Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
ISBN : 978-2-7296-2182-7
Introduction
L’approche éricksonienne
L’autohypnose est, depuis quelques années, abondamment proposée aux
usagers de notre système de santé. Ce développement fait suite au
renouveau de l’hypnose en médecine et en chirurgie, depuis les années 1980
en France et dans les pays francophones. L’approche la plus pratiquée est,
de très loin, l’approche dite « éricksonienne », du nom de Milton Erickson.
Qui était-il ?
Le succès final
Les premiers Centres d’étude et d’évaluation et de traitement de la douleur
(CETD)1 furent créés en France à cette époque. Ils symbolisaient (et
symbolisent toujours) la reconnaissance implicite par le monde médical des
difficultés à soigner les problèmes douloureux chroniques par les approches
médicales classiques. Ce mouvement généra rapidement une nouvelle
pratique médicale qui ne s’intéressait pas uniquement aux maladies
organiques (où existent des lésions observables), mais aussi aux pathologies
dans lesquelles aucune atteinte n’était visible. La médecine fonctionnelle
était (enfin) née !10
Ces nouveaux spécialistes de la douleur, les « algologues »,
s’intéressèrent assez rapidement à l’hypnose, chez l’enfant (Chantal Wood)
comme chez l’adulte (Maurice Bensignor avec qui j’ai travaillé pendant
10 ans, Alain Serrié aussi). Peu de temps après, l’anesthésiologiste belge
Maryliese Faymonville inventait l’hypnosédation, modalité d’anesthésie
chirurgicale combinant l’utilisation de sédatifs (à faibles doses) et
d’anesthésie hypnotique. Cette pratique suscita et suscite encore le succès
massif et l’expansion de l’hypnose dans les hôpitaux et les cliniques. Pour
les pays francophones, l’Institut Milton Erickson de Paris, avec les
psychiatres Jean Godin et Jacques-Antoine Malarewicz, forma au milieu
des années 1980 la première génération des « hypnothérapeutes », ceux qui
fondèrent ensuite de nombreux instituts dans les régions françaises, et aussi
en Belgique et en Suisse. Ces instituts constituèrent la Confédération
francophone d’hypnose et de thérapies brèves (CFHTB).
Peu à peu, grâce aussi aux études menées en imagerie fonctionnelle,
l’hypnose s’imposait comme une pratique de soin utile, et l’autohypnose
était de plus en plus enseignée aux patients dans les différents domaines de
la douleur, puis dans bien d’autres ensuite. Peu à peu, l’hypnose s’imposait
dans notre pays, Paris accueillant en août 2015 le plus grand congrès
mondial de l’histoire de cette pratique11.
Le magnétisme… animal !
Le magnétisme est donc le traitement par les aimants. La présumée
propriété thérapeutique des aimants était mentionnée en Égypte, longtemps
réputée pour la finesse de sa médecine. Ravivé à la Renaissance,
le magnétisme est pratiqué largement, et il n’y a rien de très original à ce
que Franz Anton Mesmer, médecin viennois du e
siècle – et cultivé : il
est l’ami de Haydn, de Gluck, et de la famille Mozart – magnétise ses
patients avec des aimants fabriqués sur mesure par des ouvriers travaillant à
son domicile. Il faut dire que Mesmer, ayant épousé une riche veuve, vit
très aisément et a les moyens de ses ambitions (qui sont, nous allons le voir,
conséquentes).
On sait bien que les aimants n’ont aucune vertu thérapeutique en eux-
mêmes. Mais l’attraction ou la répulsion qu’ils exercent entre eux, encore
inexpliquées par les lois de la physique à cette époque, suggèrent une
efficacité, voire un pouvoir qui stimule d’autant plus l’imaginaire qu’il n’est
pas expliqué. Le médecin viennois fait franchir à cette pratique un cran
décisif : le corps humain, le sien en tout cas, peut aussi communiquer cette
force de guérison. Il se met donc à se magnétiser lui-même, par des passes
destinées à favoriser la circulation du fluide, substance matérielle – enfin le
croit-il – qui peut rétablir la santé. Pour le distinguer du magnétisme
minéral des aimants, il crée la notion de magnétisme « animal ».
L’époque éricksonienne
Mais à cette époque, c’est en Amérique que l’hypnose continue de vivre,
bouleversée et révolutionnée par le jeune Milton Erickson qui, dès le début
de ses études de médecine, réussit à se faire admettre au séminaire du très
célèbre Professeur Clark Hull, pionnier de la psychologie américaine. Et,
fort de sa propre expérience, il conteste la position du maître. Sur un point
qu’il juge essentiel : non, ce n’est pas tant l’hypnotiseur qui a un rôle lors
du traitement hypnotique, c’est le patient qui fait l’essentiel du travail !
Depuis Puységur en passant par l’école de Nancy, l’idée avait continué
son chemin, en parallèle de celle privilégiant les « pouvoirs » du thérapeute.
Erickson ne faisait que la réaffirmer face au maître. Courageux quand on a à
peine plus de 20 ans ! D’ailleurs, le professeur Hull va bientôt s’occuper
d’autres sujets, et la route va s’ouvrir pour le jeune Milton qui hypnotisera
un très grand nombre d’étudiants volontaires pour établir un premier corps
de recherche.
Erickson veut rendre l’hypnose scientifique, comme Charcot y a
contribué avant lui, même s’il pense, comme Liébault, que l’hypnose est un
phénomène naturel. Pour Erickson, si le thérapeute s’adapte correctement à
son patient, tout être humain est hypnotisable. Et même s’il ne fait rien de
particulier, presque tous les patients vont spontanément rentrer en transe
hypnotique. Il suffit d’attendre le temps suffisant : environ deux heures !
Pourquoi ce succès actuel de l’approche éricksonienne de l’hypnose ? Ce
livre a aussi pour but d’en montrer les raisons. L’une d’entre elles est
assurément d’avoir permis l’enrichissement considérable et donc le
développement de la pratique de l’autohypnose.
2
Un but : la santé
L’autohypnose est, heureusement, car cet aspect précise considérablement
les choses, définie aussi par son but : comme toute les pratiques
hypnotiques, elle est une approche pour la santé.
Précisons déjà que son domaine d’utilité inclut la santé au sens large du
terme, c’est-à-dire la réussite :
– d’objectifs de vie,
– d’apprentissages,
– de démarches créatives,
– et même de performances.
Cette notion de but est essentielle car elle est concrète et donne un sens
concret à notre définition de l’autohypnose. On dit encore que l’hypnose (et
donc aussi l’autohypnose) est orientée but, avenir, solutions.
Les autres utilisations de l’autohypnose et de l’hypnose, celles qui ne
sont tournées ni vers la santé ni même vers la créativité sont des utilisations
inappropriées auxquelles nous ne nous intéresserons pas dans ce livre.
D’accord pour poursuivre votre découverte ? Si oui, je vous propose
d’avancer vers les lignes suivantes.
Le moment sécurité
J’ai pensé et écrit ce livre pour que votre découverte de l’autohypnose soit
sécurisée. Celui-ci s’inscrit dans un autre climat, il se situe dans la
continuité d’une longue tradition, d’un courant psychologique ancien6 qui,
lorsque j’étais étudiant en psychiatrie dans les années 1980, était oublié, et
même méprisé. Une tradition et un courant qui postulaient qu’une partie de
nous-même contient des ressources, des compétences importantes, une
intelligence valable, des capacités qui peuvent nous aider. Ce courant a
porté de bien nombreux noms. Actuellement il s’appelle, en tout cas en
Occident : l’hypnose.
Nous sommes maintenant presque prêts à partir pour notre découverte.
Et, même si, pour Milton Hyland Erickson, « l’expérience est notre seul
professeur », Nous allons nous munir de quelques cartes.
Vous avez fait l’exercice ? Prenons un peu de temps pour que vous puissiez
utiliser votre expérience. Et peut-être même la penser :
– Prenez le temps d’identifier si quelque chose vous a étonné, voire
surpris. Notez-le, si vous le souhaitez, sur une feuille, ou peut-être
mieux, dans un carnet qui vous servira tout au long de ce livre.
– Éventuellement, identifiez aussi, et notez ce que vous avec appris,
compris. Sachant que cette étape n’arrivera peut-être que plus tard,
dans quelques heures, ou quelques jours.
Ayant vécu une première expérience, vous avez le droit à de premières
explications. Comme la possibilité d’ouvrir une enveloppe qui vous
renseigne. Sur, bien sûr, ce qu’est (ce que serait ?) l’hypnose…
Une activation des ressources inconscientes ?
L’hypnose est parfois, et même souvent, envisagée comme une activation
de ressources. Cette notion de ressources est très importante. Nous
considérerons que sont des ressources :
– des qualités,
– des compétences,
– des potentialités,
– des souvenirs utiles,
– des valeurs…
Cette activation concerne des ressources dont nous ne sommes pas
conscients. Un peu comme si nous vous demandions de penser, c’est-à-dire
de sentir13, pendant que vos deux mains (ou une seule) tiennent (tient) ce
livre, votre pied droit (ou le gauche si vous préférez). Juste avant, vous
n’étiez pas conscient de votre (de vos) pied(s).
« Ils ne savent pas qu’ils savent. »
Milton Erickson, en parlant de ses patients
Devenir capable
Le présupposé de l’approche éricksonienne de l’hypnose est que les
ressources de notre inconscient sont plus capables que celles de notre
conscient de modifier, voire de détruire cette gangue pour que les
comportements qui nous font souffrir puissent changer.
