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La franc-maçonnerie :
documents fondateurs
CAHIER DIRIGÉ PAR FRÉDÉRICK TRISTAN
Cyril N. Batham
Jean-François Blondel
L’Herne
Georges Draffen of Newington
W. Mac Leod
Edmond Mazet
Gilles Pasquier
Edward Thompson
La franc-maçonnerie :
Jean-François Var
BIBLIOGRAPHIE
L’Herne
39 €
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ISBN : 978-2-85197-154-8
SODIS 723312.8
62
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L’Herne
La franc-maçonnerie :
documents
fondateurs
Sommaire
6 Frédérick Tristan
Préface
244 Bibliographie
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Préface
Frédérick Tristan
Cet ouvrage sur les origines opératives de la franc-maçonnerie répond à une longue attente. Aucun
recueil des documents fondamentaux n’a jamais été publié dans notre langue. Sans doute quelques-uns
des chercheurs français y ont-ils fait référence lors d’études générales sur le sujet, mais aucun n’a, à ce
jour, confié à l’édition française un ensemble caractéristique de ces textes assorti des commentaires
scientifiques appropriés.
Lorsqu’en 1980 j’eus l’honneur d’être nommé rédacteur en chef de la revue Villard de Honnecourt,
émanation de la loge nationale de recherches du même nom sous les auspices de la Grande Loge Nationale
Française, mon premier soin fut de rassembler une équipe de chercheurs afin de découvrir, éventuelle-
ment de traduire, puis de commenter et d’annoter la totalité significative des documents accessibles.
Deux directions de recherche s’imposaient : la première sur le continent où nous savions que de
nombreuses traces écrites des bâtisseurs médiévaux existaient, principalement sous forme de statuts ; la
seconde en Grande-Bretagne où, à partir du Moyen Âge, s’est instaurée peu à peu une tradition
particulière, originale qui, incontestablement, se trouve à l’origine des premiers textes de la franc-
maçonnerie spéculative proprement dite : celle qu’il est convenu de dater de l’année 1717.
La partie continentale nous fut facilitée grâce aux recherches personnelles de ce grand érudit et
infatigable découvreur qu’est le R.P. José Ferrer Benimeli, s.j., professeur à l’Université de Saragosse.
Nous lui devons le texte des statuts de Bologne et celui des statuts de Bruges. En revanche, si les statuts
de Ratisbonne sont mieux connus, ceux de Montpellier ont été exhumés par notre ami Jean-François
Blondel auquel nous devons aussi les différents documents relatifs à Chartres et, plus généralement,
aux opératifs français. Enfin, ce fut Jacques Thomas qui se chargea des travaux plus techniques tels que
ses études sur le Trait et la stéréotomie, sans oublier son irremplaçable article sur le Temple de Jérusalem,
emblème des maçons médiévaux. Tous ces articles furent publiés dans la revue Villard de Honnecourt
et seront sans doute recueillis quelque jour.
La partie britannique n’eut pas été possible sans les travaux préalables de ces admirables chercheurs
et commentateurs que sont les membres de la loge de recherches Quatuor Coronati de Londres, appar-
tenant à la Grande Loge Unie d’Angleterre. Ce sont eux qui, depuis 1884, à travers leur publication
Ars Quatuor Coronatorum et différents ouvrages spécifiques tels que Early masonic Pamphlets, Early
masonic catechisms, nous ont permis d’accéder aux textes originaux de langue anglaise 1. Leur amitié et
leur dévouement n’ont cessé de nous aider de leurs conseils et de leurs connaissances. Qu’ils en soient
remerciés ici, et plus particulièrement celui qui fut leur secrétaire compétent et omniprésent, notre ami
Cyril N. Batham.
Toutefois, afin de présenter ces inédits, il convenait de les assortir d’un appareil critique substantiel.
C’est ainsi que notre équipe, au fil des années, s’attacha à replacer les textes traduits dans leur contexte
et à les éclairer comparativement les uns par rapport aux autres, montrant ainsi la filiation de ces
documents entre eux. De même, afin que les influences professionnelles, sociales ou religieuses puissent
être mieux cernées, chaque texte fut analysé en tenant compte de l’ensemble des données historiques
et mythiques qui présidèrent à leur conception. Que mes amis et collaborateurs Edmond Mazet, Gilles
Pasquier et Jean-François Var trouvent ici l’expression de ma très vive reconnaissance.
Cela dit, quel est l’espace géographique et historique de notre étude ? La Grande-Bretagne médié-
vale et renaissante des bâtisseurs de cathédrales. À travers nos documents, on verra en filigrane comment
étaient organisés leur métier mais aussi leur existence tout entière, tant il est vrai que les tailleurs de
pierre, les maçons, les maîtres d’œuvre étaient soumis à une discipline librement consentie mais rigou-
reuse qui engageait pratiquement leur vie. Ces voyageurs audacieux et lucides sont, certes, au service
de l’Église qui est leur principal commanditaire, mais ils sont surtout partie intégrante de ce Temple
dont ils ressentent intérieurement et pragmatiquement la dynamique prégnance.
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Ceux d’entre eux qui, au moment des Croisades, étaient allés à Jérusalem avaient cru voir le
Temple. C’était la « mosquée d’Omar », en vérité le Dôme de la Roche, mais qu’importait à ces
esprits chargés de construire une habitation à l’invisible ? Le Temple de Salomon, pour eux, était
toujours debout. Chaque fois qu’une cathédrale se dresserait, ce serait le même temple qui se per-
pétuerait. Ils appartenaient à la même famille que les ouvriers de ce maître Hiram dont parle la Bible.
Et d’ailleurs, ne leur lisait-on pas cet évangile où Jésus dit que le Temple sera détruit mais qu’il le
relèvera en trois jours ?
La foi de ces bâtisseurs de sanctuaires est emplie de merveilleux, ce fameux merveilleux chrétien
puisé souvent dans les Apocryphes et qui parle si généreusement au peuple de miracles, faisant ainsi
descendre l’Éternel au niveau du quotidien. Mais s’en tenir là, comme on le fit naguère, serait oublier
que ces mêmes hommes étaient de durs travailleurs, expérimentés, emplis de patience et de connaissances
pratiques dont aujourd’hui nous n’avons qu’une faible idée. Il suffit d’étudier les plans de la cathédrale
de Strasbourg pour mesurer quelle science riche et précise était l’art du Trait. Il suffit de considérer la
masse formidable de pierres taillées et appareillées de Notre-Dame de Paris pour saisir l’organisation
puissante d’un tel chantier. Il suffit de lire les Anciens Devoirs que nous présentons ici pour comprendre
dans quelle profonde et savante aventure ces maîtres d’œuvre et leurs ouvriers se lançaient chaque fois
qu’ils dressaient une tour, plaçaient une ogive ou sculptaient un chapiteau 2.
Pour les maçons opératifs – et sous ce nom nous mêlons fraternellement les maçons, les tailleurs
de pierre, les couvreurs, les sculpteurs ou ymagiers, en bref tous ceux du métier de la pierre – pour
eux, l’outil est le moyen immédiat pour transformer la matière, et dans le même temps pour se trans-
former soi-même, et d’abord physiquement. Notre époque ne comprend plus très bien quel effort et
quelle précision exige le travail de la pierre lorsqu’il s’agit de l’attaquer à la main, avec pour tout
instrument le pic, le marteau têtu ou taillant, la polka ou la bretture, lorsque la percussion est donnée
sur un ciseau, une gradine, une chasse ou un poinçon par un maillet ou une massette, ou lorsqu’il faut
scier, forer ou riper à partir d’outils sans mécanisme. Mais quelle exactitude aussi, grâce à l’équerre, la
sauterelle, le biveau, le panneau, le compas, le fil à plomb, le niveau ! Tous instruments qui, de mémoire
de bâtisseur, ont toujours tenu leur place essentielle sur les chantiers, que ce soit dans la Chine archaïque,
les temples pharaoniques ou ceux de Babylone, à Cordoue ou à Byzance – et d’abord outils ! Ils seront
symboles sans qu’on le sache, et lorsqu’on le saura, le temps des opératifs sera passé.
Or, tandis que sur le continent les règlements des maçons, sans abandonner les confréries, privi-
légiaient les corporations et allaient ouvrir sur le Compagnonnage, en Grande-Bretagne un autre che-
minement se faisait jour. Sans doute les guildes y demeuraient-elles aussi nombreuses qu’en Allemagne
ou en France, mais à l’intérieur de leur organisation et comme un surgeon original apparaissaient dans
certains écrits des éléments mythiques et rituels à la fois liés au langage des bâtisseurs et aux deux
Testaments hébraïque et chrétien – écrits spécifiques qui, dans le même temps, n’apparaissent pas
identiquement sur le continent 3.
L’influence des clercs est ici incontestable. Toutefois, il ne s’agit pas ici d’une création mais bien
plutôt de l’adaptation d’un ensemble de données et d’usages à une mentalité nouvelle. L’art de bâtir
n’est pas spécifiquement chrétien, de même que la Bible n’est pas en soi liée à l’architecture. Les
témoignages des tailleurs de pierre et des maçons romains abondent sur les monuments civils et religieux
qu’ils ont laissés : les marques, par exemple. Quant à la représentation funéraire du maître maçon, elle
est quasiment identique en milieu romain comme on le constate sur la pierre tombale du musée
Rolin-d’Autun, et en milieu chrétien comme on le voit sur le tombeau du maître Libergier actuellement
en la cathédrale de Reims. Pour ces hommes que quatorze siècles séparent, les outils de leur métier
symbolisent leur fonction, certes, mais aussi les valeurs auxquelles tout bâtisseur est nécessairement lié :
la règle qui signifie la mesure et l’ordre, la truelle qui signifie la fraternité puisqu’elle permet de cimenter
les pierres entre elles. En bref, ce sont des notions universelles nées de la pratique quotidienne d’outils
indispensables. Le passage de l’utilisation au symbole n’avait besoin d’aucun autre mécanisme mental
pour s’inscrire dans cette universalité imaginale.
Que les clercs médiévaux aient souhaité christianiser le symbole ne fait aucun doute. Les très
remarquables représentations du Créateur, compas à la main, sont caractéristiques de cette volonté. Les
évangiles Eadwi du Kestner-Museum de Hanovre, par exemple, datent du XIe siècle. Dieu se fait archi-
tecte. Et donc, par récurrence, le maître d’œuvre devient la main de Dieu construisant, comme le fut
en son temps le roi Salomon pour l’édification du Temple de Jérusalem. On veut oublier que David
avait reçu l’ordre prophétique de n’en rien faire, parce que la Gloire de Dieu ne peut habiter dans une
demeure élevée par des hommes. Il faut construire les sanctuaires chrétiens et donc imiter Salomon en
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faisant ratifier sa décision par le Dieu architecte que l’on représente en frontispice des psautiers ou des
évangéliaires. Bible et architecture se sont ainsi retrouvées.
Il suffisait dès lors aux clercs d’adapter les divers éléments du Livre sacré relatifs à la construction
pour les intégrer dans un ensemble didactique soigneusement préparé. Or, ce ne fut pas seulement ce
qui advint en Grande-Bretagne. Une autre matière première existait qui, si elle fut effectivement chris-
tianisée, n’en demeura pas moins toujours sous-jacente durant le Moyen Âge pour resurgir dans le
courant du XVIIe siècle de façon très évidente. Mais de quoi s’agissait-il au juste ? Qu’était cette tradition
de bâtisseur et d’où venait-elle ?
Des éléments de réponse ne permettent pas d’affirmer ce qui ne peut être aujourd’hui scientifi-
quement prouvé. Cependant, l’analyse des textes ici présentés fait apparaître des traces mystagogiques
disséminées et comme dissimulées sous le discours principal. On pourra toujours objecter que le rituel
propre à la maîtrise n’apparaît que dans la fin du XVIIe siècle et, plus précisément, dans la première
moitié du XVIIIe siècle et que, d’ailleurs, le pasteur Anderson l’ignore dans ses premières Constitutions 4.
Mais on pourra répondre que le sacrifice rituel sur la pierre initiale de l’édifice est attesté dans les plus
anciennes civilisations d’Orient comme d’Occident, et que tout système mystagogique repose sur l’alter-
native mort-résurrection dont c’est justement le principe. Ainsi, renforcé plutôt que combattu par
l’image du Christ ressuscité, cet aspect proprement initiatique avait-il quelque chance de se propager,
demeurant la spécificité cachée mais intacte de l’art maçonnique – en Grande-Bretagne, en tout cas 5.
La légende du Prentice Pillar de Roslin Chapel à Lothian (Écosse) date de la construction de
l’édifice, soit du XVe siècle. Un apprenti tailleur de pierre aurait profité de l’absence de son maître pour
achever une colonne particulièrement ornée. À son retour, le maître jaloux aurait frappé l’apprenti de
son maillet, l’étendant raide mort. Sous l’anecdote, ne pourrait-on soupçonner les indices d’un rituel
destiné à l’élévation de l’apprenti ou du compagnon à l’état de maître ? L’apprenti ayant achevé son
chef-d’œuvre aurait reçu son « augmentation de salaire » par le maillet qui le frappe. Et que dire de ce
personnage renversé, comme à Saint-Gilles-du-Gard, le pied pris sous la base d’une colonne qu’il vient
vraisemblablement d’achever ? Ce ne sont encore là que fragiles suppositions.
Toutefois, une telle hypothèse serait demeurée dans l’état s’il ne s’était venue y ajouter une trou-
blante découverte, celle de Clement Ed. Stretton qui prétendit avoir rencontré des tailleurs de pierre
(stone masons) en 1867 qui pratiquaient des « rituels opératifs » réputés fort anciens. Stretton, ainsi que
deux autres Anglais, Thomas Carr et John Yarker, assurèrent que cette société de maçons était fort
antérieure à la fondation de la Grande Loge de Londres 6. Effectivement, il exista en 1594 une « Com-
pany Societee and Fellowshipp of Free Masons, Rough Masons, Wallers, Slayters, Paviors, Plaisterers
and Bricklayers » qui reçut une charte le 16 avril 1638 de l’évêque Morton. De même, nous connaissons
une Assemblée générale tenue à Wakefield en 1663, une division de ladite société en huit régions datant
de 1677. Bref, si nous ignorons quels étaient ses usages internes, l’existence de cette compagnie est
largement attestée 7.
Or il apparaît que le pasteur Anderson fut chapelain de loge en Écosse (1709) puis à Londres
dans la Loge opérative Saint-Paul fondée en 1675 pour la construction de la cathédrale du même nom.
Toutefois, si le chapelain d’une loge, comme d’ailleurs le médecin, y aurait été accepté pendant l’exercice
des deux premiers grades de la Société, il n’aurait pas eu accès aux grades supérieurs tels que la version
de Stretton les définit, grades qui auraient, en particulier, contenu le rite mystagogique de la mort de
l’architecte et de sa résurrection à travers l’impétrant. D’où l’ignorance d’Anderson, l’oubli de ce grade
dans ses premières constitutions, les querelles entre les Anciens et les Modernes, etc.
Cette version fut propagée par la revue Co-Mason, puis en France par René Guénon qui y attacha
un prix particulier puisqu’il estimait que seule la maçonnerie opérative d’avant 1717 avait conservé la
totalité de l’initiation médiévale 8. On ajoutera que cette Société de francs-maçons opératifs existe
toujours et se réclame de son passé. L’analyse de ses textes et de son rituel fait apparaître à l’évidence
une origine opérative qui, si elle fut constituée à une époque telle que le XVIIe siècle au plus tard, ne
put l’être que par des connaisseurs extrêmement subtils de la pratique architecturale médiévale ou
renaissante, doublés de parfaits érudits bibliques.
En fait, si cette hypothèse est tentante, elle n’a pas trouvé de preuves écrites la confirmant, mais
il est vrai que les rituels de ce type ont pu être transmis oralement et se sont vraisemblablement constitués
par ajouts et omissions de mémoire comme c’est la règle dans toute tradition orale. En effet, un moment
vient où les membres d’une telle société, par peur de perdre ou de dénaturer le texte, le fixent par écrit.
Un exemple plus récent nous en est donné dans l’histoire du Compagnonnage. Au XIXe siècle, l’oralité
des rituels étant défaillante, les compagnons chamoiseurs demandèrent à leurs anciens d’écrire les bribes
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dont ils se souvenaient, après quoi, en ajustant les éléments retrouvés, ils recomposèrent le rituel perdu
dont le texte nous est parvenu 9. Il se peut donc que les documents manquants le soient par l’usage de
l’oralité et, comme le disait Henry Corbin, « le manque de document prouve seulement le manque de
document et peut s’expliquer par la tradition orale ».
À cet égard, les déformations de noms propres ou de mots hébreux telles que nous les recensons
dans les plus anciens textes (Old Charges ou catéchismes) montrent que la transmission de bouche à
oreille s’est effectuée à quelque moment. Il ne s’agit pas, en effet, de fautes de copiste mais bien
d’interprétations phonétiques. Ce même phénomène est repérable dans la transmission orale des contes
de fée où, d’une région à l’autre, l’anguille devient une anille, puis une petite ânesse. Ainsi dans nos
textes trouvera-t-on un Peter Gower, fondateur de la Géométrie, qui n’est autre que Pythagore prononcé
à l’anglaise, transcrit phonétiquement, puis organisé sous forme de nom et prénom afin de lui retrouver
un semblant de sens. Il en va de même pour l’ensemble des « mots maçonniques » dont la plupart
proviennent de l’hébreu biblique et qui, à travers le temps, se sont trouvés déformés au point d’acquérir
une sorte d’existence propre, l’esprit humain ayant tendance à sacraliser et donc à fixer des abracadabras
sans trop chercher à en saisir la signification ni l’origine.
Prenons un exemple parmi des textes qui s’ignoraient les uns les autres et qui sont l’émanation
écrite de différents états oraux répartis dans le temps et l’espace 10. Le manuscrit Sloane 3329 (c. 1700)
donne comme mot des maîtres : Mahabyn. Le manuscrit Trinity College de Dublin (1711) écrit :
Matcpin. Dans The Whole Institution of Free Masons Opened de 1725, il est dit : « Magboe and Boe
signifies Marrow in the Bone. » En 1723, A Mason’s Examination choisit : Maughbin. Samuel Prichard
dans Masonry Dissectee (1730) donne : Machbenah (« wich signifies The Buider is smitten »). En France,
le mot s’écrit Mak-benak ou Macbenac L’Anti-Maçon de 1748 écrit : M.A.K.B.E.N.Ar.K’. Cependant
dans Three Disctinct Knocks de 1760, on se rapproche à nouveau du mot de 1700 avec Mahhabone et,
en regard, le texte imprimé comprend quatre lettres hébraïques qui se prétendent originelles, avec
l’explication : « This signifies rotten, or decayed almost to the Bone. »
Quelles sont les bases bibliques anglaises sur lesquelles le mot d’origine put être choisi ? 1 Chro-
niques, 12,13 (« Ieremiah the tenth, Macbannai the eleventh »). 1 Chroniques, 2,49 (« She bare also... and
Sheua the father of Machbennah »). Nombres 15,15 (« Of the tribe of Gad, Geuel the son of Machi »).
