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COUR DE S COMPTES

Synthèse
du Rapport public thématique

Juillet 2012

L’Etat et le financement
de l’économie

C
 Avertissement
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes
concernés figurent à la suite du rapport.
Sommaire

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

1 Des fragilités sous-jacentes dès avant la crise . . . . . .7

2 Les conséquences de la crise financière . . . . . . . . . .13

3 Les leviers d’action de l’Etat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

4 Les orientations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .77

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Principales orientations et recommandations . . . . . . . .35

33
Introduction

La situation du financement de l’économie française peut paraître paradoxale :


alors que le taux d’épargne des ménages se situe depuis plusieurs années à un niveau
élevé, de nombreux acteurs économiques (entreprises et collectivités territoriales) mettent
en avant leur difficulté à se financer. Au-delà de ce paradoxe, les conditions de finan-
cement ne sont pas sans influence sur le rythme de la croissance économique. Elles sont
essentielles à la réussite des projets des Français, qu’il s’agisse pour eux d’acquérir un
bien immobilier, de fonder une entreprise, de développer un nouveau produit ou d’inves-
tir une épargne.
Malgré l’internationalisation croissante des flux financiers, l’Etat continue d’occu-
per une place majeure dans le financement de l’économie. La Cour a donc souhaité dres-
ser un diagnostic global des instruments utilisés par l’Etat, tout en examinant les effets
des déficits publics sur le financement de l’ensemble des agents économiques.
Cette réflexion s’inscrit dans un contexte où de nouveaux développements de la crise
ont touché les établissements financiers, les Etats et plus généralement les économies de
la zone euro, et qui se caractérise par de nombreuses incertitudes. Les constats effectués
s’insèrent dans une analyse plus large, tenant compte d’une double préoccupation : la

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perte de compétitivité de l’économie française et les difficultés soulevées par l’accroisse-
ment persistant de l’endettement public du pays. 

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Cour des comptes

1 Des fragilités sous-jacentes


dès avant la crise

Les caractéristiques 411,8 Md€. Ces investissements ont été


essentielles du
financés grâce à l’épargne des agents
économiques nationaux (360,8 Md€),
financement de mais aussi grâce à l’apport de finance-
l’économie française ment par le reste du monde (51 Md€).

Un besoin de financement
croissant
En 2011, l’investissement total de
l’économie française (entreprises,
ménages, administrations) s’est élevé à

Capacité ou besoin de financement des différents secteurs institutionnels Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
en 2011

Revenu dis- Consommati Epargne


Md€ Investissements Solde
ponible brut on finale brute
Administrations
457,0 489,3 -32,4 71,2 -103,6
publiques
Sociétés non-
136,0 136,0 201,2 -65,2
financières
Société
42,6 42,6 13,9 28,7
financières

Ménages 1365,9 1151,3 214,6 125,5 89,1

Economie
2001,5 1640,6 360,8 411,8 -51,0
nationale
Source : INSEE – comptes nationaux

77
Des fragilités sous-jacentes
dès avant la crise

Depuis 2005, le recours récurrent et (1 197 Md€ fin 2011). De même, le mar-
croissant à des financements extérieurs a ché obligataire est essentiellement animé
placé l’économie française en position par les grandes entreprises. Les PME et
financière nette débitrice vis-à-vis du les entreprises de taille intermédiaire ne
reste du monde. La différence entre ses rassemblent que 5,8 % de la capitalisa-
actifs et ses passifs financiers, qui était tion et recourent peu aux obligations. Le
positive en 2001, approchait en 2010 - capital-investissement, c’est-à-dire l’ap-
233 Md€, soit 12 % du PIB. Cette situa- port de fonds propres à des sociétés non
tion traduit sa perte de compétitivité cotées, est également limité (9,4 Md€ en
mais aussi le besoin de financement 2011) et concerne souvent les entre-
massif des administrations publiques. A prises les plus matures. Les opérations
titre de comparaison, la position finan- de capital-risque et de capital-dévelop-
cière nette de l’Allemagne était en 2010 pement, qui interviennent en début de
positive, avoisinant +518 Md€. cycle de vie, restent très faibles (600 M€
Les administrations publiques ne en 2011 pour le capital-risque et 2,94
parviennent ni à épargner, ni même à Md€ pour le capital-développement).
renouveler le capital public dont elles L’Etat, par les garanties qu’il
ont la charge. accorde, porte dans son bilan des
risques qu’il est le mieux à même de
Un équilibre apparent
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couvrir. Il assure également des fonc-


reposant sur les banques tions structurelles d’incitation à
et sur l’Etat l’épargne, de collecte, de gestion de tré-
sorerie, de redistribution des finance-
Les banques françaises, dont la ments et de garantie. Enfin, les divers
structure est très concentrée et interna- instruments dont il dispose lui confèrent
tionalisée, occupent une place prépon- une capacité à intervenir conjoncturelle-
dérante dans le financement de l’écono- ment ou ponctuellement, s’il le juge
mie. Leurs concours à l’économie s’éle- utile, dans le financement de l’économie.
vaient à 2 008 Md€ fin 2010. Elles opè-
rent l’essentiel de la transformation Des fragilités
financière de passifs courts en actifs structurelles
longs.
Les solutions alternatives au crédit
bancaire sont faiblement développées et L’impact de la situation des
finances publiques
ne concernent souvent que les grandes
entreprises. Le marché actions est très
concentré sur les entreprises du CAC 40 La dette publique française – essen-
qui totalisent l’essentiel de la capitalisa- tiellement portée par l’Etat – a considé-

88
tion de NYSE Euronext Paris rablement augmenté en trente ans. De
Des fragilités sous-jacentes
dès avant la crise

20,7 % du PIB en 1980, elle était passée vés, les ménages et les entreprises pour-
à 35,2 % en 1990, 57,5 % en 2000, raient spontanément accroître leur
82,3 % en 2010. En 2011, elle s’élevait à épargne. Cette augmentation se tradui-
1 717 Md€ soit 86 % du PIB, dont rait alors par un repli de la demande glo-
205,2 Md€ de dette sociale, figurant bale de biens et de services.
principalement au bilan de la Caisse La détention à hauteur de 65,4 % fin
d’amortissement de la dette sociale décembre 2011 de la dette négociable de
(CADES). l’Etat par des non-résidents constitue
La baisse des taux d’intérêt et l’ingé- une source d’incertitudes supplémen-
nierie financière publique ont permis taires. Cette part – qui a triplé en 13 ans,
que la charge de la dette n’augmente pas mais qui se stabilise depuis 2008 – est le
aussi rapidement que son volume. Ces signe de la confiance des investisseurs
évolutions, ainsi que la profondeur du étrangers. Toutefois, dans une période
marché financier en zone euro, qui a de tension sur les marchés des emprunts
évité les effets d’éviction sur le finance- publics, elle pourrait être interprétée
ment privé, n’ont pas incité les pouvoirs comme une vulnérabilité.
publics à ralentir la croissance des
dépenses, y compris de fonctionnement. Des entreprises
Le niveau de la dette publique dépendantes du crédit

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expose l’Etat à un risque de retourne-
ment des taux, qui alourdirait considéra- Contrairement à celles des entre-
blement la charge des intérêts. Une prises d’autres pays européens, les
hausse de taux de cent points de base marges des entreprises françaises n’ont
l’aggraverait de 1,9 Md€ la première pas augmenté plus vite que leurs charges
année et de 12,9 Md€ la dixième, selon entre 2000 et 2009. La France présente
l’Agence France Trésor. En outre, la la part de profits dans la valeur ajoutée
dégradation se répercuterait sur l’ensem- des sociétés non financières la plus fai-
ble des acteurs de l’économie, y compris ble de l’Union européenne en 2010.
les bénéficiaires de la garantie de l’Etat. Le plus souvent, les entreprises fran-
Une hausse de la prime de risque sur çaises ont mobilisé leurs résultats pour
les emprunts à long terme français pour- renforcer leurs fonds propres : la part de
rait entraîner une baisse de l’investisse- ceux-ci dans leur passif est passée de 30
ment et de la croissance : d’après le à 35 % entre 1997 et 2010. Même si les
modèle INSEE-direction générale du situations individuelles sont hétéro-
Trésor, une hausse de 50 points de base gènes, l’autofinancement des entreprises
entraînerait une baisse de 0,3 % de l’in- françaises – c’est-à-dire le ratio de
vestissement et de 0,1 % du PIB au bout l’épargne sur les investissements – s’est
de deux ans. En outre, anticipant des dégradé depuis la fin des années 1990 :

