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Le goût est une sensation permettant l’appréciation exclusivement de la sapidité d’une substance
alimentaire, alors que la gustation en permet l’appréciation combinée goût-arôme-caractères physiques.
Les sensations plaisir-indifférence-déplaisir induites par l’ingestion d’un aliment permettent d’en
déterminer la palatabilité : un aliment palatable favorise son ingestion, alors qu’un aliment non
palatable limite ou inhibe son ingestion. La saveur sucrée et la teneur en lipides des aliments sont les deux
principaux déterminants d’une palatabilité élevée (rôle des lipides principalement dans l’appréciation de
l’arôme et des caractères physiques). Cette étude synthétique des modalités de la réception gustative, de
la neurophysiologie de la transmission gustative, de la systématisation anatomophysiologique des voies
gustatives et de la pathologie du goût est justifiée, non seulement par l’intérêt actuellement attribué à la
fonction gustative longtemps considérée comme secondaire, mais aussi et surtout par l’intérêt d’en
connaître les dysfonctions tant « physiologiques » que pathologiques.
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28-170-M-10 ¶ Physiologie et pathologie du goût
2 Médecine buccale
Physiologie et pathologie du goût ¶ 28-170-M-10
Figure 2.
A. Représentation schématique. 1. Cellule
« prégustative » ; 2, 3. cellules gustatives ;
4. cellule basale.
B. Aspect histologique (cliché et coupe
histologique réalisés par G. Briançon).
1 2 3 1 2 1
Toutes les substances salées sont des sels mais la quasi- Cellules « prégustatives ». Les cellules « prégustatives »
totalité des sels ont une saveur concomitante : le chlorure de (cellules de type 1) sont des cellules périphériques peu fonc-
sodium (indice de référence 1) est pratiquement le seul sel ayant tionnelles induites par les cellules basales (cellules de type 4)
une saveur « pure », bien qu’il puisse avoir, à de très faibles provenant de la différenciation des cellules épithéliales de
concentrations, une légère saveur concomitante sucrée. l’épithélium buccal. Elles sont caractérisées par des microvillo-
sités pénétrant plus ou moins le pore gustatif et des granula-
Substances acides tions apicales denses probablement responsables de la sécrétion
de la substance mucoïde osmophile contenue dans la lumière
La sapidité d’un acide est conditionnée par la résultante
centrale.
pH-effet tampon salivaire et probablement par certains anions,
Cellules gustatives proprement dites. Les cellules gustatives
voire par la conformation spatiale de la molécule.
proprement dites sont des cellules prématures et matures
Toutes les substances ayant une saveur acide « pure » sont des
(cellules de type respectivement 2 et 3) issues des cellules
acides mais tous les acides n’ont pas une saveur « pure ». Pour
« prégustatives » ayant « migré » au centre du récepteur. Elles
un même pH, un acide organique (tel que l’acide acétique) a
sont caractérisées par des microvillosités ne pénétrant pas le
souvent une saveur plus intense qu’un acide minéral (tel que
pore (cellules de type 2) et par une évagination pénétrant le
l’acide chlorhydrique, indice de référence 1). L’acide borique est
pore mais dépourvue de microvillosités (cellules de type 3). En
insipide, quel que soit son pH.
outre, les cellules matures ont l’importante particularité de
Les acides aminés sont plus souvent sucrés ou amers
posséder des vésicules cytoplasmiques basales de type
qu’acides.
synaptique.
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Tableau 1.
Zones de réception gustative préférentielles. Les saveurs élémentaires en
italique correspondent à une réception optimale dominante.
