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ICP -Theologicum – cycle jour Christologie M-C de Marliave

L’UNIVERSALITE DU SALUT EN CHRIST (2/2) : LE CHRIST SAUVEUR DU MONDE

Laudato Si  § 99 : « Pour la compréhension chrétienne de la réalité, le destin de toute la création passe
par le mystère du Christ, qui est présent depuis l’origine de toutes choses : « Tout est créé par lui et
pour lui (Col 1, 16). Le Prologue de l’évangile de Jean (Jn 1, 1-18) montre l’activité créatrice du
Christ comme Parole divine (Logos). Mais ce prologue surprend en affirmant que cette Parole « s’est
faite chair » (Jn 1, 14). Une personne de la Trinité s’est insérée dans le cosmos créé, en y liant son sort
jusqu’à la croix. Depuis le commencement du monde, mais de manière particulière depuis
l’Incarnation, le mystère du Christ opère secrètement dans l’ensemble de la réalité »

Laudato Si  § 100 : « Le Nouveau Testament ne nous parle pas seulement de Jésus terrestre et de sa
relation concrète et aimable avec le monde. Il le montre comme ressuscité et glorieux, présent dans
toute la création par sa Seigneurie universelle. [...] Cela nous projette à la fin des temps, quand le
Christ remettra toutes choses au Père. »

1. Ce qui nous peut nous freiner pour penser le salut de l’univers


2. Le Christ et l’univers : l’exégèse de Col 1, 15-20

15. Il est l’image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature, 16. car en lui toutes choses (ta
panta) ont été créées, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes et
Souverainetés, Autorités et Pouvoirs. Toutes choses (ta panta) ont créées par lui et pour lui, 17. et il
est, lui, avant tout ; toutes choses (ta panta) subsistent en lui.

18. Et il est, lui, la tête du corps, de l’Eglise. Il est le commencement (archê), Premier-né d’entre les
morts, afin qu’il ait en tout le premier rang. 19. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la
plénitude 20. et réconcilier toutes choses (ta panta) par lui et pour lui, sur la terre et dans les cieux,
ayant établi la paix par le sang de sa croix.1

3. La présence du Christ à tout l’univers révélée par la croix chez saint Irénée

« C’est lui notre Seigneur : lui-même dans les derniers temps, s’est fait homme, alors qu’il était déjà
dans le monde et qu’au plan invisible, il soutenait toutes les choses créées et se trouvait enfoncé dans
la création entière, en tant que Verbe de Dieu gouvernant et disposant toutes choses. Voilà pourquoi
“il est venu” de façon visible “dans son propre domaine”, “s’est fait chair” et a été suspendu à la croix,
afin de récapituler toutes choses en lui-même.» 2

« [...] parce que lui-même est le Verbe de Dieu tout puissant, Verbe qui, au plan invisible, est
coextensif à la création tout entière et soutient sa longueur et sa largeur et sa hauteur et sa profondeur
– car c’est par le Verbe de Dieu que l’univers est régi -, il fut aussi crucifié en ces quatre dimensions,
lui, le Fils de Dieu qui se trouvait déjà imprimé en forme de croix dans l’univers : il fallait en effet que
le Fils de Dieu, en devenant visible, produisît au jour son impression en forme de croix dans l’univers,
afin de révéler, par sa posture visible de crucifié, son action au plan invisible, à savoir que c’est lui qui
illumine la « hauteur », c’est à dire les choses qui sont dans les régions de dessous de la terre, qui
étend la « longueur » depuis le

« [...] telle se présente l’activité du Fils de Dieu, telle aussi la forme des vivants, et telle la forme des
vivants, tel aussi le caractère de l’Evangile : quadruple forme des vivants, quadruple forme de
l’Evangile, quadruple forme de l’activité du Seigneur. Et c’est pourquoi quatre alliances furent
données à l’humanité »3]

4. L’humanité du Christ et son insertion dans le monde, pour le salut du monde 

1
TOB, 2012.
2
IRÉNÉE DE LYON Contre les hérésies, V, 18, 3 
3
IRÉNÉE DE LYON, Contre les hérésies, III, 11, 8

1
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« La vie humaine n’est pas un épiphénomène à la surface du cosmos et sans lien profond avec lui ;
tout au contraire. Sans doute elle le domine et s’en dégage, elle en émerge pour accéder à une région
supérieure ; mais d’abord elle s’y enracine et s’y nourrit. Dans cette vie de l’univers, mettons donc
l’accent sur son côté humain, mais en rappelant que s’il en est la fleur, la fleur a besoin d’une tige, de
racines, et d’une terre nourricière. »4  p. 163.

« Dire que le Christ est ressuscité, ce n’est pas dire qu’il continue de survivre en son âme, échappée à
la mort, à la manière dont un disciple de Pythagore ou de Platon par exemple, pouvait croire à
l’immortalité. Dire qu’il est ressuscité, c’est dire qu’il vit dans son corps, bien qu’en une autre
condition ; et si nous comprenons un peu ce qu’est le corps nous verrons que cela veut dire que, bien
qu’inaccessible désormais à nos sens, il reste lié à notre monde [...]. Il continue donc d’agir dans le
monde et dans l’humanité pour les transformer, et cette transformation ne saurait être qu’une
assimilation au Christ. Le Christ est le chef de notre race, c'est-à-dire, d’une race enracinée dans un
univers, dont elle est solidaire. Parvenu le premier au terme, il y attire progressivement ses membres,
jusqu’au jour où, d’un coup, il achèvera son œuvre. »5