99
besoins de financement futurs plus éle- de 100 % en 1998 et 1999, il est tombé
Des fragilités sous-jacentes
dès avant la crise

à 70 % en 2008 et 2011. En 2011, le malgré les dispositions prises par les


besoin de financement des sociétés non pouvoirs publics.
financières s’est creusé, atteignant L’investissement des entreprises est
65,2 Md€, sous l’effet de la hausse des très corrélé aux conditions de refinance-
investissements (+14,5 Md€) et de la ment des établissements de crédits sur
réduction de l’épargne (-17,7 Md€). les marchés financiers et au fonctionne-
Dans ces conditions, les entreprises ment du marché bancaire. Un cercle
françaises ont eu recours au crédit ban- vicieux de sous-investissement est à
caire pour réaliser leurs investissements. craindre où, faute de rentabilité, les
L’endettement des sociétés non finan- entreprises présentent un autofinance-
cières approche 60 % du PIB. Les PME ment insuffisant et sont dépendantes du
sont les principales consommatrices de système bancaire ; faute de financement,
crédit bancaire (72 % des lignes de cré- elles rencontrent des difficultés à inves-
dit entre janvier 2009 et juillet 2010, tir dans les projets de modernisation et
représentant 27 % du volume des prêts de développement qui leur seraient
accordés sur cette période) mais elles y nécessaires ; faute de ces investisse-
accèdent à des conditions moins favora- ments, elles demeurent peu rentables. Le
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bles que les grands groupes (150 à 200 ratio entre endettement et valeur ajoutée
points de base de plus). Cet écart s’est des sociétés non financières se situait
creusé depuis 2008. Par ailleurs, si le ainsi fin 2010 à 131,5 %, en deçà des
financement des investissements s’est valeurs anglaise, italienne ou espagnole,
maintenu, les crédits de court terme se mais bien au-delà du ratio allemand
sont raréfiés avec une part dans l’endet- (82,7 %) après avoir augmenté de
tement des entreprises de 4,2 % en 2010 20 points depuis juin 2007.
contre 6,1 % en 2008.
Les stratégies mises en place par les Les problèmes d’orienta-
entreprises pour réduire leur dépen- tion de l’épargne
dance au secteur bancaire ne sont pas
sans effets défavorables. L’adossement à L’épargne des ménages est tradition-
un groupe, qui permet d’accéder à un nellement forte en France, de l’ordre de
financement interne, réduit la part des 15 à 17 % de leur revenu disponible
PME indépendantes dans le tissu entre- brut. Depuis le déclenchement de la
preneurial français. Le recours au crédit crise, son allocation reflète des motifs de
interentreprises est souvent non-colla- précaution. Les supports non risqués
boratif : le besoin de fonds de roulement ont représenté 87,4 % du total des flux
s’établit à trente-cinq jours de chiffre d’épargne de 2011. Parmi ces flux,
d’affaires en moyenne pour les PME, 32,5 Md€ ont été placés en assurance-
contre un seul pour les grands groupes, vie – dont les encours sont de

10
1 375,6 Md€ fin 2011 – et 36,5 Md€ en
Des fragilités sous-jacentes
dès avant la crise

livrets et comptes épargne logement – d’ici 2015) ainsi qu’un portefeuille de


les encours cumulés du livret A et du titres de grandes entreprises françaises
livret de développement durable s’éta- (38,2 Md€). En définitive, l’épargne des
blissant à 276,4 Md€ fin septembre ménages finance de moins en moins les
2011. entreprises.
La comparaison des flux avec le Les évolutions du patrimoine finan-
stock, c’est-à-dire la structure du patri- cier des ménages ont été fortement
moine financier des ménages, montre influencées par la hausse des prix de
une tendance à des placements moins l’immobilier. Il représente 60 % du
risqués et plus liquides qu’antérieure- patrimoine des ménages en 2010. Alors
ment. Dans le contexte de 2010, seuls que, de 1965 à 2000, les prix immobiliers
14,5 % des flux d’épargne s’orientaient avaient suivi le revenu des ménages, ils
vers des supports risqués alors que ont augmenté de 70 % de plus entre
32,2 % des stocks d’actifs financiers des 2000 et 2010. L’immobilier, notamment
ménages demeuraient placés sur de tels en raison d’importantes incitations fis-
supports. En outre, l’épargne des cales, a progressivement absorbé une
ménages est principalement confiée à part croissante de l’épargne et de la dis-
des gestionnaires financiers (notamment tribution de crédit. Entre 1997 et 2010,
les assureurs-vie) qui ont internationa- la part des actifs immobiliers dans l’actif

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


lisé son allocation : 44 % des actifs net total des ménages est passée de 46 %
financiers détenus par les ménages sont à 60 %. Si leur valorisation est demeurée
investis dans le reste du monde ; 9 % du quasiment stable de 2007 à 2010, elle
portefeuille des ménages sont destinés avait triplé au cours des 10 ans précé-
aux administrations publiques rési- dents (2 020,8 Md€ en 1997 contre
dentes, contre encore 20 % en 1995. 6 347,2 Md€ en 2007).
La détention d’OPCVM est en recul,
avec un encours total qui a diminué Des dispositions fiscales
entre 2007 et fin 2010 de 286 Md€ à aggravant les fragilités et
265 Md€. Il n’existe pas d’objectif géné- les déséquilibres
ral d’orientation de l’épargne réglemen-
tée vers les entreprises, même si la bana- L’épargne des ménages fait l’objet
lisation de la distribution du livret A de nombreuses dispositions fiscales pri-
s’est accompagnée de la fixation, pour vilégiant l’épargne sans risque et l’immo-
les banques, d’une cible en termes de bilier. L’épargne non risquée profite de
distribution de crédits aux PME et si les 9 Md€ de dépenses fiscales, contre
ressources centralisées au Fonds 2,4 Md€ pour les placements risqués
d’épargne financent des prêts à Oséo (plan d’épargne en actions ou investisse-
(5 Md€ entre 2009 et 2011) et au Fonds ments en fonds propres). De même, les

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stratégique d’investissement, (1,5 Md€ placements les plus liquides se trouvent
Des fragilités sous-jacentes
dès avant la crise

avantagés alors que les ménages tendent pôt sur les sociétés de 39 % pour les
spontanément à y souscrire. Les prélève- PME comptant entre 10 et 249 salariés,
ments obligatoires sur les revenus finan- et 19 % pour les entreprises de plus de
ciers ont rapidement augmenté alors 5 000 salariés. Ces dispositions fiscales
même que l’investissement immobilier contribuent à maintenir un autofinance-
restait encouragé. ment faible.
Le système fiscal influence aussi les Accumulés sur une période longue,
stratégies de financement des entre- ces éléments ont, insensiblement, inflé-
prises : la déductibilité des intérêts d’em- chi le financement de l’économie et ont
prunt, alors que les dividendes sont contribué à le rendre vulnérable à un
imposables, introduit un biais en faveur choc externe, tel celui provoqué par la
du financement par endettement au crise financière internationale.
détriment d’un modèle de fonds pro-
pres. Les PME sont, dans les faits, plus
lourdement imposées que les grandes
entreprises, avec un taux explicite d’im-
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

