à ses «  années Proust  », les princes et princesses Bibesco,
Brancovan et autres ; il a ses entrées au Palais royal. Dans ce petit
pays livré aux rumeurs, il peut compter sur toutes sortes d’appuis
et d’informateurs. Les diplomates britanniques ont quitté Bucarest
avant son arrivée, mais on y entend la BBC en clair et on y reçoit la
presse neutre. Par ailleurs, Truelle se lie rapidement avec des
collègues neutres, notamment René de Week, déjà cité, autre
écrivain-diplomate avec lequel il s’est manifestement découvert des
« affinités électives », et le représentant des États-Unis, Gunther. Il
trouve en Jean Mouton, directeur de l’institut français de Bucarest
et grand «  proustien47  », un nouvel ami d’esprit et de cœur. Il
semble enfin avoir travaillé en bonne intelligence avec le personnel
de la légation de France, notamment Henry Spitzmuller, le premier
secrétaire ayant fait fonction de chargé d’affaires avant son arrivée,
le colonel Neuhauser, chargé du S.R., et Roger Sarret, le conseiller
commercial.
18 Or ce petit monde n’a admis ni l’armistice, ni Vichy et la
collaboration, et a opté très tôt pour le gaullisme. Dès le terrible
été 1940 pour le démocrate-chrétien Jean Mouton et pour René de
Week, «  bochophobe acharné48  ». Leurs journaux intimes en font
foi. Le personnel de l’institut, en particulier son secrétaire général
Edmond Bernard, partage ces sentiments. Alsacien, comme
Neuhauser, et violemment antiallemand – il fut engagé volontaire
pendant la Grande Guerre –, « Spitz » n’a pas longtemps balancé,
même si les aspects autoritaires et peut-être même antisémites de
la « révolution nationale » ne sont pas pour lui déplaire49. Heurté
par la collaboration franco-allemande, il cherche dès le début
de 1941 à rejoindre la France libre50. En vain : la Roumanie est une
souricière dont il est difficile de sortir, non seulement du fait de la
présence sur son sol depuis l’automne  1940  d’importantes forces
allemandes «  amies51  » mais aussi du barrage que constitue la
Bulgarie, alliée à l’Axe, sur la route de la Turquie neutre. Londres,
finalement, l’engage à agir sur place, sous couvert de sa fonction
officielle. Aussi crée-t-il, avec les gens de l’institut, les jeunes
secrétaires de la légation, Jean Basdevant et Jean Vyau de Lagarde,
arrivés en  1940  et  1941, et des confrères de Budapest et Sofia, un
réseau « Balkans » qui passe, avec l’aide du colonel Neuhauser, aux
antennes gaullistes d’Istanbul et de Beyrouth des renseignements
politiques, militaires et économiques sur la Roumanie, la Hongrie
et la Bulgarie. Il protège également et favorise le passage vers la
Turquie de prisonniers de guerre français évadés des camps voisins
de la Pologne annexée52.
