Vous êtes sur la page 1sur 3

La légende de la Vouivre

Chaque jour, au lever du soleil, la Vouivre traversait le ciel dans un froissement métallique
d’écailles. Elle surgissait de la montagne, au-dessus de la vallée, jetait sur les villages un
regard de feu, sifflait…

Les hommes et les bêtes se cachaient promptement. L’ombre du monstre s’éployait un


instant sur les pentes. On pouvait voir, comme rampant à terre à une vitesse fabuleuse, la
forme du dragon, sa tête de serpent, ses ailes palmées de chauve-souris, ses pattes griffues,
sa longue queue de reptile.

Ceux qui l’observaient, de derrière leurs fenêtres, voyaient soudain la bête tendre le cou.
Puis, elle piquait vers la terre, fonçant sur une proie comme l’épervier sur la poule… Les
paysans se lamentaient, impuissants, devant ces carnages qui les appauvrissaient. Que faire ?
Ils savaient que la Vouivre déchirait ses victimes au bord du petit lac, dans la montagne. Puis,
elle se baignait dans les eaux glacées après avoir déposé sur une pierre plate un merveilleux
diamant.

Ce diamant, la Vouivre le portait entre les deux yeux, dans une cavité que le bijou remplissait
parfaitement. Personne ne l’avait jamais vu de très près, mais sa fascinante beauté hantait les
rêves de chacun. Le soir, à la veillée, les grands-mères racontaient aux enfants que la pierre
précieuse luisait come un soleil, que celui qui réussirait à s’en emparer serait l’homme le plus
riche de la terre. Les garçons disaient : « Quand je serai grand, je tuerai la Vouivre et je lui
prendrai son trésor… » Dès que le monstre paraissait, les plus courageux n’avaient qu’un
souci : se dérober à sa vue pour échapper à ses griffes.

Depuis quelques années cependant, Jean-Pierre, un ancien soldat, réfléchissait au moyen de


débarrasser le pays du monstre et de s’emparer du fabuleux diamant. Jean-Pierre avait
longtemps combattu sur terre étrangère. On disait de lui qu’il ne craignait ni Dieu ni Diable…
Il vivait seul dans une maison à l’écart du village. Que pouvait-il bien tramer dans sa solitude ?

Un jour, après le passage de la Vouivre, Jean-Pierre sortit de sa maison et s’en vint tout droit
au village où il se mit à sonner la cloche de l’église. Tout le monde accourut, croyant à un
incendie. Quand tous les hommes furent réunis, Jean-Pierre prit la parole : « Mille francs à
ceux qui se chargeront de transporter au bord du lac une petite maison que je viens de
construire. Vous savez que la Vouivre ne passe jamais la nuit près du lac. Elle dort sur l’autre
rive, dans une caverne. Qu’avez-vous à craindre ? Mille francs… »

Une dizaine d’hommes s’avancèrent. Jean-Pierre les entraîna vers sa maison. Là, ils virent une
sorte de tonneau rond en bois dur hérissé d’épaisses et longues pointes de fer. Ils burent
beaucoup de vin pour s’encourager et, la nuit venue, ils se mirent en route portant sur leurs
épaules la curieuse construction. Ils ne parlaient pas, évitaient de faire grincer les clous de
leurs souliers sur les pierres du sentier. A peine arrivés au lac, ils déposèrent leur fardeau et
s’enfuirent. Jean-Pierre se glissa dans le tonneau par une petite porte et attendit le jour…
Soudain, l’air fut agité d’un grand remous de battements d’ailes. La Vouivre vint se poser à
quelques pas de Jean-Pierre, plus mort que vif dans sa cachette… Le monstre avait ravi ce
matin-là une belle génisse qu’elle se mit à dévorer férocement. Son repas terminé, la Vouivre
s’ébroua. Elle faisait un bruit atroce avec ses narines et sa queue. D’un geste solennel, elle
déposa son diamant sur la pierre plate et plongea dans les eaux en sifflant de plaisir.

L’œil collé à une petite ouverture pas plus grosse qu’une pièce d’un sou, Jean-Pierre avait vu
disparaître le dragon dans les flots. L’heure était donc venue ! La porte s’ouvrit sans bruit.
Jean-Pierre bondit, rafla la pierre et s’enferma dans sa cachette. Le tout n’avait pas duré plus
de trois secondes !

Soudain, un hurlement affreux déchira la montagne. Du fond de la vallée, on put entendre le


rugissement du dragon découvrant le vol et chacun pensa que Jean-Pierre venait de payer de
sa vie son entreprise téméraire. A la vérité, lui aussi pensa que sa dernière était venue… La
Vouivre se lançait de tout son poids contre le hérisson de fer, se déchirait sur les piques,
reculait pour mieux cogner… Elle s’acharnait si bien que l’homme vit arriver l’instant où son
bouclier allait voler en éclats…

Mais, aux cris de colère succédèrent bientôt des gémissements de douleur. Puis ce fut le
silence…

Ayant mis son œil à la lucarne, Jean-Pierre put voir le monstre immobile dans une mare de
sang. Alors il sortit, l’épée à la main et, d’un coup, trancha la tête du reptile volant dont le
corps n’était plus qu’une immense plaie saignante…

Jean-Pierre vendit le diamant à la Reine de Murcie et vécut riche et heureux au milieu des
paysans délivrés qui le vénérèrent comme un héros.

D’après Maurice Zermatten

Belles légendes suisses – Album NPCK-1951


La Vouivre est une créature fantastique, mythologique, qui peut prendre la forme d’un dragon
ou d’un serpent, selon les traditions de chaque région. En héraldique, elle est présente sous le
nom de guive.

Bien que la légende soit jolie, le nom Vouivre n’est pas à l’origine du nom de Vouvry et
l’animal présent sur notre drapeau est une aigle (au féminin comme on le dit en héraldique).
Quant au premier drapeau avec l’aigle, il date de 1841, époque troublée politiquement, où le
conseil communal décide d’abandonner la croix bleue sur fond blanc, dite armoirie de St-
Hippolyte, visible sur le vitrail du Moyen-Age, placé au chœur de notre église.

Quelques fragments de l’ancien et du nouveau drapeau de 1841 sont conservés dans les
réserves du musée du Vieux-Vouvry tout comme le drapeau de 1889 :

Voici la description de notre drapeau actuel, donnée par l’Armorial valaisan :

Coupé de gueules à l’aigle de sable becquée

languée et membrée d’argent

chargée en cœur d’une croisette d’argent

et d’azur à trois étoiles d’argent

Vous aimerez peut-être aussi