La Bible Barker de 1599 donne en notes les explications suivantes : « Macbannai or Macbauai :
a wretch, or my poor sonne, or the povertie of inderstanding » (1 Chroniques, 12,13), « Machbana
Machbenah : povertie, the smiting of hisonne, the povertie of understanding, or the smiting of the
builder » (1 Chroniques, 2,49). L’édition de 1605 imprime : « Machabani, Macbani, my poore sonne »
(1 Chroniques, 12,13), « Machi, poore, or a smiter » (Nombres, 15,15).
On voit par cet exemple que non seulement les déformations orales ont pu jouer mais aussi les
déformations écrites ultérieures en un temps où les traductions n’étaient guère rigoureuses et où l’ortho-
graphe n’était, de toute façon, pas fixée. Or, nous nous trouvons ici aux XVIIe et XVIIIe siècles. Que
pouvait-il en être au Moyen Âge ?
N’en demeure pas moins que les textes retrouvés et publiés ici montrent une rupture entre l’époque
médiévale (ms. Regius, c. 1390, ms. Cooke, c. 1400), et les temps modernes (ms. Grand Lodge, no 1,
1583). Près de deux siècles se sont écoulés pour lesquels nous n’avons retrouvé aucun document, si ce
n’est le manuscrit Dowland, c. 1550, qui est peut-être apocryphe. Cependant des traces évidentes d’un
manuscrit des Old Charges actuellement perdu ont permis de reconstituer ce texte qui serait antérieur
à 1400. Le professeur W. Mac Leod, grâce à un remarquable travail scientifique, a ainsi comblé une
lacune importante dans la généalogie des Old Charges, comme l’explique Edmond Mazet dans ce
cahier 11. Mais, en fait, la véritable rupture avec certains textes retrouvés du XVIIe siècle se situe à un
autre niveau. À partir du manuscrit Dumfries, no 4 datant de 1700 environ, apparaissent des révélations
sur le rituel maçonnique proprement dit.
Parmi d’autres éléments, ce manuscrit contient, en effet, deux catéchismes par questions et réponses
qui démontrent que des actions rituelles existaient à cette époque – et, en particulier, le rite mystago-
gique de la maîtrise puisqu’il y est écrit : « – Où repose le maître ? – Dans une auge de pierre, sous la
fenêtre de l’ouest, regardant vers l’est et attendant le lever du soleil pour mettre ses hommes à l’ouvrage. »
Cette « auge de pierre » rappelle, naturellement, le tombeau où « repose » le maître en attendant son
réveil. Et, certes, nous ne prétendons pas ici qu’il s’agisse du grade de maître tel qu’on l’entend
aujourd’hui. Nous pensons qu’il s’agit du maître de la loge (celui qui présidait la loge), lequel – si l’on
s’en tient aux révélations de Stretton – recevait effectivement ce type d’initiation afin de diriger les
travaux au niveau de la loge qu’on lui confiait.
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Lorsque le pasteur Anderson rédigea ses premières constitutions, celles de 1723, où il n’évoque
l’existence que de deux grades, ce fut un peu partout un beau tollé. En 1725, une Grande Loge d’York
pour toute l’Angleterre fut fondée en opposition à la Grande Loge de Londres. Elle eut peu d’activité
mais son témoignage est d’autant plus important que, dans le même temps, allait apparaître l’« Ancienne
et Honorable Fraternité des Maçons Francs et Acceptés, conformément aux Anciennes Constitutions
accordées par S.A.R. le Prince Edwin d’York, Anno Domini 926 ». Laurence Dermott, secrétaire de
cette Grande Loge dite des Anciens, écrivit ses propres constitutions en réponse à celles d’Anderson,
qu’il appela Ahiman Rezon, constitutions dans lesquelles il rappela l’ancienneté de la franc-maçonnerie
et de ses usages (charges and manners, obligations et coutumes) 12.
Or, que prétendait cette Grande Loge des Anciens ? Non seulement que le rituel de maîtrise
existait, mais encore un autre, celui de la Sainte Arche Royale de Jérusalem. Tant que la Grande Loge
des Modernes (celle pour laquelle Anderson avait écrit ses Constitutions) ne reconnut pas ces deux
éléments, aucune union ne s’avéra possible. Dès ses deuxièmes constitutions (1738) le pasteur intégra
la maîtrise, mais il fallut attendre la fin du XVIIe siècle pour que les Modernes tolèrent l’Arche Royale,
prélude à la réunion des deux Grandes Loges qui eut lieu seulement en 1813.
Quel est l’intérêt historique de cette âpre volonté des Anciens ? De montrer que dans le courant
du XVIIe siècle, en tout cas – et donc à l’époque des loges opératives – le rite de l’Arche Royale de
Jérusalem était pratiqué dont les éléments constitutifs évoquent certains grades de la maçonnerie opé-
ratives décrite par Clement Stretton. C’est le cas, en particulier, des trois maîtres qui dirigent une loge
opérative (le roi Salomon, Hiram roi de Tyr et Hiram Abi, « prince des architectes ») qui ouvrent les
travaux en assemblant trois baguettes de longueurs 5, 4 et 3 formant ainsi un triangle rectangle, et en
ajustant leur équerre de côtés 3 et 4 avec celle qui repose sur la Bible, décrivant ainsi soit un carré, soit
un rectangle, soit un svastika. Les trois maîtres se retrouvent dans l’Arche Royale, bien qu’avec des
titres différents. Quant à l’équerre de côtés 3 et 4, c’est celle que porte traditionnellement le président
d’une loge spéculative. Le svastika formé de quatre équerres a disparu mais son symbolisme demeure
vif au sein des loges actuelles. Il évoque à la fois la stabilité du Grand Architecte et la mobilité de
l’univers qui tourne autour de Lui.
Parmi les rites opératifs, il en est un qui nous permet de conclure en reprenant les premiers
moments de cet exposé préliminaire. Il s’agit de la Dédicace du Temple qui trouve son origine dans
1 Rois, 8,22 et 2 Chroniques, 6,2. Durant cette cérémonie, on pose la première pierre à l’angle nord-est
ainsi que la clef de voûte de l’Arche. C’est que, de tout temps, le Temple de Jérusalem est demeuré
l’emblème des francs-maçons. Une maçonnerie opérative de l’équerre existait, prolongée pour ceux
qui en étaient dignes d’une maçonnerie de l’Arche (ou de l’Arc de voûte). Le « squareman » devenait
alors « arch mason », passant de l’équerre au compas, du cube à la sphère, devenu capable, en par-
ticulier, de tailler des pierres curvilignes. Ce qui est explicité dans la légende maçonnique d’Hiram.
Les « squaremen » veulent s’emparer par la force des secrets des « arch masons » et tuent le maître
qui refuse l’intimidation. On notera d’ailleurs que dans la maçonnerie d’York encore pratiquée, le
grade de « mark mason » (maçon de la Marque) prélude à celui d’« arch mason », illustrant ainsi le
passage du carré au cercle.
Tant de cohérentes hypothèses assorties à tant de constats historiques laissent entendre ce que
devait effectivement être la franc-maçonnerie opérative britannique avant 1717. Peut-on en faire
remonter les pratiques jusqu’au Moyen Âge ? Rien ne nous y autorise, encore que le soupçon soit
grand. Ne trouve-t-on pas dans le Mistère du Viel Testament des éléments bibliques interprétés à la
façon des généalogies mythiques des Old Charges ? Or nous savons que ce long texte théâtral du
XVe siècle est un regroupement de mystères de création plus ancienne pouvant parfois remonter
jusqu’au XIe siècle. Nous savons aussi que certains de ces mystères furent traduits en anglais dans la
collection pageants connue sous le nom de Chester Plays 13. Il devient dès lors difficile de savoir qui
des Français ou des Anglais ont, les premiers, recueilli cette tradition mythique de la généalogie des
bâtisseurs ; mais d’ailleurs peu importe. Le fait essentiel est qu’en Grande-Bretagne s’est formé sur
un tronc préalable biblique et architectural un rameau typiquement initiatique (initiation de métier)
qui, par glissements successifs, aboutit à la maçonnerie spéculative – ou, ne vaudrait-il pas mieux
écrire : aux francs-maçonneries spéculatives ? Mais, comme aurait dit le frère Kipling : « Ceci est une
autre histoire. »
Pour tous ceux qui ont participé à cet ouvrage, chercheurs britanniques et français, tous unis dans
une même admiration pour les maçons opératifs de jadis, le but sera atteint si le lecteur comprend
mieux, à partir de ces documents retrouvés, l’importance du message qu’ils ont transmis jusqu’à nous.
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NOTES
1. Early masonic catechisms, transcribed and edited by D. Knoop, G.P. Jones and D. Hamer, Quatuor Coronati Lodge, no 2076,
Londres, 1975 ; Early masonic pamphlets, reprinted and edited by D. Knoop, G.P. Jones and D. Hamer, Quatuor Coronati
Correspondance Circle Ltd., Londres, 1978.
2. Nous empruntons la traduction « Anciens Devoirs » pour « Old Charges » à Robert Amadou dont on lira avec intérêt la
Tradition maçonnique, Paris, 1986.
3. Knoop and Jones, The Medieval Mason, 3e éd., Manchester, 1967.
4. James Anderson, The Constitutions of the Free Masons containing the history, charges, regulations, etc., of the most Ancient and
Right Worshipful Fraternity. For the use of the lodges, Londres, 5723 (1723) ; idem, reprint Burgess and Son, Abingdon, 1976.
5. La tradition des compagnons du Devoir en France et en Allemagne fait remonter la « réception » à une date immémoriale mais
aucun document n’atteste son existence au Moyen Âge, à moins de la rattacher à la légende des quatre fils Aymon.
6. Stretton Cl., Tectonic Art. Ancient Trade Guilds and Companies. Free Masons’Guild, Melton Mowbery Times Company Ltd.,
1909 ; Stretton Cl., Guild Masonry, « Why I became A Member of the Worshipful Society of Free Masons, Rough Masons, Wallers,
Slaters, Paviors, Plaisterers and Bricklayers », in Transactions of the Lodge of Research, no 2429, Leicester, p. 79-95, 1909-1910 ;
Girard-Augry P., Les Survivances opératives en Angleterre et en Écosse, in Villard de Honnecourt, no 3 nouvelle série, Paris, 1981.
7. Makey, Operative Fraternity of Masons, in Mackey’s Revised Encyclopedia of Free Masonry, vol. III, p. 1325-1326, Macoy, Rich-
mond, 1966.
8. Guénon René, Études sur la franc-maçonnerie et le compagnonnage, Paris, 1964.
9. Anonyme, Devoir des Compagnons Blanchers et Chamoiseurs Réunis, Paris, MDCCCXL, Archives de Paris, cote 4 AZ 1068 (3).
Gutenberg Reprint, 1980.
10. Sur ces questions, Roy A. Wells, Some Royal Arch Terms Examined, A. Lewis, Shepperton, 1978.
11. W. Mac Leod, A Lost Manuscript Reconstructed : the ancestor of one branch of the old charges, in Ars Quatuor Coronatorum, vol. 94,
Londres, 1981, p. 15-42.
12. Pour approfondir l’historique de ces faits, on se reportera avec intérêt à : Bernard Jones, Freemasons’Guide and Compendium,
Londres, 1950, rééd. 1977 ; Bernard Jones, Freemasons’Book of the Royal Arch, Londres, 1957, rééd. 1975 ; Var J.-F., Ahiman
Rezon et la Grande Loge des Anciens, in Villard de Honnecourt, no 15, Paris, 1987, p. 117-163.
13. Le Mistère du Viel Testament publié, avec introduction, notes et glossaire par le baron James de Rothschild, Paris, MDCCCLXX-
VIII.
REMERCIEMENTS
Aux membres éminents de la revue Ars Quatuor Coronatorum sans lesquels ce Cahier n’eût pas été réalisable.
Aux directeurs successifs de la revue Villard de Honnecourt aujourd’hui disparus : Louis-Auguste Derosière, Jean Mons et André Roux
qui nous honorèrent de leur confiance. Aux administrateurs et secrétaires de rédaction Yves Trestournel, Jean Wunen Burger,
Jean-Pierre Pilorge, Roger Mouret, Jean-François Blondel.
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Les manuscrits
Regius et Cooke
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Introduction
Edmond Mazet
Les deux textes publiés font partie d’une vaste famille comportant environ cent trente documents,
tous apparentés, connus sous le nom de Old Charges, que l’on peut traduire en français par Anciens
Devoirs. Nos deux textes, qui remontent au Moyen Âge, sont en fait les deux plus anciens de la famille.
Ils se rapportent à l’évidence à la Maçonnerie opérative, et c’est à travers la succession des autres qu’une
certaine continuité s’établit entre eux et la Maçonnerie « spéculative » qui, après une longue période de
transition au XVIIe siècle, se constitue dans sa forme actuelle à partir de 1717. Aussi, afin de permettre
au lecteur de bien situer la place de ces textes dans la tradition maçonnique et l’intérêt qu’ils présentent
pour le maçon d’aujourd’hui, convient-il de donner un aperçu d’ensemble de cette famille des Old
Charges, avant d’étudier les deux textes qui nous concernent plus particulièrement ici.
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En ce qui concerne leur origine géographique, ces textes sont essentiellement anglais ; en particulier
les plus anciens le sont tous. On n’en trouve en Écosse qu’à partir d’environ 1660, et ils y ont manifeste-
ment été importés d’Angleterre. En fait, ce qui remplaçait les Old Charges dans les loges d’Écosse, c’étaient
les Statuts Schaw de 1598 et 1599, textes d’un caractère nettement différent, plus strictement législatifs, et
revêtus de l’autorité royale puisqu’ils avaient été promulgués par le Maître Maçon du roi. Toutefois, les
Statuts Schaw eux-mêmes attestent qu’auparavant les loges d’Écosse étaient régies par des « ordonnances »
de caractère coutumier, qui faisaient notamment obligation aux maçons d’« être sincères les uns envers les
autres, et (de) vivre ensemble dans la charité, comme étant devenus par serment frères et compagnons de
métier ». Cela suggère que ces ordonnances pouvaient être des textes semblables aux Old Charges anglaises,
mais, si c’était bien le cas, aucun ne nous est parvenu pour nous en donner la certitude.
Les Old Charges ont avec les Constitutions d’Anderson, premier texte fondamental de la Maçon-
nerie spéculative, un rapport qu’il est bon de préciser. Les Constitutions d’Anderson se situent, ou
prétendent se situer, dans la tradition des Old Charges, tout en se proposant de les amender. Elles se
présentent comme une mise en ordre et une correction des matériaux traditionnels fournis par les Old
Charges. Le titre même des Constitutions proclame que l’ouvrage expose « l’histoire, les lois, les devoirs,
les ordonnances, les règlements et les usages de la Très Respectable Fraternité des Francs-Maçons
Acceptés, rassemblés à partir de leurs archives générales et de leurs fidèles traditions de nombreux âges ».
Naturellement, cette prétention n’est que très partiellement justifiée en ce qui concerne la partie légis-
lative, qui a été repensée pour tenir compte d’une donnée radicalement nouvelle : l’existence de la
Grande Loge. Elle l’est davantage en ce qui concerne la partie « historique » : il est manifeste, quand
on compare les textes, qu’Anderson a abondamment utilisé des manuscrits de Old Charges ; en parti-
culier, il a certainement utilisé le manuscrit Cooke, qui fut produit devant la Grande Loge par le Grand
Maître George Payne en 1721 : mais il a eu recours aussi à des textes plus récents.
La manière dont Anderson a utilisé ses sources est indiquée par Désaguliers dans la dédicace qu’il
écrivit au Grand Maître le duc de Montagu : « Je n’ai pas besoin de dire à Votre Grâce quelle peine a
prise notre savant auteur pour compiler et ordonner ce livre d’après les vieilles archives, et avec quelle
exactitude il a comparé et concilié toutes choses avec l’histoire et la chronologie, de façon à faire de
ces nouvelles constitutions un exposé fidèle et exact de la Maçonnerie depuis le commencement du
monde jusqu’à la maîtrise de Votre Grâce, conservant cependant tout ce qui était vraiment ancien et
authentique dans les anciennes. »
Les érudits du XVIIIe siècle qu’étaient Anderson, Désaguliers et Montagu ne pouvaient qu’être
choqués par les libertés que les rédacteurs médiévaux avaient prises avec l’histoire et la chronologie, et
qui s’étaient ensuite conservées. Mais cela ne veut pas dire qu’ils aient tenu l’histoire traditionnelle du
métier exposée dans les Old Charges pour purement légendaire, et qu’ils ne l’aient conservée que par
respect de la tradition. Au contraire, le ton de la dédicace de Désaguliers, et l’effort même accompli
par Anderson pour en corriger les défauts montrent que, globalement, ils la prenaient très au sérieux.
Maintenant, qu’étaient les Old Charges pour les maçons d’avant 1717 ? Aux maçons opératifs
d’abord elles enseignaient l’« histoire » du métier. Que cette histoire apparaisse à peu près entièrement
légendaire aux yeux de la critique moderne importe peu : ce qui compte, c’est qu’elle permettait à
chaque maçon opératif de se situer dans la succession de tous les maçons qui avaient vécu et travaillé
depuis les temps les plus reculés, tout en replaçant cette succession dans le cadre général de l’histoire
du monde telle qu’on la concevait alors. Par là, elle donnait aux maçons une haute idée de l’antiquité
et de la respectabilité du Métier, et un sentiment profond des liens qui les unissaient en les attachant,
tous et chacun, à ce Métier ainsi magnifié. D’autre part, les Old Charges énonçaient des règles qui,
pour ces mêmes maçons opératifs, avant de devenir des symboles d’un perfectionnement moral et
spirituel, étaient immédiatement applicables dans leur teneur la plus littérale. L’aspect historique et
l’aspect normatif étaient d’ailleurs intimement liés, puisque les règles étaient présentées comme ayant
été données au Métier par des rois ou de grands personnages de l’Antiquité, puis confirmées, adaptées
ou augmentées sous l’autorité de souverains plus récents mais guère moins prestigieux. En somme, pour
une loge regroupant les maçons d’un chantier, ou d’une ville, un manuscrit de Old Charges était une
sorte de code professionnel, précédé d’une introduction historique qui en expliquait l’origine et en
rehaussait l’autorité.
Ce caractère était bien mis en évidence lors des réceptions, dans lesquelles le livre des Old Charges
jouait un rôle important : avant que le récipiendaire prête son serment, dont une des principales clauses
était précisément d’observer les règles du Métier, l’un des anciens lui en donnait lecture solennellement.