Réception linguale
pointe sucré salé
bords antérieurs sucré salé
moyens salé sucré
postérieurs acide salé
V lingual amer
Réception extralinguale
voile amer acide
épiglotte pas de spécificité préférentielle
pharynx
Réception linguale
Figure 4. Les papilles circumvallées (A) possèdent des récepteurs gus-
tatifs intraépithéliaux principalement localisés au niveau du versant papil- Au niveau des deux tiers antérieurs. Les zones de réception
laire de leurs sillons périphériques. Les papilles foliées (B) possèdent des préférentielles, largement intriquées, correspondent non
récepteurs gustatifs exclusivement localisés au niveau des sillons interpa- seulement à un grand nombre de papilles fongiformes (récep-
pillaires. Le tissu conjonctif sous-jacent possède des glandes séreuses dont tion quantitativement préférentielle) mais aussi à une majorité
les canaux excréteurs font issue au fond des sillons. 1. Récepteur gustatif ; d’entre elles ayant la même sensibilité préférentielle (réception
2. glande séreuse ; 3. canal excréteur (clichés et coupes histologiques qualitativement préférentielle) : une telle répartition est respon-
réalisés par G. Briançon). sable, pour une zone déterminée, d’une sensibilité préférentielle
« bivalente » sucré-salé dont une sensibilité dominante.
Au niveau du tiers postérieur. Les zones de réception
préférentielle correspondent aux papilles circumvallées (sensibi-
Une papille fongiforme possède moins de dix récepteurs
lité nettement dominante à l’amer).
gustatifs principalement localisés au niveau de son renflement
apical, chaque récepteur possédant moins de dix cellules Réception extralinguale
gustatives matures.
Papilles circumvallées. Les neuf à 12 papilles circumvallées Les récepteurs vélaires ont généralement une sensibilité
(Fig. 4A) constituant le V lingual sont des saillies épithéliales préférentielle « bivalente » à l’amer et à l’acide (dominance
non pédiculées de l’ordre de 2 à 3 mm de diamètre cernées d’un probable à l’amer), alors que les récepteurs épiglottiques et
sillon périphérique contenant une substance séreuse sécrétée par pharyngés n’auraient pas de spécificité préférentielle.
les glandes de Von Ebner sous-jacentes aux papilles.
Une papille circumvallée possède 100 à 200 récepteurs Transduction énergétique d’un stimulus
gustatifs principalement localisés sur les parois latérales de leur
sillon périphérique, chaque récepteur possédant de dix à
sapide
20 cellules gustatives matures.
Papilles foliées. Les papilles foliées (Fig. 4B) sont de petites Adsorption des éléments de sapidité
crêtes épithéliales localisées sur les bords postéromoyens de la
Les éléments de sapidité sont « piégés » par les microvillosités
langue, principalement au niveau des extrémités du V lingual.
lors de l’ouverture des pores gustatifs (l’ouverture du pore
Ces papilles, rudimentaires chez l’homme, sont très développées
dépend des ions zinc et cuivre alors que sa fermeture dépend de
chez certains animaux.
la fonction sulfydride R-SH) puis se lient, hypothétiquement par
l’intermédiaire d’une combinaison avec la substance mucoïde
Récepteurs extralinguaux
des récepteurs, à la structure probablement protéique des sites
Le nombre des récepteurs extralinguaux diminue rapidement récepteurs. Une telle liaison est faible puisqu’un simple passage
avec l’âge : un sujet âgé en est pratiquement toujours dépourvu. d’eau suffit à abolir la saveur.
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Bien que les sites récepteurs aient chacun une importante probabilité d'efficacité
sélectivité d’absorption, leur distribution statistique au hasard %
100
rend compte de la plurisensibilité de chaque cellule gustative :
Pfaffmann [7] énonce : « une cellule peut être très sensible au
sucré et peu au salé alors qu’une cellule voisine peut avoir une
sensibilité inverse ». Seule l’affinité globale de l’ensemble des
50
sites récepteurs d’un récepteur ou d’un petit groupe de récep-
teurs (papille fongiforme par exemple) permet un rapport
d’activation tel que le récepteur ou le groupe de récepteurs est
généralement très préférentiellement sensible à une seule qualité
0
fondamentale de stimulus. juxtaliminaire
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Cohérence de sensibilité
insipidité seuil d'identification
seuil de détection Il existe fréquemment un certain degré de cohérence de
intensité
du stimulus sensibilité pour les stimuli sucré/salé-amer, salé/sucré, et amer/
(logarithme) salé : un sujet est d’autant plus sensible au salé et à l’amer qu’il
Figure 8. Relation entre l’intensité du stimulus et l’acuité de saveur. Le est sensible au sucré ; un sujet est d’autant plus sensible au
logarithme de l’intensité du stimulus est une fonction linéaire du loga- sucré ou au salé qu’il est sensible respectivement au salé ou à
rithme de l’acuité de saveur, du seuil de détection au « seuil » de satura- l’amer.
tion en potentiel d’action.