19 À l’évidence, ces activités ne peuvent échapper au chef de poste. Au
minimum donc, Truelle les couvre pendant des mois, sans doute y
apporte-t-il même sa contribution (en ce qui concerne en
particulier les «  évadés  »), tout en remplissant les devoirs de sa
fonction53. Comme pratiquement la totalité des fonctionnaires
français54, le ministre et son second prêtent serment de fidélité à
Pétain en octobre 1941 ; de même, les deux hommes se soumettent,
en juin 1942, à la déclaration obligatoire de non-appartenance à la
franc-maçonnerie. Couverture pour Spitzmuller, situation plus
équivoque pour Truelle, qui, un palier après l’autre, s’extrait
péniblement des eaux troubles du pétainisme. Les confidences
faites à René de Week nous permettent de suivre cette remontée,
assez conforme à ce que nous savons de celles de ses confrères dans
le même cas, sinon que nulle part mieux qu’en Roumanie, ni aussi
tôt, on ne peut mesurer la portée de l’incapacité de l’Axe à vaincre
l’URSS ; sinon aussi que la situation de son pays de résidence peut
lui donner largement matière à méditer sur les pièges et les
compromissions de la collaboration.  Depuis l’été  1940, la
Roumanie est en effet une nation humiliée qui, en réaction aux
amputations imposées par l’URSS et l’Allemagne, s’est jetée dans
les bras du maréchal Antonescu et cherche le salut dans la
collaboration avec l’Allemagne. Collaboration qui ne lui épargne ni
la présence militaire allemande, ni la pénurie, ni la perte de la libre
disposition de ses ressources alimentaires et pétrolières, et que la
Roumanie pousse jusqu’à participer à l’offensive du Reich contre
l’URSS en juin  1941. De surcroît, les Juifs de Bessarabie et de
Bukovine, accusés d’avoir bien accueilli les Russes en juin  1940,
font les frais du nationalisme roumain blessé. Manifestement
indigné, Truelle a enquêté sur le pogrom monstre de Jassy en
juin 1941, les terribles déportations en Transnistrie et le massacre
des Juifs d’Odessa par les troupes roumaines. Tout en avisant
Vichy de ces atrocités dans une correspondance remarquable, il
refuse de se conformer à la consigne de Darlan qui voulait que
soient délivrés aux Français non-juifs de Roumanie des « certificats
d’aryanisme  », car c’est là, explique-t-il, «  entrer dans des
distinctions inadmissibles à notre endroit55  »  ; allant plus loin, il
protège les Juifs français ainsi que les Juifs roumains jouissant
d’un statut de protégés français et joint ses efforts à ceux de son
collègue suisse pour convaincre les autorités roumaines, à la fin
de 1942, de s’abstenir de livrer aux Allemands, qui les en pressent,
les Juifs du « Vieux Royaume56 ».
20 Il fallut cependant le rappel de Laval par Pétain en avril 1942 pour
que Truelle comprenne « qu’il n’y avait plus rien à espérer de ceux
qui pactisaient avec l’ennemi57 ». Il lui fut difficile de renoncer à ses
illusions  : apparemment la lutte fratricide en Syrie, en juin-
juillet 1941, l’a heurté. « Bien qu’il continue à tenir pour absurde la
politique de Darlan  » (qui se fait fort de marchander avec Hitler
l’atout syrien), son confident suisse se prend alors à redouter qu’il
ne prenne « goût à l’eau de Vichy58 ». Loin cependant de céder aux
sirènes de la «  croisade judéobolchevique  », il se réjouit de la
résistance obstinée opposée par les Russes à la déferlante
allemande. Raison de plus pour s’inquiéter, en novembre, après le
limogeage du général Weygand, de «  la sottise obstinée  –  ou la
criminelle aberration – de Darlan [...]. Il craint fort, confie-t-il à de
Week, que Vichy soit sur le point de commettre des fautes
irréparables59 ». L’entrée en guerre des États-Unis en décembre –
  une nouvelle qui, à la légation de France, «  les a tous gonflés à
bloc60  »–  ne peut que le conforter dans ce sentiment, alors qu’il
perçoit dès janvier  1942  le désarroi naissant des dirigeants
roumains.
21 Rejeter la collaboration ne signifie pas que Truelle soit prêt tout de
go à rallier Londres. Car Laval ne lui a pas rendu le service de le
« limoger » à son tour, avec « tous ceux qu’il peut soupçonner de
ne pas aimer Hitler et l’Allemagne  ». Il l’a craint pourtant61. Peur
de représailles allemandes  ? Peur à coup sûr du dénuement et de
l’inconnu. Jusqu’en novembre  1942, il s’est fait un devoir, sur les
instances de son collègue suisse, de «  rester à son poste aussi
longtemps qu’il le pourra  : que gagnerait la bonne cause à son
remplacement par une créature de Laval  ?  » Il lui en coûte
pourtant, comme le suggère la réflexion suivante de De Week, écho
visiblement de ses débats avec « le pauvre Truelle » : « Un homme
condamné à servir Vichy  –  ou, du moins, à faire semblant de le
servir  –  doit être continuellement tenaillé par l’humiliation ou la
révolte. Se taire, c’est s’exposer à passer pour un lâche ou pour un
aveugle ; parler, c’est risquer de compromettre non seulement son
intérêt personnel, mais encore et surtout le patient travail que l’on
a pu entreprendre dans l’ombre en vue d’un avenir meilleur.  »
Toutefois si on lui demandait de prêter serment de fidélité à Laval,
«  cette crapule  », il ne lui resterait qu’a démissionner, l’avertit
Truelle. Aussi les deux hommes envisagent-ils ensemble les « pires
éventualités » ; De Week songe un moment à le « caser en Suisse, à
la Croix-Rouge par exemple62 ».
