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Plurilinguisme et enseignement des langues en Algérie : rôles du français en


contexte didactique

Book · September 2006

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2 authors, including:

Philippe Blanchet
Université de Rennes 2
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Sociolinguistic study of Provençal View project

Glottopolitique des langues minoritaires View project

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Sciences du Langage

du Langage
Partant de l’observation globale du plurilinguisme de la société

Sciences
algérienne, au sein de laquelle le français est très visible, une
équipe franco-algérienne de sociolinguistes et de didacticiens
a réalisé une étude approfondie sur le rôle du plurilinguisme, et
notamment du français, dans l’enseignement / apprentissage
de « langues étrangères » (anglais, espagnol, allemand) en Algé- Safia ASSELAH-RAHAL

S.ASSELAH-RAHAL
rie.
et Philippe BLANCHET éds

et P. BLANCHET
Cette recherche présente un double intérêt. Celui, d’abord,
d’une question didactique en général peu étudiée : le rôle
d’une « langue tierce » dans l’enseignement / apprentissage
des langues, avec sur le terrain algérien un aspect entièrement
inédit. Celui, ensuite, de mettre en lumière, du point de vue des Plurilinguisme
pratiques et des représentations de jeunes Algériens
d’aujourd’hui, des enjeux complexes concernant le statut du et enseignement des langues
plurilinguisme et des langues, ainsi que leurs usages institution-
en Algérie
Proximités
nels et spontanés dans la société algérienne.

Plurilinguisme et enseignement
Après une analyse globale des contextes sociolinguistique et
Rôles du français

des langues en Algérie


éducatif algériens, les résultats d’enquêtes sont présentés en
détail, puis synthétisés et interprétés au regard d’un renouveau
théorique et méthodologique en didactique des langues
en contexte didactique
(approche par compétences plurilingues et interculturelles), ce
qui conduit à des recommandations inscrites dans les change-
ments en cours de la société algérienne et de ses orientations
pour un développement du plurilinguisme.

Sciences
du Langage
Proximités
Proximités

ISBN 2-930342-75-7
Dépot légal : 2006/9202/20
Prix de vente : 19,00 € E.M.E.
Plurilinguisme et
enseignement des
langues en Algérie :
rôles du français en
contexte didactique

sous la direction de Safia ASSELAH-RAHAL


et Philippe BLANCHET
2
3
4
Avant-Propos
(Safia Asselah-Rahal et Philippe Blanchet)

Objectifs de la recherche
Le programme de recherche dont cet ouvrage est issu a été
mené par le département de français et le laboratoire
« Linguistique, Sociolinguistique et Didactique des
Langues » (LISODIL) de l’Université d’Alger, d’une part, et
le « Centre de Recherches sur la Diversité Linguistique de la
Francophonie » (CREDILIF, composante de l’EA 3207
ERELLIF) de l’Université Rennes 2, d’autre part. Il s’est
déroulé pendant quatre ans (2000-2004), a bénéficié de la
reconnaissance et du soutien du Comité Mixte d’Évaluation et
de Prospective de la coopération inter universitaire
franco algérienne (CMEP, programme 01 MDU 540).
Nous nous sommes proposés d’engager une réflexion
approfondie sur le rôle du français (dit « LV1 ») dans
l’apprentissage de l’anglais et des autres langues étrangères
plus rarement enseignées (dites « LV2 ») en Algérie. Ce
questionnement a présenté un double avantage, celui
d’abord de revêtir un aspect inédit (la réflexion didactique
portant sur la situation algérienne a généralement négligé
cette question et la réflexion didactique en générale a peu
étudié le rôle d’une « langue tierce » dans l’enseignement
des langues « étrangères »), ensuite celui de mettre à jour les
nombreux paradoxes et enjeux concernant le statut des
langues et leurs usages effectifs dans la société algérienne.
Cette recherche a utilisé comme lieux d’enquêtes des classes
de collèges (8ème AF) et de lycées (3ème AS Lettres et Langues
Etrangères) de l’enseignement public, réparties dans
différentes régions1 : Alger, Blida, Koléa (wilaya de Tipaza),
Tizi-Ouzou.

5
Nous avons essayé de décrire et d’analyser les
fonctionnements des classes de langues vivantes étrangères
dans l’enseignement moyen et secondaire, afin d’identifier
les recours possibles à diverses ressources linguistiques,
particulièrement l’éventuelle place occupée par le français
comme médiateur de l’apprentissage d’une autre langue
étrangère, principalement l’anglais.
Autour de cette observation centrale, trois questions
fondamentales ont été soulevées :
- que disent les instructions officielles algériennes
concernant l’enseignement du français, de
l’anglais et des langues en général ?
- quelle serait la fonction des alternances de
langues attestées dans les classes et dans la
société algérienne en général, par exemple,
« arabe / français / anglais » en classe ?
- quelle didactisation et quels dispositifs
pédagogiques sont-ils à l’œuvre ou souhaitables
dans un tel cas ?
Pour répondre à ces questionnements, nous avons posé les
objectifs suivants :
- Identifier le rôle du français, langue étrangère
déjà présente dans la société algérienne, dans
l’enseignement et l’apprentissage d’une autre
langue vivante étrangère, notamment l’anglais,
de loin la plus répandue. Nous avons,
néanmoins pris en compte d’autres classes de
langues étrangères : l’allemand et l’espagnol,
pour le lycée, où celles-ci restent rares, et
d’autres langues présentes dans la société
algérienne (notamment arabe « classique »,
« arabe dialectal » ou darja, variétés du tamazighe
(ou « berbère »).
- Comprendre les fonctions pédagogiques
diverses des langues présentes dans la situation
sociolinguistique algérienne.

6
- Analyser les représentations que se font les
enseignants et les apprenants sur les langues
qu’ils utilisent.
- Comparer les textes officiels et la réalité quant à
l’usage des langues étrangères.
- A plus long terme et en conclusion, cette
recherche souhaite proposer des modalités
d’enseignement efficaces car adaptées aux
pratiques (socio) linguistiques observées dans
les classes et dans les pratiques sociales.

Équipe de recherches et programme de travail


Membres de l’équipe algérienne :
- ASSELAH-RAHAL Safia, Maître de
conférences / HDR2 (sociolinguistique et
didactique du français) à l’Université d’Alger,
chercheur au CREDILIF, Université Rennes 2
(chef de projet algérien).
- BENHOUHOU Nabila3, Maître-assistante à
l’ENS (didactique du français), doctorante à
l’Université d’Alger sous la co-direction de
Khaoula TALEB IBRAHIMI et de Philippe
BLANCHET, Université Rennes 2.
- KEBBAS Malika4, Maître-assistante / chargée de
cours à l’ENS (didactique du français),
doctorante à l’Université d’Alger.
- LOUNICI Assia, Maître de Conférences
(sociolinguistique du français) à l’Université
d’Alger.
- MÉFIDÈNE Tassadit, Maître-assistante à
l’Université d’Alger (sociolinguistique et
didactique du français), Doctorante à
l’université Rennes 2 sous la direction de
Philippe BLANCHET.

7
- ZABOOT Tahar, Maître de Conférences
(linguistique du français) à l’Université de Tizi
Ouzou.
Membres de l’équipe française :
- BLANCHET Philippe, Professeur
(sociolinguistique et didactique des langues),
Université Rennes 2 (chef de projet, directeur du
CREDILIF depuis 2000 et de l’EA 3207 ERELLIF
depuis 2004).
- BULOT Thierry, Maître de Conférences / HDR
(sociolinguistique), université Rennes 2
- LERAY Christian, Maître de conférences / HDR
(sciences de l’éducation), Université Rennes 2.
- NISSABOURI Abdel-Fattah, Maître de
conférences (sociolinguistique, arabe), université
Rennes 2.
L’équipe, dirigée en Algérie par S. Asselah-Rahal et pour
l’ensemble par Ph. Blanchet, est constituée d’enseignants
chercheurs et de doctorants de l’Université d’Alger, de
l’Université de Tizi-Ouzou et de l’École Normale
Supérieure d’Alger-Bouzaréah, ainsi que d’enseignants-
chercheurs de l’université Rennes 2. Des séances de travail
ont regroupé la partie algérienne à l’université d’Alger,
Faculté des Lettres et des langues de Bouzaréah, durant
l’année afin d’assurer le suivi de la recherche. Plusieurs
séjours à Rennes et à Alger ont aussi permis aux deux
équipes réunies de travailler en commun sur l’avancement
du projet (séminaires, réunions de coordination…(etc.)).
La méthodologie a été initiée et contrôlée conjointement par
le chef de projet français et le chef de projet algérien, selon
le calendrier suivant :
- Première phase (janvier 2001 > janvier
2002) : enquête de terrain dans les classes et
auprès des enseignants. Observation
participante et questionnaire–test. Recueil des

8
documents écrits officiels administratifs et
pédagogiques sur l’enseignement des langues en
Algérie.
- Deuxième phase (mars 2002 > mars
2003) : Enquêtes directives (questionnaires)
construites sur la base de ces enquêtes
préliminaires et diffusées dans des collèges et
des lycées des différentes régions citées.
- Troisième phase (mars 2003 > mars
2004) : Dépouillement des questionnaires,
analyse approfondie. Enquêtes semi-directives
(entretiens avec les enseignants des collèges et
des lycées et des apprenants).
Ces différentes phases ont été « tuilées » et suivies de
l’analyse interprétative globale des résultats (avril 2004
> octobre 2004), puis de la rédaction du rapport (novembre
2004 > juin 2005)
Remerciements
Ce programme de recherche n’aurait pas pu avoir lieu sans
l’aide et le soutien de :
- M. Abdelkader HENNI, Doyen de la Faculté de
Lettres de l’Université d’Alger5 ;
- Mme Hafifa B E R E R H I , Directrice du
département de français de l’Université d’Alger ;
- Mme Khaoula TALEB-IBRAHIMI, Professeur
d’arabe à l’Université d’Alger, Directrice du
laboratoire de sociolinguistique et de didactique
des langues (LISODIL) ;
- M. BOUTARENE, Directeur de l’ENS d’Alger-
Bouzaréah jusqu’en 2006 ;
- M. Belkacem BENTAIFOUR, Directeur du
département de français de l’ENS d’Alger-
Bouzaréah ;

9
- M. Marc GONTARD, Vice-Président chargé de
la recherche à l’Université Rennes 26 et directeur
de l’équipe ERELLIF 3207 de 2000 à 2003 ;
- Mme Nelly BRÉGEAULT, secrétaire de l’équipe
de recherche ERELLIF, UFR Arts-Lettres-
Communication de l’Université Rennes 2.
- Melle Nadia OUABDELMOUMEN, IGE auprès
du CREDILIF-ERELLIF à l’Université Rennes 2
- Service logistique de l’Université Rennes 2.
- et bien sûr le CMEP…
Que tous soient ici vivement remerciés.

10
1. Repères

1. 1. Le contexte sociolinguistique algérie (Safia Asselah-


Rahal, Tassadit Méfidène, Tahar Zaboot)
Cette recherche a contribué non seulement à mettre à jour la
complexité, les nombreux paradoxes concernant le statut
des langues et leurs usages effectifs dans la société
algérienne, mais aussi à soulever les contradictions, « le
fossé » qui existe entre les textes officiels et les pratiques
sociales quant à l’usage des langues (maternelles, secondes,
étrangères) dans la société algérienne en général et son
système éducatif en particulier. En effet, au niveau des
textes officiels, par l’instauration de la langue arabe dite
« classique » comme seule et unique langue nationale et
officielle, on décrète un monolinguisme. Pourtant, les
pratiques sociales montrent que, principalement, trois
ensembles linguistiques sont en contact : l’arabe, le berbère
et le français, chacun comportant des variétés diverses. Il
s’agit donc d’un plurilinguisme de fait. Néanmoins, les
langues comme l’arabe algérien et le berbère, nommées
fréquemment « langues du peuple », ne sont jamais prises
en considération sur le plan officiel. Quant au français, il
jouit d’une place assez importante au niveau des pratiques.
Officiellement le français a un statut de langue étrangère en
Algérie. En vérité la pratique de la langue française dépasse
largement le cadre restreint dans lequel tente de le confiner
les textes officiels algériens. En fait, cette langue vit et
évolue avec et dans la société algérienne qui en fait un large
usage. Il est certainement vrai également que la prégnance
de cette langue dans la société civile algérienne varie
considérablement d’une région à une autre, d’un locuteur à
un autre. C’est grâce entre autres aux différents médias
(presse française, télévision par satellite) que ces pratiques
sont devenues plus effectives. Cette langue jouirait ainsi
d’une certaine « co-officialité » pratique. Celle-ci est aussi
mentionnée dans certains textes officiels (loi portant sur la

11
généralisation de la langue arabe du 16. 01. 1991), textes où
ce sont les termes « langue étrangère », « autre langue » (au
singulier) qui sont utilisés sans pour autant qu’il y ait
d’ambiguïté, et ceci pour que l’expression « langue
française » est soigneusement évitée. En réalité, qu’en est-il
de la politique linguistique algérienne ?
On entend surtout par « politique linguistique »,
l’intervention des instances étatiques en vue d’instaurer une
langue nationale et officielle, dans un contexte plurilingue.
C’est rarement une langue locale qui est hissée,
promulguée, au rang de langue officielle, particulièrement
dans de nombreux pays africains qui ont recouvré leur
indépendance.
C’est bien évidemment le cas de l’Algérie, où les pouvoirs
politiques successifs se sont d’avantage préoccupés des
statuts des différentes langues présentes dans le pays que
de leurs aménagements afin de les rendre plus
performantes, de façon à ce qu’elles puissent servir de
véhicule à la science, au savoir technologique.
Les Algériens, toutes tendances politiques confondues,
toutes confessions réunies, étaient dans un premier temps,
au moment de la guerre de libération (1954 / 1962),
regroupés autour d’un objectif commun, autour d’un même
idéal : mettre fin au joug colonial. Les particularismes
régionaux, ethniques, culturels et linguistiques, sans être
totalement éteints, étaient mis en veilleuse : il fallait
recouvrer l’indépendance nationale, tel était l’objectif de
tous.
L’indépendance acquise (1962), il fallait d’abord et avant
tout, penser à la reconstruction du pays, anéanti par une
guerre destructrice et meurtrière. C’est au nom des
impératifs de l’unité nationale et de la cohésion sociale que
les questions qui risquaient de fractionner le pays, de
diviser la nation, sont reléguées au second plan des
préoccupations des responsables politiques de l’époque.
Le modèle du régime politique centralisateur français a
fortement influencé les mentalités des dirigeants algériens

12
et aura des conséquences considérables sur le modèle
politique qui se met en place dans l’Algérie, nouvellement
indépendante. Ce modèle monolingue renforcera
l’exclusion de la sphère étatique des langues
authentiquement nationales : l’arabe dialectal (ou algérien)
et le berbère.
Ainsi, l’État algérien reprendra à son compte l’héritage
colonial légué par l’État jacobin français : la gestion
centralisatrice de la question linguistique. C’est ainsi que la
langue arabe, dite classique, se retrouve doublement
valorisée :
- symboliquement, du fait qu’elle est dite langue
de la « révélation », langue du Coran, langue
sacrée donc ;
- institutionnellement, puisque, depuis
l’indépendance de l’Algérie (1962) jusqu’en
20027, elle est l’unique langue nationale et
officielle, et de ce fait, elle jouit de tous les
avantages que lui concède ce statut.
C’est dans les secteurs sous influence directe de l’État, que
la politique d’arabisation s’est renforcée : en 1968, les
fonctionnaires ont été sollicités afin d’apprendre l’arabe
classique, dans un délai de trois années ; en 1991,
l’Assemblée nationale adopte une loi portant généralisation
de l’usage de la langue arabe dans tous les services de
l’État : la mairie, la poste, la justice… Même les enseignes de
magasins sont rédigées en arabe ; les panneaux de
signalisation routière ont connu, eux, une double
transcription : arabe / français.
En dehors des secteurs économiques et techniques où la
langue arabe (dite « classique » ou « moderne ») a, tout de
même, de la peine à se frayer un chemin, elle a touché, en
plus de l’administration, les médias et le secteur éducatif.
Il s’agit tout simplement d’une politique qui s’inscrit dans
une optique d’uniformisation, prônée par l’État central,
dont l’objectif est, au moins comme conséquence implicite,

13
l’éviction de toutes les langues susceptibles de remettre en
question le statut de la langue dominante, de mettre en péril
l’arabe classique.
Nous pouvons aisément transposer au cas de l’Algérie les
propos de L.-J. Calvet (1997.115) : « de même que la
Révolution française (algérienne aussi) proclamait qu’à une
République une et indivisible, il fallait une langue une et
indivisible (…) ». En fait, la préoccupation fondamentale
des pouvoirs politiques algériens est plus orientée vers la
consécration d’une identité unique pour le peuple algérien,
une identité arabo-musulmane.
Les autres composantes de l’identité du peuple algérien,
composantes ethnique, culturelle, linguistique sont
purement et simplement écartées, voire niées. Le choix de
l’arabe classique comme langue nationale et officielle
unique, mutile l’identité nationale algérienne et sa pluralité.
Admettre et reconnaître le plurilinguisme et travailler à le
traduire sur le plan officiel peut constituer un véritable
facteur de cohésion et un ciment pour l’unité nationale
algérienne.
La position de l’Algérie (à quelques exceptions près, peuple
et responsables confondus) se caractérise par une
ambivalence profonde à l’égard de la langue française. Le
dilemme est le suivant :
- faut-il s’arrimer au monde arabe et donc adopter
avec davantage de détermination, en plus de la
religion musulmane — devenue religion
d’État — la langue arabe classique ?
Ou bien
- s’ouvrir sur le monde francophone et adopter un
véhicule de la modernité : la langue française ?
La situation sociolinguistique montre en fait que si nous
devions recenser les différents langues présentes dans le
quotidien de chaque algérien, nous pourrions les classer en
deux catégories, les langues maternelles et les langues

14
d’enseignement / d’apprentissage. Les premières, comme
nous l’avons déjà signalé, sont l’arabe algérien et le berbère
(dans leurs variétés), appelées souvent « les langues du
peuple », mais ne jouissent d’aucune reconnaissance
officielle. Elles sont considérées comme des langues
assurant « la tradition orale ». Les langues d’enseignement
sont celles qui se côtoient à l’intérieur de l’école et qui sont
utilisées pour dispenser un enseignement dans des matières
spécifiques. C’est ainsi que deux variétés d’arabe se
partagent le domaine de l’enseignement : l’arabe classique
et l’arabe moderne. A l’heure actuelle en effet, l’arabe
classique n’est plus réellement employé. Il s’est effacé pour
laisser la place à une nouvelle forme appelée aujourd’hui
« arabe moderne ». Cette langue est utilisée dans les
discours officiels, les mass média, l’enseignement et une
certaine littérature qui commence à se développer. Mais on
peut dire que cette langue est beaucoup plus un instrument
de culture – utilisée par une population scolarisée – qu’un
moyen de communication quotidien.
Le français, quant à lui, fait partie des langues
d’enseignement et reste privilégié non seulement dans
l’enseignement technique et scientifique des universités
mais également dans le secteur économique. En outre, dans
de nombreuses administrations, il demeure utilisé à l’écrit
comme deuxième langue à côté de l’arabe moderne ou
comme langue unique. C’est pourquoi sa présence effective
fait circuler deux appellations principales autour de son
statut : langue seconde ou langue étrangère ?
En ce qui concerne le statut de l’anglais, nous dirons que
cette langue jouit d’un certain prestige auprès des élèves
grâce à la musique et aux chansons anglo-saxonnes et grâce
aussi à son statut de langue internationale. Étant donné
l’impact qu’elle a en matière d’échanges commerciaux, elle
tend à occuper une place plus ou moins importante dans
l’enseignement algérien. Pourtant si dans notre système
éducatif8 « une guerre des langues » entre le français et
l’anglais reste possible, le français garde une très bonne
position. Cette langue est en effet privilégiée par de
nombreux parents d’élèves qui la choisissent comme

15
première langue étrangère. Une étude du ministère de 1996
a révélé, tout d’abord, que 73,37% des parents interrogés
sont d’accord pour maintenir le français comme première
langue étrangère au sein du système scolaire tandis que
24,83% sont contre. Ensuite, on note que les parents
souhaitent avant tout que leurs enfants apprennent le
français puisque 71,07% y sont favorables alors que 28,72%
sont plutôt favorables à l’anglais. Ceci s’explique par le fait
que de nombreux parents estiment que le français est une
langue nécessaire pour la poursuite des études à un niveau
supérieur dans des filières prestigieuses (comme la
médecine) en Algérie et dans les pays francophones. La
position des enseignants concernant la substitution de
l’anglais au français comme première langue étrangère dans
l’enseignement rejoint celles des parents puisque 51,71% y
sont défavorables contre 45,99%. Bien que la différence, ici,
reste minime, on peut dire, en somme, que dans tous les
cas, cette « concurrence » entre les deux langues tourne à
l’avantage du français.
C’est en 1994 qu’un parti politique religieux a
revendiqué le remplacement de la langue française par la
langue anglaise. Ce remplacement a été expérimenté dans
un certain nombre d’écoles appelées « établissements
pilotes » où les parents pouvaient choisir la première langue
étrangère à enseigner à leurs enfants dès le primaire,
l’anglais ou le français. En 1998, après cette expérimentation
de l’anglais en 4ème et en 6ème AF (4° et 6° années du cycle
primaire) et dans un contexte politique marqué par un
certain rejet du français, on laisse le choix aux parents
d’élèves du premier cycle (cycle primaire) de retenir pour
leurs enfants, l’anglais ou le français, comme première
langue étrangère à étudier. Mais ce projet a été abandonné
deux ans plus tard (notamment suite à l’étude citée ci-
d e s s u s ) . En définitive, le français reste une langue
dominante puisque c’est la langue « étrangère » la plus
présente dans le paysage linguistique algérien. Le français
avait d’ailleurs le statut de langue seconde jusqu’à la mise
en place de l’école fondamentale dans le système éducatif
algérien.

16
1. 2. L’approche interculturelle et l’enseignement des langues
en Algérie (Philippe Blanchet et Assia Lounici)
’approche interculturelle se réalise à la fois par l’adoption
d’une « posture intellectuelle » (une certaine façon de voir
les choses) et par la mise en œuvre de principes
méthodologiques dans l’intervention didactique et
pédagogique (une certaine façon de vivre les choses). La
notion d’i n t e r c u l t u r a l i t é renvoie davantage à une
méthodologie, à des principes d’action, qu’à une théorie
abstraite. C’est la raison pour laquelle on lui préfère
approche interculturelle.
1.2.1. Éléments de définition
L’idée fondatrice de cette approche est de s’intéresser à ce
qui se passe concrètement lors d’une interaction entre des
interlocuteurs appartenant, au moins partiellement, à des
communautés culturelles différentes, donc porteurs de
schèmes culturels différents, même s’ils communiquent
dans la même langue. Il s’agit alors de prévenir, d’identifier,
de réguler les malentendus, les difficultés de la
communication, dus à des décalages de schèmes
interprétatifs, voire à des préjugés (stéréotypes, etc.). Dans
ce cadre, on opte pour une éthique personnelle et une
déontologie professionnelle qui reconnaissent l’altérité, la
différence, et qui l’intègrent dans les procédures
d’enseignement, à la fois comme objet d’apprentissage et
comme moyen de relation pédagogique.
L’enseignement / apprentissage des langues et cultures
« autres » (terme préféré à « étrangères », réducteur et
connoté) se donne alors pour mission, au-delà de l’objet
langue / culture lui-même, de participer à une éducation
générale qui promeut le respect mutuel par la
compréhension mutuelle.
La nécessité d’intégrer une forte dimension culturelle dans
l’enseignement des langues est, depuis plusieurs décennies,
largement acceptée. La finalité de cet enseignement est de
rendre possible la communication active avec des locuteurs
de la langue visée, et notamment dans leur contexte usuel

17
(dans un autre pays). C’est l’option dite « communicative »,
très majoritaire aujourd’hui. Or, il n’est pas possible de
communiquer en situation de vie sans partager un certain
nombre de connaissances et de pratiques culturelles. Toutes
les méthodes ont donc développé cet aspect, de façons
diverses, même si c’est souvent au titre réducteur de la
« civilisation ».
On peut y ajouter, de manière plus approfondie, que la
langue est indissociable de la culture, car toutes deux sont,
selon les termes de E. Benveniste, « les deux facettes d’une
même médaille ». En effet, toute langue véhicule et
transmet, par l’arbitraire de son lexique, de sa syntaxe, de
ses idiomatismes, des schèmes culturels de groupes qui la
parlent. Elle offre une « version du monde » spécifique,
différente de celle offerte par une autre langue (d’où la non
correspondance terme à terme entre des langues
différentes). Inversement, toute culture régit les pratiques
linguistiques, qu’il s’agisse par exemple de l’arrière-plan
historique du lexique, des expressions, des genres discursifs
ou qu’il s’agisse des conventions collectives d’usage de la
langue (règles de prise de parole, énoncés ritualisés,
connotations des variétés et « registres » de la langue, etc.).
Une culture est un ensemble de schèmes interprétatifs, c’est-
à-dire un ensemble de données, de principes et de
conventions qui guident les comportements des acteurs
sociaux et qui constituent la grille d’analyse sur la base de
laquelle ils interprètent les comportements d’autrui
(comportement incluant les comportements verbaux, c’est-à-
dire les pratiques linguistiques et les messages). Cette
définition inclut la culture comme connaissance (les
données) mais y ajoute une dimension concrète et active, en
mettant l’accent sur la mise en œuvre de la culture lors des
interactions.
Une identité (ici culturelle) est un sentiment d’appartenance
collective (donc, d’appartenance à un groupe), conscient de
la part de l’individu et du groupe, reconnu par le groupe et,
de l’extérieur, par d’autres groupes (qui s’en distinguent
alors). Il n’y a d’identité que souhaitée, acceptée, assumée.

18
Une identité est un processus, en construction et en
évolution constantes, toujours ouvert et adaptable, qui
n’établit pas de frontière étanche entre les groupes, dont les
caractéristiques identitaires (notamment culturelles) se
recoupent en partie. Elle se manifeste par des indices
emblématiques, notamment linguistiques, mais pas
uniquement. Enfin, chaque individu et chaque groupe sont
toujours porteurs d’appartenances multiples, d’identités
multiples, qui se recoupent ou s’englobent partiellement,
dans un ensemble complexe et nuancé.
Il n’y a du reste pas nécessairement de correspondance
exclusive et totale entre identité culturelle et identité
linguistique, même si la plupart des différences culturelles
se manifestent par des différences linguistiques (entre
langues différentes ou variétés diverses d’une même
langue).
1.2.2. Émergence historique de l’approche interculturelle
Historiquement, la prise en considération de la diversité
linguistique et culturelle a coïncidé avec l’accentuation du
flux migratoire des populations après la seconde guerre
mondiale. C’est en particulier aux États-Unis que le
problème s’est posé : comment faire face à la pluralité des
« ethnies », des cultures et des langues ?
La gestion de l’hétérogénéité ethnique et culturelle s’est
d’abord effectuée selon un modèle « rigoureusement
monoculturel » (De Carlo M., 1998.37), selon lequel on
tentait d’effacer les cultures « minoritaires » au profit d’une
unique langue-culture dominante, seule garantie prétendue
d’une bonne intégration. Cette gestion s’est ensuite orientée
vers un « modèle intégrationniste » dans lequel sont prônés
le maintien et la valorisation de l’identité linguistique et
culturelle des individus (d’où les concepts de culture
d’accueil / culture d’origine). Cette démarche supposait
que les cultures et les identités étaient prises séparément les
unes des autres, et juxtaposées, dans une optique
multiculturelle. Enfin, la perspective a évolué et s’est
orientée vers une gestion multiculturelle, qui prend en
compte l’inévitable métissage engendré par tout contact

19
culturel. Le concept d’ « interculturel » met en effet l’accent
non seulement sur le processus de contact culturel mais
également sur l’interpénétration, le métissage, des cultures.
Ceci nous amène à envisager les cultures en contact ailleurs
que dans des situations de déplacement de populations : les
cultures sont également en contact dans les situations
d’apprentissage. Enseigner/ apprendre la langue de
l’Autre, c’est aussi être confronté à sa culture et transformer
sa propre identité.
Ce bref parcours de l’évolution du concept nous semble
intéressant dans la mesure où il va marquer les méthodes
d’enseignement / apprentissage des langues étrangères : de
méthodes issues de l’idée de suprématie d’une
« civilisation » - et donc d’une langue - on s’engage d’abord
dans une orientation multiculturelle, qui utilise la diversité
culturelle et linguistique comme moyen d’apprentissage,
puis dans une orientation interculturelle qui prend pour
objet d’apprentissage la construction d’une interculture en
contact (de façon parallèle et complémentaire à la notion de
compétence plurilingue, cf. notre chapitre consacré à la
didactique des langues).
Culture et approche interculturelle dans l’enseignement des
langues en Algérie
Qu’en est-il de cette question en Algérie ? L’enseignement
d’une langue autre est-il lié à celui d’une culture ou, dans
une approche interculturelle, travaille-t-il le contact et le
métissage culturels ?
Dans les ambitions et les orientations affichées, le système
éducatif Algérien se déclare ouvert sur le monde, puisqu’il
cherche à œuvrer à (Fernini, 1982.10) :
« - la formation culturelle, scientifique et technologique,
-la formation morale et sociale
-la formation de la personnalité
-l’ouverture sur le monde »

20
On pourra également se reporter à notre analyse des
programmes officiels algériens ci-dessous.
Mais il apparaît clairement qu’à la question des modalités
d’enseignement des langues étrangères, l’école algérienne
néglige largement la dimension interculturelle.
En fait, noyé dans une perspective qui met l’accent sur la
compétence communicative et sa maîtrise, l’enseignement
des langues étrangères obéit au même principe : savoir
communiquer dans une langue autre, sans prendre en
compte les aspects interculturels.
Ce qui organise l’enseignement des langues en Algérie reste
fondamentalement le statut accordé à chacune d’entre
elles : une langue nationale, des langues étrangères (français,
anglais, allemand…). Parmi toutes ces langues étrangères,
le français apparaît comme la langue la plus en usage dans
la pratique linguistique des locuteurs algériens et de la
société algérienne. Néanmoins elle est mise —dans les
textes— sur le même plan que l’allemand, l’espagnol ou
l’anglais, langues fortement étrangères en Algérie.
Concrètement aucune référence culturelle spécifique
n’apparaît dans les livres et manuels scolaires : c’est une
langue fortement décontextualisée et hors ancrage
interactionnel que l’on propose aux élèves. Le souvenir de
la colonisation et la hantise de l’acculturation motivent
probablement pour partie ces choix pédagogiques.
Concernant la langue française, l’Autre reste souvent perçu
comme le colonisateur qui impose sa langue et sa culture et
qui menace la culture algérienne, alors même que les
relations entre les deux pays, et plus encore entre
les individus ressortissants de ces deux pays, ont été
considérablement transformées, qu’un rapport de voisinage
privilégié s’est établi avec la France et que les Algériens se
sont appropriés le français dans un contexte francophone
international dépassant largement l’ancienne équation
langue française = France.
L’enseignement de la langue anglaise bénéficie d’une
démarche plus nuancée que la précédente, il n’y a pas,

21
comme pour le français, de difficulté notable de prise en
compte des aspects culturels, hormis les choix didactiques
qui font bien peu de place à ces aspects et encore moins à
l’approche interculturelle. Même s’ils ne sont introduits que
tardivement, les référents culturels spécifiquement anglais
sont présents. Une connaissance de la vie et des habitudes
anglaises sont proposés : une unité consacrée à « Rachid in
England », suivie de « Andy in Algérie ». Ici, la
connaissance de la culture de l’Autre, la rencontre avec
l’Autre semble possible, car moins problématique.
Toutefois, un changement est en cours dans le système
éducatif algérien. Ce changement est accompagné d’un
renouvellement des manuels scolaires et de l’enseignement
précoce des langues étrangères, organisé de façon
différente, notamment quant à la place et au rôle du
français.
1.2.3. Principes et caractéristiques de la communication
interculturelle
La communication est ici conçue comme un processus
d’interprétation de signaux verbaux, para-verbaux
(gestuels, etc.), psychologiques (mode de relation à l’autre)
et culturels, dont le but est de produire des significations
lors de l’interaction. On distingue donc le contenu
sémantique de l’énoncé (le sens) et la signification que cet
énoncé contribue à produire selon le contexte et les autres
signaux simultanés. Il est très fréquent que la signification
d’un échange soit très éloignée du sens de l’énoncé qui le
stimule. Ainsi, l’énoncé « Il fait beau » peut parfaitement
contribuer à la signification « nous allons pouvoir aller
ramasser les légumes » ou « je suis heureux de te voir », si
d’autres signaux contextuels (culturellement codifiés)
permettent de l’interpréter ainsi. Car le code linguistique
n’est que l’un des quatre codes dans lesquels on peut
regrouper l’ensemble des signaux produits et interprétés
lors d’une interaction. Cela implique qu’un message sorti de
son contexte est vide de signification, et donc que le
domaine linguistique n’est pas le seul à envisager dans un
enseignement des langues à finalité communicative.