C’est ce que l’on voit fort bien, par exemple, dans le manuscrit « Grand Lodge no 1 » de 1583. À propos
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de l’assemblée tenue à York sous le roi Athelstan, dont nous reparlerons, le texte nous dit que le fils du
roi « fit un livre sur la manière dont le Métier fut fondé. Et il ordonna et commanda en personne que ce
livre serait lu ou récité chaque fois qu’on ferait un maçon, et que c’est d’après ce livre qu’on lui ferait prêter
son obligation ». Et, dans ce même manuscrit, la lecture des devoirs se termine par ces mots :
Tous ces devoirs que nous venons de vous énumérer, et tous les autres devoirs qui appartiennent aux maçons,
vous les garderez ; ainsi que Dieu et le souci de votre salut éternel vous soient en aide par ce livre qui est mis
entre vos mains 2. Amen, ainsi soit-il.
Plusieurs manuscrits de la seconde moitié du XVIIe siècle attestent que l’usage de lire les Old Charges
au récipiendaire était bien vivant à cette époque. Il existait alors en Angleterre une Maçonnerie que
l’on pourrait déjà qualifier de spéculative 3, bien que conservant encore certains liens avec le Métier.
Cette Maçonnerie de transition est malheureusement très mal connue. Néanmoins divers indices per-
mettent d’affirmer que les Old Charges y étaient toujours à l’honneur, et qu’elles continuaient à servir
de garant de l’antiquité et de l’honorabilité de la société. C’est de cette Maçonnerie de transition que
parle le Dr Plot dans son Histoire naturelle du Staffordshire (1686), où il note que la coutume « de se
faire recevoir dans la société des Francs-Maçons » est « particulièrement suivie dans le comté », et qu’il
« trouve ici des personnes du plus haut rang qui ne dédaignent pas d’être de cette compagnie ». Selon
Plot, les Francs-Maçons s’enorgueillissent de ce que leur société est « antique et honorable », et ils
prétendent en trouver la preuve dans « un grand rouleau de parchemin qu’ils ont, et qui contient
l’histoire et les règlements du Métier de Maçonnerie ». Plot donne ensuite un résumé du contenu de
ce rouleau, qui montre sans aucun doute possible qu’il s’agit bien d’un manuscrit de Old Charges. Il
est en général impossible de dire si tel manuscrit provient d’une loge opérative, ou d’une loge déjà
spéculative, ou d’une loge de composition intermédiaire. On peut noter toutefois qu’un manuscrit, le
Harleian 2054, daté d’environ 1650, a été rédigé de la main de Randle Holme, un érudit généalogiste
et héraldiste de Chester qui, dans son Académie du Blason (1688) fait état incidemment de son appar-
tenance à la Société des Francs-Maçons. Un autre manuscrit, le Sloane 3848, achevé de copier le
16 octobre 1646, paraît bien l’avoir été en vue de la réception d’Élias Ashmole, qui eut lieu ce jour-là
à Warrington (Lancashire) dans une loge entièrement spéculative. Ce dernier indice tend à prouver
que dans ces loges-là aussi l’usage de lire les Old Charges au récipiendaire était en vigueur 4.
On voit donc que les Old Charges se retrouvent aux différentes étapes que l’on peut repérer dans
le processus qui conduisit de la Maçonnerie opérative à la Maçonnerie spéculative. Elles constituent
donc, sinon un fil continu, du moins une suite de jalons qui nous relient à travers le temps, à travers
toutes les transformations et transplantations que l’institution a pu subir, à nos prédécesseurs les maçons
opératifs du Moyen Âge.
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Quant au Cooke, il est visiblement formé de deux textes recopiés bout à bout, sans que le copiste
ait fait le moindre effort pour les lier. Nous les appellerons Cooke I (lignes 643 à 960 et dernière) et
Cooke II (lignes 1 à 642). Ces deux parties sont très différentes, et ne sont certainement pas du même
auteur.
Le Cooke I est très proche des Old Charges du Regius, mais il est en prose au lieu d’être en vers ;
il est également moins étendu et moins bien ordonné. Il se subdivise comme suit :
1) Le récit historique (lignes 643 à 702), qui comprend lui-même :
a) le récit d’Euclide (lignes 643 à 691) ;
b) l’introduction de la Maçonnerie en Angleterre au temps d’Athelstan et la fixation des
Devoirs (lignes 691 à 702).
2) Les Devoirs (lignes 702 à 960 et dernière), qui comprennent :
a) neuf articles (lignes 727 à 826), correspondant à une partie des articles du Regius ;
b) neuf points (lignes 831 à 901), correspondant également à une partie des points du Regius ;
c) enfin ces articles et ces points sont précédés (lignes 702 à 727), séparés (lignes 827 à 830)
et suivis (lignes 901 à 960 et dernière) par des prescriptions relatives aux assemblées.
Il est clair que le Cooke I et les Old Charges du Regius constituent deux recensions d’une même
tradition. Il est même fort possible que l’un et l’autre remontent à une même source écrite (l’existence
d’une source écrite est évoquée au second vers du Regius), mais alors ils traitent cette source de manières
très différentes : le Regius lui a fait subir une élaboration assez poussée, tandis que le Cooke I semble
nous la présenter sous une forme quelque peu corrompue. On peut soupçonner que le Cooke I a été
rédigé de mémoire : c’est ce que suggère (outre le désordre de la composition) la corruption du nom
d’Euclide, écrit ici Euglet, qui semble supposer une médiation orale : Euclid j prononcé Iouclid j
prononciation déformée Iouglit j transcription Euglet.
Le Cooke II, quant à lui, est composé – pour s’en tenir aux grandes lignes :
a) d’une invocation à Dieu, créateur de toutes les choses utiles à l’homme, en particulier de la
géométrie (lignes 1 à 35) ;
b) d’un exposé des sept arts libéraux (lignes 36 à 76) ;
c) d’un éloge plus particulier de la géométrie, dont la maçonnerie « forme la majeure partie »
(lignes 77 à 158) ;
d) enfin, d’une vaste histoire de la géométrie ou maçonnerie depuis les origines du monde
(lignes 159 à 642). Cette composition annexe le récit d’Euclide (lignes 418 à 538) et la tradition
concernant Athelstan (lignes 611 à 641), mais elle incorpore aussi de nombreuses données bibliques et
patristiques, ainsi que diverses traditions opératives et cléricales. À cette occasion l’auteur, qui ne peut
être qu’un clerc, étale complaisamment, et non sans pédantisme, une érudition monastique qu’il ne
maîtrise d’ailleurs pas aussi bien qu’il voudrait le faire croire.
Nous pouvons, en définitive, résumer la structure de nos deux textes de la manière suivante :
1) Un noyau commun, qui consiste en un texte de Old Charges particulièrement simple, la partie
historique y étant réduite au récit d’Euclide et au rôle attribué à Athelstan.
Ce noyau est certainement l’élément le plus ancien de nos manuscrits.
2) Des compositions adventices, plus récentes, à savoir l’appendice du Regius et le Cooke II ; le premier
étant conçu dans un esprit de moralisation et d’édification, tandis que le second élargit à l’échelle de
l’histoire universelle les éléments d’histoire du métier fournis par le noyau commun.
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Les manuscrits post-médiévaux de Old Charges ont retenu le schéma histoire/devoirs du noyau
commun ; mais ils ont adopté dans leur partie historique les amplifications du Cooke II. L’appendice
du Regius n’a pas eu un pareil succès : autant que nous sachions, il est resté sans postérité.
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rédacteur de notre Regius a fait preuve d’un peu plus d’originalité : il a pris la peine de mettre en vers
une source qui devait être en prose, et peut-être de la développer un peu en ajoutant quelques articles
et points, mais surtout il y a ajouté une composition de son cru, non sans faire de larges emprunts à
d’autres ouvrages.
Ce rédacteur du Regius était de toute évidence un clerc, comme le montrent l’utilisation du latin
pour les titres, et la complaisance avec laquelle il souligne la qualité de clerc qu’il attribue à Euclide.
Surtout, la composition qu’il a ajoutée aux Old Charges proprement dites porte partout la marque du
clerc : dans la référence au « livre de la légende des saints » (vers 529-530), dans les emprunts à une
littérature qui est typiquement une littérature de clercs, enfin dans le ton d’édification qui fait de
l’appendice du Regius un véritable sermon que l’on croirait entendre prononcer en chaire. Du reste, il
fait lui-même implicitement état de sa qualité de clerc au vers 629.
Autre clerc, de façon non moins évidente, l’auteur du Cooke II. Lui aussi utilise volontiers le latin.
Et, même s’il se fie un peu trop à une mémoire souvent imprécise et si, par conséquent, ses citations
tombent souvent à faux, seul un clerc imbu de la culture monastique et universitaire du temps pouvait
accumuler tant de références à la Bible, à des Pères de l’Église comme Méthode d’Olympe, Isidore de
Séville, Bède le Vénérable, et à des auteurs médiévaux comme Honorius d’Autun, Pierre Comestor ou
Ralph Higden.
Le rédacteur du Cooke I peut avoir été un laïc : le fait qu’il estropie le nom d’Euclide semble
indiquer qu’il ignorait le latin. Peut-être était-il, lui, un maçon de métier. Quant au copiste qui a réuni
les deux textes, à en juger par la régularité de la graphie il devait appartenir au scriptorium de quelque
établissement ecclésiastique. D’autre part, le contenu même de ce que nous avons appelé le noyau
commun était, en partie au moins, d’origine cléricale, notamment en ce qui concerne le récit d’Euclide.
Le problème de l’origine des Old Charges nous amène ainsi à nous pencher sur les relations entre
maçons et clercs. Ces relations étaient évidemment d’abord des relations d’employés à employeurs, et
comme telles elles ont été souvent décrites. Les chantiers ecclésiastiques étaient les lieux où elles se
nouaient. Elles reposaient sur deux personnages clés : du côté des clercs, le sacriste, ou encore un
personnage appelé magister operum ou custos fabricœ, investi par le chapitre de la responsabilité financière
du chantier : il devait collecter les fonds destinés aux travaux de construction et d’entretien, et contrôler
l’emploi qui en était fait ; du côté des maçons, le maître maçon (magister latomus), avait la direction
technique du chantier et la responsabilité de la gestion quotidienne, sous le contrôle du sacriste, des
fonds et du personnel. Le maître maçon est souvent mentionné dans nos textes, plus particulièrement
dans les articles, qui lui sont spécialement destinés ; et ces articles font bien apparaître la nature et
l’étendue de ses responsabilités.
Les premiers documents que des clercs aient écrits pour des maçons sont sans doute de simples
règlements intérieurs de chantier. Un exemple d’un tel règlement est fourni par les Ordonnances de la
cathédrale d’York de 1370, dont nous publions une traduction dans ce volume. Avec ces ordonnances
nous sommes encore fort loin des Old Charges, puisqu’il s’agit seulement de fixer les horaires de travail
et de repos et les conditions d’embauché, applicables sur ce seul chantier, non de fixer des règles pour
le métier dans son ensemble ; encore moins de recueillir les traditions dudit métier, ni de délivrer un
enseignement moral, religieux, ou historique. Sous un seul aspect, assez étroit, les Old Charges se situent
dans le prolongement direct des ordonnances de chantier : le souci, vivement affirmé dans plusieurs
articles, de préserver les intérêts de l’employeur.
Cependant, vu d’une part le rôle évident joué par des clercs dans la genèse des Old Charges, vu
d’autre part le fait que celles-ci n’émanent ni des ordinaires ecclésiastiques, ni d’aucune autre autorité
constituée, on ne voit pas dans quel cadre concevoir cette genèse, sinon dans celui des relations quo-
tidiennes entre maçons et clercs sur les chantiers ecclésiastiques. Le processus détaillé nous échappe car
il s’est situé principalement à un niveau de ces relations qui avait peu de chances de laisser des traces
dans les archives. Nos deux manuscrits ne sont que des vestiges du résultat final. Tout ce que l’on peut
faire, c’est essayer de recenser les facteurs qui ont pu intervenir.
De ce point de vue, il est facile de repérer des facteurs qui peuvent rendre compte des aspects
moraux des Old Charges, ainsi que des récits historiques.
Tout d’abord, les clercs ne pouvaient pas, en principe, être indifférents au salut éternel de ces
hommes qui travaillaient pour eux 7. C’étaient, ne nous le dissimulons pas – nos textes en témoignent –,
des hommes de mœurs assez rudes, pour ne pas dire violentes ; au surplus, menant une vie en partie
itinérante, ils ne manquaient pas d’occasions de tomber dans la débauche. On conçoit que, sur certains
chantiers au moins, les clercs aient pris à cœur de les moraliser ; et on peut imaginer – bien entendu,
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tout cela reste hypothétique – que tel membre du chapitre ait été chargé de jouer auprès d’eux, en
quelque sorte, le rôle d’aumônier. Certains des points de nos textes ont un caractère beaucoup plus
moral que professionnel, leur but est d’amender les mœurs des maçons : chercher l’apaisement des
querelles, ne pas coucher avec la femme de son maître ou de son compagnon, corriger avec douceur
et modération les erreurs d’autrui. Pourquoi ces points, pourquoi surtout l’appendice du Regius, ne
seraient-ils pas l’œuvre d’un tel aumônier des maçons ?
D’autre part, certains chapitres se préoccupaient de donner à leurs maçons les moyens de travailler
avec le maximum d’efficacité. C’est ainsi que vers 1360 le chapitre de la cathédrale d’York fit installer
pour ses maçons une belle chambre de trait pourvue d’un sol de gypse sur lequel on peut encore voir
des tracés datant de la fin du Moyen Âge 8. Dans un ordre d’idées voisin, les clercs semblent s’être
également préoccupés d’améliorer la formation professionnelle des maçons. L’article 11 du Regius les
encourage à étudier pour se perfectionner. La géométrie jouait nécessairement un rôle important dans
cette formation, et c’est dans cette perspective qu’il faut comprendre l’insistance de nos textes sur la
valeur éminente de cette science, ainsi que la place qu’ils accordent au personnage d’Euclide. Les clercs
avaient redécouvert Euclide au début du XIIe siècle : Adelhart de Bath, Gérard de Crémone, en avaient
publié des traductions latines d’après les versions arabes ; et, selon une source que je n’ai pas pu
contrôler, une traduction en langue vulgaire en aurait même été faite. Le récit d’Euclide de nos textes
se conçoit alors fort bien comme une introduction historique, rédigée par les clercs, à cet enseignement
renouvelé de la géométrie.
Enfin, un troisième facteur qui a dû jouer un rôle déterminant dans la genèse des Old Charges
réside dans les relations qui s’établissaient entre les clercs et les maçons – plus précisément en l’occur-
rence les tailleurs de pierre – à propos de la décoration sculptée des églises. Comme l’a montré Émile
Mâle 9, la définition du programme iconographique des églises était le fait des clercs, et ceux-ci donnaient
aux tailleurs de pierre des instructions souvent très précises en vue de son exécution. Or, ce programme
était conçu à partir de la Bible vue à travers les commentaires des Pères de l’Église et des auteurs
ecclésiastiques médiévaux : il avait donc exactement les mêmes sources que la partie biblique et para-
biblique de l’histoire du métier que nous présente le Cooke II. Du reste les maçons, s’ils ne lisaient ni
la Bible ni ses commentaires, n’étaient pas pour autant étrangers à toute culture biblique. Car à la
culture biblique savante, privilège des clercs, répondait une culture biblique populaire, qui prenait sa
source précisément dans l’iconographie des églises et dans les sermons des prêtres auxquels celle-ci
servait d’illustration. Cette culture biblique populaire vivait dans tout un folklore qui nous échappe en
grande partie, mais dont un aspect au moins se révèle à nous dans les « mystères » que les corps de
métiers jouaient à certaines fêtes, spécialement à la Fête-Dieu 10. Les maçons, comme participants à la
réalisation de l’iconographie des églises, étaient à la charnière de ces deux versions de la culture biblique
médiévale. Anxieux, ou simplement curieux, de situer leur métier dans l’histoire du monde, ils étaient
mieux à même que le reste du peuple d’échanger là-dessus des réflexions avec le clergé, de lui poser des
questions. Notre Cooke II est la réponse d’un clerc à ces questions, et son succès donne la mesure de
l’attente qu’il venait combler.
Faute de pouvoir retracer de façon sûre le processus de la genèse des Old Charges, les considérations
qui précèdent permettent de rendre raisonnablement compte de plusieurs des principaux aspects de ces
documents. Mais elles laissent subsister une question beaucoup plus délicate : celle de l’origine des
parties de nos textes qui ont un caractère de réglementation proprement professionnelle.
Avant d’entrer dans la discussion de cette question, il convient de se demander ce qui existait à
l’époque où nos textes ont été rédigés, en fait de règlements du métier. Or, en dehors des simples
règlements de chantier tels que les ordonnances de la cathédrale d’York, nous trouvons un seul docu-
ment ayant le caractère demandé ; l’origine en est connue et le statut juridique en est clairement défini.
Il s’agit des Règlements du métier des maçons, arrêtés par la municipalité de Londres en 1356. C’est un
document très différent des Old Charges : il consiste simplement en une liste de huit articles de caractère
strictement professionnel, précédée d’un exposé des circonstances dans lesquelles ces articles ont été
adoptés, le tout dans la forme ordinaire des comptes rendus de délibérations municipales. Ce texte
nous fournira des points de comparaison utiles. Pour l’heure notons seulement ceci : il nous apprend
que jusque-là « leur métier n’a pas été réglementé en bonne et due forme, sous le gouvernement de
gens de leur métier, comme les autres métiers le sont ». Il faut entendre par là qu’il n’existait pas de
guilde des maçons à Londres (ni, autant qu’on sache, ailleurs) ; et par voie de conséquence pas de
règlements du métier au niveau municipal. C’est en effet dans le cadre des guildes urbaines qu’étaient
élaborés les règlements de presque tous les métiers ; les guides devaient ensuite faire approuver ces
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règlements par les autorités municipales. Celles de Londres, dans le cas présent, remédient à la situation
par une mesure exceptionnelle : elles font élaborer un règlement par une commission de douze maçons
« parmi les plus habiles de leur métier », et elles approuvent ce règlement, qui aura désormais force de
loi dans la cité.
Cela fait apparaître une particularité importante du métier de maçon dans l’Angleterre médiévale :
son inorganisation au niveau municipal, se traduisant par l’inexistence de guildes, donc par l’inexistence
de règlements à ce niveau. Knoop et Jones ont constaté que ni à York ni à Norwich, Leicester, Bristol,
Coventry, Nottingham, on ne trouve de règlements du métier de maçon 11. C’est donc là un trait
général. L’apparition de la Compagnie des Maçons de Londres entre 1356 et 1376 n’y changera pas
grand-chose : les guildes de maçons resteront toujours très rares.