12
Cour des comptes

2 Les conséquences de la crise


financière

Des impacts durables entre stabilité de la sphère financière et


sur le financement de
situation budgétaire de la sphère
publique et insuffisance des mécanismes
l’économie de supervision et de régulation. Plus
généralement, elle est venue sanctionner
les limites d’un modèle de financement
Un environnement excessivement fondé sur l’endettement.
profondément déstabilisé Entre 2000 et 2011, l’endettement
des acteurs privés est passé en France de
Au long de ses différentes étapes, la 150 % à près de 210 % du PIB. Dans le
crise a mis en évidence des faiblesses même temps, il est demeuré stable,
dans le système de financement : risques autour de 180 % du PIB, en Allemagne.
de la titrisation, ineffectivité des pro-
duits de couverture, interdépendance

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

1313
Les conséquences de la crise
financière

Face à la crise, les Etats ont été ame- 63,3 Md€, dont 7,7 Md€ de dette
nés à intervenir pour soutenir aussi bien grecque.
le secteur financier – en France, par des Malgré les opérations exception-
prêts au secteur bancaire, des prises de nelles de la Banque centrale européenne,
participation, l’octroi de garanties ou la distribution du crédit à l’économie
des dispositifs de rehaussement de cré- pourrait être menacée. En outre, un
dits – que l’économie réelle. En France, mouvement de renationalisation des
la relance de la commande publique, la marchés de capitaux s’est engagé, dans
hausse des crédits d’intervention et celle le contexte duquel l’emprunt public
de la dépense fiscale ont atteint 34 Md€ pourrait désormais exercer un effet
en 2009 et 2010, dont 17,5 Md€ de d’éviction sur le financement privé.
mesures fiscales. Ces apports au finan-
cement de l’économie ont soutenu la Le resserrement des
croissance mais dégradé l’état des contraintes prudentielles
finances publiques.
Progressivement, l’accumulation de La crise financière a montré la
dettes publiques et privées de nombreux nécessité d’un nouveau cadre internatio-
pays, et notamment des pays européens, nal de régulation. La volonté du G20
a favorisé l’émergence d’une crise de la d’encadrer mieux l’activité bancaire s’est
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

dette souveraine. Dans un contexte de traduite par « l’accord de Bâle III »


méfiance des investisseurs, les écarts de visant à renforcer la solvabilité bancaire.
taux se sont accrus et les notes attri- La liquidité et l’effet de levier des
buées aux dettes souveraines de pays banques – ratio minimal exigé entre
européens ont été abaissées, y compris, fonds propres et expositions de bilan ou
début 2012, celle de la France par une hors bilan – sont également réglemen-
des agences de notation. Des dégrada- tés. Alors que la pleine entrée en vigueur
tions en cascade ont suivi : entreprises des normes n’était prévue qu’à l’horizon
publiques, Caisse des dépôts et consi- 2019, un accord européen d’octobre
gnations, organismes sociaux, collectivi- 2011 prévoit que les banques doivent
tés territoriales, grandes banques. respecter un niveau de 9 % de fonds
La dégradation des finances propres dès le 30 juin 2012. Cette accé-
publiques a eu des conséquences en lération du calendrier pourrait néan-
retour sur le secteur financier du fait de moins renchérir le coût de mise en
la détention de dettes souveraines deve- œuvre des normes prudentielles et
nues risquées par les établissements accroître les risques de déstabilisation
financiers. L’exposition aux dettes sou- qu’elles induisent, notamment en inci-
veraines de la zone périphérique des tant les banques à détenir des titres de
quatre plus grandes banques françaises dette souveraine, considérés dans les

14
s’élevait au 30 septembre 2011 à normes comme sans risque et liquides.
Les conséquences de la crise
financière

La directive Solvabilité II impose Un nouveau modèle de


financement
aux assureurs de nouvelles exigences en
matière de gestion des risques. Elle pré-
voit en outre que certains risques,
jusqu’alors couverts par les provisions
techniques des assureurs, doivent l’être Le renouvellement du
par leurs fonds propres. Deux ratios de modèle d’affaires des
solvabilité sont instaurés à cette fin. banques et des assurances
Enfin, Solvabilité II généralise l’évalua-
tion dite à la « juste valeur » pour l’en- En France, les crédits consentis par
semble des éléments du bilan. les banques sont très supérieurs aux
Ces évolutions sont accélérées par dépôts, notamment en raison de la part
les normes comptables (IFRS) qui, importante des dépôts longs réalisés
depuis le début de la crise financière, auprès des compagnies d’assurance-vie
amplifient les mouvements de déstabili- (1 375 Md€) ou des gestionnaires de
sation financière. En effet, la valorisa- fonds (265 Md€), de la centralisation des
tion dite à la « juste valeur » qui prescrit dépôts des livrets réglementés auprès de
aux établissements financiers de comp- la Caisse des dépôts et consignations
tabiliser leurs actifs suivant le montant (260 Md€) et de l’obligation pour de

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


des transactions de marché, soumet nombreuses entités publiques de dépo-
leurs bilans à une forte volatilité, notam- ser leur fonds au Trésor (123 Md€).
ment à la baisse en cas de crise systé- En conséquence, les banques fran-
mique. çaises font face à un besoin structurel de
Le cumul de cette prescription avec refinancement. Leur situation nette
les normes prudentielles pourrait inciter était, fin 2010, emprunteuse à hauteur
les établissements à sur-respecter les de 914 Md€. Les exigences des prêteurs
ratios prudentiels pour se prémunir sur le marché interbancaire les contrai-
contre les variations de la valorisation de gnent de plus à plus à rechercher des
leurs actifs et passifs. L’injonction de actifs gageables en garantie de leur refi-
transparence pourrait les inciter à se nancement (collatéralisation).
couvrir encore davantage pour éviter Afin de satisfaire les futures exi-
des perturbations potentielles. gences prudentielles de liquidité, les
En définitive, les nouvelles normes banques cherchent à collecter désormais
prudentielles pourraient avoir pour effet plus de dépôts afin de diminuer leur
de renchérir le coût du crédit, de dissua- ratio crédits sur dépôts. Celui-ci s’est
der l’investissement long et d’inciter les réduit de 129 % à 112 % entre 2007 et
entreprises à se reporter sur les marchés. 2010. Dans le même temps, elles sont
contraintes de mobiliser leur résultat

15
d’exploitation pour augmenter le niveau
Les conséquences de la crise
financière

de leur fonds propres sans recourir aux dettes souveraines. En revanche, les
aides de l’Etat et pour ne pas restreindre actions, les interventions en capital-
leur offre de crédit. investissement ou via des fonds de ges-
Ces exigences nouvelles modifient tion alternative continueront à diminuer.
les stratégies financières et commer-
ciales des banques, qui ne reprendront Des acteurs économiques
vraisemblablement pas une activité de dont l’accès au finance-
financement comparable à celle des ment pourrait se réduire
années 2000.
Sur le plan financier, les banques Les PME indépendantes ont peu de
cherchent à limiter leur consommation solution alternative à l’emprunt ban-
de fonds propres. A cette fin, certains caire. Elles sont donc exposées au ren-
établissements ont commencé à réduire chérissement du coût du crédit tout
la taille de leur bilan pour augmenter comme à une contraction de son
leur ratio de fonds propres par diminu- volume ou de sa durée. Depuis janvier
tion du dénominateur. Par ailleurs, le 2012, elles font face à un repli des cré-
mouvement de titrisation est vraisem- dits mobilisés qui leur sont accordés.
blablement appelé à reprendre, pour Malgré la volonté des pouvoirs publics
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

limiter les couvertures en fonds propres de les y inciter, les assureurs ne


exigées. devraient pas augmenter leur contribu-
Sur le plan commercial, les établisse- tion au financement des PME.
ments tendront vraisemblablement à Les exportateurs, en particulier les
accroître leurs marges opérationnelles, à PME exportatrices, sont également
raccourcir l’horizon des prêts accordés affectés par la difficulté des banques
et à rechercher de la liquidité en intensi- européennes à se refinancer en dollar.
fiant leur concurrence en termes de Malgré les interventions des banques
rémunération de l’épargne, au bénéfice centrales, l’accès aux liquidités dans
de l’épargnant et au détriment de l’em- cette devise s’annonce plus rare et plus
prunteur. coûteux.
Les assureurs-vie, premiers concer- L’horizon des financements de pro-
nés en France par la directive Solvabilité jet s’est raccourci à une durée n’excédant
II, vont devoir adapter leur stratégie de pas 10 ans, en particulier du fait de la
placement en vue d’optimiser le rende- disparition des rehausseurs de crédit et
ment de leurs actifs sous contrainte de de l’effet des nouvelles normes pruden-
fonds propres assortis. Les produits tielles. La rentabilité dégradée des pro-
jugés sûrs par les normes prudentielles, jets décourage les partenaires privés.
d’horizon court ou offrant des gains Compte tenu des contraintes budgé-
réguliers, seront favorisés dans le bilan taires, la sphère publique rencontre des