Nous le savons bien dans notre vie quotidienne, notre volonté échoue
souvent à nous faire changer ce que nous désirons pourtant, et aussi à nous
faire cesser des tentatives de solutions qui ne fonctionnent pas : « Je sais
bien que je ne devrais pas faire ça, mais je n’arrive pas à faire autrement ».
Et même : « Je sais bien ce que je devrais faire ; mais je n’arrive pas à le
faire ! ».
Spontanée ou provoquée
L’activation des ressources inconscientes peut se faire spontanément
(heureusement !). Nous pouvons aussi la provoquer, volontairement ou
intentionnellement :
– les moments hypnotiques spontanés surviendraient environ toutes les
deux heures (d’où probablement les recommandations de sécurité
routière de faire une pause toutes les deux heures lors de voyages
longs) ;
– les moyens pour provoquer volontairement un moment hypnotique
seront exposés dans ce livre.
Y croire ou non ?
Milton Erickson croyait réellement à l’existence de l’inconscient. Mais
beaucoup de thérapeutes et d’usagers ne partagent pas cette croyance. Cela
n’est pas important :
– Nous sommes tous libres de nos croyances (du moins nous devrions
l’être).
– Erickson recommandait à ses étudiants de ne pas faire comme lui, mais
de plutôt développer leurs propres manières, styles, façons d’être et de
vivre.
– Nous pouvons faire comme si on y croit ; les bénéfices sont
probablement les mêmes. Cette notion de « comme si » est d’ailleurs
très importante en hypnose et en autohypnose.
Hypnose = autohypnose ?
On dit parfois que toute hypnose est une autohypnose. Pour plus de précisions, il vaut mieux
considérer cette affirmation comme à la fois :
– vraie : c’est toujours le sujet qui fait l’hypnose, qu’il soit seul ou avec un thérapeute ;
– fausse : ce n’est pas pareil de faire de l’hypnose seul ou dans le cadre d’une relation, notamment
une relation avec un thérapeute qui aura un rôle actif de guide et/ou d’accompagnant.
La suggestion
Voici pour nous un autre mot important à introduire : celui de suggestion.
Depuis le début de ce livre, je vous ai suggéré plusieurs fois une expérience
à faire.
Efficacité et subtilité
Les suggestions peuvent donc être très efficaces par elles-mêmes. Comment
expliquer une telle efficacité ? C’est le Professeur Hippolyte Bernheim
(« enfin », vous dites-vous !), qui s’est particulièrement attaché à
comprendre cette force, cette action des suggestions. Le temps est venu de
vous le présenter.
Hippolyte Bernheim : le père de la suggestion
Hippolyte Bernheim (1841-1919) était professeur de Médecine à la Faculté de Nancy. Il s’est
beaucoup intéressé au travail d’un médecin de campagne de sa région, Liébault, qui avait de très
bons résultats en demandant à ses patients de dormir volontairement, pour guérir, tout cela avec une
voix monocorde très ennuyeuse. Fasciné, Bernheim a mis en avant l’importance de la suggestion,
finissant même par (à tort) assimiler totalement hypnose et suggestion.
Bernheim a observé que, dans une suggestion bien conçue, l’idée (dans
notre exemple « Je trouve votre dessert très bon ») a de grandes chances de
créer l’acte (ici : « Il faut lui proposer une autre part »). Bernheim a, je vous
l’ai dit, appelé le mécanisme de cet effet l’idéodynamisme. C’est une des
découvertes majeures de la psychologie. Elle est à la base de ce que nous
savons sur l’hypnose aujourd’hui.
Subtil ou subliminal ?
Notons que l’idée peut être simplement une image. Le peintre Magritte s’est
amusé avec ce phénomène dans le célèbre tableau La trahison des images
où figure la non moins célèbre inscription « Ceci n’est pas une pipe » en
dessous d’une image évidente de pipe20. En disant « ceci n’est pas »,
Magritte dit ce qui est. Il suggère par l’image tout en disant le contraire
avec les mots. Le résultat est qu’il nous fait penser à une pipe ; la force de
l’image l’emporte. C’est une suggestion indirecte.
Si la suggestion (surtout si elle est indirecte) pose la question de la
manipulation, il est facile de concevoir qu’avec l’autosuggestion, nous
pouvons nous manipuler nous-même. Cela n’est pas le principal but de ce
livre, qui souhaite insister surtout sur la subtilité de la pratique
autohypnotique. Mais il faut inclure l’utilité de cette possibilité, dans
certains cas. Le pouvoir manipulatoire de la suggestion peut aller très loin,
avec par exemple les phénomènes subliminaux, dont l’utilisation est
d’ailleurs interdite en France.
Grâce à votre effort (Bravo !) et vous persévérance nous allons pouvoir
aller beaucoup plus loin.
Conseil (à ceux qui nous reçoivent à dîner) : au fait, dire qu’un dessert
est très bon ne signifie pas forcément qu’on veut être resservi !
La transe
Si l’autosuggestion est une approche qui a son intérêt (comme dans la
méthode Coué), la suggestion peut aussi être accompagnée d’une transe.
Nous faisons alors de l’autohypnose !
Transe ? Nous allons définir ce mot, qui malheureusement inquiète
souvent un peu, en grande partie pour de mauvaises raisons.
Un vécu particulier
On peut aussi se rendre compte qu’on est en hypnose lorsqu’on a
l’impression de vivre un fonctionnement particulier : celui d’être là et en
même temps ailleurs. Ce vécu est appelé en psychologie la « dissociation »
(même si ce mot a aussi d’autres sens ce qui en fait un mot parfois
compliqué à manier).
Tout en étant conscient, nous avons l’impression d’être assez indifférents
à notre environnement, à ce qui se passe à l’extérieur de nous, et de vivre
plus ou moins intensément ce qui se passe à l’intérieur de nous, des
sensations physiques, une scène que nous pouvons voir, et aussi entendre,
ou vivre par nos autres sens.
Ce fonctionnement, naturel, qui survient habituellement spontanément
dans notre vie quotidienne, peut également être influencé. Nous verrons
comment dans la suite de ce livre.
Et la transe justement ?
Nous pouvons avoir maintenant une conception plus simple de ce que c’est
que la transe : une manifestation de l’inconscient, spontanée ou provoquée,
dont nous pouvons ou non avoir conscience, qui va donc, ou non, modifier
notre conscience.
Exercice : une technique de base : autohypnose avec la respiration
Cette technique ne convient pas pour les personnes qui ont des perturbations respiratoires (asthme,
insuffisance respiratoire chronique, apnées du sommeil) :
Je prends le temps pour observer ma respiration.
Les deux temps : inspiration et expiration.
Ou peut-être d’abord mon expiration…
Il faut bien que mes poumons d’abord se vident pour qu’ils puissent accepter, prendre plus d’air
renouvelé…
Et puis que mon corps vide d’abord ses déchets paraît logique…
Quelle magnifique organisation que ma respiration !
Si je ferme mes yeux je peux ressentir davantage, au niveau de mes narines peut-être, la différence
de température entre l’air qui sort et celui qui rentre…
Et puis, la nuit, ma respiration se fait toute seule, sans que j’aie à m’en préoccuper…
C’est ce que Milton Erickson appelait l’inconscient…
Ma respiration me met en contact avec mon inconscient…
Toutes ses capacités qu’il a pour moi… pour ma vie et pour ma santé…
Je peux, selon mes souhaits, le remercier… lui parler…
Établir une relation…
Avec de la confiance envers lui…
Lui dire aussi que je vais l’écouter mieux…
C’est pour cela que je lis ce livre…
Illusion d’optique
La nature de l’inconscient
En préambule, quand nous parlons de nature, nous posons donc que
l’inconscient existe, ou en tout cas nous faisons comme si4 !
Quel est pour vous le sens de cette anecdote ? Il peut y en avoir plusieurs.
Qu’il faut davantage prendre son temps quand on veut résoudre un
problème difficile ? Ou en tout cas faire suffisamment d’effort (encore !) ?
Être moins « dans sa tête » et plus « dans son corps » ? Inverser autre chose
dans sa vie ? Ça y est, vous cherchez : vous êtes dans une recherche
interne ☺
Le symbole a une signification au-delà de son apparence.
Mettre du jeu dans notre vie, notre inconscient est là pour nous y aider !
Il est ludique
L’inconscient aime jouer, aime s’amuser. C’est pourquoi la pratique de
l’hypnose se distingue de celles des autres approches aussi par son aspect
agréable. On pourrait dire « un jeu pour chaque patient ». Bien sûr, cela ne
veut pas dire que le travail hypnotique se passe toujours dans le rire. Par
contre, rire est un excellent contexte pour faire de l’autohypnose !
Exercice : exercice d’autohypnose par le rire
Rappelez-vous une des dernières fois où vous avec ri intensément. Un rire aux éclats. Retrouvez les
détails des pensées que vous avez eues. Imaginez-vous rire, cela vous aidera à retrouver ces détails.
Ou même, si vous êtes seul, riez aux éclats. Et si vous n’êtes pas seul, peut-être pouvez-vous le faire
aussi, sachant que votre entourage risque de vous demander ce qui vous fait rire… Mais est-ce
vraiment un risque ?
On peut jouer à tout âge. C’est pour cela que ce livre s’adresse aux
lecteurs de 7 à 77 ans. Et aussi – encore davantage ? – aux plus de 78 ans.