Cette particularité tient sans doute au fait que le cadre naturel dans lequel s’inscrit le travail du
maçon n’est pas la ville, mais le chantier. Alors que la plupart des artisans travaillent pour de nombreux
clients répartis dans la ville, le maçon est attaché pour une période plus ou moins longue à un seul
ouvrage, pour un seul employeur. D’ailleurs, à une époque où les maisons de pierre et de brique sont
fort rares, la plupart des habitants de la ville n’ont nul besoin des services du maçon (sauf collectivement
lorsqu’il travaille pour la municipalité). Ses principaux employeurs sont le roi, l’Église, la noblesse
(l’employeur est appelé « le seigneur » dans nos textes), et les chantiers sont aussi souvent à la campagne
qu’à la ville. Ainsi, même si le maçon est peut-être moins itinérant qu’on ne l’a dit, ses liens avec la
ville sont structurellement moins forts que pour les autres travailleurs.
Mais si le métier de maçon n’a ni organisation ni règlements au niveau municipal, s’ensuit-il qu’il
n’a aucune organisation ni aucun règlement d’aucune sorte ? Non, évidemment, selon nos textes, puisque
ceux-ci prétendent n’être pas autre chose que les règlements du métier. Règlements, au demeurant, d’une
vénérable antiquité et d’une prestigieuse origine. Et, toujours à en croire nos textes, le métier a aussi une
organisation, dont ils nous donnent une description étonnante. Les maçons tiennent, tous les ans ou tous
les trois ans selon les lieux, une grande assemblée. Les maîtres et les compagnons sont tenus d’y assister.
L’assemblée se tient apparemment à l’échelle du comté, puisque le shérif est censé y être présent. Il est
évidemment là pour représenter le roi, mais la présence de représentants des autres catégories
d’employeurs est également prévue : des seigneurs (dans lesquels il faut comprendre des seigneurs ecclé-
siastiques aussi bien que des seigneurs laïcs), le maire de la ville où se tient l’assemblée, et d’autres
bourgeois (comme représentants des municipalités). Ces assemblées ont des attributions judiciaires : on
doit y déférer ceux qui ont contrevenu aux règlements du métier, pour être punis selon leur faute ou, au
besoin, être remis à la justice du roi. Le douzième point du Regius leur attribue de plus un pouvoir
réglementaire, puisqu’elles peuvent, selon lui, prendre des ordonnances. Du reste, ces assemblées com-
mémorent celle au cours de laquelle, au temps du roi Athelstan, les maçons reçurent leurs devoirs.
Quelle part de vérité historique y a-t-il dans ces affirmations ?
Il est peu vraisemblable que les clers aient créé ex nihilo une réglementation de métier aussi détaillée
que celle qui figure dans nos textes. Il paraît plus raisonnable d’admettre qu’il existait avant leur
intervention, en dehors de tout cadre officiel, une réglementation coutumière du métier, que les maçons
se transmettaient de génération en génération, de façon sans doute purement orale, et que les clercs
ont entrepris de coucher par écrit, non sans les retravailler en fonction de leur point de vue d’employeurs.
Mais il faut avouer qu’il n’y a pas beaucoup d’indices positifs de l’existence de cette coutume orale.
On peut toutefois, semble-t-il, en trouver un dans les règlements londoniens déjà cités, où il est dit
que les douze maçons réunis en commission par la municipalité l’ont été « pour informer le maire, les
échevins et les shérifs à propos des actes et articles concernant leur dit métier ». Cela paraît vouloir dire
que ces maçons sont consultés en tant qu’experts sur la coutume du métier, et que cette coutume est
censée servir de fondement aux règlements qu’on leur demande de proposer.
Hors d’Angleterre, nous trouvons un autre indice, plus net, de l’existence d’une coutume orale
chez les tailleurs de pierre et les mortelliers parisiens au XIIIe siècle : dans le Livre des métiers écrit par
Étienne Boileau, prévôt de Paris sous Saint Louis, on lit dans les statuts des maçons, des tailleurs de
pierre, des plâtriers et des mortelliers, à l’article 22 : « Les mortelliers sont quittes du guet, et tout
tailleur de pierre, depuis le temps de Charles Martel, ainsi que les prud’hommes l’ont ouï dire de père
en fils. » On observera toutefois ici que la coutume porte sur un privilège du métier, plutôt que sur
des règlements à proprement parler. Il n’en est pas moins intéressant de noter que les mortelliers et
tailleurs de pierre parisiens faisaient remonter ce privilège à une origine ancienne et prestigieuse. Cela
donne à penser que le rôle attribué au roi Athelstan dans nos textes est un élément authentique de la
tradition opérative.
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Quelle que soit l’ancienneté de la coutume opérative orale qui est à l’origine des parties régle-
mentaires du Regius et du Cooke, il est cependant certain que les articles et les points que nous y
lisons portent la marque d’un remaniement important des données de la coutume à une date d’assez
peu antérieure à la rédaction finale de nos manuscrits. Knoop et al. ont relevé avec justesse que les
dispositions de l’article 1er du Regius et du Cooke relatives aux salaires en relation avec le coût de la
vie sont à rapporter à la période d’inflation aiguë qui suivit la grande peste de 1348 : c’est à cette
époque que des dispositions semblables apparaissent dans les règlements des guildes 12. Les mêmes
auteurs placent également dans la deuxième moitié du XIVe siècle les dispositions relatives à l’appren-
tissage, celui-ci ne s’étant développé dans la maçonnerie qu’à cette époque.
Nous avons d’autre part signalé que nos textes insistent assez lourdement sur la sauvegarde des
intérêts du « seigneur », c’est-à-dire de l’employeur. Quelque conscience professionnelle que l’on veuille
attribuer aux maçons médiévaux, il est peu probable que cette insistance soit leur fait ; elle se comprend
beaucoup mieux de la part des clercs. On retrouve le même souci dans les règlements londoniens de
1356 : là, c’est la municipalité qui fait valoir le point de vue de l’employeur. Mais ce souci pouvait
rejoindre les préoccupations des maîtres maçons, responsables de chantiers et désireux d’y faire régner
l’ordre et la discipline. Certaines dispositions de nos textes, qui affirment l’autorité du maître, ou lui
donnent de la souplesse dans l’administration du chantier, peuvent exprimer le point de vue des maîtres
autant que celui des clercs : ainsi l’article 8, qui permet à un maître de renvoyer un moins bon ouvrier
pour le remplacer par un meilleur, ou le point 5, qui fait obligation au maçon – c’est-à-dire ici au
compagnon – de recevoir avec soumission la paye que lui donne le maître. Bien mieux, l’article 10 du
Regius/ 9 du Cooke, qui interdit à tout maître de chercher à en supplanter un autre à la tête du
chantier, est plus évidemment conforme aux intérêts des maîtres qu’à ceux des employeurs qui, certes,
pouvaient craindre les désordres résultant de rivalités entre les maîtres, mais pouvaient aussi espérer
tirer parti de leur concurrence.
La mise au point des parties réglementaires de nos textes n’a donc sans doute pas été le fait des
seuls clercs. Elle a plutôt été le résultat d’une collaboration entre clercs et maîtres maçons, tout comme
les règlements londoniens de 1356 ont été le résultat d’une collaboration entre officiers municipaux et
maîtres maçons. Dans l’un et l’autre cas, l’opération s’est faite avec pour arrière-plan une réglementation
coutumière du métier, qu’il est d’ailleurs bien difficile de reconstituer. Les rédacteurs ne s’en sont pas
tenus à cette coutume ; ils n’ont pas craint d’innover en prenant des dispositions adaptées à la situation
économique de leur temps – quittes, dans le cas de nos Old Charges, à légitimer leurs innovations en
les plaçant sous le patronage traditionnel d’Euclide et d’Athelstan.
Qu’en est-il, d’autre part, de l’organisation du métier que décrivent nos textes ? Autrement dit,
qu’en est-il de ces assemblées régionales chargées de veiller au respect des règlements du métier et de
punir les contrevenants ?
Il faut avouer que si de telles assemblées se sont tenues, elles n’ont laissé aucune trace. Cela peut
vouloir dire qu’il n’en était pas dressé procès-verbal, ce qui n’aurait rien d’étonnant : c’était le cas, selon
toute apparence, des loges anglaises du XIIe siècle. L’abondance des manuscrits de Old Charges datant
de cette époque atteste que les loges étaient nombreuses ; pourtant on n’a jamais découvert le moindre
procès-verbal de tenue.
Pour l’Écosse, les Statuts Schaw attestent que des assemblées régionales avaient lieu au XVIe siècle
pour le moins. Dans les statuts de 1598 tout d’abord, nous lisons :
Item, que toutes les personnes appartenant au métier de maçon se réunissent en un temps et en un lieu dont
elles aient été dûment averties, sous peine d’une amende de dix livres.
Item, que tous les maîtres qui auront été convoqués à une assemblée ou réunion prêtent le serment solennel de
ne cacher ni dissimuler aucune faute ni aucun manquement qu’ils auront pu commettre les uns envers les autres,
non plus qu’aucune faute ou manquement qu’un homme aura pu commettre, à leur connaissance, envers les
propriétaires des ouvrages dont ils ont eu la charge.
Ces assemblées ont bien le même caractère judiciaire que celles que prévoient nos textes.
Dans les statuts de 1598, il s’agit d’une disposition pour l’avenir. Si nous lisons maintenant les
statuts de 1599, qui ont pour objet de préciser les privilèges de la loge de Kilwining, nous voyons que
celle-ci avait juridiction sur une région correspondant à peu près à l’actuelle province d’Ayrshire, « avec
pouvoir pour le surveillant et le diacre de Kilwining de convoquer en assemblée les autres surveillants
et diacres de la région délimitée ci-dessus, chaque fois qu’ils en auront besoin pour quelque affaire
importante ». Or, ce pouvoir de convocation est présenté comme l’une des « vieilles et antiques
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franchises » que la loge possédait « par l’usage et la coutume ». Les loges d’Édimbourg et de Stirling
jouissaient de privilèges semblables.
Ainsi donc, des assemblées régionales avaient lieu au XVIe siècle en Écosse, et elles étaient organisées,
à cette époque, par une loge particulière qui avait un statut analogue à celui d’une Grande Loge
provinciale, quoique sur un plan purement coutumier.
Pour l’Angleterre à l’époque de nos textes, nous ne savons rien. À vrai dire, on trouve deux
allusions à des assemblées de maçons, dans des statuts royaux de 1360 et de 1425, où ces assemblées
sont d’ailleurs condamnées. Mais Knoop et Jones 13 ont montré que les assemblées visées par ces statuts
n’avaient rien de commun avec celles que décrivent nos manuscrits : il s’agissait d’assemblées revendi-
catives tendant à faire monter les salaires.
Il est en fait fort peu vraisemblable que des assemblées de maçons se soient tenues avec le grand
concours de seigneurs et d’officiers royaux et municipaux que prévoient nos textes ; on comprendrait
mal comment de telles assemblées auraient pu ne laisser aucune trace, alors que c’est fort concevable
pour des assemblées formées seulement de maçons.
Si on examine nos textes de plus près, on voit que plusieurs passages parlent de l’assemblée, et que
certains ne prévoient pas la présence de non-maçons : c’est le cas de l’article 2 du Regius, ainsi que du
premier passage du Cooke I relatif à l’assemblée (lignes 702 à 727) qui, certes, attribue au roi et aux grands
seigneurs du pays le choix de la périodicité de celle-ci, mais ne mentionne pas qu’ils doivent y assister.
Il est possible que ces passages soient des vestiges de la coutume primitive, les maçons ayant eu, avant
l’intervention des clercs, leurs règlements coutumiers et des assemblées où ils réglaient leurs affaires entre
eux. Les autres passages témoigneraient alors d’une tentative, faite par les clercs, de donner à ces assemblées
un statut légal, et surtout, sans doute, de les placer sous le contrôle de représentants des employeurs dans
une période économiquement difficile où l’on pouvait craindre de les voir devenir des foyers d’agitation
sociale. Si cette hypothèse est justifiée, la tentative ne paraît pas avoir eu beaucoup de succès.
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Notons une expression pittoresque à propos de l’apprenti : il est « sous la crainte » (under awe,
vers 293 du Regius). Les conceptions pédagogiques des maîtres du XIVe siècle devaient être assez sévères...
Enfin, le maître a des responsabilités morales : il n’abritera pas sur son chantier un voleur ou un
meurtrier 30. Il doit se conduire avec loyauté envers tout homme, et ne pas laisser ses compagnons dans
leurs fautes « car il doit avoir souci de leurs âmes » 31.
Nous avons déjà vu quelques aspects de la condition des compagnons. Un salaire minimum leur
est en principe garanti (mais il est laissé à l’appréciation du maître) ; d’autre part, ils doivent pouvoir
négocier avec le maître une augmentation de salaire, puisque celui-ci dépend aussi du mérite ; tou-
tefois, ils doivent recevoir avec soumission le salaire que le maître leur donne 32. Les jours de congé
leur sont payés 33. En revanche leur sécurité d’emploi paraît nulle 34. Mais ils ont des possibilités de
promotion, en accédant à des postes de responsabilité sous l’autorité du maître, et aussi en étudiant
pour se perfectionner 35.
Nos textes font aux compagnons de nombreuses obligations morales. D’abord, naturellement,
celle de travailler honnêtement et consciencieusement pour mériter leur salaire. Mais aussi et surtout
des obligations qui sont simplement l’application de la morale chrétienne au métier : aimer Dieu et la
sainte Église, ainsi que son maître et ses compagnons 36 ; être fidèle au Roi 37 ; ne causer aucun préjudice
à son maître ni à ses compagnons 38 ; ne pas coucher avec leurs femmes 39 ; ne pas voler, ni être complice
d’un vol 40. Les querelles doivent être réglées à l’amiable 41, et on ne doit apporter aucun appui à ceux
qui s’obstinent dans leurs fautes 42. On ne doit pas dénigrer l’ouvrage de ses compagnons 43, mais corriger
fraternellement ceux dont le travail est défectueux, en essayant de les aider à s’améliorer 44. L’insistance
sur ces obligations exprime le souci moralisateur des clercs, et aussi, sans doute, celui des maîtres, de
voir l’ordre régner sur leurs chantiers.
Le point 9 du Regius nous montre la vie communautaire des compagnons (à laquelle le maître
ne participe pas). Les repas sont pris en commun « dans la gaîté et la tempérance » (espérons-le !). Les
compagnons sont de service d’intendance à tour de rôle, ils achètent les provisions sur une caisse
commune, ils servent à table ; à la fin de leur service, ils rendent compte de leurs dépenses à leur
successeur, et ils doivent aussi pouvoir en rendre compte à tout moment à leurs compagnons.
Nos textes nous parlent aussi de la loge, mais ils ne nous en apprennent pas grand-chose. La loge
apparaît seulement comme un local à usage d’atelier, en parfait accord avec les ordonnances de la
cathédrale d’York. Le point 9 du Cooke nous montre les compagnons en train d’y tailler la pierre,
scène couramment représentée dans les enluminures médiévales. Le point 8 du Regius évoque l’existence
d’une hiérarchie sur le chantier, mais ce qu’il nous en dit reste très vague, et les postes de responsabilité
auxquels certains compagnons peuvent être appelés ne sont pas précisés. Les points 6 et 8 du Cooke
mentionnent un tel responsable, qui porte le titre de warden, et qui est habilité à remplacer le maître
maçon absent 45. Enfin le point 3, tant du Regius que du Cooke, fait allusion aux délibérations que les
maçons peuvent avoir dans la loge et ailleurs, et à l’obligation de garder le secret de ces délibérations.
Toutefois le fait que dans le Regius cette obligation de secret soit associée à des conseils de discrétion
assez banals en diminue quelque peu la portée. Il est difficile de se prononcer sur la nature de ces
délibérations, qui en tout état de cause n’avaient sûrement rien de secret pour les clercs auteurs de nos
textes. En définitive, il faut avouer que la loge en tant que forme d’organisation du métier n’apparaît
pas très nettement dans nos manuscrits.
Une source contemporaine de nos manuscrits fournit des renseignements un peu plus précis, sur
ce que pouvait être l’organisation des maçons sur un chantier ecclésiastique. Il s’agit d’une autre ordon-
nance de la cathédrale d’York, de 1408 celle-là 46. Après le maître maçon, l’ordonnance, qui est en latin,
mentionne deux personnages appelés guardiani, ce qui est évidemment la latinisation du mot anglais
wardens, que nous avons vu apparaître au singulier dans le Cooke ; après ces guardiani viennent des
majores latomi, des maçons ayant sur leurs compagnons une certaine prééminence, sans doute parce
que plus anciens et plus instruits 47.
La structure de la loge d’York en 1408 préfigure ainsi, curieusement, celle des loges spéculatives
modernes, mais il n’y a probablement là qu’une coïncidence. Cette loge est la seule, pour cette époque,
dont nous connaissions un peu la hiérarchie, et rien ne prouve que toutes les loges de chantiers ecclé-
siastiques étaient organisées de la même manière.
Cette organisation ne semble pas avoir été imposée aux maçons par le chapitre, qui n’avait d’ailleurs
qu’une confiance limitée dans son efficacité, puisque dans cette même ordonnance de 1408 il préposa
un clerc à la surveillance directe des maçons dans la loge. Au contraire, les maçons paraissent l’avoir
revendiquée comme leur offrant une possibilité de promotion 48.
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Comme dans les Old Charges postérieures, le respect des règlements du métier est l’objet essentiel
du serment. Le Cooke, qui ne mentionne pas explicitement le serment, parle de l’instruction qui est
donnée dans l’assemblée aux nouveaux reçus dans le métier (912 sq), et on peut supposer que le serment
d’observer les règles qui forment le contenu de ces instructions est sous-entendu. C’est aussi dans
l’assemblée que le Regius place le serment : le « là » des vers 429 et 430 ne peut désigner que l’assemblée
dont il a été question dans le douzième point, et la chose est encore plus nette au vers 448.
Qui prête le serment ? Le vers 428 parle de « celui qui sera sous la crainte » ; cette expression
désigne l’apprenti comme le montre le vers 293, et on pourrait donc croire que l’apprenti est soumis
au serment. Mais comme la présence des apprentis à l’assemblée n’est nulle part mentionnée, il faut
certainement comprendre que les apprentis prêtent serment au moment où ils sortent de l’apprentissage
et deviennent compagnons : ce sont ces anciens apprentis devenant compagnons que le Cooke (913-914)
désigne comme « les nouveaux qui ne furent jamais instruits auparavant ». On peut penser que prêtaient
aussi serment en devenant compagnons les valets (journeymen) dont parlent les règlements londoniens
de 1356 ; mais nos textes ignorent l’existence de cette catégorie de maçons.