16
des assureurs, y compris les titres de difficultés à augmenter le montant de
Les conséquences de la crise
financière

ses subventions initiales, à octroyer de Les enjeux de la nouvelle


façon plus large sa garantie à ses parte- donne pour l’Etat
naires et à solliciter de nouveaux inter-
venants en cofinancement. Durant la crise, l’Etat a cherché à
Les collectivités territoriales, pre- n’intervenir que de manière temporaire.
miers acteurs de l’investissement public, Les mesures de soutien qu’il a adoptées
pourraient rencontrer des problèmes du ont reposé sur l’hypothèse que le finan-
même ordre, leur financement reposant cement de l’économie retrouverait, à
à 97 % sur les banques. Les nouvelles longue échéance, les conditions qui
règles prudentielles, les effets de la étaient les siennes avant la crise.
restructuration de Dexia et plus généra- Cette hypothèse semble désormais
lement de la crise financière pourraient contredite par la nature structurelle des
en effet conduire à un renchérissement, évolutions en cours. L’Etat est de plus
voire à une contraction des volumes des en plus amené à agir pour renforcer la
prêts qui leur sont accordés. En stabilité du secteur financier comme
réponse, les collectivités territoriales pour répondre aux besoins de finance-
tendent à réexaminer leurs besoins (15- ment d’acteurs qui dépendaient précé-
16 Md€ en 2011 contre 18-20 Md€ anté- demment presque exclusivement des
rieurement), notamment en rationalisant banques. Il dispose, pour y parvenir, de

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


et en hiérarchisant leurs projets d’inves- nombreux leviers d’action, mais il doit
tissements. Parallèlement, elles cher- composer avec les contraintes nouvelles
chent à diversifier leurs ressources, en auxquelles ils sont désormais soumis.
levant directement des fonds sur les
marchés ou auprès des épargnants.

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18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Cour des comptes

3 Les leviers d’action de l’Etat

L’érosion des que les administrations centrales en


instruments directs
2000, l’écart a été pratiquement effacé
en 2010, avec 3,0 Md€ d’aides provenant
des premières et 3,1 Md€ des secondes.
En définitive, si les aides à l’investis-
L’effacement de l’Etat dans sement versées par l’Etat se sont main-
les aides directes à l’inves- tenues autour de 0,75 point de PIB, elles
tissement ne bénéficient aux entreprises et aux
ménages que de façon indirecte, si bien
Depuis une dizaine d’années, le que l’Etat en a progressivement perdu la
montant global des subventions d’inves- maîtrise, tant en termes de pilotage que
tissement versées par les administrations de délai d’octroi.
publiques aux entreprises et aux
ménages s’est maintenu. En revanche, L’Etat actionnaire et ses
leurs modalités de distribution ont pro- difficultés financières
fondément changé.

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


L’Etat lui-même distribue moins L’intervention directe de l’Etat dans
d’aides directes que par le passé. Il s’ap- le capital d’entreprises publiques ou pri-
puie sur les organismes divers d’admi- vées s’est raréfiée sous l’effet conjoint
nistration centrale (ODAC) dont la de la dégradation des conditions de mar-
contribution, si on la rapporte à l’en- ché, qui décourage les cessions, et du
semble des aides versées par les admi- resserrement des contraintes budgé-
nistrations centrales (Etat et ODAC), est taires, qui limite les possibilités d’opérer
passée entre 2000 et 2010 de 23 % à des dotations en capital ou de nouveaux
91,8 % pour les ménages et de 5,3 % à investissements.
47 % pour les entreprises. Dans ce contexte, l’Etat a été amené
Dans le même temps, il a augmenté à faire appel à des co-investisseurs
ses concours aux collectivités territo- externes, la Caisse des dépôts et consi-
riales : ceux-ci ont progressé de 5,7 Md€ gnations pour le renforcement des
à 8,7 Md€, via le fonds de compensation fonds propres de La Poste, mais aussi,
de la TVA, la dotation globale d’équipe- par exemple, le fonds souverain koweï-
ment et les dotations aux régions et tien pour ceux d’Areva. En outre, l’Etat
départements pour l’équipement sco- a dû recourir à l’endettement, dans le
laire. Alors que les collectivités territo- cadre du plan de relance ou des investis-

19
riales versaient cinq fois moins d’aides sements d’avenir, pour financer des opé-
Les leviers d’action de l’Etat

rations, dont certaines, comme le « plan faveur de l’autofinancement des entre-


Campus », ne relevaient pas du champ prises.
d’intervention normal de l’Etat action- Toutefois, la dynamique de crois-
naire. sance des dépenses fiscales s’est révélée
Les entreprises dont l’Etat est ni soutenable, ni maîtrisable. Leur coût
actionnaire ont dû de façon croissante important, la difficulté à les maîtriser
se financer par le crédit, pour maintenir dans le temps et à en assurer un suivi
le niveau de leur investissement. administratif aussi étroit que celui des
Certaines ont même dû s’endetter pour crédits budgétaires ont amené les pou-
satisfaire les exigences élevées de l’Etat voirs publics à commencer à en réduire
en matière de dividendes. Le taux de dis- l’usage.
tribution moyen des entreprises relevant
de l’Agence des participations de l’Etat De nouveaux outils : cofi-
s’élevait à 55,7 % au titre de l’exercice nancements, investisse-
2010 (et même 59,5 % pour l’exercice ments d’avenir et octroi de
garanties
2009), au-delà du taux moyen du CAC
40 qui se situe autour de 50 %.

De nouvelles formes
La contrainte budgétaire, les limites
de l’expansion des dépenses fiscales et la
d’intervention
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

recherche d’effets de levier encore


accrus ont entrainé la recherche d’autres
moyens d’action.
Les dépenses fiscales face Le cofinancement public-privé s’est
au butoir des déficits nettement développé : entre 2004 et
publics
2011, l’Etat a signé 24 contrats de parte-
nariat pour un montant total de 9,2 Md€
Le souci de respecter la norme de et un investissement initial de 2,8 Md€.
dépenses budgétaires, celui d’alléger les La défense, la santé, les transports et
prélèvements obligatoires et celui d’ob- l’environnement sont les secteurs les
tenir des effets de levier ont entrainé à plus concernés par ces investissements.
partir de 2005 un recours croissant aux Sous l’effet de la crise, toutefois, les
dépenses fiscales. Celles en faveur du financeurs privés se sont désengagés des
financement de l’économie ont vu leur partenariats public-privé. En consé-
coût total presque doubler entre 2005 et quence, l’Etat a dû y intervenir plus
2010, s’établissant à plus de 20 Md€ par intensément par des garanties, par l’oc-
an, dont un quart en faveur de l’épargne troi de prêts et par des subventions ini-
financière, un quart en faveur de l’inves- tiales.
Le programme des investissements