Cet exemple1 très important montre bien l’absence de tout recours à une
explication surnaturelle. Au contraire, Erickson envisage ce type de
moment, même un moment aussi spectaculaire, comme un apprentissage. Il
y a à la fois un étonnement majeur, et une sorte de simplicité, comme un
constat : celui d’un fait qui est, tout simplement, extraordinaire. Et qui va
changer la vie.
Dominique Megglé, un des pionniers de l’hypnose française
contemporaine, précise, dans le même esprit qu’Erickson : « L’inconscient
c’est ce qu’on met dedans »2. Cela n’empêche pas d’autres leaders d’école
d’avoir des conceptions différentes, par exemples plus spirituelles (comme
Teresa Robles, psychologue mexicaine ayant travaillé comme
anthropologue après de populations indiennes). Voire des conceptions
religieuses, assimilant prière et autohypnose…
Erickson était, lui, agnostique, épris de savoir et de sciences. Son surnom
d’adolescent était « Dictionnaire », du fait du temps qu’il passait à la lecture
de celui-ci. Pour autant, beaucoup d’auteurs considèrent qu’il avait, dans sa
vision de la nature, une dimension chamanique. L’inconscient n’est donc
peut-être pas seulement « ce qu’on met de dedans ».
Mais pour Erickson, il n’y avait rien de particulièrement mystérieux le
concernant : si l’on sait être attentif, si nous prenons le temps d’observer
(voir les trois O), nous captons de multiples microsignaux (minimal cues)
qui nous renseignent sur bien des choses, sans que nous en ayons
conscience. Ce qui peut nous donner l’impression de phénomènes
paranormaux (rêves anticipatoires, impressions de déjà vu) qui pourtant
sont susceptibles d’être compris, un jour, scientifiquement.
Premiers approfondissements
À la fin de cette nouvelle étape, conséquente, nous pouvons examiner plus
précisément quelques points essentiels :
– la question de la sécurité, et de celle qui lui est liée, de la manière
appropriée d’intégrer l’autohypnose dans votre vie ;
– une compréhension minimale de la philosophie d’Erickson pour mieux
explorer les outils qu’il nous a laissés ;
– une plus grande connaissance des différentes phases du cycle
hypnotique ;
– parmi les diverses définitions de l’hypnose, le choix de celle que vous
allez, en tout cas dans un premier temps, privilégier pour votre
apprentissage personnel.
Calcul mental Un comptable dans son métier Établir une balance comptable.
Choisir un conjoint
« La vie vous apportera par elle-même de la douleur, votre responsabilité est de créer de la joie »
Milton Hyland Erickson
En fonction de vos réponses, vous allez peu à peu affiner votre mise en
place de l’autohypnose dans votre quotidien. Et vous allez privilégier telle
ou telle définition et conception de l’hypnose : celle qui vous sera la plus
utile.
Car l’approche éricksonienne est orientée avenir, contrairement aux idées
habituelles d’une hypnose qui serait tournée vers le passé et vers sa
remémoration. En effet, l’histoire, relativement récente, de la
psychothérapie a montré que les approches orientées vers le passé
comprenaient au moins deux grands risques :
– En cherchant des causes, d’en trouver sans pouvoir ensuite rien en
faire. Car comprendre les causes d’un problème augmente la difficulté
de le modifier. Cela peut paraître étonnant mais a été scientifiquement
étudié. Comprendre n’est pas justifier… mais ce n’en est pas bien
loin !
– Aussi, et surtout, chercher des causes risque fort d’en inventer des
fausses. C’est tout le problème des faux souvenirs, difficulté dont nous
commençons tout juste à nous rendre compte en psychologie3.
5
Pratiquer l’hypnose
Exercices préparatoires
Ces exercices, et aussi la progression que nous proposons dans ce chapitre,
sont destinés à vous aider à lire et expérimenter ce livre en totale sécurité.
En effet, peut-être même hésitez-vous à aller plus loin. Si c’est le cas :
– repensez aux caractéristiques générales de l’inconscient, notamment
ses qualités protectrices, bienveillantes et positives ;
– relisez les aspects historiques pour comprendre combien la pratique
autohypnotique est une pratique ancienne ;
– considérez les exercices suivants.
Savoir s’installer
Savoir s’installer, l’expression peut étonner. Pourtant, c’est une question à
laquelle on s’intéresse lorsqu’on pratique l’hypnose. C’en est même
habituellement la première phase. Nous distinguerons trois grands modes
d’installation, avec leurs avantages et leurs inconvénients. Cette liste n’est
pas limitative !
L’autohypnose assise
Le plus souvent, l’autohypnose va se pratiquer en position assise. Dans la
vie quotidienne, c’est une position plus facile à prendre que la position
couchée. Elle est habituellement préférable à la position debout car, par sa
stabilité, elle peut permettre la détente si celle-ci est recherchée ou
nécessaire.
Le choix du siège est important :
– Il est bon qu’il soit toujours le même. Cela favorise l’apprentissage de
la technique.
– Qu’il soit muni d’un dossier est souvent utile, même si cela n’est pas
indispensable. Cela permet aussi une détente, notamment du dos et du
cou.
– Il n’est pas forcément bon qu’il soit très confortable. Il faut juste que
l’installation soit indolore.
– Un siège très incliné peut être appréciable, mais pas toujours. Ainsi, en
pratique, essayez différents sièges, en fonction des choix qui vous sont
possibles, afin de trouver celui qui vous convient le mieux.
Je vous encourage à favoriser une installation qui favorise l’ouverture à
l’expérience, particulièrement si vous souhaitez que se produise un moment
créatif (mais faites comme vous préférez ou, pour le dire autrement, laissez
votre corps décider pour vous) :
– les bras décroisés, mains à plat sur vos cuisses (ou si vous voulez
mieux, paumes vers le haut !) ;
– les jambes également décroisées, jambes pliées avec pieds à plat ou
jambes étendues avec les pieds en contact avec le sol par les talons).
L’autohypnose allongée
L’autohypnose allongée a ses adeptes. Elle favorise bien sûr le repos, et elle
est favorable au sommeil, ce qui convient lorsque c’est le but recherché
et/ou le besoin de la personne. Elle est également propice à certaines formes
d’autohypnose méditatives, contemplatives.
Nous pouvons aussi dire qu’elle a les inconvénients de ses qualités. La
position allongée peut provoquer une baisse excessive de la vigilance qui va
rendre difficile la pratique et le travail autohypnotique. Elle va compliquer
la mobilisation du corps, et de ce fait elle peut empêcher le travail cinétique
(gestes, postures, mouvements). Pour cette raison, je ne la conseille pas, et
je ne la fais pas pratiquer à mon cabinet (j’ai enlevé mon divan il y a une
bonne douzaine d’année : je ne m’en servais que pour faire la sieste !).
Elle est même à déconseiller en cas de difficultés dépressives ou de deuil,
car elle favorise les phénomènes de ruminations et de ressassement.
L’autohypnose cinétique (ou alerte)
Cette forme d’autohypnose est insuffisamment connue et pratiquée. Elle est
pourtant très utile dans de nombreux cas, car elle favorise un travail intense
et créatif. Il faut la privilégier si vous avez du mal à pratiquer dans les
autres positions. Elle convient particulièrement aux sportifs, aux créatifs qui
travaillent beaucoup le corporel (comédiens, danseurs). Ainsi bien sûr
qu’aux kinesthésiques.
Le choix du mode d’installation dépendra du but de votre travail.
Exercice : j’expérimente l’autohypnose cinétique
Imaginez la position, l’installation dans laquelle vous aimeriez vous trouver en lisant ce livre. Vous
pouvez successivement en imaginer plusieurs. Y compris des installations dans des endroits
comme :
– Une montgolfière.
– En haut de la tour Eiffel.
– Sur une île avec tout le nécessaire.
– Dans votre jardin préféré.
– Dans un parc imaginaire, spécialement conçu pour vous.
– Dans l’atelier d’un parfumeur.
– Dans le musée que vous voulez, qui a été réservé rien que pour vous et pour les personnes que
vous avez choisies.
Prenez le temps d’observer ce que vous ressentez. Notez en les caractéristiques. Si vous avez fait
plusieurs expériences, comparez-les.
Définir un but
Notre inconscient ayant besoin d’être orienté, l’autohypnose éricksonienne
est orientée but (goal oriented). Il est très probable qu’une pratique sans but
ne vous amène rien et soit frustrante, voire décourageante. Si vous n’avez
pas vraiment de but, vous pouvez vous contenter d’une direction : vers quoi
aimerais-je que l’autohypnose m’aide ? Ainsi, des types de but peuvent
être :
– larges : une meilleure santé,
– plus ciblés : mieux respirer, se réénergiser, mieux dormir, etc. Il faut
cependant moduler un peu ces affirmations. Notre inconscient connaît
ce dont nous avons besoin. Il est par ailleurs informé de nos buts, de
nos souhaits. Aussi nous pouvons parfois faire comme Erickson quand
celui-ci auto-induisait son travail hypnotique en disant à son
inconscient : « Inconscient, fait ton boulot ! » Mais n’oublions pas le
désir. Il intervient aussi dans l’autohypnose. « De quoi aurais-je envie
(pour mon futur, proche ou lointain) ? » est une excellente technique
d’induction !