Les ordonnances de chantier, du genre de celle de la cathédrale d’York, n’ignoraient pas le serment,
mais celui-ci n’y avait qu’une portée limitée : le maçon jurait d’observer le règlement du chantier tout
le temps qu’il y serait employé (« durant tout le temps qu’il restera maçon salarié attaché audit œuvre
de l’église Saint-Pierre »). Mais comme les dispositions de nos textes se présentent comme des règlements
du métier en général, et non plus comme des règlements de chantiers particuliers, le serment y apparaît
du même coup comme Pacte qui scelle l’entrée dans le métier. Le fait que le serment soit prêté dans
rassemblée, et non dans la loge ou dans l’église du chantier, marque bien cette différence, l’assemblée
réunissant des maçons venant de tous les chantiers d’une province 49.
Nous voyons donc que la cérémonie de réception dans le métier telle qu’elle apparaît dans les
Old Charges postérieures à partir de la fin du XVIe siècle est déjà pour l’essentiel présente dans nos
manuscrits médiévaux, quoique ce soit de façon plus explicite et plus complète dans le Regius que
dans le Cooke. Comme cette cérémonie primitive constitue encore le noyau de la réception dans
la maçonnerie spéculative, on saisit ici un élément de continuité entre celle-ci et la maçonnerie opé-
rative médiévale.
Il convient enfin, en terminant ce panorama du métier tiré de nos textes, de souligner le sentiment
très vif de l’honneur et de la noblesse du métier qui s’y exprime. Si nos articles et nos points invoquent
souvent l’intérêt du seigneur, ils n’invoquent pas moins volontiers la crainte de déshonorer le métier.
Ce qui indique que la fierté d’appartenir à un métier noble, ancien et prestigieux devait être bien réelle
et bien forte. Cette fierté s’exprimait d’une manière qui peut paraître naïve, mais qui était au fond très
naturelle et très adéquate à une époque où la hiérarchie sociale médiévale, malgré l’action de certains
prédicateurs et le succès populaire qu’elle rencontrait parfois, gardait encore tout son prestige : nous
voulons parler de l’idée, plusieurs fois affirmée, que les premiers maçons étaient de naissance noble.
C’est dans cette noblesse originelle que nos auteurs trouvent le fondement de l’unité du métier, de
l’égalité et de la fraternité qui doivent régner entre ses membres :
Mais jamais maçons ne devraient,
Unis qu’ils sont dans le métier,
S’appeler entre eux sujets ou serviteurs, mes chers frères,
Même si l’un est moins avancé que l’autre.
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S’il en est ainsi, c’est qu’au fond la noblesse de sang des premiers élèves d’Euclide n’est que
l’expression mythique de la noblesse intrinsèque du métier, ce métier « le plus honnête » de tous, au
sens primitif du terme, selon le Regius (v. 25), et que le Cooke (l. 573) appelle « cette noble science ».
On trouve ici en germe dans nos textes ce qui sera par la suite une idée maîtresse de la maçonnerie
spéculative : l’idée que la maçonnerie rend les hommes égaux et frères, non en les rabaissant au même
niveau, mais en les élevant à une condition supérieure :
Que l’on soit gentilhomme ou non, on est toujours annoncé pour tel parmi les Francs-Maçons : la qualité des
Frères qu’ils se donnent les met tous de niveau pour la condition 52.
Quant au maçon opératif, pour rudes qu’aient été ses mœurs, pour fruste qu’ait été sa religion, il
trouvait dans le sentiment de la noblesse du métier, s’il s’en pénétrait vraiment, un moyen réel et
puissant de s’élever professionnellement, moralement, spirituellement ; d’abord parce qu’il ne pouvait
que se sentir appelé à s’en rendre digne ; et aussi parce que nos textes ne lui laissaient pas ignorer que
de l’honneur de ce métier qui l’avait reçu dans son sein il était personnellement responsable.
NOTES
1. Poole, The Old Charges, The Masonic Record Ltd, Londres 1924.
2. La Bible, et non le livre des Old Charges.
3. En entendant par spéculative une Maçonnerie totalement ou essentiellement composée de personnes qui ne sont pas des maçons
de métier.
4. Nous avons rassemblé quelques documents relatifs à cette Maçonnerie de transition dans ce cahier, p. 235-244.
5. Dans la très importante introduction à leur édition de 1938 de nos deux manuscrits. Nous aurons souvent recours à cette
étude, que nous citerons sous le titre : Knoop et al., introduction.
6. Nous suivons l’introduction de Knoop et al.
7. L’article 15 du Regius enjoint au maître maçon d’avoir souci des âmes de ses compagnons.
8. Cette chambre de trait existe encore ; elle est au-dessus du vestibule qui conduit du croisillon nord du transept à la salle
capitulaire. On doit la distinguer de la loge, qui était située dans l’enclos (close) de la cathédrale, probablement au sud.
9. L’Art religieux du XIIIe siècle en France, Paris. Réédité dans le Livre de Poche.
10. À York, ils jouaient la visite des mages chez Hérode ; et aussi, en coopération ou en alternance avec d’autres métiers, la
présentation de Jésus au Temple.
11. Knoop et Jones, The Mediaeval Mason, Manchester, 1933, 3e édition 1967, p. 135. Cet ouvrage sera cité par la suite sous la
mention Mediaeval Mason (sous-entendu 3e édition).
12. Knoop et al., introduction, p. 21.
13. Mediaeval Mason, p. 163.
14. Nos textes ne paraissent pas connaître les valets (journeymen) mentionnés dans les règlements londoniens de 1356.
15. Article 1 du Regius. Le même article du Cooke dit qu’il doit être « compétent et loyal envers le seigneur qu’il sert ».
16. Article 9 du Regius.
17. Ibid. Ces dispositions rejoignent celles du deuxième et du troisième article des règlements londoniens de 1356.
18. Articles 10 du Regius et 9 du Cooke.
19. Articles 1 du Regius et du Cooke.
20. Articles 8 du Regius et du Cooke.
21. Point 5 du Regius.
22. Dans les ordonnances de la cathédrale d’York, ces heures sont fixées par les ordonnances elles-mêmes. Il est probable toutefois
que le maître maçon avait été associé à l’élaboration du document.
23. Points 8 du Regius et du Cooke. Ce dernier précise même qu’un compagnon peut être appelé à remplacer le maître absent.
24. Articles 3 du Regius et du Cooke. Cette disposition rejoint celle du cinquième article des règlements londoniens de 1356.
25. Articles 4 du Regius et du Cooke.
26. Articles 5 du Regius et 6 du Cooke.
27. Article 14 du Regius.
28. Article 13 du Regius.
29. Articles 6 du Regius et 5 du Cooke.
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Manuscrit Regius
(British Library, Regins, 17 Al)
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Traduction inédite
Pr André Crépin
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Traduction inédite
Edmond Mazet
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Article second
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Article second
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Article troisième
Article quatrième
Article cinquième
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Article sixième
Article septième
Article huitième
Article neuvième
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Article dixième
Article onzième
Article douzième
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Article onzième
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Article treizième
Article quatorzième
Article quinzième
Statuts divers
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Article treizième
Article quatorzième
Article quinzième
Statuts complémentaires
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Troisième point
Quatrième point
Cinquième point
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Sixième point
Septième point
Huitième point
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Sixième point
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Neuvième point
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Douzième point
Treizième point
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Onzième point
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Quatorzième point
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NOTES
V. 2 : un vieux livre : l’auteur renvoie à une source écrite antérieure. L’auteur du Cooke II fait de même aux l. 418-424, en précisant
qu’il s’agit d’une source latine et française, qu’il intitule le récit d’Euclide, bien qu’elle ait apparemment contenu aussi d’autres
traditions. Il n’est pas possible de dire si les deux sources sont identiques ou non.
V. 15 : Knoop et al., 1938, suggèrent de lire then au lieu du manuscrit hem : et « nous » désignerait les gens du XIVe siècle.
V. 23 : littéralement : ils « contrefirent » la géométrie.
V. 55-56 : c’est en effet en Égypte, à Alexandrie, qu’Euclide enseignait et qu’il a composé ses œuvres sous le règne de Ptolémée Ier
(305-282 av. J.-C.). On ne saurait voir en lui le fondateur de la géométrie grecque : il avait eu, à partir du VIe siècle, bien des
devanciers issus de différentes régions du monde grec. Mais il a synthétisé et formulé rigoureusement les découvertes de ses prédé-
cesseurs, ce qui n’exclut pas l’apport de découvertes personnelles. Rien n’indique qu’il se soit intéressé aux applications de la géométrie
à la maçonnerie.
V. 62 : Athelstan, roi saxon du Xe siècle (925-939) ; il fut d’abord un guerrier : il reconquit les territoires dont les Danois s’étaient
emparés en Angleterre, et put s’intituler « basileus des Anglais ». On lui attribue aussi de grands travaux de construction (voir les vers
suivants) et, de façon plus verifiable, des dons d’une grande munificence faits à divers établissements ecclésiastiques.
V. 87 sq : l’article premier est parallèle à celui du Cooke I (l. 729 sq).
V. 105 sq : l’article second est parallèle à celui du Cooke I (l. 739 sq).
V. 119 sq : l’article troisième est parallèle à celui du Cooke I (l. 756 sq).
V. 127 sq : l’article quatrième est parallèle à celui du Cooke I (l. 764 sq).
V. 137-138 : les maçons de condition libre pourraient prendre la défense de leur compagnon d’origine servile contre le seigneur qui
vient le reprendre. Le sens apparaît plus clairement dans le Cooke.
V. 147 sq : l’article cinquième est parallèle à l’article sixième du Cooke I (l. 791 sq).
V. 148 : Knoop et al. suggèrent de lire se « vois (à ce que) » au lieu du manuscrit so « ainsi, à savoir ».
V. 161 sq : l’article sixième est parallèle à l’article cinquième du Cooke I (l. 782 sq).
V. 177 sq : l’article septième est parallèle à celui du Cooke I (l. 798 sq).
V. 185 sq : l’article huitième est parallèle à celui du Cooke I (l. 808 sq).
V. 193 sq : l’article neuvième n’a pas de parallèle sous forme d’article dans le Cooke I, mais il répond aux l. 715-718 de celui-ci ; par
ailleurs, il rejoint les deuxième et troisième articles des règlements londoniens de 1356.
V. 201 sq : l’article dixième est parallèle à l’article neuvième du Cooke I (l. 817 sq).
V. 209-210 : l’amende est en effet très lourde : elle représente plusieurs mois de salaire d’un compagnon. Même si les maîtres étaient
mieux payés, c’est beaucoup.
V. 225 sq : l’article onzième n’a pas de parallèle dans le Cooke I.
V. 231 sq : l’article douzième n’a pas de parallèle dans le Cooke I.
V. 239 sq : l’article treizième n’a pas de parallèle dans le Cooke I.
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V. 242 : les points mesurables (meserable poyntes) : cette expression un peu énigmatique désigne probablement des connaissances
géométriques.
V. 245 sq : l’article quatorzième, qui n’ajoute pas grand-chose au précédent, n’a pas non plus de parallèle dans le Cooke I.
V. 251 sq : l’article quinzième n’a pas de parallèle dans le Cooke I. Il est bien caractéristique de l’esprit moralisateur de l’auteur de
Regius.
V. 261 sq : le premier point est parallèle à celui du Cooke I (l. 831 sq).
V. 269 sq : le second point est parallèle à celui du Cooke I (l. 838 sq).
V. 275 sq : le troisième point est parallèle à celui du Cooke I (l. 841 sq) ; les vers 275-276 ne signifient pas que l’obligation de secret
ne concerne que les apprentis, mais plutôt que l’auteur éprouve le besoin de souligner que l’apprenti y est aussi soumis.
V. 279 : si le mot chambre (chamber) a ici le même sens qu’au vers 345, il ne désigne rien d’autre que la salle où les compagnons
prennent leurs repas ensemble. Les « secrets de la chambre » risquent fort de n’être pas autre chose que des confidences de table. Ce
sont certainement de telles confidences qui sont visées au v. 283.
V. 287 sq : le quatrième point est parallèle à celui du Cooke I (l. 845 sq).
V. 295 sq : le cinquième point est parallèle à celui du Cooke I (l. 852 sq).
V. 305 sq : le sixième point est parallèle à celui du Cooke I (l. 860 sq).
V. 321 sq : le septième point est parallèle à celui du Cooke I (l. 873 sq).
V. 330 : cette peine ne semble pouvoir frapper que les apprentis, car rétrograder un compagnon à la condition d’apprenti n’a guère
de sens. Peut-être l’auteur veut-il, comme aux v. 275-276, adresser aux apprentis une mise en garde particulière. Mais il est possible
d’envisager aussi une rétrogadation à la condition de valet (journeyman) que l’auteur semble ignorer, ou ne pas distinguer de celle
d’apprenti.
V. 335 sq : le huitième point est parallèle à celui du Cooke I (l. 879 sq).
V. 341-342 : Knoop et al. déplacent good de 342 b en 341 a. On aurait alors : « Fais pour le bien ce que tu peux des deux parties
ainsi qu’il sied. »
V. 343 sq : le neuvième point n’a pas de parallèle dans le Cooke I.
V. 354-356 : le compagnon de service peut être amené à faire des avances d’argent ; elles lui étaient vraisemblablement remboursées
sur la caisse commune, à laquelle il est fait allusion au v. 369.
V. 373 sq : le dixième point n’a pas de parallèle sous forme de point dans le Cooke I ; toutefois, les v. 387-392 correspondent aux
l. 936-945 du Cooke I.
V. 395 sq : le onzième point est parallèle au neuvième point du Cooke I (l. 888 sq).
V. 407 sq : le douzième point (pas plus que les suivants) n’a de parallèle sous forme de point dans le Cooke I ; toutefois il correspond
à peu près aux l. 901-912, avec des différences notables : d’une part, le Cooke prévoit la présence du shérif ou des autorités municipales
(sans doute selon que l’assemblée se tient ou non dans l’enceinte d’une ville importante) tandis que le Regius prévoit leur présence
simultanée (quant aux seigneurs que notre article prévoit au v. 410, le Cooke les prévoit aux lignes 827-828) ; d’autre part le Regius
accorde à l’assemblée la faculté de promulguer de nouvelles ordonnances pour le métier (v. 415), alors que le Cooke ne prévoit rien
de tel.
V. 421 sq : le treizième point correspond aux l. 915-917 du Cooke I.
V. 427 sq : le Cooke I ne parle pas du serment, bien que les l. 912-930 le sous-entendent probablement. Celui qui est « sous la crainte »
(cv. V. 293) est l’apprenti, envisagé ici au moment où il devient compagnon.
V. 429-430 : là : entendez dans l’assemblée, dont il a été question dans le douzième point.
V. 447 sq : le quinzième point correspond aux l. 936-952 du Cooke I. Celui-ci, plus précis en cela que le Regius, indique clairement
que l’intervention du shérif est requise dans le cas où celui qui a été exclu du métier continuerait de l’exercer.
V. 497 sq : ici commence l’appendice du Regius (cf. « Introduction », p. 25), par le récit des quatre couronnés.
Il y a deux séries de martyrs qui sont honorés sous ce nom le même jour (8 novembre, cf. v. 534), et dont les lieux de culte à Rome
étaient voisins, deux circonstances qui ont aidé à les confondre. Les premiers étaient bien quatre, et dans le martyrologue romain,
ainsi que dans la Légende dorée, ce sont eux qui sont appelés les quatre (saints) couronnés. Leurs noms sont Sévère, Sévérien,
Carpophore et Victorin. Sous le règne de Dioclétien, ils furent battus à mort à coups de cordes plombées. Il n’est dit nulle part qu’ils
aient été maçons ou sculpteurs ; une tradition veut qu’ils aient été soldats.
Ceux du second groupe sont en fait cinq : Claude, Nicostrate, Symphorien, Castor et Simplice ; mais Simplice occupe une place à
part, ayant été, selon la tradition, converti par les autres. Le martyrologue hiéronymien (Ve siècle) montre qu’à cette époque à Rome
on ne connaissait que les quatre premiers. Ce sont ces cinq martyrs qui étaient sculpteurs et furent martyrisés sous Dioclétien pour
avoir refusé de sculpter des idoles : après avoir été torturés, ils furent jetés à l’eau dans des coffres de plomb. Cela se passait en
Pannonie ; leur culte fut ensuite apporté à Rome où il fut associé à celui des quatre premiers martyrs.
C’est surtout dans les pays d’Empire que leur culte fut répandu, et que de nombreuses confréries de métier les prirent pour patrons,
en particulier les tailleurs de pierre allemands, dont les plus anciens statuts (1459) les invoquent à la suite de la Trinité et de la
Vierge. En Angleterre, en dehors du Regius, aucune relation n’apparaît entre les quatre couronnés et la Maçonnerie avant le milieu
du XVe siècle ; il est remarquable que le Cooke II, qui a selon toute apparence réuni des traditions de métier de différentes sources, ne
les mentionne pas. À partir de la seconde moitié du XVe siècle, on trouve des cas où leur fête est chômée par les maçons. La Compagnie
des Maçons de Londres les adopte pour patrons : ses statuts de 1481 montrent qu’elle célébrait leur fête en faisant dire une messe à
laquelle tous les maçons de sa juridiction étaient tenus d’assister sous peine d’amende.
V. 530-531 : le « livre de la légende des saints » ne peut guère être que la Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe siècle), d’abord
publiée sous le titre de Legenda Sanctorum. Elle ne contient en fait qu’une courte notice sur les quatre couronnés ; on peut y trouver
les noms des deux séries de martyrs.
V. 535 sq : le récit de la tour de Babel est un élément de la vaste histoire du métier que brosse l’auteur du Cooke II (l. 327 sq). Mais
l’auteur du Regius la présente ici isolément, et en fait un usage tout différent.
V. 539 : la tour de Babel, qui était une ziggourat dans le genre de celle qui existe encore sur le site d’Ur, était en fait bâtie en brique
avec du bitume en guise de mortier (Genèse XI/3).
V. 543 : le Nabuchodonosor auquel pense l’auteur ne peut être que celui qui apparaît dans la Bible, c’est-à-dire Nabuchodonosor II
(604-562 av. J.-C), le destructeur du Temple de Jérusalem. Il y a une évidente absurdité chronologique à en faire le constructeur de
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la tour de Babel. On est encore loin du compte avec son prédécesseur Nabuchodonosor Ier (1126-1105). Mais on sait que celui-ci
fit restaurer la ziggourat d’Ur, et peut-être fit-il de même pour celle de Babylone lorsqu’il rétablit le culte de Marduk, dont le temple
avait été ravagé par les Élamites. Il peut y avoir là le point de départ d’une série de confusions aboutissant à l’affirmation de notre
auteur.
V. 555 sq : sur les sept sciences ou les sept arts libéraux, voir la note de la l. 41 du Cooke.
V. 562 : l’orthographe Arsmetica est bien dans le manuscrit.
V. 576 : rien dans le manuscrit ne signale le changement de sujet entre 575 et 576.
V. 577 sq : ici commence un long sermon sur la manière de se conduire à l’église et sur les bienfaits de la messe. À partir du vers
593 jusqu’à la fin au vers 692 il est largement composé d’emprunts à l’Instruction pour les prêtres de paroisses de John Mirk. Celui-ci
est contemporain de la rédaction du manuscrit et était chanoine régulier de Lilleshall (Shropshire).