22
En outre, les interlocuteurs possèdent toujours des codes
différents l’un de l’autre. Ces codes ne sont qu’en partie
communs (notamment les codes linguistiques qui
permettent l’existence d’un échange verbal, mais on peut se
comprendre en parlant des langues différentes). Il n’y a pas
deux personnes qui parlent exactement la même langue. La
relative similarité des codes linguistiques risque même de
masquer des différences plus profondes (des autres codes,
notamment culturel, mais aussi des codes linguistiques eux-
mêmes, car on n’attache pas les mêmes valeurs aux mêmes
mots ou énoncés) et donc de produire des malentendus
d’autant plus graves qu’ils ne sont pas —ou pas
clairement— identifiés.Cela invite à enseigner, surtout en
vue des conversations exolingues9 qui vont caractériser
beaucoup des pratiques des apprenants de langues, une
grande vigilance à la différence d’interprétation et aux
moyens de régulation de l’interprétation.
1.2.4. Changement langagier, ethnocentrisme et métissage
Vis-à-vis des apprenants de langues-cultures, c’est-à-dire
dans sa mise en œuvre comme moyen de relation
pédagogique et pas uniquement comme « méthode de
relation » à enseigner, l’approche interculturelle appelle, de
la part de l’enseignant de langue, une grande bienveillance
et une grande compréhension. En effet, changer de langue
est un processus long, courageux, délicat, qui déstabilise
beaucoup la personne même qui apprend, puisque cela
touche jusqu’à son identité individuelle. La langue, qui est
l’un des éléments clés de la relation au monde et aux autres,
n’est pas qu’un outil : cela concerne l’ensemble de ce qu’est
une personne humaine. Changer de langue, c’est changer
de « version »10 du monde », c’est donner une autre image
de soi, c’est transformer son identité, c’est donc perdre
momentanément ses repères (pour en construire d’autres).
D’où des réactions fréquentes de régression, de refus, de
blocage dans le chemin qui conduit vers la pratique de
l’autre langue, de l’autre culture et de la rencontre de gens
différents. C’est surtout difficile pour les monolingues, dont
la version du monde, les schèmes linguistiques et culturels
étaient de type « universels » jusqu’à ce que la rencontre de

23
la différence (la vraie rencontre par la compréhension
approfondie) les relativise fortement. Cette survalorisation
de sa langue et de sa culture propres s’appelle
l’ethnocentrisme (variante collective de l’égocentrisme).
Cette « résistance au changement », tout à fait naturelle, ne
peut être vaincue que par l’encouragement, la valorisation,
la bienveillance, et surtout pas par l’autoritarisme, la
dévalorisation et la sanction. On n’apprend à parler une
langue qu’en la parlant, à vivre une culture qu’en la
vivant : toute pratique « pédagogique » qui tend à
décourager la prise de parole et la vie collective est de fait
anti-pédagogique, au moins dans l’enseignement des langues,
et probablement bien au-delà. Et ceci d’autant plus avec de
grands débutants, dont les maladresses et les tâtonnements,
les erreurs relatives, sont la condition et la preuve de leur
apprentissage : c’est leur différence de locuteurs
commençants, et elle mérite tout notre respect.
C’est ainsi que se met en place le métissage linguistique et
culturel des plurilingues-interculturels.
1.2.5. Bilinguisme, interlangue et syncrétisme culturel
Car le bilinguisme n’est pas un « double-monolinguisme ».
Tout locuteur bilingue (ou plurilingue, etc.) associe
l’ensemble de ses ressources linguistiques en un seul
répertoire langagier, plus large que celui d’un monolingue,
mais de même nature. Tout bilingue alterne, mélange,
parfois dissocie momentanément, souvent consciemment et
parfois non, volontairement ou non, les langues qu’il parle
et comprend. Par simple et nécessaire « fidélité » à ses
autres identités linguistiques et culturelles, « loyauté »
envers ses autres groupes d’appartenance, mais aussi par
simple phénomène « mécanique », il va conserver dans la
langue et la culture apprises des traits de sa ou de ses
langues et cultures premières. C’est un phénomène normal
et inévitable. Il n’y a aucune bonne raison d’évaluer cela à
l’aune des pratiques monolingues et donc de rejeter ce
métissage. D’une part parce qu’il n’y a aucune bonne raison
de prendre les monolingues en exemple (on devrait plutôt
leur proposer les plurilingues en exemples d’humains

24
ouverts et plus compétents), et d’autre part parce que rejeter
le métissage est contradictoire avec la mission de
« passeurs » entre les langues et entre les cultures, c’est-à-
dire entre les humains, qui est celle des enseignants de
langues. Le purisme est inefficace (pédagogiquement),
infondé (scientifiquement) et dangereux (idéologiquement).
Et même formulé en termes d’un supposé
« perfectionnisme », tout aussi douteux et discutable, il est
incompatible. Dans tous les cas, il faut bannir le fantasme
de l’assimilation (la ressemblance parfaite). L’Autre reste
toujours un Autre, même si j’apprends sa langue et sa
culture, mais j’ai bâti un pont pour le rencontrer : cela
n’aurait aucun sens de nier la différence dans un domaine
où elle est fondatrice (car si les humains ne parlaient pas
des langues différentes, nous n’aurions plus lieu de les
enseigner…). En revanche, il est nécessaire de la reconnaître
pour la dépasser.
On peut identifier ce métissage par un nom : sur le plan
linguistique on appelle cela une interlangue (qu’il s’agisse de
celle, provisoire, de l’apprenant, ou de celle, plus stabilisée,
du bilingue confirmé, cf. notre chapitre sur la didactique
des langues et la didactisation de l’alternance) ; sur le plan
culturel, on parle de syncrétisme culturel.
Les objectifs de l’apprentissage, l’évaluation de leur atteinte,
et les activités pédagogiques, se formulent alors en termes
d’efficacité communicative et plus largement relationnelle
(maitrise consciente des effets de signification produits). Le
but n’est pas de « parler bien » et de sanctionner des formes
« incorrectes », il est d’établir une relation maitrisée de
façon adaptée, en tenant compte de l’ensemble des
paramètres communicationnels (cf. ci-dessus) et notamment
de qui sont les interlocuteurs.
1.2.6. Modalités d'interventions et objectifs pédagogiques
Quelques pistes didactiques et pédagogiques sont
actuellement explorées dans le cadre des principes
théoriques et méthodologiques de l’approche
interculturelle : 

25
- la mise en relief de la diversité interne de la
langue et de la culture « cibles », afin de ne pas
les présenter comme des blocs homogènes et
étanches (dans lesquels la différence et
l’étrangeté n’auraient aucune possibilité d’entrer
ni aucune place) ;
- et parallèlement l’identification des traits
communs partagés par les langues et cultures de
départ d’un côté, et cibles d’un autre côté,
surtout dans une première approche, qui doit
être rassurante ;
- sans pour autant nier les différences et leurs
arbitraires (tomber dans l’explication
fonctionnelle générale tend à « justifier » telle
pratique culturelle et donc, implicitement, à
disqualifier telle autre) ;
- l’un des buts méthodologiques étant de doter les
apprenants des outils métacommunicatifs qui
leur permettront d’être attentifs aux aspects
interculturels de leurs interactions, de réguler
leurs échanges exolingues, de poursuivre leur
apprentissage sur le terrain, par la suite.
On peut ainsi :
- viser avant tout la culture active, les règles de
comportement et d’interprétation, et non la
culture patrimoniale, les connaissances
intellectuelles et les généralités historico-
sociologiques, inutiles pour qui ne sait pas les
mettre en œuvre, et secondaires en termes de
priorité pédagogique (dans le cadre d’une
approche communicative interculturelle) ;
- viser la conscientisation et la déconstruction des
stéréotypes (culturels et linguistiques) ;
- viser les pratiques culturelles fondamentales du
quotidien (l’alimentation, la structure familiale,
les relations entre les sexes, les croyances,

26
l’habitat, les rythmes de vie, etc.), c’est-à-dire ce
qui constitue la « description » d’une culture
pour un ethnologue ;
- prendre l’apprenant pour qui il est, et non pas
l’affubler d’un autre nom et lui faire endosser
des rôles artificiels ;
- toujours utiliser des supports pédagogiques et
des activités vraisemblables (sinon
« authentiques ») en contexte complet ;
- travailler concrètement et précisément les rituels
communicatifs, les discours codifiés (écrits et
oraux), les règles de base de la communication
dans la culture cible ;
- travailler les mimiques, gestes, postures, la
proxémique (distance corporelle avec
l’interlocuteur), qui jouent un grand rôle dans la
communication et dont les composants, usages,
et significations varient beaucoup d’une culture
à l’autre ;
- mettre à jour les différences des pratiques
d’enseignement elles-mêmes (les « rituels
académiques ») surtout si l’on a des apprenants
déjà fortement scolarisés, car les règles mêmes
du « jeu » pédagogiques diffèrent grandement
d’une culture à l’autre (y compris dans
l’enseignement des langues !) et ces différences
sont des sources fréquentes de difficulté
d’apprentissage.

1. 3. Contacts de langues et didactique des langues (Safia


Asselah-Rahal et Philippe Blanchet)
A l’heure actuelle et depuis une trentaine d’années, les
méthodologies didactiques et pédagogiques qui
prédominent sont appelées communément communicatives.
Celles-ci visent précisément à développer chez l’apprenant
une compétence à communiquer en contexte social. On a

27
donc assisté à un élargissement du champ de réflexion des
méthodologies grâce à une ouverture aux perspectives
sociolinguistiques. En effet, on peut dire que la
sociolinguistique a profondément marqué l’enseignement
des langues donc la didactique puisqu’elle « est
présentement l’une des disciplines de pointe pour la
rénovation pédagogique » (Gschwind-Holtzer, 1981.8). La
didactique des langues s’est vue dans l’obligation de revoir
son approche du phénomène communicatif, et d’y intégrer
progressivement les nouveaux acquis de la recherche
sociolinguistique, notamment depuis quelques années sur le
bilinguisme / plurilinguisme, les contacts de langues et les
interactions langagières.
Si nous remontons dans le temps et que nous parcourons
d’un point de vue historique les différentes méthodologies
pédagogiques, nous relevons tout d’abord le fait que, vers
la fin du XIXème siècle déjà, la langue première se trouve
dans une position contradictoire : d’un côté, elle sert d’outil
méthodologique dans la mesure où c’est souvent la langue
première qui sert de modèle dans la construction des
méthodes supposées guider l’apprentissage de la langue
seconde (par la traduction et une grammaire normative
explicite notamment) ; d’un autre côté, la langue première
se voit exclue en tant qu’outil pour cet apprentissage, dont
on affirme expressément dès les années 1920 qu’il doit se
faire de manière directe, sur le modèle supposé de
l’acquisition de la langue première.
Partant de là, la méthode directe s’est opposée
progressivement à la méthodologie traditionnelle
(grammaticale, normative, fondée sur la traduction et sur
l’écrit littéraire) puisqu’il s’agit de conduire l’apprenant à
« penser directement » dans la langue étrangère. Ce rejet du
recours à la langue première va pénétrer largement la
réflexion méthodologique du XXe siècle et progressivement
remettre en question, de façon finalement radicale, les
activités d’apprentissage fondées prioritairement sur l’écrit,
la grammaire normative, la connaissance de la langue selon
un modèle monolingue plutôt que la compétence à
communiquer en contexte plurilingue. C’est ainsi que la

28
méthodologie structuro-globale audiovisuelle11 (SGAV) illustre
cette élimination de la langue première hors des classes de
langue étrangère. Elle considère que la L1 peut perturber,
gêner et même empêcher l’accès à la L2. En fait cette
méthodologie en est vite venue à refuser de manière
catégorique non seulement un enseignement grammatical
explicite mais aussi la traduction et le recours à la langue
dite « maternelle » de l’apprenant. Cette conception va
marquer fortement l’enseignement des langues étrangères
dans les années qui vont suivre car le recours à la langue
première devient tabou dans les méthodologies
communicatives directes des années 1980, qui vont
maintenir comme objectif des pratiques linguistiques de
« monolingue natif ».
Ce sont les années 1990 qui vont contribuer à une remise en
question de cette doctrine, et ce, grâce à l’introduction de
nouvelles conceptions du plurilinguisme et de
l’interculturalité dans l’approche communicative, qui a pour
objectif essentiel l’enseignement / apprentissage d’une
compétence de communication, et ce, à partir notamment des
données issues de la pragmatique et de la sociolinguistique
(actes de langages, situations de communication…). Il s’agit
alors d’apprendre non pas seulement à réaliser des phrases
dans une langue étrangère mais surtout à communiquer en
contexte avec cette même langue. Autrement dit,
l’enseignement d’un savoir linguistique n’étant pas
suffisant, il faut par conséquent « viser l’apprentissage de
maîtrises de savoir-faire langagiers, permettant de réaliser
des projets / objectifs de communication en connaissance
de cause : en sachant s’adapter aux circonstances concrètes
de l’échange de paroles et s’appuyer sur les usages en
vigueur dans la communauté dont on apprend la langue »
(Boyer et al, 1990.12). En d’autres termes, s’adapter aux
circonstances concrètes c’est mettre l’accent sur la notion de
situation. Cette dernière, fait partie intégrante de l’optique
de la sociolinguistique ; ce qui va donc entraîner la
didactique à revoir de manière fondamentale son matériau
pédagogique pour rendre compte des « règles » qui
organisent l’utilisation de la langue, et donc qui jouent sur

29
la variation. C’est pourquoi, on assiste à une redéfinition
des objectifs généraux d’apprentissage puisque la notion de
compétence de communication va supplanter la notion de
compétence linguistique. C’est dire que l’on octroie à la
situation une fonction essentielle dans la communication.
On peut considérer alors que c’est la situation de
communication qui a, de manière évidente, des
conséquences sur la situation d’apprentissage et où le sujet-
apprenant est l’un des enjeux. Il ne faut pas perdre de vue
que la classe de langue constitue une « micro-situation »
dans laquelle l’enseignant va adopter des stratégies dans
l’enseignement / apprentissage d’une langue étrangère. Se
pose alors la question de savoir si l’apprenant va employer
la langue appropriée aux situations communicatives, et
comment il va gérer son répertoire linguistique plurilingue,
ou plus précisément, comment il peut avoir recours à sa
langue première et à d’autres langues dans la pratique de
classe, de la même façon qu’il le fait (et que le font les
plurilingues en situations plurilingues) dans la vie sociale ?
Actuellement, les nouvelles orientations méthodologiques
issues de la recherche en didactique des langues insistent
particulièrement sur la place de la langue première et du
répertoire plurilingue en classe de langue car il s’agit de
percevoir autrement les relations entre les langues et de
prendre en compte la spécificité des compétences
plurilingues. On en arrive ainsi à la notion récente de
compétence plurilingue et pluriculturelle, très répandue et
reprise à Coste, Moore et Zarate, 1997.12 :
« On désignera par compétence plurilingue et pluriculturelle, la
compétence à communiquer langagièrement et à interagir
culturellement possédée par un acteur qui maîtrise, à des
degrés divers, plusieurs langues, et a, à des degrés divers,
l’expérience de plusieurs cultures, tout en étant à même de
gérer l’ensemble de ce capital langagier et culturel. L’option
majeure est de considérer qu’il n’y a pas là superposition ou
juxtaposition de compétences toujours distinctes, mais bien
existence d’une compétence plurielle, complexe, voire
composite et hétérogène, qui inclut des compétences
singulières, voire partielles, mais qui est une en tant que
répertoire disponible pour l’acteur social concerné »

30
Une compétence plurilingue est une compétence complexe
et dynamique, envisagée comme un processus de
développement linguistique et culturel tout au long de la
vie. C’est également une compétence à la fois plurielle et
unitaire, puisqu’elle réunit et organise en synchronie des
composantes diverses (incluant des éléments parcellaires et
diachroniques) dans un répertoire global permettant de
construire et d’exploiter des capacités transversales.
Dans cette perspective, il s’agit de didactiser les alternances
(Castellotti, 1997) et les mélanges de langues (les code-
switiching et code-mixing), puisque l’alternance de langues,
notamment, est particulièrement caractéristique du parler
bilingue, comme l’ont montré les travaux de J. Gumperz, D.
Hymes, de G. Lüdi et B. Py. Si l’on a longtemps envisagé
l’alternance comme un indice d’incompétence (dans une
didactique du monolinguisme en méthode directe), on
l’identifie aujourd’hui bien davantage comme un indice de
développement et de complémentarité du répertoire
plurilingue (dans une didactique du plurilinguisme). Sans
entrer ici dans le détail, on rappellera que les travaux de D.
Coste, notamment, nous invitent à distinguer finement
micro-alternance et macro-alternance, alternance
d’apprentissage et alternance ordinaire (avec tous les
croisements possibles de ces quatre types).
Du côté de l’apprenant, en outre, les alternances témoignent
aussi d’appel à l’aide, ou de bouées (Moore, 1996.95), signes
de difficultés, destinés à maintenir à la communication et
donc le processus pédagogique. Il s’agit alors d’alternances-
tremplins, très efficaces sur le plan de la progression de
l’apprentissage car elles marquent la volonté de l’apprenant
d’interagir et de maintenir le contact et à demander de
l’aide. Ce genre d’alternances est souvent marqué
« au niveau du discours par des phénomènes d’hésitation, des
pauses, des commentaires métalinguistiques destinés à attirer
l’attention sur l’alternance […] Les alternances tremplins se
construisent comme des alternances discontinues inter-
énoncés ».

31
D. Moore (1996.115-116) y ajoute la notion d’alternances-
relais, qui
« se chargent d’un caractère plus fluide, elles paraissent
davantage centrées sur la co-construction d’un sens […] Les
alternances continues intra-énoncés semblent relever
prioritairement des efforts de mise en relais des langues dans la
construction collective du message ».
Elles visent elles aussi le maintien et la progression de la
communication dans la classe. Il s’agit donc pour les
enseignants d’apprendre à interpréter ces alternances, à les
canaliser en faveur de l’apprentissage. Mais, au-delà des
objectifs strictement pédagogiques, le fait de favoriser un
recours alterné aux différentes langues/cultures présentes
dans la classe, permet en outre à la fonction identitaire des
langues de se déployer pour contribuer à la construction
d’une compétence plurilingue et pluriculturelle, voire
interculturelle. En effet, à travers les changements de langue,
à travers les marques transcodiques qu’il utilise, c’est en fait
son identité langagière et culturelle que l’apprenant signifie
et reconstruit lors de chaque acte de communication.
Lorsque le recours à l’alternance est le fait de l’enseignant,
une grande partie des alternances relevées peut être
analysée en termes de régulation métalinguistique. Selon
Castellotti (2001a.63), il s’agit essentiellement pour
l’enseignant de gérer les activités de la classe, de faciliter la
progression des échanges, de contrôler, infirmer et
confirmer la compréhension, de mener une réflexion et une
explication métalinguistique. Il reste alors à intégrer
alternances et mélanges, l’ensemble des phénomènes
transcodiques, dans l’objet didactique lui-même.
Cette nouvelle approche de l’enseignement des langues
fonde aujourd’hui notamment le Cadre européen commun de
référence. Toutefois, les instructions officielles françaises, par
exemple, plus ou moins influencées par l’approche
méthodologique communicative (mais conservant des
traces de méthodologie traditionnelle) adoptent une
attitude ambiguë face à cette question de la relation
langue(s) première(s) / langue(s) « étrangère(s) ». Si la

32
langue première est parfois acceptée en cours de langue,
c’est, par exemple, pour donner des explications :
« tolérer ponctuellement l’utilisation du français pour donner
des explications d’ordre grammatical ou pour s’assurer d’une
conceptualisation profitable »12.
En somme, d’une époque à une autre, les conceptions
peuvent être diverses quant à la pratique des langues en
classe. Les orientations officielles ont toujours tendance,
d’une part, à être en retard par rapport aux avancées de la
recherche et, d’autre part, à mêler de façon cumulative et
non substitutive des principes didactico-pédagogiques
divers et contradictoires issus de divers courants et époques
méthodologiques. On constate, en fait, que ce sont surtout
les enseignants qui demeurent « les maître du jeu » dans
leur classe car ils peuvent accepter ou refuser la présence de
la langue première ou d’autres langues d’interface
pédagogique, ou bien encore, l’employer eux-mêmes, selon
les conceptions personnelles, les situations concrètes et les
types de formations rencontrées.

1. 4. Le français dans le système éducatif algérien (Tahar


Zaboot)
L’organisation du système éducatif algérien de l’après-
guerre n’était en définitive que le prolongement du système
hérité de la période coloniale. A cette époque, le français
jouissait du statut de langue d’enseignement, c’est-à-dire
qu’il servait de vecteur à toutes les disciplines. Presque
toutes les matières étaient dispensées en langue
française : les mathématiques, la géographie… C’est dans
les années 1970 (1974/ 75/76) que des transformations ont
été décidées, jugées non seulement nécessaires mais
indispensables afin d’adapter le système éducatif aux
besoins des nouvelles politiques, économiques et sociales
du pays. L’ancienne école était jugée globalement
insatisfaisante et déficiente, notamment au niveau politique
et idéologique. Elle était, par exemple, jugée élitiste et
engendrant une déperdition importante d’élèves. On

33
reprochait à l’enseignement du français première manière
une vision fragmentaire de la langue qui se fixait comme
objectif principal le développement des aptitudes à l’écrit et
négligeait la compétence communicative orale.
L’enseignement du français, dans l’école de l’après-guerre,
reposait essentiellement sur l’apprentissage de l’écrit. Les
cours de français étaient plus basés sur la mémorisation des
règles grammaticales que la pratique de la langue. Bien
souvent, les apprenants retenaient mieux le discours sur la
langue que la langue elle-même.
Avant la mise en place du nouveau système éducatif appelé
« École fondamentale polytechnique », le français connaît
un changement d’ordre statutaire : de langue
d’enseignement qu’il était, le français passe au statut de
langue étrangère. Aussi, l’enseignement du français
deuxième manière connaît-il, dans la nouvelle école
algérienne, une organisation pédagogique différente de la
précédente. De l’organisation cyclique hebdomadaire du
travail, on passe à l’aménagement en unités didactiques13
organisées autour d’un thème central (en fait surtout un
type de texte : le narratif, le descriptif, le prescriptif, etc.) qui
sert de fil conducteur et qui transcende les différents
moments de la classe de français.
Concernant les méthodes d’enseignement, c’est à partir du
constat d’échec des anciennes méthodes que de gros efforts
ont été consentis et déployés en vue d’élaborer une
pédagogie nouvelle. Pendant longtemps, le but de
l’enseignement des langues étrangères et donc du français,
était de permettre aux élèves de lire et surtout d’écrire dans
la langue étudiée. Il ne s’agissait donc pas de s’exprimer
spontanément, de façon expressive, en adaptant (encore
faudrait-il être en mesure de le faire) son registre de langue
aux exigences de la situation de communication, de son vis-
à-vis.
Il s’agissait, tout simplement, d’apprendre à parler ou
plutôt à reproduire des « mots », des expressions, des
structures linguistiques dans certaines situations de
communication dites simulées.

34
Depuis la mise en place et surtout l’exploitation de
méthodes modernes, de nouvelles résolutions sont
prises : enseigner une langue étrangère et donc, le français,
consiste à apprendre aux élèves à communiquer au moyen
de cette langue. Il s’agit de développer leur compétence de
communication (ou communicatives) orale et, faire en sorte
que leurs performance soient plus nombreuses plus
spontanées et plus précises. Il faut donc parvenir à doter les
apprenants d’un instrument de communication plus élaboré
plus apte à s’adapter aux nouvelles exigences. Ce qui est
important, ce n’est pas ce que doivent savoir les apprenants
concernant le système linguistique considéré, par exemple,
le fonctionnement syntaxique de la langue étrangère, mais
ce qu’ils peuvent en faire dans le monde réel.
Autrement dit, l’acquisition de la compétence
communicative doit aller de paire avec l’acquisition de la
compétence linguistique tels sont les nouveaux objectifs
fixés à l’école algérienne deuxième manière. Qu’en est-il
alors des instructions officielles concernant l’enseignement
des langues étrangères ?

1. 5. Analyse des instructions officielles et programmes


concernant l’enseignement des langues étrangères en Algérie
(Nabila Benhouhou et Philippe Blanchet)
Les textes fondamentaux qui régissent l’enseignement des
langues en Algérie sont :
- Les Instructions du 23 janvier 1972 et les
directives d’application.
- L’ordonnance du 16 avril 1976 et ses textes
d’application.
- La Charte Nationale et la Constitution de 1996.
- Les nouveaux programmes d’avril 2003 et la
nouvelle loi d’orientation annoncée.
1.5.1. La période post-indépendance (1963-1976)

35
Le système éducatif de l’Algérie nouvellement
indépendante était le prolongement direct du système de la
période coloniale ; le français y avait le statut de langue
d’enseignement pour toutes les disciplines. L’arabe avait le
statut de « langue étrangère » et a été enseignée comme objet
avec un volume hebdomadaire de quatre heures par
semaine jusqu’en 1971. Au lendemain de l’indépendance,
les Instructions Officielles insistent néanmoins sur la
nécessité d’algérianiser les contenus et les programmes
hérités du système colonial, même si ces derniers sont
reconduits et donc, pour le français, expurgés des textes
littéraires trop marqués idéologiquement. L’enseignement
du français présentait les caractéristiques de l’enseignement
dit « traditionnel » des langues, notamment de celles dites
« maternelles ». La progression était élaborée par
l’enseignant et se limitait à un cours de grammaire et de
lecture, le recours à une autre langue étant exclu.
A partir de 1964, les programmes et les méthodes
d’enseignement sont dictés par l’Institut Pédagogique
National (IPN). Dès septembre 1964, la première année du
primaire est arabisée à raison de quinze heures par semaine.
Il faut attendre juin 1967 pour voir la deuxième année du
primaire arabisée à la rentrée (l’arabe « classique » y devient
la langue d’enseignement).
Dans les années 1970, des transformations ont été décidées
dans le cadre des nouvelles politiques, économiques et
sociales du pays. L’ancienne école était jugée globalement
insatisfaisante : au delà des raisons politiques, elle était
jugée élitiste et engendrant une déperdition importante
d’élèves (la place du français dans le milieu familial et social
jouant un rôle sélectif déterminant). On reprochait à
l’enseignement du français façon « langue maternelle » à la
française une vision fragmentaire, traditionnelle de la
langue qui fixait comme objectif principal des aptitudes
grammaticales à l’écrit et négligeait les compétences
communicatives orales. Les élèves apprenaient plus le
discours sur la langue que la langue elle-même. L’année
1971 a été décrétée « année de l’arabisation » : en avril, trois
décisions sont prises par les responsables de l’éducation :

36
- Arabisation totale des troisième et quatrième
années du primaire.
- Arabisation du tiers des sections ouvertes dans
la première année du cycle moyen.
- Arabisation du tiers des sections scientifiques au
niveau de la première année du cycle
secondaire.
C'est-à-dire création dans les collèges et les lycées de classes
dites « arabisées » avec enseignement des mathématiques,
sciences naturelles, histoire, géographie, physique et chimie
en arabe (« classique »).
L’enseignement du français est alors redéfini par rapport à
l’orientation polytechnique de l’école algérienne : le français
passe au statut de langue étrangère. Il s’agit alors dans
l’enseignement de développer des compétences de
communication notamment orales. L’important n’est plus
ce que doivent savoir les apprenants concernant le système
linguistique considéré mais ce qu’ils peuvent en faire dans
la vie sociale. Les contenus doivent être travaillés au moyen
d’exercices structuraux et l’on retient une méthodologie
audio-visuelle qui accorde la primauté à l’oral, l’accent
étant mis sur une langue scientifique et technique. Le
principal objectif de la réforme de l’éducation est « le
développement de la compétence linguistique permettant
l’accès à la documentation et à l’information scientifique et
technique » (Directives et conseils pratiques, Ministère des
enseignements primaire et secondaire, Alger, 1974).
L’objectif est d’enseigner une langue à finalité technique
plutôt qu’une culture (notamment littéraire), même si dans
l’article 25 du Titre III de l’ordonnance du 16 avril 1976, il
est stipulé que :
« L’école fondamentale est chargée de dispenser aux élèves (…)
l’enseignement des langues étrangères qui doit leur permettre
d’accéder à une documentation simple dans ces langues, à
connaître les civilisations étrangères et à développer la
compréhension mutuelle entre les peuples ».

37
1.5.2. L’école fondamentale (1980–1990)
L’ordonnance du 16 avril 1976 modifie en profondeur le
système éducatif algérien, mais conserve au français et
l’arabe les fonctions instituées en 1972. Les articles 8 et 9
précisent : « L'enseignement est assuré en langue nationale à tous
les niveaux d'éducation et de formation et dans toutes les
disciplines. Un décret précisera les modalités d'application du
présent article (…) L'enseignement d'une ou de plusieurs langues
étrangères est organisé dans des conditions définies par décret. ».
Cette ordonnance n’a été appliquée qu’en 1980 et c’est à
partir de 1981 qu’on identifie deux niveaux dans le cycle
moyen, le niveau 2 correspondant aux élèves qui n’ont pas
étudié le français dans le cycle primaire (par défaut
d’enseignants dans certaines régions).
La 4e année de scolarité primaire est à la 1ère année
d'apprentissage de la 1ère langue étrangère, le français14.
C'est au cycle moyen que commence, en 7e AF,
l'enseignement de la deuxième langue étrangère. Le cycle
secondaire compte trois années (de 1ère à 3e AS), soit douze
années au total, dont, pour la plupart des élèves, neuf as de
français comme première langue étrangère et six d'anglais,
d'allemand ou espagnol. L’enseignement de l’arabe s’étend
sur l’ensemble de la scolarité, à la fois comme objet et
comme moyen d’enseignement.
Au niveau du secondaire, jusqu’en 1986, il y avait encore
des classes « transitoires » où le français servait de langue
d’enseignement aux disciplines scientifiques (mathématiques,
physique, chimie, sciences naturelles) pour l’enseignement
général, et certaines disciplines (sciences économiques et
mécanique) pour l’enseignement technique. En 1983, de
nouveaux textes insistent sur le statut de « langue
étrangère » pour le français, identifiant des objectifs
différents en fonction des filières :

38
- Pour la série « Lettres » où le français n’est pas la
langue d’enseignement, consolidation et
amélioration des compétences « en vue d’assoir
les bases d’une communication en français ».
- Pour la série « transitoires » (bilingues) où le
français est la langue d’enseignement des
disciplines scientifiques, les objectifs visent
« plus particulièrement à permettre l’accès à une
documentation scientifique et technique en
langue étrangère, en vue de préparer l’élève aux
études supérieures et au monde du travail »,
avec renforcement de la compétence linguistique
et de la compétence de communication dans
« les situations quotidiennes à caractère
scientifique sans pour cela que le professeur de
langue se substitue à ses collègues de
spécialité ».
1.5.3. La réforme progressive des programmes (1990-2004)
Dans un premier temps, les programmes et les manuels15
sont réaménagés en 1993, en 1995 et en 1998 :
- Le manuel de troisième année secondaire (3e
A.S.), élaboré en 1982, est été retiré dès 1990-
1991, jugé inadapté au programme, mais pas
remplacé.
- Celui de deuxième année secondaire (2e A.S.)
demeure jusqu’en 2004 le seul manuel de
français alors qu’il date de 1984.
- Celui de première année secondaire (1ère A.S.),
renouvelé en 1998, allège le programme.
Ces manuels du secondaire ne spécifient pas les séries
Lettres, Sciences Exactes ou Sciences de la Nature. C’est le
même manuel pour toutes les séries et pour tout le territoire
national (alors que la place des langues est différente selon
les séries).

39
Pour le cycle moyen (deuxième cycle du cursus scolaire qui
en compte trois), les programmes de français visant
« l’acquisition d’un niveau-seuil linguistique », ont alors
introduit la notion d’ « Unité didactique », de « savoir-
faire », en mettant l’accent sur la nécessité de rechercher
« une certaine autonomie dans les activités langagières ».
On vise la prise en charge d’« enseignement fonctionnel et
utilitaire », en vue de « préparer l’élève à suivre un
enseignement de la langue étrangère dans le second
degré ». Entre 1994 et 1998, on laisse le choix aux parents
d’élèves du premier cycle (cycle primaire) de retenir pour
leurs enfants l’anglais ou le français comme première
langue étrangère à étudier. Mais ce projet a été abandonné
deux ans plus tard, notamment suite à une enquête
organisée par le ministère qui a révélé la forte préférence du
français par les parents.
Depuis 1999-2000, au sortir de la période de terrorisme, il
était question de réformer à nouveau le système éducatif. Le
Conseil Supérieur de l’Éducation, créé par décret
présidentiel du 11 mars 1996 a pour mission première de
« participer à la définition de la politique d’éducation et de
formation, son évaluation et son orientation conformément
aux exigences de développement et du progrès ». Dans sa
lettre de mission, le président de la république souligne que
« la commission examinera les dispositions appropriées en vue
d’intégrer l’enseignement des langues étrangères dans les
différents cycles du système éducatif ». Pour ce faire, la
commission souligne dans son rapport qu’« une politique des
langues étrangères sérieuse est souhaitable, et doit être mise en
place dès que possible, notamment dans le système éducatif.
Elle aura pour finalités de redonner aux langues étrangères la
place qui doit être la leur, comme supports incontournables
pour l’accès à la science, à la technologie et à la culture
mondiale » (rapport de la commission, p. 23).
Le conseil a ainsi remis un rapport en 2001 qui a été adopté
avec quelques amendements et la rentrée 2003 a été choisie
pour marquer le coup d’envoi de cette réforme
(opérationnelle depuis la rentrée 2004). De nouveaux

40
programmes pour l’enseignement des langues étrangères
ont été publiés en avril 2003, notamment pour la première
année du cycle moyen qui correspond à la septième année
d’enseignement, cycle qui devra compter quatre années au
lieu de trois précédemment. La première année du cycle
moyen correspond à l’introduction de la deuxième langue
étrangère, l’anglais, dès septembre 2004. A partir de 2008-
09, l’anglais sera introduit dès la quatrième année
d’enseignement, c'est-à-dire au cycle primaire (premier
cycle scolaire qui compte six années).
Une nouveauté dans le rapport de la commission touche
l’évaluation : « il s’agit de mettre en place une culture de
l’évaluation qui embrassera l’ensemble des segments du
système » :
- Évaluation des apprentissages.
- Évaluation des enseignements et des
enseignants.
- Évaluation des programmes et des moyens
didactiques.
- Évaluation de l’organisation du système
scolaire, de son fonctionnement et de son
efficacité.
Les propositions de la commission s’articulent autour de
trois points :
- Définir les critères de fonctionnement et des
niveaux d’exigence (apprenants, enseignants,
inspecteurs et décideurs).
- Mettre sur pied des référentiels de compétences
(élèves) à chaque cycle, et des référentiels de
diplômes.
- Mettre en place des programmes normalisés
d’évaluation des performances et des
compétences pour les élèves, les enseignants et
l’Institution.

41
Quant au français, « pour des raisons historiques, sociales et
économiques » (ibid. p. 26) et « pour sa forte présence dans
l’environnement linguistique des élèves » (ibid. p. 24), il est
« la première langue étrangère ». Elle a été introduite en
deuxième année d’enseignement dès septembre 2004 avec
un volume horaire conséquent. Outre la nécessité de revoir
les contenus et les programmes de l’enseignement des
langues dans le secondaire, la commission préconisent
d’enseigner les disciplines scientifiques enseignées jusque là
en arabe (mathématiques, physique et chimie) en français et
de doter les élèves, dans le cycle moyen, d’un enseignement
spécifique pour les initier en français aux disciplines devant
être enseignées en français dans le secondaire.
Par ailleurs, la commission propose d’introduire dans
l’enseignement secondaire deux ou trois autres langues
étrangères : espagnol, allemand, italien, que l’élève choisira
en plus du français et de l’anglais.
Les réformes concernent aussi bien l’enseignement des
langues étrangères que l’enseignement de l’arabe, les
nouveaux programmes pour la première année du cycle
scolaire sont opérationnels depuis septembre 2003. De
nouveaux programmes pour l’enseignement de la langue
amazighe dans le cycle moyen, sont mis en place en avril
2003 et sont mis en application dans les établissements
scolaires dès septembre 2004.
Les objectifs de l’enseignement du français en première
année du cycle moyen (deuxième cycle scolaire) visent
« à développer chez l’élève, tant à l’oral qu’à l’écrit, l’expression
d’idées et de sentiments personnels au moyen de différents
types de discours » (programme 2003, p. 19).
De nouveaux contenus sont introduits ou renforcés :
1) La notion de « discours », en termes d’usage.
2) La dimension communicative : « apprendre une
langue c’est apprendre à communiquer dans cette langue »
(ibid. p. 35) et les pratiques langagières sont proposées sous

42
forme d’interactions verbales. On précise même que la langue
ne sera pas étudiée en tant que système.
3) La notion de « compétences », en vue du
« développement personnel et social de l’élève » (p. 21).
Cependant les compétences visées ne sont pas clairement
définies, elles touchent plutôt la maîtrise de types de textes
tels que consignés dans le programme : le narratif,
l’argumentatif, l’informatif et le prescriptif, avec une grande
dimension attribuée au narratif. Il est question pour l’élève
de maitriser « un outil linguistique performant » (p. 41), et
d’acquérir des compétences transversales avec comme pôle
important la compétence de communication.
Quant à l’anglais (la 2e « langue étrangère »), il est conçu
comme « outil de communication et de documentation
simple » (document d’accompagnement du programme,
p. 72). Contrairement au français, l’objectif principal de
l’enseignement de l’anglais vise « le partage et l’échange
d’idées et expériences scientifiques culturelles et
civilisationnelles » (ibid. p. 41). Sur le plan méthodologique,
les auteurs du programme préconisent, comme pour
l’enseignement du français, une approche par compétences
intégrée dans un enseignement fonctionnel pour des
besoins scolaires et extra-scolaires.
1.5.4. Les textes en application lors des enquêtes
Les textes officiels en vigueur au moment où nous avons
fait nos enquêtes sont l’ordonnance de 197616 et les
programmes de langues des années 1990. De nouveaux
programmes, publiés à la rentrée 2003-04, sont désormais
progressivement mis en œuvre et nous en tiendrons compte
dans les recommandations finales issue de notre recherche.
La scolarité est alors organisée en Algérie en Années
Fondamentales et en Années Secondaires. Les élèves sont
scolarisés à partir de six ans. La dénomination
« Fondamentale » a été mise en place par l'ordonnance du
16 avril 1976 qui stipule que les cycles primaire (qui compte
six années, de 1ère à 6e AF, dont deux paliers, le premier en
3e année, le second en 6e) et moyen (qui compte trois

43
années, de 7e à 9e AF, constituant un parfois un « 3e cycle »
consécutif aux 2 paliers précédents selon certain textes) font
partie de l'enseignement obligatoire17. Au bout de la
neuvième année de scolarité (9e AF), les élèves passent
l'examen du Brevet.
La 4e AF correspond à la 4e année de scolarité primaire et à
la 1ère année d'apprentissage de la 1ère langue étrangère, le
français18. C'est au cycle moyen que commence, en 7e AF,
l'enseignement de la deuxième langue étrangère (souvent
l’anglais ou parfois espagnol ou allemand).
Le cycle secondaire compte trois années (de 1ère à 3e AS) à
l'issue desquelles les élèves passent le Baccalauréat.
Le cycle scolaire compte donc douze années au total, dont,
pour la plupart des élèves, neuf ans de français comme
première langue étrangère et six ans d'anglais, d'allemand
ou espagnol. L’enseignement de l’arabe standard (dit
« classique ») s’étend sur l’ensemble de la scolarité, à la fois
comme objet et comme moyen d’enseignement.
Le schéma suivant, issu du site internet officiel du
Ministère, présente l’ensemble du système dans sa version
actuelle :

44
45
Les textes officiels publiés et disponibles sont les
programmes d’anglais de 1995, portant sur les classes de
1ère, 2nde et 3e Années Secondaires correspondant aux
classes d’âges de 15 à 17 ans (livret publié par le Ministère
de l’Éducation Nationale19), ainsi qu’un texte de
Réaménagements apportés aux programmes d’anglais du 3e cycle
de l’enseignement fondamental (soit 7e, 8e et 9e AF, livret du
Ministère daté de juin 1994). On trouve également, sous la
forme de feuillets ronéotypés respectivement datés de 1993,
94 et 95 et portant sur les classes de 4e, 5e et 6e Années
Fondamentales (correspondant aux classes d’âges de 9 à 11
ans, textes obsolètes depuis la rentrée 200320 mais qui ont
exercé une influence sur la période 2001-2002 où ont été
effectuées nos enquêtes).
Choix didactiques et pédagogiques
Dans les trois cas, ce qui frappe d’emblée, c’est le choix
manifeste d’une « immersion directe », puisque les
Syllabuses for English sont exclusivement rédigés en anglais
(y compris le nom de la République algérienne et du
ministère, qui figurent également en arabe standard sur la
4e de couverture du livret pour les AS et à l’exception de la
page de titre du Réaménagement de 1994, rédigée en
français)21.
Dans les feuillets de 4e AF (sept pages recto tout compris,
cinq de texte), on trouve quelques principes pédagogiques
fondamentaux (notamment « centrage sur l’apprentissage et
sur les besoins / attentes de l’apprenant ; un apprentissage
actif par l’expérimentation ; réalisme et plaisir d’apprendre ;
des objectifs posés en termes de performances observables
et mesurables »), une liste d’habiletés d’apprentissage (on
insiste de façon récurrente sur l’accès à un nouveau système
d’écriture), une liste de contenus linguistiques (à peine
fonctionnels et aucunement communicatifs) et une liste
d’activités (telles que « colorier, remplir des questionnaires,
placer des lettres et des mots dans le bon ordre, textes à tous »,
etc.). Les instructions de 5e et de 6e sont bâties exactement
sur le même modèle (avec des parties de texte identiques) et
ajoutent de nouvelles activités (des jeux en 5e, des dictées,