Adaptation gustative
Codage quantitatif Comme toute adaptation sensorielle à un stimulus prolongé,
Alors que l’information neuronale d’une fibre unitaire est l’adaptation gustative est un phénomène temporel responsable
quantifiée par la fréquence des PA et non par leur amplitude, le d’une diminution d’acuité gustative d’autant plus importante
codage quantitatif d’un ensemble de fibres est déterminé par la que le stimulus est prolongé. Ainsi, et comme toute acuité
densité globale des PA (chaque fibre conserve son propre codage sensorielle, l’acuité d’une sensation gustative n’est pas une
en fréquence) et par l’amplitude du PA globale qui dépend du traduction fidèle de l’intensité du stimulus sapide mais plutôt
nombre de fibres activées (le nombre de fibres activées croît une interprétation dépendante de ses modalités adaptatives
avec l’augmentation de la surface stimulée et de l’intensité du périphériques et centrales (probablement et contrairement aux
stimulus). autres systèmes sensoriels, plus centrales que périphériques).
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■ Systématisation 1
gustatives 3
4
L’innervation gustative (Tableau 2) est assurée non seulement
par les fibres gustatives des voies du nerf intermédiaire (VII bis)
et des nerfs glossopharyngien (IX) et vague (X) mais aussi, en
ce qui concerne sa composante somesthésique, par des fibres
somesthésiques extéroceptives du nerf trijumeau (V) et des IX et 5
X. Les fibres gustatives peuvent être systématisées [7, 11-13], dans
le sens de leurs afférences, en voies périphériques et centrales
(Fig. 9) :
6
• les voies périphériques correspondent, pour chacune des fibres
7
gustatives, à un trajet dendritique du territoire d’innervation
au ganglion périphérique « spécifique » (ganglion géniculé
pour le VII bis, ganglions inférieurs pour les IX
et X) ; Territoire d'innervation
• les voies centrales correspondent à un trajet bulbo-ponto- du VII bis
thalamo-pariétal (projections néocorticales) et un trajet Territoire d'innervation
du IX X
bulbo-ponto-limbique (projections hypothalamiques et
corticolimbiques). Territoire d'innervation
du X
8
IX
Voies gustatives périphériques 9
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gyrus pariétal postcentral (elle permet une analyse plus hypogueusies ou rarement des hypergueusies (à différencier des
somatotopique que discriminative des informations gustati- pseudohypergueusies par réaction « gustative » émotionnelle
ves, une telle analyse étant précédée d’un prétraitement accrue) ; les dysgueusies qualitatives ne peuvent être classées
semblable bulbo-ponto-thalamique) ; rationnellement en raison de leurs grandes variétés et/ou de
• l’aire gustative secondaire est localisée, comme l’aire somesthé- difficultés de sémantique (elles sont parfois dites paragueusies,
sique secondaire, dans la partie profonde juxta-insulaire de la la terminologie cacogueusie ne rendant compte que du caractère
scissure latérale (elle permet un complément d’analyse très interprétatif très désagréable d’une paragueusie).
discriminatif des informations gustatives).