Les emprunts à Mirk ont été relevés par Knoop et al. Ils consistent en les passages suivants : v. 593-594 ; 621-624 ; 627-634 ;
637-654 ; 657-662 ; 665-680 ; 685-692. L’auteur du Regius a interverti quelques vers de sa source et fait quelques autres menues
adaptations ; surtout, il est passé de la troisième personne à la deuxième, car le texte de Mirk s’adresse aux prêtres, et tout ce qui
concerne les fidèles est donc à la troisième personne : notre auteur l’a mis à la deuxième car il s’adresse directement aux maçons.
V. 590 : cf. Matthieu XXI/12-13 ; Marc XI/15-17 ; Luc XIX/45-46 ; Jean II/14-16.
V. 597-598 : ces deux vers sont évidemment un rappel du premier commandement.
V. 629 : Mirk écrivait simplement ici : quand on lira l’Évangile. L’emploi de la première personne par l’auteur du Regius montre
bien qu’il s’agit d’un prêtre s’adressant à des gens qui font partie de ses ouailles.
V. 632 : il s’agit évidemment de l’acclamation Gloria tibi, Domine par laquelle les fidèles répondent à l’annonce de l’évangile du jour.
V. 644 : Toi que je vois : au Moyen Âge, et longtemps après encore dans les pays catholiques, les fidèles ne communiaient qu’aux
grandes fêtes. Aux messes ordinaires ils se contentaient de la seule vision du saint sacrement. C’est à cette vision que s’attachent les
bienfaits dont il est question plus bas, comme on le voit bien aux v. 662, 665, 667, 678.
V. 666 : Knoop et al. signalent que certains textes renvoient plus précisément à La Cité de Dieu – dans laquelle on ne trouve rien de
tel, non plus que dans les autres œuvres de saint Augustin. En fait, les affirmations qui suivent sur les bienfaits de la messe sont des
lieux communs d’un enseignement religieux populaire dont on ne peut pas dire qu’il brille par une haute spiritualité.
V. 693 : rien dans le manuscrit ne signale le changement de sujet entre 692 et 693.
V. 695-794 : toute la fin du Regius n’est qu’une copie du poème « Urbanitatis », poème anonyme mais très probablement composé
lui aussi par un clerc, à en juger par les derniers vers. Le poème original n’était certainement pas destiné à des maçons ; mais l’insertion
d’un enseignement sur les bonnes manières dans le Regius n’a rien d’absurde, car les maîtres maçons à tout le moins avaient des
relations fréquentes avec des personnes de la bonne société, et tout compagnon pouvait aspirer à devenir maître maçon : il s’agissait
essentiellement pour cela d’obtenir d’un « seigneur » qu’il vous confie la direction de son ouvrage et, à côté de l’indispensable
compétence technique, une bonne présentation pouvait beaucoup y aider.
V. 712 : Knoop et al. comprennent « en secret dois lâcher les vents ».
V. 788 : ce vers, qui n’est qu’une cheville, ne se relie que de façon lâche au précédent.
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Manuscrit Cooke
(British Library, Cooke, ms. 23198)
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Traduction inédite
Pr André Crépin
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NOTES
l. 41 : sept sciences libérales : plus connues comme les sept arts libéraux, leur nomenclature remonte à la basse-latinité (Martianus
Capella, Ve siècle). Au Moyen Âge, elles formaient les deux premiers cycles des études universitaires : le trivium, comprenant grammaire,
rhétorique et dialectique ; et le quadrivium, comprenant arithmétique, géométrie, musique et astronomie.
À l’origine le qualificatif libéral s’opposait à servile, les arts libéraux étant ceux auxquels s’adonnaient les jeunes gens de bonne
naissance. Au Moyen Âge les arts libéraux s’opposent aux arts mécaniques, et c’est à ces derniers qu’appartient la maçonnerie. Nos
textes, en incluant un exposé, très succinct il est vrai, des arts libéraux dans un enseignement destiné à des maçons, représentent une
tentative de rapprochement des deux classes d’arts, en cherchant dans les premiers les fondements théoriques des seconds : « Grâce
à ces sept, toutes les sciences et techniques de ce monde ont été inventées. » La maçonnerie, en particulier, trouve ses fondements
théoriques dans la géométrie : le Regius (v. 23-24) dit que la maçonnerie fut faite sur le modèle de la géométrie (littéralement, les
clercs qui inventèrent la maçonnerie sont dits avoir « contrefait » la géométrie). Cette façon de voir les choses est le fait de clercs
formés aux arts libéraux et curieux d’en trouver des applications dans les arts mécaniques. Les maçons, de leur côté, ont parfois eu
à représenter les sept arts libéraux dans la décoration sculptée des églises. Par exemple à Chartres, célèbre au XIIe siècle par ses écoles,
les sept arts libéraux sont représentés au portail ouest par les sept personnages de l’Antiquité qui, aux yeux des clercs, les avaient le
mieux illustrés. Comme on pouvait s’y attendre, c’est Euclide – que l’on venait alors de redécouvrir – qui représente la géométrie.
l. 89-92 : ces quatre lignes de latin corrompu sont traduites approximativement dans les lignes qui suivent. L’étymologie du mot
géométrie qui est donnée ici provient des Étymologies d’Isidore de Séville (560 env. – 636), où l’on lit (Et. III, 10) : « Des inventeurs
de la géométrie, et de son appellation. On dit que la science de géométrie fut d’abord trouvée par les Égyptiens, car c’est eux qui
commencèrent à diviser la terre par lignes et mesures, à cause des inondations du Nil qui noyaient les propriétés sous le limon : de
là le nom de cet art (...). Comme cette science a pris naissance de la mesure de la terre, elle a gardé aussi le nom qui exprime son
origine. En effet, géométrie vient de “terre” et de “mesure”, la terre se disant en grec gê et la mesure metron. »
De fait, des papyri égyptiens du IIe millénaire avant J.-C. (papyrus Rhind, papyrus de Moscou) contiennent des problèmes de
géométrie qui se rapportent surtout à la détermination des aires de figures planes.
l. 139-140 : Le Maître des Histoires, Pierre Comestor (le « mangeur » de livres), un clerc français du XIIe siècle qui fut chancelier de
l’école cathédrale de Notre-Dame de Paris ; auteur d’une Historia Scholastica, une série de commentaires de la Bible intitulés Historiae.
L’auteur du Cooke II a utilisé l’Historia libri Genesis.
l. 140 : le Polychronicon. Une histoire du monde, œuvre de Ralph Higden, moine anglais du monastère bénédictin de St. Werburgh
à Chester († 1364) ; l’ouvrage, écrit en latin vers 1350, fut traduit en anglais en 1387. Selon Knoop et al., Introduction, p. 9, l’auteur
du Cooke II n’utilise ni la version latine, ni la version anglaise de cet ouvrage, contrairement à ce que ses affirmations laissent croire,
mais il utilisait peut-être un ouvrage perdu portant le même titre. Il faut toutefois remarquer qu’il était dans les habitudes des auteurs
médiévaux d’en user très librement avec leurs sources. Par exemple, Pierre Comestor, qui cite très souvent Flavius Josèphe, le remanie
sans scrupules.
l. 142 : Bède. Souvent appelé Bède le Vénérable, moine anglais (672 ou 673-735) du monastère double de Wearmouth et Jarrow
dans le Northumberland. Son œuvre principale est l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais, mais c’est surtout à ses commentaires
bibliques que l’auteur du Cooke II se réfère ici.
l. 143 : le De Imagine Mundi, œuvre d’Honorius d’Autun, évêque d’Autun au début du XIIe siècle.
l. 143-144 : les Étymologies d’Isidore, voir ci-dessus, n. des l. 89-92.
l. 144-145 : Méthode évêque et martyr. Méthode d’Olympe, un Père grec du IIIe siècle, auteur du Banquet des dix vierges. On lui
attribuait au Moyen Âge des Révélations concernant les premiers et les derniers âges du monde.
l. 152 : le chapitre IV de la Genèse est la source du récit qui commence un peu plus bas, l. 159. La construction de la première ville
par Caïn y est mentionnée au verset 17. Caïn est le fondateur de la vie sédentaire : au verset 2 du même chapitre il apparaît comme
un agriculteur, par opposition à Abel qui, éleveur de petit bétail, représente la vie nomade.
Jabel, dont notre texte (l. 178-180) fait le maître maçon de Caïn, est en fait dans la Bible un représentant de la vie nomade, puisqu’il
est le « père de ceux qui habitent sous des tentes » et aussi le « père des pasteurs ». L’identification des tentes à des maisons d’habitation,
qui permet de dire que Jabel « fut le premier à inventer la géométrie et la maçonnerie », oblitère la distinction nomade/sédentaire.
Toutefois cette identification n’est pas une innovation de notre auteur : on la trouve déjà dans le commentaire de Bède sur le
Pentateuque.
Dans la suite du même récit (l. 200 sq) notre auteur attribue à Jabel l’invention de la division du sol, en liant celle-ci à l’élevage des
troupeaux, ce qui constitue une nouvelle confusion entre ce qui relève de la vie sédentaire et ce qui relève de la vie nomade : il utilise
en la modifiant une tradition recueillie par Flavius Josèphe (Antiquités judaïques, I, II, 2, éd. Firmin Didot) et transmise par Pierre
Comestor (Historia libri Genesis, chap. 28), qui attribue plus logiquement à Caïn, type de la vie sédentaire, la division du sol.
L’auteur semble avoir voulu transférer à Jabel la paternité de la géométrie et de la maçonnerie, que la Bible et la tradition extra-biblique
attribuent plutôt à Caïn. La raison en est probablement que Caïn fait pour le métier un fondateur assez peu recommandable.
Nota. – L’orthographe Lameth (l. 163) pour Lamech se trouve effectivement dans le manuscrit.
l. 182-183 : la répétition est dans le manuscrit (N.d.T.).
l. 213 sq : Genèse IV, 21 attribue à Jubal l’invention des instruments à cordes et à vent. La tradition grecque, de son côté, faisait de
Pythagore l’inventeur de la gamme. Isidore (Étymologies, III, 16) présente côte à côte les deux traditions : « Moïse dit que l’inventeur
de l’art de la musique, fut Tubal (Jubal), qui fut de la descendance de Caïn avant le Déluge. Les Grecs, de leur côté, disent que c’est
Pythagore qui découvrit les principes de cet art en écoutant le son des marteaux et la percussion de cordes tendues. » L’idée de
rapporter à Jubal ce que les Grecs rapportaient à Pythagore, en utilisant le personnage du forgeron Tubalcaïn vient de Pierre Comestor,
qui n’hésite pas à écrire que les Grecs attribuent « fabuleusement » à Pythagore cette découverte.
Comme l’ont observé Knoop et al., Introduction, p. 28-29, ce transfert de Pythagore à Jubal s’exprime dans l’iconographie de la
cathédrale de Chartres. Alors qu’au portail ouest (XIIe siècle) la musique est représentée par Pythagore, au portail nord (XIIIe siècle)
elle est représentée par Jubal, qui voisine d’ailleurs avec son frère Tubalcaïn frappant sur son enclume.
l. 245 sq : la Bible ne parle pas de l’invention du tissage par Naama. C’est une tradition extra-biblique que notre auteur a pu trouver
chez Pierre Comestor, bien qu’il ne le cite pas à ce propos.
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l. 255 sq : plusieurs légendes avaient cours dans l’Antiquité sur le thème des connaissances préservées du Déluge. La plus proche de
celle du Cooke se trouve dans Flavius Josèphe (Antiquités judaïques, I, II, 3), où l’on voit les descendants de Seth – et non de Caïn
– ériger deux stèles, l’une en pierre et l’autre en brique, pour y graver leurs découvertes en astronomie. Josèphe affirme même que
la stèle de pierre, qui avait résisté au Déluge, se voyait encore en son temps au pays (non identifié) de Siris. Il existait également des
versions « noires » de la légende : Cham, le mauvais fils de Noé, en est alors le héros, et les connaissances préservées se rapportent à
la magie, que Cham avait apprise des démons (ou de Zoroastre !) ; les moines égyptiens du IVe siècle se racontaient une version de
ce type (Jean Cassien, Conférences, VIII, 21). Notre auteur a pu trouver chez Pierre Comestor la version qui met en scène les fils de
Lamech, ou du moins Jubal : citant Josèphe, mais le remaniant à son gré, le Maître des Histoires écrit que Jubal grava sur deux
colonnes, « l’une de marbre, l’autre de brique, l’une qui ne pourrait être dissoute par un déluge, l’autre qui ne pourrait être consumée
par un incendie », ses découvertes concernant la musique. L’idée que les connaissances préservées étaient les sept arts libéraux (l. 301)
peut être de l’auteur du Cooke II.
l. 269 : lacerus est une corruption de lateres (briques). Notre auteur interprète mal ses sources, et fait preuve d’une ignorance des
propriétés des matériaux propre à le ridiculiser auprès des maçons à qui il s’adressait : ceux-ci savaient bien que le marbre ne résiste
pas au feu. Chez Flavius Josèphe et chez Pierre Comestor, c’est la stèle de pierre qui résiste à l’eau ; quant à celle de briques, il faut
entendre qu’elle était en briques crues : dissoute par l’eau, elle serait cuite par le feu. L’auteur du Cooke II qui, comme celui du
Regius (vers 539), n’avait aucune notion des techniques de construction de l’ancienne Mésopotamie, semble avoir cru que le second
matériau était une sorte de pierre ponce.
l. 321-323 : la découverte d’une des colonnes par Hermès remonte à une légende égyptienne rapportée déjà par Manéthon (vers 300
av. J.-C.) et indépendante, à l’origine, de celles du déluge. La découverte de l’autre par Pythagore n’est pas dans les versions connues
du Polychronicon. Notre auteur peut l’avoir assez naturellement imaginée afin d’expliquer pourquoi les Grecs attribuaient faussement
à Pythagore l’invention de la musique. D’un autre côté ces lignes sont à rapprocher de celles (214-217) où c’est Pythagore lui-même
qui, dans le Polychronicon, dirait que Jubal fut l’inventeur de la musique : cette double occurrence est peut-être un indice en faveur
de l’hypothèse de Knoop et al. (cf. ci-dessus, n. de la l. 140) selon laquelle l’auteur cite sous le nom de Polychronicon un ouvrage
inconnu de nous.
l. 327 sq : c’est en fait au chapitre XI de la Genèse qu’est racontée l’histoire de la tour de Babel. Mais c’est au chapitre X (versets 8-10)
qu’il est question de Nemrod, lequel n’était d’ailleurs pas un fils mais un petit-fils de Cham. La Bible n’établit pas de lien entre
Nemrod et la tour de Babel, mais elle fait bien de lui un roi du pays de Shinéar (Sennar dans notre texte), c’est-à-dire de la
Basse-Mésopotamie. C’était probablement à l’origine un héros de la poésie épique suméro-akkadienne, analogue au héros bien connu
Gilgamesh. L’orthographe Nembroth vient d’Isidore de Séville qui écrit (Étymologies, XV, 1) : « Après le déluge, le géant Nembroth
fut le fondateur de Babylone, ville de Mésopotamie. » C’est sans doute en interprétant librement ce passage d’Isidore que notre auteur
fait de Nemrod le constructeur de la tour de Babel.
l. 328-342 : ces lignes sont une citation, d’après la Vulgate, de Genèse X, 10. Arach (Erek en hébreu) est Uruk, un des berceaux de
la civilisation sumérienne ; Archad est Akkad, siège de la dynastie sémitique des Sargonides (XXIVe-XXIIIe siècles av. J.-C.) ; Chalan
(Chalanne dans la Vulgate) n’est pas identifiée.
l. 359-364 : citation, d’après la Vulgate, de Genèse X, 11-12. Les villes citées sont des villes d’Assyrie ; Assur est le dieu national de
l’Assyrie, et c’est aussi le nom de sa première capitale. Les sites de Ninive et de Cale (Kalah) ont été retrouvés ; il est remarquable
que celui de Cale porte en arabe le nom de Nemrod (Nimrud).
l. 418 sq : l’auteur du Cooke II a inséré ici dans son histoire générale du métier le récit d’Euclide qui est plus ancien, et que le Cooke I
et le Regius présentent de manière autonome. Comme le Regius en son vers 2, l’auteur renvoie à une source antérieure, sans qu’on
puisse assurer qu’il s’agit de la même ; il précise qu’il s’agit d’une source bilingue latine et française ; cette source se présentait déjà
comme un règlement de métier, auquel le récit d’Euclide servait d’introduction historique.
En fait, le récit d’Euclide, conforme à celui du Regius et du Cooke I, ne commence qu’à la l. 472. Auparavant l’auteur a voulu relier
Euclide à son récit antérieur, et il a utilisé pour cela une tradition qu’il a pu trouver dans Pierre Comestor et dans le Polychronicon,
et qui remonte, une fois de plus, à Flavius Josèphe (Antiquités judaïques, I, VII, 2) : Abraham, allant de Mésopotamie en Égypte
comme le raconte le chapitre XII de la Genèse, y aurait apporté la connaissance de l’arithmétique et de l’astrologie (c’est le Polychronicon
qui y ajoute la géométrie). Évidemment, notre auteur a quelque peu maltraité la chronologie en faisant d’Euclide un disciple direct
d’Abraham ! D’autre part, il connaissait aussi la version de l’origine de la géométrie donnée par Isidore de Séville (cf. n. des l. 213
sq) et il la mentionne aux l. 457-472 (et encore aux l. 509-518), cherchant à la concilier tant bien que mal avec l’autre tradition.
On sait peu de choses de la vie d’Euclide. Il avait probablement étudié à Athènes, mais c’est à Alexandrie que se situent sa carrière
et son œuvre de mathématicien, autour de l’an 300 av. J.-C. C’est là qu’il enseigna et qu’il composa ses œuvres dont la plus importante
est formée par les treize premiers livres des célèbres Éléments.