Entrer en autohypnose
Focalisation, absorption et rupture de pattern
L’entrée en transe autohypnotique implique que nous puissions quelque peu
diriger notre conscient afin qu’il n’empêche pas le travail de se faire. C’est
la focalisation. Rappelons-nous les passes de Mesmer, la fixation du point
brillant de Braid. Avaient-ils d’autres buts que de capter, de focaliser
l’attention consciente pour permettre la communication avec l’inconscient ?
En pratique, il s’agit avec la focalisation de porter notre attention sur des
sensations qui sont simples. Des sensations qui vont avoir, selon toute
probabilité, l’effet de susciter un certain calme, une tranquillité favorable,
propice à ce que se produise une rupture de pattern.
Ce terme d’allure sophistiquée désigne en fait un phénomène très
simple : l’autohypnose nécessite que notre fonctionnement conscient
s’interrompe au moins par courts moments pour que le contact avec notre
inconscient, pour solliciter celui-ci, puisse se faire. Il se crée alors une
discontinuité (gap en anglais) favorable à ce contact.
Une petite précision
En hypnose, les sensations simples et tranquilles susceptibles de créer la rupture de pattern sont
souvent :
– le sol sous les pieds ;
– l’assiette du siège sous les cuisses ;
– le dossier du fauteuil derrière le dos ;
– le tissu du pantalon (de la robe, etc.) ou l’extrémité des accoudoirs sous les doigts ou la paume
des mains ;
– les accoudoirs du fauteuil sous les avant-bras ;
– les différences de chaleur au niveau des narines selon les temps respiratoires (inspiration,
expiration) ;
– de même au niveau des bronches (sauf chez les fumeurs ou les malades respiratoires).
Une autosuggestion qui crée du réel
Le temps de la focalisation va être utilement suivi, et la progression
s’effectue peu à peu, doucement, par un temps qu’on peut qualifier
d’autosuggestion.
Nous avons vu, avec l’exemple du dîner chez les amis, que les
suggestions peuvent être indirectes ou plus directes. En autohypnose, la
possibilité d’être direct peut avoir votre préférence (comme dans la
méthode Coué). Dans l’approche éricksonienne, nous nous adressons à
notre inconscient, à l’intelligence créative de celui-ci. Il est donc intéressant
de ne pas être trop précis sur la manière dont nous voulons qu’il procède.
Une autre manière de faire consiste à imaginer le bon fonctionnement de
notre corps.
Un autre aspect utile des suggestions, parmi beaucoup d’autres que vous
aurez toujours le temps de découvrir ultérieurement, repose dans la
possibilité de créer des liens : justement ceux que nous trouvons utiles de
créer en fonction de nos buts.
Quelques autosuggestions fréquemment utilisées
– Je suis assis dans ce fauteuil (commentaire : cela est une évidence, et les évidences sont très
utiles pour entrer en autohypnose).
– Nous sommes le 16 décembre 20… (suite de ce qu’on appelle une « séquence d’acceptation » :
notre esprit conscient est forcément d’accord ! Il va coopérer avec ce que nous voulons vivre, en
relâchant sa vigilance).
– Mon cœur se met à battre plus calmement (c’est la première suggestion vraiment importante, la
première demande que nous faisons à notre inconscient qui s’occupe de la régulation de notre
fréquence cardiaque).
– Le calibre de mes bronches s’élargit, l’air circule ainsi plus facilement, l’oxygène peut mieux
passer dans mon sang pour se fixer à mes globules rouges (nous trouvons ici plusieurs
suggestions qui sont implicitement liées, qui sont ici plausibles, compatibles avec le savoir
scientifique2).
– Mes artères s’élargissent, ma tension artérielle diminue de façon adaptée.
– Mon sang s’écoule plus facilement, apportant davantage l’oxygène à mes cellules qui en ont le
plus besoin d’abord…
Créer du réel
On l’aura compris, l’hypnose, et donc l’autohypnose aussi, présente une
formidable capacité à modifier notre réalité. On sait maintenant que,
contrairement à ce qu’on a scientifiquement longtemps cru, la réalité était
objective, évidente. On disait : positive. D’où la conception « positiviste »
qui a prévalu dans le monde scientifique durant le e siècle. Et même
pendant le siècle dernier pour des domaines comme la médecine.
Depuis les travaux des physiciens lors des années 1905-1921
(Heisenberg, Einstein, Planck), la conception positiviste de la réalité est
obsolète. Le réel dépend de la manière dont on l’observe. Et nos
conceptions doivent tenir compte des appareils qu’on utilise pour
l’observer. Y compris du fonctionnement de nos yeux, ceux-ci étant
indissociables de notre cerveau dont ils sont un prolongement anatomique.
Une seule expérience – mais il en existe de nombreuses autres – va nous le
faire comprendre.
Exercice : l’effet (ou effacement) Troxler
Prenez le temps de regarder la figure et de l’examiner en observant tour à tour ce que vous y voyez.
Vous y voyez certainement un point central et un cercle dessiné de manière floue. Centrez
maintenant votre regard sur le point central, et laissez s’écouler une trentaine de secondes.
L’effet Troxler
L’orientation sensorielle
Avant d’aller de nouveau, et plus profondément (et/ou plus loin : à vous de
choisir le vocabulaire que vous préférerez) en transe, allons vers plus de
précisions sur la manière dont nous construisons notre réalité, dont nous
utilisons notre système sensoriel et perceptif : ce que les praticiens de
l’hypnose appellent notre orientation sensorielle (visuel, auditif, tactile,
kinesthésique, olfactif, gustatif).
Effectivement, si vous avez passé un certain temps de votre existence à
observer vos congénères, vous avez dû constater qu’ils s’y prennent de
diverses manières pour percevoir le monde :
– Certains se servent surtout de leurs yeux ; ils regardent, scrutent les
formes, les couleurs (ils sont des spécialistes de leurs harmonies : il
n’y a souvent qu’à observer celles, bien choisies, de leurs vêtements
par exemple, pour l’identifier). Ils vont volontiers aimer dessiner,
peindre et/ou faire de la photo.
– D’autres vont être à l’écoute, chercher à entendre le mieux possible, en
s’en donnant les moyens, quitte à demander à l’entourage de faire
silence. Ou en tout cas à ne pas faire de bruit ! Pour mieux connaître,
ils ne regardent pas, quitte à passer pour impolis. Leur oreille (surtout
la dominante) est capable de discerner de nombreux détails dans une
subtile modification de tonalité, un très discret changement de timbre.
Ils vont volontiers chanter ou pratiquer un instrument de musique, ou
en tout cas écouter des disques ou aller à des concerts (en étant
exigeant sur l’acoustique de la salle).
– Moins fréquents (mais en fait on ne le sait pas vraiment) et beaucoup
moins adaptés à notre société audiovisuelle, il y a les tactiles
kinesthésiques – excusez ce jargon aux allures pédantes ! Ceux-ci vont
assez souvent souffrir à l’école (surtout en primaire) car c’est par le
mouvement (et aussi le toucher, qui n’est pas toujours beaucoup plus
autorisé) qu’ils explorent le monde. Ils se sentent d’ailleurs « touchés »
quand ils sont émus, et aiment assembler, emboîter…
– Assez rares, car nos ancêtres ont délaissé ce sens au fur et à mesure de
leur évolution, les olfactifs existent encore un peu pourtant. Ils sentent
les choses (telle situation « sent bon » ou « pue »), peuvent avoir du
« pif », savent « renifler » les bonnes opportunités.
– Les gustatifs (comme orientation sensorielle principale) sont encore
plus rares probablement. Ils se sentent « amers » quand ils sont en
difficulté, mais peuvent « savourer la vie » heureusement !
Exercice : quelle est mon orientation sensorielle ?
Installez-vous confortablement et prenez le temps d’observer votre manière de vivre pour
déterminer votre orientation sensorielle principale. Vous pouvez (ne vous en privez surtout pas !)
vous faire aider par un proche.
Attention : vous pouvez avoir deux orientations sensorielles dominantes, ce n’est pas rare ! Selon ce
que nous faisons et vivons, notre orientation sensorielle dominante s’avère très variable.
Si vous préférez, vous pouvez aussi vivre l’expérience suivante, en vous rappelant (si vous l’avez
vécu) ou, dans le cas inverse, en imaginant la situation suivante :
– Vous avez prévu pour vos vacances d’été de louer une maison. Vous allez y séjourner pour la
première fois.
– Vous venez d’arriver, après une longue route qui, cependant ne vous a pas épuisé.
– Vous avez bien sûr posé vos valises et, par prudence, fermé votre voiture à clé.
– Vous avez évidemment envie de mieux connaître cette maison, ce lieu où vous espérez
raisonnablement vivre de nombreux moments agréables.
– Que faites-vous en premier ? Et ensuite ?
Être en hypnose
Vivre la transe : vous y êtes ☺
Le moment est arrivé. Vous êtes en contact avec votre inconscient. Vous
recevez de lui. Il vous fait vivre une expérience inhabituelle et que vous
avez envie de faire. Vous vivez la transe. Vous allez dans une zone de votre
être où, si vous débutez, vous n’êtes pas habitué à aller.
Vous prenez en charge vos besoins. Ou plus exactement vous laissez
votre inconscient le faire. C’est ce fameux lâcher-prise dont on parle si
souvent temps et dont l’usage est si galvaudé.
Lâcher prise, lâcher prise, vous avez dit lâcher prise ?
Cette expression extrêmement utilisée mérite quelques explications.