22 C’est le débarquement anglo-américain en Afrique du Nord et
l’invasion de la zone Sud par les Allemands en novembre 1942 qui
«  délivre  » enfin Truelle. «  Cela est d’autant plus méritoire,
commente son confident, que, pour lui, personnellement, ce qui se
passe en France peut être la source de grandes difficultés, pour ne
pas dire plus », allusion à sa situation inconfortable dans la nasse
roumaine. « Pour le moment le bonheur d’avoir retrouvé son pays,
de savoir que l’Empire français va rentrer dans la guerre l’emporte
sur toutes autres considérations63. » Ira-t-il cependant rejoindre de
Gaulle, le pourfendeur du Maréchal, comme vient de le faire le
colonel Neuhauser, ou Giraud, vers qui vont les préférences
d’autres diplomates  ? De fait «  il parut hésiter [...]. Je me flatte,
rapporte de Week, de l’avoir aidé à y voir clair  : je savais en effet
que Giraud s’était laissé prendre, en Afrique du Nord, aux filets des
Américains et que de Gaulle seul incarnait la vraie France64  ». La
nouvelle de l’arrivée de René Massigli à Londres, à la fin de
janvier  1943, a dû aussi contribuer à le décider. Toujours est-il
qu’en février ou au début de mars, Truelle envoie une offre de
service au nouveau commissaire aux Affaires étrangères de la
France combattante65, qui l’agrée, en même temps du reste que
celle de Spitzmuller, qui brûle plus que jamais de gagner Londres
ou Alger. Il ne démissionne pas pourtant, de crainte sans doute de
subir le sort de Robert de Dampierre, son homologue de Budapest,
qui, démissionnaire en décembre 1942, s’est vu refuser son visa par
les autorités hongroises, sous la pression de Berlin66.
23 Reste à sortir de Roumanie. Truelle n’y parvient que
le 19 juin 1943, grâce à un subterfuge : il part pour la Turquie via la
Bulgarie par le train des wagons-lits « sous prétexte d’aller se faire
soigner à l’hôpital français d’Istanbul67  »  ; «  Il n’avait emporté
aucun bagage, rapporte Jean Mouton, sauf une mallette qui
contenait sa jambe artificielle [...]. Le prétexte du voyage était de
faire réparer cette jambe [...]. Les autorités roumaines ont fermé
les yeux sur ce départ ; elles en ont été un peu complices. Killinger,
ambassadeur du IIIe Reich, ne sera informé que huit jours après ; il
entrera dans une violente colère68. » Entre-temps l’atmosphère à la
légation a tourné à l’aigre, ruinant les relations entre Truelle et
« Spitz ». Les deux hommes savent, après une évasion manquée en
avril ou début mai, qu’il leur sera impossible de s’esquiver en
même temps69 ; chacun développe donc des tentatives personnelles
rivales  –  qui risquent fort de nuire à leurs projets respectifs.
Massigli les adjure de ne mettre leur projet à exécution que s’il « ne
les expose qu’à des risques limités70  », mais Truelle menace de
démissionner s’il ne peut partir71  tandis que Spitzmuller réclame
que les services centraux établissent «  un ordre de préférence
auquel nous devrons nous conformer sans murmurer72  ». Que le
chef de poste ait eu la préférence ou que celui-ci ait été plus
heureux dans sa nouvelle tentative, c’est Truelle qui, de fait, réussit
sa fuite alors que «  Spitz  » resta, lui, à Bucarest, rongeant
douloureusement son frein en compagnie des autres membres de
son réseau, bloqués comme lui dans les Balkans jusqu’à l’arrivée de
l’Armée Rouge en octobre  1944. Clin d’œil de la vie  : c’est à Paul
Morand que Vichy confie ensuite la légation.  Pendant ce temps,
Truelle, passé rapidement d’Istanbul à Beyrouth (le 7 juillet), puis à
Alger (le  21), se voit confier en octobre  1943  par Massigli et le
général de Gaulle la délicate responsabilité de succéder au colonel
Malaise, un giraudiste fanatique, à la tête de la Mission de la
France combattante à Madrid. Sa mort subite, le  30  mai 1945,
devait couper prématurément le fil de cette seconde vie73.