Au XIIe siècle, les clercs redécouvrirent l’œuvre d’Euclide à travers plusieurs traductions latines de versions arabes. Le récit d’Euclide
pourrait donc remonter à cette époque. Il est probable qu’avant de servir d’introduction à des règlements de métier, il a été conçu
comme une introduction à un enseignement de la géométrie mis au point par des clercs à l’intention des maçons. Il ne peut de toutes
manières qu’être l’œuvre de clercs.
l. 539 sq : l’auteur revient du récit d’Euclide à l’histoire biblique en violentant de nouveau la chronologie.
l. 548 : à preuve est une correction apportée au manuscrit, qui porte and (N.d.T.). C’est ici qu’apparaît pour la première fois le
Temple de Salomon, ignoré du Regius et du Cooke I.
l. 557-558 : in tercio Regum. Au premier livre des Rois selon la numérotation usuelle. Dans la Vulgate, les deux livres de Samuel sont
appelés premier et deuxième livres des Rois ; les deux livres des Rois des Bibles actuelles deviennent donc le troisième et le quatrième.
l. 561-562 : le fils du roi de Tyr. Le nom d’Huram Abi (ou Huram Abiv) qui apparaît dans le deuxième livre des Chroniques signifie :
Huram mon père (ou : Huram son père) ; d’où l’idée qu’Hiram (Huram) l’artisan était le fils du roi Hiram de Tyr.
l. 572 sq : le passage du métier par la France dans sa progression de l’Orient vers l’Angleterre n’est mentionné ni dans le Cooke I ni
dans le Regius. Il doit venir de la source latine et française mentionnée aux l. 421-424 sous le titre global de récit d’Euclide ; c’est
ce que suggère le fait que le roi de France Charles II est d’abord nommé en latin : Carolus secundus. La mention du passage de
France en Angleterre est peut-être un autre argument pour placer la composition de cette source au XIIe siècle, et plus précisément à
l’époque des rois normands : les relations entre l’Angleterre et la Normandie étaient alors particulièrement étroites et intenses en
particulier en ce qui concerne le monachisme.
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D’autre part, la mention de Charles II est à rapprocher de la tradition des tailleurs de pierre et des mortelliers parisiens concernant
Charles Martel (cf. notre introduction) ; ce rapprochement est d’autant plus légitime que dans des versions postérieures des Old
Charges (et jusque dans les Constitutions d’Anderson) c’est Charles Martel qui remplace Charles II. Le roi visé dans la source originale
devait être charles le Chauve (840-877), petit-fils de Charlemagne, qui fut bien le second roi de France du nom de Charles et qui
fut parfois, par la suite, confondu avec le personnage plus prestigieux de Charles Martel.
l. 602 sq : saint Alban est le protomartyr de l’Angleterre, il fut martyrisé au temps de la persécution de Dioclétien. Son martyre est
raconté par Bède dans l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais. Saint Adhabelle est une corruption de saint Amphiballe qui, selon la
tradition postérieure, convertit saint Alban au christianisme. Placer ces personnages du début du IVe siècle « peu de temps après »
Charles le Chauve est encore une sérieuse entorse à la chronologie. Par contre la chronologie est respectée si on les omet et si on
passe directement de Charles le Chauve à Athelstan, et le « peu de temps après » se justifie même très bien puisqu’il n’y a que
quarante-huit ans de la mort de Charles le Chauve à l’avènement d’Athelstan.
Cela suggère que la source latine et française désignée comme le récit d’Euclide contenait une séquence Euclide j Charles le Chauve
j Athelstan, que le Cooke I et le Regius reprennent en omettant Charles le Chauve, tandis que ce qui concerne saint Alban et saint
Amphiballe provient d’une source différente. On peut noter à ce propos que la ville de Saint-Alban, l’antique Verulamium où avait
eu lieu le martyre du saint, était le siège d’une puissante abbaye bénédictine. On est peut-être ici en présence d’une tradition venant
de la loge du chantier de cette abbaye.
l. 611 sq : Athelstan a régné de 925 à 939. Au sujet de ses relations avec le métier le Cooke II diffère du Cooke I et du Regius. Selon
ces deux derniers textes (Regius, v. 61-74), Cooke, l. 693 sq), c’est lui-même qui aurait décidé de convoquer l’assemblée où les
règlements du métier furent fixés dans leur teneur définitive. Le Regius (v. 487-490) prétend même citer textuellement les paroles
par lesquelles le roi établissait solennellement l’autorité de ces statuts. D’après le Cooke II, l’initiative serait venue du « plus jeune
fils » du roi, ce dernier se bornant à accorder aux maçons une charte leur permettant de s’assembler. Certaines versions postérieures
précisent que ce fils d’Athelstan se nommait Edwin, et qu’il réunit lui-même la première assemblée à York.
En fait, Athelstan ne paraît pas avoir eu de fils. Lui-même aurait été, selon des chroniques postérieures, un grand bâtisseur, en accord
avec les v. 63-64 du Regius. Les traditions le concernant pourraient provenir de l’abbaye de Malmesbury (Wiltshire) qu’il avait
enrichie de précieuses reliques, et où était son tombeau : cette abbaye était très voisine de l’aire géographique d’origine de nos textes.
Quel qu’ait pu être le rôle d’Athelstan dans la Genèse des règlements du métier, il est certain que les articles et les points de nos
manuscrits sont – en partie au moins – très postérieurs à son temps.
l. 629 : noms. Certains commentateurs suggèrent de lire maners (coutumes) au lieu du manuscrit names (N.d.T.).
l. 643 : ici commence le Cooke I.
l. 662 : Euglet. Sur cette corruption du nom d’Euclide, voir notre introduction.
l. 729 sq : le premier article est parallèle à celui du Regius.
l. 739 sq : le deuxième article est parallèle à celui du Regius.,
l. 756 sq : le troisième article est parallèle à celui du Regius.
l. 764 sq : le quatrième article est parallèle à celui du Regius.
l. 782 sq : le cinquième article est parallèle à l’article 6 du Regius.
l. 791 sq : le sixième article est parallèle à l’article 5 du Regius.
l. 798 sq : le septième article est parallèle à celui du Regius.
l. 808 sq : le huitième article est parallèle à celui du Regius.
l. 817 sq : le neuvième article est parallèle à l’article 10 du Regius.
l. 831 sq : ici commence le premier point, qui est parallèle à celui du Regius.
l. 838 sq : le second point est parallèle à celui du Regius.
l. 841 sq : le troisième point est parallèle à celui du Regius.
l. 845 sq : le quatrième point est parallèle à celui du Regius.
l. 852 sq : le cinquième point est parallèle à celui du Regius.
l. 860 sq : le sixième point est parallèle à celui du Regius.
l. 865 : le mot traduit par « responsable » est warden (N.d.T.).
l. 873 sq : le septième point est parallèle à celui du Regius.
l. 879 sq : le huitième point est parallèle à celui du Regius. C’est encore le mot warden qui est traduit par « responsable ».
l. 888 sq : le neuvième point est parallèle au point 11 du Regius. l. 901-959 : ce développement concernant l’assemblée contient des
éléments qui se retrouvent dispersés en différents endroits du Regius : aux points 10, 12, 13 et 15. La principale différence est que
le Cooke ne mentionne pas le serment (encore qu’il soit probablement sous-entendu aux l. 912-930) tandis que le Regius le mentionne
à plusieurs reprises et s’y étend tout au long du quatorzième point.
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II
La maçonnerie
opérative britannique
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Ceci n’est qu’un bref aperçu des corporations de Londres et c’est dans ce contexte que je me
propose d’examiner la naissance et le développement de la Compagnie des Maçons de Londres.
Comme pour toutes les guildes très anciennes, les circonstances de leur création sont inconnues.
Les premières, que l’on croit avoir été constituées, celles de charbonniers, datent de la première moitié
du Xe siècle. Toutefois, à cette époque elles n’étaient pas constituées en raison de préoccupations arti-
sanales et lucratives mais étaient formées de petits groupes de personnes habitant près les unes des
autres, quelquefois même des membres d’une famille qui se regroupaient pour assurer leur protection
et leur sécurité. C’est en partie la raison pour laquelle elles étaient de caractère essentiellement religieux.
Ces communautés prenaient soin de leurs membres en cas de maladie, leur assuraient une sépulture
décente, priaient pour leurs âmes après leur mort et prenaient soin de leurs proches.
Dans cette perspective, il est intéressant de savoir que les premières guildes furent souvent dirigées
par un comité de treize membres, représentant le Christ et ses douze apôtres, et dans le cas de l’une
d’entre elles il est précisé que le président était une femme, en hommage à la Vierge.
Les corporations de métier apparurent probablement dans la première moitié du XIIe siècle, mais
il ne fait aucun doute que les maçons ont été les derniers à avoir adopté une telle organisation. La
nature même de leur travail fait que la plupart d’entre eux étaient itinérants, et qu’ainsi, tout au moins
à la campagne, il n’y avait jamais en permanence un groupe d’importance suffisante pour créer et
maintenir une corporation. Il lui aurait été impossible de contrôler les maçons engagés dans les différents
chantiers provisoires à l’intérieur de sa juridiction.
Edward Conder (The Hole Craft and Fellowship of Masonry) met en avant la théorie selon laquelle
il aurait pu exister une telle forme d’organisation vers l’an 1220, sinon plus tôt. Pour étayer cette
hypothèse il avoue l’explication suivante :
La construction du pont de pierre de Londres par Peter Colechurch commença en 1176. Elle fit prendre conscience
aux citoyens de Londres de l’importance des métiers de la pierre. Il est par conséquent probable que pendant les
trente-trois ans que durèrent sa construction les maçons constituèrent un groupe important dans la Cité ; et avec
la pose de la pierre de fondation de la nouvelle église de l’abbaye de Westminster par le roi Henri III en 1221,
leur importance dut probablement grandir. Si bien qu’il devint nécessaire qu’ils se réunissent, si cela n’était déjà
fait, en une confrérie pour leur mutuelle assistance et protection.
J’hésiterais à aller aussi loin que Conder dans cette hypothèse bien que j’admette que cela ne soit
pas impossible puisque dans le rôle de la fabrique de l’abbaye de Westminster il est indiqué, à l’année
1253, que la coutume était de diviser les jours de la semaine sainte entre le roi et les maçons ; il semble
impossible que cela ait pu exister si les maçons n’avaient pas eu à cette époque une forme de pouvoir
central, même si celui-ci était la forme élémentaire.
D’un autre côté, il semble qu’il n’existait pas de corporation de maçons en 1328 puisque, lors
des élections pour désigner les membres assermentés pour participer à la direction des affaires des
corporations, il n’y a trace d’aucun maçon. De même qu’il n’y avait aucun maçon parmi les membres
des corporations élus au conseil communal de la Cité de Londres en 1351.
La première référence certaine à un essai d’organisation du métier de maçon date de 1356 où, à
l’occasion d’un différend professionnel, six maçons de franche pierre et six poseurs ou appareilleurs
comparurent devant le maire et les conseillers de la Cité de Londres « parce que leur profession n’avait
pas été définie correctement selon la tradition de leur métier comme l’avaient été les autres ». Cela peut
laisser imaginer qu’avant cette époque il n’y avait pas de corporation de maçons proprement dite. Les
règles qui furent par la suite imposées aux maçons de Londres furent certainement similaires à celles
des autres corporations, et ceci permet de supposer qu’elles furent définies par une autorité extérieure
au métier, sans consultation d’un pouvoir interne à la profession.
Toutefois, lorsqu’on arrive à l’année 1376, on trouve une preuve de l’existence à Londres d’une
compagnie de maçons car, à cette date, un employé du conseil municipal de la Cité de Londres précise
que la compagnie a désigné six membres pour le conseil.
Plus tard, Stow écrit dans son Histoire de Londres (édition de 1633) que :
... la Compagnie des Maçons était également connue sous le nom de Francs Maçons de bonne renommée et
d’ancienne réputation pour leurs réunions courtoises et accueillantes lors des fêtes ; où une grande fraternité était
de rigueur ; elle participa à une assemblée mutuelle à l’époque du roi Henry IV, la douzième année de son règne...
C’était, en d’autres termes, l’année 1410-1411.
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Il est difficile de tirer une conclusion définitive de ces éléments épars et quelquefois contradictoires,
mais l’explication la plus probable est que la corporation des maçons existait en 1356 ou immédiatement
après, et certainement avant 1376.
La Compagnie des Maçons a malheureusement perdu tous ses documents anciens et ne possède
rien d’antérieur à 1620, à l’exception du rôle d’arme émis par elle en 1472. Cependant il est de plus
en plus évident, et cela est confirmé par des recoupements divers, que l’importance de la compagnie
se développa de plus en plus et qu’elle devint étroitement liée à la vie de la Cité.
Ses membres se réunissaient le jour des élections et amenaient souvent leurs femmes et leurs filles.
Dans certains cas la présence des épouses était obligatoire, sauf si elles étaient « malades ou grosses
d’enfant et près de délivrance... » (en français dans le texte).
L’actuel Guild Hall fut construit par les maçons en 1411 grâce à leurs dons, ainsi qu’il est attesté
par un acte du Parlement de 1425, à propos duquel d’ailleurs plusieurs auteurs maçonniques mal
informés tentèrent de démontrer l’ancienneté de la maçonnerie du Royal Arch.
La construction des édifices religieux prit à cette époque un grand essor et, naturellement, le
nombre des maçons augmenta également. Des compagnies de maçons naquirent en province, avec pour
résultat, en liaison avec celle des maçons de Londres, la prise de contrôle des chantiers de construction
ce qui donna la possibilité de déclencher des mouvements de grève.
Afin de briser ces unions et supprimer le monopole, un Act fut pris qui interdisait aux maçons
de se réunir en « chapitre ou congrégation ». La lecture de cet Act montre qu’il ne concernait que les
maçons opératifs et uniquement dans une perspective de pratique commerciale ; il n’y était nullement
question de préoccupations non opératives, pas plus en matière de Royal Ach que de tout autre degré.
En 1463, la Compagnie des Maçons prit à bail un terrain situé dans Hazelwood Alley, qui s’appelle
maintenant Mason’s Avenue, et situé entré Basing Hall Street et Coleman Street, sur lequel s’élevait
une construction qui fut convertie en maison de réunion ; à l’expiration du bail, elle en acheta la
propriété pour la somme de 200 livres. En 1666, la maison fut détruite par le grand incendie de
Londres, mais elle fut rebâtie au même endroit deux ans plus tard pour un montant d’un peu plus de
800 livres.
La Compagnie des Maçons était devenue une des plus importantes de Londres et, en 1472, elle
fut une des premières à obtenir une lettre patente, précédée seulement par celle des drapiers (1439),
des ferronniers (1455), des fabricants de chandelles (1456), et des brasseurs. Malheureusement la patente
originale fut perdue et il fallut attendre 1871 pour qu’une autre soit accordée. Dans le même temps la
devise de la Compagnie fut modifiée et devint « Dieu est notre espérance », qui remplaçait « Dieu est
notre guide ». En 1536, commencèrent les fermetures des monastères décrétées par le roi Henry VIII.
Au cours des années suivantes on voit apparaître des documents pleins d’intérêt, comme par exemple
les listes des électeurs au Parlement de Londres dans lesquelles figurent les noms de trente-sept membres
de la « Compagnie des free Masons ». Conder souligne qu’il s’agit de la première utilisation du terme
de « free Masons » et il pense que cette nouvelle désignation est liée au fait que les symboles et légendes
secrètes qui avaient été révélées lorsque les monastères disparurent furent repris par la Compagnie des
Maçons. Cela se passa peut-être ainsi, mais le terme était sûrement en usage bien avant puisqu’on en
trouve trace dans les archives de la correspondance de la Cité de Londres au cours de l’année 1441.
S’il n’est pas évident que les hypothèses de Conder sur l’explication du changement de nom soient
exactes, il doit cependant bien y en avoir une. Il est intéressant de constater que la Compagnie fut dès
lors désignée uniquement par cette appellation, jusqu’à ce qu’elle reprenne son nom d’origine en 1656,
lorsque, ainsi que certains l’ont suggéré, des formes élémentaires de Franc-Maçonnerie spéculative
commencèrent à être pratiquées à la suite d’initiations d’hommes tels qu’Elias Ashmole et Rändle
Holme.
Après 1619, il est possible de suivre les fortunes de la Compagnie avec plus de détails grâce aux
comptes rendus qui commencent à apparaître à cette époque. Il est toutefois dommage que cela cor-
responde à la période où l’importance de la Compagnie commençait à diminuer et où elle allait perdre
le contrôle du monde de la construction. Il y a cependant plusieurs écrits qui font référence à la
Franc-Maçonnerie et qui montrent sans aucun doute qu’ils y avaient des réunions d’une loge de francs-
maçons à Masons’ Hall. La Compagnie peut en fait raisonnablement prétendre qu’elle est le principal,
sinon le seul, maillon de la chaîne, qui s’étend depuis les tailleurs de pierre médiévaux jusqu’aux maçons
francs et acceptés dont nous descendons.
Le premier livre de comptes de la Compagnie indique que, en plus des membres opératifs, il y
en avait d’autres qui n’avaient aucun lien avec le métier mais étaient admis en « maçonnerie acceptée ».
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Ceci lié à d’autres éléments permet de penser que ce passage peut être interprété comme « étant initié »,
bien que je me hâte d’ajouter que cela ne constitue pas une preuve. Cependant cette probabilité est
renforcée par une note datée de 1621 qui figure dans ce livre de comptes et où l’on peut dire :
Étant devenus maçons, John Hince, John Brown, Rowland Everett, Evan Loyd, James French, John Clarke,
Thomas Rose, ont versé ainsi que montré dans les livres... L 9.6.8 d...
1621 est une très ancienne date, vingt-cinq ans avant l’initiation d’Elias Ashmole, la première
cérémonie de cette sorte dans une loge anglaise dont on soit certain. Quel dommage de ne pouvoir
être sûr de ce cheminement !
La qualité de ceux ainsi nommés n’est pas toujours connue, cependant John Hince, Evan Lloyd
et James French étaient certainement membres de la compagnie et n’avaient donc pas besoin de passer
une cérémonie qui aurait été en liaison directe avec le métier ; en 1648, Andrew Mervin membre de
la corporation et surveillant de la Compagnie paya 1 livre pour « devenir accepté », ce montant paraît
être la cotisation pour devenir un maçon accepté.
On trouve à la date de 1611 une invitation qui apporte une preuve supplémentaire de l’existence
d’une Société à l’intérieur de la Compagnie : « Payé à la réunion au Hall par les maçons qui ont été
acceptés... 6 s d. »
Ces références à ces personnes ayant été faites maçons ou acceptées en Maçonnerie sont d’un
intérêt particulier parce que ces expressions ne sont jamais utilisées par la Compagnie pour désigner
ceux de ses membres qui furent toujours admis gratuitement, et cela est à nouveau souligné par un
passage de l’inventaire de 1665 où nous lisons : « Les noms des Maçons acceptés dans le système avec... »
Ce passage se réfère aussi aux deux livres des Constitutions et à la Bible. D’autres indications du même
document sont relatives à « ... un livre des Anciennes Constitutions et Ordres », « ... une grande Bible »,
« une belle grande table de Maçons Acceptés... » et « ... une sébille pour l’argent et un marteau
d’ivoire... ». Est-il possible de dire que tous ces objets étaient habituels dans une loge de francs-maçons
à cette époque ?