Bien sûr on pourrait dire que, pour donner davantage la parole aux compétences de notre
inconscient, il faut lâcher le contrôle de notre conscient. Cependant je n’aime pas l’expression car
elle fait souvent peur et, en plus, elle est floue :
– D’abord le mot lâcher est trop immédiat, trop direct. Personne n’a généralement envie de lâcher
dans la vie.
– Car de quoi s’agit-il quand il est dit que nous devons lâcher ? Bien souvent de théories plutôt
fumeuses. Et d’ajouter lâcher prise n’apporte rien. En hypnose notre cerveau est littéral. Si vous
dites à un alpiniste de lâcher prise, il tombe !
– Néanmoins pour certaines personnes cette expression a beaucoup de sens, et une efficacité
certaine !
Se créer de la sécurité
Pour que la transe puisse apporter le plus richement possible ses effets
positifs, il est nécessaire de comprendre deux notions essentielles et très
reliées l’une à l’autre.
Présence et dissociation
– Être présent, c’est vivre pleinement ce qui se passe. C’est être attentif
et participer effectivement. La transe est cela ; on la construit en la
vivant.
– Être dissocié, c’est être là en même temps qu’être ailleurs. Cela
semble contradictoire avec le fait d’être présent. Et en même temps la
subtilité de la notion de dissociation enlève tout aspect contradictoire.
Cette notion plus complexe est aussi est susceptible de définir l’état
hypnotique.
Voyons un exemple
Exercice : présent et dissocié
Je suis assis, je vois les éléments qui constituent la pièce où je me trouve, je sais la date
d’aujourd’hui, et la pendule me donne l’heure. Je vois où je suis et je sais aussi que de nombreux
autres humains vivent ailleurs au même moment que moi. Je sais aussi que le temps est subjectif,
c’est-à-dire n’est pas si important que cela. Je suis ici et maintenant, mais ce qui est ailleurs n’est
pas loin de moi, et le passé non plus n’est pas loin, mes ancêtres ne sont pas si éloignés. Et le futur
survient constamment à chaque moment. Je me sens VIVANT.
Je me sens vulnérable, c’est ma condition d’humain, je suis à l’aise avec mes fragilités et mes
limites. Ce sont elles aussi qui me définissent en ce moment. Et je peux jouer tranquillement avec
elles en imagination…
54321
Non, ce n’est pas un décompte magique, même si son effet peut y faire
penser. Le 54321 est une technique très puissante pour se créer de la
sécurité, et donc de la relaxation et de la détente. Il peut favoriser aussi
l’endormissement. C’est un équipement autohypnotique de base dans les
situations où les autres approches ne fonctionnent pas.
Exercice : 54321
5 choses que je vois, là où je suis : la pendule, le bouton de la porte, mon stylo, ma lampe, la photo
de fleur au mur.
5 sons que j’entends : l’automobile qui passe dans la rue, le tic-tac de la pendule, le claquement de
mon pied sur le sol, une voix d’enfant dehors, le son de l’air qui passe dans mes narines.
5 sensations physiques ou tactiles que je ressens : le dossier du fauteuil derrière mon dos, le sol sous
mes pieds, l’étoffe de mon pantalon sous ma main droite, la sensation que je ressens quand
j’actionne les muscles de mes jours, celle que je ressens en faisant de même avec ceux de mon nez.
Puis 4 sensations dans chacun des 3 registres sensoriels principaux.
Puis 3. Puis 2 de chaque.
Puis 1 objet que je vois, 1 son que j’entends, 1 sensation physique ou tactile.
Si ça ne suffit pas je peux faire une nouvelle série !
Divisez maintenant votre bouclier en 5 parties à peu près égales. Vous n’avez pas assez de place ?
Refaites-vous un bouclier plus grand, celui que vous avez fait ne risquait pas de bien vous
protéger ! Vous êtes maintenant prêt ?
Dessinez dans une première partie un objet, ou une simple forme si vous préférez, qui évoque pour
vous la sécurité.
Ensuite dessinez un son (eh oui, un son peut se dessiner) évoquant pour vous la sécurité.
Dans une troisième partie, dessinez un objet dont le toucher vous évoque la sécurité. Ce peut aussi
être un mouvement si cela vous inspire plus.
Dans l’avant-dernière partie, dessinez une odeur, une senteur, un parfum qui vous évoque la
sécurité.
Dans la partie restante, ce sera une saveur.
Vous avez maintenant presque fini de construire votre bouclier. Il manque cependant une partie
importante que vous allez rajouter. C’est le bandeau.
Dans ce bandeau vous allez écrire les mots (ce peut être une phrase entière, mais pas forcément)
qu’il serait utile de vous dire pour vous créer de la sécurité. Ceci peut devenir comme une sorte de
devise, de slogan7.
Exemple(s) de
Comportement à technique
Besoins Signaux
mettre en place autohypnotique
correspondante
Avoir une vie qui a Sentiment d’absurdité Donner du sens à Activité hypno-
du sens notre vie philosophique. et
spirituelle
La loi de Yerkes-Dodson
Effet Durabilité
Notre tâche est de vivre autant que possible des évènements classables en
position supérieure dans le tableau. Au besoin en enjolivant le réel ?
Bien sûr ! Nous savons maintenant qu’à chaque fois que nous repensons à
un souvenir, et a fortiori quand on en raconte un, on le modifie, on lui
rajoute des détails imaginaires. Notre mémoire est en fait en perpétuel
remaniement, malgré nous. Autant utiliser cette formidable capacité de
notre cerveau ! D’autant qu’à l’expérience, il ne semble pas possible de
modifier des souvenirs qui sont absolument nécessaires pour nous…
Nous l’avons vu il y a quelques pages : nous construisons le réel. Le vrai
est ce qui est utile. C’est la base scientifique de l’hypnose !
Modifier le temps
Ralentir le temps
Ralentir notre perception du temps se produit souvent souvent
spontanément :
– quand nous nous ennuyons,
– lorsque nous regardons des images au ralenti dans certains films de
cinéma, ou lors de retransmissions sportives. Ces ralentis explicitent
des moments où se sont produits des gestes, des actions rapides et
techniques.
Certains danseurs peuvent danser très lentement, comme au ralenti,
certains mimes, acteurs, comiques arrivent aussi imiter les ralentis.
Exercice : je ralentis le temps
Selon ma ou mes préférences, j’imagine une ou plusieurs des situations suivantes.
Je choisis de me rappeler un souvenir où je me suis beaucoup ennuyé (par exemple en attendant un
train qui a fini par être annulé), ou je regarde devant moi un écran de cinéma où je vois un moine de
Shaolin exécuter des mouvement d’arts martiaux au ralenti, ou un souvenir d’enfance au football
lorsque j’ai marqué un but difficile, je vois le « replay » sur la vidéo qu’a filmée mon père qui était
venu me voir…
J’observe le ralentissement de ma respiration, de ma fréquence cardiaque, peu à peu tout ce que je
vois à l’extérieur de moi-même semble aussi devenir plus lent.
Je peux voir les deux aiguilles d’une pendule immobiles, et ressentir le temps qui passe avant que
l’aiguille des minutes finisse par bouger d’un cran.
Je prends le temps (!) d’apprécier cette possibilité de ralentir le temps.
Il est possible d’utiliser la même technique avec des endroits, des lieux.
Une précaution quand même : si vous vous sentez gagné par la nostalgie,
arrêtez l’exercice et faites-en un autre !
Peut-on travailler ses traumas tout seul ?
Bien sûr, dans certains cas, cela est possible. C’est ce que notre inconscient fait assez souvent, sans
l’aide de notre conscient. Peu à peu nos mauvais souvenirs sont comme digérés, intégrés, se mettent
à faire partie de notre mémoire historique personnelle, non seulement sans que cela nous gêne, mais
en nous munissant d’un apprentissage utile.
Dans d’autres cas, notamment pour les traumatismes les plus importants (mais pas toujours, cela
peut aussi concerner des évènements de gravité très modérée, voire faible), ce travail ne se fait pas
spontanément et nous devons le faciliter, l’aider.
On voit que ce type de travail permet une action sur la confiance en soi.
La seule façon d’avoir une bonne confiance, c’est d’avoir déjà réussi à le
faire. Et nous pouvons réussir à faire beaucoup de choses dans l’avenir, en
toute sécurité, bien installé dans notre fauteuil à autohypnose !
L’autre façon d’anticiper va travailler sur l’espoir et l’estime de soi. Mais
attention, votre estime de vous ne doit pas non plus être excessive (ni votre
confiance en vous d’ailleurs) !
Exercice : je me projette le jour des résultats
Ça y est, c’est le jour, mon corps est fébrile, je suis devant mon ordinateur. Je clique pour aller sur
le site des résultats. La page s’ouvre. J’entre le mot de passe, je cherche mon nom dans la liste
alphabétique pendant que ma main gauche tient mon téléphone portable avec mon meilleur ami qui
m’encourage.. Je me trompe d’endroit, je recommence. Ça y est, je vois mon nom.