46
des virelangues, des lectures suivies en 6e, ainsi que
« l’écriture de lettres pour des buts réels » dans ces deux
classes.
L’approche dominante y est donc directe, ludique et
structurale, avec des réminiscences logiques d’approche
traditionnelle : priorité de l’écrit, travail sur des éléments
isolés et décontextualisés. Il y a là une contradiction relative
avec l’ambition de prendre en compte les besoins et les
attentes éventuelles de l’apprenant.
Le livret de 1994 est constitué d’une liste entièrement
rédigée en anglais de fonctions langagières, d’énoncés
associés, et de répartition dans les unités de la nouvelle
édition de la méthode officielle Spring, assortie de quelques
consignes pédagogiques sur la mise en œuvre de cette
méthode. Si l’approche semble communicative —car pour le
moins notionnelle-fonctionnelle—, les quelques consignes
pédagogiques suggèrent des exercices de type structural et
l’ensemble en « méthode directe ».
Dans le livret de 1995, l’approche didactique est explicitée
de façon relativement détaillée (sélection, organisation et
formulation des connaissances et compétences), alors que
les recommandations pédagogiques (modalités concrètes de
mise en œuvre de l’enseignement et des apprentissages)
sont réduites. Il est en effet indiqué clairement qu’aucune
progression n’est impliquée par la linéarité de la
présentation des contenus et que l’enseignant est libre de les
adapter à sa classe, pour autant que l’ensemble du
programme soit couvert. Les besoins des apprenants sont
envisagés, uniquement du point de vue global de la
poursuite d’études académiques et d’horizons
professionnels très généraux : une trentaine de lignes (pp. 8-
9) distingue des besoins étendus pour ceux qui se destinent
à des études universitaires littéraires, des besoins
majoritairement écrits pour ceux qui se destinent à des
études et à des professions scientifiques, économiques et
technologiques. L’invitation à moins travailler l’oral dans
les classes littéraires d’arabe et d’études islamiques qui ont
moins d’heures d’anglais (p. 22) confirme une interprétation

47
selon laquelle la base transversale est constituée par l’écrit,
l’oral n’intervenant que comme un enrichissement de cette
base. Une note de bas de page rappelle d’ailleurs
opportunément que ces besoins, bien que connus, ne seront
pas entièrement satisfaits faute d’horaires d’enseignement
suffisants (3h semaine en moyenne sur des périodes
différentes, soit 75h/an en classes littéraires « arabe et
langues étrangères », 60h/an en classes littéraires « arabe »
et « islamiques » et 50h/an en classes scientifiques et
économiques).
Deux autres types de consignes pédagogiques sont donnés.
D’une part, les compétences visées sont listées à la fin de
chaque classe : ce sont des compétences communicatives
désormais classiques, affirmées dès le préambule comme
relevant des quatre domaines socio-culturel, humaniste,
éducatif et académique (p. 5). L’affirmation d’objectifs
communicatifs est forte, réitérée maintes fois. Ainsi,
p. 5 : « l’apprenant doit maitriser la communication sous ses
diverses formes, aspects et dimensions » ; p. 6 : « la finalité de
ce programme est de doter les apprenants du langage
nécessaire pour communiquer efficacement dans des situations
sociales et professionnelles ordinaires, à l’écrit comme à
l’oral » ; p. 36 « [en 3e année] l’accent sera mis davantage sur la
communication authentique que sur les fonctions spécifiques
[et les structures linguistiques] »; etc.
On perçoit ici un paradoxe. Alors que la communication
(majoritairement orale et variée dans la vie sociale) est mise
en avant, c’est un écrit normé (cf. ci-dessous) qui occupe
l’essentiel des programmes, notamment pour les élèves qui
auront de l’anglais les besoins les plus instrumentaux
(scientifiques et économiques).
D’autre part, les tableaux de présentation des programmes
sont organisés ainsi pour les deux premières années : 
- colonne 1, fonction ;
- colonne 2, déclencheur (possible input) ;
- colonne 3, principaux contenus linguistiques ;

48
- colonne 4, activités suggérées.
On trouve dans cette dernière colonne des suggestions
d’activités pédagogiques telles que (en 1ère AS) : « associer
des images et des phrases, remplir des textes à trous,
compléter une carte, poser des questions, travailler par
deux » ou encore « organiser une discussion collective ».
En 3e année, le programme est organisé par thèmes et non
par fonctions (colonne 1), en conséquence du choix d’une
priorité communicative : English in the world, Leisure and
humour, Algeria and English speaking countries, Human rights,
Racial problems, etc. Des ressources culturelles,
situationnelles et énonciatives y sont associées (p. 42-62).
Les habiletés cognitives visées (skills) sont celles,
transversales, de la taxonomie de Bloom : connaissance,
compréhension, application, analyse, synthèse, évaluation.
Aspects sociolinguistiques spécifiques
En ce qui concerne les aspects sociolinguistiques, on note
que la langue visée, qui doit être comprise, est un standard
English. La langue pratiquée doit être, en 1ère et 2nde, un
anglais correct simple, en 3e une « expression quelque peu
courante afin d’être compris clairement et sans risque
d’interprétations erronées ». Ces notions sont évidemment
très floues et renvoient les enseignants (et donc,
probablement, les apprenants) à des représentations
variables. Si l’on excepte la thématique de l’anglais dans le
monde en 3e année, qui peut ouvrir sur la variation
linguistique et interculturelle, l’approche linguistique
dominante émanant de ces programmes reste normative, ce
qui laisse la porte ouverte au purisme à modèle monolingue
et introduit un paradoxe certain avec à la fois la situation de
plurilinguisme (stable ou en phase d’apprentissage) et,
surtout, les objectifs communicatifs affichés.
Les moments d’échanges en groupe sont présentés comme
devant donner lieu à des encouragements et à une
atmosphère décontractée (p. 12 et 17, ce qui peut se réaliser
sous la forme d’attentes sociolinguistiques non formelles et

49
non normatives). Des messages enregistrés à la radio sont
suggérés comme supports (p. 21).
En termes de statut des langues, il faut noter que les
Syllabuses affirment en préambule que
« l’anglais s’est imposé22 comme un moyen majeur d’accès à
tout ce qui se passe dans le monde et dans tous les domaines,
scientifiques, techniques, politiques… Il n’est plus la seule
propriété du Royaume-Uni et des États-Unis d’Amérique, il est
devenu une sorte de langue universelle » (p. 5).
Quelle didactisation du contact des langues et de la pluralité
(socio)linguistique ?
Comme on l’a vu, l’approche méthodologique induite par
ces Syllabuses est massivement « directe totale » : on
enseigne l’anglais en anglais et donc on rédige les
programmes d’anglais en anglais uniquement. Ceci est
confirmé explicitement par des consignes comme « [en 1ère
et 2e année] il n’est pas nécessaire de tenter une
comparaison des structures grammaticales de différentes
langues » (p. 22). Aucune activité de traduction,
transposition, etc. n’est envisagée, et il est même indiqué
pour la classe de 3e année que « il n’est pas approprié de
consacrer des séances à la traduction » (p. 36).
En revanche, et de façon ici aussi quelque peu paradoxale,
on invite les enseignants de 3e année en classes littéraires à
pratiquer la comparaison entre langues :
« il sera possible de consacrer des séances à des comparaisons
entre des structures appartenant à deux langues différentes, ou
à la langue maternelle et à une langue étrangère. Il est aussi
possible de consacrer une séance de temps en temps à résumer
les contenus d’une ou plusieurs unités en employant une autre
langue que l’anglais » (p. 36).
On ajoute, p. 38, que,
« pour les élèves inscrits en orientation langue étrangère, il sera
parfois approprié de leur faire exprimer en anglais des
informations reçues en arabe23 (c’est-à-dire écrire en anglais ce

50
qu’ils ont appris pendant les séances d’histoire, de géographie
ou de philosophie). Il s’agit de les initier à un début de
traduction d’une langue dans une autre »
Par défaut, on peut interpréter ceci comme signifiant qu’il
n’est pas possible / approprié de faire la même chose dans les
classes non littéraires et dans les années précédentes.
C’est en 3e année également qu’une légère ouverture à la
diversité culturelle se dessine, au moins au sein de
l’anglophonie :
« Des aspects de la littérature et, en général, de la civilisation
des peuples qui utilisent l’anglais comme langue nationale ne
seront pas négligés » (p. 37).
On notera ici aussi la primauté accordée à l’écrit.
L’introduction hésitante et tardive de ces quelques éléments
de plurilinguisme assumé, en 3e année uniquement,
s’explique probablement par la conviction que cela n’est
possible qu’une fois une maîtrise de la langue assurée tout
au long du cursus préalable. D’une manière générale en
didactique des langues, l’approche directe et
communicative (ou, souvent hélas p r é t e n d u e
communicative, tendant vers la communication tout en
donnant paradoxalement la priorité aux structures
linguistiques, voire à l’écrit) a été dominante au cours de la
deuxième moitié du XXe siècle. Il n’est donc pas surprenant
de la retrouver dans ces programmes tout à fait à jour de ce
point de vue. L’intégration de la pluralité linguistique et
interculturelle dans les méthodes n’a commencé qu’au
cours des années 1990 et ne se développe réellement que
depuis le début des années 2000.
1.5.5. Stratégies d’enseignement
Ces instructions induisent globalement les stratégies
d’enseignement suivantes :
1. une approche directe exclusive jusqu’en 2e AS
incluse ;

51
2. une approche structurale non communicative en
enseignement expérimental de 4e, 5e, 6e AF ;
3. une approche notionnelle-fonctionnelle semi-
communicative en 7e, 8e, 9e AF ;
4. une approche semi-communicative marquée par
quelques incohérences en AS (cf. ci-après) ;
5. une priorité accordée à une langue écrite normative (à
la réception), priorité assouplie en termes d’exigences de
production par les apprenants en AS ;
6. une petite dose d’approche indirecte en 3e AS
uniquement (comparaisons interlinguistiques et
traduction / transposition) ;
7. dans les instructions d’AS, une présence marginale et
allusive, en creux, des autres langues présentes dans la vie
sociale des apprenants et enseignants, notamment la langue
maternelle (qui peut être l’arabe algérien ou une variété
berbère comme le kabyle) et une langue étrangère (qui peut
être évidemment le français en Algérie, si tant est que
l’appellation « étrangère » soit appropriée dans ce cas24).
La progression d’ensemble est typiquement déductive du
point de vue psychopédagogique, malgré l’affirmation
récurrente d’un centrage sur l’apprenant, sur les besoins,
sur l’expérimentation active, puis sur la communication : la
chronologie est en effet structures linguistiques et graphiques >
semi-communication écrite > communication orale partielle >
contextualisation sociale limitée. La conceptualisation
sous jacente de la langue est ici, majoritairement, celle d’un
code (ou structure, ou système) à dominante écrite,
homogène et clos, mis en œuvre en priorité de façon
monolingue.

52
2. Les langues dans les classes :
résultats d’enquêtes

2. 1. Enquêtes à Alger
2.1.1. Observations en classes à Kouba (Safia Asselah-Rahal et
Tassadit Méfidène)
Cette enquête a été réalisée dans un lycée de filles à Kouba,
un quartier qui se situe sur les hauteurs d’Alger. Ce lycée a
toujours était « le lycée de jeunes filles ». Les élèves
appartiennent, le plus souvent, à un milieu
socioprofessionnel plus ou moins « favorisé ».
L’enseignement est assuré par une grande majorité de
femmes. Ce sont donc aux enseignantes de la filière Lettres
et langues étrangères auxquelles nous nous sommes
intéressée.
Dans un souci d’éclaircir les représentations que se font les
enseignants de langues ainsi que les pratiques
d’enseignement de la LV2, nous avons été amenée à opter
pour la méthode du questionnaire. Ce questionnaire
comporte des questions usuelles d’identification : l’âge, le
sexe, mais également une question se rapportant à leur
formation et au nombre d’années d’expérience dans
l’enseignement de l’anglais. En outre, vu que ces
enseignants sont tous des natifs, nous nous sommes
penchée sur leurs pratiques linguistiques et la répartition
des langues en fonction : du milieu familial, amical, ainsi
qu’en fonction des interlocuteurs : les voisins, les collègues
de travail toutes matières confondues, les collègues
d’anglais. Certaines questions ont été axées sur la méthode
d’enseignement. Il s’agit de savoir si : 
- L’enseignant a recours à une autre langue
lorsqu’il fait son cours ;

53
- Les élèves utilisent pendant le cours d’anglais
d’autres langues que celle-ci ;
- Les textes officiels concernant l’apprentissage de
l’anglais leur permettent d’utiliser une autre
langue pendant le cours.
Nous avons assisté au déroulement d’un cours en classe
d’espagnol avec la participation de 20 élèves. Nous avons
remarqué que l’enseignante débute d’emblée son cours en
espagnol. Lorsqu’elle pose une question, les élèves
répondent en espagnol. Mais cet emploi exclusif ne va pas
durer longtemps ; elle va immédiatement utiliser le français
car une élève n’a pas compris la question. Autrement dit,
cette langue va faciliter l’accès au sens. L’enseignante va
alors ponctuer son discours de « alors » « et puis » « non ».
Elle va traduire en français une expression dite en espagnol.
Lorsqu’une élève lève le doigt pour poser une question en
français par rapport à un point de grammaire, elle lui
répond en espagnol. Mais juste après, elle lui demande en
français si elle a compris ce qu’elle lui a dit. S’adressant à
une élève, elle lui suggère de dire en français une
expression en espagnol. Pour s’assurer que l’ensemble de la
classe a compris, elle demande en français : « vous avez
compris ? », « c’est clair ? ». En somme, l’enseignante va
recourir au français car il s’agit d’un point de grammaire
difficile.
Dans une classe d’allemand, l’enseignante parle en allemand
tout en écrivant sur le tableau. Puis, elle fait une remarque
en français « vous devez les connaître ». Ensuite, c’est une
élève qui pose une question, et fait une remarque à
l’enseignante en français. Cette dernière, lui répond en
français et reprend immédiatement en allemand. Lors d’un
exercice de traduction, les élèves vont traduire un texte en
français Mais lorsque l’enseignante reprend des passages
du texte, elle utilise le français et l’allemand. Pour expliquer
en allemand, elle utilise des schémas pour pallier la
difficulté. Pour preuve, un mot difficile à traduire en
français va être repris en arabe.

54
Au cours de cette observation et après le déroulement de
son cours, l’enseignante nous a confiée qu’elle est obligée
d’avoir recours à la langue première (le français) car les
élèves sont en début d’apprentissage. Elle ne peut pas
assurer son enseignement exclusivement en allemand. Pour
elle, c’est utopique. Elle a recours forcément au français et
parfois, mais rarement à l’arabe. L’alternance ou non, selon
ses dires, est lié au niveau des élèves. C’est ainsi que, si le
niveau est bon, l’alternance est peu fréquente, sinon elle se
manifeste inévitablement.
Ces observations participantes confirment une fois de plus
le recours au français dans ces classes de langues, et par
voie de conséquence, l’importance de l’alternance. Celle-ci
se manifeste aussi et particulièrement dans les classes
d’anglais. C’est donc à ce stade là que nous pouvons
aborder à présent les fonctions pédagogiques de
l’alternance : fonction métalinguistique, fonction
référentielle, fonction de réitération ? Ce qui nous permettra
de voir véritablement le rôle du français dans
l’enseignement des autres langues étrangères.
Nous avons constaté que l’utilisation du français peut varier
selon les situations. Nous avons tenté de cerner les
motivations qui poussent les enseignants ou les élèves à
changer de code et les différentes fonctions de l’alternance
dans le discours pédagogique, mais auparavant nous avons
pu distinguer trois formes d’échanges dans ces classes
d’anglais.
Echanges engagés par l’enseignant :Nous pouvons dire que la
plupart des échanges sont engagés par l’enseignant. Celui-ci
constitue l’élément central de la communication en classe
dans la mesure où il gère sa dynamique et son organisation.
Extrait n°1 
P1 : il y a des absents/ 
E1 : oui madame
3. P1 : who is absent/

55
4. E1 : zaidi
5. E2 : madame/ j’efface le tableau /
6. P1 : on attend votre camarade qui est parti chercher la
brosse\
Nous remarquons dans ce premier extrait que le français est
utilisé comme langue de régulation de l’activité.
L’enseignante comme les élèves utilise le français dans ce
moment de mise en place du cours et c’est l’enseignante
elle-même qui initie l’échange dans cette langue (1), même
si elle reformule sa question en anglais (3).
Extrait n°2
L’enseignant explique l’énoncé de l’exercice d’expression
écrite :
1. P2 : you enter in the restaurant what do you do /
2. E1, E2, E3, … : on va s’asseoir
3. P2 : you sit in the table\ he serves you the dishes
4. E1, E2, E3, … : les déchets (rires)
5. P2 : the plates what do you find in the menu/
6. E2 : frites omelettes
7. E1 : la salade madame
8. P2 : you don’t understand my question i repeat what do
you find in the menu/ (en utilisant les mimiques cette fois avec
les mains)
9. E3 : speciality salades plates drinks
10. P2 : that’s all /
11. E1 : madame les prix/
12. P2 : yes the price you finish what do you do/
13. E4 : on appelle le serveur
14. P2 : you ask the waiter

56
15. E4 : on demande l’addition\
Dans cet extrait, comme dans le précédent, nous observons
un échange qui fait intervenir l’anglais et le français. La
dynamique de l’échange repose sur les questions en anglais
de l’enseignante mais les élèves répondent en français.
Leurs réponses manifestent qu’ils comprennent les
questions mais qu’ils n’ont pas encore les ressources
linguistiques suffisantes pour enchaîner en anglais.
Extrait n°3 :
L’enseignante entre en classe.
1. P3 : et vos camarades sont où/
2. E1 : ils sont en bas madame
3. P3 : va les appeler et ne tarde pas
4. E3 : madame/ quand on va faire le devoir/
5. P3 : la semaine prochaine\
Dans l’extrait n°3, l’enseignant P3 engage un échange
entièrement en français avec son élève. Afin de gérer les
activités de la classe, donner des consignes ou organiser un
devoir, l’enseignant communique directement avec les
élèves en français. Le changement de langue correspond
dans ce cas à un changement d’activité langagière.
Extrait n°4 
1. P4 : what do you notice/ qu’est-ce que vous remarquez/
2. E1 : il est rentré il a demandé directement la chorba
3. P4 : oui sans consulter le menu
4. P4: we start with a soup une entrée d’abord ok/
Dans ce cas, le schéma ternaire typique de l’échange
scolaire (initiation-réponse-évaluation) est initié en anglais
par l’enseignant mais l’initiation est reformulée
immédiatement en français. La suite de l’échange (réponse
et évaluation, 2 et 3) se déroule en français et l’enseignant
repasse à l’anglais pour initier un nouvel échange en (4)

57
selon les mêmes modalités qu’en (1). Ce type de routine
constitue une trace discursive des représentations des
activités d’enseignement- apprentissage à l’œuvre dans
cette situation et du contrat didactique qui lie l’enseignant
et les élèves.
Echanges engagés par les élèves :
Les interventions des élèves dans la classe envers leurs
enseignants sont faites exclusivement en français. Elles sont
souvent faites dans un but bien précis : soit pour demander
une information sur l’activité en cours (extrait 5 et 6) voire
une traduction (extrait 6, ligne3).
Extrait n°5 
1. E1 : madame/ je fais tout l’exercice/
2. P1 : no
3. E2 : madame/ je monte au tableau /
4. P1 : one minute\

Extrait n°6 
Il s’agit de la correction d’un devoir 
1. E3 : on explique madame /
2. P6 : on n’explique pas we don’t explain
3. E6 : madame/ je n’ai pas compris/
4. P6 : quoi /
5. E6 : the question
6. P6 : les trois facteurs qui influencent l’arrêt de l’eau the
three factors that influence how much water every country has on ne
recopie pas le texte la question est claire il fallait mettre des
tirets\
Dans ces 2 extraits, on retrouve la stratégie de l’enseignant
qui « double » ses interventions, on remarque également

58
que les régulations de l’activité s’énoncent en français dès
qu’elles nécessitent davantage de verbalisation que dans
l’extrait 5.
Dans l’extrait suivant, le contexte arabe de cette classe
d’anglais se marque dans l’utilisation d’un terme arabe qui
désigne un plat courant. Notons que ce changement de
langue ne fait l’objet d’aucun commentaire métadiscursif :
Extrait n°7
1. E5: what is coriander/
2. P4: it is like in french le coriandre you put it in the chorba
3. E1,E2,E3,… : hchich
coriandre
4. P4 : yes it is
5. E3 : madame/ je n’ai pas de stylo
6. P4 : tu n’as pas de stylo / qui peut lui donner un stylo/
7. E5 : moi madame
8. E7 : madame/ comment on dit « qu’est ce que vous avez
pour aujourd’hui / »
9. P4: what do you have for eating today/
10. E7 : madame/ comment on dit « qu’est-ce que vous
voulez / »
11. P4: what do you want to eat /
Dans cet extrait, l’enseignante enchaîne en anglais, langue
choisie par l’élève pour poser sa question. Dans son
intervention, l’enseignante renvoie l’élève à son expérience
quotidienne en faisant référence à un plat traditionnel
algérois (chorba). Il s’agit ici d’une alternance référentielle
qui « consiste à changer de langue pour désigner un
concept ou une réalité quelconque » (Rafitoson, 1998). Un
groupe d’élèves donne l’équivalent en arabe algérien pour
montrer qu’ils ont bien compris l’explication de
l’enseignante, ce qui constitue une aide supplémentaire

59
pour les camarades qui n’avaient peut-être pas encore saisi
l’explication. A nouveau, cette alternance ne fait l’objet
d’aucun commentaire, ce qui montre bien son caractère non
marqué. La suite de l’échange montre à nouveau le recours
au français pour des activités de régulation (5-7) et son
statut de langue source pour ces élèves qui apprennent
l’anglais (8-10).
Echanges engagés entre les élèves 
La plupart des échanges entre élèves se font en arabe
algérien, rarement en français, et jamais en anglais. Dans ce
dernier extrait (il s’agit de la correction d’un exercice), E1 se
plaint de ne pas être interrogé. E2 lui demande de lui
expliquer ce que vient de dire l’enseignante. Au moment où
l’enseignante donne la parole à E2, celui-ci ne comprend
pas ce qu’elle lui demande et c’est E1 qui traduit
discrètement en arabe algérien afin de lui venir en aide.
Extrait n°8 :
1. E1 : txzEr fija u matquliS
elle me regarde mais elle ne m’interroge pas.
2. E2 : waSnu ?
Quoi 
3. E1 sinon, nqulu pommes de terre.
on dit
4. P2: correct the last.
5. E2: quoi?
6. E1 : liba÷dha.
la suivante
Ce que nous pouvons déjà conclure partiellement c’est que
la majorité des enseignantes préconise un bi ou
plurilinguisme dans leur classe ; il est indispensable de
recourir au français, puisque c’est cette langue qui sert de

60
médiatrice pour la compréhension, pour déclencher
l’échange avec les élèves.

2.1.2. Enquêtes auprès des enseignants (par Safia Asselah-Rahal)


Lors de ces entretiens, qui ont eu lieu dans la salle des
enseignants du lycée, nous avons donc soumis les
informateurs à des questions ouvertes auxquelles ils ont
répondu à tout ce qu’ils souhaitaient, en nous contentant de
les suivre dans leur dialogue même si parfois, « on s’écarte
de la question pendant un certain temps » (Blanchet,
2000.45).
Ces entretiens avec chacune des quatre enseignantes sont
venus confirmer, vérifier, développer ce qui avait pu être
dit lors de l’enquête directive (questionnaire).
L’enseignante A qui a 28 ans d’enseignement d’anglais a
confirmé toutes les réponses figurant sur le questionnaire.
Elle considère que le recours au français est nécessaire et
inévitable. Pour elle les enseignants qui n’y ont pas recours
font fausse route. Dans sa classe, elle veut créer un espace
bilingue, c’est-à-dire pour qu’il y ait un va et vient continuel
entre les deux langues. Selon ses propos, cette enseignante
estime qu’on ne peut pas apprendre l’anglais par l’anglais.
Pour preuve, le registre des notes de ses élèves révèle que
les résultats sont meilleurs avec sa « méthode indirecte »
que celle préconisée par certains enseignants qui « ne
veulent pas recourir à une autre langue ». Dans sa classe,
elle a recours à la langue française pour expliquer une
consigne : « c’est plus enrichissant, les élèves apprennent
deux langues en même temps ». En fait, elle considère que
dans sa classe, elle est maître du jeu « je veux être libre, je
veux enseigner l’anglais comme je l’entends ». Toutefois,
elle ne perd pas de vue que si elle utilise le français et
quelquefois l’arabe, c’est dans un but bien
précis : transmettre un message. Elle se sert des autres
langues à des fins métalinguistiques. Par ailleurs, elle pense
que cette façon d’enseigner (recours au français) amène les
élèves à prendre conscience du fonctionnement des deux

61
langues. Pour elle, avoir recours au français est
indispensable sinon c’est un enseignement pénible,
rébarbatif. Pourtant, en présence de l’inspecteur, elle fait
preuve de vigilance puisque dit-elle « je serai obligée de
n’utiliser que l’anglais ».
L’entretien effectué avec l’enseignante B qui a 29 ans
d’enseignement d’anglais a également confirmé les
réponses au questionnaire. Elle adopte une attitude
totalement opposé à l’enseignante précédente. Celle-ci, en
effet, va, au contraire, insister sur le fait que l’anglais doit
s’apprendre par l’anglais. Autrement dit, elle porte son
choix sur la méthode directe. Elle n’a jamais recours à une
autre langue. Par contre, à la question » quels sont les
initiateurs du changement des langues ? », elle répond « ce
sont les élèves ». Elle ne recommande en aucun cas le
recours au français car ce sont des élèves qui ne sont pas en
début d’apprentissage : » ces lycéennes ont 2 à 3 ans
d’anglais derrière elles ». Elle estime alors qu’elle doit rester
leur modèle et qu’elle doit donc éviter de recourir à une
autre langue. Pourtant, à un moment donné, elle est obligée
de nuancer ses propos. Parfois elle est amenée à recourir au
français mais » c’est vraiment rare, en présence de quelques
mots difficiles pour la compréhension ». Elle accepte, par
ailleurs, que les élèves s’expriment en français, mais avec
certains thèmes. Comme c’est le cas lorsqu’il s’agit d’un
débat. Ses élèves peuvent ainsi exprimer leurs idées par
l’intermédiaire du français. En d’autres termes, il semblerait
que cette enseignante, au cours de l’entretien, a fait preuve
de plus de « souplesse » de « tolérance » quant à l’usage du
français dans sa classe. Si nous nous référons au
questionnaire, nous constatons que celle-ci était catégorique
puisque à la question « faudrait-il utiliser une autre langue
dans le cours de langue étrangère ? », elle a répondu : « il
faut l’interdire ». Pourtant, pendant cet entretien, elle
rappelle que dans les années 1980, une inspectrice d’anglais
était très en avance sur le plan pédagogique ; « elle leur a
beaucoup apportée » dit-elle. Cette inspectrice leur a
signifié clairement que « dans la classe, laissez les élèves

62
s’exprimer même en français, en arabe, s’ils n’y parviennent
pas en anglais ».
Un entretien avec l’enseignante C a également permis de
confirmer les réponses au questionnaire. Dans sa classe, elle
juge utile de faire le partage des langues pour la traduction.
Si, pour elle, l’enseignante doit suivre les instructions
officielles, elle estime pourtant qu’elle est maître du jeu.
C’est pourquoi, elle a recours au français (le plus souvent)
et parfois l’arabe classique. Mais elle incite les élèves à
s’exprimer en espagnol surtout lorsque celles-ci bégaient en
français : « parlez espagnol » dit-elle. Pendant le cours, lors
de l’échange entre enseignant et élèves, elle fait appel au
français ou à l’arabe classique lorsqu’il s’agit de quelque
chose d’intime ou de personnel. De même que les échanges
entre élèves se font en français ou en arabe dialectal pour
l’explication.
En fait, pour éviter d’avoir recours au français pendant le
cours de grammaire, l’enseignante prend des situations de
la vie quotidienne pour arriver à leur faire comprendre
toujours en espagnol et sans alterner. Pourtant, nous
verrons que les observations en classe, attestent du
contraire.
L’enseignante D enseigne l’allemand depuis 27 ans.
Pendant l’entretien, elle nous fait part du fait qu’ayant
affaire à deux classes différentes, elle adopte deux méthodes
différentes. Pour une classe, elle enseigne l’allemand par
l’allemand et pour une autre, elle a recours au français. Elle
justifie cela par rapport au niveau. En réalité, elle considère
que ce va et vient entre les langues est indispensable car
cela fait gagner du temps. Le recours au français est parfois
nécessaire, surtout en grammaire. En outre, elle fait
remarquer que pendant son cours, lorsqu’elle a affaire à du
concret, elle explique par les gestes et les mimiques alors
qu’en présence de l’abstrait, elle est obligée de recourir au
français ou à l’arabe. Elle confirme, par ailleurs, le fait que
les élèves qui préconisent le recours au français et non à
l’arabe pour la traduction sont berbérophones ; « elles font
des grimaces, c’est épidermique » dit-elle. En d’autres

63
termes, l’arabe est rejeté car « il n’y a pas de professeurs qui
font aimer la langue ». Elle précise également que parfois ce
sont les élèves qui sont les initiateurs du changement de
langues : « comme elles ne comprennent pas, je les donne en
français » (les exemples). C’est ainsi que sur le plan
grammatical : les déclinaisons, les verbes irréguliers sont un
obstacle pour les élèves « cela les rebute ». Aussi a-t-elle
recours à l’arabe pour leur expliquer ou pour leur faire
comprendre. En somme, comme cette structure n’existe pas
en français, elle est obligée de recourir à l’arabe. En
définitive, dans la mesure où l’élève ne possède pas encore
tous les mécanismes de la langue, elle a recours à d’autres
langues « même le kabyle pour celles qui prononcent bien
puisque certains sons existent dans cette langue ».
Finalement cet entretien a permis de développer et de
vérifier certaines réponses figurant sur le questionnaire. En
effet, cette enseignante n’hésite pas à affirmer qu’il faut
autoriser et développer l’usage d’une autre langue dans un
cours de langue étrangère. Elle veut faire de la classe un
espace plurilingue.
Pour aborder les pratiques de la classe de LV2 dans la filière
Lettres et Langues étrangère, nous avons également eu
recours à un corpus dont les informateurs sont constitués
de quatre enseignants. Chaque enseignant est représenté
par une lettre alphabétique.

L’âge :
A 50 ans - enseignante d’anglais
B 50 ans - enseignante d’anglais
C 36 ans - enseignante d’espagnol
D 49 ans - enseignante d’allemand

Le sexe : Féminin

64
Formation :
A et B ont une licence d’anglais
C a une licence d’espagnol
D a une licence d’allemand

Expérience dans l’enseignement de l’anglais :


A : 28 ans
B : 29 ans

Expérience dans l’enseignement de l’espagnol :


C : 12 ans

Expérience dans l’enseignement de l’allemand :


D : 27 ans

Compétences en langues :

Les langues parlées (compétence active déclarée) :


Enseignants Bien Moyennement Pas du
tout
Arabe d i a l e c t a l Arabe classique Berbère
A
Français
Français Arabe dialectal 
B Arabe classique
Berbère
Arabe dialectal 
Français
C
Arabe classique
Berbère
Arabe dialectal  Berbère
D Français
Arabe classique

65
Les langues comprises (compétence passive déclarée) :
Enseignants Bien Moyennement Pas du
tout
Arabe d i a l e c t a l Arabe classique Berbère
A
Français
Arabe classique Berbère
B Arabe dialectal 
Français
Arabe dialectal 
Français
C
Arabe classique
Berbère
Arabe dialectal 
Français
D
Arabe classique
Berbère

Concernant les compétences en langues et plus précisément


la connaissance active des quatre langues on peut faire les
observations suivantes :
- L’enseignante A parle bien l’arabe dialectal et le
français mais moyennement l’arabe classique et
pas du tout le berbère.
- L’enseignante B s’exprime bien en français mais
moyennement en arabe classique, en arabe
dialectal et en berbère.
- L’enseignante C, quant à elle, parle bien dans les
quatre langues.
- L’enseignante D, enfin, parle bien l’arabe
classique, l’arabe dialectal et le français, mais
moyennement le berbère.
En somme, on constate que c’est le français qui apparaît en
première position puisque dans tous les cas, il est « bien »
parlé par l’ensemble des enseignantes.

66
Concernant la connaissance passive des quatre langues, on
obtient les réponses suivantes : 
- L’enseignante A comprend bien l’arabe dialectal
et le français, moyennement l’arabe classique
mais pas du tout le berbère.
- L’enseignante B comprend bien les trois
langues : AC, AD, FR mais moyennement le
berbère.
- Les enseignantes C et D comprennent bien les
quatre langues.
C’est donc toujours le français qui reste en position de force
puisqu’il est bien compris par les quatre enseignantes. Est-il
nécessaire de signaler que celles-ci font parties de la
génération de ceux ou celles que l’on qualifiait de
francophones et qui ont subi à l’époque un enseignement
bilingue. Elles sont issues de l’école bilingue, bien avant la
mise en place de l’école fondamentale qui sera totalement
arabisée.

Langues déclarées utilisées avec les interlocuteurs suivants :


La mère Le père Les Les Les Les
sœurs frères amis voisins
A AD AD AD AD AD AD
FR FR FR FR

B AD AD AD AD AD AD
FR FR FR FR FR
C AD AD AD AD AD AD
B FR FR FR B B
FR FR FR
D AD AD AD AD AD AD
B FR FR FR

Lorsque nous examinons ce tableau, nous obtenons les


résultats suivants, quant à la répartition des langues selon le
paramètre interlocuteurs.

67
Les quatre enseignantes utilisent l’arabe dialectal, langue
maternelle, avec l’environnement familial mais également
avec l’environnement amical.
Chez l’enseignante A, le français n’est jamais utilisé avec le
père et la mère, en revanche, il est employé avec tous les
autres interlocuteurs mais en alternance avec l’arabe
dialectal.
L’enseignante B fait un usage du français avec tous les
interlocuteurs sauf avec la mère.
L’enseignante C utilise concurremment le berbère et le
français avec la mère, les amis et les voisins mais emploie le
français en alternance avec l’arabe dialectal, avec le reste
des interlocuteurs.
L’enseignante D semble utiliser le principe de
l’accommodation verbale puisqu’elle choisit l’arabe
dialectal ou le français ou le berbère selon son interlocuteur.
Ce que l’on constate par ailleurs c’est que arabe dialectal et
berbère sont ses deux langues maternelles. Le français n’est
utilisé qu’avec les frères, les amis et les voisins.
Nous remarquons donc que selon les interlocuteurs, le
français est toujours utilisé mais concurremment avec
l’arabe dialectal. Il n’est jamais utilisé de manière exclusive.
En fait, il se manifeste avec quatre interlocuteurs chez
l’enseignante A, avec cinq interlocuteurs chez l’enseignante
B, avec six interlocuteurs chez l’enseignante C, et enfin, avec
trois interlocuteurs chez l’enseignante D. Autrement dit, on
peut dire que le français apparaît de manière récurrente.

Langues déclarées utilisées avec les collègues toutes matières


confondues :
A B C D
français arabe dialectal arabe dialectal arabe
arabe dialectal français français dialectal
kabyle français

68
Langues déclarées utilisées avec les collègues d’anglais.
Pourquoi ?

A B C D
français arabe dialectal arabe arabe
anglais français français français
anglais

Bonne maîtrise Ces trois langues Aucune maîtrise Aucune


des deux représentent un de l’anglais réponse
langues moyen de
Langues du communication
travail indéniable

Recours à une autre langue que l’anglais pendant le cours :

A B C D
français Aucune Français et arabe Arabe et
C’est la langue Amener ses Pour faciliter la français
que je maîtrise élèves à penser compréhension Pour
le mieux ; c’est uniquement m’assurer
la plus proche dans cette que l’élève
de la langue langue à tout
anglaise du (l’anglais) compris.
point de vue
de ses
caractères
latins

69
Utilisation déclarée d’une autre langue par les élèves pendant le
cours :

A B C D
Oui, Aucune Français arabe/ français
français / arabe

Traduction Traduction Traduction


explication. explication explication
Certains élèves
sont incapables
de s’exprimer
en français ou
en anglais.
Pour sortir, par
exemple, elles
nous le
demandent en
arabe.

Les textes officiels concernant l’apprentissage d’une langue


étrangère vous permettent-il d’utiliser une autre langue
pendant le cours pour n’importe quel objectif
pédagogique ?
A cette question, l’enseignante C a répondu « non » sans
aucune justification. Quant aux enseignantes A, B, D, elles
ont répondu comme suit :
L’enseignante A : oui et non. Oui, pour la prononciation en
particulier car certains sons, certaines syllabes se
ressemblent d’une langue à une autre. Elle dit clairement
que selon les textes tout le cours doit se dérouler en anglais
mais je ne peux en tenir compte.
L’enseignante B a été catégorique. Elle a répondu « oui »
mais seulement et seulement s’il s’agit de s’exprimer sur un
sujet donné mais jamais pour une explication.