24 Que retirer de cette analyse de cas  ? Nous y voyons pour
commencer une ample confirmation des analyses récentes de
Robert Belot sur l’obstacle qu’a pu constituer la culture de la haute
fonction publique pour les ralliements de ses membres au
gaullisme74. L’exemple de Jacques Truelle, et ceux d’autres
diplomates croisés dans son entourage, invite ensuite à relativiser
les fulminations gaulliennes contre la «  trahison  » des élites,
notamment diplomatiques. Il est apparu en effet qu’un nombre
non négligeable des agents en poste dans les Balkans se sont ralliés
à lui dès 1940-1941, en esprit comme en actes ; c’est l’incapacité de
la France libre à les «  exfiltrer  », l’utilité aussi de leur concours
pour obtenir des informations sur les Balkans et pour y maintenir
une influence culturelle qui compte au moins autant aux yeux de
Londres qu’à ceux de Vichy, qui poussent ces agents à mener une
activité d’« intelligence » sur place, sous couvert de leurs missions
officielles. Le ralliement de Truelle est il est vrai, avec celui de plus
nombreux collègues, plus tardif, mais pas toujours autant que ne
pourrait le laisser supposer la date de leur ralliement « physique »,
retardé voire impossible en raison des dangers très réels que cet
acte comportait dans une zone étroitement subordonnée au Reich.
Loin de les pousser à tenter l’aventure à tout prix, Massigli les
incite d’ailleurs, en  1943  et  1944, à la prudence. Nous aurons
constaté aussi que les circonstances mêmes de ces départs ont pu
créer des phénomènes de rivalités entre les membres résistants
d’une même légation, capables de troubler dans l’après-guerre,
nous le savons, la «  solidarité  » résistante. Enfin, à côté des
principaux facteurs, déjà bien connus, du ralliement – le retour de
Laval et l’invasion de la zone Sud en avril et novembre 1942 –, on
aura noté le rôle qu’a pu jouer pour certains agents le traitement de
la « question juive » par Vichy75, et celui, trop souvent négligé, du
hasard et de la chance. Truelle a bénéficié de conditions favorables
qui ont fait défaut à d’autres de ses collègues qui, de prime abord,
n’étaient ni plus ni moins vichystes ou maréchalistes que lui.

Notes
1. J.-F. Deniau, Mémoires de  7  vies, t. 1, Les Temps aventureux, Paris, Plon,
1994, p. 167.
2. A. Bérard, Un ambassadeur se souvient, t. 1, Au temps du danger allemand,
Paris, Plon, 1976, p.  376  ; ministère des Affaires étrangères (désormais MAE),
personnel, dossier individuel (désormais DI) de J. Truelle, notes annuelles
de 1934.
3. C. Barbier, Henri Hoppenot diplomate (25 octobre 1891-10 août 1977), Paris,
direction des Archives du ministère des Affaires étrangères/Imprimerie
nationale, 1999 ; Y. Beauvois, Léon Noël, de Laval à de Gaulle via Pétain (1888-
1987), Lille, Septentrion, 2001 ; R. Ulrich-Pier, René Massigli (1888-1988). Une
vie de diplomate, Bruxelles, Peter Lang, 2006.
4. J. Mouton, Journal de Roumanie, 29 août 1939-19 mars 1946. La IIe Guerre
mondiale vue de l’Est, Lausanne, L’Âge d’homme, 1978 et 1991, p. 42, n. 1.
5. Cf. J. Baillou, Les Affaires étrangères et le corps diplomatique français, t. II :
1870-1980, Paris, Éditions du CNRS, 1984 ; J.-B. Duroselle, Politique étrangère
de la France. L’abîme, 1939-1944, Paris, Imprimerie nationale, nouvelle
édition 1986 ; et les études biographiques citées note 2.