L’intrication des sensations olfactogustatives est due aux Phantogueusies
relations fonctionnelles entre le néocortex gustatif et le paléo-
cortex olfactif (zone temporale interne sus-jacente à l’uncus Les phantogueusies sont des sensations gustatives indépen-
hippocampique) par l’intermédiaire probablement principal de dantes de tout stimulus sapide [20] ; elles sont intermittentes ou
l’insula dont le pôle cortical inférieur juxtapaléocortical est de continues, et généralement de type « métallique » avec ou sans
type transitionnel néo-cortico-paléo-cortical. concomitance amère. Il est parfois difficile de différencier une
phantogueusie d’une pseudophantogueusie qui est une sensa-
tion gustative induite par un stimulus sapide mais inhabituel tel
Voie limbique
que certaines substances intrabuccales d’origine locorégionale
La systématisation du contingent gustatif à destinée limbique ou parfois même certaines molécules véhiculées par voie
est très partiellement connue. Toutefois, il est classique sanguine (c’est le cas principalement pour certains médicaments
d’admettre que les relations fonctionnelles amygdalo- non seulement après leur administration parentérale, mais aussi
hypothalamo-cortico-limbiques permettent la régulation de la après le passage sanguin postingestif de leurs métabolites) ; une
prise alimentaire de la façon schématique suivante : activation telle difficulté de diagnostic différentiel devient majeure lorsque
par l’hypothalamus latéral et inhibition par l’hypothalamus le stimulus sapide potentiellement responsable d’une pseudo-
ventromédian, sous le contrôle modulateur de l’amygdale ; phantogueusie est non probant (incertitude de son imputabilité)
réponse plaisir-indifférence-déplaisir par le cortex du cingulum ou, a fortiori, lorsque l’existence d’un tel stimulus est incertaine.
qui permet l’interprétation émotionnelle des sensations olfacto-
gustatives mémorisées par le cortex parahippocampique. Étiologie
Les dysgueusies par dysfonction de la réception gustative sont
■ Pathologie du goût 1 généralement de type dissocié, alors que les dysgueusies par
dysfonction de la transmission gustative et/ou de l’analyse
corticale des informations gustatives sont généralement de type
Le goût devant être distingué de la gustation dans le sens
complet [21].
restrictif d’une sensation dépourvue de composantes olfactive et
Les phantogueusies sont classiquement psychogènes ou
somesthésique extéroceptive buccopharyngée, la pathologie du
idiopathiques mais aussi parfois secondaires à une lésion
goût sous-entend une pathologie concernant exclusivement le
potentiellement responsable d’une dysgueusie. Toute phanto-
système gustatif proprement dit. Ainsi, et en raison de la
gueusie peut aggraver une dysgueusie préexistante ou concomi-
fréquente difficulté de discrimination entre l’arôme et le goût
tante et certaines phantogueusies peuvent précéder l’apparition
d’une substance alimentaire, la vérification de la fonction
d’une dysgueusie.
olfactive s’impose chez tout sujet ayant un trouble de la
gustation [14].
Alors que la gustométrie chimique ne peut être pratiquée
Causes non neurologiques
couramment en raison de sa réalisation longue et délicate Les dysfonctions de la réception gustative secondaires à de
(malgré son intérêt tant qualitatif que quantitatif), l’électrogus- petites lésions localisées traumatiques ou pathologiques de la
tométrie permet une détermination rapide et facile des seuils muqueuse buccale ne sont pratiquement jamais spontanément
gustatifs mais de façon exclusivement quantitative [15-19]. Une perçues en raison de l’influence négligeable d’une petite zone
électrogustométrie doit être réalisée non seulement lorsque le déficitaire de réception sur l’acuité gustative globale (intérêt de
sujet perçoit un trouble de la gustation, mais aussi systémati- l’électrogustométrie). Il en est de même pour les fréquentes
quement lors de toute suspicion d’une lésion pouvant concerner petites zones congénitalement dépourvues de papilles fongifor-
les voies gustatives (les troubles du goût de certaines lésions, mes, alors que la rare dysautonomie familiale (absence anato-
principalement lorsqu’elles sont unilatérales, peuvent être mique ou parfois « seulement » fonctionnelle de la totalité des
« insuffisants » pour être perçus par le sujet). papilles gustatives linguales) est responsable d’une agueusie
linguale.
Différents troubles du goût Causes salivaires
Bien qu’il soit usuel d’attribuer la terminologie dysgueusie à Les troubles du goût secondaires à un déficit salivaire dépen-
toute anomalie de la fonction gustative, il est cliniquement dent non seulement de son importance, mais aussi et surtout
préférable de distinguer dysgueusie et phantogueusie : une d’une éventuelle lésion xérostomique des récepteurs gustatifs (la
dysgueusie est un trouble du goût proprement dit, c’est-à-dire dépapillation fongiforme en étant l’expression clinique
un trouble de la perception de la sapidité d’un stimulus ; une majeure). En outre, de tels troubles du goût peuvent être
phantogueusie est une sensation gustative sine materia. aggravés par la cause même du déficit salivaire.