2020
tissement immobilier et une moitié en
d’avenir a mobilisé 34,7 Md€ en vue
Les leviers d’action de l’Etat

d’obtenir un effet de levier de 25 Md€. Il effet, la surveillance de la soutenabilité


présente toutefois des limites spéci- de ses finances, qu’elle émane des
fiques liées à son financement par l’em- organes communautaires ou des mar-
prunt, à la difficulté à identifier des pro- chés, se fait de plus en plus exigeante.
jets rapidement finançables ou suffisam-
ment rentables. Il pourrait en outre voir La recherche de relais
ses objectifs se dénaturer pour servir à
dans la sphère finan-
cière publique
une débudgétisation de dépenses de
fonctionnement.
L’octroi de garanties est devenu un
outil privilégié de l’Etat du fait de son
effet de levier et de l’absence de sortie Les acteurs du secteur
budgétaire associée. L’encours de la financier public
dette garantie a plus que doublé depuis
2006, s’établissant à 124 Md€ en 2011 Le groupe Caisse des dépôts est
après un maximum de 150 Md€ en composé d’un établissement public et de
2009, sous l’effet de la participation de filiales, associant des missions d’intérêt
l’Etat au refinancement de la société de général et des activités concurrentielles.
financement de l’économie française, du Il gère sous mandat le Fonds d’épargne,

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


fonds européen de stabilité financière le Fonds de réserve des retraites et par-
mais aussi au soutien apporté à la ticipe de fait au financement de la sécu-
restructuration de Dexia. rité sociale. Ces dernières années, ses
participations conjointes avec l’Etat,
Des risques nouveaux à directes ou indirectes, se sont multi-
gérer pliées : Banque Postale, Oséo, Fonds
stratégique d’investissement, CNP
Grâce à ces nouvelles formes d’in- Assurances.
tervention, l’Etat a pu partiellement Le Fonds d’épargne centralise une
contourner les contraintes que sa situa- partie des ressources de l’épargne régle-
tion budgétaire faisait peser sur lui. mentée (222,5 Md€ fin 2011) afin de
Cependant, en mobilisant une partie financer, le logement social et la poli-
de ses recettes actuelles, de ses recettes tique de la ville (118 Md€) mais aussi, de
futures, de sa capacité d’emprunt et façon croissante, de « nouveaux
jusqu’à sa garantie, l’Etat s’est, de fait, emplois » (15 Md€) : collectivités territo-
exposé à des risques nouveaux. Une riales, infrastructures de long terme,
large part d’entre eux s’inscrit hors-bilan prêts à Oséo et au FSI. Le reste de ses
et appelle une réflexion sur l’effet de ressources alimente un portefeuille de
levier global de l’Etat et l’identification titres, dont le rendement est devenu

2121
des aléas auxquels il est soumis. En indispensable à son équilibre financier,
Les leviers d’action de l’Etat

en raison de la marge négative sur l’es- groupe La Poste. Disposant d’une liqui-
sentiel des nouveaux prêts au logement dité importante, elle s’est adressée
social, situation qui n’est pas financière- depuis 2005 à une clientèle de plus en
ment saine et présente des risques. plus diversifiée : ménages, entreprises et,
Le Fonds stratégique d’investisse- plus récemment, collectivités territo-
ment est un investisseur en fonds pro- riales, mais sa croissance demeure à juste
pres doté de 20 Md€ de capital créé en titre prudente.
2008 par la Caisse des dépôts et l’Etat. Créé en 2001, le Fonds de réserve
Structure récente et initialement ambi- pour les retraites a été doté de 87 Md€
tieuse, il a repris certains engagements en vue de soutenir, à compter de 2020,
du groupe Caisse des dépôts (pro- le financement des régimes obligatoires.
gramme « FSI Investissement ») et s’em- Depuis 2010 toutefois, il doit liquider
ploie à augmenter sa visibilité locale, via progressivement ses actifs (36,8 Md€)
le dispositif « FSI Régions ». pour contribuer au remboursement de
L’indépendance de sa gouvernance et la dette sociale.
les synergies qu’il développe avec CDC Filiale du groupe Natixis, la Coface
Entreprises ou Oséo restent toutefois à gère des procédures publiques de garan-
consolider. ties aux entreprises qui exportent ou
Oséo soutient l’innovation et souhaitent le faire. Ses assurances inves-
apporte des crédits et des quasi-fonds tissement et ses garanties ont fortement
propres aux PME, notamment dans les progressé depuis 2007 mais restent à
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

phases de création, de transmission ou orienter plus largement vers les PME.


de développement. Il est le principal Contrairement à l’Eximbank américaine,
intervenant en garantie (85 % des dos- elle ne contribue pas au financement
siers). En 2011, Oséo a soutenu 84 000 même des exportations.
entreprises contre 55 000 en 2005.
L’effet de levier de ses interventions est
fort mais nécessite une vigilance sur sa
structure financière, son modèle pru-
dentiel et les conditions de son refinan-
cement.
CNP Assurances domine le marché
de l’assurance-vie avec 17,4 % des parts
de marché en 2011. Malgré un bénéfice
annuel stabilisé à 1 Md€, elle n’est pas
exempte de fragilités pour la Caisse des
dépôts (40 % du capital) en raison de sa
très forte dépendance au marché de l’as-
surance-vie (85 % de sa collecte).
La Banque Postale est un établisse-

22
ment de crédit récent détenu par le
Les leviers d’action de l’Etat

23
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Les leviers d’action de l’Etat

Des relais précieux mais ments. Plus généralement, l’implication


non sans limites du secteur financier public ne peut à elle
seule satisfaire l’ensemble des besoins
En mobilisant de façon croissante le de financement de l’économie.

Les relations de l’Etat


secteur financier public, l’Etat a pu
conserver des moyens d’action, s’ap-
puyer sur une expertise financière pré- avec le secteur
financier
cieuse et développer des instruments à
fort effet de levier. Il a significativement
élargi l’éventail des dispositifs de soutien
à l’offre de financement : opérations
d’endettement, de capital-investisse- La supervision financière et
ment, quasi fonds propres, garanties et ses limites
assurances.
Toutefois, l’augmentation des Si la réglementation applicable au
risques portés par le secteur financier secteur financier est pour l’essentiel éla-
public ne s’est pas suffisamment accom- borée au niveau européen, voire mon-
pagnée de progrès en matière de gou- dial, sa supervision, c’est-à-dire le
vernance, de niveau de fonds propres et contrôle de son niveau de risque, reste
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

de supervision prudentielle. A l’intersec- très largement exercée dans un cadre


tion des sphères financière, industrielle national.
et immobilière, la Caisse des dépôts et Depuis 2010, le système français est
consignations concentre une partie dés- dual : l’Autorité de contrôle prudentiel
ormais centrale des enjeux. Le Fonds est chargée du secteur financier dans
d’épargne, la Banque Postale et CNP son ensemble (banques et assurances) ;
Assurances connaissent des insuffi- l’Autorité des marchés financiers assure
sances de fonds propres, partiellement la protection de l’épargne investie dans
aggravées par les exigences de l’Etat en les instruments financiers, l’information
matière de versement de dividendes. des investisseurs et le bon fonctionne-
Tous les dispositifs auxquels l’Etat ment des marchés.
est, directement ou indirectement, par- L’une et l’autre disposent de préro-
tie, l’exposent à des risques financiers gatives renforcées, notamment la capa-
(faible rentabilité, projets plus risqués). cité de formuler des recommandations,
Leur développement ne doit pas leur permettant d’apprécier la situation
conduire à fausser les conditions de financière, les conditions d’exploitation,
concurrence ou, s’ils devenaient perma- le respect des normes prudentielles et la
nents, à déresponsabiliser les acteurs pri- correcte commercialisation des produits
vés, offreurs ou demandeurs de finance- financiers. En période de crise systé-