6. Edmond, René, Truelle, mort le  15  mai  1917. Selon la Correspondance de
Marcel Proust, texte établi, présenté et annoté par Philip Kolb, 1917, t. XVI,
Paris, Plon, 1988, lettre de Proust à J. Truelle, n° 62, p. 136.
7. Selon Correspondance de Marcel Proust, op. cit., 1918, t. XVII, 1989, lettre de
Proust à Lionel Hauser, 23 ou 24 octobre 1918, n° 179, p. 423, son parent Léon
Truelle est le directeur de «  La France  »  ; un autre parent du côté maternel,
Alfred Le Roy, est député du Nord de 1906 à 1919 (d’après Correspondance de
Marcel Proust, op. cit., 1917, t. XVI, lettre de Proust à J. Truelle, 5 juillet 1917,
n° 88, p. 181). L’une des deux sœurs de J. Truelle est Mme Jacques d’Espaigne
(Correspondance de Marcel Proust, op. cit., 1917, t. XVI, lettre de Proust à J.
Truelle, n°  62, p.  136, note). Enfin, à Proust et Morand, venus le voir chez lui
le 12 août 1917, Truelle parle de « la baronne d’Astier de la Vigerie, sa tante » : cf.
P. Morand, Journal d’un attaché d’ambassade, 1916-1917, Paris,
NRF/Gallimard, 1996, entrée du 14 août 1917, p. 314.
8. La famille habite le 8e arrondissement de Paris, au 64, de la rue de Courcelles,
où Jacques, Marie, Truelle est né (selon l’extrait d’acte de naissance dans MAE,
personnel, DI Truelle), puis au 10, rue de Marignan.
9. Lettre de Nissim de Camondo à son père, 8 octobre 1914, citée dans N. Şeni, S.
Le Tarnec, Les Camondo ou l’éclipse d’une fortune. Essai, Hébraïca/Actes Sud,
1997, p. 230. Également, Archives du Musée Nissim-de-Camondo, Paris, Journal
de campagne de N. de Camondo, entrée du 7 octobre 1914.
10. MAE, DI Truelle, état signalétique des services.
11. Lettre de Proust à Moïse de Camondo, novembre 1917, citée dans N. Şeni et S.
Le Tarnec, Les Camondo..., op. cit., p. 247.
12. J. Truelle, «  Marcel Proust, juge de ses personnages  », Nouvelle revue
française. Hommage à Marcel Proust, 1871-1922, 10e année, 112, nouvelle série,
1er janvier 1923, p. 96-99.
13. Ibid.
14. J.-Y. Tadié, Marcel Proust. Biographie, Paris, NRF/Gallimard, 1996, p. 764.
15. J.-Y. Tadié, Marcel Proust..., op. cit., p.  765, 769. Hélène Soutzo, née
Chrisoveloni, est alors l’épouse séparée du prince Dimitri Soutzo, attaché
militaire à l’ambassade de Roumanie à Paris. Dans son Journal..., op. cit., Paul
Morand cite Truelle, visiblement un familier, à sept reprises entre août et
novembre 1917.
16. Correspondance de Marcel Proust, op. cit., 1917, t. XVI, lettre de Proust à J.
Truelle, 5  juillet 1917, n°  88, p.  181  ; lettre de Proust à H. Soutzo,
29 ou 30 octobre 1917, n° 138, p. 271.
17. Selon son DI, Truelle jouit d’une « fortune modeste » et a parfois du mal à
tenir son rang dans certains postes.
18. Journal de l’abbé Mugnier (1879-1939), Paris, Mercure de France, collection
« Le temps retrouvé », 1985.
19. P. Morand, Journal..., op. cit.
20. Correspondance de Marcel Proust, op. cit., 1918, t. XVII, 1989, lettre de
Proust à Lionel Hauser, 23 ou 24 octobre 1918, n° 179, p. 423.
21. Ses auteurs, Henri Massis et Alfred de Tarde, la publient en 1912 sous le titre
Les Jeunes Gens d’aujourd’hui.
22. Correspondance de Marcel Proust, op. cit., 1918, t. XVII, 1989, lettre de
Proust à Lionel Hauser, 23 ou 24 octobre 1918, n° 179, p. 423.