Les troubles du goût secondaires à certains excreta salivaires
Dysgueusies (pathologiques, médicamenteux, toxiques, voire physiologiques
en excès) sont classiquement des pseudophantogueusies.
Une dysgueusie est dite complète lorsqu’elle concerne la
totalité des saveurs élémentaires, et dissociée lorsqu’elle n’en Causes infectieuses
concerne pas la totalité. L’aggravation d’une dysgueusie disso-
ciée peut la rendre complète. Parmi les stomatites, les candidoses buccales sont le plus
Les dysgueusies peuvent être quantitatives et/ou qualitatives : fréquemment responsables de troubles du goût : la glossite
les dysgueusies quantitatives peuvent être des agueusies, des candidosique chronique dépapillante diffuse est classiquement
responsable d’une importante hypogueusie ou agueusie linguale.
Les troubles du goût secondaires aux infections parodontales
1
cédérom : Gomez C. Le goût. YN Productions (Productions et réalisations sont classiquement des pseudophantogueusies (outre la fré-
audiovisuelles). quente stimulation olfactive par reflux choanal de leurs
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Tableau 3.
Médicaments pouvant être responsables de troubles du goût (liste non exhaustive). Les médicaments distingués par un astérisque ont fait l’objet d’une
mention spécifique dans la rubrique « effets indésirables » du dictionnaire Vidal® édition 1998. Les médicaments non ou plus commercialisés en 1998 ne sont
pas mentionnés.
Antibiotiques Antifongiques Antiparasitaires Antiviraux
lincomycine amphotéricine B métronidazole* interféron*
éthambutol terbinafine* tinidazole* didanosine
sulfasalazine griséofulvine* lévamisole zalcitabine*
sulfafurazole kétoconazole pentamidine* zidovudine
amoxicilline
ampicilline Anti-inflammatoires et assimilés
doxycycline D pénicillamine*, tiopronine*, sels d’or, colchicine, phénylbutazone, acide acétylsalicylique
Médicaments à effets cardiovasculaires
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion Diurétiques Autres
captopril hydrochlorothiazide amiodarone*, propranolol,
fosinopril* acétazolamide labétalol, amrinone*,
énalapril furosémide dipyridamole, antivitamines K
lisinopril clofibrate, colestyramine
Médicaments à effets neurologiques et/ou psychiatriques
Anxiolytiques Antidépresseurs Autres
diazépam clomipramine lévodopa, bromocriptine,
zopiclone* paroxétine carbamazépine, lithium
Autres médicaments
metformine, glipizide, carbimazole*, méthyl- et propylthiouracile, métoclopramide, cimétidine, allopurinol, disulfirame*, certains antinéoplasiques
et immunosuppresseurs, anesthésiques locaux et certains antiseptiques locaux
molécules odoriférantes). Il peut en être de même pour certai- Il est probable que les troubles du goût des sujets en état de
nes infections du cavum et des sinus (outre leurs classiques malnutrition protéinique (voire en état d’hypoprotéinisme
troubles olfactifs). relatif par excès d’apport de glucides et/ou de lipides) soient
Les viroses respiratoires et certains coryzas intenses peuvent principalement secondaires à une carence en zinc et/ou fer
être responsables (outre leurs classiques troubles olfactifs) de et/ou vitamine B12. Il peut en être de même pour la consom-
troubles du goût pouvant persister plusieurs semaines, voire mation excessive de fibres alimentaires (chélation du zinc et du
rarement être définitifs. Il peut en être de même pour certaines fer par les phytates des fibres) et pour certains comportements
hépatites virales. compulsifs pseudoalimentaires tels que l’ingestion de terre dite
« géophagie » (chélation du zinc et du fer par l’argile).
