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Le parcours des enseignants 

: continuité, ruptures et interrogations


Le parcours de tout enseignant peut traverser des phases successives, que nous pourrions nommer :
1- de la survie ;
2- du comment ;
3- du pourquoi.
la première phase
Les enseignants, à leurs débuts, sont submergés par nombre de problèmes immédiats : les rapports avec
les élèves, avec les autorités et les collègues, la discipline en classe, la connaissance des habitudes et des
rituels, du milieu et de l’établissement, les relations avec les parents d’élèves etc. Les premières années
d’enseignement sont consacrées à la construction de stratégies de survie, nécessaires pour réaliser son
travail dans des conditions acceptables.
deuxième phase
Tôt ou tard le nouvel enseignant se sentira plus rassuré ; il aura acquis, vis-à-vis des autres et de lui-même
une identité professionnelle. Il trouvera alors une disponibilité suffisante pour se poser d’autres questions,
moins urgentes, mais non moins importantes. C’est la phase du « comment ». Après avoir réfléchi sur les
difficultés des élèves et sur les objectifs prioritaires de son enseignement, le professeur cherche les
moyens méthodologiques les plus adéquats pour faire atteindre ces objectifs à ses élèves.
troisième phase
La troisième phase ne s’installe, le plus souvent, qu’en rupture avec les deux précédentes. C’est le
moment où l’enseignant ressent le besoin de s’arrêter, de regarder en arrière, de s’interroger sur le
pourquoi de certains choix et de certains phénomènes. C’est la période où sa pratique, aussi performante
soit-elle, ne lui suffit pas, parce qu’il recherche un horison plus étendu et plus complexe.
La pratique de classe et ses difficultés
Le métier d’enseignant implique un engagement personnel et émotionnel particulier. Le propre passé
d’élève du professeur, les études qu’il a effectuées et les choix qu’il a opérés influencent notablement son
présent. Le choix du métier, dans un premier temps, apparaît très fortement lié à l’expérience de sa propre
scolarité. Ceux qui s’étaient avérés de bons élèves ou qui ont eu la chance de rencontrer des professeurs
stimulants, cherchent dans ce métier une continuité et essaient de reproduire l’image positive de leurs
anciens maîtres. « Etre enseignante, c’était aussi l’envie de continuer à rester à l’école,de continuer à
étudier ». Les autres, insatisfaits de leur propre scolarité, tentent au contraire de renverser cette image et
acceptent le défi de transformer la réalité : « Etre enseignante, pour moi, était une occasion pour
transformer l’image négative des professeurs que j’avais eus ». Dans les deux cas, les opinions ne sont
pas neutres, l’apprentissage ne relevant jamais d’une opération uniquement rationnelle : de nombreux
facteurs affectifs et psychologiques entrent en jeu. Cet ensemble de sentiments, déjà prégnant dans la
formation de tout individu, acquiert pour les enseignants une intensité singulière en se mêlant à la
construction de leur image professionnelle et en influençant leur comportement. Aucun autre métier
n’entraîne un attachement aussi inévitable à son propre passé. Ainsi, les convictions installées chez les
enseignants sont-elles rarement le fruit d’une élaboration uniquement personnelle : comme plusieurs
d’entre eux déclarent, le modèle de leurs professeurs a fortement imprégné leur conception du rôle
éducatif. L’absence d’une formation initiale, l’expérience souvent traumatisante des débuts de carrière,
l’urgence de prendre des décisions les ont souvent conduits à se conformer à la seule image qu’ils ont
intériorisée : celle de leurs propres enseignants. Qu’ils adoptent une attitude de continuité ou de rupture,
leur scolarité demeure un point de référence fondamental pour la construction du personnage d’enseignant
auquel ils s’identifient. Il y a une autre hypothèse selon laquelle, indépendamment de l’expérience
scolaire, le choix de rester à l’intérieur de l’école permet d’éviter la rencontre avec un monde inconnu  ; il
procure un sentiment de sécurité du fait de la familiarité avec les rites, les règles et les habitudes du
milieu de travail. En outre, l’école est le lieu des interdits implicites, des mythes indiscutés, des
changements impossibles : beaucoup d’enseignants, après des années de travail, sont encore convaincus
qu’ils ne peuvent pas faire certaines choses dans leur classe, sans jamais s’interroger sur la raison ou la
véracité de ces tabous. L’enseignant se crée une sorte de portrait-robot d’ « enseignant-type », auquel il
adhère par manque de modèles alternatifs ou de moyens personnels lui permettant de s’y opposer. Cela
entraîne des conséquences importantes sur la pratique de classe, surtout en ce qui concerne la résistance à
l’innovation. Les professeurs s’autocensurent ou s’autojustifient, se créent des obstacles ou des barrières
infrachissables là où n’existent que des usages conventionnels. Cela aura aussi des implications sur la
qualité de l’enseignement, en se dressant comme un obstacle à la pensée créative. L’enseignant doit
accepter d’exercer son pouvoir en harmonie avec son rôle d’éducateur : assumer toutes les décisions qui
relèvent de sa fonction, tout en favorisant la formation et l’épanouissement de ses élèves.