70
L’enseignante D a répondu « oui » mais en précisant que la
langue qui doit être utilisée est l’arabe puisque c’est la
langue de la traduction selon les instructions officielles ; elle
dit que c’est : « pour expliquer et parfois pour traduire afin
que les élèves puissent tout comprendre ». Or, au cours
d’un « entretien » avec cette enseignante, cette dernière a
précisé que les élèves refusent de faire l’exercice
thème / version en recourant à l’arabe. Elles préfèrent le
faire en utilisant le français. Autrement dit, lorsqu’il s’agit
de traduire de l’allemand à l’autre langue : l’arabe ; elles
insistent fortement pour que la langue cible soit le français
et non l’arabe.
D’après vous faudrait-il : autoriser, développer, limiter,
l’utilisation d’une autre langue (AC, AD, B, FR) dans le
cours de langue étrangère et pourquoi ?
A cette question, les enseignantes A, C, D sont unanimes
pour reconnaître qu’il faut autoriser et développer
l’utilisation d’une autre langue.
L’enseignante A considère qu’il faut autoriser l’utilisation
du français, de l’arabe dialectal, de l’arabe classique et du
berbère. Ce qui « permet d’accélérer l’apprentissage de la
langue que nous enseignons. Quand l’élève a compris le
sens du mot enseigné en anglais dans sa langue maternelle,
il le retient plus vite. Cela contribue à l’apprentissage d’une
diversité de langues, détend l’atmosphère de la classe et
permet à un plus grand nombre d’élèves de participer au
cours ». Cette enseignante est donc convaincu que le
recours à une autre langue -même la langue maternelle- ne
peut être que bénéfique dans l’apprentissage d’une langue
étrangère.
L’enseignante C approuve l’utilisation de l’arabe classique,
du berbère et du français dans son cours car selon elle « il
faut avoir recours à une autre langue pendant la séance
d’espagnol car l’enseignement des langues étrangères en
Algérie se fait avec un bout de craie, il n’y a pas de
méthodes audio- visuels ». Autrement dit celle-ci insiste sur
les méthodes d’enseignement qui sont obsolètes, trop
traditionnelles.

71
L’enseignante D est également d’accord pour utiliser toutes
les langues dans son cours car elle ne conçoit pas de le faire
sans avoir recours à une autre langue c’est pourquoi elle
souligne : « je suis contre le fait d’enseigner une langue
étrangère sans avoir recours à la traduction. Sinon il
faudrait mobiliser de gros moyens didactiques (labo de
langues, images, cassettes) ». Elle met donc l’accent sur
l’importance des méthodes dans l’apprentissage d’une
langue étrangère.
En définitive, à la lecture des différentes réponses suggérées
par ces quatre enseignantes, nous arrivons aux conclusions
suivantes :
Parmi les enseignantes d’anglais, nous relevons le fait que
l’enseignante B est catégorique sur tous les plans. Elle
estime que seule la méthode directe dans l’apprentissage
d’une langue étrangère est efficace. Elle n’admet pas
l’emploi d’une autre langue dans son cours puisque dit-
elle » je dois amener mes élèves à penser uniquement dans
cette langue ». Nous verrons que ces dires seront confirmés
lorsque nous aborderons les résultats des entretiens.
Les autres enseignantes, en revanche, admettent l’emploi
d’une autre langue pendant leur cours pour faciliter la
compréhension, pour expliquer, pour s’assurer que les
élèves ont tout compris. Nous remarquons que les deux
langues qui partagent la classe de LV2 sont le français et
l’arabe sans préciser toutefois s’il s’agit du dialectal ou du
classique. Elles reconnaissent, en outre, que certains élèves
ont recours à une autre langue que la LV2 lorsqu’il s’agit de
leur traduire ou de leur expliquer.
Concernant les textes officiels et la position de ces
enseignantes quant à l’utilisation d’une autre langue
pendant le cours de LV2, nous relevons le fait que les avis
sont partagés. En effet, certaines sont formelles : elles
répondent « non » mais sans donner d’explication. D’autres,
par contre, estiment que c’est permis à partir du moment où
le recours à une autre langue contribue à expliquer, à
traduire donc à faire progresser le cours. L’enseignante B
met l’accent sur un aspect important de la question. Pour

72
elle, le recours à une autre langue pourrait aider l’élève à
s’exprimer sur un sujet de discussion donné. Dans ce cas-là,
elle tolère l’usage du français. Sinon, il n’est pas question
d’y avoir recours pour une explication venant de sa part ;
elle emploiera uniquement l’anglais.

2. 2. Enquêtes à Bourouba (Assia Lounici)


Les lycées où nous avons mené notre investigation sont
situés à l’est d’Alger, précisément dans la commune de
« Bourouba ». Cette commune se caractérise par une très
forte misère sociale. Elle est donc socialement significative
et les personnes qui y vivent sont conscientes de cela.
Néanmoins, précisons que notre enquête s’est déroulée
dans deux lycées différents de la commune, cette différence
va nous permettre d’introduire une différenciation
significative elle aussi.
En effet, nous avons choisi deux quartiers de cette
commune, le premier est le quartier de « Bachdjarah », que
nous identifierons désormais comme Q1, et le second est le
quartier qui porte le nom de la commune « Bourouba », que
nous identifierons désormais Q2. Ces quartiers sont
différents par la différence de la donnée socio-économique
de leurs habitants. En fait, Q1 compte en son sein un îlot,
une cité où habitent exclusivement des cadres25, les enfants
de ce quartier vont dans le lycée où nous avons interrogé la
classe de Terminale S.
Le Q2 est un quartier populaire et populeux, caractérisé par
une forte densité de population, un taux de chômage élevé
et un habitat précaire.
C’est par rapport à cette différence, dont nous connaissions
l’existence, que nous avons choisi la répartition des lycées.
Nous avons donc supposé que ceci allait induire des
comportements et des représentations particuliers liés à
cette particularité sociale. L’analyse des données recueillies
nous permettra de constater que nos hypothèses ne sont pas
tout à fait justes.

73
Enfin, signalons que la démarche adoptée procède par
groupe de questions (données générales et environnement
sociolinguistique des informateurs) quand cela est possible,
et question par question par la suite. Notre objectif a été
également de faire croiser les différentes réponses des
mêmes informateurs, mais aussi les réponses des
informateurs entres eux.
2.2.1. Analyse quantitative et qualitative des résultats obtenus en
terminale Sciences
Sur les questionnaires26 rendus par les élèves de la
terminale Sciences, 10 informateurs viennent du Q2, 06 du
Q1 et 3 viennent des localités avoisinantes. Parmi eux, 15
sont des filles et 5 des garçons. Cet écart visible entre le
nombre de garçons et de filles est assez commun dans les
établissements scolaires algériens, notamment les lycées et
surtout en classe de Terminale. Ce sont les filles qui,
généralement, vont jusqu’au bout du cursus scolaire27
L’âge de ces informateurs varie entre 16 et 18 ans, avec une
majorité d’élèves qui ont 18 ans (10 informateurs), 7 qui ont
17 ans et 2 qui ont 16 ans. Ce dernier cas étant exceptionnel,
l’âge “ordinaire” en Terminale est bien de 18 ans, si l’on
compte que la scolarité obligatoire débute à 6 ans et que le
cursus pour arriver en Terminale dure 12 années.
Relevons, enfin, le statut social des parents de nos
informateurs, ce qui sans doute nous renseignera sur
l’environnement linguistique dans lequel ils évoluent : 1
informateur ne déclare pas la profession de ses parents, ni
d’ailleurs le nombre de frères et sœurs28. Deux informateurs
ont un père chômeur et une mère qui travaille. Pour le reste,
10 informateurs déclarent que leur mère est sans profession,
6 d’entres eux vienant du Q2. D’après les professions
déclarées, les informateurs paraissent évoluer dans un
milieu familial, et socio-économique, favorable. Les parents
sont instruits, la plupart universitaires et occupants des
postes de cadres (architecte, professeur, ingénieur, P.D.G.,
notaire...). Il n’y a que les informateurs 1S (père menuisier et
mère sans profession) et 11S (père chauffeur, mère sans
profession) qui soient de ce point de vue un peu à part.

74
Nous allons essayer de voir si ceci a un impact particulier
sur leurs pratiques et leurs rapports aux langues.
Pour finir avec ce premier groupe de questions, précisons
que les familles dont sont issus les informateurs sont à
classer dans la catégorie « famille nombreuse », car ils ont
souvent plus de 3 enfants (entre 4 et 10 enfants) et ceci
parallèlement au haut niveau d’instruction que nous avons
relevé.
Données sociolinguistiques
Il se dégage à travers l’observation des réponses données
que 3 informateurs ne répondent pas à la question « quelles
sont les langues parlées en Algérie ? », les informateurs 14S
et 7S. Il semble que ce désintérêt n’ait pas un sens précis (à
part l’éventuelle incompréhension des questions). 14S
répond aux questions précédentes et celles qui suivent,
tandis que 7S a choisi apparemment ne pas s’identifier
puisqu’il ne répond ni aux questions du groupe « données
générales » ni a ce second groupe de questions. Chez
l’ensemble des autres informateurs ce sont l’arabe, le
français et le kabyle qui sont les langues les plus parlées en
Algérie. En chiffres bruts, les réponses se répartissent
comme suit :
- 10 informateurs déclarent l’arabe comme seule
langue en Algérie
- 5 informateurs déclarent que l’arabe, le kabyle et
le français sont les trois langues pratiquées en
Algérie.
- 1 informateur dit que seuls l’arabe derdja et le
kabyle sont pratiqués.
- 1 informateur déclare que ne sont pratiqués que
l’arabe derdja et le français.
- 1 informateur pense qu’en Algérie est pratiqué
un « langage spécial ».
- 2 ne répondent pas.

75
Certains ajoutent un qualificatif à l’arabe, dans le but sans
doute de le distinguer de l’arabe classique / standard.
Souvent, c’est « arabe derdja » ou « arabe dialectal » ; une
fois seulement cet arabe est « algérien ». Un informateur, 3S,
ajoute à ces trois langues, la pratique d’une langue qu’il
appelle « houma »29. Réponse confirmée à la question
suivante (langues parlées au quartier), car l’informateur ne
déclare pratiquer qu’une langue qu’il nomme « langage
spécial ». Cet informateur (3S) est issu de Q2 où,
effectivement, on peut constater la pratique d’un arabe local
différent de l’arabe dialectal commun.
A la question suivante, langues pratiquées dans le quartier,
15 informateurs précisent que la langue du quartier est
exclusivement l’arabe derdja, 2 ne se prononcent pas peut-
être parce qu’ils pensent y avoir répondu dans la question
précédente et qu’entre l’Algérie et leur quartier il n’y avait
pas de différence.
Enfin, 2 informateurs déclarent qu’à côté de l’arabe derdja
on pratique le français dans le quartier, il s’agit des
informateurs 16S et 17S. L’informateur 17S n’appartient ni
au Q1 ni au Q2, il est de la commune de « Birkhadem ».
Nous n’avons pas de précisions sur le quartier exact d’où il
vient ni des langues qui y sont parlées, mais beaucoup de
quartiers de cette localité sont résidentiels.
Par contre, l’informatrice 16S est issue du Q1. Nous l’avons
précisé plus haut Q1 est un quartier qui compte une cité de
cadres30.
Aux questions liées au sens que donnent les informateurs
aux concepts « langue maternelle » / « arabe dialectal »
/ « arabe classique », les réponses apparaissent comme
suit :
Pour langue maternelle, nous avons obtenu trois types de
réponses : 9 informateurs ne répondent pas à la question,
peut-être parce qu’ils ne savent pas comment y répondre.
En effet, les deux autres types de réponse obtenus
confirment cette supposition . 7 informateurs donnent
directement des noms de langue (berbère/arabe/derdja)

76
pensant que la question les interroge sur leur langue
maternelle. 4 informateurs, seulement, expliquent le sens
qu’ils donnent au concept langue maternelle puisque nous
avons ces réponses : « langue originale », « langue des
racines », « langue de l’entourage depuis la naissance ». Un
informateur (10S) la caractérise même comme une « langue
étrangère ». Nous ne pouvons donner un sens à cette
qualification qu’en observant les réponses qui suivent
immédiatement. En effet, 10S défini l’arabe classique comme
« la langue des pays arabes » et l’arabe algérien comme « la
langue du peuple algérien », plus loin l’arabe derdja est
qualifié de « langue de mon pays ». On comprend aisément
que chez cet informateur le concept de langue maternelle ne
renvoie à rien dans son esprit. L’association est faite entre
pays / langue, apparemment il ne saurait y avoir pour lui
une quelconque autre association.
Pour arabe classique : 7 informateurs s’abstiennent de
répondre, souvent ceux qui n’ont pas répondu à la question
précédente. 4 informateurs l’associent à l’école, puisque
pour eux c’est la langue utilisée « avec les prof », « au
lycée » ou « la langue de l’école ». Pour le reste, c’est une
« officielle », « nationale » ou « d’administration ». 2
informateurs, enfin, la définissent comme « la langue du
Coran ». Même s’ils ne sont que deux à avoir répondu ainsi,
on voit bien que l’amalgame entre langue et religion
continue à être fait : l’arabe classique acquiert ainsi un
caractère quasi « divin » du fait d’être la langue du texte
coranique.
Pour l’arabe dialectal : 10 informateurs s’abstiennent de
donner une réponse à cette question, peut-être parce qu’elle
n’est officiellement pas reconnue et socialement peu
valorisante. En effet, l’arabe dialectal n’est objet d’aucun
enjeu politique31, elle ne correspond ni à une classe sociale,
ni à une classe intellectuelle particulières. Les réponses des
10 autres informateurs nous confirment cette hypothèse.
Même si elles ne sont pas dévalorisantes, les représentations
associées à l’arabe dialectal limitent bien son champ
d’usage. Elle est une « langue facile », « courante »,
« simple », « parlée tous les jours », c’est une « langue

77
courante » et de « communication » : c’est simplement en
tant que langue de communication quotidienne que cette
langue est envisagée.
Langues parlées / langues comprises
Les informateurs devaient apprécier leurs compétences
linguistiques (en pratique et en compréhension) dans les
quatre langues utilisées en Algérie. Cela se présente ainsi :
arabe classique :
7 informateurs déclarent avoir une bonne maîtrise de
l’arabe classique en pratique et en compréhension, il
n’y a pas d’écart dans les réponses.
11 informateurs déclarent la maîtriser moyennement,
mais 07 d’entres-eux déclarent la comprendre
moyennement puisque 4 estiment qu’ils la
comprennent bien.
2 informateurs déclarent ne pas du tout parler cette
langue. L’un avoue pourtant la comprendre bien (3S),
l’autre affirme qu’il ne la comprend que
moyennement.
En réalité, ce qui semble paradoxal c’est cette majorité
d’informateurs qui déclare une compétence moyenne
(et même absente) de l’arabe classique. En effet, il
semble étrange qu’ayant accumulé 12 années
d’apprentissage exclusif de l’arabe (elle est langue
enseignée et langue d’enseignement en même temps)
la pratique ne soit que moyenne. De toutes les façons,
si tel est le cas, c’est qu’il y a défaillance quelque part.
français :
12 informateurs déclarent que leur pratique du
français est bonne, il n’y a pas d’écart avec leur
déclaration concernant la compréhension. Le nombre,
on le voit bien, est déjà plus élevé que celui des
informateurs déclarant bien maîtriser l’arabe
classique.

78
8 informateurs déclarent la pratiquer moyennent et la
comprendre moyennement. En revanche, aucun
informateur ne déclare une méconnaissance totale de
cette langue (comme c’était le cas pour l’arabe
classique) alors que le nombre d’années et d’heures
par année d’enseignement du français sont de loin
inférieurs à ceux de l’enseignement de l’arabe.
kabyle :
6 informateurs déclarent parler et comprendre le
kabyle. Il s’agit d’informateurs pour qui c’est la langue
maternelle. Mais 2 seulement avaient inscrits dans la
case « langue maternelle » « le berbère » (2S et 16S).
L’informateur 1S parle de « langue originale »
sûrement pour dire « langue des origines”.
Elle n’est pour 10 informateurs pas du tout pratiquée,
2 d’entres eux déclarent néanmoins la comprendre
moyennement. Enfin, pour 4 informateurs elle n’est
que moyennement parlée mais souvent bien comprise.
Notons que 2 informateurs (5S et 15S) ne répondent
pas à la seconde partie de la question (langues
comprises), c’est également ceux là qui ne répondent
pas aux questions précédentes (lange
maternelle/arabe classique/ arabe dialectal). Mais
nous avons obtenu d’eux une réponse pour « langues
parlées », peut-être parce que pour ces informateurs la
pratique et la compréhension vont de pair.
Enfin, dernière remarque concernant le kabyle, il
s’avère que 50% des informateurs sont berbérophones,
puisque la moitié pratique et comprend le kabyle.
derdja :
Pour l’ensemble des informateurs la langue « arabe
derdja » est une langue bien parlée et bien comprise,
même si ce n’est pas la langue maternelle de quelques
uns. Elle se présente comme une forme véhiculaire
largement présente dans la société algérienne.

79
Compétences en lecture
14 informateurs répondent « oui » à la question « lisez-
vous ? », 4 parmi eux disent lire « des revues et
magazines », les autres disent lire « des livres » et
« des romans ». Par contre, 6 disent ne pas lire du tout.
A la question « lisez-vous les journaux ? » 18
informateurs disent « oui ». 1 informateur dit ne pas
lire (7S) et un autre (8S) déclare lire « un peu » les
journaux.
Enfin, à la question « dans quelle langue lisez-vous ? »,
10 informateurs, donc la moitié, déclarent lire
exclusivement en français, 2 déclarent lire
exclusivement en arabe et 7 disent lire dans les deux
langues.
Puisque, excepté un informateur qui ne répond pas,
tous donnent la langue dans laquelle ils lisent, même
ceux qui avaient déclaré ne pas, ou peu, lire, il semble
que les informateurs ont associé la question avec celle
qui la précède directement (« lisez-vous les
journaux ? ») car c’est là où nous avons obtenu un
maximum de réponses positives32. C’est probablement
ce qui explique qu’on ait eu une quasi totalité de
réponses.
Ce sont là des compétences déclarées, mais il est
justement intéressant d’observer que la moitié des
informateurs disent lire en français, plus ceux qui
lisent dans les deux langues et qui ont donc une
certaine maîtrise du français33. Seulement 2 disent lire
en arabe exclusivement, ce qui constitue une autre
information pertinente dans la mesure où tous les
informateurs ont été scolarisés longtemps et
exclusivement en arabe.
Langues utilisées avec l’entourage
3 informateurs ne répondent pas à cette question.

80
8 disent avoir l’arabe dialectal et 04 disent avoir le
kabyle comme langues maternelles.
5 informateurs déclarent deux à trois langues
maternelles. 4 d’entres eux disent qu’à côté de l’arabe
et du kabyle, ils ont le français comme langue
maternelle.
11 informateurs, qui n’évoquent pas du tout
auparavant la langue française, déclarent pourtant la
pratiquer avec parents, amis et frères et sœurs.
1 informateurs (16S) dit avoir l’arabe classique, le
kabyle et le français comme « langues maternelles »,
sachant qu’à aucun moment dans les pratiques qu’il
déclare n’apparaît l’usage de l’arabe classique.
Notons que cet informateur avait catégorisé l’arabe
classique comme « langue nationale ». Un second
informateur (9S) déclare l’arabe classique comme
langue maternelle, mais dans toutes les situations et
avec tout le monde il déclare n’utiliser que l’arabe
dialectal, y compris à l’école alors qu’il avait
catégorisé -dans les questions précédentes, l’arabe
classique comme « la langue de l’école ».
Avec l’entourage familial et social, la pratique
plurilingue semble dominante34. L’usage exclusif du
français avec la mère est déclaré par deux
informatrices (2S et 18S), la mère est dans les deux
cas enseignante de français.
Une informatrice (6S) déclare l’arabe dialectal langue
maternelle mais déclare pratiquer le kabyle avec les
parents ce qui pourrait dénoter une attitude de
dénégation vis-à-vis de ce qui semble être
effectivement la langue « maternelle ». Elle déclare,
enfin, utiliser le français avec les amies et les
enseignants.
Dans l’entourage scolaire, seulement 3 informateurs
disent pratiquer uniquement l’arabe dialectal. Tous
les autres admettent le plurilinguisme comme règle

81
d’usage. Notons que c’est uniquement dans la sphère
scolaire qu’apparaît l’usage de l’arabe classique, par
ailleurs déclarée « langue de l’école ».
Enfin, s’il y a une langue qui semble ne pas avoir
accès à l’école dans les déclarations des informateurs,
c’est le kabyle.
Langues utilisées en classe
10 informateurs déclarent utiliser l’arabe derdja en
classe, tous donnent comme argument le fait qu’elle
soit « la langue la plus courante » et qu’elle est « la
plus utilisée par tout le monde ». L’informateur 5S,
par exemple, déclare que c’est l’arabe derdja qui est
employée en classe avec les camarades car « l’arabe
classique est difficile » et qu’il est « plus habitué au
français ». Cette réponse implicite concernant
l’utilisation du français en classe est révélatrice d’une
pratique répandue, même si elle n’est pas toujours
reconnue. De plus, la représentation à l’égard de
l’arabe classique est négative, car la langue est
considérée comme étant plus difficile que le français.
Nous avons maintes fois relevé ce paradoxe de l’école
arabisée qui n’est pas arrivée à former des élèves
ayant la capacité de s’exprimer aisément en arabe
classique.
3 informateurs disent utiliser « l’arabe » en classe, le
fait qu’il ne le désignent pas spécifiquement (dialectal
ou classique) pourrait supposer qu’il s’agit du
classique, mais il n’en est rien, car à la question
« pourquoi ? » ils répondent « plus courante » ou
« parlée par la majorité ».
1 informateurs, par ailleurs, déclare utiliser en classe le
français et l’arabe dialectal parce que « tous le monde
parle les deux langues, elles sont faciles ».
Mais, les réponses les plus surprenantes sont celles de
8S et 15S qui, respectivement, déclarent sont « tout
sauf fusha35 » et « kabyle arabe et français ».

82
Si le premier ne justifie pas sa réponse, on croit y lire
néanmoins un rejet de l’arabe classique dénommé
« fusha ». Pour le second la justification qu’il donne est
la suivante « notre culture est attachée à chacune de
ces langues ». Cette explication paraît ne pas être
appropriée à la question (langues utilisées en classe)
mais elle probablement est un moyen par lequel
l’informateur utilise pour exprimer une attitude
positive à l’égard des trois langues qui sont
culturellement significatives pour lui, et par là même
son rejet de l’arabe classique.
Evaluation des compétences scolaires en langues
en anglais :  4 informateurs situent leurs notes entre
16 et 181, 12 informateurs situent leurs notes 12 et 15
sur 20, 2 informateurs situent leurs notes entre 9 et
11, 2 disent avoir entre 5 et 8.
en français : 5 informateurs disent avoir entre 16 et
18, 13 informateurs disent avoir entre 12 et 15, 2
informateurs disent avoir entre 9 et 11
en arabe : 1 informateur dit avoir entre 16 et 18, 6
informateurs disent avoir entre 12 et 15, 11
informateurs disent avoir entre 9 et 11, 2
informateurs disent avoir entre 5 et 8.
A travers ces résultats, nous pouvons proposer les analyses
suivantes :
- Les compétences déclarées en langue arabe sont
majoritairement moyennes, puisque 11
informateurs déclarent que les notes qu’ils ont
oscillent entre 9 et 11. 2 déclarent même avoir
des compétences relativement faibles car leurs
notes varient entre 5 et 8. Encore une fois, cela
paraît bien paradoxal, car les compétences
attendues chez des élèves qui ont 12 années

1
Les notes sont sur 20.

83
d’apprentissage de l’arabe. Une pratique
exclusive de l’arabe, en effet, domine le système
éducatif algérien mais certains informateurs
déclarent être meilleurs en anglais, langue
étrangère enseignée uniquement quatre années
avant la terminale.
- Les compétences déclarées en anglais sont
bonnes puisque la majorité des informateurs (16
d’entres eux) dit avoir des notes qui varient
entre 12 et 18.
- Les compétences déclarées en français semblent
les plus intéressantes pour l’analyse. En effet, 13
informateurs déclarent de bonnes compétences
en français (entre 12 et 15), 5 disent avoir
d’excellents résultats puisque les notes qu’ils ont
oscillent entre 16 et 18. 2 seulement avouent
qu’ils sont moyens (ils ont entre 9 et 11).
Aucun informateur, nous le voyons bien, ne considère qu’il
a une faible compétence en français, même ceux qui dans
les questions précédentes ont reconnu ne pas l’utiliser. En
réalité, il semble qu’il y ait une évaluation positive chez
tous les informateurs à l’égard du français, qui a un prestige
certain, et de l’anglais en second lieu. Quant à la langue
arabe, les notes moyennes déclarées dénotent plutôt de son
rejet et de la restriction de son champ d’usage : c’est parce
que c’est une langue utilisée uniquement à l’école, imposée
et sans prestige social que les informateurs semblent ne pas
s’inquiéter de sa non maîtrise.
Langue préférée
-les langues maternelles : 2 informateurs déclarent
préférer la langue « berbère » et donnent comme
argument que c’est « la langue maternelle » et celle
des « ancêtres ». 4 informateurs disent préférer
l’arabe (une fois seulement nommé « derdja »). Là
aussi ce sont des considérations liées à l’identité
linguistique qui sont avancées : « langue

84
maternelle », « tout le monde la parle », « langue de
mon pays ».
-l’anglais : 5 informateurs donnent la préférence à
l’anglais et là ce sont des arguments qui
s’apparentent à des représentations positives et
valorisantes. En fait, ce sont des représentations
partagées qui associent l’anglais à la technologie et à
la science ; c’est aussi parce qu’elle est considérée
comme la « première langue du monde », « langue
internationale ». A ces valeurs d’universalité et de
scientificité s’ajoutent des valeurs affectives (« je
l’aime », « beau », « m’inspire ») qui ne font que
confirmer ces représentations positives.
-le français : 5 informateurs préfèrent le français.
Tout comme pour l’anglais, le français semble jouir
d’un statut valorisant chez les locuteurs, avec une
différence cependant. En effet, y sont associées des
valeurs d’universalité (« langue universelle »,
« langue internationale ») de prestige (« plus
classe », « plus adéquate pour s’exprimer ») mais pas
du tout de valeurs affectives : aucun informateur ne
dit « aimer » la langue française, contrairement à
l’anglais. Par ailleurs, c’est la seule langue pour
laquelle on déclare des valeurs de compétence : « je
la maîtrise », « je la parle bien ». Peut-être encore une
fois ceci est lié au prestige social associé à la maîtrise
et à la pratique de la langue française en Algérie.

Langues utilisées en classe de langue étrangère


Comment pouvons-nous analyser les réponses que nous
avons obtenues ? Il nous semble que nous ne pouvons
comprendre les explications que donnent les informateurs
que si nous procédons en deux étapes :
Première étape : Il s’agit d’appréhender les réponses par
langue. Il apparaît ce qui suit :

85
-derdja : 9 informateurs disent l’utiliser en classe de
langue étrangère, 4 disent ne pas l’utiliser et 6 ne se
prononcent pas.
-arabe classique : 4 informateurs disent l’utiliser en
classe de langue, 7 disent ne pas l’utiliser, 8 ne se
prononcent pas.
-kabyle : 8 disent ne pas l’utiliser, 11 ne se
prononcent pas
-français : 16 informateurs déclarent l’utiliser en
classe de langue étrangère, 1 dit ne pas l’utiliser, 3 ne
se prononcent pas.
Il apparaît donc, à première vue, que c’est le français qui
arrive en tête des langues les plus citées en usage, suivie de
l’arabe derdja. Ceux qui disent utiliser le français donnent
principalement l’argument de la proximité entre le français
et l’anglais36 : « le français est plus proche de l’anglais », « le
français est plus proche de l’anglais dans les mots », « seul
moyen pour expliquer les mots ». Un informateur (2S) nous
dit cependant qu’il n’y a usage du français car « ça ne se fait
pas dans les autres langues », le critère est donc évaluatif,
les autres langues n’étant pas admises pour cet informateur.
Ceci marque bien que n’est admis en usage en classe que le
français, le rapport langue/situation d’usage paraît bien
clair : sont donc exclues toutes les autres langues au profit
du français.
Deuxième étape : Après avoir quantifié les réponses par
langue, il s’agit dans cette seconde étape de croiser les
réponses. Ainsi : 
-derdja+français : 8 informateurs disent les utiliser
conjointement.
-arabe classique+français : 4 informateurs disent les
utiliser conjointement
Dans ce cas de figure où l’on déclare que dans la classe de
langue étrangère on utilise l’arabe classique ou derdja avec
le français ce sont souvent des arguments

86
d’utilité / fonctionnalité qui sont avancés : « pour que les
élèves puissent comprendre », « on comprend mieux quand
les mots étrangers sont en arabe ou en français ».
Intéressons nous à cette dernière réponse, il semble que
dans la catégorie « langue étrangère » les informateurs
n’intègrent pas la langue française, car c’est grâce à elle que
l’on accède à la langue étrangère, elle est mise sur un même
pied d’égalité que l’arabe derdja. En fait, les informateurs
n’ont pas conscience que le français soit une langue
étrangère.
Un informateur (1S), par ailleurs, déclare que l’arabe derdja
et le français sont utilisées en classe de langue étrangère car
tous les comprennent et les profs de langue étrangère
parlent français ». D’après ces propos, ce sont les
enseignants d’anglais qui introduisent le français en classe.

2. 2. 2. Analyse quantitative et qualitative des résultats obtenus


en terminale langues étrangères
Tout comme pour les informateurs de la classe précédente,
le lycée concerné par la classe de terminale « langues
étrangères » se situe dans la commune de Bourouba, sauf
que pour cette classe de L.E.37 tous les élèves viennent du
Q2, sauf 12 L.E qui habite le quartier d’El Biar38.
Premier constat lors de l’observation des données générales,
c’est que la classe est composée majoritairement de filles (17
filles et 1 garçon)39. Neuf élèves ont 18 ans, 4 ont 17 ans et 5
ont entre 19 et 20 ans.
Contrairement à la classe précédente, il apparaît que le
niveau socio-économique est plutôt moyen. D’abord, seuls
05 informateurs ont des mères qui travaillent (à l’extérieur)
(2 enseignantes, 1 secrétaire, 1 standardiste et 1 couturière),
donc 13 informateurs ont des mères au foyer. Ensuite, les
professions exercées par les pères sont également, pour la
majorité, des métiers modestes (forgeron, carreleur,
mécanicien, chauffeur...) et dans le meilleur des cas, ils sont
fonctionnaires (agent commercial, assistant, gestionnaire ou

87
directeur d’école). Enfin, 5 informateurs déclarent leur père
au chômage.
Il apparaît donc bien que les élèves évoluent dans un milieu
familial socialement et économiquement moins aisé que
celui des élèves da l’autre classe, issus rappelons le de Q1,
zone habitée par des cadres supérieurs.
Une autre différence concerne le nombre de frères et de
sœurs. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce sont des
familles très nombreuses dont sont issus la plupart des
élèves : 
-10 informateurs ont entre 5 et 9 frères et sœurs.
-4 ont entre 2 et 4 frères et sœurs
-seul 2 informateurs (15LE et 11LE) ont chacun 1
frère.
Cette configuration familiale de type populaire, aux
conséquences économiques lourdes, participe à confirmer
ce que nous disions plus haut, à savoir que l’environnement
socio-économique est plutôt difficile. De plus, ces familles
issues toutes du Q2, attestent bien de la catégorisation que
nous avons effectuée au début de ce travail, concernant ce
quartier : populeux, beaucoup de chômeurs, et habité par
une population aux revenus limités.
Est-ce que ces données vont avoir un impact ou une
influence quelconque sur les réponses que nous attendons ?
Est-ce parce qu’il y a écart dans la catégorisation socio-
économique il y aura écart dans la nature des réponses
entre les élèves de cette classe (Q2) et ceux de l’autre classe
(Q1)? C’est à ces questions que l’examen des réponses qui
suivent aura à répondre.
Langues parlées en Algérie
14 informateurs déclarent que seul l’arabe est parlé en
Algérie, 3 seulement précisent qu’il s'agit de « l’arabe
dialectal » ou « arabe derdja ».

88
3 informateurs notent que l’arabe et le français sont parlées
en Algérie et 1 seul informateur note que l’arabe et le kabyle
qui sont les langues parlées en Algérie.
Langues parlées dans le quartier
16 informateurs, la majorité, déclarent que la langue parlée
dans le quartier est l’arabe. 12 informateurs introduisent la
nuance qu’ils n’avaient pas signalée à la question
précédente : c’est de l’arabe dialectal/derdja qu’il s’agit.
2 informateurs disent pratiquer l’arabe et le français dans le
quartier. Si pour 17LE il n’y a pas d’écart, car à la question
précédente elle avait répondu « arabe et français », donc elle
reconnaissait déjà l’existence du français en Algérie, ça ne
semble pas être le cas pour l’autre informateur. 7LE déclare
que seule la langue arabe est parlée en Algérie mais que
dans son quartier on parle aussi français. Probablement que
cet informateur pensait à « langue officielle en Algérie ».
Ces premiers résultats montrent bien que, contrairement à
la terminale S, les informateurs sont tous arabophones et
évoluent dans un milieu perçu comme exclusivement
arabophone.
Que signifie pour vous : 
-langue maternelle :
Les informateurs devaient expliquer ce que signifiait
pour eux « langue maternelle ». Contrairement à ceux
de la terminale S, il semblerait que la question ait ici
été comprise. En effet, si dans le cas de la 3S nous
avions eu souvent comme réponse les noms des
langues, ce qui nous a laissé supposer que les
informateurs ont compris être interrogés sur leurs
langues maternelles, c’est très peu le cas dans cette
classe.
Seuls 4 informateurs donnent des noms de langue.
Parmi eux, 01 informateur (9LE) mentionne sous
« langue maternelle » l’arabe et précise entre
parenthèses « dialecte ». Cet informateur guide notre

89
lecture afin que nous ne confondions pas avec arabe
« classique ».
Par contre, les 3 autres informateurs (18LE, 4LE et
5LE) disent avoir « l’arabe classique », nommée même
« fusha » (5LE) comme langue maternelle40. Même s’il
s’agit d’un nombre réduit de réponses de ce genre, il
est tout de même intéressant de comprendre pourquoi
on déclare l’arabe classique comme langue maternelle,
alors que nous savons pertinemment qu’elle ne l’est
pour personne. Il nous semble que c’est la
conséquence de représentations que diffuse l’école et
qui présente l’arabe classique comme « la véritable »
langue arabe, celle qui est « proche de notre
personnalité », celle qui « devrait être parlée ».
Rappelons que l’école algérienne s’est fixée comme
objectif, et ce dès la première année de scolarisation41
de « corriger » la langue de l’enfant42. L’arabe dialectal
est considéré implicitement comme une langue
fautive.
Les réponses de quelques autres informateurs, même
si elles ne sont pas aussi directes, attestent de ce que
nous avançons. 5Le parle de « langue des anciens »,
10LE répond que la langue maternelle signifiait « ma
personnalité ».
Par ailleurs, 5 informateurs déclarent que la langue
maternelle c’est « la langue du pays », « parlée dans
tous le pays », « parlée en Algérie » ou alors celle
« que comprennent tous les Algériens ».
L’informateur 2LE considère que c’est « la langue avec
laquelle je communique » qui est la langue maternelle.
On voit bien, à travers ces différentes réponses, que le
sens que donnent les informateurs à « langue
maternelle » ne correspond souvent pas qui est
communément admis.

90
-arabe classique :
Les réponses obtenues pour cette question creusent
encore davantage l’écart ente la terminale S et la
terminale LE. D’abord, 7 informateurs ne répondent
pas à la question, sans qu’il puisse y avoir une
explication quelconque.
Ensuite, et c’est le plus intéressant sans doute, 7
informateurs la déclarent « langue du Coran ». La
dimension religieuse est dans ce cas fortement citée,
c’est aussi l’école qui lie la langue arabe à la religion
musulmane43. Cette désignation est significative et
prestigieuse. C’est pour donner un caractère sacré à la
langue arabe que souvent l’école, les médias
l’associent au texte coranique.
4 informateurs ont des réponses qui se distinguent des
autres :
- 10LE d’abord, qui disait que la langue
maternelle était sa personnalité, affirme que
l’arabe classique c’est « notre langue ». Ce
« notre » s’apparente au « nous inclusif » par
lequel on s’identifie comme appartenant à une
communauté, un groupe partageant les mêmes
valeurs et la même langue, nous y lisons un
sentiment identitaire d’appartenance à la
« umma » (nation) arabe : idée largement
diffusée par l’école.
- 9LE, ensuite, pour qui l’arabe classique est
« présentable », lui qui avait dit que la langue
maternelle c’était « la langue des anciens » (à
comprendre peut-être « ancêtres »). Toujours
est-il que « présentable » s’oppose à ce qui ne
l’est pas. Est-ce l’arabe dialectal qui est visé? Il
faudrait, en effet, comprendre « présentable »
comme « correcte »/ « pure », car souvent
l’arabe dialectal est présentés comme une langue
« fautive », « déformée » et « mélangée ».