23. Correspondance de Marcel Proust, op. cit., 1919, t. XVIII, 1990, lettre de
Proust à J. Truelle, vers fin juillet 1919, n° 195, p. 354.
24. J. Truelle, op. cit.
25. P. Morand en trace ce portrait, après l’avoir vu chez lui le  14  août  1917  :
« Truelle très Chardin dans une robe de chambre rouge avec ses grosses lunettes
d’écaille, ses béquilles, sautillant sur sa jambe coupée », dans son Journal..., op.
cit., p.  314. Voir aussi J. Mouton, Journal de Roumanie..., op. cit., entrée du
« 3 juin » 1945, p. 101.
26. Selon J. Mouton, Journal de Roumanie..., op. cit., p. 101 : « Jacques Truelle
avait connu un terrible drame dans sa vie ; une jeune femme, une Russe, s’était,
à la suite de graves incompréhensions, suicidée à cause de lui. Perpétuellement
un nuage voilait ce cœur qui aurait été naturellement gai. »
27. Il est en poste à la sous-direction d’Amérique de novembre  1924  à
janvier 1928, puis à la sous-direction d’Europe d’octobre 1936 à janvier 1938.
28. R. de Weck, Journal de guerre (1939-194S). Un diplomate suisse à
Bucarest, édité par Simon Roth, préface de Francis Python, Genève, SHSR et La
Liberté, 2001, entrée du 27 avril 1942, p. 278.
29. MAE, guerre  1939-1945, Londres CNF, 298, note «  Roumanie  » selon
«  Renseignement du 31  octobre  1940  », et note des Relations extérieures
« Roumanie » du 4 mars 1941, se référant au document précité.
30. MAE, DI Truelle, notes annuelles 1939.
31. F. Charles-Roux, Cinq mois tragiques aux Affaires étrangères (21  mai-1er
novembre 1940), Paris, Plon, 1949, p. 318-321.
32. MAE, DI Truelle, tél. n°  660  de Charles-Roux (p. o.) à Washington,
13  octobre  1940, et tél. n°  2375  de Henry-Haye au Département,
27 décembre 1940.
33. F. Charles-Roux, Cinq mois..., op. cit., p. 321.
34. MAE, Papiers  40, Papiers Paul Baudouin, 4, tél. secret n°  1614-1615  signé
Saint-Quentin, en date du 6 septembre 1940.
35. À Garreau-Dombasle, Saint-Quentin aurait déclaré qu’il «  ne pouvait
prendre une attitude de rebelle et rallier une poignée de Français à Londres », R.
Aglion, De Gaulle et Roosevelt. La France libre aux États-Unis, Paris, Plon,
collection «  Espoir  », p.  13. Rappelons que Saint-Quentin fut nommé
ambassadeur à Rio par Vichy.
36. Cf. G. Henry-Haye, La Grande Éclipse franco-américaine, Paris, Plon, 1972,
p.  159-160  : récit de son accueil à New York par un Truelle qui, écrit-il d’une
façon erronée et révélatrice, «  devait être, quelques semaines plus tard
[en 1943 en fait], envoyé par de Gaulle en Espagne pour y contrecarrer l’action
de l’ambassadeur François Piétri  »  ; également MAE, DI Truelle, tél. n°  1711  et
n° 1712-1715 de Henry-Haye, 24 septembre 1940.
37. Ibid., tél. n° 1861 de Henry-Haye, 11 octobre 1940.
38. R. Aglion, De Gaulle et Roosevelt..., op. cit., p. 11-18, 146-155.
39. Ibid., p. 13 (citation) et p. 146. Notons qu’il ne saurait songer à Truelle, parti
d’Amérique deux jours après son arrivée.
40. G. Henry-Haye, La Grande Éclipse..., op. cit., p. 161.
41. Ibid., p. 168.
42. R. de Week, Journal de guerre..., op. cit., entrée du 4 juin 1945, p. 486.
43. Ibid., entrée du 31 mars 1941, p. 177.
44. Selon Jean Mouton, à qui Truelle a fait lire ses notes, Pétain lui aurait
déclaré «  que l’invasion de l’Angleterre était impossible  ; qu’il savait que
l’Amérique entrerait un jour dans le jeu ». Il lui aurait aussi « parlé de l’immense
industrie des États-Unis, cette machine qui tournera à plein.  L’Allemagne sera
vaincue ». Sur Laval : « Cet homme n’aime pas son pays ; même dans son propre
intérêt il devrait faire attention. », J. Mouton, Journal de Roumanie..., op. cit.,
entrée « mars » 1941, p. 42.