Le processus d'enseignement/apprentissage

II s'agit, en premier lieu, de prendre en compte les difficultés inhérentes au métier qui se manifestent
sous plusieurs aspects.
En dépit de l'enthousiasme manifesté par la plupart des professeurs pour tout ce qui touche à leur relation
avec les élèves, nous avons relevé nombre de facteurs de mécontentement plus directement liés à la pra-
tique d'enseignement.
Le plus fréquemment invoqué est le sentiment d'impuissance devant l’échec des élèves et d'inutilité de
leurs propres tentatives pour remédier aux inégalités naturelles ou sociales.
Celui-ci rejoint la désillusion due à l'écroulement des espoirs face à la réalité : bien des enseignants, en
début de carrière, sont convaincus que, grâce à eux, tous les élèves vont enfin accéder facilement au
savoir; mais, avec l'expérience, ils s'aperçoivent qu'en dépit de leurs efforts subsistent des résistances
insurmontables.
Si le rapport avec les élèves, en lui-même, et le bonheur d'intervenir dans leur maturation demeurent le
pivot de la motivation des enseignants, ils représentent en même temps une source de soucis. D'une
manière générale, les professeurs éprouvent beaucoup de difficultés à accepter l’absence d'un rapport
de cause à effet entre leurs efforts, leurs aspirations, leur investissement personnel et les résultats
atteints par les élèves. Ce refus s'explique par la remise en cause de la fonction même de l’enseignant
qu'implique ce phénomène d'inadéquation entre l'enseignement et 1'apprentissage.
Une désillusion constante ressentie par nos interlocuteurs provient ainsi du décalage entre les intentions
et les résultats, entre les espoirs et la réalité : qu'il s'agisse de l’incapacité à réaliser les objectifs fixés, de
l’impuissance à pallier les inégalités sociales ou de la réponse décevante des apprenants à leurs
sollicitations. Les écarts constatés relèvent de domaines différents, qui exigent des interventions adaptées.
Nombreux sont ceux qui ont réclamé un échange entre les productions de la recherche théorique et les
réflexions issues de leur pratique, car ils ressentent que leur incapacité à dépasser les obstacles liés à la
situation d'enseignement pourrait trouver une réponse dans les travaux des scientifiques.
Ainsi, les études des spécialistes s'orientent vers une conception non linéaire de l’apprentissage, la
négation du rapport de cause à effet entre l’input et l’output, l’individualisation des stratégies
d'apprentissage.
Les enseignants, pour leur part, considèrent le plus souvent qu'à leur action correspond un résultat
strictement concordant, ce qui entraîne deux types de conséquences : un sentiment personnel de
culpabilisation et/ou une incompréhension des causes d'échec des élèves.

LES CONSEQUENCES PEDAGOGIQUES ET METHODOLOGIQUES


La conscience des phénomènes évoqués entraîne des conséquences pédagogiques spécifiques, dont les
plus importantes devraient constituer matière à réflexion dans la formation des enseignants :

1. une atmosphère chaleureuse et tolérante est une condition indispensable à l'apprentissage;


2. les tâches à accomplir doivent exploiter des aptitudes multiples et mobiliser des capacités différentes;
3. les contenus proposés doivent être suffisamment riches pour permettre aux apprenants d'y projeter
leur expérience ;
4. les activités de compréhension doivent occuper une grande place dans le curriculum, parce que
l'exposition à une quantité importante de langue authentique donne la possibilité aux élèves d'apprendre
ce qui n'est pas enseigné de façon explicite par l'enseignant;
5. les erreurs ne doivent plus être considérées comme des écarts de la norme, à redresser, mais comme
des hypothèses formulées par l'apprenant, à un certain stade de son interlangue ;
6. la responsabilité de l'apprentissage est partagée entre l'apprenant et l'enseignant;
7. l'enseignant devra concentrer son attention sur le processus d'apprentissage plutôt que sur les
résultats ;
8. les résultats atteints par les élèves seront nécessairement différents entre eux et aucun ne correspondra
exactement à ce qui a été enseigné.

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