91
- 6LE caractérise l’arabe classique comme étant
« la langue de l’école », « celle qu’on parle avec
les profs ». Ce qui sous entend qu’en dehors de
cette situation elle n’est pas du tout en usage.
C‘est ce caractère que l’informateur semble
vouloir mentionner, puisqu’à la question
précédente (langue maternelle) il répond
« langue qu’on parle en Algérie ».
- 2LE, enfin, qui considère l’arabe classique
comme un « surplus ». Il semblerait que
l’informateur ait voulu dire « un plus » et donc
c’est un aspect positif qu’il accorde à cette
langue. Aucune considération négative n’est
décelable dans les autres réponses.
-arabe dialectal :
12 informateurs laissent la question sans réponses, ce
qui est significatif d’un malaise. Concernant les 6
réponses obtenues, elles caractérisent toutes l’arabe
dialectal comme langue de « l’entourage », « du
quartier » ou de la « maison ». 2 informateurs
précisent que c’est « un moyen de communication »
(10LE et 2LE), mais c’est une précision qu’apporte 2LE
qui les distingue. En effet, 2LE précise que l’arabe
dialectal est un moyen de communication mais à
« Alger ». Cet informateur étant le seul à évoquer le
kabyle comme langue parlée en Algérie, il semblerait
qu’il soit berbérophone44, et donc en dehors d’Alger
(en Kabylie) il ne pratique pas l’arabe dialectal.
Evaluation des compétences linguistiques en usage et en
compréhension
Les informateurs devaient apprécier les compétences qu’ils
ont dans différentes langues, tant dans la pratique que dans
la compréhension, sur une échelle qui va du « bien » au
« pas du tout ».

92
-arabe classique :
9 déclarent « bien » parler l’arabe classique mais 14
informateurs déclarent « bien » le comprendre. Ce
petit écart est dû aux informateurs qui disent parler
« moyennement » mais « bien » comprendre, en
revanche, l’arabe classique (8LE, 11LE, 15LE, 4LE,
2LE). 9 informateurs déclarent le parler
« moyennement », mais seulement 4 disent le
comprendre « moyennement ».
Nous constatons qu’il n’y a pas de compétence zéro
déclarée (« pas du tout ») comme ce fut le cas pour la
terminale S. Plusieurs facteurs semblent entrer en
ligne de compte : l’environnement totalement
arabophone dans ce cas, le prestige accordé à l’arabe
classique et la nature de la filière suivie. En effet, c’est
une classe « langues », il est demandé aux élèves une
bonne maîtrise de l’arabe classique, le volume horaire
de la matière « arabe » est plus important ici, le
contenu du programme est différent (plus axé sur la
littérature dans ce cas) et le coefficient de la matière est
plus élevé45.
-français :
8 informateurs déclarent parler « bien » en français,
mais un peu plus —11— déclarent « bien » le
comprendre. 9 informateurs disent parler
« moyennement » en français et 7 déclarent la
comprendre moyennement ». 1 informateur ne répond
pas à la question, il s’agit de 18LE qui déclare comme
seule langue parlée et comprise l’arabe classique.
Certes, ils sont nombreux à bien comprendre le
français, mais il apparaît que les compétences sont
généralement déclarées « moyennes » car, au niveau
de la pratique active, peu d’élèves déclarent le
pratiquer « bien ».
Ces compétences moyennes s’expliquent également à
la lumière de l’environnement social et familial dans

93
lequel évoluent les informateurs. Il semble qu’en
dehors du lycéen peu d’entre eux pratiquent le
français.
-le berbère :
Nous l’avons signalé, aucun informateur ne déclare
avoir pour langue maternelle le kabyle (ou une autre
variété berbère). La plupart des informateurs semble
avoir pour langue d’usage l’arabe dialectal, mais
observons les résultats :
11 informateurs disent ne « pas du tout » parler le
kabyle et 12 disent ne « pas du tout » la comprendre,
et 18LE ne répond pas.
Donc, un informateur, 10LE, dit ne pas du tout
comprendre le kabyle, mais déclare le parler
« moyennement ». Il peut sembler étrange qu’on
puisse déclarer parler (même moyennement) une
langue qu’on prétend ne pas comprendre du tout. Plus
loin dans les réponses, 10LE déclare avoir l’arabe
dialectal comme langue maternelle et n’utiliser que
cette langue dans les diverses situations familiales ou
sociales. On touche là aux limites de déclarations qu’il
faudrait pouvoir approfondir.
1 informateur, 15LE, déclare « bien » comprendre le
kabyle, plus loin dans les réponses il déclare avoir
l’arabe dialectal pour langue « maternelle » et utilise le
kabyle… avec sa mère.
16LE, quant à lui, comprend et parle « moyennement »
cette langue. Pourtant dans les réponses qui suivent il
apparaît que le kabyle est l’une des langues en usage
dans la famille (mère, père frères et sœurs), même s’il
déclare l’arabe dialectal comme langue maternelle.
Enfin, 1 seul informateur, 2LE, déclare « bien » parler
et comprendre le kabyle. C’est d’ailleurs le seul qui la
déclare langue maternelle. Il semble bien que c’est
l’environnement majoritairement arabophone qui a
une influence sur les réponses données.

94
-derdja :
17 informateurs disent « bien » parler l’arabe derdja,
16 disent « bien » le comprendre. 18LE, nous l’avons
dit, ne répond pas et 10LE laisse la case « langue
comprise : derdja » vide, même s’il dit « bien » la
parler. Peut-être parce que pour lui parler une langue
signifie nécessairement la comprendre, et donc la
question lui paraît redondante. Donc, l’ensemble des
informateurs se déclare bon arabophone dialectal, la
derdja semblant être la langue qui domine les usages
de nos informateurs.
Compétences en lecture
17 de nos informateurs disent lire ; seul 8LE répond
par la négative à cette question. Majoritairement, ils
disent lire journaux et romans (10 parmi eux). 3
informateurs déclarent lire uniquement des romans et
3 informateurs disent lire « livres scientifiques et
d’Histoire ». Une informatrice dit lire des « livres
d’Histoire islamique » (3LE), évidement en langue
arabe.
Lisez-vous les journaux? Dans quelle langue ?
La totalité des informateurs déclare lire les journaux
(18). 5 informateurs déclarent lire les journaux en
arabe, 3 disent lire les journaux en français et 10
déclarent lire dans les deux langues. Ces chiffres sont
très différents de ceux que nous avons obtenus pour la
terminale S où 10 informateurs déclaraient lire
exclusivement en français, 2 seulement lisaient en
arabe et 7 dans les deux langues. Ici, ce qui domine
c’est la lecture dans les deux langues et ce qui est
moins fréquent c’est la lecture en français. Bien
évidemment, la lecture en arabe est plus importante.
Rappelons, encore une fois, que l’environnement
immédiat y est pour beaucoup dans les choix
linguistiques.

95
Langues utilisées
-comme langue maternelle :
2 informateurs ne répondent pas. 10 déclarent l’arabe
dialectal comme langue maternelle. 2 informateurs
déclarent l’arabe dialectal et le français comme
langues maternelles (11LE et 1LE). Pour 1LE la
déclaration coïncide avec les pratiques familiales et
sociales. En revanche, 11LE déclare n’utiliser le
français et l’arabe qu’avec « les amies ».
1 informateur déclare l’arabe classique comme langue
maternelle (10LE), il va sans dire que cette langue est
absente des usages familiaux, d’ailleurs l’informatrice
dit ne l’utiliser qu’avec « les enseignants ». Encore une
fois c’est le sens qu’on donne à « langue maternelle »
qui détermine les réponses. Cette informatrice avait
d’ailleurs défini « langue maternelle » comme « ma
personnalité » et l’arabe classique comme « notre
langue » (nationale en Algérie).
Enfin, et dans le même ordre d’idée, un informateur
déclare avoir l’arabe classique et l’arabe dialectal
comme langue(s) maternelle(s), même si elle n’utilise
nulle part l’arabe classique, même pas avec les
enseignants, pour elle, la langue maternelle est la
« langue parlée dans tous le pays ».
Le plurilinguisme semble donc dominer les échanges de nos
informateurs que cela soit au niveau familial ou social.
Nous allons détailler afin de mieux expliquer les résultats.
-avec la mère : 
9 informateurs déclarent n’utiliser exclusivement que
l’arabe derdja. 6 informateurs déclarent utiliser
conjointement l’arabe et le français. 2 informateurs
déclarent utiliser l’arabe, le berbère et le français avec
leurs mères, même si aucun des deux ne déclare le
berbère langue maternelle (15LE et 16LE). 1
informateur (2LE), déclare utiliser le kabyle et le
français avec sa mère, il mentionne le kabyle comme

96
langue maternelle. Ce qui ressort, c’est qu’à part
l’arabe dialectal, aucune autre langue n’est utilisée
toute seule (phénomène observable dans les réponses
qui vont suivre).
-avec le père
8 informateurs déclarent n’utiliser que l’arabe dialectal
avec les pères, c’est généralement les mêmes qui
utilisent uniquement l’arabe dialectal avec les mères,
sauf pour 3LE qui utilise l’arabe dialectal avec son
père et l’arabe dialectal et le français avec sa mère. 9LE
présente également un cas de figure unique dans ce
groupe car l’informatrice déclare utiliser uniquement
le français avec son père. 6 informateurs utilisent
conjointement l’arabe et le français et c’est souvent
ceux qui le font avec les mères. 1 informateurs déclare,
2LE, déclare utiliser le berbère et l’arabe dialectal avec
le père et fait la même chose avec la maman. Un autre
informateur (16LE) dit utiliser l’arabe, le français et le
berbère avec son père et sa mère. Enfin, une
informatrice (8LE) déclare utiliser avec son père
l’arabe classique, l’arabe dialectal et le français, c’est
d’ailleurs une pratique qu’elle dit avoir avec ses frères,
sœurs et amies mais pas avec sa mère. Cette
informatrice ne précise pas la profession de son père,
mais il semble être lettré en arabe classique que ce soit
lui qui l’ait introduit à la maison.
- avec les sœurs : 
8 informateurs utilisent l’arabe dialectal et le français
avec les sœurs. 9 informateurs utilisent l’arabe
dialectal uniquement. 1 informateur utilise l’arabe
dialectal, le berbère et le français. 1 informateur (7LE)
utilise uniquement le français avec ses sœurs, ses
voisins et ses enseignants. 1 informateur (8LE), nous
l’avons signalé plus haut, dit utiliser l’arabe classique,
l’arabe dialectal et le français avec ses sœurs, frères et
amies.

97
-avec les frères :
10 informateurs déclarent utiliser l’arabe dialectal avec
les frères. 3 informateurs déclarent utiliser l’arabe
dialectal et le français. 1 informateur déclare utiliser le
berbère et le français. 1 informatrice déclare utiliser
l’arabe classique et l’arabe dialectal, l’arabe classique
étant réservée pour cette informatrice à l’usage avec
ses frères et ses enseignants.
-avec les ami(e)s :
12 informateurs déclarent utiliser l’arabe dialectal et le
français, cela quelque soit la réponse donnée
auparavant. 3 informateurs déclarent utiliser
uniquement l’arabe dialectal avec les amies. 1
informateur (2LE) déclare utiliser l’arabe dialectal, le
berbère et le français. Donc, c’est majoritairement
l’arabe dialectal et le français — le bilinguisme — qui
dominent les échanges sociaux à caractère amical.
-avec les voisins :
11 informateurs déclarent utiliser l’arabe dialectal. 5
informateurs disent utiliser l’arabe dialectal et le français. 1
(2LE) dit utiliser l’arabe dialectal et le berbère. 1 (7LE)
utilise uniquement le français avec les voisins.
-avec les professeurs :
Ce qui apparaît d’emblée, c’est que l’arabe dialectal
n’est jamais déclaré utilisé seul, c’est toujours
conjointement avec l’arabe classique ou le français (ou
les deux) qu’il est pratiqué. Bien évidemment, sont
utilisées, seules ou ensemble, les langues de « l’école »,
l’arabe classique et le français.
- avec les camarades
7 informateurs déclarent n’utiliser que l’arabe
dialectal, les arguments les plus fréquents pour
justifier les réponses sont les suivants : « langue
facile », « mes camarades me comprennent ». Nous
avons eu aussi « langue de mes grands-pères » et « les

98
classes sont comme un quartier ». 10 informateurs
déclarent utiliser l’arabe dialectal et le français parce
que « plus utilisables, plus maîtrisées », « je les
pratiques », « nous les maîtrisons ». 1 informateur
déclare utiliser l’arabe, le français et l’arabe dialectal
mais à chacune il limite une sphère d’usage : l’arabe
« avec les profs d’arabe », le français avec « les profs
de français » et l’arabe dialectal avec «  mes
camarades, elle est plus facile ».
On le voit bien, les pratiques en classe, entre les élèves, sont
elles aussi marquées par le bi-plurilinguisme. Enfin, on
constate bien, sauf dans deux cas, que l’usage n’est pas
associé à une personne en relation à un statut familial
particulier. Une fois, nous avons vu associé l’usage du
français au père, et une autre l’usage de l’arabe classique au
père et au frère. Mais, il semble que ce ne sont que des cas
particuliers qui ne peuvent trouver leur explication que
dans le cadre familial (langue d’instruction, pratique
exclusive de l’une ou l’autre). Au final, il n’y a pas tellement
d’écart entre les pratiques familiales, sociales et même
scolaires, dominées par le bi-plurilinguisme avec un usage
manifeste de l’arabe dialectal et du français.
Evaluation des compétences (notes)
C’est une classe langues étrangères, donc en plus de
l’anglais, les élèves étudient tous soit l’espagnol soit
l’allemand.
En anglais : 3 disent avoir entre 16 et 18, 8 disent avoir
entre 12 et 15, 7 disent avoir entre 9 et 11, 0 pour 5et 8.
Dans l’ensemble la plupart se situent dans la
moyenne. Notons qu’il n’y a pas d’évaluation
négative.
En arabe : 0 entre 16 et 18, 13 disent avoir entre 12 et
15, 5 disent avoir entre 9 et 11. C’est donc
majoritairement de bonnes notes que les
informateurs s’attribuent. Ces résultats46 confirment
ce que nous avons avancé concernant le prestige de
la langue arabe classique, et s’opposent à ceux de la

99
terminale S où les auto-évaluations étaient plutôt
mauvaises en arabe.
En français : 4 informateurs disent avoir entre 16 et
18, 14 informateurs disent avoir entre 12 et 15, 0
informateurs entre 9 et 11, 0 entre 5 et 8. Dans ce cas,
et c’est le seul d’ailleurs, la majorité des élèves dit
avoir de bons résultats. Est-ce réellement le cas ? Est-
ce parce que c’est une classe de langues? Il semble
qu’il y ait des deux à la fois, et malgré le prestige que
semble avoir la langue arabe, le français —même si
on ne le déclare pas— semble être une langue
valorisée / valorisante.
En espagnol,14 informateurs ont comme troisième
langue étrangère, depuis la seconde, l’espagnol. Sur
ce nombre : 5 déclarent avoir entre 16 et 18, 3
déclarent avoir entre 12 et 15.
En allemand : 4 informateurs ont comme troisième
langue étrangère l’allemand, parmi eux, 5 déclarent
avoir entre 16 et 18, 3 déclarent avoir entre 12 et 15.
Ce sont pour l’espagnol et l’allemand de bons
résultats qui sont déclarés. Peut-être est-ce la
motivation de les étudier, car ce sont les matières les
plus importantes dans la filière, qui explique les
bonnes notes déclarées.
Langues préférées
Contrairement à la terminale S, ici aucun informateur ne
déclare préférer une langue maternelle. Il est vrai que 2
informateurs disent préférer « l’arabe », mais il semble que
c’est de l’arabe classique qu’il s’agit, selon les raisons
évoquées : 4LE dit « je l’aime » et cette informatrice a
déclaré l’arabe classique « langue maternelle » ; 5LE, quant
à lui, explique ce choix comme suit : « notre propre langue,
langue du prophète et du Coran », qui renvoie à l’arabe
classique, car cette représentation sacralise la langue arabe
et l’associe à la religion.

100
L’anglais : 4 informateurs disent préférer l’anglais, et
souvent les informateurs ont des arguments
affectifs : « je l’aime », « je l’adore ». Bien sûr les
attributs d’universalité sont aussi associés à l’anglais,
mais dans une moindre mesure que chez les élèves
de la terminale S pour qui c’était souvent « la langue
de la science et de la technologie ». Un point
commun est à signaler est ce rapport affectif à
l’anglais.
L’espagnol et l’allemand : 3 disent préférer
l’espagnol, et tout comme pour l’anglais ce sont des
arguments affectifs qui sont avancés : « je l’aime »,
« je l’adore » et même « elle m’inspire ». 2 préfèrent
l’allemand parce qu’elle est « facile et j’aimerais aller
en Allemagne » ou alors « je l’aime et elle est
différente des autres langues ». 3 préfèrent, sans
distinction l’espagnol et le français (une fois avec
l’anglais en plus) parce que « je les maîtrises » ou « je
suis forte dans ces langues ».
Le français : 4 informateurs disent préférer cette
langue, une fois seulement pour des raisons
affectives (« je l’aime »), le reste —comme pour la
terminale S— parce que « je la maîtrise », « facile » ou
« tout le monde la comprend ». Même si c’est dans
une moindre mesure que pour l’arabe, car entres
autres ici le choix est multiple et varié à cause de
l’allemand et de l’espagnol, ce sont les mêmes
remarques que nous pouvons formuler : il n’y a pas
de relation affective avec le français (alors que c’est le
cas pour l’anglais, l’espagnol et même l’allemand).
Peut-être est-ce la particularité de l’histoire de la
langue française en Algérie qui induit cela.

Langues utilisées en classe de langue étrangère


Dans une 1ère étape, nous allons détailler les résultats,
ensuite nous tenterons de les croiser.

101
-derdja : 8 informateurs disent utiliser l’arabe
dialectal pendant le cours de langue étrangère (ici
anglais, allemand ou espagnol). Mais, en aucun cas
elle n’est utilisée seule, c’est toujours avec l’arabe
classique ou le français 10 laissent les cases vides.
-arabe classique : 4 disent utiliser l’arabe classique en
cours de langue étrangère. Mais, tout comme le
dialectal, à aucun moment l’arabe classique n’est
utilisé seul. 14 laissent les cases vides.
-kabyle :17 informateurs laissent les cases vides,
mais 1 seul précise qu’il n’y a pas recours au kabyle
en notant « non ».
-français : 18 déclarent avoir recours à la langue
française pendant le cours de langue étrangère. 9
informateurs déclarent y avoir recours
exclusivement. Dans les deux cas c’est une
affirmation manifeste de l’utilisation du français en
classe de LE. Même si 2 disent l’utiliser
conjointement avec l’arabe classique, l’arabe
dialectal et 6 informateurs déclarent l’utiliser
conjointement avec l’arabe dialectal.
Il découle de ces déclarations qu’en classe de langue
étrangère c’est le bi-plurilinguisme qui semble être la règle.
C’est l’usage du français qui semble dominer. La motivation
avancée chez beaucoup de nos informateurs est celui de la
compréhension, « mieux comprendre » les leçons, les textes,
les mots. C’est donc en français qu’ils comprennent et pas
dans une autre langue. Pour un informateur, « les profs sont
obligés d’utiliser une autre langue pour que les élèves
comprennent » (9LE, qui déclare que seul le français est en
usage). Il semble que le recours à une autre langue que la
langue « cible » s’impose dans les pratiques dans la classe.
C’est aussi parce que les élèves « comprennent les deux
langues », l’arabe dialectal et le français.
L’argument de proximité des langues (souvent cité chez la
terminale S) n’apparaît qu’une seule fois (6LE), « le français

102
est proche de l’anglais et de l’allemand et pour mieux
comprendre ».
Enfin, 14LE donne une explication singulière concernant
l’utilisation exclusive du français en langue étrangère : « si
on parle arabe ou berbère on ne va pas apprendre »,
prérogative d’apprentissage accordée donc à la seule langue
française.
2. 2. 3. Conclusions de cette enquête
Bien que partielles et circonscrites, nous avons tiré des
conclusions qui semblent significatives par rapport à la
problématique qui a permis à ce travail de se réaliser.
D’abord, nous avons pu constater que le plurilinguisme est
une pratique indéniable et courante. Et cela dans toutes les
combinaisons possibles : arabe / français / kabyle ; arabe /
kabyle ; français  / kabyle ; arabe  / français.
Ce phénomène n’est certes pas étrange dans la société
algérienne, mais la nouveauté est que nous avons pu le
constater dans les pratiques scolaires alors que l’école est
censée être « arabisée », du moins à dominante monolingue,
et de plus censée utiliser pour l’enseignement des langues
étrangères une méthode « directe ».
Ensuite, ce sont évidement les compétences déclarées en
langue arabe qui ont attiré notre attention. Même si, nous
l’avons constaté et signalé, il y a un écart entre les
déclarations des élèves de terminale S et ceux de la LE, il
reste cependant vrai pour tous que les compétences
déclarées en français, et dans une large mesure dans les
autres langues étrangères, sont paradoxalement nettement
meilleures qu’en arabe « classique ».
Par ailleurs, le phénomène du recours conscient à d’autres
langues, qui n’était qu’hypothèse au départ, est confirmé. Si
le français semble être en tête des langues employées dans
les classes de langues étrangères, c’est principalement pour
des raisons de proximité linguistique avec les autres
langues étrangères, mais aussi parce que les élèves
maîtrisent et comprennent cette langue et parce que la

103
langue française est courante dans la société algérienne.
D’ailleurs, aucun élève ne parle du cours de français comme
un cours de langue « étrangère ».
Enfin, la simple différenciation entre les deux quartiers de
la même commune a induit des variations dans les réponses
et surtout des représentations de langues quasiment aux
antipodes. C’est notamment le cas pour la langue arabe
classique qui, chez les locuteurs de Q1, n’est pas associée à
la religion, mais l’est chez les locuteurs de Q2. Le fait aussi
que beaucoup de locuteurs de Q1 soient berbérophones,
alors que les berbérophones du Q2 sont peu nombreux et ne
le déclarent pas, montre aussi que l’environnement social
conditionne le rapport aux langues.
Il sera intéressant de croiser nos conclusions avec ceux
d’autres régions d’Algérie pour voir si les cas de figure sont
identiques ou non.

2. 3. Enquêtes à Blida (Malika Kebbas)


La présente synthèse concerne l’enquête qui a été menée
dans un collège et un lycée d’un quartier périphérique de la
ville de BLIDA, Ouled Yaïche (à environ 40 km à l’ouest
d’Alger). C’est un quartier qui est situé à 3 km du centre de
la ville et a été élevé au rang de Daïra (Sous-préfecture) en
raison de son développement urbain massif.
Avant les années 80, c’était un « Douar », sorte de village
semi-rural. A partir de 1980, il connaît une extension due
aux déplacements de populations en provenance d’Alger et
de Tizi-Ouzou. Ces populations s’installent dans ce quartier
grâce à la construction de grands ensembles résidentiels et
du fait du développement industriel de la ville (petites et
moyennes entreprises étatiques ou privées dans les zones
industrielles de Ouled-Yaïche et de Beni-Tamou). Alger, la
capitale étant fortement saturée, Blida devient très attractive
car elle est située à 40 km à peine de la capitale. D’après les
statistiques, Ouled-Yaïche est peuplée, en majorité, de
populations étrangères à la ville : une partie importante des
52 380 personnes qui s’y sont installées se trouvent à Ouled-

104
Yaïche. C’est ce qu’explique J. MOUAFEG : « En fait, la
zone d’attraction de l’agglomération algéroise semble s’être
étendue à la ville de Blida, d’où le fort accroissement
enregistré par cette dernière (+ 5,81 pour mille) »47. Ces
populations apportent avec elles non seulement leurs
habitudes de vie mais aussi leurs pratiques linguistiques.
Notre enquête a été menée en trois étapes :
- la distribution d’un questionnaire définitif (une
pré-enquête avait été menée auparavant pour
tester la validité des questions posées) ;
- la réalisation d’entretiens semi-directifs afin de
compléter ou de préciser un certain nombre de
réponses au questionnaire ;
- l’observation participante à des séances
d’Anglais, d’Espagnol et d’Allemand.
Le questionnaire a été distribué aux élèves de deux classes :
- une classe de 8° AF qui correspond à la
deuxième année des Collèges dont les 35 élèves
entament leur 5° année de Français (désormais
F) et leur 1° année d’Anglais (désormais AN) ;
- une classe de Terminale « Lettres et Langues
étrangères » dont les 31 élèves entament leur 9°
année de F, leur 5° année d’AN et leur 3° année
d’Espagnol (désormais ESP) ou d’Allemand
(désormais ALM).
Les tableaux comportent les mêmes entrées – colonnes 1 à
25 – chaque numéro correspondant à une rubrique du
questionnaire comme suit :
- 1 : numéro d’identification de l’informateur
- 2 : âge 
- 3 : sexe
- 4 : quartier de résidence
- 5 : profession du père

105
- 6 : profession de la mère 
- 7 : nombre de frères
- 8 : nombre de sœurs
- 9 : langue(s) parlée(s) en Algérie
- 10 : langue(s) parlée(s) dans le quartier
- 11 : sens de « langue maternelle » (désormais
LM)
- 12 : sens de « arabe classique » (désormais AC)
- 13 : sens de « arabe dialectal » (désormais AD)
- 14 : langues parlées par l’informateur (AC, AD,
Berbère – désormais B, F)
- 15 : langues comprises par l’informateur (AC,
AD, B, F)
- 16 : lisez-vous ?
- 17 : que lisez-vous ?
- 18 : lisez-vous les journaux ?
- 19 : en A (Arabe) ou en F ?
- 20 : LM de l’informateur
- 21 : langue(s) parlée(s) avec les personnes
suivantes : la mère (a), le père (b), les sœurs (c),
les frères (d), les amies (e), les voisins (f), les
enseignants (g)
- 22 : langue(s) utilisée(s) avec les camarades de
classe, pourquoi ?
- 23 : notes obtenues dans les matières
suivantes : AN, A, F, ESP, ALM (les entrées
relatives à l’ESP et l’ALM n’existent pas dans le
Tableau 2 puisque ces deux matières ne sont pas
dispensées en 8° AF)
- 24 : langue(s) préférée(s), pourquoi ?

106
- 25 : langue(s) utilisée(s) pendant le cours de
langue étrangère (désormais LE), pourquoi ?
La phase d’observation participante a concerné la présence
de l’enquêtrice à une séance d’AN en 8° AF et à trois
séances – AN, ESP, ALM – en 3° L/ LE.
Les entretiens semi-directifs ont été menés avec 9 (neuf)
informateurs pris au hasard parmi les élèves de la 8° AF
concernée.
Dans cette synthèse, nous nous proposons de rendre
compte des résultats de l’enquête en deux parties. La
première partie est relative aux résultats enregistrés en 8°
AF, la seconde partie, à ceux enregistrés en 3° L/ LE,
chacune de ces deux parties comportant une analyse
quantitative et une analyse qualitative.
2. 3. 1. Résultats enregistrés en 8AF
La classe de 8° AF qui fait partie de notre échantillon est
composée de 35 élèves – 17 filles et 18 garçons – dont 22 soit
62,85 % font partie d’une famille nombreuse (plus de 2
frères et/ou sœurs). Ils résident à Ouled-Yaïche à
l’exception de 7 (20 %) qui viennent de Blida-Centre.
Au plan quantitatif, nous avons enregistré les résultats
suivants :

Professions des parents (questions 5 et 6) :


Prof.Libér. Fonction Secteur Corps Sans Sans
publique écon. spéc. prof. rép.
(armée)
Père 9 12 1 4 3 6
Mère 2 3 - - 30 -
Les chiffres ci-dessus indiquent que pour 30 élèves
(85,72 %) la mère ne travaille pas. Ceci est conforme à la
moyenne nationale : le travail féminin représente 15 %
environ.
En ce qui concerne le père, la proportion la plus importante
est représentée par la fonction publique (12 soit 34,28 %
dont 2 enseignants universitaires), puis viennent les

107
professions libérales (9 soit 25,72 % dont 1 pharmacien, 1
entrepreneur et 7 commerçants), le corps militaire (4 soit
11,43 %), le secteur économique (1 soit 02,86 %). Parmi les
élèves qui ont répondu à ces deux questions (29), plus de la
moitié (16 soit 55,17 %) appartiennent à des familles dont la
catégorie sociale peut être considérée comme privilégiée si
l’on s’en tient à la profession du père : enseignant
universitaire, commerçant, entrepreneur, pharmacien,
militaire.

Langue(s) parlée(s) en Algérie (question 9) :


A / F / AN 7 20 %
A / F 7 20 %
A / F / K(Kabyle) 11 31,42 %
A / K 3 8,58 %
A 6 17,15 %
A / F / K / AN 1 2,85 %
Total 35 100 %
Seuls 6 informateurs (17,15 %), tous des garçons, déclarent
que l’Algérie est une sphère monolingue (que l’on y parle
que l’A). Pour la plus grande partie des élèves — 29 soit
82,85 % — c’est le plurilinguisme qui est pratiqué en
Algérie. Par ailleurs, pour 26 élèves, soit 74,27 %, le F est
une langue parlée en Algérie aux côtés de l’A et du K ; ce
n’est donc pas tout à fait une LE et, majoritairement, ce sont
les filles qui donnent cette réponse : 14 filles pour 12
garçons, soit 53, 85 %.

Langue(s) parlée(s) dans le quartier (question 10) :


AD 24 68,58 %
AD / F 4 11,42 %
AD / F / B (K) 1 2,85 %
K 3 8,58 %
AD / AN 1 2,85 %
Sans réponse 2 5,72 %
Total 35 100 %
Seulement 05 informateurs (13,27 %) — dont 4 filles —
disent utiliser, dans le quartier, le F en alternance avec l’AD
et le K. Le F semble donc très peu utilisé dans le quartier —

108
et pratiquement pas par les garçons — en raison d’un
certain nombre de représentations sociales et/ou
individuelles sur lesquelles nous reviendrons dans le point
consacré à l’analyse qualitative.

Langue(s) parlée(s) par l’informateur (question 14) :


b (bien) m p (pas du Total
(moyennement) tout)
AC 28 80 % 7 20 % 0 0 35 100%
AD 33 94,28% 2 5,72% 0 0 35 100%
B 4 11,42% 6 17,15% 25 71,43% 35 100%
F 6 17,15% 28 80 % 1 2,85% 35 100%
Sur les 34 élèves (97,15 %) qui déclarent parler
moyennement ou bien le F, 16 sont des filles soit 45,71% de
l’ensemble de la classe et 94,12 % de la proportion de filles,
la quasi-totalité.

Langue(s) comprise(s) par l’informateur (question 15) :


b (bien) m p (pas du Total
(moyennement) tout)
AC 33 94,28% 2 5,72 % 0 0 35 100%
AD 33 94,28% 1 2,85% 1 2,85% 35 100%
B 3 8,58% 6 17,15% 26 74,27% 35 100%
F 10 28,57% 24 68,58% 1 2,85% 35 100%
34 élèves (97,15 %) disent comprendre moyennement ou
bien le F, parmi eux, 16 sont des filles.
Les résultats consignés dans les deux tableaux ci-dessus
montrent que, globalement, la proportion est la même pour
ceux qui déclarent parler et comprendre bien ou
moyennement le F. Cependant, le nombre d’élèves qui
disent parler moyennement le F est plus élevé (80%) que
ceux qui disent le comprendre moyennement (68,58%), ce
qui est en contradiction avec le fait généralement admis que
l’on comprend mieux une langue qu’on ne la parle. Par
contre ceux qui comprennent bien le F sont plus nombreux
(28,57%) que ceux qui le parlent bien (17,15%). Par ailleurs,
seulement 01 élève il s’agit d’une fille, (2,85%) déclare ne
pas le comprendre ni le parler du tout. Ce dernier cas est
assez étonnant si l’on se rappelle que ces élèves en sont à

109
leur 5° année d’apprentissage du F. Nous avons mené avec
elle un entretien semi-directif au cours duquel elle a déclaré
avoir eu des enseignants de F sans interruption mais ne pas
pouvoir parler F parce qu’elle ne le pratique ni au sein de sa
famille, ni dans l’environnement social et que cette matière
ne l’intéresse pas du tout.

Langue(s) de lecture (question 19) :


A / F 20 57,15%
A 15 42,85%
Total 35 100%
Plus de la moitié des élèves (20 soit 57,15%) lisent à la fois
en A et en F, 9 sont des filles soit 45 %, cette pratique de
lecture bilingue est donc beaucoup plus le fait des garçons
que des filles. Tous les élèves lisent les journaux (35 oui)
donc pour ceux qui lisent à la fois en A et en F, le F est une
pratique quotidienne. 15 d’entre eux déclarent lire
également des « histoires », après enquête, il s’avère que le
mot « histoires » est utilisé à la fois pour les contes et les
récits d’aventures.

Langue(s) maternelle(s) de l’informateur (question 20) :


AD 13 37,14%
B (K) 2 5,72%
AD/K 4 11,42%
AD/F 13 37,14%
AC/AD 3 8,58%
Total 35 100%
20 élèves sur 35 (57,14%) ont des pratiques bilingues dès
l’enfance (c’est à dire avant tout apprentissage scolaire) et
près de la moitié (17 soit 48,56%) déclarent avoir le F
comme langue maternelle en alternance avec l’AD ou le
K,parmi eux, 10 sont des filles soit 58,82%. Seuls 12
informateurs ont donné une définition de ce que signifie
« LM » : « langue parlée à la maison » pour 11 informateurs
et « langue spéciale » pour 01 informateur. Les autres ont
cité la langue elle-même.

110
Langues parlées avec la mère (question 21a) :
AD 16 45,74%
B(K) 1 2,85%
AC 1 2,85%
AD/B(K) 4 11,42%
AD/F 11 31,42%
AC/AD 2 5,72%
Total 35 100%
Près de la moitié de nos informateurs (48,56%) pratiquent le
bilinguisme avec leur mère, ce qui se rapproche des
résultats enregistrés pour la LM. Un peu moins du tiers (11
soit 31,42%) parlent F avec leur mère mais en alternance
avec l’AD ; ce sont beaucoup plus les filles qui ont cette
pratique : 7 filles pour 4 garçons soit 63,64%.

Langue(s) parlée(s) avec le père (question 21b) :


AD 12 34,29%
B(K) 1 2,85%
AD/B(K) 1 2,85%
AD/F 16 45,74%
K/F 1 2,85%
AC/F 1 2,85%
AD/AC/F 2 5,72%
F 1 2,85%
Total 35 100%
21 élèves soit 62,86% pratiquent le bilinguisme avec leur
père et utilisent le F avec lui en alternance avec l’AD, le K,
l’AC ou l’AD/AC ; parmi eux, 10 sont des filles soit 47,62%.
L’ensemble des résultats enregistrés en ce qui concerne les
langues parlées avec les parents montrent que la pratique
du bilinguisme et celle du F sont plus importantes avec le
père qu’avec la mère.

Langues parlées avec les sœurs (question 21c) :


AD 22 62,86%
B(K) 1 2,85%
F 2 5,72%
AD/F 6 17,15%
AD/AC/F 1 2,85%

111
B(K)/F 1 2,85%
Sans rép. 2 5,72%
Total 35 100%
Sur les 33 élèves qui ont répondu à cette question, 10
(30,30%, environ le tiers) disent parler F, seul ou en
alternance avec l’A et/ou le K, avec leurs sœurs ; les
garçons sont plus nombreux à avoir cette
pratique linguistique : 7 garçons contre 3 filles.

Langues parlées avec les frères (question 21) :


A 20 58,19%
B(K) 1 2,85%
AD/B(K) 1 2,85%
AD/F 5 13,27%
AD/AC/F 2 5,72%
F 1 2,85%
B(K)/F 1 2,85%
Sans rép. 4 11,42%
Total 35 100%
Seuls 9 élèves (27,27% du total des réponses, c’est à dire 33)
déclarent utiliser le F – entre autres – avec leurs frères ; ce
sont surtout des garçons (8) qui déclarent avoir cette
pratique linguistique.

Langues parlées avec les amies (question 21e) :


AD 19 54,30%
B(K) 1 2,85%
AD/F 10 28,57%
AC/F 1 2,85%
AD/AC/F 3 8,58%
Sans rép. 1 2,85%
Total 35 100%
Ces réponses indiquent que 14 élèves (40% soit plus du
tiers) utilisent le F avec leurs amies ; parmi eux, on
dénombre 7 filles et 7 garçons.

Langues parlées avec les voisins (question 21f) :


AD 24 66,74%
AC 2 5,72%

112
B(K) 1 5,72%
AD/F 4 13,27%
AC/F 1 2,85%
AD/AC/F 2 5,72%
Sans rép. 1 2,85%
Total 35 100%
Les élèves qui utilisent le F avec leurs voisins ne sont que 7
(21,84%) ; ce sont les garçons (5) qui sont les plus nombreux
à avoir cette pratique linguistique.

Langue(s) parlée(s) avec les enseignants (question 21g) :


A 4 11,42%
A/F 31 88,58%
Total 35 100%
La quasi-totalité des élèves (31 soit 88,58%) utilisent le F
avec leurs enseignants mais en alternance avec l’AD et/ou
l’AC, 16 sont des filles. Aucun d’entre eux ne parlent
exclusivement F avec les enseignants et très peu n’utilisent
que l’A, 04 soit 11,42% dont 1 fille et 3 garçons.