45. R. de Week, Journal de guerre..., op. cit., entrée du 20 mai 1941, p. 189.
46. R. de Week, Journal de guerre..., op. cit., entrée du  14  décembre  1941,
p. 245. Le passage parle du personnel en général de la légation de France mais il
paraît s’appliquer surtout à Truelle.
47. J. Mouton est l’auteur de  : Le Style de Marcel Proust, ouvrage d’ailleurs
dédié « À la mémoire de Jacques Truelle pour qui Marcel Proust éprouva une si
sincère affection et qui, aux heures difficiles de la guerre, fut mon chef et mon
ami  », et Marcel Proust, parus chez A.G. Nizet et chez Desclée de Brouwer
en 1968.
48. Le ministre de Suisse use tant des termes « Boches » et « Bochophiles » dans
son journal que nous nous sommes sentie autorisée à le qualifier ainsi.
49. MAE, DI Spitzmuller, note de M. Paris (direction des Affaires politiques) au
sujet de M. Spitzmuller, 17 septembre 1940 ; également Guerre 39-45, Londres
CNF, 274, note du service des Relations extérieures, Londres, 20 décembre 1940,
interrogatoire de M. Chopin Audrey de Janvry, ancien attaché de presse à
Bucarest.
50. Ibid., tél. de Catroux (Damas) à de Gaulle (Le Caire), 26 juin 1941, signalant
que «  Spitzmuller aurait plusieurs fois manifesté désir de rejoindre France
Libre ».
51. Les premiers échelons de la Wehrmacht sont arrivés à la fin d’octobre 1940 ;
en janvier 1941, les forces allemandes en Roumanie comptent 200000 hommes.
52. Sur ce réseau sur lequel nous préparons une étude, voir MAE, DI
Spitzmuller, Étienne Manac’h, Jean Basdevant et Jean Vyau de Lagarde (ces
trois derniers, soumis à dérogation).
53. Sur l’action diplomatique de Truelle auprès des autorités roumaines, voir A.-
M. Stan, Les Relations franco-roumaines à l’époque de Vichy (1940-1944), thèse
en cotutelle université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca et université Paris IV-
Sorbonne, 2003.
54. À l’exception de six d’entre eux dont deux diplomates, Arvengas et De
Hauteclocque. Cf. H. Du Moulin de Labarthète, Le Temps des illusions.
Souvenirs (juillet  1940-avril  1942), Genève, À l’enseigne du Cheval ailé, 1946.
Celui-ci se fait l’écho des «  remous  » suscités par ce serment dans le corps
diplomatique, p. 232, 285-287.
55. MAE, Guerre  39-45, Vichy, Z Europe, Roumanie, dépêche de J. Truelle à
Darlan, Bucarest, 9 septembre 1941.
56. Sur cet aspect de son action, voir C. Nicault, « Que savaient les diplomates de
Vichy de la Shoah ? », Les Cahiers de la Shoah, université Paris 1,3 (1996), p. 87-
128  ; C. Iancu, La Shoah en Roumanie. Les Juifs sous le régime Antonescu
(1940-1944). Documents diplomatiques français inédits, Montpellier, Université
Paul-Valéry, 1998  ; R. Ioanid, La Roumanie et la Shoah, Paris, Éditions de la
Maison des sciences de l’homme, 2000. La procédure dont Truelle a été l’objet
en 2002-2003 pour recevoir le titre de « Juste parmi les nations » a néanmoins
achoppé sur l’absence de témoignages directs sur ces sauvetages (Je remercie M.
Jean-Marc Dreyfus de m’avoir communiqué cette information.)