Je me concentre, c’est difficile car, devant moi, les lignes de l’écran semblent se mélanger… Pour
mieux y arriver je suis avec mon doigt pendant que mon oreille gauche entend la voix de mon ami
qui s’impatiente : « Alors ? » répète-t-il de sa voix bienveillante mais que je sens tendue…
« J’arrive…, je ne trouve pas mon nom c’est l’horreur ! » Mais si, ça y est, je vois mon nom. Je
vérifie mon prénom ? C’est bien moi. R… E… C…….U… Non ce n’est pas vrai, ce n’est pas
possible…
« Alors ? » Ah oui, mon ami est toujours là, il faut que je lui dise. Mais mes cordes vocales sont
bloquées par l’émotion…
« Reçu ! »
« Et ben mon salaud ! » se moque la voix chaleureuse de mon ami…
La catalepsie et la lévitation
Ces phénomènes hypnotiques font partie de ce qu’on appelle des hypnoses
partielles, car seule une partie du corps est en transe, généralement la main,
ou l’ensemble d’un bras. Ils sont assez compliqués à apprendre seuls sans
l’aide d’un thérapeute.
Il s’agit de la création, dans une de vos mains ou simplement d’un de vos
doigts, d’une sensation de légèreté puis de solidité (catalepsie), voire de
puissance. La légèreté de la main peut lui « donner envie » de s’élever,
d’entraîner le bras, comme si, lors d’une fête foraine, une personne
bienveillante avait attaché à votre poignet un ballon d’hélium. De quelle
couleur est ce ballon ? Et le fil ?
La catalepsie peut être utile pour les troubles de l’érection ou pour avoir
confiance en soi. La lévitation a de nombreuses utilisations, notamment
pour faire des pauses créatives pendant le travail (assurez-vous d’avoir un
lieu où c’est possible !).
La dissociation
La dissociation est un phénomène majeur de l’hypnose, presque toujours
présent, si ce n’est toujours. Les techniques présentées dans ce livre
permettent d’apprendre à la créer. En pratique, c’est la dissociation qui
permet cette sensation de « bulle de confort et de sécurité » que nous
pouvons vivre en autohypnose qui nous permet de nous reposer, de prendre
du recul, de « sortir de cadre » pour éventuellement avoir des idées
créatives…
Se créer une analgésie ou une anesthésie :
le travail avec la douleur
Le gant magique
Cette technique, la plus utilisée en médecine de la douleur, consiste à
mettre un gant imaginaire, agréable, confortable, à une de ses mains et de
laisser sa main prendre le temps de ressentir ce confort. Peu à peu, une
chaleur ou un engourdissement s’installe, ainsi qu’une insensibilité à la
douleur.
D’autres techniques permettent un effet comparable, en utilisant :
– des souvenirs d’engourdissement par le froid : jouer aux boules de
neige aux sports d’hiver (ou ailleurs), jouer à faire des barrages avec
des cailloux dans un torrent de montagne, nettoyer le compartiment
freezer d’un réfrigérateur (moins agréable, mais utile !) ;
– et si vous aimez la lecture, le souvenir de l’engourdissement que vous
avez ressenti dans le bras après avoir fini un livre captivant ;
– ou, simplement, le souvenir d’une anesthésie que vous avec eue chez
un dentiste, comment vous ne sentiez plus votre joue qui paraissait
d’une matière que vous n’arriviez pas à identifier…
Transférer l’analgésie
Il est ensuite possible de transférer l’analgésie à la partie de votre corps
qui en a besoin. Cela peut paraître étonnant mais des milliers de patients
douloureux chroniques ou ayant un programme de soins dentaires
conséquents, bien entraînés, le font tranquillement, presque
machinalement ! Ce travail avec l’analgésie peut utilement s’accompagner
d’autres techniques très voisines et très utiles dans des moments
douloureux.
Déplacer ses douleurs
Dans un même esprit que le transfert d’analgésie, il est également possible
de déplacer ses douleurs dans d’autres parties de son corps où elles vont
être moins gênantes. Nous pouvons aussi les envoyer dans un autre lieu :
– vers le ciel, éventuellement par une fusée, sur une autre planète. Ce
sont des moyens appréciés par les enfants, et qui ne sont pas interdits
aux adultes ;
– dans la terre (comme pour l’amnésie) ;
– plus modestement, sur sa table de nuit ou dans une poche de pantalon,
juste pour passer une nuit tranquille !
Décortiquer une douleur
La décortication d’une douleur est une démarche visant à démembrer une
douleur en plusieurs sous-parties ; plusieurs douleurs différentes. C’est une
technique de fragmentation. Elle peut être utilisée tant dans les douleurs
morales que physiques. Ainsi, une douleur peut être décortiquée :
– qualitativement : la douleur est vue comme composée d’un fond
douloureux gris, accompagnées de crises douloureuses rouges ;
– temporellement : le fond douloureux est gênant car permanent, les
crises sont handicapantes car imprévisibles, elles m’empêchent de
conduire sur autoroute.
Les hallucinations
Elles n’ont ici rien à voir avec les problèmes psychotiques, car elles sont
volontairement construites. Elles peuvent être :
– positives : ce sont alors des ressources très utiles pour la créativité ;
– négatives : ce sont des phénomènes d’adaptation. Les porteurs de
lunettes les connaissent bien, au point parfois de les chercher alors
qu’ils les portent !
Les hallucinations négatives peuvent être très utiles dans la gestion d’une
douleur, physique ou morale. Et aussi en cas d’acouphènes
(bourdonnements d’oreille).
La suggestion post-hypnotique
Il s’agit de la possibilité qu’un effet d’une séance d’autohypnose puisse se
manifester à distance de celle-ci.
Elle demande un certain entraînement pour pouvoir la manier. Elle est à
la base des ancrages, moyens gestuels pour activer une ressource lorsqu’on
en a besoin. Elle est très utile, notamment dans les problèmes addictifs : « À
chaque fois que je serrerai le poing droit, je retrouverai ma détermination et
mes compétences autohypnotiques pour attendre que la pulsion à boire de
l’alcool passe ».
L’écriture et le dessin automatique
De même qu’il est possible de parler en hypnose (et donc de s’enregistrer),
nous pouvons aussi écrire et dessiner. Ce sont des hypnoses partielles
(comme la lévitation et la catalepsie) : c’est « une de nos mains, nous ne
savons pas encore laquelle, qui va prendre le crayon, et nous la laissons
faire, notre inconscient l’utilise pour nous proposer un travail créatif et
utile ».
Maintenant que nous avons fini notre tour des différents phénomènes
hypnotiques, je vais vous faire encore un peu travailler sur comment vous
pourriez intégrer l’autohypnose dans votre vie quotidienne.
L’hypnose peut aussi être définie comme une transition. Nous aborderons
davantage cette manière de la considérer dans le chapitre suivant.
Ce chapitre est fini : faites-vous maintenant une transition
À votre propre manière
En prenant en charge vos besoins ☺
6
L’autohypnose peut donc être utilisée pour résoudre des difficultés de santé
et de vie. Ou, pour le dire de manière plus positive (donc plus hypnotique),
pour améliorer la santé et mieux épanouir nos existences.
Il n’y a pas de recettes car, le plus souvent, il n’y a pas de lien direct
entre problème et solution. Mais vous pouvez, au cas où vous n’auriez
pas d’intuition particulière, utiliser les techniques indiquées. Quitte à les
modifier en fonction de ce que vous ressentirez utile. Dans ce chapitre, je
vous donnerai d’autres approches, avec aussi des outils pour penser leur
emploi.
Quelles preuves dans quels domaines ?
Notre époque, et c’est heureux, prend au sérieux les différents médecines alternatives et
complémentaires (MAC), et particulièrement l’hypnose. En contrepartie, elle les étudie, et s’en
donne les moyens. De plus en plus d’équipes cherchent à comprendre les mécanismes de l’hypnose
thérapeutique. Un autre domaine de recherche concerne aussi les preuves d’efficacité. On pourrait
dire que les meilleures seraient les témoignages de patients, avec éventuellement des éléments
photographiques et vidéo.
La science médicale occidentale a pourtant mis au premier plan d’autres manières de faire de la
recherche, qu’elle estime plus rigoureuses que ces « études de cas » qui sont même devenus
méprisées, par peur des éléments subjectifs (rappelons-nous le positivisme), et aussi des tricheries.
Aussi a-t-elle conçu pour prouver l’efficacité d’un traitement ce qu’on appelle les « études en
double aveugle contre placebo ». Elles consistent à traiter des patients en les groupant en deux
groupes :
– un groupe qui reçoit le traitement ;
– et un autre qui reçoit un placebo.
Cette méthode pose des problèmes éthiques, liés à l’utilisation d’un placebo. Dans certains cas,
particulièrement celui de l’hypnose, elle pose aussi des problèmes techniques, comme le Pr Antoine
Bioy l’a soulevé dans le récent rapport INSERM : comment faire une hypnose placebo ? Un
traitement qui ressemblerait à de l’hypnose mais ne serait pas de l’hypnose ? C’est en fait très
difficile ! Rappelons-nous l’efficacité hypnotique du « comme si » ! En pratique, les chercheurs
cherchent, les praticiens pratiquent et les gestionnaires, ceux du moins qui sont sérieux, constatent.
La recherche sur l’hypnose ne recueille pas beaucoup de moyens financiers. Pourtant, il existe
maintenant, grâce à des hommes et des femmes passionnés, une littérature conséquente qui montre
un certain nombre de résultats qui ont amené l’Académie de médecine (2013) puis l’INSERM1
(2015) à reconnaître l’utilité de l’hypnose thérapeutique.
Les cauchemars
Les cauchemars peuvent être considérés comme des rêves ratés, non
terminés. En cas de cauchemars à répétition, il est souvent utile de prendre
le temps de les terminer, de leur construire une fin. Cela peut être fait
d’abord à l’état d’éveil, puis ensuite en transe autohypnotique.