24
Les leviers d’action de l’Etat

mique, elles peuvent faire usage de pou- Durant la crise, ce rôle traditionnel,
voirs exceptionnels. souvent informel, a été institutionnalisé
Leur action rencontre toutefois des au sein d’un mécanisme original : la
limites : la gestion des ressources Médiation du crédit. En lien avec la
humaines et les modalités de contrôle se Banque de France, Oséo, les services de
sont adaptées trop lentement à la l’Etat ainsi que certaines organisations
sophistication des techniques d’ingénie- socioprofessionnelles et consulaires, elle
rie financière, telles que les chambres de assiste les entreprises rencontrant des
compensation privées (dark pools), le difficultés pour obtenir un crédit. Entre
trading haute fréquence, la titrisation ou son lancement en novembre 2008 et la
l’intervention des fonds alternatifs fin août 2011, près de 32 000 entreprises
(hedge funds). La coordination des ont saisi la Médiation. Plus de 80 %
superviseurs à l’échelle européenne reste d’entre elles ont été aidées, 3,6 Md€
largement à mettre en œuvre et la pré- d’encours de crédits ont ainsi été déblo-
sence française dans les structures com- qués. Si le nombre de dossiers a décru
munautaires demeure insuffisante. progressivement depuis 2009, les petites
entreprises, souvent fragiles, continuent
La conciliation entre de solliciter la Médiation du crédit, dont
offreurs et demandeurs de le dispositif a, en conséquence, été

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


financement : un enjeu maintenu jusqu’en décembre 2012.
encore actuel
Les services de l’Etat, à l’échelon
central ou dans les territoires, en parti-
culier sous l’impulsion de l’autorité pré-
fectorale, travaillent à rapprocher
demandeurs et offreurs de financement.
Au travers de structures comme le
comité interministériel de restructura-
tion industrielle ou les comités départe-
mentaux d'examen des difficultés de
financement des entreprises, ils assurent
notamment l’accompagnement des
entreprises en difficultés.

25
Cour des comptes

4 Les orientations

Accroître les interventions finan- Favoriser les finance-


ments de long terme
cières publiques peut paraître, à court
terme, une solution permettant de
résoudre les difficultés de financement
Alors que le cadre prudentiel appli-
de certains acteurs économiques. Ce
cable aux établissements financiers
serait sans doute vain sur le moyen
risque de les contraindre à réduire la
terme. L’action de l’Etat doit principale-
durée des prêts qu’ils distribuent, il est
ment viser à pallier les défaillances de
indispensable de maintenir l’accès à des
marché caractérisées.
financements de long terme, nécessaires
Certains instruments sont inopé-
pour financer à la fois des projets d’in-
rants dans le contexte actuel, tels que le
frastructures, les investissements des
recours accru à la dépense fiscale, la
collectivités territoriales et des entre-
recherche, à grande échelle, de partena-
prises, et l’innovation.
riats public-privé ou bien l’apport de la

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


garantie de l’Etat à une « agence » de Orienter l’épargne finan-
financement des collectivités territo-
riales, et doivent donc être écartés. cière vers le long terme
L’Etat n’en conserve pas moins des L’épargne financière doit être
moyens d’agir, par exemple en réduisant réorientée vers le long terme afin de
la dépense fiscale et en la ciblant mieux fournir une source de financement
vers l’investissement productif ou par pérenne pour l’économie et de permet-
l’intermédiaire du secteur financier tre aux ménages de se constituer une
public, en particulier du groupe Caisse épargne à même de contribuer à répon-
des dépôts, qui dispose encore de dre à leurs besoins de long terme
marges de manœuvre. (notamment la retraite et la dépen-
Il doit, dans un environnement éco- dance).
nomique, financier et réglementaire qui Un redéploiement des mécanismes
demeure très instable, mettre en place d’incitation financière en faveur de
une stratégie d’ensemble dans le but l’épargne de long terme doit donc être
d’assurer une allocation efficace des flux engagé, dans le cadre en particulier de
financiers. Les principaux objectifs de l’assurance-vie, afin d’encourager les
cette stratégie pourraient être les sui- épargnants à détenir leur épargne plus
vants. longtemps sur ces produits.

27
Les orientations

Pour être efficaces, ces réaménage- Mieux utiliser les res-


ments impliquent de maintenir une hié- sources du Fonds
rarchie des rémunérations entre les
livrets d’épargne réglementée, qui repré- d’épargne
sentent une épargne liquide de court Favoriser les financements de long
terme, et l’épargne longue. Le double- terme suppose également de mieux uti-
ment des plafonds du livret A et du liser les ressources du Fonds d’épargne
livret de développement durable (LDD), (222,5 Md€ à fin 2011).
envisagé par le gouvernement, pourrait Ce dernier dispose aujourd’hui d’un
entraîner des transferts depuis l’assu- surplus de liquidité qui serait de l’ordre
rance-vie, dans un contexte où il est de 52 Md€.
nécessaire d’encourager l’épargne Ce chiffrage fait débat entre la
longue, et des mouvements à partir des Caisse des dépôts et consignations et
livrets bancaires fiscalisés, alors que le l’Etat, ce qui montre la nécessité de pré-
système bancaire français se caractérise ciser le modèle prudentiel du Fonds
déjà par un déséquilibre entre l’encours d’épargne sur la liquidité afin de bien
des prêts et les dépôts collectés. Pour calibrer les possibilités d’utilisation de
limiter ces contre-effets, il pourrait être cette ressource.
envisagé de répartir sur plusieurs années En tout état de cause, compte tenu
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

ce relèvement. En tout état de cause, le de l’incertitude du contexte financier, il


relèvement des plafonds devrait, dans le est opportun, à ce stade, de préserver
souci de préserver le financement de la une marge de manœuvre sur les res-
protection sociale, conduire à soumettre sources du Fonds d’épargne afin d’être
aux prélèvements sociaux les revenus en mesure de les mobiliser pour pallier
tirés des dépôts pour leur partie supé- des défaillances de marché constatées. Il
rieure aux plafonds actuels des livrets. est, par ailleurs, essentiel de viser une
L’encouragement à une épargne allocation optimale de ces ressources.
financière longue doit également En particulier, la distribution des prêts
conduire à reconsidérer et redéployer les aux organismes de logements sociaux
incitations publiques résiduelles dont par le Fonds d’épargne devrait être réso-
bénéficie l’immobilier (hors logement lument ciblée, y compris avec une
social). Dans un contexte de raréfaction modulation des taux, au profit des zones
de la ressource publique, l’action qui connaissent une situation tendue.
publique devrait être réservée aux zones L’équilibre financier à terme de l’activité
qui connaissent une pénurie de loge- de prêts au logement social doit être glo-
ments. balement assuré. S’agissant des nou-
veaux emplois, leur croissance nécessite-

28
rait d’être maîtrisée et justifiée par l’inté-
Les orientations

rêt socio-économique des opérations et Cibler les défaillances de


l’existence d’une réelle carence de mar- marché pour le finance-
ché pour leur financement.
ment des petites et
Tirer les conséquences moyennes entreprises
du nouveau contexte Les difficultés que pourraient ren-
pour le financement contrer les PME à se financer ont
des entreprises et des
conduit le gouvernement à prévoir la
mise en place d’une banque publique
collectivités d’investissement. Pour être utiles, les
territoriales ressources de cette banque devront être
ciblées sur les défaillances de marché
avérées.
Améliorer les conditions de Le financement en fonds propres
des entreprises en phase d’amorçage et
financement des entre- de premiers développements constitue,
prises par un redéploie- aujourd’hui, un enjeu important. Deux
ment de leur fiscalité pistes pourraient être explorées, sans

