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Alcool et
urgences
Coordinateur :
H. CARDOT (Argenteuil)
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JM. PHILIPPE
Introduction
L’intoxication éthylique aiguë est, en France, une cause fréquente de recours aux
structures d’urgences. Des études ont montré que l’ivresse éthylique aiguë représen-
tait 4,7 % des motifs d’admission dans les services d’urgences (1) et que 10 à 40 % des
patients admis aux urgences ont une éthanolémie positive (2). Pour aborder la prise
en charge des états d’alcoolisation aigus, il nous semble important de comprendre le
devenir et les interactions de cette molécule dans l’organisme. Nous aborderons
successivement la toxicologie de l’éthanol et son action sur le système nerveux
central (SNC), puis nous analyserons les mécanismes neurobiologiques créant la
dépendance à l’alcool.
1. Toxicologie de l’éthanol
L’éthanol, connu également sous le nom d’alcool éthylique ou simplement alcool, est
un toxique d’usage courant en France. La consommation annuelle par habitant en
France était, en 1999 à 13,4 litres d’alcool pur (3). Les boissons alcoolisées sont
caractérisées au regard de la législation par le terme de degré alcoolique (d°) qui
indique le volume d’alcool pur contenu dans 100 volumes de boisson. Ainsi, les spiri-
tueux obtenus par distillation (whisky, gin, vodka, cognac) contiennent de 40 à 50 %
d’éthanol. Les vins renferment de 11 à 13 % d’éthanol. Quant aux bières, la quantité
d’éthanol s’échelonne de 2 à 6 %. Cette notion de degré d’éthanol est parfois trom-
peuse. Il est donc important d’introduire la notion d’unité d’alcool. La taille et la
forme traditionnelles des verres sont adaptées au volume d’alcool contenu dans les
différentes boissons alcoolisées et contiennent pratiquement la même quantité
d’alcool, soit environ 10 g d’éthanol, pur et correspondent à ce que l’on appelle une
unité d’alcool. Rappelons que l’OMS définit comme acceptable, une consommation
d’éthanol n’excédant pas 28 unités d’alcool par semaine chez l’homme, sans
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dépasser 4 unités par occasion de boire. Chez la femme, le maximum toléré est de
14 unités sans dépasser 2 unités par occasion de boire.
1.2. Toxicocinétique
La distribution de l’éthanol est très rapide pour tous les organes très vascularisés
(cerveau, poumon, foie) avec une demi-vie de distribution de 7 à 8 minutes (8). Le
volume de distribution de l’éthanol est superposable à celui de l’eau libre. Il est
influencé par le rapport entre masse maigre et masse grasse de l’organisme, ce qui
expliquerait que pour un poids équivalent, on note de grandes variations dues à l’âge,
au sexe et à l’adiposité du sujet. Il est possible d’estimer le volume de distribution de
l’éthanol chez la femme à 0,6 l/kg et à 0,7 l/kg chez l’homme (9, 10). Ainsi, il est
possible d’établir une formule pour calculer simplement l’éthanolémie en fonction
des unités d’alcool absorbées. Il est bien évident que, compte tenu des variations
interindividuelles dont nous venons de parler, ce calcul n’est qu’approximatif.
Éthanolémie (g/l) = nombre d’unités d’alcool absorbées x 10 ([nombre de
grammes d’éthanol dans une unité)/ poids de l’individu en kg x volume de distribu-
tion, soit 0,6 chez la femme et 0,7 chez l’homme.
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L’éthanol est éliminé pour près de 90 à 95 % par voie métabolique. Le reste est excrété
sous forme inchangée par les poumons. La clairance pulmonaire est estimée, comme
nous l’avons vu plus haut, pour un sujet d’un poids de 70 kg à 0,16 l/h (11).
L’éthylométrie (mesure de l’alcool expiré) est un bon reflet de l’éthanolémie car le
rapport de la concentration de l’éthanol entre le sang et l’air alvéolaire est fixe (1/2 100).
L’éthanolémie peut donc être estimée à partir de l’éthylométrie par l’équation suivante :
éthanolémie = éthylométrie x 2 100.
Les reins excrètent l’éthanol à raison de 0,06 l/h, et la sueur à raison de 0,02 l/h
pour un sujet d’un poids de 70 kg (11). L’éthanol est également éliminé dans le lait
maternel (12). La cinétique d’élimination de l’éthanol dépend de l’éthanolémie. Pour
des éthanolémies modérées (0,1 à 0,5 g/l) elle peut être considérée comme suivant
l’équation de Michaélis-Menten (5, 13), alors que pour des concentrations plasma-
tiques supérieures elle paraît linéaire, ne dépendant que du temps (14). Le méta-
bolisme est essentiellement hépatique (90 %). Toutefois, il existe une activité
métabolique gastrique, intestinale et, pour une part infime, rénale (15, 16). On
distingue trois voies métaboliques pour l’éthanol : la voie principale liée à l’alcool
déshydrogénase (ADH) représente environ 80 % des capacités métaboliques ; le
système microsomial d’oxydation (MEOS) métabolise les 20 % restants ; enfin, une
voie qualifiée d’accessoire est assurée par la catalase.
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Effets aigus persistant tant que l’alcoolémie est élevée et disparaissant ensuite.
Mécanisme d’action
L’éthanol est une petite molécule très diffusible et peu spécifique qui modifie directe-
ment la structure des membranes neuronales en la désorganisant, en particulier en
fluidifiant la structure phospholipidique. Cet effet est dose-dépendant. De cette désor-
ganisation structurelle va procéder l’altération de certaines enzymes comme l’ATPase
Na+-K+ dépendante et des récepteurs des neurotransmetteurs au niveau des synapses.
La modification de cette enzyme contribue à modifier le potentiel d’action des
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Facteurs intrinsèques
Les effets hédoniques de l’alcool, conséquence de la stimulation des voies DA-MLC,
ne peuvent pas expliquer en totalité l’alcoolodépendance chez l’homme. Ollat
explique cette discordance en émettant l’hypothèse d’un dysfonctionnement des
voies DA-MLC existant chez certaines personnes. Ces voies « défectueuses » stimu-
lées par l’alcool créeraient l’alcoolodépendance. Ce dysfonctionnement serait lié,
soit à un déficit neurochimique de la voie DA-MLC, l’alcool agissant comme un
« médicament » qui comblerait ce déficit l’individu serait ainsi conduit à consommer
abusivement de l’alcool, soit il pourrait s’agir d’un individu ayant une structure
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L’alcool présente une affinité pour les membranes des cellules. Elle désorganise leur
structure en fluidifiant principalement la partie hydrophobe (65). Cette propriété est
semblable à celle des molécules anesthésiques ou de certains neuroleptiques (phé-
nothiazines) (66). L’adaptation membranaire à la consommation régulière d’alcool se
fait dans le sens d’une diminution de souplesse des membranes (65).
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Conclusion
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