Langue(s) utilisée(s) avec les camarades (question 22) :


AD 19 54,28%
AC 2 5,72%
AD/AC 3 8,58%
AD/F 5 14,28%
AD/AC/F 2 5,72%
AN/AD/AC 1 2,85%
AN/AD 2 5,72%
Sans rép. 1 2,85%
Total 35 100%
Plus de la moitié des élèves (54,28%) utilisent l’AD avec
leurs camarades, ce qui se rapproche des résultats
enregistrés pour les langues utilisées dans le quartier. Selon
leurs déclarations, la pratique de l’AD et de l’AC est plus
facile pour eux (23 élèves soit 65,71%) ou mieux comprises
par leurs camarades (4 élèves soit 11,42%). Les autres
déclarent utiliser l’A par « habitude » (informateur 31) ou
parce que c’est la « 1 langue » (informateur 35) et celle
« apprise en premier » (informateur 33).

113
Seuls 7 élèves (20%) utilisent le F avec leurs camarades mais
en alternance avec l’AD et/ou l’AC, parmi eux, 4 sont des
filles soit 57,14%.

Langue(s) préférée(s) par l’informateur (question 24) :


A 5 14,28%
F 1 2,85%
AN 1 2,85%
A/F 6 17,15%
A/AN 11 31,45%
F/AN 1 2,85%
A/F/AN 7 20%
A/F/K 1 2,85%
F/K 2 5,72%
Total 35 100%
Un peu plus du tiers des élèves (12 soit 34,30%) préfèrent
l’AN et l’AN/A soit parce qu’ils aiment ces langues, soit
parce qu’elles sont « apprises dans l’enfance » (informateur
5), soit parce qu’elles sont bien parlées par l’informateur lui-
même (informateurs 9 et 15). Cette préférence pour l’AN est
due, de notre point de vue, à l’attrait pour la nouveauté, au
plaisir de la découverte d’une nouvelle langue (c’est, pour
les élèves la 1° année d’AN). Mais dans l’ordre des
préférences, le F occupe une bonne place. Il est associé à l’A,
à l’AN, au K. L’ensemble de ces combinaisons se retrouve
chez 18 informateurs, soit un peu plus de la moitié (51,43%),
parmi eux, on trouve 9 filles et 9 garçons.

Langue(s) utilisée(s) en cours d’AN (question 25) :


AD/F 22 62,86%
AC/F 2 5,72%
AD/AC/F 8 22,85%
AD/B(K)/F 2 5,72%
Pas de langue 1 2,85%
Total 35 100%
Le F est majoritairement utilisé en cours d’AN, il est associé
à l’AD et/ou l’AC chez 32 informateurs (91,43%) dont 16
filles et 16 garçons et à l’AD/B(K) chez 02 informateurs
(5,72%).

114
La quasi-totalité des élèves (34 soit 97,15%) utilisent donc le
F en cours d’AN. Ils déclarent presque tous que c’est pour
mieux comprendre cette nouvelle langue ou pour poser des
questions à leur enseignant. L’informateur 15, cependant,
déclare utiliser, durant le cours, l’AD/F avec ses camarades
pour leur expliquer des termes non compris et avec son
enseignant pour poser des questions.

Répartition des données selon le paramètre « Sexe » :


Filles, sur un total de Garçons, sur un total de
17 18
Question 9 16 94,12% 10 55,55%
Question 10 4 23,52% 1 5,55%
Question 20 8 47,05% 5 27,77%
Question 21a 7 41,17% 4 22,22%
Question 21b 10 58,82% 11 61,11%
Question 21c 3 17,64% 5 27,77%
Question 21d 1 5,88% 8 44,44%
Question 21e 7 41,17% 7 38,88%
Question 21f 2 11,76% 5 27,77%
Question 21g 16 94,12% 15 83,33%
Question 22 4 23,52% 3 16,16%
Question 25 17 100% 17 94,44%
Le tableau qui précède comporte les données globales
mentionnées ci-dessus en tenant compte de la distinction
Filles/Garçons. Il ne reprend que les chiffres relatifs à la
pratique du F seul ou en alternance avec les autres langues
en présence – AD, AC, K – et a pour objectif de vérifier si le
paramètre « Sexe » a une influence sur la pratique du F. Les
différentes lignes de ce tableau sont conformes à la
numérotation des questions adoptée dans les tableaux
précédents. Les proportions sont établies en fonction du
nombre total de chaque catégorie : 17 pour les filles et 18
pour les garçons. Ces chiffres indiquent que la pratique du
F est plus répandue chez les filles que chez les garçons dans
les situations suivantes :
- dans le quartier : 23,52% pour les filles contre
5,55% pour les garçons ;

115
- avec la mère : 41,17% pour les filles contre
22,22% pour les garçons ;
- avec les enseignants : 94,12% pour les filles
contre 83,33% pour les garçons ;
- avec les camarades : 23,52% pour les filles contre
16,16% pour les garçons.
- Par ailleurs, les filles sont plus nombreuses à
déclarer :
- que le F est une langue parlée en
Algérie : 94,12% pour les filles contre 55,55%
pour les garçons ;
- avoir le F pour langue maternelle : 47,05% pour
les filles contre 27,77% pour les garçons.
- Par contre, les garçons sont plus nombreux à
déclarer pratiquer le F :
- avec le père : 61,11% pour les garçons contre
58,82% pour les filles ;
- avec les sœurs : 27,77% pour les garçons contre
17,64% pour les filles ;
- avec les frères : 44,44% pour les garçons contre
5,88% pour les filles ;
- avec les voisins : 27,77% pour les garçons contre
11,76% pour les filles.
Mais en cours d’AN, les filles et les garçons utilisent le F à
proportion presque égale : 100% pour les filles et 94,44%
pour les garçons.
Analyse qualitative
L’ensemble des déclarations figurant ci-dessus montrent
incontestablement que le bilinguisme et parfois même le
plurilinguisme est une pratique très répandue chez nos
informateurs, le F y étant largement associé. Mais, il
convient de souligner d’emblée que plus de la moitié des
élèves (25 soit 57,14%) ont eu recours à l’A – totalement ou

116
partiellement, avec parfois la traduction en F – pour remplir
le questionnaire. Par ailleurs, il a été nécessaire d’expliquer
ou de traduire, oralement, certaines des questions posées.
Ceux qui ont répondu en F, l’ont fait dans un F très
sommaire, sans construction de phrases, particulièrement
dans les questions ouvertes du type « Pourquoi ? ». La
compétence en F de nos informateurs, malgré leurs
déclarations, est loin de correspondre à une 5° année
d’apprentissage de cette langue : 97,15% des élèves disent
moyennement ou bien comprendre le F, pour 57,15%
d’entre eux, la lecture en F est une pratique quotidienne, 17
d’entre eux (48,57%), soit près de la moitié ont obtenu des
notes égales ou supérieures à 12/20 en F, 13 (37,14%)
déclarent avoir le F pour LM, 11 (31,42%) l’utiliser avec leur
mère, 21 (60%) avec leur père, 31 (88,58%) avec leurs
enseignants et 34 (97,15%) pendant le cours d’AN.
Pourtant, nos informateurs ne considèrent pas le F comme
une LE car ils disent l’avoir comme LM aux côtés de l’AD
et/ou du K (37,14%) et pensent que c’est une langue qui fait
partie du paysage linguistique algérien (71,42%).
Dans le milieu familial, le F est plus ou moins utilisé selon
le membre de la famille avec lequel nos informateurs
parlent et selon que nos informateurs sont des filles ou des
garçons. Ainsi, les filles sont plus nombreuses à parler en F
avec leur mère tandis que les garçons sont plus nombreux à
parler cette langue avec leur père, leurs sœurs, leurs frères.
Mais de manière générale, la pratique du F est plus
répandue avec le père (60%) qu’avec la mère (31,42%). Ceci
s’explique par la profession exercée par le père ou par la
formation qu’il a suivie. En effet, cette pratique se retrouve
chez les élèves dont le père est fonctionnaire
(administration ou enseignement universitaire),
commerçant, pharmacien, entrepreneur ou militaire, en
somme des professions liées aux classes sociales moyenne
ou privilégiée. Les mères sont très peu nombreuses à
exercer une profession (5 seulement soit 14,28% dont 3 dans
l’enseignement) ; certes, nos informateurs pratiquent moins
le F avec leur mère, mais ils le pratiquent même quand la
mère est sans profession : ainsi 12 de nos informateurs

117
déclarent parler F avec leur mère, sans profession, alors que
4 informateurs dont la mère travaille à l’extérieur ne
pratique pas le F avec elle. Si donc, en ce qui concerne la
pratique du F avec le père, le paramètre de la profession
semble jouer un rôle, il n’en est rien dans le cas de la mère.
Les entretiens semi-directifs que nous avons menés avec 9
de nos informateurs confirment ou expliquent un certain
nombre de données chiffrées.
Ainsi, en ce qui concerne la compétence en F, 5 de nos
informateurs ont préféré s’exprimer en A : ils ont avoué ne
pas pouvoir parler F entièrement. Ils ont eu des difficultés à
comprendre nos questions, nous obligeant ainsi à nous
exprimer nous-mêmes en A. 2 d’entre eux ont alterné l’A et
le F et seulement 2 se sont presque entièrement exprimé en
F (presque car ils ont utilisé quelques mots en A). Voici
quelques extraits qui peuvent illustrer l’alternance A/F :
- # Avec le prof de Français en Français et avec le
prof d’Arabe bilug*a l Earbiya #
- [avec le professeur de F en F mais avec le
professeur d’A en langue arabe] ;
- #   b l Earbiya , je compris mieux # [en A, je
comprends mieux] ;
- # parce que kinahdar mEa wad b l français nb
nahdarha mEah , parce que le Français, izidli
flqima, y’en a beaucoup qui la parle # [parce que
quand je parle à quelqu’un en F, j’aime lui parler
en F, parce que le F, il me valorise, il y en a
beaucoup qui le parle] ;
- # même si nxalatha, l a z m je lui réponds en
Français # [même si je fais des confusions (je me
trompe), il faut que je lui réponde en F] ;
- # je suis capable nahdarha mais lsani tqil # [je suis
capable de la parler mais ma langue est lourde
(je manque d’entraînement)] ;

118
-  # je comprends un peu mais maSi bzaf # [je
comprends un peu mais pas beaucoup] ;
- # y’a des mots que ma nfhamS bl Earbiya, il me dit
en Français # [il y a des mots que je ne
comprends pas en A, il me les dit en F].
- # n g*lat fi les mots, les verbes # [je me trompe
dans les mots, les verbes].
Ces exemples montrent que se sentant en situation
d’insécurité linguistique en F, nos informateurs ont recours
à l’A. Ils expliquent cela par un défaut de maîtrise : ils ne
trouvent pas les mots qui conviennent. Deux informatrices
cependant expriment la volonté de tout faire pour parler en
F, quitte à se tromper car elles trouvent que l’utilisation de
cette langue est un élément de valorisation personnelle.
La compétence en F déclarée par nos informateurs dans les
questionnaires est donc loin de correspondre à ce que nous
avons pu observer sur le terrain. Sur les 9 informateurs
interrogés, 7 confirment qu’ils parlent F beaucoup plus avec
leur père : Informateur 1 : « Je parle F avec mon père parce
qu’il est fort en F » [traduit de l’A] ; Informateur 2 : « Je
parle A à la maison sauf avec mon père parce qu’il veut me
tester, il veut que j’apprenne le F » [traduit de l’A] ;
Informateur 3 : « Je parle F avec mon père. Depuis ma 4°
année primaire [1° année de F dans le système éducatif
algérien], il me z’aidait à parler F. Ma mère, elle sait pas le F
parce qu’elle est pas étudié le F. Mon père est fort en F que
l’A » [en F] ; Informateur 6 :
- Je parle mieux F que AN
- et à la maison ?
- oui
- avec qui ?
- avec mon père et ma mère. » [traduit de l’A]
Informateur 7 :
- Tu parles F avec qui ?

119
- Avec mon père, il m’exerce
- Pourquoi ?
- Il veut que je sois comme lui. » [traduit de l’A] ;
Informateur 8 :
- des fois papa, des fois maman.
- pourquoi ?
- parce que papa yexdem [il travaille]
comptabilité. » [alternance A/F] ;
Informateur 9 :
- je parle la F avec mon père
- pourquoi ?
- mon père, y m’a appris la F quand j’étais dans la
3° année scolaire
- pourquoi ?
- parce que mon père quand il est petit il a étudié
la langue français. » [en F].
La pratique du F dans le quartier et avec les camarades dont
nous avons mentionné le faible taux est expliquée ainsi :
Informateur 1 :
- J’ai honte de parler F dehors parce qu’ils ne
veulent pas
- qui ne veut pas ?
- les gens. Mes tantes et ma grand-mère qui
vivent en France, quand elles viennent, je ne leur
parle pas beaucoup, j’ai peur qu’elles se
moquent de moi. Avec toi aussi, je ne veux pas
parler en F parce que j’ai honte, tu vas rire. »
[traduit de l’A] ;
Informateur 3 : 

120
- Si je vais acheter chez le piceri [l’épicier] un
paquet des macaronis et je dis : « donne-moi un
paquet des macaronis », il me dit à moi devant
les gens : « tu n’es pas une Français, tu parles
A », j’ai honte.
- et avec tes camarades ?
- avec mes copines, un peu en F
- c’est à dire ?
- je dis : « salut !...est-ce que tu bien travaillé au
devoir ? » et la suite en A.
- et avec les garçons ?
- Jamais ! il va dire tzuxi [tu crânes] ». [en F] ;
Informateur 5 :
- avec tes camarades ?
- je ne parle pas F
- pourquoi ?
- elles ne comprend pas beaucoup. » [en F] ;
Informateur 6 :
- pourquoi tu ne parles pas en F avec tes
camarades ?
- parce qu’il y a que je lui parle il comprend pas
- et si tu leur parlais quand même en F ?
- je ne sais…, il sait pas parler en F, ils veulent
pas, c’est honte dans la rue, c’est pour ça il veut
pas. » [en F] ;
Informateur 7 : 
- tu parles en F avec tes camarades ?
- jamais !...sauf avec mon ami [il désigne
l’informateur 09]

121
- parce qu’il sait pas parler en F
- à ton avis, pourquoi tes camarades ne parlent
pas en F ?
- parce que leur père sait pas
- et dehors, dans le quartier où tu habites ?
- jamais !
- il va dire ma famille c’est des Français, il va
rire…je veux pas la honte sur ma famille. »
[en F] 
Informateur 9 :
- avec mon père et avec mon camarade [il désigne
l’informateur 07]
- et avec les autres ?
- non
- pourquoi ?
- eux, il ne veut pas
- pourquoi ?
- parce qu’ils n’intéressent pas, ils connaît pas
mais y’a qui connaissent mais il veut pas
- pourquoi ?
- ils rire. » [en F]
La pratique du F est déclarée quasi-inexistante dans le
quartier et très peu répandue avec les camarades du fait des
représentations sociales et/ou individuelles. Ce qui revient
le plus souvent dans les propos de nos informateurs c’est
que cela ne se fait pas dehors, que c’est une pratique
dévalorisante aux yeux de l’entourage : le mot « honte »
revient souvent. Dans le même temps, face à des locuteurs
maîtrisant le F, ces élèves se retrouvent en situation
d’insécurité linguistique, ils se sentent diminués, ils ont

122
peur du ridicule, ils ne veulent surtout pas que l’on se
moque d’eux : « tu vas rire ».
Pourtant, pendant le cours d’AN, la presque totalité de nos
informateurs ont recours au F. C’est ce qu’ils déclarent à la
fois dans les questionnaires et dans les entretiens. Selon eux,
leur enseignant d’AN les encourage à poser des questions
en F plutôt qu’en AD ou en AC. Mais les élèves s’avouent
incapables de s’exprimer entièrement en F, ils ont donc
recours aussi à l’AD et à l’AC. C’est ce que nous avons pu
constater lors de la séance d’observation participante du
cours d’AN à laquelle nous avons assisté.
Lors de cette séance, en effet, les élèves ont utilisé le F avec
leur enseignant pour demander des explications de mots ;
l’enseignant a d’abord répondu en AN puis a traduit en F.
Mais entre eux, les élèves ont surtout utilisé l’AD.
2. 3. 2. Résultats enregistrés en 3ème L/LE.
Cette classe de Terminale Lettres et Langues étrangères est
composée de 31 élèves dont 22 filles et 9 garçons. La
proportion de garçons est très faible sans doute parce qu’il
s’agit d’une filière littéraire, les garçons optent, en effet,
plus volontiers pour les filières scientifiques. 25 de ces
élèves font partie d’une famille nombreuse (plus de 2 frères
et/ou sœurs, 28 résident à Ouled-Yaïche (les trois autres
viennent de quartiers limitrophes).
Les enquêtes donnent les résultats suivants :

Professions des parents (Questions 5 et 6) :


Prof. Fonct. Retraités Sans prof.
libérales publique
Père 6 14 7 4
Mère 2 3 - 26
On remarque que, pour la quasi-totalité de nos
informateurs, la mère est sans profession : seules cinq mères
travaillent dont 03 dans la fonction publique et
particulièrement dans l’enseignement (2).

123
Quant à la profession du père, le plus grand chiffre
enregistré est celui des fonctionnaires dont la plupart
occupent des postes de responsabilité : directeur, chef de
service, comptable. Si l’on y ajoute les professions libérales,
on peut constater que environ les deux tiers de nos
informateurs (20) sont issus de familles qui appartiennent
aux catégories sociales moyenne ou privilégiée.

Langue(s) parlée(s) en Algérie (Question 9) :


A(AD et/ou AC) 4 12,90%
A/F 19 61,30%
A/K/F 4 12,90%
A/F/AN 3 9,68%
F 1 3,22%
Total 31 100%
27 élèves (87,10%), dont 18 filles et les 9 garçons,
considèrent que le F est une langue parlée en Algérie, aux
côtés de l’AD. Très peu y associent l’AC ou l’AN. Ils
expriment par là que pour eux, l’Algérie est une sphère
plurilingue où le F occupe une grande place.

Langue(s) parlée(s) dans le quartier (Question 10) :


A(AD et/ou AC) 29 93,56%
A/F 1 3,22%
F 1 3,22%
Total 31 100%
La presque totalité des élèves (29 soit 93,56%) déclarent que
c’est l’A qui est parlé dans le quartier. La pratique du F y est
pratiquement inexistante (6,44%), elle est le fait d’1 fille et
d’1 garçon.

Langue(s) parlée(s) par l’informateur (Question 14) :


b (bien) m p (pas du Total
(moyennement) tout)
AC 15 48,38% 14 45,17% 2 6,45% 31 100%
AD 28 93,34% 1 3,33% 1 3,33% 31 100%
B 4 13,33% 2 6,67% 24 80% 31 100%
F 12 38,71% 18 58,07% 1 3,33% 31 100%

124
Un seul élève (3,33%) – il s’agit d’un garçon – déclare ne pas
parler du tout le F, tous les autres (30 soit 96,67%) parle bien
ou moyennement le F. Il est à noter également que 3 élèves
ne parlent pas du tout l’A (9,78%).

Langues comprises par l’informateur (Question 15) :


b (bien) m p (pas du Total
(moyennement) tout)
AC 22 73,33% 8 26,67% - - 30 100%
AD 28 100% - - - - 28 100%
B 4 13,80% 3 10,34% 22 75,86% 29 100%
F 18 60% 12 40% - - 30 100%
18 élèves, soit 60% disent bien comprendre le F et 12 (40%)
le comprendre moyennement. Parmi les 30 informateurs qui
déclarent cette compétence, 22 sont des filles et 08 des
garçons. Les élèves de cette classe déclarent donc qu’ils
maîtrisent mieux la compréhension du F que son expression
orale.

Langues utilisées pour la lecture (Question 19) :


A 2 6,67%
F 5 16,67%
A/F 23 76,66%
Total 30 100%
Seuls 2 élèves (6,66%) disent ne lire qu’en A. Les autres
lisent exclusivement en F (5 soit 16,67%) ou dans leur
grande majorité (23 soit 76,66%) utilisent les deux langues.

Langues maternelles (Question 20) :


A 18 62,06%
B 2 6,90%
A/B 2 6,90%
A/F 5 17,24%
B/F 1 3,45%
A/B/F 1 3,45%
Total 29 100%

125
Près des trois quarts des élèves (20 soit 68,96%) ont appris
une seule langue dès l’enfance, l’A pour la plupart. Seuls 7
élèves (24,14%) – il s’agit de filles – ont également appris le
F, elles la considèrent comme leur LM aux côtés de l’A ou
du B.

Langues parlées avec la mère (Question 21a) :


AD 10 32,27%
B 1 3,22%
AD/B 2 6,45%
F 1 3,22%
A(AC et/ou AD)/F 16 51,62%
AD/B/F 1 3,22%
Total 31 100%
Les chiffres ci-dessus indiquent que les informateurs sont
plus nombreux à utiliser le F avec leur mère (18 soit 58,06%
dont 13 filles) ; le F est associé à l’A ou au B, ce sont donc
des pratiques bilingues. Environ le tiers de la classe déclare
une pratique monolingue (11 élèves soit 35,49%) soit l’AD
soit le B.

Langues parlées avec le père (Question 21b) :


AD 5 16,14%
AD/B 1 3,22%
F 2 6,45%
A(AD et/ou AC)/F 21 67,75%
B/F 1 3,22%
AD/B/F 1 3,22%
Total 31 100%
Ceux qui ne parlent que l’AD ou l’AD/B avec leur père sont
peu nombreux (6 soit 19,36%). Ils pratiquent, dans leur
grande majorité (25 élèves soit 80,64% dont 17 filles), le F
avec leur père, de manière exclusive pour 2 informateurs
(6,45% dont 1 fille et 1 garçon) et associé à l’A ou le B pour
23 informateurs (74,19%).
Les résultats en ce qui concerne les langues parlées avec les
parents montrent qu’en famille, nos informateurs ont des
pratiques bilingues et mêmes plurilingues, pratiques dans
lesquelles le F est largement associé. Cependant, les

126
informateurs qui utilisent le F avec leur père sont plus
nombreux (80,64%) que ceux qui l’utilisent avec leur mère
(58,06%).

Langues parlées avec les sœurs (Question 21c) :


AD 17 58,50%
AD/AC 1 3,49%
F 1 3,49%
AD/F 9 31,03%
AD/B/F 1 3,49%
Total 29 100%
11 élèves – un peu plus du tiers de la classe – (38,01%)
déclarent utiliser le F avec leurs sœurs. Parmi eux, on
trouve 10 filles et 1 seul garçon.

Langues parlées avec les frères (Question 21d) :


AD 12 41,38%
AD/AC 1 3,49%
B 1 3,49%
AD/F 14 48,15%
AD/B 1 3,49%
Total 29 100%
14 élèves (13 filles et 1 garçon) – environ la moitié de ceux
qui ont répondu à cette question (48,15%) – disent parler F
avec leurs frères.

Langues parlées avec les amies (Question 21) :


AD 8 25,81%
AD/AC/F 1 3,22%
AD/F 20 64,63%
AD/B/F 2 6,44%
Total 31 100%
23 élèves (74,29%) utilisent le F avec leurs amies, 19 sont des
filles et 4 des garçons.

127
Langues parlées avec les voisins (Question 21g) :
AD 18 60%
AD/AC 1 3,33%
F 1 3,33%
AD/F 9 30,01%
AD/B 1 3,33%
Total 30 100%
Seuls 10 élèves – soit le tiers de ceux qui ont répondu à cette
question (33,34%) utilisent le F avec leurs voisins. Il s’agit de
9 filles et de 1 garçon.

Langues parlées avec les enseignants (Question 21g) :


A(AC et/ou AD) 3 9,68%
A/F 27 87,10%
F 1 3,22%
Total 31 100%
28 informateurs (90,32%), donc la quasi-totalité de la classe,
utilisent le F avec leurs enseignants et pour 27 d’entre eux
(87,10%) le F est associé à l’A.

Langues utilisées avec leurs camarades (Question 22) :


A 10 33,33%
F 2 6,67%
A/F 15 50%
A/F/ALM 1 3,33%
A/F/AN 1 3,33%
A/F/AN/ESP 1 3,33%
Total 30 100%
Seul, le tiers de la classe (10 élèves soit 33,33%) dit utiliser
exclusivement l’A avec les camarades. Les deux tiers
restants pratiquent l’A associé au F (15 soit 50%) ou à l’AN,
l’ESP et l’ALM (3 soit 9,99%) et le F exclusivement (2 soit
6,67%). On remarque que la pratique de l’A associé au F est
la plus répandue, elle concerne la moitié de la classe. Les
informateurs déclarent que cette pratique (A/F) est due au
fait que ce sont « les langues parlées depuis l’enfance », que
« tout le monde comprend », que ce sont des « langues
célèbres en Algérie », qu’elles sont « faciles à utiliser », que
c’est par « habitude prise en classe », que ce sont des

128
« langues quotidiennes », que c’est pour « mieux apprendre
à parler F ». Ceux qui avouent pratiquer également l’AN,
l’ESP et l’ALM avec leurs camarades le font, disent-ils,
« pour apprendre la manière de parler des autres », « pour
se perfectionner ». Ces déclarations montrent bien que dans
les représentations des élèves, le F n’est pas une LE, ce sont
les autres langues (AN, ESP et ALM) qui sont des LE et s’ils
les pratiquent en dehors du cours, c’est pour s’ouvrir sur le
monde ou se perfectionner.

Langues utilisées en cours de LE (Question 25) :


A(AD et/ou AC)/F 21 67,75%
F 9 29,03%
AC/B/F 1 3,22%
Total 31 100%
L’ensemble de la classe (100%) pratique le F en cours d’AN,
d’ESP ou d’ALM, pratique associée à celle de l’A en
majorité. 9 de nos informateurs (29,03%) y pratiquent même
exclusivement le F. Les déclarations des élèves sont
pratiquement unanimes : le F est un moyen de mieux
comprendre le cours (« les mots difficiles », « les mots non
compris », « pour mieux comprendre », « pour bien
comprendre »). Toutefois, certains informateurs précisent
que c’est l’enseignant qui utilisent le F : « la prof d’AN et
d’ESP explique bien les choses difficiles » (informateur 3),
« le prof aide à mieux comprendre la leçon » (informateur
17), « le prof aide à mieux comprendre, bonne explication »
(informateur 18).

Répartition des données relatives à la pratique du F selon le


paramètre « Sexe » :

FILLES GARCONS
Colonne 09 18 / 22 81,82% 9 / 9 100%
Colonne 10 1 / 22 4,54% 1 / 9 11,11%
Colonne 20 7 / 22 31,81% 0 / 9 0%
Colonne 21a 13 / 22 59,09% 5 / 9 55,55%
Colonne 21b 17 / 22 77,27% 7 / 9 77,77%

129
Colonne 21c 10 / 22 45,45% 1 / 9 11,11%
Colonne 21d 13 / 22 59,09% 1 / 9 11,11%
Colonne 21e 18 / 22 81,82% 4 / 9 44,44%
Colonne 21f 9 / 22 40,91% 1 / 9 11,11%
Colonne 21g 19 / 22 86,36% 9 / 9 100%
Colonne 22 17/ 22 77,22% 2 / 9 22,22%
Colonne 25 22 / 22 100% 9 / 9 100%
Dans cette classe, le nombre de filles étant très supérieur
(22) à celui des garçons (9) nous mentionnons chacun des
résultats afférents à l’une ou l’autre des catégories par
rapport au total de cette catégorie.es chiffres consignés dans
le tableau ci-dessus indiquent que les garçons sont
unanimes (9 / 9 soit 100%) à déclarer que :
- le F est parlé en Algérie au même titre que l’A et
le B ;
- ils pratiquent le F avec leurs enseignants et en
cours de LE (AN, ESP, ALM).
Toutefois, ils n’utilisent presque pas (1 / 9 soit 11,11%) cette
langue dans le quartier, ni avec leurs sœurs, leurs frères ou
leurs voisins, un tout petit peu plus avec leurs camarades
(2 / 9 soit 22,22%). Environ la moitié l’utilisent avec leur
mère (5 / 9 soit 55,55%), avec leurs amies (4 / 9 soit 44,44%)
– on remarquera qu’ils l’utilisent plus avec leurs amies
qu’avec leurs camarades – et presque tous (7 / 9 soit
77,77%) avec leur père bien qu’aucun d’entre eux (0%) ne la
déclare être une langue maternelle.
Les filles, quant à elles, sont un peu moins nombreuses :
- à considérer le F comme une langue parlée en
Algérie (18 / 22 soit 81,82%),
- à utiliser le F avec leurs enseignants (19 / 22 soit
86,36%).
Cependant, elles sont plus nombreuses à déclarer que le F
est l’une de leur langue maternelle (7 / 22 soit 31,81%),
qu’elles le pratiquent avec leur mère (13 / 22 soit 59,09%),
avec leurs sœurs (10 / 22 soit 45,45%), avec leurs frères

130
(13 / 22 soit 59,09%), avec leurs amies (18 / 22 soit 81,82%),
avec leurs voisins (9 / 22 soit 40,91%) et avec leurs
camarades (17 / 22 soit 77,22%).
Nous retrouvons les mêmes proportions en ce qui concerne
la pratique du F avec le père (77,27% pour les filles et
77,77% pour les garçons) et en cours de LE (100% pour les
deux catégories).
Analyse qualitative
Les chiffres résultant du dépouillement des réponses aux
questionnaires appellent un certain nombre de remarques.
En premier lieu, il apparaît clairement que pour nos
informateurs, le F est une langue qu’ils n’ont pas, en
majorité, apprise dès l’enfance, au sein de leur
famille : seuls 07 informateurs (24,14%) considèrent le F
comme leur langue maternelle. De plus, ils n’utilisent pas
cette langue dans le quartier sans doute en raison des
représentations sociales liées à cette pratique
linguistique : parler F dans l’environnement social
immédiat a, en effet, une connotation dévalorisante et les
élèves issus de familles où l’on parle plus ou moins le F se
plient à cette représentation sociale pour ne pas se
marginaliser. En ce qui concerne Blida, ce n’est pas une
surprise puisqu’il s’agit d’une ville où la population est très
conservatrice, fortement arabisée et où, il n’y a pas si
longtemps (durant les années du terrorisme intégriste),
parler F et/ou enseigner le F était considéré comme un
péché et pouvait coûter la vie.
Pourtant, force est de constater que, dans les
représentations de ces élèves, le F n’est pas une LE comme
le sont l’AN, l’ESP et l’ALM. D’une part, elle jouit, d’un
statut particulier puisque pour 27 d’entre eux (soit 87,10%),
l’écrasante majorité donc, cette langue est située sur le
même plan que l’AD et le K, elle fait donc partie intégrante
du paysage linguistique algérien. D’autre part, les
déclarations de nos informateurs indiquent qu’ils
pratiquent le F au sein de leur famille (58,06% avec la mère ;
80,64% avec le père), et en milieu scolaire en marge des

131
cours (90,32% avec les enseignants ; 67,67% avec leurs
camarades de classe).
C’est ce qui explique sans doute que les élèves avouent
utiliser le F comme langue de médiation, au même titre que
l’A, pendant les cours de LE (AN, ESP, ALM).
Nous avons pu vérifier cette stratégie d’apprentissage lors
de la phase d’observation participante durant laquelle nous
avons pu constater que le recours au F est aussi bien le fait
des élèves que celui des enseignants.
En effet, durant les cours d’ESP et d’ALM, les enseignants
ont eu recours au F pour traduire un mot, pour expliquer
une notion, pour faire conceptualiser des savoirs
linguistiques et pour donner des consignes concernant le
cours ou en marge du cours, sur sollicitation des élèves ou
non.

Voici quelques extraits de ces séances qui peuvent illustrer


cette pratique :

Elèves Enseignants
- # qu’est-ce que c’est que la - # "la falda" ? ça veut dire
"falda", monsieur ? #  "jupe" ! #
- # qu’est-ce que c’est "mucho
gusto" ? # - # ça veut dire "enchanté !" # 
- #  comment dit-on "le jour" ?
"tag",oui, "tag" #
- # faites l’exercice au brouillon, on
le corrigera au tableau après. #
- # "facile", madame, "facile" ! # - # que veut dire "leicht" ? #
- # oui, monsieur. # - # oui, bien, "facile" ! #
- # soigne ton écriture ! #
- # monsieur, on ferme la porte ? #  - # attends, y’en a qui ne sont pas
encore arrivés, allez, dépêchez-
vous, entrez en silence et fermez la
- # madame, comme "Staadt"# porte ! #
- # donnez-moi un exemple #
- # on a dit que Ali…[la suite est
exprimée en ALM], warum,
- # c’est au début de la phrase ? # pourquoi ? #

132
- # mais oui, bien sûr #
- # qu’est-ce que c’est que "ein",
"der" et "die" ? et où les trouve-t-
on ? oui, ce sont des articles, on les
trouve devant les noms. L’article
indéfini du masculin, Maskulinen,
c’est "ein", l’article défini du
masculin, Maskulinen, c’est "der"
et l’article défini du féminin,
Femininum, c’est "die".#

Comme on peut le constater, les élèves s’adressent à leurs


enseignants en F mais lorsqu’ils discutent entre eux, ils
utilisent l’AD, surtout en ce qui concerne les garçons, les
filles, elles, ont recours à l’alternance F/AD comme
l’indiquent les exemples suivants :

Garçons entre eux Filles entre elles


- # win wsaltu ? # [où en êtes- - # vas-y, ahadri [parle], parle ! #
vous arrivés ?] - #  haki [tiens !] la feuille
- # andak stilu xdar ? #[tu as un d’exercices #
stylo vert ?]  - # ma Eandi_ [je n’ai pas] le livre # 
- # wa S qal ? # [qu’est-ce qu’il a - # tiens, haki [tiens] le livre,
dit ?]  Sadi [prends] #
- # kifaS nqulu " S a d "   ?   # - # waSm la page [quelle page] pour
[comment dit-on "tenir" ?] l’exercice ? # 
- # "Sad" ? [tenir ?] "tener". # - # saqsiha [demande-lui] : qu’est-ce
- # nxaliw paja ? # [on laisse une qu’on fait ? # 
page ?]
- # Shal saEa ? # [quelle heure est-
il ?]
- # aEtili rigla ! # [donne-moi la
règle !
- # barka ma tzag *ad tabla ! #
[arrête de bouger la table]
Ces exemples confirment les réponses aux
questionnaires : les filles utilisent le F avec leurs camarades
alors que cette pratique est inexistante chez les garçons.

133
Conclusion de l’enquête à Blida
Dans ce troisième et dernier point de notre analyse, nous
nous proposons de procéder à une étude comparative des
résultats enregistrés dans les deux classes qui font partie de
notre échantillon.

Le tableau qui suit comporte les données, dégagées dans les


deux premiers points, par classe et selon le paramètre
« Sexe ». Il a pour but de présenter une vue d’ensemble des
résultats relatifs à la pratique du F dans les différentes
situations retenues pour l’enquête.