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


méconnaître leurs limites : l’améliora-
Dans un contexte où il est exclu tion des véhicules fiscaux destinés à
d’augmenter la dépense fiscale, des redé- encourager l’investissement dans le capi-
ploiements devraient être opérés afin tal des PME (notamment FCPI, FIP,
d’améliorer la capacité des entreprises à FCPR), qui manquent de lisibilité et
se financer en fonds propres et de sou- d’efficacité ; le redéploiement d’une par-
tenir davantage les PME. L’une des tie des moyens de CDC Entreprises,
voies possibles serait de plafonner la aujourd’hui consacrés au capital inves-
déductibilité des intérêts d’emprunts, tissement.
qui crée aujourd’hui un biais en faveur Au-delà, il appartient aux pouvoirs
du financement par dette plutôt que par publics de continuer à suivre l’évolution
fonds propres. Un tel plafonnement de l’offre de crédit à destination des très
permettrait, par les économies réalisées, petites entreprises et des PME. La
la mise en place de mesures fiscales Médiation du crédit contribuant à ce
favorables aux PME, qu’il s’agisse du suivi, sa prolongation serait, dans le
taux ou de l’assiette de l’impôt sur les contexte actuel, la solution la plus pru-
sociétés, ou de l’allègement des charges dente, sans pour autant institutionnaliser
qui pèsent sur les facteurs de produc- le dispositif.
tion. En tout état de cause, les PME

29
seront conduites à rechercher une diver-
Les orientations

sification de leurs sources de finance- explicite de recherche de l’efficience de


ment. Cette évolution pourrait passer l’organisation territoriale.
par les financements de marché, même Les collectivités territoriales doivent
si cela ne peut concerner qu’une part également se préparer à diversifier
limitée de leurs besoins et ne peut en davantage leurs sources de financement.
aucun cas engager la garantie de l’Etat. Plusieurs pistes, dont certaines sont
Les réformes mises en œuvre à l’initia- complémentaires, peuvent être envisa-
tive des pouvoirs publics, qui visent à gées.
favoriser l’accès des PME aux finance- Une offre de prêts à court terme a
ments de marché, doivent être poursui- été récemment mise en place par La
vies. Il pourrait être envisagé de créer Banque Postale. La structure commune
une structure de marché dédiée aux projetée entre cette dernière et la Caisse
PME et aux entreprises de taille inter- des dépôts et consignations aurait voca-
médiaire (ETI), avec des équipes spéci- tion, à terme, à couvrir entre 20 % et
fiques, afin de permettre à ces entre- 25 % du marché. Elle ne répondrait pas,
prises de lever des fonds en capital ou à elle seule, aux besoins de financement
sous forme obligataire. des collectivités territoriales nés de la
restructuration de Dexia.
Faire évoluer le modèle de La création d’une agence de finance-
financement des collectivi-
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

ment des collectivités territoriales est


tés territoriales évoquée comme une solution supplé-
mentaire. Dans un rapport au
Compte tenu de la réduction des Parlement, de février 2012, le
transferts de l’Etat, de la nécessité de Gouvernement a cependant relevé la
participer à l’effort de désendettement complexité du dispositif envisagé et la
du pays et de la diminution probable de nécessité d’approfondir la réflexion sur
l’offre de financement bancaire à desti- plusieurs points. Au-delà de l’ampleur et
nation des collectivités territoriales, le de la portée des sujets non encore réglés,
modèle de financement de ces dernières la Cour souligne à nouveau la nécessité
est appelé à évoluer. que cet organisme n’engage pas la
Un axe majeur est de développer garantie de l’Etat.
l’autofinancement de l’investissement. En tout état de cause, les collectivi-
Les efforts de maîtrise de la dépense tés territoriales doivent se préparer à
locale devront être favorisés par la ratio- recourir davantage au financement obli-
nalisation des compétences des diffé- gataire, qui constitue un axe possible de
rents niveaux de collectivités territo- diversification pour les plus grandes
riales. A cet égard, la réforme des lois de même s’il restera probablement limité
décentralisation annoncée par le gouver- par rapport aux besoins à satisfaire.

3030
nement devrait intégrer un objectif
Les orientations

Mettre en place les particulièrement la sphère publique,


moyens d’une stratégie
d’autofinancement.
En outre, l’accroissement des inter-
d’ensemble, diversifiée ventions à opérer et la raréfaction des
et réactive moyens disponibles exigent que l’Etat et
le secteur public financier gagnent en
Pour mettre en œuvre efficacement efficacité, en gouvernance mais aussi en
une stratégie d’ensemble, plusieurs maîtrise des risques à tous niveaux.
conditions sont nécessaires.
Renforcer le pilotage
Passer d’une économie exercé par l’Etat
d’endettement à une La responsabilité globale qui
économie de fonds incombe à l’Etat d’assurer que le finan-
propres cement de l’économie française s’effec-
tue dans des conditions satisfaisantes
L’une des conditions est de réduire suppose d’avoir en permanence une vue
la ponction exercée sur l’économie par d’ensemble de ce financement. Celle-ci
le besoin de financement des adminis- doit permettre aux pouvoirs publics de
trations publiques, ce qui suppose de

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


choisir les instruments les plus adaptés
réduire l’endettement de toutes les mais aussi d’intervenir de manière réac-
administrations publiques. Il n’est pas de tive. Afin d’atteindre cet objectif, l’Etat
bonne politique de financement de doit enrichir les documents budgétaires
l’économie sans bonne politique des annexés au projet de loi de finances et
finances publiques. Ce n’est que dans ce produire un rapport annuel global sur
cadre que les réaménagements proposés l’ensemble des mécanismes concourant
en faveur de l’épargne financière de long au financement de l’économie, qui s’ap-
terme, notamment de l’assurance-vie, puierait sur les données statistiques dis-
pourront trouver leur signification, car ponibles ainsi que sur la consultation
ils impliquent que le financement de des professionnels concernés.
l’Etat n’évince pas les financements pri-
vés dans les portefeuilles des agents éco- Mieux assurer la cohérence
de la sphère financière
nomiques.
De manière plus générale, face à une
« économie d’endettement » qui a atteint publique
ses limites, la réflexion de l’Etat doit L’existence de nombreux canaux de
s’orienter vers la mise en place des fon- financement des entreprises (Oséo,
dements d’une « économie de fonds Fonds stratégique d’investissement,

3131
propres », et, pour ce qui concerne plus CDC Entreprises, etc.) intervenant sur
Les orientations

des segments souvent très proches, dentiel, établi par la loi de modernisa-
voire identiques, soulève la question de tion de l’économie. La Cour formule
leur rationalisation. Si elle est nécessaire, plusieurs recommandations afin de ren-
celle-ci doit s’entourer de précautions. forcer la gouvernance interne de la
En particulier, le métier d’investisseur Caisse des dépôts et consignations et du
en fonds propres, pour lequel la Caisse Fonds d’épargne. La diversité accrue des
des dépôts et consignations est activités de la Caisse et leur niveau très
aujourd’hui chef de file, et celui de prê- inégal de rentabilité justifient un pilo-
teur, rôle que joue l’actuel groupe Oséo, tage très resserré de la maîtrise des
sont distincts et doivent le rester afin risques. Enfin, la Caisse devrait procéder
d’éviter les conflits d’intérêts (qui se à une évaluation de ses filiales et partici-
manifesteraient, par exemple, si un pations afin de vendre, le cas échéant,
même intervenant était simultanément celles d’entre elles qui ne sont pas straté-
actionnaire et créancier d’une même giques ou pas rentables. En effet, de
entreprise). nombreuses filiales et participations se
sont progressivement sédimentées,
Adapter la Caisse des mobilisent une part importante des
dépôts et consignations à fonds propres et peuvent, dans certains
la nouvelle donne cas, présenter des risques et, dans d’au-
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

tres cas, offrir des possibilités de plus-


La Caisse des dépôts et consigna- values en cas de cession.
tions représente aujourd’hui le principal
relais financier public de l’intervention Adapter la surveillance
de l’Etat au service du financement de financière au nouveau
l’économie. Ce groupe a donc un rôle contexte
stratégique, compte tenu de sa position
au sein de la sphère financière publique, L’adaptation de la surveillance
et une dimension systémique. La gou- financière au nouveau contexte passe
vernance et la surveillance de la Caisse d’abord par une meilleure prévention
doivent être à la hauteur de ce double des risques systémiques liés au secteur
enjeu. financier.
Le groupe doit, en premier lieu, En France, les encours de crédits
définir une nouvelle stratégie adaptée au excèdent le montant des dépôts collec-
contexte, son plan stratégique actuel tés. La mise en œuvre de nouveaux
datant de 2007. Il est, par ailleurs, indis- ratios prudentiels devrait significative-
pensable de tirer pleinement les consé- ment, et de manière durable, accroître
quences du nouvel équilibre entre la les besoins de liquidité. Compte tenu du
commission de surveillance, la direction rôle central d’intermédiation des flux