Le domaine de la douleur
Les douleurs aiguës
L’utilité de l’hypnose et de l’autohypnose a surtout été étudiée et évaluée
dans un certain nombre de situation pathologiques, ce qui est logique. Leur
efficacité a été démontrée dans le traitement des douleurs, que celles-ci
soient aiguës ou chroniques.
En matière de douleur aiguë, l’efficacité est relativement facile à
démontrer :
– l’hypnosédation lors d’un certain nombre d’opérations chirurgicales,
combinant hypnose et de faibles doses de produits chimiques ;
– dans les soins aux brûlés (changement de pansements notamment),
l’utilisation de l’hypnose étant en cours d’évaluation ;
– les examens douloureux ou en tout cas pénibles (fibroscopies,
digestives ou pulmonaires, poses de sondes, ponctions sanguines,
ponctions de fistule chez les patients insuffisants rénaux dialysés) ;
– pendant certaines crises douloureuses aiguës comme la névralgie du
trijumeau, les névralgies dues à des tumeurs cancéreuses ;
– en préparation à la chirurgie ;
– en obstétrique pour l’aide au travail (elle en diminue la durée, surtout
pour la première grossesse), à l’accouchement et à la délivrance. La
consommation de médicaments s’en trouve diminuée, ainsi que les
recours à la péridurale. Elle semble utile aussi dans la prévention de la
dépression du post-partum (baby blues) ;
– en dentisterie, que ce soit pour la prise en charge de la douleur, de
l’hypersensibilité dentinaire, et aussi pour faciliter une bonne
coopération comme pour diminuer les peurs ;
– enfin en médecine d’urgence, notamment pour créer de l’apaisement
lors de la prise en charge des urgences douloureuses comme les
infarctus du myocarde.
Précordialgies Thorax
Médecine générale
Le médecin généraliste est le spécialiste de la médecine globale, de
l’approche complète de la personne. En première ligne devant des situations
de souffrances complexes concernant souvent autant le corps que l’esprit,
il synthétise aussi les données que lui fournissent ses collègues spécialistes.
Le développement actuel de l’hypnose est probablement en train de
commencer à changer profondément la pratique de la médecine générale,
y compris en développant la dimension préventive.
Chirurgie
Outre la préparation à la chirurgie et l’hypnosédation, l’autohypnose, sans
qu’on en sache les mécanismes, peut favoriser la cicatrisation et la
récupération énergétique.
Radiologie
L’IRM (imagerie par résonance magnétique) est un examen assez pénible
(isolement, bruit). L’autohypnose permet d’atténuer ces inconvénients, de le
rendre plus confortable.
Sexologie
L’autohypnose est de plus en plus utilisée dans ce domaine de la santé6,
notamment lors des problèmes de :
– douleurs lors des rapports sexuels (dyspareunie, vaginisme),
– impuissance masculine, troubles de l’érection,
– troubles de l’éjaculation (éjaculation précoce ou d’anéjaculation),
– frigidité féminine,
– mésentente sexuelle.
Soins infirmiers
L’autohypnose est très utile, chez l’adulte comme chez l’enfant, lors de
soins infirmiers, notamment quand ceux-ci sont répétés :
– prises de sang,
– sondages,
– pansements douloureux,
– dialyses péritonéales et hémodialyse.
Orthophonie
L’hypnose se développe. Particulièrement dans les domaines suivants :
– troubles de l’apprentissage,
– bégaiement,
– phobies scolaires.
Kinésithérapie et ostéopathie
Ces pratiques corporelles sont spontanément, si elles ne sont pas faites de
manière « mécaniciste » (voyant le corps humain comme une mécanique
simplifiée qui subit de manière passive ce que fait le praticien), proches de
la perspective hypnotique. Ce n’est donc pas étonnant que de plus en plus
de professionnels se forment à l’hypnose et l’incluent, généralement assez
facilement, dans le travail qu’ils font avec leurs patients.
Troubles psychiques
La dépression
On a longtemps pensé et dit que l’hypnose n’avait pas d’intérêt
thérapeutique dans le traitement de la dépression. Si l’on excepte les
dépressions biologiques (qui se traitent par médicaments principalement),
une telle affirmation est erronée.
L’hypnose a un grand intérêt pour faciliter la reprise de l’« hédonie »,
cette capacité vitale à avoir du plaisir, qui est émoussée ou franchement
altérée chez les patients déprimés. Elle est aussi efficace pour traiter un
certain nombre de difficultés qui prédisposent à la rechute. L’autohypnose
est particulièrement utile et efficace pour contenir la rumination dépressive
qui, lorsqu’elle existe, est un mécanisme terriblement pathogène susceptible
de fatiguer le patient, de détruire son sommeil (ou d’en altérer la qualité), et
de provoquer des passages à l’acte suicidaires. Des techniques de protection
anti-rumination peuvent être très puissamment efficaces.
L’anxiété pathologique
Ce domaine de la psychothérapie s’est considérablement développé depuis
une vingtaine d’années. Même s’il existe un grand nombre de types de
troubles, on les regroupe généralement en :
– trouble panique : les fameuses « crises d’angoisse », les ex
« spasmophilies » (dont on pensait qu’elles venaient d’un manque de
magnésium, ce qui a fait la fortune des fabricants !) ;
– les phobies (où la personne renforce sa peur en évitant les situations
qui l’inquiète). Il y en a de très nombreuses, parmi lesquelles les
phobies de l’avion ;
– les TOC (troubles obsessifs compulsifs, qui ne comprennent d’ailleurs
pas toujours de l’anxiété) lors desquels se manifestent une idée
obsédante qui crée une transe négative, le patient développant des
rituels pour essayer d’y mettre fin. Malheureusement, l’obsession se
renforce avec les rituels !
L’hypnose, et dans l’anxiété chronique, l’autohypnose, sont des
traitements particulièrement utiles de l’anxiété.
Les troubles addictifs : tabac, alcool,
drogues, troubles alimentaires
Il a été longtemps enseigné que l’hypnose (et donc l’autohypnose) n’avait
pas d’intérêt dans ce domaine. Là encore, même s’il faut ici aussi nuancer.
Même si les charlatans prolifèrent dans ce domaine, l’hypnose et
l’autohypnose peuvent être très utiles :
– si la motivation personnelle est forte,
– s’il est tenu compte de l’ensemble des besoins de la personne addict.
Notamment, l’autohypnose est un moyen très puissant :
– pour se mettre en protection, le temps que la pulsion à prendre le
produit passe,
– ainsi que pour aider à faire face aux situations à risque de déclencher
une rechute (situations « gâchettes »).
L’autohypnose peut être une grande aide dans le traitement de l’anorexie
mentale, pour aider ces jeunes filles, souvent intelligentes et sensibles,
à gérer ce qui sont pourtant potentiellement de belles compétences !
(techniques d’autoparentage et de reparentage7).
Performance et créativité
Sports
L’hypnose et l’autohypnose sont maintenant abondamment utilisées chez
les sportifs de haut niveau, et même à niveaux moindre. Elles sont
répandues, généralement pratiquées sous la dénomination de « préparation
mentale », dans le milieu des sports individuels (athlétisme, tennis)8, même
si elles gagnent aussi les sports collectifs. Ce n’est pas un hasard si c’est
dans le domaine sportif qu’a été mise en évidence la notion de flow (voir
ici), notion qui correspond en grande partie à un fonctionnement
hypnotique.
Domaine artistique
L’hypnose et l’autohypnose sont des pratiques susceptibles de favoriser la
créativité. On peut même se demander s’il peut même y avoir créativité
sans qu’existe un état de transe, même léger.
Être performant dans son travail
L’autohypnose est alors utilisée pour :
– fonctionner dans un stress optimal (bon stress),
– relancer ou renforcer se créativité dans le travail,
– gérer ses rythmes (notamment les postes à horaires variables ou
décalés),
– favoriser l’apprentissage : notamment celui des langues étrangères.
Autres
L’autohypnose peut aussi être très utile dans les domaines suivants :
– les troubles de l’estime de soi,
– la gestion des émotions (colère, anxiété),
– la gestion des sentiments inadaptés : culpabilité, honte,
– les troubles de l’affirmation de soi (avec l’importance du travail
corporel : postural et gestuel,
– la gestion des conflits et des difficultés relationnelles,
– la perturbation de l’image de soi.
Sophrologie Gestalt-Thérapie
PNL (Programmation Neurolinguistique) Analyse transactionnelle
Relaxation de Jacobson Focusing
Relaxation de Schultz Rêve éveillé dirigé
Biofeedback Psychodrame de Moreno
Thérapies orientées solutions (TOS) Méthode Vittoz
Ego state therapy (thérapies des états du moi)
Autohypnose et méditation
Deux niveaux de comparaisons peuvent être effectués entre autohypnose et
méditation :
– celles avec les techniques anciennes de méditation : calme mental
(samadhi, chiné) et pleine conscience traditionnelle (vipassana,
lhaktong) ;
– celles avec la méditation de pleine conscience de Jon Kabat-Zinn, qui
est une adaptation des précédentes.
Nous parlerons essentiellement des analogies et différences entre
autohypnose et techniques traditionnelles de médiation.
Une transe se développe habituellement dans les L’autohypnose se vit dans le présent, le passé,
deux cas. le futur. La méditation se vit dans l « ici et
Les techniques avancées de méditation maintenant ».
comportent des techniques hypnotiques. L’autohypnose a des buts très variés. La
Dans les deux cas, elles peuvent être vues méditation vise le contrôle du mental, de
comme une sorte de médecine personnelle. l’esprit.