CLASSE (F 8 ° A F 3° L / LE
parlé) (Filles(17) Garçons (18)) (Filles(22) Garçons (09))
En Algérie 94,12% 55,55% 81,82% 100%
(col.09)
Dans le 23,52% 5,55% 4,54% 11,11%
quartier (col.10)
LM (col.20) 47,05% 27,77% 31,81% 00%
Avec la mère 41,17% 22,22% 59,09% 55,55%
(col.21a)
Avec le père 58,82% 61,11% 77,27% 77,77%
(col.21b)
Avec les sœurs 17,64% 27,77% 45,45% 11,11%
(col.21c)
Avec les frères 5,88% 44,44% 59,09% 11,11%
(col.21d)
Avec les amies 41,17% 38,88% 81,82% 44,44%
(col.21e)
Avec les 11,76% 27,77% 40,91% 11,11%
voisins (col.21f)
Avec les 94,12% 83,33% 86,36% 100%
enseign.
(col.21g)
Avec les 23,52% 16,16% 77,22% 22,22%
camarades
(col.22)
En cours de LE 100% 94,44% 100% 100%
(col.25)

134
Les proportions ci-dessus montre que le F fait partie du
paysage linguistique algérien pour pratiquement l’ensemble
de nos informateurs : les taux enregistrés pour cette
rubrique sont tous très élevés à l’exception de celui
concernant les garçons en 8° AF ; ce sont de jeunes
adolescents et ils sont sans doute plus sensibles aux
discours idéologiques qui développent la thèse de l’A
comme langue unique des Algériens.
Nos informateurs (filles et garçons) sont très peu nombreux
à pratiquer le F dans le quartier et avec les voisins : les
entretiens semi-directifs nous ont révélé que cette pratique
était dévalorisante pour eux et pouvait donner lieu à des
moqueries ou à des jugements sévères. Mais les filles, même
s’il s’agit de proportions moindres, déclarent cette
pratique : sans doute ne sont-elles pas soumises à la
pression de la rue, ce n’est pas leur domaine, étant donné
les réalités sociales, c’est le domaine des garçons.
L’utilisation du F au sein de la famille est différente selon le
membre auquel l’informateur s’adresse. Ainsi, les chiffres
sont plus élevés pour le père que pour la mère ; avec les
sœurs, le taux est plus élevé pour les garçons que pour les
filles en 8° AF puis la tendance s’inverse en 3° L / LE ; avec
les frères, ce sont surtout les garçons en 8° AF et les filles en
3° L / LE qui déclarent le plus cette pratique.
Les garçons sont plus nombreux à parler en F avec leurs
amies qu’avec leurs camarades : est-ce à dire qu’ils optent
plus volontiers pour cette pratique linguistique avec les
filles qu’avec les garçons ?
Dans le cadre scolaire, presque tous nos informateurs ont
recours au F avec leurs enseignants en général et pendant le
cours de LE en particulier.
On constate donc que, bien que le F ne soit pas la langue
maternelle de l’ensemble de nos informateurs, que ceux-ci
la parlent à des proportions très diverses au sein de la
famille et pratiquement pas dans la rue (quartier, voisins), il
n’en demeure pas moins que cette langue est une langue de
médiation durant les cours d’AN, d’ESP et d’ALM, pour

135
pratiquement l’ensemble de nos informateurs (65 sur 66), au
même titre que l’AD qui est le plus souvent mentionné aux
côtés du F. Dans les représentations des élèves, ce n’est pas
tout à fait une LE, elle a presque le statut d’une langue
source puisque qu’ils l’utilisent pour l’apprentissage d’une
langue cible.
Ce qui confirme ce statut de langue source et que nous
avons pu observer sur le terrain, c’est que le F est utilisé en
1° année d’apprentissage d’une LE : la 8° AF pour l’AN et la
1° AS des lycées (classe de Seconde) pour l’ESP ou l’ALM.
Mais nous avons pu constater également que cette pratique
continue à exister en dernière année d’apprentissage des LE
(classe de Terminale), elle est le fait aussi bien des élèves
lorsqu’ils s’adressent à leur enseignant que des enseignants
eux-mêmes.
Les enseignants avec lesquels nous nous sommes entretenus
nous ont déclaré que la méthodologie appliquée à
l’enseignement/apprentissage des LE manquait d’efficacité
et ne permettait pas à l’élève de faire de réels progrès et que
de ce fait, ils étaient contraints d’avoir recours à une langue
source, très souvent le F, même en classe de Terminale.
Ainsi, au lycée, l’enseignant d’ESP que nous avons
interrogé déclare utiliser le F en cours car, dit-il « le Français
est la langue la plus proche de l’Espagnol, ça facilite la
tâche. ». L’enseignant d’AN, quant à lui, utilise le F en cours
« pour expliquer certains mots difficiles, […] si les élèves
n’ont pas compris en Français, j’utilise l’Arabe. ».
L’enseignant d’Allemand déclare également utiliser le F
pour « expliquer les structures lexicales et grammaticales » ;
c’est ce que nous avons pu observer lors de notre présence
en cours (phase d’observation participante).
Pourtant, tous déclarent que les directives institutionnelles
interdisent le recours à une langue source durant
l’apprentissage d’une LE. Voici leurs déclarations :
- enseignante d’AN au collège : « Non, mais
j’utilise le Français ou l’Arabe lorsque c’est

136
nécessaire : pour expliquer des mots abstraits,
lorsqu’il est impossible d’expliquer le mot par
des exemples, des images ou des gestes. » ;
- enseignant d’AN au lycée : « ce n’est pas permis
mais je n’ai pas d’autre solution. » ;
- enseignant d’ESP au lycée : « Non mais les
élèves comprennent mieux en F ou en A, ça me
fait gagner du temps ;
- enseignant d’ALM au lycée : « Non, le recours à
une autre langue, Français ou Arabe, n’est
permis que si c’est la dernière issue, mais on ne
peut pas faire autrement. »
L’enseignant d’ESP avec lequel nous avons discuté de
manière informelle – il s’agit d’un ancien collègue – confie
même qu’en cas de visite d’un Inspecteur, il n’utilise pas le
Français ou l’Arabe mais que lorsqu’il est parti, il reprend
ses habitudes. Voici un extrait de cette discussion :
« L’enquêtrice : mais c’est interdit, non ? et si tu
reçois la visite d’un Inspecteur ?
l’enseignant : quand y’a l’Inspecteur, je fais comme il
veut, je ne parle qu’en Espagnol aux élèves…mais
toi, tu sais bien que l’Inspecteur ne vient qu’une fois
tous les deux ou trois ans, en attendant, ce n’est pas
lui qui doit se débrouiller avec les élèves qui ne
comprennent pas ou qui sont faibles, alors je fais
comme je veux et ce que je veux, c’est que tous les
élèves comprennent, tous. ».
Les enseignants de LE passent donc outre les directives
institutionnelles car, sur le terrain, ils sont face à une réalité
problématique à laquelle ils doivent remédier en ayant
recours à une langue source : le F et/ou l’A.
Par conséquent, il serait bon de réfléchir à une
méthodologie d’enseignement/apprentissage des LE (AN,
ESP, ALM) qui tienne compte des réalités du terrain où le F
est considéré et est effectivement une langue de médiation

137
aux côtés des autres langues maternelles, l’AD et/ou le B
(en l’occurrence, pour le terrain où nous avons enquêté, le
K).

2. 4. Enquêtes à Koléa (Nabila Benhouhou)


Nous présentons ici les résultats de l’enquête que nous
avons menée à Koléa dans un collège et dans un lycée. Nos
informateurs résident dans la ville de Koléa, située à 37 km
à l’ouest d’Alger et à 3 km de la mer. Ils sont respectivement
scolarisés au collège Nour-Eddine Bouguerra, 8ème A.F.
(Année Fondamentale) et au lycée Mohamed-Seddik
Benyahia, 3ème A.S. (Année Secondaire). La 8.A.F.
correspond à la deuxième année du cycle moyen. C’est leur
deuxième année d’apprentissage du français et leur
première année d’anglais. La 3.A.S. correspond à la dernière
année du cycle scolaire, les élèves en sont à leur neuvième
année d’apprentissage du français et à leur sixième année
d’apprentissage de l’anglais. La deuxième langue étrangère
enseignée dans tous les établissements de la ville est
l’anglais.
Dans une première étape, nous avons assisté en tant
qu’observatrice à des séances d’Anglais dans les deux
classes respectives (8.A.F1 et 3.A.S5). Dans une deuxième
étape, nous avons distribué le questionnaire aux élèves des
deux classes La 3.A.S. compte 27 élèves et la 8.A.F. compte
38 élèves.

2. 4. 1. Résultats enregistrés en 3. A. S.
Au plan quantitatif, l’analyse fait ressortir les résultats
suivants :

Langue(s) parlée(s) en Algérie :


arabe 13 élèves 48%

arabe dialectal 7 élèves 25%


arabe et arabe dialectal 1 élève 3%

138
arabe et kabyle 1 élève 3%
arabe/français/arabe 2 élèves 7%
dialectal / anglais
arabe / français / kabyle 2 élèves 7%
Le paysage linguistique pour les élèves de 3.A.S. est divers,
cependant il n’y a que 4 élèves sur 27 qui mentionnent le
français comme faisant partie des langues parlées en
Algérie.
Dans les représentations des élèves, il n’y a pas de
distinction entre l’arabe et l’arabe dialectal, la frontière entre
les deux est floue.

Langue(s) parlée(s) dans le quartier :


Derdja (arabe 22 élèves 81%
dialectal)
Derdja (arabe 2 élèves 7%
dialectal) et français
Derdja (arabe 1 élève 3%
dialectal) et kabyle
Sans réponse 2 élèves 7%
La notion de quartier n’existe pas à Koléa, d’ailleurs, au
niveau de cette rubrique, les élèves ont mis soit leur
adresse, soit le nom de la ville (Koléa).

Définitions
La « langue maternelle » est, pour la totalité des élèves de
cette classe (sauf pour un élève qui n’a pas répondu à la
question), la langue parlée à la maison.
L’« arabe classique » désigne pour la majorité la langue
nationale, un seul informateur la définit comme étant la
langue littéraire.

Langue(s) parlée par l’informateur :


arabe arabe berbère français
classique dialectal
Bien 16 élèves 26 élèves 3 é l è v e s 10 élèves
(59%) (96%) (11%) (37%)
Moyen 11 élèves 1 élève (3%) 1 élève (3%) 16 élèves
(40%) (59%)

139
(40%) (59%)
Pas du tout  /  / 22 élèves 1 élève (3%)
(81%) dont
un sans
réponse

Langue(s) comprise(s) par l’informateur :


arabe arabe berbère français
classique dialectal (kabyle,…)
Bien 25 élèves 26 élèves 3 élèves 14 élèves
(92%) (96%) (11%) (51%)
Moyen 2 élèves  / 2 élèves 11 élèves
(7%) (7%) (40%)
Pas du tout  / 1 s a n s 21 élèves 2 élèves
réponse (77%) (7%)
1 sans
réponse
14 élèves sur 27 déclarent qu’ils comprennent le français
plus et mieux qu’ils ne le parlent (10 élèves sur 27).
Cependant ceux qui déclarent le parler moyennement sont
plus nombreux (16 élèves sur 27) que ceux le comprennent
moyennement (11 élèves sur 27). Or on sait que le potentiel
de compréhension de nos élèves dépasse largement celui de
l’expression. La même remarque s’impose pour les élèves
de 8.A.F (comme nous le verrons plus loin).
Les lectures de nos informateurs
- Journaux : 27 élèves (100%)
- Livres : 12 élèves (44%)
- Magazines : 04 élèves (14%)
- Romans : 8 élèves (29%)
- Revues : 17élèves (62%)
- Nouvelles :   /
- Poèmes : 2 élèves (7%)
- Horoscope : 1 élève (3%)

140
Les journaux : en arabe ou en français :
Les journaux Le nombre d’élèves
En arabe 15 élèves (55%)
En arabe et en français 12 élèves (44%)
Tous les élèves déclarent lire des journaux, un peu plus de
la moitié les lisent en arabe et les autres (12 élèves) les lisent
dans l’une et l’autre langue.

La langue maternelle de l’informateur


arabe dialectal 21 élèves (77%)
arabe et kabyle 1 élève (3%)
arabe et français 5 élèves (18%)
Comme nous l’avons signalé en (c), la langue maternelle
(dans les représentations de nos informateurs) étant celle
qui est parlée à la maison, certains informateurs (5 élèves
sur 27) ajoutent le français au côté de l’arabe.

Langue(s) utilisée(s) avec :

La mère :
arabe dialectal arabe dialectal et arabe dialectal et
français kabyle
21 élèves (77%) 5 élèves (18%) 1 élève (3%)
Parmi ceux qui communiquent avec leur mère en arabe
dialectal et en français (5 élèves), il y a un seul garçon (le
locuteur 22).

Le père :
arabe dialectal arabe dialectal et arabe dialectal et
français kabyle
16 élèves (59%) 10 élèves (37%) 1 élève (3%)
Nous relevons que par rapport à la mère, le nombre
d’élèves qui utilisent l’arabe dialectal associé au français,
avec le père, est plus élevé (le double) ; ceci s’explique par la
formation ou la profession du père.

141
Les sœurs :
arabe dialectal arabe dialectal et arabe dialectal et
français classique
22 élèves (81%) 4 élèves (14%) 1 élève (3%)

Les frères :
arabe dialectal arabe dialectal et français
26 élèves (96%) 1 élève (3%)
Parmi les 04 élèves qui s’expriment en arabe dialectal et en
français, une seule (locuteur 05) s’exprime pareillement
avec ses trois frères.

Les voisins :
- 100% arabe dialectal

Les amis(es) :
- 1 élève (locuteur 7) s’exprime en français avec ses
amis(es) (3%)
- 3 élèves (toutes des filles) s’expriment en français
- et en arabe dialectal (11%)
- 1 élève (locuteur 6) s’exprime en arabe dialectal
et
- en arabe classique (3%)

Les enseignants :
arabe classique arabe classique et arabe dialectal et
français classique
15 élèves (55%) 11 élèves (dont un 1 élève (3%)
ajoute l’arabe
dialectal) (40%)
L’usage de l’arabe classique avec les enseignants semble ici
très courant dans le secondaire, en effet en 3.A.S., les élèves
en sont à la dernière année du cursus scolaire, qui en
compte treize, avec comme langue d’enseignement l’arabe
classique.

142
Cependant, il faut faire remarquer que l’usage du français
avec les enseignants ne concernent que les enseignants de
langue.

Les camarades en classe :


arabe dialectal 19 élèves (70%)
arabe dialectal et français 4 élèves (14%)
arabe dialectal et arabe classique 1 élève (3%)
Français 1 élève (3%)
l’argot 1 élève (loc.4) (3%)
toutes les langues 1 élève (loc.1) (3%)
Quatre élèves communiquent avec leurs camarades, en
classe, en arabe dialectal et en français, en voici les raisons
invoquées :
- locuteur 7 : « je m’exprime mieux ».
- locuteur 16 : « ce sont mes deux langues
préférées ».
- locuteur 17 : « pour bien communiquer ».
- locuteur 19 : « pour mieux m’exprimer ».
- Quant au locuteur 4 qui mentionne « l’argot »,
nous supposons qu’il s’agit du français.

Les notes des élèves obtenues en langues :


entre 5 et entre 9 et entre 12 et entre 16 et
8/20 11/20 15/20 18/20
arabe  / 10 élèves 16 élèves  /
(37%) (59%)
français 1 élève (3%) 9 élèves 16 élèves 1 élève (3%)
(33%) (59%)
anglais 4 élèves 6 élèves 16 élèves 1 élève (3%)
(14%) (22%) (59%)
Les élèves qui obtiennent des notes en dessous de 08/20 en
langues (français et anglais) sont plus nombreux en anglais
(4 élèves) qu’en français (1 élève). Ceci s’explique par le fait
qu’en 3.A.S., les notions linguistiques à retenir (notamment
pour le baccalauréat), sont celles qui ont été vues les deux

143
années précédentes, il y a eu enseignement de ces savoirs
mais pas appropriation.

La/les langue(s) préférée(s) de l’informateur :


anglais français français arabe et arabe et arabe arabe
et français anglais classique
anglais
8 élèves 6 élèves 2 élèves 6 élèves 1 élève 2 élèves 1 élève
(29%) (22%) (7%) (22%) (3%) (7%) (3%)
Un seul locuteur ne se prononce pas (l’informateur 2). 16
élèves sur 27 préfèrent les langues étrangères (français et
anglais) dont 8 ont une préférence pour l’anglais et 6 pour
le français.

Langue utilisée dans le cours d’anglais :


français arabe dialectal et arabe classique et
français français
25 élèves (92%) 1 élève (3%) 1 élève (3%)
Il ressort de ce tableau que la langue d’accompagnement du
cours d’anglais est le français. C’est la pratique la plus
répandue au lycée, c’est ce que nous ont confirmé les
enseignants après le dépouillement du questionnaire qui
leur était destiné. Les raisons invoquées par les élèves
seront développées plus loin dans l’analyse qualitative
globale.

2. 4. 2. Résultats enregistrés en 8° A.F.


Sur le plan quantitatif, nous relevons les résultats suivants :

Langue(s) parlée(s) en Algérie :


arabe/français/kabyle 17 élèves (44%)
arabe/français 8 élèves (21%)
arabe/français/kabyle/chaoui 5 élèves (13%)
Arabe 2 élèves (5%)
arabe dialectal/français/kabyle 4 élèves (10%)
arabe/français/imazighen 2 élèves (5%)

144
Nous relevons que deux élèves désignent le berbère ou le
kabyle par « imazighen ». Pour tous les élèves de cette
classe, le français fait partie du paysage linguistique
algérien, en alternance avec les autres langues et au même
titre que celles-ci. 5 élèves ont ajouté le chaoui, bien
qu’aucun d’eux ne parle cette langue berbère. Nous devons
cependant souligner que certains élèves ont précisé : « arabe
dialectal » pour parler de l’arabe, et que d’autres, ont
seulement mentionné : « arabe » ; en réalité, nos
informateurs ne marquent pas de frontière entre l’arabe
dialectal et l’arabe classique.

Langue(s) parlée(s) dans le quartier :


arabe 36 élèves (94%)
arabe et arabe dialectal 1 élève (2%)
sans réponse 1 élève (2%)
Même si nous relevons qu’un seul élève a distingué l’arabe
de l’arabe dialectal, le reste de la classe ne distingue pas les
deux (arabe classique et arabe dialectal). Comme nous
l’avons souligné pour l’autre classe (3°A.S.), le quartier
désigne toute la ville : certains élèves ont mis leurs adresses
pour répondre à cette question, d’autres ont simplement
mis le nom de la ville (Koléa). Le français ne fait pas partie
de cet espace.

Langue maternelle :
arabe dialectal 34 élèves (89%)
arabe dialectal/français 4 élèves (10%)
La même remarque s’impose pour les élèves de
8°A.F. : quand les élèves mettent le français au côté de
l’arabe dialectal pour la langue maternelle, il s’agit pour eux
de la langue parlée à la maison.

Langue(s) parlée(s) par l’informateur :


arabe arabe berbère français
classique dialectal
Bien 22 élèves 38 élèves 4 élèves 6 élèves
(57%) (100%) (10%) (15%)
moyennement 16 élèves  / 2 élèves 30 élèves
(42%) (5%) (78%)

145
(42%) (5%) (78%)
pas du tout  /  / 30 élèves 2 élèves
(78%) (5%)
[2 sans réponse (5%)]
30 élèves sur 38 déclarent parler moyennement le français
dont 12 filles. Sur les 6 élèves qui déclarent bien parler le
français, il y a 4 filles, comme nous le verrons plus loin dans
l’analyse qualitative, pour des raisons socioculturelles, les
garçons ne s’expriment pas beaucoup en français (et/ou le
déclarent ainsi), même s’ils maîtrisent quelque peu la
langue. Cependant, 2 élèves déclarent ne pas parler du tout le
français, il s’agit de leur pratique quotidienne. Nous
estimons qu’après cinq ans d’apprentissage du français,
leur compétence linguistique ne peuvent pas être au niveau
zéro.

Langue(s) comprise(s) par l’informateur :


arabe arabe berbère français
classique dialectal (kabyle,...)
Bien 37 élèves 38 élèves 5 élèves 6 élèves
(97%) (100%) (13%) (15%)
moyennement 1 élève  / 8 élèves 29 élèves
(2%) (21%) (76%)
pas du tout  /  / 24 élèves 2 élèves
(63%) (5%)
[1 sans réponse (2%)]
Si on compare les deux tableaux ci-dessus, nous relevons le
même nombre d’élèves qui comprend et parle bien le français,
6 élèves dont 5 d’entre eux sont les mêmes. Le taux des
élèves qui parlent et qui comprennent moyennement le
français est pratiquement le même : 30 et 29 élèves. Quant
aux 2 élèves qui déclarent ne pas parler et ne pas comprendre
le français, les locuteurs 7 et 29, nous constatons, après
enquête que leurs compétences de compréhension
dépassent légèrement celles de l’expression.
Les lectures de nos informateurs
- Journaux : 34 élèves (89%)

146
- Livres : 36 élèves (94%)
- Contes : 15 élèves (39%)
- Revues : 22 élèves (57%)
19 élèves sur 38 ont écrit les réponses en arabe expliquant
qu’il leur était plus facile pour eux de nommer les différents
types de lecture dans cette langue. Les livres désignent les
romans.

Les journaux (en arabe ou en français ) :


Les journaux Le nombre d’élèves
En arabe et en français 17 élèves (44%)
En arabe 21 élèves (55%)
Si la majeure partie des élèves (34 sur 38) lisent les
journaux, la moitié d’entre eux les lisent en arabe et en
français.
La langue maternelle de l’informateur
Pour tous les élèves de cette classe, la langue maternelle
déclarée est la « langue parlée à la maison » ; ils ont tous
répondu « arabe dialectal » même si certains pratiquent
l’alternance codique : arabe dialectal / kabyle, arabe
dialecta / français ; c’est ce que nous verrons dans le point
qui suit.

Langue(s) utilisées avec :

La mère :
arabe arabe français et kabyle kabyle et
dialectal classique et arabe arabe
arabe dialectal dialectal
dialectal
14 élèves 7 élèves 9 élèves 6 élèves 8 élèves
(36%) (18%) (23%) (15%) (21%)
9 élèves sur 38 pratiquent l’alternance de code
français/arabe dialectal, avec leurs mères. L’interaction
avec la mère se fait uniquement en arabe dialectal pour 14
élèves sur 38.

147
Le père :
arabe français et kabyle et arabe français/arabe
dialectal arabe français dialectal et classique/arabe
dialectal classique dialectal
15 élèves 12 élèves 2 élèves 2 élèves 3 élèves (7%)
(39%) (31%) (5%) (5%)
Quatre élèves ont déclaré que leur père est décédé.

Les sœurs :
arabe français français/kabyle/arabe kabyle et arabe
dialectal et arabe dialectal arabe dialectal
dialectal dialectal et arabe
classique
20 élèves 5 élèves 2 élèves (5%) 1 élève 10 élèves
(52%) (13%) (2%) (26%)

Les frères :
arabe français français/kabyle/arabe kabyle et arabe
dialectal et arabe dialectal arabe dialectal
dialectal dialectal et arabe
classique
23 élèves 7 élèves 2 élèves (5%) 2 élèves 4 élèves
(60%) (18%) (5%) (10%)
Ce sont les mêmes élèves qui communiquent avec leurs
sœurs et avec leurs frères en français, en arabe dialectal et
en kabyle (les locuteurs 13 et 21). Pour 12 élèves, le français
est associé à l’arabe dialectal.

Les amis(es) / les voisins :


La langue dominante avec les amis(es) est l’arabe dialectal,
mais trois(03) élèves sur 38 associent le français à l’arabe
dialectal.

Les enseignants :
arabe dialectal/français/arabe arabe classique/ français
classique
33 élèves (86%) 5 élèves (13%)
L’arabe classique n’étant pas encore maîtrisé en 8° année, la
plus grande majorité de la classe (33 élèves sur 38) l’utilisent

148
en l’associant à l’arabe dialectal et au français, étant entendu
que le français reste la langue de communication des élèves
avec les enseignants de langues (français et anglais)
uniquement. Nous soulignerons que le nombre élevé
d’élèves communiquant avec les enseignants dans les
langues citées plus haut reflète la réalité de l’école
algérienne qui déploie des efforts considérables pour que
l’arabe classique soit maîtrisé. C’est la raison pour laquelle
au niveau du secondaire, le recours à l’arabe dialectal avec
les enseignants diminue considérablement.

Les camarades en classe :


Un seul élève (locuteur 11) déclare utiliser le français
associé à l’arabe dialectal avec ses camarades de classe. Le
reste des élèves utilisent l’arabe dialectal parce que « c’est
facile » disent-ils. Un seul élève (informateur 12) a
répondu : « parce qu’il comprend » voulant parler de ses
camarades pour dire « ils comprennent ».

Notes des élèves obtenues en langues :


entre 5 et entre 9 et entre 12 et entre 16 et
8/20 11/20 15/20 18/20
arabe 1 élève (2%) 7 élèves 13 élèves 17 élèves
(18%) (34%) (44%)
français 18 élèves 6 élèves 12 élèves 2 élèves
(47%) (15%) (31%) (5%)
anglais 1 élève (2%) 6 élèves 18 élèves 13 élèves
(15%) (47%) (34%)
Les élèves qui obtiennent des notes inférieures à 08/20 sont
plus nombreux en français qu’en anglais. En effet, les élèves
n’en sont qu’à leur deuxième année d’apprentissage de
l’anglais, l’enseignement/apprentissage de la langue est
surtout axé sur la démarche de répétition/reproduction des
structures linguistiques élémentaires. Ce qui justifie le
nombre élevé d’élèves ayant obtenu des notes supérieures à
16/20 en anglais (13 élèves) par rapport au français où ils ne
sont que 2 élèves à avoir entre 16 et 18/20.

149
Langue(s) préférée(s) des informateurs :
arabe anglais français
français/anglais français français
et arabe et arabe
et arabe et
anglais
9 élèves 9 élèves 4 élèves 2 élèves (5%) 4 élèves 1 élève
(23%) (23%) (10%) (10%) (2%)
9 élèves ne se sont pas prononcés. Le nombre élevé d’élèves
qui ont une préférence pour l’anglais se justifie par la
nouveauté et l’attirance à l’égard de la discipline.

Langue(s) utilisée(s) dans le cours d’anglais :


français/arabe français/arabe Français français/arabe
dialectal classique dialectal/arabe
classique
2 élèves (5%) 31 élèves (81%) 4 élèves (10%) 1 élève (2%)
Le cours d’anglais, chez les 8°A.F., se déroule en arabe
classique et en français pour presque la totalité de la classe.
Il ressort de ce tableau que le français et l’arabe classique
sont les langues de l’école.

2. 4. 3. Analyse qualitative
L’analyse quantitative montrent que pour les élèves de
8°A.F, le paysage linguistique algérien est plurilingue,
contrairement aux élèves de 3°A.S. Pour plus de la moitié
de la classe, l’arabe, le français et le kabyle se côtoient. Si
l’arabe est dominant comme langue parlée dans le
« quartier » (qui désigne pour nos informateurs toute la
ville), 3 élèves sur 38 ont précisé « arabe dialectal » parce
que dans les représentations de ces élèves, arabe dialectal et
arabe classique se confondent.
Le français a pour eux le statut de langue de l’école
puisqu’il est peu utilisé avec les amis(es) et les voisins. Les
pratiques dans l’univers familial sont différentes, le français
est omniprésent dans l’interaction avec le père, mais
toujours associé à l’arabe dialectal pour 12 élèves sur 38. Il
en est de même pour la relation informateur / mère, 9
élèves sur 38 pratiquent l’alternance des deux langues

150
(français / arabe dialectal). A l’égard des sœurs et des
frères, nos informateurs adoptent des attitudes
différentes : le nombre d’élèves qui utilisent le français,
mais toujours associé à l’arabe dialectal, avec les frères est
plus élevé que celui avec les sœurs : 7 élèves sur 38 contre 5
sur 38. Sur les 7 élèves, 4 sont des filles et sur les 5 élèves, il
y a un 1 seul garçon (le locuteur 35). La pratique du français
dans l’entourage familial est en vérité une pratique
beaucoup plus courante chez les filles que chez les garçons.
Ces derniers s’expriment rarement en français même ceux
qui le maîtrisent et ceci pour des raisons socioculturelles
évoquées plus haut.
Lorsque les élèves entament l’apprentissage de la deuxième
langue étrangère (l’anglais pour la ville de Koléa), ils ont
recours systématiquement au français, langue estimée
proche de l’anglais pour interpeller l’enseignante d’anglais.
Il est vrai que 33 élèves sur 38 sollicitent l’enseignante
d’anglais en français, en arabe dialectal et en arabe
classique, mais ils sont aussitôt corrigés par l’enseignante
quand ils interviennent en arabe dialectal, préférant plutôt
l’arabe classique ou le français. C’est ce que nous avions
relevé dans nos observations participantes en classe. 5
élèves seulement n’utilisent pas l’arabe dialectal mais plutôt
l’arabe classique, toujours associé au français, justifiant ainsi
dans l’espace scolaire, le statut de langues de l’école conféré
aux deux langues. Ceci se confirme de même pour la
relation des informateurs avec leurs camarades en classe : si
l’enseignant est dans l’espace/classe, c’est l’arabe classique
et le français qui dominent, si l’enseignant n’est pas là, c’est
l’arabe dialectal qui est dominant, 1 seul élève (le locuteur
11) utilise l’alternance français / arabe dialectal avec ses
camarades. Le français et l’arabe classique sont les langues
qui lient les élèves à leurs enseignants dans l’espace
scolaire.
Concernant les deux langues étrangères étudiées, le français
et l’anglais, les élèves de 8°A.F. témoignent une préférence
pour l’anglais. L’attrait pour cette langue s’explique par le
fait que c’est une discipline nouvelle pour eux (la deuxième
année d’apprentissage), contrairement au français qui n’est

151
pas vécu par nos informateurs comme étant une langue
étrangère. En effet très présent dans l’environnement
sociolinguistique algérien, le français ne peut être ressenti
comme étant une langue étrangère.
Cependant, même si le français n’est pas considéré comme
étant une langue étrangère, les notes obtenues par nos
informateurs dans cette discipline sont plutôt faibles, 18
élèves sur 38 ont des notes inférieures à 8/20 dans cette
discipline ; alors qu’il n’y a qu’un seul élève qui a moins de
8/20 en anglais. La huitième année correspond à la
cinquième année d’apprentissage du français. A ce niveau,
c'est-à-dire au cycle moyen, l’enseignement/apprentissage
du français prend en charge, non seulement les structures
linguistiques, mais aussi les types de discours comme le
narratif, l’argumentatif et l’explicatif. Or en anglais, la
typologie des discours n’est envisagée que dans le
secondaire ; ce qui explique les différences de notation dans
les deux disciplines.
Dans le cours d’anglais le français est omniprésent (comme
nous l’avions relevé chez les 3°A.S.). Cependant, en 8°A.F,
les enseignants et les élèves ont recours aussi bien au
français qu’à l’arabe classique. Les enseignants ont recours
au français d’une manière courante, mais pour l’arabe
classique, ils ont pour consigne de « rappeler » les élèves
quand ils interviennent en classe en arabe dialectal, pour
permettre un apprentissage performant de la langue
d’enseignement. Quant aux élèves, ils sollicitent
l’enseignante d’anglais en français parce qu’ils trouvent les
deux langues « proches », ou « pour apprendre » disent-ils.
Ainsi le français devient langue-source d’apprentissage de la
langue cible.

2. 5. Enquêtes à Tizi Ouzou (Tahar Zaboot)


Avant de présenter les résultats de ce travail, il nous semble
indispensable de signaler que les conditions dans lesquelles
a été menée l'enquête ont été particulièrement complexes et
pénibles. En effet, l'accès aux établissements scolaires nous

152
a été purement et simplement interdit. Une autorisation
devant être délivrée par la direction de l'éducation nous a
été à chaque fois exigée. Or, même l'accès à cette institution
était impossible. A l'origine de cette situation de blocage et
d'inertie que vit la Kabylie, se trouve le mouvement
revendicatif berbère, communément appelé : Arouches, qui,
entre autres, réclame l'officialisation de la langue
48
Tamazight . C'est donc uniquement grâce à un ami, chef
d'établissement, que nous avons pu assister à une séance de
cours d'anglais. Nous avons également saisi l'occasion pour
organiser un entretien et distribuer le questionnaire aux
élèves (31), ainsi qu'aux enseignants : trois (3) professeurs
d'anglais et un (1) professeur d'allemand.
Présentation du site et des enquêtés
Les raisons du choix de ce site sont doubles :
- il fallait diversifier les lieux où devait se
dérouler d'enquête ; telle est la première raison.
- la deuxième raison, sans doute la plus
importante, est que la ville de Tizi-Ouzou offre
un cadre particulier de la pratique langagière
des locuteurs algériens, ou tout au moins, de
certains.
La région de Kabylie se caractérise par une très forte densité
humaine, à laquelle s'ajoute la pauvreté du territoire
agricole. Ce qui explique, dans une large mesure,
l'importance de l'émigration de cette région vers d'autres
régions urbaines et industrielles de l'Algérie et surtout vers
l'étranger.
Les enquêtés
Les enseignants, ainsi que les élèves, qui ont accepté de
participer à cette enquête, appartiennent au lycée
Amirouche, qui se situe à Tizi-Ouzou-ville. Ils sont tous
originaires de Kabylie et ont comme langue première le
kabyle (variété de berbère). Les enseignants sont
professeurs d'anglais et d'allemand depuis plus d'une

153
dizaine d'années. Ils sont tous certifiés. En fait, il s'agit
plutôt d'enseignantes !
Les élèves sont tous issus des trois paliers du cycle
fondamental, nouveau système éducatif mis en place en
Algérie sur l'ensemble du territoire national, depuis 1976.
Avant d'arriver au lycée, les élèves ont donc suivi neuf (9)
années d'enseignement fondamental. Le premier contact
qu'ils ont eu avec la langue française s'est fait
principalement à la maison avec les frères et sœurs déjà
scolarisés, ou avec la télévision, par l'intermédiaire de la
parabole. Le contact qu'ils ont eu avec la langue française à
l'école s'est fait à partir de la quatrième (4) année de leur
scolarité. A quelques exceptions près, les élèves que nous
avons observés lors de l'enquête ont tous entre 17 et 19 ans.
Modes et moyens de pénétration des différentes langues présentes
en Kabylie
La pénétration en Kabylie de l'arabe parlé, ou dialectal, et
du français, peut largement s'expliquer par les phénomènes
de l'exode rural, ainsi que par le départ à l'étranger, vers la
France en particulier, et ce, pour des raisons historiques et
économiques. Les échanges socioculturels et linguistiques
se font entre la population restée dans la région de Kabylie,
aux villages, et ceux qui sont devenus citadins, lors de leurs
retours épisodiques, à l'occasion de fêtes, de vacances.
Il faut également retenir que, dans l'esprit des chefs de
familles kabyles, la sortie de la misère, le salut, ne viendront
que de l'école. Ce qui explique le taux de scolarisation
relativement élevé, à Tizi-Ouzou tout particulièrement. Il
est vrai que l'école joue un très grand rôle dans la
pénétration accrue de l'arabe en Kabylie. L'école, mais aussi
la parabole. Le retour des émigrés qui rentrent au pays
pendant les congés annuels, favorise, lui, la pénétration
intense du français dans cette région.
En Kabylie, toutes (ou presque) les maisons sont dotées
d'une parabole, permettant ainsi de capter les chaînes de
télévision françaises.

154
On note alors que les trois langues présentes dans le pays, à
savoir : l'arabe parlé, le kabyle et le français, se retrouvent
dans cette micro-société que constitue la population de Tizi-
Ouzou. Les pratiques langagières des locuteurs de cette
ville se caractérisent par l'usage alterné des trois langues
présentes dans la région. Pour paraphraser un collègue, je
dirai que si le français ne jouit pas, officiellement, du statut
de langue nationale en Algérie, il est certainement bien plus
qu'une langue étrangère, notamment en Kabylie.
C'est pour cette raison que les kabyles sont souvent taxés,
non seulement d’être francophones, mais « francophiles ».
2. 5. 1. Résultats de l'enquête
Observation d’une séance de cours d'anglais : Nous tenons
à souligner un fait remarquable qui a attiré notre attention.
Dès l'entrée en salle de cours, l'enseignante d'anglais essaie
de rétablir le calme et demande à ses élèves, en français, de
rejoindre leur place, de s'installer et de prendre leur livre
d'exercices. En somme, la langue française permet
d'installer le décor pour qu'ensuite débute la pièce, le cours
d'anglais en l'occurrence.
Durant la séance d'anglais à laquelle nous avons donc
assisté, nous avons noté que l'enseignante faisait appel à la
langue française toutes les fois qu'il fallait préciser
davantage les consignes — déjà données en anglais — par
rapport aux exercices à faire. Toujours dans un emploi
« redondant », le français intervient pour doubler les
explications données en anglais concernant une structure
morphosyntaxique, pour apporter des éclaircissements
quant à la structure lexicale abordée. Machinalement,
l'enseignante propose, également, une unité lexicale en
français, sémantiquement proche du « mot » anglais qui
bloque et/ou qui pose un problème de compréhension.
Les élèves, quant à eux, s'interpellent en kabyle et / ou en
arabe dialectal. En revanche, ils interpellent leur professeur
d'anglais en français.