32
générale et l’Autorité de contrôle pru- d’épargne qu’exerce le système bancaire
Les orientations

français et de ses spécificités en matière En tout état de cause, la supervision


de besoin de liquidité, il appartiendra à financière demeure, encore aujourd’hui,
l’Etat, à la Banque de France et à principalement exercée au niveau natio-
l’Autorité de contrôle prudentiel de nal. Aussi est-il nécessaire que les
demeurer particulièrement vigilants sur moyens conservés par les autorités fran-
le sujet de la liquidité bancaire afin qu’il çaises de supervision bancaire et finan-
n’ait aucun impact systémique. cière soient à la hauteur des enjeux pour
Les développements de la crise garantir la confiance du public et des
financière, y compris les plus récents, marchés dans les systèmes bancaires et
ont mis en évidence la nécessité de dis- financiers. Il est notamment essentiel de
poser des outils de résolution indispen- continuer, au plan national, à adapter les
sables à la bonne gestion des crises ban- pratiques et les moyens de la supervision
caires. Des réflexions ont été récem- aux risques financiers actuels et à l’éven-
ment engagées, au niveau européen, sur tuelle progression des flux financiers
la possibilité d’instaurer une « union gérés par le secteur non-régulé. La coo-
bancaire ». Les modalités précises de pération des autorités nationales de
mise en œuvre de ce dispositif restent à supervision entre elles et avec leurs
déterminer. Elles pourraient avoir des homologues européennes doit, par ail-
implications majeures sur les finances leurs, être renforcée.

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


publiques et sur les engagements hors
bilan de l'Etat : en cas de crise systé-
mique, les Etats resteraient en effet
garants, en dernier ressort et de manière
désormais solidaire, des dépôts au sein
de la zone euro.

33
Conclusion

A u-delà de ses effets sur l’activité du pays, le financement de l’économie repré-


sente un enjeu collectif pour l’ensemble de la communauté nationale. Il inté-
resse tous les citoyens, que ce soit en tant que contribuables, épargnants, entrepreneurs
ou investisseurs. Par bien des aspects, il concerne, en outre, les générations futures et
engage l’avenir de notre société.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

34
Principales orientations
et recommandations

Asseoir le financement de l’éco- préciser le modèle prudentiel du


nomie sur une épargne financière Fonds d’épargne sur le plan de la liqui-
de long terme dité pour bien calibrer sa marge de
manœuvre ;
rationaliser la dépense fiscale
dans le domaine de l’assurance-vie afin assurer globalement l’équilibre
de mieux inciter à la détention dans la financier à terme des prêts au loge-
durée. En particulier : ment social ;
- redéfinir la durée fiscale des
contrats en fonction de l’historique des moduler les taux des prêts du
versements ; Fonds d’épargne aux organismes de
- réaménager le profil des taux de logements sociaux en fonction du
prélèvements forfaitaires libératoires caractère tendu de l’offre de logement ;
s’appliquant aux revenus de l’assu-
rance-vie de façon à encourager plus Améliorer les conditions de
efficacement la détention longue ; financement des entreprises par un
- promouvoir une rémunération redéploiement de leur fiscalité
des contrats d’assurance-vie différen-
ciée selon la durée de détention ;

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


redéployer la fiscalité des entre-
prises dans un sens plus favorable à
réserver l’action publique dans l’investissement et aux petites entre-
le domaine de l’immobilier (hors loge- prises ;
ment social) aux zones qui connaissent
une pénurie de logements ; plafonner la déductibilité des
intérêts d’emprunt de l’impôt sur les
Mieux régler et orienter la liqui- sociétés ;
dité du Fonds d’épargne
Cibler les défaillances de mar-
en cas de doublement du pla- ché pour le financement des PME
fond du livret A et du livret de déve-
loppement durable, appliquer un prélè- soutenir la capitalisation des
vement social sur les revenus tirés des entreprises en phase de création,
dépôts pour leur partie supérieure aux d’amorçage et de premiers développe-
plafonds actuels des livrets et répartir ments :
par paliers sur plusieurs années ce relè- - améliorer les véhicules fiscaux
vement ; existants (FCPI, FIP, FCPR) ;
- redéployer une partie des moyens

35
de CDC Entreprises ;
Principales orientations
et recommandations

Adapter la surveillance finan-


renforcer l’orientation des inter- cière au nouveau contexte
ventions d’Oséo vers la compensation
des défaillances de marché, notam- continuer à adapter les pratiques
ment l’innovation et le développe- et les moyens de la supervision aux
ment ; risques financiers actuels, et à l’éven-
tuelle progression des flux financiers
maintenir une vigilance sur gérés par le secteur non-régulé ;
l’évolution de l’offre de crédit à desti-
nation des très petites entreprises et renforcer la présence française
des PME et, à cette fin, prolonger la au sein des autorités européennes et
Médiation du crédit ; internationales de régulation finan-
cière ;
engager une réflexion sur le
droit des faillites, notamment sur la Renforcer le pilotage exercé par
nature du contrôle de l’entreprise pen- l’Etat
dant le processus précédant la liquida-
tion ; doter l’Etat des outils et procé-
dures permettant une connaissance
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

Faire évoluer le modèle de plus fine des besoins de financement


financement des collectivités terri- de l’économie :
toriales - élaborer un rapport annuel sur
l’ensemble des problématiques du
mettre en place rapidement la financement de l’économie ;
structure commune entre La Banque - présenter dans les documents
Postale et la Caisse des dépôts et consi- budgétaires, et notamment sous forme
gnations ; d’un document de politique transver-
sale, une vue cohérente et homogène
éviter que la responsabilité de l’ensemble des instruments concou-
financière de l’Etat puisse être engagée rant à une même politique, en faisant
par la création éventuelle d’une agence apparaître les effets respectifs de
de financement des collectivités terri- chaque aide ;
toriales ; - élaborer des données agrégées
sur la distribution sectorielle des aides
interdire l’offre aux collectivités des collectivités territoriales aux entre-
territoriales de produits financiers prises ;
complexes ou structurés ;

36
Principales orientations
et recommandations

rationaliser les différents canaux améliorer la gouvernance du


de financement au sein du groupe groupe Caisse des dépôts :
Caisse des dépôts s’agissant du finan- - élargir les avis de la commission
cement des entreprises, notamment en de surveillance aux comptes du Fonds
étudiant la possibilité de regrouper d’épargne et aux principales décisions
CDC Entreprises et le Fonds straté- du ministre de l’économie concernant
gique d’investissement au sein d’une les prêts du Fonds ;
structure intermédiaire commune ; - améliorer le processus de prise de
décisions du Fonds stratégique d’inves-
maintenir séparées, en cas de tissement ;
réorganisation de la sphère financière - renforcer le rôle des comités
publique, les fonctions de prêteur et d’audit des filiales de la Caisse ;
d’investisseur en fonds propres ;
mettre en place une politique
Adapter la Caisse des dépôts et active de gestion des participations de
consignations à la nouvelle donne la Caisse.

élaborer un nouveau plan straté-

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes


gique ;

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