57. R. de Week, Journal de guerre..., op. cit., entrée du 4 juin 1945, p. 486.
58. Ibid., entrée du 3 juillet 1941, p. 205.
59. Ibid., entrée du 19 novembre 1941, p. 237.
60. Ibid., entrée du 14 décembre 1941, p. 245.
61. Ibid., entrée du  22  avril  1942, p.  278  ; J. Mouton, Journal de Roumanie...,
op. cit., entrée « début 1942 », p. 51.
62. R. de Weck, Journal de guerre..., op. cit., entrées du 22 avril 1942, p. 278, et
du 1er mai, p. 280.
63. Ibid., entrée du 13 novembre 1942, p. 325.
64. Ibid., entrée du 4 juin 1945, p. 486.
65. MAE, DI Truelle, tél. du lieutenant Mella, chef de la section «  R  », à M. le
lieutenant-colonel, chef du BCRA, Londres, 15 mars 1943.
66. MAE, DI R. de Dampierre. À partir de l’invasion de la Hongrie par les
Allemands en mars 1944, ce diplomate dut se cacher ; sa femme fut brièvement
arrêtée par la Gestapo.
67. R. de Week, Journal de guerre..., op. cit., entrée du 4 juin 1945, p. 486.
68. J. Mouton, Journal de Roumanie..., op. cit., entrée « juin 1943 », p. 57. De
fait, c’est le  25  juin seulement que Spitzmuller avise Vichy, prétextant que
Truelle, « parti le 19 de ce mois pour passer quelques jours en province, vient de
m’écrire qu’il avait quitté son poste sans esprit de retour », MAE, DI Truelle, tél.
n° 249. Truelle est révoqué dès le 26 juin par décret de Laval, ibid.
69. MAE, DI Truelle, tél. Francom n°  812  H, Beyrouth, pour Massigli,
26 mai 1943, transmettant un message en ce sens de Truelle et Spitzmuller.
70. Ibid., tél. du Comité national français, Londres, à Francom, Beyrouth,
le 31 mai 1943.
71. Ibid., tél. de Manac’h, Ankara, à Massigli, en date du 28 mai 1943 (transmis
par le chiffre britannique le 31).
72. MAE, Personnel, DI Spitzmuller, tél. n°  147  d’E. Manac’h à Massigli,
confidentiel, 4 juin 1943, donnant des extraits d’un courrier de Spitzmuller.
73. Sur le rôle de Truelle en Espagne, voir M. Catala, Les Relations franco-
espagnoles pendant la Deuxième Guerre mondiale. Rapprochement nécessaire,
réconciliation impossible, 1939-1944, Paris, L’Harmattan, 1997, chap. IX, et R.
Belot, La Résistance sans de Gaulle, Paris, Fayard, 2006, p. 352-355.
74. R. Belot, La Résistance sans de Gaulle, op. cit.
75. Voir aussi, sur ce point, le cas Henri Hoppenot, étudié par Colette Barbier,
Henri Hoppenot diplomate..., op. cit.

Auteur

Catherine Nicault

Université de Reims.
Du même auteur
Terres promises, Éditions de la
Sorbonne, 2010
Les « Français israélites » et la ligue
d’Action française. Des
années  1900 à  1940 in L’Action
française, Presses universitaires du
Septentrion, 2008
De la IIIe République au général de
Gaulle en passant par Vichy  :
l’Alliance israélite universelle, un
indispensable instrument de
l’influence française au Levant in
L’enseignement français en
Méditerranée, Presses
universitaires de Rennes, 2010
Tous les textes
© Éditions de la Sorbonne, 2010

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Référence électronique du chapitre


NICAULT, Catherine. De Pétain à de Gaulle  : la trajectoire tourmentée du
diplomate Jacques Truelle In : Terres promises [en ligne]. Paris : Éditions de la
Sorbonne, 2010 (généré le 18 juillet 2023). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org/psorbonne/43433>. ISBN  : 9791035103637.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.43433.

Référence électronique du livre


HARTER, Hélène (dir.) ; et al. Terres promises. Nouvelle édition [en ligne].
Paris : Éditions de la Sorbonne, 2010 (généré le 18 juillet 2023). Disponible sur
Internet  : <http://books.openedition.org/psorbonne/43083>. ISBN  :
9791035103637. DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.43083.
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