155
En définitive, la langue française s'installe dans le cours de
langue(s) étrangère(s) en véritable alliée des enseignants.
Autrement dit, dans les structures d'enseignement, à Tizi-
Ouzou en tout cas, et dans le processus d'apprentissage /
acquisition de langue(s) étrangère(s), le français se substitue
aisément aux langues premières des apprenants. Le
discours métalinguistique se tient en langue française,
concernant l'enseignement / apprentissage de la langue
anglaise. Autrement dit, l'anglais est l'objet et le français
devient l'instrument de l'appropriation de cet objet.
En tout état de cause, c'est la méthode d'enseignement, dite
indirecte, qui semble recueillir l'adhésion de beaucoup,
sinon de tous les collègues professeurs de langues
étrangères, autre que le français, avec qui nous avons
abordé la question.
Entretien
L'entretien n'a pas duré longtemps et pour cause. Il était
extrêmement difficile de regrouper les participants à
l'enquête et de les retenir longtemps. Toutefois, nous avons
pu rassembler les quatre professeurs de langues étrangères
de l'établissement : trois (3) d'anglais ; un (1) d'allemand. Ce
sont joints à nous une vingtaine d'élèves, garçons et filles
Nous allons traiter, ci-après, les réponses apportées par les
élèves aux questions suivantes, questions que nous avons
sélectionnées et synthétisées.
- En dehors des cours, quelle(s) langue(s) utilisez-
vous ?
- Quelle est la langue que vous préférez et
pourquoi ?
- Est-ce que vous lisez ? dans quelle langue ?
- Souhaiteriez-vous que votre professeur d'anglais
fasse intervenir durant ses cours une autre
langue ? laquelle et pourquoi ?
A la première question, les réponses sont unanimes : la
pratique alterné des trios langues présentes dans la

156
région : le Kabyle, l’arabe dialectal et le français, semble
constituer le mode d’expression et de communication
adopté par l’ensemble des élèves. En fait, il s’agit davantage
de la pratique d’un « code-mixing » contenant, entre autres,
des interférences, des emprunts…. Que de la pratique d’un
usage alterné des langues, ou « code-switching », tel que
défini par Pénélope Gardner-Chloros (1983).
A la deuxième question, majoritairement, 19 sur 20 élèves,
soit 95 %, ont répondu que « sentimentalement », ils
choisissent la langue berbère car, disent-ils, « c'est la langue
des anciens ». Ils précisent tout de même que leur
préférence va vers le français car, de leur point de vue,
« c'est la langue de la modernité, de l'ouverture sur le
monde, de l'avenir... ».
A la troisième question, les garçons ont tous répondu qu'ils
lisent des quotidiens et des hebdomadaires qui traitent des
événements sportifs, du foot..., tout en déplorant leur coût
élevé, les filles affirment lire des romans, des magazines... A
l'exception de deux d'entre elles, deux (2) sur treize (13), soit
15 %, qui disent ne pas avoir de préférence particulière et
qu'elles sont en mesure de lire en arabe et / ou en français
ce qui leur tombe sous la main, les autres élèves, onze (11)
filles et sept (7) garçons, soit 90 %, affirment ne lire qu'en
français, à la fois par choix et par compétence.
A la dernière question posée aux élèves lors de l'entretien
qui a eu lieu dans la salle des enseignants, en présence des
quatre collègues, professeurs de langues étrangères, les
élèves présents - une vingtaine - ont tous répondu qu'ils
apprécient le fait que leur professeur d'anglais fasse
intervenir la langue française, durant ses cours : « ça nous
aide à mieux comprendre », s'empressent-ils de préciser.
A la question adressée cette fois aux enseignantes :
« Pourquoi faites-vous intervenir le français durant vos
cours ? », leur réponse fut spontanée et sans équivoque
: « comme il n'y a pas de directive officielle, pas de consigne
particulière quant à la méthode d'enseignement à adopter,
nous avons, dans un premier temps, opté pour la méthode
dite directe ou par immersion, mais on s'est vite rendu

157
compte que les élèves ne comprenaient rien ou pas grand
chose de ce qu'on leur disait en ne pratiquant que l'anglais.
Faire de l'anglais par l'anglais nous retarde beaucoup dans
notre progression ». Autrement dit, selon ces propos, on
peut en déduire que la ligne droite : anglais-anglais, n'est
pas le plus court chemin…
« Mais alors, s'il ne s'agit que de cela : intercompréhension,
gain de temps, pourquoi ne faites-vous pas intervenir la
langue première de vos élèves, c'est-à-dire le kabyle ? » Là
aussi, la réponse fut sans détour : « Nous voulons garder
nos distances, nous refusons les familiarités. Par ailleurs, le
kabyle est une langue qui n'est pas encore suffisamment
apte à servir d'adjuvant, d'auxiliaire à l'apprentissage de la
langue anglaise ». En d'autres termes, le français, une fois
de plus, est perçu, considéré, comme la langue médiatrice
dans le processus d'apprentissage d'une autre langue
étrangère. Le recours à la langue maternelle est, selon ces
enseignantes, à éviter, car c'est la langue de l'affect, de
l'intimité...
Lors de l'entretien, l'enseignante d'allemand approuve le
point de vue de ses collègues d'anglais. Elle dit agir et se
comporter de la même façon que ses collègues avec qui elle
partage les mêmes préoccupations.
Exploitation du questionnaire
Là aussi, nous avons choisi de regrouper les questions et les
réponses qui nous paraissaient pertinentes. Nous allons
vérifier si les réponses avancées corroborent ce qui a été dit
lors de l'entretien. Le questionnaire révèle qu'en famille, la
pratique linguistique des enquêtés se répartit comme suit :
- avec les frères et sœurs, c'est plutôt l'emploi d'un
« code-mixing », faisant intervenir, à la fois, le
kabyle, l'arabe dialectal et le français, qui
prévaut. C'est d'ailleurs le même mode
d'expression et de communication qui est
privilégié par les élèves, en dehors de la famille.

158
- avec les parents, c'est l'usage d'un
bilinguisme : kabyle-français, qui domine.
A la question : 
- « qu'est-ce qu'on parle, en Algérie ? » le nombre
de réponses recueillies (13 sur 31, soit 42 %),
offre cet ordre de classement : aamazight
(berbère / kabyle), arabe et français.
On pourrait l'interpréter comme une volonté, un souhait de
s'affranchir et donc de s'affirmer en tant qu'Algérien, à part
entière, ne pas être toujours classés après, en dernier. Il faut
savoir que, d'une part, les jeunes Kabyles — les moins
jeunes aussi — ont une conscience politique et surtout
linguistique très aiguisée. Il faut aussi se rappeler que,
d'autre part, la langue berbère n'a vu son statut de langue
nationale reconnu qu'en 2003. Il faut enfin retenir que les
Berbères entretiennent avec leur langue un rapport viscéral.
C'est peut-être à ce niveau qu'il faudrait essayer de
comprendre pourquoi le Kabyle voue un tel amour à la
langue française et manifeste un rejet sans appel de la
langue arabe, notamment de l'arabe classique. Tout ceci
peut très bien se lire au travers des réponses apportées à la
question posée : 
- « quelle est la langue que vous préférez ? » : 26
sur 31 élèves, soit 83 %, répondent le français.
A la question suivante : 
- « pourquoi ? » Une réponse a retenu
particulièrement notre attention  et nous la
reproduisons textuellement : « parce que c'est la
langue de la vie ».
Quant à l'arabe classique, qui est identifié par les Algériens,
dans une écrasante majorité, comme la langue du pouvoir,
il symbolise aux yeux du Kabyle tout particulièrement,
l'oppression, la [hogra], « l'omnipotence ». De nombreuses
personnes se souviennent d’une intervention du président à
la télévision. Ce discours, adressé à la nation, a été exposé

159
dans un arabe châtié, hermétique, si bien que peu, très peu
d'auditeurs l'ont compris. Le lendemain, la même
intervention du président est rediffusée, mais sous-titrée en
langue française.
Pour recentrer le travail, nous dirons que, dans les
établissements scolaires de Tizi-Ouzou, la langue française
remplit la fonction qui, normalement échoit à la langue
première des apprenants lors de leur apprentissage des
autres langues étrangères. C'est ce qui justifie, dans une
certaine mesure, que l'on dise que le français en Algérie est
une langue étrangère à statut particulier.
C'est, essentiellement, dans les institutions de l'Etat que le
champ d'utilisation du français s'est rétréci. La volonté,
notamment politique, de détrôner le français de sa position
de « leadership », de langue de l'élite intellectuelle en
Algérie, se traduit concrètement par son remplacement
progressif par, justement, l'arabe littéraire, et par l'intérêt et
les encouragements accordés à une deuxième langue
étrangère, qu'on essaie de positionner en « rivale » du
français : l'anglais.
2. 5. 2. Conclusion
Contrairement à l'arabe littéraire et à l'anglais, ainsi qu'aux
autres langues étrangères présentes dans le pays, mais qui
restent confinées dans les établissements scolaires et
universitaires, la langue française a le privilège que lui
concède la société, en la pratiquant alternativement avec le
berbère et l'arabe dialectal, dans les situations de
communication informelles, intimes...

2. 6. Synthèse de l’ensemble des enquêtes (Malika Kebbas)

L’ensemble des résultats chiffrés de l’enquête quant aux


usages du français auprès des élèves de 8° AF et de 3° AS
dans les villes d’Alger, de Kolea, de Blida et de Tizi-Ouzou
sont consignés dans le tableau qui suit :

160
Villes > ALGER KOLEA BLIDA TIZI-OUZOU TOTAL
---------- Nbre % Nbre % Nbre % Nbre % Nbre %
F parlé... élèves élèves/ élèves/ élèves/ élèves
/18 65 66 31
En 3 16,6 38 58,4 51 77,2 - - 92 62
Algérie /149
Dans le 2 11,1 2 3 7 10,6 - - 11 7
quartier /149
Comme 2 11,1 9 13,8 20 30,3 - - 31 21
LM /149
Avec la 9 50 14 21,5 29 43,9 14 45,1 66 37
mère /180
Avec le 7 38,8 27 41,5 45 68,1 12 38,7 91 50
père /180
Avec les 13 72,2 49 75,3 59 89,3 31 100 152 84
enseigna /180
nts
Avec les 11 61,1 7 10,7 26 39,3 21 67,7 65 36
camarad /180
es de
classe
En cours 18 100 65 100 65 98,4 - - 148 99
de LE /149

Il convient de noter tout d’abord que, dans toutes les


pratiques linguistiques correspondant aux chiffres ci-
dessus, le F est toujours associé à l’AD, à l’AC et/ou au B (K
ou chaoui).
Les données du tableau suggèrent que le F fait partie du
paysage linguistique algérien au même titre que l’AD et le B
pour la majorité des élèves questionnés (61,74 %). Certains
d’entre eux (un nombre relativement important) déclarent
même avoir le F pour langue maternelle (20,80 %).
Même si les élèves déclarent que le F est une langue parlée
en Algérie, rares sont ceux qui déclarent le parler dans leur
quartier (7,38 %). Lors des entretiens semi-directifs, les
élèves interrogés ont déclaré que « cela ne se faisait pas » La
pratique du F est quasi-inexistante dans le quartier du fait
des représentations sociales et/ou individuelles. Ce qui

161
revient le plus souvent dans les propos de nos informateurs
c’est que cela ne se fait pas dehors, que c’est une pratique
dévalorisante aux yeux de l’entourage : le mot « honte »
revient souvent. Cette pratique est également peu répandue
avec les camarades de classe (36,11 %). Les élèves préfèrent
s’exprimer entre eux en AD et/ou AC. Selon leurs
déclarations, la pratique de l’AD et de l’AC est plus facile
pour eux ou mieux comprises par leurs camarades. Certains
déclarent utiliser l’A par « habitude » ou parce que c’est la
« 1° langue » et celle « apprise en premier ». Les élèves qui
utilisent le F avec leurs camarades le font en alternance avec
l’AD et/ou le B. Le rapport au français est néanmoins à
affiner en fonction du sexe (voir ci-dessous).
Ils sont plus nombreux à déclarer parler le F avec leurs
parents. De manière générale, la pratique du F est plus
répandue avec le père (50,55 %) qu’avec la mère (36,66 %).
Ceci s’explique par la profession exercée par le père ou par
la formation qu’il a suivie.
Quasiment tous les élèves interrogés (99,32 %) utilisent le F
en classe de LE surtout lorsqu’il s’agit de demander des
explications. Selon certains élèves, cette pratique est
encouragée par les enseignants de LE eux-mêmes.
Lorsqu’ils s’adressent à leurs enseignants en dehors des
cours, 84,44 % des élèves utilisent le F avec les enseignants
de F, d’AN, d’ALM, d’ESP mais en alternance avec l’AD,
l’AC et le B.
L’ensemble des données chiffrées consignées dans le
tableau ci-dessus montrent que le F est associé, plus ou
moins largement, aux pratiques linguistiques des élèves
interrogés. Ces pratiques sont bilingues, voire plurilingues
que ce soit dans le cadre scolaire ou en dehors. En classe de
LE, il est indéniable que le F est majoritairement pratiqué, il
joue le rôle de langue source.

Parmi les représentations associées au français chez les


jeunes revient souvent celle du français « langue féminine »
plus facilement employée par les filles que par les garçons
(alors que son usage est déclaré plus fréquent avec les pères

162
qu’avec les mères). Nous avons voulu vérifier l’impact du
paramètre « sexe » sur l’ensemble de ces résultats. Le
tableau qui suit rend compte de cette répartition des
données.
Résultats par sexe (F FILLES GARCONS
parlé)
Nbre % Nbre %
En Algérie 57/113 50,44 40/58 68,96
Dans le quartier 13/126 10,31 14/76 18,42
Comme LM 24/113 21,23 10/58 17,24
Avec le père 57/126 45,23 39/76 51,31
Avec la mère 50/126 39,68 22/76 28,94
Avec les enseignants 105/126 83,33 66/76 86,84
Avec les camarades 50/126 39,68 16/76 21,05
de classe
En cours de LE 111/113 98,23 55/58 94,82
Les totaux figurant dans le tableau ci-dessus ont été calculés
en fonction des chiffres suivants :
- pour les filles : 126 (Alger, Blida, Kolea, Tizi-
Ouzou) ou 113 (Alger, Blida et Kolea) ;
- pour les garçons : 76 (Alger, Blida, Kolea, Tizi-
ouzou) ou 58 (Alger, Blida et Kolea).
Les données ci-dessus font apparaître que les garçons sont
un peu plus nombreux à déclarer que :
- le F est une langue qui fait partie du paysage
linguistique algérien : 68,96 % contre 50,44 %
pour les filles ;
- le F est une langue qu’ils utilisent dans leurs
échanges linguistiques de proximité (le
quartier) : 18,42 % contre 10,31 % pour les filles ;
- ils utilisent le F avec leur père (51,31 % contre
45,23 % pour les filles) et avec leurs enseignants
(86,64 % contre 83,33 % pour les filles.
Par contre, la proportion de filles est un peu plus
importante en ce qui concerne l’utilisation déclarée du F :

163
- comme langue maternelle : 21,23 % contre
17,24 % pour les garçons ;
- avec la mère (39,68 % contre 28,94 % pour les
garçons) et avec les camarades de classe (39,68 %
contre 21,05 % pour les garçons) ;
- en cours de LE : 98,23 % contre 94,82 %.
L’histogramme ci-après montre cependant que les écarts ne
sont pas suffisamment importants pour que l’on puisse en
déduire globalement, c’est à dire pour les quatre régions de
l’enquête, que le sexe est un paramètre déterminant dans la
pratique du F.
L’importance de ce paramètre diffère d’une région à une
autre (cela a été montré dans les résultats de l’enquête par
région).

De manière générale, ce qui apparaît nettement, c’est que la


pratique du F est partout attestée mais pas uniformément
répandue (selon les quartiers et familles) que ce soit pour
les filles ou pour les garçons : les pourcentages dépassent
rarement les 50 %. Malgré cela, on peut constater que le F
est déclaré pratiqué par la quasi totalité des élèves

164
interrogés, que ce soit avec leurs enseignants ou durant le
cours de LE.
La pratique et la place du F apparaissent donc comme un
élément important dans la société algérienne et par
conséquent le cadre scolaire, une donnée dont il
conviendrait de tenir compte tout particulièrement en ce
qui concerne l’enseignement/apprentissage des LE.

165
166
3. Conclusions et recommandations
3. 1. Propositions pour une didactique du plurilinguisme
(Safia Asselah-Rahal, Philippe Blanchet, Tassadit Méfidène)
« Normalement, les individus acquièrent une langue, et
quelquefois plus d’une, dans le processus de socialisation qui
commence dès la naissance : l’acquisition des langues est ainsi
un élément profond du développement d’un sentiment
d’appartenance à un (ou plusieurs) groupes sociaux et
culturels. L’acquisition des langues comprend donc
l’acquisition d’une compétence culturelle et celle de la capacité
de vivre ensemble avec d’autres. L’extension d’un répertoire
plurilingue au cours de la vie comprend aussi le
développement d’une conscience d’autres cultures et groupes
culturels et celle-ci peut mener l’individu à engager des
relations avec les communautés parlant les langues qu’il est en
train d’acquérir. La profondeur de cet engagement et
l’identification avec des groupes et des individus qui parlent
d’autres langues dépend non seulement de l’acquisition des
langues mais de nombreux autres facteur individuels et
sociaux, ainsi que des modalités d’apprentissage. » (Beacco, J.-
C., 2003 : p. 34)
La rentrée scolaire 2003 n’a pas été en Algérie une rentrée
comme les autres. Elle a été marquée par un tournant
important dans l’histoire de l’éducation en Algérie du fait
de la mise en place de la réforme du système éducatif49.
Sur le plan de l’organisation du système quelques
changements apparaissent concernant directement
l’enseignement des langues :
- La langue française est introduite comme
première langue étrangère dès la deuxième
année du primaire (mise en place prévue pour la
rentrée 2004/2005 : en fait l’enseignement du
français a été introduit en troisième année en
2004 et non en deuxième année, par manque
d’enseignants) ;

167
- la durée du cycle moyen passe de trois à quatre
ans ;
- l’enseignement de la langue anglaise (deuxième
langue étrangère) se fait dès la première année
du moyen (au lieu de la deuxième selon l’ancien
système fondamental).
Sur le plan du contenu, l’objectif de la réforme est
clair : l'école algérienne se veut moderne et ouverte sur le
monde d’où notamment le choix de revaloriser
l’enseignement des langues en général et notamment des
langues étrangères. La politique d’arabisation qui a touché
surtout le système éducatif au niveau de l’enseignement
fondamental et secondaire (dans les années 70) fait que le
français a perdu la place prépondérante qu’il occupait
auparavant dans ce domaine. La modification des
programmes des langues étrangères, et des langues en
général (arabe et berbère compris), ainsi que des modes
d’organisation de leurs enseignements introduit donc la
perspective plurilingue que veut se donner la réforme du
système éducatif, et qui permet ainsi de sortir à la fois de
l’alternative dichotomique arabe - français et de l’alternative
réductrice monolinguisme - bilinguisme.
Au vu des résultats de notre programme de recherche, ces
changements nous apparaissent importants et pertinents
étant donné qu’ils portent sur le point central de notre
questionnement. En effet, il s’agissait pour nous d’identifier
le rôle du français (première « langue étrangère » enseignée
à l’école et langue fortement présente dans la société
algérienne) dans l’enseignement des langues étrangères en
Algérie, c’est-à-dire second degré d’identifier les
fonctionnements et l’importance du plurilinguisme
algérien. Cela implique bien sûr un intérêt particulier pour
la « didactique du plurilinguisme » telle que définie plus
haut : 
« L’approche plurilingue met l’accent sur le fait que, au fur et à
mesure que l’expérience langagière d’un individu dans son
contexte culturel s’étend de la langue familiale à celle du
groupe social puis à celle d’autres groupes (que ce soit par

168
apprentissage scolaire ou sur le tas), il/elle ne classe pas ces
langues et ces cultures dans des compartiments séparés mais
construit plutôt une compétence communicative à laquelle
contribuent toute connaissance et toute expérience des langues
et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent.
Dans des situations différentes un locuteur peut faire appel
avec souplesse aux différentes parties de cette compétence pour
entrer efficacement en communication avec un interlocuteur
donné. Des partenaires peuvent, par exemple, passer d’une
langue ou d’un dialecte à l’autre, chacun exploitant la capacité
de l’un et de l’autre pour s’exprimer dans une langue et
comprendre l’autre. » (CECR, Conseil de l’Europe, 2001 . 11).
Cela implique qu’un élève en classe d’apprentissage d’une
langue étrangère ne peut pas être considéré comme un
« débutant » partant de zéro du fait qu’il possède déjà des
compétences linguistiques, communicatives et culturelles
(scolaires ou extrascolaires) qu’il peut réinvestir dans
l’apprentissage d’une autre langue et que, de toute façon, ce
qu’il apprendra, c’est à étendre son répertoire et ses
compétences plurilingues déjà là.
L’enseignement des langues étrangères se fait depuis déjà
longtemps par l’approche communicative qui vise le
développement de quatre habiletés fondamentales
interdépendantes (compréhension et production orales et
écrites) et qui accorde désormais une grande place à
l’interculturel. L’alternance de langues est aussi une
composante très importante de cette approche
communicative interculturelle plurilingue, qui considère
d’ailleurs que « l’erreur » ou, pour le dire de façon plus
rigoureuse, les tâtonnements, approximations et
appropriations personnelles, font partie du processus
d’apprentissage.
Ainsi, les nouveaux manuels d’anglais conçus pour le
collège en Algérie intègrent la dimension plurilingue des
apprenants. En effet, dans le manuel de 1e AM, un glossaire
bilingue arabe / français est proposé à la fin du livre. Dans
le manuel de 2e AM, certains exercices comportent la
consigne suivante : translate into a language you know (Arabic,
Tamazight, French).

169
Dans le même sens, les nouveaux programmes de langues
de 1e AM, publiés en avril 2003 et rédigés en français,
portent sur quatre langues en même temps : arabe,
amazighe, français, anglais. Les orientations
méthodologiques sont clairement de type socio-
constructivistes, visant des compétences communicatives.
Les textes distinguent les places différentes des quatre
langues dans la société algérienne, même si des stéréotypes
ou des approximations discutables subsistent. Ainsi le
programme de « français langue étrangère » (alors que
l’Algérie a participé — certes uniquement comme invité —
aux sommets des états francophones depuis celui Beyrouth
en 2002) vise des compétences très élevées, alors que les
compétences visées en anglais restent
instrumentales : l’écart est significatif même en tenant
compte du décalage de début d’apprentissage. Dans les
documents d’accompagnement de ces nouveaux
programmes de français, on note par exemple :
« Passer d’une langue maternelle (connue) vers une langue
étrangère (en voie d’apprentissage) est souvent source
d’interférences du fait que l’apprenant applique les mêmes
stratégies d’apprentissage. L’exploitation de l’erreur, dénuée de
toute connotation dépréciative, fera que celle-ci sera considérée
comme une étape intermédiaire dans l’apprentissage » (p. 35)
ou encore :
« La compétence du ‘bien parler’ peut se définir comme la
capacité à s’adapter à l’interlocuteur et à la situation de
communication » (p. 40).
Dans les documents d’accompagnement des programmes
d’anglais, présenté comme « deuxième langue étrangère »
(p. 72), on note :
« L’introduction d’une deuxième langue étrangère à ce
niveau se fonde sur ses acquis antérieurs [il s’agit de l’élève]
(en langue d’enseignement et en langue étrangère 1) ».
Des grilles d’autoévaluations sur le modèle du Portfolio
européen des langues se trouvent à la fin de chaque projet.
Elles sont rédigées en anglais et permettent à l’élève
d’évaluer ses compétences et de faire le point sur la somme

170
de ses connaissances. Les concepteurs des manuels ont
décidé qu’on devait dispenser désormais un savoir-faire en
cohérence avec un savoir être.
Il ne s’agit certes pas encore d’une véritable sociodidactique
du plurilinguisme. Les langues restent massivement
distinctes, tout comme et leur enseignement, et rien
n’indique que les compétences visées sont celles de
plurilingues et non de monolingues. Mais, si l’on compare
ces nouvelles orientations aux programmes précédents
(analysés supra), on mesure l’importance du changement de
cap, lequel permet désormais d’envisager de passer à une
étape plus affirmée.
Partant de là, il nous semble important de voir quels sont
les principes à retenir pour une didactique du
plurilinguisme dans le système éducatif algérien. Car les
enseignants doivent tenir compte, dans leur démarche
pédagogique, du plurilinguisme des apprenants dans
l’enseignement / apprentissage des langues. De fait, notre
recherche a montré que ce plurilinguisme est
inévitablement présent dans la classe, qui réalise cette
« ouverture à la base » dont parle M. Benrabah (2007),
même dans un contexte qui lui est défavorable et, en
l’occurrence, dans segments éventuellement moins
francophones de la société algérienne. Il apparait donc plus
judicieux de le prendre en compte de façon raisonnée, d’en
faire un levier efficace, de le didactiser, plutôt que de
l’ignorer.
Ce sont les recherches somme toute récentes en didactique
du plurilinguisme qui ont étudié principalement
l’introduction des pré-acquis linguistiques et culturels des
apprenants dans les stratégies didactiques et pédagogiques
(voire Moore, 2007 pour une synthèse). Or, comme nous
l’avons déjà souligné à propos des modalités
d’enseignement des langues étrangères dans le système
éducatif algérien, il s’avère que la dimension plurilingue et
interculturelle dans l’apprentissage a été omise jusqu’ici
(comme dans beaucoup d’autres systèmes éducatifs, par
exemple en France).

171
Il semble indispensable de s’intéresser aux langues de
« départ » et aux compétences plurilingues pré-acquises des
apprenants dans leur contexte familial et social. Celles-ci
peuvent et doivent jouer un rôle essentiel et incontournable
dans l’appropriation d’une autre langue, c’est-à-dire dans
l’extension multidimensionnelle de leur répertoire
linguistique. Par ailleurs, un des principes fondamental à
retenir pour une didactique du plurilinguisme est de doter
les apprenants des moyens leur permettant « la
communication interculturelle ». En effet, didactique du
plurilinguisme et didactique interculturelle allant de pair, il
s’agit d’intégrer le savoir « hétéroculturel » des apprenants
dans l’enseignement des langues étrangères. Autrement dit,
intégrer dans l’espace scolaire les différences de langues et
de cultures et les modalités de gestion de ces différences. Il
faut développer la conscience et la réflexion des élèves
quant à la diversité et à la rencontre des langues et des
cultures. Il est nécessaire de proposer des activités, des
observations menées non seulement en direction de la
langue maternelle des élèves, des différentes langues
maternelles lorsque l’univers scolaire se présente comme
linguistiquement hétérogène, mais également en direction
des autres langues présentes à des degrés divers dans
l’environnement des élèves. L’enseignant pourra donc
s’appuyer sur le répertoire plurilingue des élèves, de la
société algérienne et de ses partenaires. Cela est d’autant
plus nécessaire dans la mesure où, dans une situation de
plurilinguisme, il y a un écart linguistique et culturel entre
la langue de l’école et les pratiques linguistiques variées de
l’environnement quotidien. Aussi dans l’acquisition d’une
langue étrangère, l’enseignant doit prendre en compte le
parler propre de l’élève car « une telle approche
pédagogique a l’avantage de dissimuler ou tout au moins
d’amoindrir la honte ou le doute que peuvent avoir les
élèves à l’égard de leur langue maternelle » (Dabène,
1994.154). Il s’agit également de retenir comme principe
l’usage raisonné de l’alternance codique, sachant que celle-
ci est une conséquence et un indicateur de la pluralité
linguistique. Il est vrai que si les changements de langues
jalonnent très régulièrement le déroulement des cours de

172
langues étrangères, leur présence obéit à une grande
diversité d’une classe à une autre.
La didactique du plurilinguisme doit être indissociablement
accompagnée d’une didactique de l’interculturalité. Nous
emprunterons alors les principes suivants qui sont
fondamentaux dans le domaine de l’apprentissage
interculturel :
« L’exemplarité des efforts pédagogiques pour permettre aux
élèves de comprendre les cultures étrangères et les problèmes
de toute communication interculturelle. L’apprenant doit
comprendre que la culture de sa famille, de son environnement
et de sa nation ne représentent qu’une ou peut-être deux
formes culturelles parmi quelques milliers d’autres qui
existent. » mais également avoir pour principe d’ « enseigner
une compétence interculturelle à travers une réflexion sur les
langues et les cultures pour notre propre pratique
communicative personnelle : A quoi me sert ma langue
maternelle ? …mon anglais ? …mon dialecte ? …ma langue préférée
scolaire ? Qu’est-ce que cela signifie quand mon camarade parle une
autre langue que la mienne avec sa famille ? … quand il n’a pas de
droit de l’utiliser en classe ? Est-ce qu’il y des similitudes et des
dissimilitudes entre sa langue et la mienne ? Est-ce que j’arrive à
comprendre des langues étrangères que je n’ai jamais apprises sous
leur forme écrite ? Est-ce que le fait que mon camarade parle une
langue que je ne comprends pas signifie qu’il est profondément
différent de moi ? Qu’est-ce qu’on ne peut pas vraiment bien exprimer
dans ma propre langue et qu’on exprime mieux dans une autre langue
que je connais ? » (ibid.).
C’est pourquoi une didactique du plurilinguisme tend vers :
« des concepts pédagogiques qui ouvrent la bipolarité
traditionnelle du travail en classe de langue entre ‘une’ culture
de départ (privilégiée) et ‘une’ culture cible (privilégiée) en
faveur de cultures tierces. Celles-ci peuvent être celles des pays
voisins, des langues déjà apprises à l’école ou celles des enfants
de familles étrangères. Les méthodes ouvertes du travail en
classe correspondent à la composition multiculturelle de nos
populations scolaires. Une didactique qui ouvre les yeux des
élèves non seulement pour voir une ou deux langues et leur
cultures, mais qui leur permet, à travers une compétence

173
réceptive plurilingue, la rencontre avec plusieurs cultures se
mettra au service d’une pédagogie en faveur de la paix » (ibid).
Des propositions didactiques et des outils pédagogiques
concrets existent. Il serait trop long et probablement
fastidieux de les lister ici (voir par exemple Beacco et
Byram, 2003 ; Blanchet, 1998 ; Castellotti, 1997 et 2001b ;
Coste et alii 1997, Moore et Castellotti, 1999b ; le Cadre
européen commun de référence pour l’apprentissage et
l’enseignement des langue ; les divers portfolio des langues, etc.).
L’essentiel reste de les exploiter pleinement, ce qui ne vas
pas sans une formation adaptée des enseignants qui y
seront amenés et une large communication vers les parents
d’élèves et la société en général sur la pertinence de cette
nouvelle éducation à la pluralité linguistique.

174
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l'enseignement des langues, avec l'exemple du français "langue
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filmé).

179
180
Table des matières

Avant-Propos
(Safia Asselah-Rahal et Philippe Blanchet) p. 5

1. Repères

1. 1. Le contexte sociolinguistique algérie


(S. Asselah-Rahal, T. Méfidène, T. Zaboot) p. 11

1. 2. L’approche interculturelle et l’enseignement


des langues en Algérie
(Philippe Blanchet et Assia Lounici) p. 17

1. 3. Contacts de langues et didactique des langues


(Safia Asselah-Rahal et Philippe Blanchet) p. 27

1. 4. Le français dans le système éducatif algérien


(Tahar Zaboot) p. 33
1. 5. Analyse des instructions officielles et
programmes concernant l’enseignement des
langues étrangères en Algérie
(Nabila Benhouhou et Philippe Blanchet) p. 35

181
2. Les langues dans les classes : résultats
d’enquêtes

2. 1. Enquêtes à Alger p. 53

2. 2. Enquêtes à Bourouba (Assia Lounici) p. 73

2. 3. Enquêtes à Blida (Malika KEBBAS) p. 104

2. 4. Enquêtes à Koléa (Nabila Benhouhou) p. 138

2. 5. Enquêtes à Tizi Ouzou (Tahar Zaboot) p. 152

2. 6. Synthèse de l’ensemble des enquêtes


(Malika Kebbas) p. 160

3. Conclusions et recommandations

Propositions pour une didactique du


plurilinguisme
(S. Asselah-Rahal, Ph. Blanchet, T. Méfidène) p. 167

Bibliographie p. 175

Notes p. 183

182
NOTES

1
Nous avons tenté de travailler avec des classes de
collèges / lycées à Ouargla mais malheureusement nous avons été
confrontés à des difficultés administratives qui nous en ont
empêché. Les observations et conclusions de notre étude portent
donc principalement sur les zones urbaines et semi-urbaines du
centre-nord de l’Algérie (où est concentré l’essentiel de la
population). Il manque ainsi notamment des enquêtes en zone
plus « rurale » du sud algérien et dans les grandes régions ouest
(Oranais) et est (Constantinois), mais nous pensons que, toute
proportion gardée et sous réserve d’adaptations, la question du
plurilinguisme s’y pose également. Ce programme de recherche se
poursuit depuis 2006 avec des enquêtes dans toutes les régions
d’Algérie.
2
 Promue Professeure des Universités à Alger en 2007.
3
Au début du projet, elle était en poste dans le secondaire à
Koléa et à Blida. Elle a été intégrée par la suite dans
l’enseignement supérieur à l’ENS d’Alger et a soutenu son
doctorat en 2007.
4
Au début du projet, elle était en poste dans le secondaire à
Blida. Elle a été intégrée par la suite dans l’enseignement supérieur
à l’ENS d’Alger et a soutenu son doctorat en 2006.
5
Devenu Directeur de l’ENS d’Alger à la rentrée 2006.
6
Marc Gontard a été élu Président de l’Université Rennes 2
en 2006.
7
Depuis le 8 avril 2002, la langue berbère / le tamazight est
consacrée langue nationale en Algérie.
8
Une étude intitulée « Perception et pratique des langues
étrangères dans le système éducatif » a été effectuée par Le Conseil
Supérieur de l’Éducation. Les conclusions sont parues dans le
bulletin d’information du Centre National d’Etudes et d’Analyses
pour la Planification (CENEAP), en septembre 1999.

183
9
On appelle exolingue un échange verbal dans lequel l’un des
interlocuteurs s’exprime dans une langue « étrangère » et non
dans sa ou ses langue(s) première(s).
10
Terme préféré à vision, lequel peut être perçu dans un sens
radical de « perception visuelle » alors qu’il s’agit plutôt d’une
« interprétation » du monde.
11
Cette méthode s’est développée à partir des années 1960 en
France.
12
Ministère français de l’éducation nationale : MENERS, 1996,
cité par Véronique CASTELLOTTI, La Langue maternelle en classe de
langue étrangère, Paris, CLE, international, 2001, p. 49.
13
C’est un ensemble d’activités scolaires centrées autour d’un
thème (ici d’un type de texte).
14
Avec la réforme de 2003, l’étude obligatoire du français
commence désormais théoriquement en 2e AF (en fait en 3e AF par
« manque d’enseignants ») et celle d’une 2e langue étrangère est
reportée en 7e AF.
15
En Algérie les manuels sont produits par le Ministère de
l’Éducation Nationale.
16
Dont l’article 8 précise : « L'enseignement est assuré en
langue nationale à tous les niveaux d'éducation et de formation et
dans toutes les disciplines. Un décret précisera les modalités
d'application du présent article. » (il s’agit de l’arabe standard dit
« classique »). Et l’article 9 : « L'enseignement d'une ou de
plusieurs langues étrangères est organisé dans des conditions
définies par décret. ». Cf. aussi art. 22 et 25.
17
La réforme 2003 ramène le cycle primaire à 5 ans et le cycle
moyen commence désormais en 6e AF.
18
Avec la réforme de 2003, l’étude obligatoire du français
commence désormais en 2e AF et celle d’une 2e langue étrangère
est reportée en 7e AF.
19
Syllabuses for English , departement of General Secondary
Education, Ministry of Education, Democratic and Popular
Republic of Algeria, 1995, 64 p.
20
Il s’agit d’un essai pilote qui a été abandonné.

184
21
Un document de présentation d’un stage d’anglais, à visée
pédagogique, organisé en janvier 1995 par le ministère pour les
enseignant du primaire est entièrement rédigé en anglais et en
arabe standard.
22
On notera la neutralisation socio-historique opérée par la
personnification de la langue.
23
Il faut comprendre ici en arabe standard et non en derdja
algérienne (note des auteurs de ce rapport).
24
On peut considérer en effet que, comme pour l’anglais p. 5,
il n’est pas (ou plus) la seule « propriété » de la France, il est
devenu une langue internationale et notamment une langue
algérienne, à cette réserve près, bien sûr, qu’un passé colonial
direct vient brouiller l’identification du statut actuel du français en
Algérie.
25
Puisque c’est une cité qui regroupe des cadres de divers
secteurs. Ce sont des logements de fonction construits à la fin des
années 80.
26
Les questionnaires ont été distribués à toute la classe -35
élèves- mais seuls vingt questionnaires sont exploitables (sur les
autres, les informateurs n’ont répondu qu’à une ou deux
questions)
27
Hypothèse qu’il faudrait évidemment vérifier par une étude
directe de la question.
28
C’est l’informateur 7S-M-18. Voir en annexe pour le
décodage.
29
Qu’on traduit par « quartier » ou « langue du quartier ».
30
Lors de l’enquête nous avons constaté que certains élèves
étaient appelés par leur camarades « Beverly hills ». Suite à notre
interrogation, ils nous ont expliqué que par dérision les jeunes du
Q2 nommaient Q1 « Beverly Hills » en écho à la série télé parce
que les jeunes qui en étaient issus étaient favorisés.
31
Comme le sont l’arabe classique, le berbère ou le français.
32
19 informateurs sur 20 ont répondu oui à cette question.

185
33
Le total d’informateurs qui lisent en français et dans les
deux langues (français et arabe) s’élève à 17. Ceux qui lisent en
arabe et dans les deux langues sont au nombre de 9.
34
On y utilise la langue maternelle + arabe dialectal +
français.
35
Fusha = arabe classique.
36
Il s’agit de la terminale S qui a pour seule langue étrangère,
après le français, l’anglais.
37
Abréviation de « langues étrangères ».
38
El Biar est connu pour être un quartier plutôt favorisé.
39
La classe comptait 25 élèves, dont 3 garçons seulement.
Seuls 18 questionnaires étaient exploitables.
40
Nous verrons plus loin si effectivement, et dans quelles
situations, ces informateurs pratiquent l’arabe classique.
41
1ère année fondamentale qui équivaut au C.P. en France.
42
Livre du Maître, 1ère année fondamentale.
43
En effet, les textes sur lesquels les élèves apprennent la
langue arabe sont des textes à caractère religieux.
44
A la question qui suit, il déclare bien parler et bien
comprendre le berbère.
45
Les élèves de la 3S sont destinés à des études supérieures
en français (les filières scientifiques étant enseignées dans cette
langue).
46
Somme toute logiques, vu le nombre d’années
d’enseignement.
47
Revue Statistiques, n° 3, Avril/Juin 1984, ONS [Office
National des Statistiques], Alger.
48
Langue première du peuple algérien autochtone. Son statut
de langue nationale n'a été officiellement reconnu qu'en 2003. Tizi-
Ouzou se situe dans la région nord du pays, à l'est d'Alger, à
environ 130 km de la capitale. Elle s'étend au pied du Djurdjura,
massif montagneux dont le point culminant (Lalla Khedidja)

186
dépasse les 2000 m d'altitude. C'est en quelque sorte la métropole
régionale du département de la grande Kabylie.
49
La commission nationale pour la réforme de l’éducation a
rendu un rapport général au Président de la république en 2001.
Le rapport a été adopté (avec quelques amendements) et la rentrée
2003 a été choisie pour marquer le coup d’envoi de cette réforme.

187

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