Méditation contient la racine indoeuropéenne L’autohypnose vise donc des perspectives plus
med, la même que celle trouvée dans larges. La méditation vise à la sagesse ; son but
« médecine ». Cette racine veut dire est plus ambitieux.
« cultiver ». Comment ne pas penser à L’autohypnose est rapide à apprendre (même si
Erickson ! cela varie beaucoup d’un individu à l’autre).
L’approche éricksonienne conçoit les La méditation demande de longues années de
mécanismes des problèmes humains comme pratique régulière.
découlant de croyances limitantes. C’est aussi le L’autohypnose est une voie d’autonomie (même
cas du bouddhisme, qui voit dans le désir si l’apprentissage de la méditation apporte aussi
excessif et/ou la répulsion disproportionnée une certaine autonomie, mais de type différent :
(c’est-à-dire le refus de ce qui nous vivons) la un accompagnateur, guide, est indispensable).
source de nos souffrances. Pour Erickson notre Concernant les émotions : l’autohypnose va
responsabilité est de créer de la joie. Pour le chercher à susciter des émotions telles que la
bouddhisme, il s’agit du non-attachement, de joie, la curiosité, l’espoir, la gaité. La
laisser le mouvement de la Vie se faire, méditation vise le calme émotionnel.
changement continuel bien compatible avec le
rire et l’humour comme en témoigne l’actuel
Dalaï Lama. La souffrance empêche d’être dans
la vie. Dans le bouddhisme elle est liée à l’ego.
Notre parcours ensemble est terminé. J’espère que vous y avez trouvé de
l’intérêt, peut-être aussi du plaisir. Peut-être êtes-vous un peu déconcerté.
Si c’est le cas je vous demande de bien vouloir m’en excuser.
J’ai essayé de vous parler personnellement. J’ai fait de mon mieux pour
répondre à vos besoins ; besoins d’informations, d’expérimentation, d’être
guidé et aussi d’être laissé libre de faire à votre propre manière.
Si vous connaissiez déjà l’hypnose, vous avez été peut-être étonné.
L’hypnose et l’autohypnose sont en train de changer. L’apport de Milton
Erickson continue de s’incorporer et de fertiliser l’hypnose mondiale. Et
dans notre pays, il est destiné à être approfondi, davantage pensé et
compris. Pour encore plus donner du fruit, susciter de nouvelles façons de
faire, de nouvelles pratiques soignantes et autosoignantes.
J’aimerais que ce livre puisse y contribuer. Que vous aussi, lecteurs,
rejoigniez ce grand mouvement pour une meilleure santé, qu’on peut
appeler, si vous le voulez, le mouvement hypnotique. Ouvert, tolérant,
intégratif, intelligent autant que possible en se mettant au service de
l’humain.
Comme par hasard, au moment où je finis ce livre, une chance
formidable m’est donnée. Celle de créer une nouvelle revue de qualité, dont
le projet est celui-là : rendre accessibles et compréhensibles au plus grand
nombre ces nouvelles manières de soigner.
Nous allons maintenant nous quitter. Bon cheminement à vous. À la joie
de nous recroiser, si vous le voulez.
Je vous souhaite un beau FUTUR.
Solutions
Faut-il aller voir un thérapeute pour apprendre l’autohypnose ou peut-on apprendre seul ?
Les besoins sont différents selon les individus. Beaucoup de personnes
savent très bien apprendre une langue étrangère, un instrument de musique,
photographier, etc., seules. D’autres auront besoin d’une aide personnalisée,
dans le cadre d’une relation humaine. La réponse est donc là encore
variable selon chacun.
Il peut aussi y avoir du plaisir à apprendre l’autohypnose avec un
praticien de l’hypnose dans un cadre relationnel agréable et chaleureux !
Et les CD ?
Certains sont bien conçus. Avec les mêmes précautions nécessaires, même
si la force suggestive des CD est moins puissante que celle des vidéos.
A
Analgésie : suppression de la capacité à ressentir la douleur.
Analogie : processus cognitif reposant sur la similitude, la ressemblance.
L’inconscient procède beaucoup par analogies.
Anesthésie : suppression des capacités à ressentir la douleur, la chaleur, le
froid, le toucher et la pression.
Autosuggestion : procédé par lequel on se suggère à soi-même une idée.
C
Cognitif : relatif à l’intelligence.
Cognitivistes : praticiens (psychologues, psychiatres) considérant l’action
sur la pensée comme centrale pour traiter les perturbations psychiques.
Corps-esprit (body mind en anglais) : conceptions actuelles de la majorité
des chercheurs voyant le corps et l’esprit comme intimement mêlés.
D-F
Dissociation : processus complexe caractérisé par la perte de l’unité
psychique. Ce processus est fondamentalement considéré comme une
capacité, une compétence dans l’approche éricksonienne.
Effet placebo : littéralement : « je plairai » en latin. Effet positif d’un
médicament (ou par extension, de toute intervention à visée thérapeutique)
dû à une suggestion accompagnement sa prescription.
Fonctionnelle (pathologie) : maladie qui ne comporte pas de lésions mais
où existent quand même des perturbations du fonctionnement corporel.
Ces modifications peuvent être très graves.
I
Idéodynamisme : processus par lequel une idée peut générer un
mouvement. Synonyme : idéomotricité.
Imagerie fonctionnelle : examens capables de visualiser les fonctions
corporelles (notamment cérébrales) non visibles. En font partie la
scintigraphie, la tomographie par émission de positons (TEP ou PET scan),
l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf).
Inconscient : qui n’est pas conscient.
Induction : procédés qui précèdent et visent à la survenue de la transe
hypnotique.
M-N
Manipulation : au sens étroit du terme, faire faire à quelqu’un quelque
chose qu’il n’a pas envie de faire ; au sens large, influence mutuelle que les
êtres humains ont les uns sur les autres.
Médecines alternatives et complémentaires : pratiques thérapeutique
visant à compléter (complémentaires) ou à pouvoir être mise en œuvre à la
place (alternatives) des procédés thérapeutiques classiques. Elles
comprennent actuellement principalement l’homéopathie, l’ostéopathie,
l’acupuncture, la médecine traditionnelle chinoise (MTC) et l’hypnose.
Métaphore : procédé de pensée et de langage visant à désigner une chose
par une autre avec laquelle elle présente une ressemblance.
Naturaliste : concevant comme naturel(le)
P-T
Paradigme : manière de voir partagée par une communauté scientifique
et/ou philosophique.
Physiologie : science du fonctionnement du vivant.
Salutogène : qui favorise ou suscite une bonne santé.
Somnambulisme : forme de fonctionnement hypnotique pendant lequel la
personne parle, agit, et peut même se déplacer.
Rationnalisme : façon de penser plaçant la raison comme élément central.
Rationnalistes : tesnants du rationalisme.
Troubles fonctionnels : problèmes médicaux lors desquels aucune lésion
n’est constatable.
Bibliographie
Sur l’autohypnose
F Thierry, S’initier à l’autohypnose. Transe-portez-vous bien, SATAS, Bruxelles, 2018
S Alexander C., S Annellen M., Pathways to the Unconscious, Radiant Dophin
Store, San Diego, 2001.
R Teresa et A Jorge, Apprenons par l’autohypnose à cheminer dans la vie, SATAS,
Bruxelles, 2009
R Teresa, Réviser le passé pour construire l’avenir. Manuel d’autohypnose, SATAS,
Bruxelles, 2009.
S Francine-Hélène, L’autohypnose. L’art de s’influencer bénéfiquement, Bussière, Paris,
2013
P Bertrand, Changer d’altitude. Quelques solutions pour mieux vivre sa vie, Pocket,
Paris, 2016.
Et aussi
Des contes, des romans, de la poésie, des films de cinéma…
Revue Transes.
Carnet pratique
Adresses utiles
Formations à l’autohypnose
– Bordeaux : unité Soutien Douleur (Dr Myriam Cadenne) : www.chu-
bordeaux.fr
– Bourg en Bresse : service de Pédiatrie, Hôpital Fleyriat : www.ch-
bourg-en-bresse.fr
– Genève : Maternité des Hôpitaux Universitaires de Genève :
www.hug-ge.ch
– Liège : service d’Algologie du CHU, avec le Pr Maryliese
Faymonville et son équipe :
www.chu.ulg.ac.be/jcms/c_11116/algologie-centre-de-la-douleur
– Montréal : CHU Saint Justine : www.chusj.org
– Nantes : Centre Ipnosia (Dr Thierry Servillat) : www.ipnosia.fr
– Paris : Hôpital Foch : www.hopital-foch.com
– Paris : Hypnodyssey (Dr Jean Becchio) : www.hypnodyssey.com
Pour me contacter
Si vous souhaitez me faire part de votre avis ou de vos commentaires :
tservillat@gmail.com
Remerciements
Je remercie Marguerite-France Brun-Cottan pour l’aide éditoriale qu’elle
m’a apportée. Son professionnalisme m’a littéralement hypnotisé.
Dans la même collection
Page de Copyright
Introduction
L’approche éricksonienne
La suggestion
La transe
La nature de l’inconscient
Premiers approfondissements
5. Pratiquer l’hypnose
Exercices préparatoires
Entrer en autohypnose
Être en hypnose
Le domaine de la douleur
Performance et créativité
Conclusion
Solutions
Glossaire
Bibliographie
Carnet pratique