5. La proposition de Giovanni Pagazzi : le monde du sauveur

« Il n’y a pas eu un seul moment dans la vie de Jésus durant lequel il n’ait pas été avec le monde et le
monde avec lui. Son humanité est bien plutôt le résultat de cette co-appartenance et de cette réciproque
et mutuelle implication entre son corps et le monde. Jésus, Fils de Dieu fait homme, ne peut être pensé
avant son lien avec le monde ou sans ce lien. [...] Jésus a définitivement résolu l’ambivalence de ce
lien qui le précède et le constitue, en y lisant la trace du lien singulier que le Père a établi avec lui et la
relation créatrice que le Père entretient avec le monde. Jésus est le contact du Fils avec le monde ; il en
résulte que sans le monde, s’il est à la limite possible de penser au Fils, il est en tout cas impossible
d’imaginer Jésus, Fils avec le monde et le monde avec le Fils. »6

« [Le monde du sauveur] embrasse d’abord les relations avec les personnes, dans l’extrême de leurs
diversités : Marie et Joseph, Jean-Baptiste, les “parents”, la foule, les disciples, les Douze, le disciple
que Jésus aimait, ses amitiés féminines et masculines, les autorités religieuses et politiques, tant juives
que romaines, les malades et les pêcheurs, les juifs et les païens, les partisans et les détracteurs, et
jusqu’aux ennemis les plus hostiles. Le monde de Jésus comporte ensuite la Terre sainte ou, pour
mieux dire, la Terre du Saint, qui s’étend de la douce Galilée à l’âpre Judée en passant pas l’enclave
“hérétique” de la Samarie ; elle va de l’abondance des eaux dans la mer de Galilée au désert de Juda ;
de l’identité aux contours incertains de la “Galilée des nations”, c'est-à-dire des païens [...] à la ligne
décidément yahviste de la Judée et de Jérusalem. Le monde de Jésus inclut villes et campagnes, avec
les multiples tensions inhérentes à ces espaces de vie. Son étendue atteint enfin au-delà de la Terre du
Saint, en plein territoire païen où il lui arriva de trouver refuge. Le monde de Jésus est aussi [...] le
fruit de la complexe histoire d’Israël, de ses coutumes, de ses livres, si divers de l’un à l’autre, qui en
viennent à composer la Sainte Ecriture hébraïque. Enfin, le monde que voit Jésus et qui le re-voit
embrasse – ses paraboles et ses autres dits le montrent bien – les animaux nourris par le Père et les
fleurs vêtues par lui (Mt 6, 26-29), la pluie et le soleil, bénédictions étendues sur les bons et les
méchants, le vent enfin qui souffle où il veut (Jn 3, 8). En ressuscitant Jésus d’entre les morts, le Père
sauve aussi le monde complexe, varié, étendu dans l’espace et le temps, malade, méchant et
magnifique avec lequel le Fils entre en contact, le monde du Sauveur. »7 p. 110.

« [...] Irénée [...] reconnaît au Christ-Tête le nom de « Logos de Dieu » : il semble le faire parce que
ce mot a une signification qu’on ne peut rendre seulement par le mot “parole” et qui est proche de
celle du “lien”. Christ, Logos de Dieu dans la chair, confère unité à toutes les créatures, les colligeant
entre elles et les liant à soi, de même que la tête garantit la liaison de tout le corps. [...] Le terme logos
en effet dérive du verbe legein [...] qui signifie originairement lier, réunir, recueillir ensemble. C’est en
4
Yves DE MONTCHEUIL, Leçons sur le Christ, Paris, Editions de L’Epi, 1949, p. 163 [réédition 2016, Bruxelles,
Lessius]
5
Ibid. p. 164-165.
6
Giovanni C. PAGAZZI, Au commencement était le lien, Paris, Cerf, coll. Théologies, 2012, p. 102-103.
7
Ibid, p. 110

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vertu de cette acception première que le mot s’est étendu ensuite à “évoquer, exposer, parler”. On ne
peut parler qu’en liant les sons ensemble, en assemblant des paroles, en réunissant toutes choses dans
la voix. Parler est lier et se lier à quelque chose ou à quelqu’un. »8

« Mon petit bastidon vient à menacer ruine : les murs s’écartent ; les plafonds se creusent et semblent
s’enfoncer, la toiture se disloque. Que s’est-il passé ? Par une disposition singulière, la charpente à
quatre faces rattachées à un sommet unique tenait toute sa solidité de la ferrure qui unissait par la
pointe supérieure les solives qui, grâce à ce vinculum [lien] du sommet formaient comme une seule
pièce. [...] Il y a, peut-on dire, dans l’univers, le liant universel, le vinculum vinculorum [le lien des
liens], la pièce suprême et unique qui contribue à l’affermissement de tout le reste. C’est ce liant dont
saint Paul disait : in quo omnia constant, Primogenitus omnia creatura [en lui toutes choses subsistent,
le premier né de toutes créatures Col, 1, 17 ; 15]. Celui dont saint Jean déclare que tout a été fait par
Lui et que tout ce qui est serait comme n’étant pas sans Lui, redevenant comme néant alors qu’il
semblerait avoir un commencement d’existence, comme un édifice qui retournerait vite à
l’effondrement. » 9

8
Cesare G. PAGAZZI, Au commencement était le lien, Paris, Cerf, coll. Théologies, 2012, p. 130-131.
9
Maurice BLONDEL, Une énigme historique : le « Vinculum substantiale » d’après Leibniz cité par C. G.
PAGAZZI, in Au commencement était le lien, op. cit., p. 140-141.

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