Causes endocriniennes
Causes iatrogènes
La ménopause est la cause endocrinienne le plus fréquem-
ment responsable de troubles du goût. De tels troubles du goût, La radiothérapie cervicofaciale est classiquement responsable
généralement associés à une stomatodynie, sont classiquement d’hypogueusie dès 20 Gy. De tels troubles du goût, générale-
des phantogueusies. ment majeurs et parfois définitifs au-delà de 60 Gy, sont
Le diabète et l’hypothyroïdie peuvent être responsables plus secondaires probablement plus aux lésions radiques des récep-
souvent de dysgueusies (principalement hypogueusies) que de teurs gustatifs qu’à leurs lésions xérostomiques.
phantogueusies. Les troubles du goût secondaires aux matériaux d’obturations
L’insuffisance corticosurrénalienne et l’hypercorticisme et de prothèse (principalement les résines acryliques) sont
androgénique peuvent être responsables d’hypergueusies. presque toujours a minima. Il peut en être de même pour les
prothèses à plaque palatine dont le retentissement sur la
Causes carentielles fonction gustative ne peut s’expliquer que par une perturbation
La carence en zinc est responsable non seulement de la de la composante somesthésique de la gustation.
grande majorité des troubles du goût de cause carentielle, mais Les médicaments peuvent être responsables de troubles du
aussi de fréquents troubles olfactifs [22] . La fréquence des goût (Tableau 3) qui sont plus souvent des phantogueusies ou
carences en zinc, principalement chez le sujet âgé et lors de pseudophantogueusies que des dysgueusies [23]. Il est probable
toute situation d’hypercatabolisme, est probablement sous- que de nombreux troubles du goût d’origine médicamenteuse
estimée en raison de la fréquente difficulté clinique de suspecter soient secondaires à des carences par chélation en zinc et en
une telle cause carentielle et de l’imparfaite évaluation de la certaines vitamines B.
concentration tissulaire du zinc par le dosage de la zincémie
(intérêt du dosage concomitant des phosphatases alcalines qui Causes neurologiques
sont classiquement diminuées lors d’une hypozincémie).
Les carences en fer, en vitamines B9 et/ou B12, et les rares La réalisation d’une électrogustométrie doit être toujours
autres carences vitaminiques B (B2, B3, B6) peuvent être respon- bilatérale en raison non seulement de la fréquente difficulté
sables de troubles du goût principalement lors de la dégénéres- d’appréciation d’une dysgueusie unilatérale (compensation par
cence symptomatique des récepteurs gustatifs (la dépapillation le système gustatif controlatéral et probablement par une
fongiforme en étant l’expression clinique majeure). Les troubles régulation centrale), mais aussi pour des raisons évidentes
du goût attribués aux carences vitaminiques A et C seraient, en d’orientation du diagnostic topographique de la lésion : une
fait, secondaires respectivement à une carence en zinc (rôle du topographie lésionnelle périphérique doit être suspectée lorsque
zinc dans la libération hépatique de la vitamine A) et à une les anomalies électrogustométriques sont unilatérales ; une
carence en fer (rôle de la vitamine C dans l’absorption intesti- topographie lésionnelle centrale doit être suspectée lorsque les
nale du fer). anomalies électrogustométriques sont plus ou moins bilatérales.
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Lésions du nerf lingual Les lésions du cortex olfactif temporal peuvent être responsa-
Les troubles du goût secondaires à une lésion du nerf lingual bles non seulement d’hallucinations olfactives et de troubles
sont classiquement associés à un déficit somesthésique extéro- olfactifs, mais aussi parfois d’hallucinations gustatives et
ceptif des deux tiers antérieurs de la langue et, pour les lésions hypothétiquement de troubles du goût. De telles hallucinations
dans son trajet latéropelvibuccal ou interptérygoïdien, à un sont classiquement associées à une crise comitiale uncinée avec
déficit sécrétoire des glandes salivaires sous-mandibulaires. ou sans crise psychomotrice et/ou végétative.
Le type marginal d’une glossectomie permet une « récupéra- La maladie d’Alzheimer, plus rarement les démences séniles
tion » optimale du déficit sensitivogustatif d’origine ainsi de type Alzheimer et la sclérose en plaques peuvent être
chirurgicale. responsables d’hallucinations gustatives et/ou surtout olfactives.
Il en est de même pour les psychoses hallucinatoires et la
Lésions de la corde du tympan schizophrénie.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Gomez C. Physiologie et pathologie du goût. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Stomatologie/Odontologie, 22-009-D-10, 1999, Médecine buccale, 28-170-M-10, 2008.
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