Un autre passage se réfère à un livre des Constitutions, plus spécialement décrit dans l’inventaire
de 1676 comme « Les Constitutions des Maçons Acceptés ». Il est possible qu’il s’agisse d’un manus-
crit dont une copie existe à la Grande Loge Unie d’Angleterre : il est frappé en tête des armoiries de
la Cité de Londres et de la Compagnie des Maçons. Il se pourrait que par l’expression « livre des
Constitutions des Maçons Acceptés » on entende une copie des « Old Charges », et il est intéressant
de noter que le manuscrit que je viens d’indiquer et qui est la propriété de la Grande Loge Unie
d’Angleterre, connu sous le nom de « Manuscrit Phillips no 1 » porte sur sa couverture le nom de
Richard Banckes, dont on sait qu’il a été membre de la Compagnie des Maçons. C’est un maillon
de plus de la chaîne.
Le récit de l’initiation d’Elias Ashmole dans une loge de Warrington, le 16 octobre 1646, est bien
connu et fréquemment rappelé. Ce qui n’est peut-être pas aussi bien c’est que, quelque trente ans plus
tard, le 10 mars 1682, il reçut une convocation à aller le jour suivant à une loge de Masons’Hall, ce
qu’il fit. Après la cérémonie il y eut un dîner à la Taverne de la Demi-Lune, dans Cheapside. Six
candidats furent admis ce jour-là et quatre d’entre eux étaient déjà membres de la Compagnie des
Maçons. Ainsi, nous avons un document écrit par un franc-maçon connu, qui précise qu’il est convoqué
à une réunion maçonnique à Masons’Hall au cours de laquelle six candidats furent initiés, quatre d’entre
eux étant réputés pour être des membres de la Compagnie des Maçons, déjà maçons opératifs, et qui
furent reçus à une cérémonie en liaison avec elle.
Après cette date de 1682 nous ne savons pas combien de temps la loge continua de se réunir à
Masons’Hall car il n’y a pas d’autres traces dans les comptes rendus de la Compagnie. Certains ont
émis l’hypothèse que l’actuelle loge « Antiquity no 2 », l’une des quatre loges qui se réunirent à la
Taverne de l’Oie et du Grill, de Saint-Paul Churchyard, le 24 juin 1717, dans le but de fonder la
Grande Loge d’Angleterre, pourrait avoir été créée par les membres de cette première loge. Mais il n’y
a rien cependant pour le confirmer d’une façon certaine ; la seule bien faible raison que l’on ait donnée
pour soutenir cette hypothèse est la possession par la loge d’une copie manuscrite de l’une des Old
Charges ayant en tête les armoiries de la Cité de Londres et celles de la Compagnie des Maçons, bien
qu’elle diffère quelque peu par son contenu de celle de la Grande Loge, auquel j’ai fait allusion pré-
cédemment.
Tous ces éléments qui figurent dans les documents de la Compagnie des Maçons doivent avoir
une justification ; ils conduisent Edward Conder à écrire que :
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... dès 1620 et peut-être même avant, il y eut des membres de la Compagnie des Maçons qui se réunissaient avec
d’autres pour de temps en temps former une loge dans le but de faire de la Maçonnerie spéculative ; et les
indications données par les comptes rendus de la Compagnie des Maçons sont sans doute les premières véritables
preuves de l’existence de la Franc-Maçonnerie en Angleterre au XVIIe siècle.
Ainsi nous arrivons à la fin de l’histoire ! La vénérable Compagnie des Maçons n’a pas eu plus
longtemps de liens avec l’ancienne Fraternité des Maçons Francs et Acceptés, mais elle occupe une
grande place dans la Cité de Londres et il y a une distinction particulière que ne peut lui contester
aucune autre compagnie de métier. Elle est le principal maillon qui relie nos Loges Bleues aux maçons
opératifs du Moyen Âge. Elle est en fait le trait d’union, pour ce qui concerne Londres, aussi loin que
nous puissions connaître, et elle est la seule dont les membres tinrent une réunion au XVIIe siècle pour
pratiquer une maçonnerie non opérative. Il est même peut-être possible de penser que de telles réunions
ont pu se tenir dès 1620, c’est-à-dire vingt-six ans avant la première cérémonie d’initiation historique-
ment prouvée, celle d’Elias Ashmole dans une loge de Warrington, le 16 octobre 1646.
Ceci est une chose dont eux et nous pouvons à juste titre être fiers.
Traduction de Roger Mouret.
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Ordonnances
de la cathédrale d’York
(1370)
Le chapitre de l’église Saint-Pierre d’York 1 ordonne ce qui suit pour les maçons qui travailleront
aux ouvrages de ladite église Saint-Pierre : de la Saint-Michel jusqu’au premier dimanche de Carême, ils
se rendront chaque matin à leur travail dans la loge qui est disposée pour le travail des maçons dans
l’enceinte qui se trouve à côté de ladite église ; et ils devront y être dès qu’il fera suffisamment jour pour
y voir clair et travailler. Et ils y resteront à travailler consciencieusement toute la journée, tant qu’il fera
suffisamment jour pour y voir et travailler 2 ; ou bien jusqu’à ce que l’horloge ait sonné midi plein, les
jours où le travail finit à midi ; tout cela durant toute ladite période de la Saint-Michel au Carême. Et
tout le reste de l’année, ils pourront dîner avant midi, s’ils le désirent, et de plus ils pourront prendre le
repas de midi où ils voudront. Mais à aucune époque de l’année il ne leur sera permis, à l’heure du dîner,
de rester trop longtemps éloignés de l’ouvrage qui les attend à ladite loge : leur absence devra être assez
courte pour qu’aucun habile homme du métier ne puisse y trouver à redire. Et à aucune époque de
l’année ils ne devront, à l’heure du repas de midi, s’absenter de la loge et de leur ouvrage plus d’une
heure ; et dans l’après-midi ils peuvent boire dans la loge, mais de la Saint-Michel au Carême ils ne
doivent pas cesser le travail, pour boire, plus du temps nécessaire pour faire un demi-mille. Du premier
dimanche de Carême jusqu’à la Saint-Michel, ils seront au travail à ladite loge au lever du soleil, et ils y
resteront à travailler aux ouvrages de l’église, consciencieusement et activement, toute la journée ; ils
cesseront le travail le temps d’un demi-mille avant le coucher du soleil, pas plus tôt, si c’est un jour de
travail complet 3 ; ou bien, comme il a été dit précédemment, jusqu’à midi. Du premier dimanche de
Carême à la Saint-Michel, ils prendront leur dîner dans les conditions qui ont été fixées précédemment,
et dans l’après-midi ils pourront boire et faire la sieste dans la loge ; mais ils ne pourront cesser le travail,
pour dormir ni pour boire, plus du temps d’un mille ; et il ne leur sera permis de dormir l’après-midi
qu’entre la Sainte-Hélène et la Saint-Pierre-ès-liens. Et si un homme s’absente de son travail ou, en
quelque époque de l’année que ce soit, manque aux prescriptions de la présente ordonnance, il sera puni
par une retenue sur son salaire, retenue dont le montant sera décidé par le maître maçon ; et tous les
temps et les heures seront marqués par une cloche disposée pour cela. Le chapitre ordonne également
qu’aucun maçon ne sera embauché pour l’œuvre de ladite église sans que la qualité de son travail ait
d’abord été éprouvée pendant au moins une semaine ; et après qu’il aura été reconnu propre au travail,
il sera embauché par l’accord unanime du maître et des gardiens de l’œuvre 4 et du maître maçon ; et il
jurera sur le livre 5 de garder et observer consciencieusement et aussi activement qu’il le pourra, sans ruse,
feinte ni tromperie, tous les points de la présente ordonnance, en tout ce qui le concerne ou pourrait le
concerner, depuis le moment où il aura été embauché audit œuvre, durant tout le temps qu’il restera
maçon salarié attaché audit œuvre de l’église Saint-Pierre ; et il jurera de ne point s’absenter dudit œuvre,
sauf si le maître lui donne congé. Et quiconque contreviendra à cette ordonnance et la violera, contre la
volonté du chapitre, subira la malédiction du Dieu et de saint Pierre.
Extrait de Knoop et Jones, The Mediaeval Mason.
Traduction d’Edmond Mazet.
NOTES
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Dans une assemblée tenue par le maire et les échevins le lundi précédant la Purification de la
bienheureuse Vierge Marie, en la trentième année du règne du roi Édouard III (...), étant présents
Simon Fraunceys, le maire John Lovekyn et autres échevins ; les shérifs ; ainsi que John Little, Symon
de Benyngtone et William de Hobbeche, bourgeois, certains articles furent adoptés concernant le métier
des maçons, comme il suit :
Vu qu’il a été donné à entendre à Simon Fraunceys, maire de la Cité de Londres, que diverses dissensions et
querelles se sont élevées dans ladite cité entre les maçons tailleurs de pierre d’une part, et les maçons bâtisseurs
d’autre part 1 ; la cause en étant que leur métier n’a pas été réglementé en bonne et due forme sous le gouvernement
de gens de leur métier, comme les autres métiers le sont ; ledit maire donc, pour maintenir la paix du roi notre
sire, et pour apaiser toute pareille sorte de dissensions et de querelles, comme aussi pour promouvoir l’amour
entre gens de tous états, à l’honneur de ladite cité et pour le bien de la communauté ; avec l’assentiment et le
conseil des échevins et des shérifs, a fait convoquer par-devant lui tous les prud’hommes dudit métier, pour être
par eux bien et dûment informé de la meilleure manière dont leur métier pourrait être ordonné et gouverné,
pour le profit de la communauté.
Sur quoi les prud’hommes dudit métier ont choisi douze d’entre eux, parmi les plus habiles de
leur métier, pour informer le maire, les échevins et les shérifs, à propos des actes et articles concernant
leur dit métier ; à savoir : Walter de Sallynge, Richard de Sallynge, Thomas de Bredone, John de
Tyryngtone, Thomas de Gloucester et Henry de Yeevelee, du côté des maçons tailleurs de pierre ; et
Richard Joye, Simon de Bartone, John de Estone, John Wylot, Thomas Hardegray et Richard de
Cornewaylle du côté des maçons bâtisseurs ; lesquels prêtèrent serment devant lesdits maire, échevins
et shérifs, comme suit :
Premièrement : que tout homme du métier peut travailler à tout ouvrage relevant du métier, pourvu qu’il y soit
parfaitement formé et instruit.
Aussi : que des prud’hommes dudit métier seront choisis et assermentés, chaque fois qu’il en sera besoin, pour
vérifier que personne du métier ne se charge d’un ouvrage sans être bien et parfaitement instruit de la manière
de l’exécuter. Sous peine de payer au profit de la communauté, la première fois qu’il sera convaincu de ce délit
par lesdits jurés, un mark ; la seconde fois, deux marks ; et la troisième fois il devra abjurer le métier, pour
toujours.
Aussi : que nul ne prendra du travail de gros œuvre s’il n’a pas la capacité de l’exécuter convenablement ; et celui
qui désire entreprendre un tel travail de gros œuvre se présentera devant l’honnête homme de qui il aura reçu
un tel travail à faire et à exécuter ; et il amènera avec lui quatre ou six anciens du métier, ayant prêté serment à
cet effet, qui soient disposés à témoigner, devant l’honnête homme de qui il a reçu ce travail, qu’il possède
l’habileté et la capacité requises pour exécuter un tel ouvrage ; et ceux qui se portent ainsi garants de son habileté,
et de sa capacité de finir l’ouvrage, s’engageront, au cas où il se trouverait dans l’impossibilité de le mener à bien,
ou s’en révélerait incapable, à l’achever eux-mêmes, bien et convenablement, selon le plan primitif, et à leurs frais
si le propriétaire avait déjà entièrement payé l’entrepreneur. Si l’employeur lui devait encore quelque chose, il le
paiera aux personnes qui se seront ainsi chargées d’achever l’ouvrage.
Aussi : que personne ne fera travailler un apprenti ou un valet 2, sauf en présence de son maître, avant qu’il ait
été parfaitement instruit de son métier. Et celui qui contreviendra à cet article, et en sera convaincu par lesdits
jurés, paiera au profit de la communauté, la première fois, un demi-mark ; la deuxième fois, un mark ; et la
troisième fois vingt shillings ; et ensuite il paiera vingt shillings chaque fois qu’il sera convaincu de ce délit.
Aussi : que personne dudit métier ne prendra d’apprenti pour moins de sept ans, conformément à l’usage de la
cité. Et celui qui contreviendra à cet article sera puni de la même manière 3.
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Aussi : que les maîtres, choisis comme il a été dit ci-dessus, vérifieront que tous ceux qui travaillent à la journée
reçoivent un salaire proportionné à leur capacité, et qui n’excède pas ce que mérite leur travail.
Aussi : si quelqu’un dudit métier ne veut pas dûment se soumettre à l’autorité et aux directives des personnes du
métier assermentées pour le gouverner, lesdits jurés doivent le dénoncer au maire ; et le maire, avec le consen-
tement des échevins et des shérifs, le fera punir de prison ou de tout autre peine convenable ; cela afin de servir
d’exemple aux autres rebelles, et de les ramener sous l’autorité des prud’hommes de leur métier.
Aussi : que personne dudit métier ne prendra l’apprenti ou le valet d’un autre, au préjudice et dommage de son
maître, jusqu’à ce qu’il ait entièrement fait son temps ; sous peine de payer au profit de la communauté un
demi-mark chaque fois qu’il sera convaincu de ce délit.
NOTES
1. Les maçons se divisaient en tailleurs de pierre (hewers), et ce que nos textes appellent layers ou setters, littéralement : poseurs.
Ces derniers étaient ceux qui montaient les murs, c’est pourquoi nous traduisons par bâtisseurs. Le premier article ci-dessous
essaie d’aller à l’encontre de cette spécialisation, ou de ses excès.
2. Nous traduisons ainsi le mot journeyman. Cet article, ainsi que le dernier, montrent qu’il s’agit d’un maçon qui n’est plus
apprenti, mais qui n’est pas encore considéré comme parfaitement formé ; il se place chez un maître pour une durée déterminée,
pendant laquelle il lui reste attaché. Cet état intermédiaire entre ceux d’apprenti et de compagnon n’apparaît pas dans les Old
Charges. Il apparaît par contre dans les Statuts Schaw, qui stipulent qu’« il ne sera pas permis de faire d’[un] apprenti un frère
et compagnon du métier jusqu’à ce qu’il ait servi sept autres années après la fin de son apprentissage ».
3. Entendez : de la même manière que pour le délit mentionné à l’article précédent.
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Un manuscrit perdu
reconstitué :
l’ancêtre d’une branche
des Old Charges
Edmond Mazet d’après W. Mac Leod
Introduction
W. Mac Leod a publié dans le volume 94 (1981) d’Ars Quatuor Coronatorum (p. 15-42) le texte
reconstitué d’un manuscrit perdu des Old Charges. Ce texte est important du point de vue de la
généalogie des Old Charges, car il est l’ancêtre commun de plusieurs manuscrits qui forment la branche
Grand Lodge, à laquelle appartient en particulier le manuscrit Grand Lodge no 1 (1583), le plus ancien
manuscrit de Old Charges connu en dehors du Regius et du Cooke.
Comme l’un des objectifs de ce cahier est de mieux faire connaître les Old Charges, il nous a
paru bon de ne pas nous borner à un bref compte rendu de l’article de M. Mac Leod, mais d’en donner
une présentation plus développée. Nous ne donnerons pas pour autant une traduction intégrale de cet
article, car une telle traduction risquerait fort de rebuter le lecteur non angliciste par sa technicité.
Nous nous bornerons donc à préciser la place du manuscrit reconstitué dans la généalogie des Old
Charges, à décrire la méthode utilisée par M. Mac Leod pour effectuer cette reconstitution, et nous
donnerons enfin une traduction du texte auquel il est parvenu.
A. Le manuscrit Regius.
B. La famille Cooke 1.
C. La famille Plot.
T. La famille Tew.
D. La famille Grand Lodge.
E. La famille Sloane.
F. La famille Roberts.
G. La famille Spencer.
H. Versions diverses.
X. Versions manquantes.
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La famille X est formée de manuscrits que l’on ne connaît que par des allusions ou de brèves citations.
Les familles D et E, qui sont les plus abondantes, sont divisées en un certain nombre de branches
désignées par des lettres minuscules. Chaque manuscrit classé est alors codé par la lettre majuscule
correspondant à sa famille, éventuellement par la lettre minuscule correspondant à sa branche, et enfin
par un numéro qui achève de le spécifier. Par exemple le manuscrit Grand Lodge no 1, qui appartient
à la branche Grand Lodge (codée a) de la famille Grand Lodge (codée D) est codé D. a. 1.
Cela étant, la généalogie des Old Charges décrites par M. Mac Leod se présente comme suit.
Les familles B et C « procèdent d’un original composé avant 1400 ; il était verbeux et plein de
longueurs, bref “médiéval”. Il est perdu, mais on peut dans une large mesure le reconstituer à partir
de ses descendants ». Cet original est appelé le « texte médiéval ». Une de ses caractéristiques était de
commencer par une invocation très voisine de celle du manuscrit Cooke, l. 1-27.
« Les autres familles (T, D, E, F, G) dérivent toutes d’une révision très poussée du texte médiéval,
faite dans le courant du XVIe siècle. Ce nouvel archétype, connu sous le nom d’“original standard”, a
une invocation tout à fait différente qui devait dire à peu près ceci : “Que la puissance du Père céleste,
avec la sagesse du Fils glorieux, par la grâce et la bonté de l’Esprit Saint, trois personnes en un seul
Dieu, soient avec nous à notre commencement, et nous donnent la grâce de nous gouverner en cette
vie de telle sorte que nous puissions parvenir à Sa béatitude qui n’aura pas de fin. Amen”. »
Mac Leod désigne l’original standard par le sigle [TDE] car ces trois familles sont celles qui lui
sont le plus directement rattachées. En tenant compte de quelques observations complémentaires que
je ne détaillerai pas, on peut finalement résumer cette première partie de la généalogie dans le tableau 1.
De [TDE] dérive ensuite l’original de la famille Grand Lodge, codé [D] comme cette famille
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elle-même, ainsi qu’un original commun aux deux familles Tew et Sloane, que Mac Leod code donc
[TE]. En effet, « les familles Tew et Sloane paraissent descendre d’un unique sous-archétype qui se
branche sur l’original standard ».
Tableau 1
N.B. – Les manuscrits perdus sont mis entre crochets
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Il est bien établi que la famille Spencer (G) descend de la famille Grand Lodge (D) et plus
précisément de la branche Grand Lodge (D.a.). Quant à la famille Roberts (F), une incertitude subsiste :
f:\2000\image\105497\\4
« Elle descend d’une révision faite au XVIIe siècle, mais la question de savoir si son ancêtre appartient à
la famille Tew ou à la famille Sloane n’est toujours pas tranchée. »
On peut ainsi résumer cette partie de la généalogie :
Tableau 2
Mac Leod admet d’ailleurs que l’existence d’un sous-archétype commun aux familles Tew et
Sloane n’est pas absolument certaine. Mais ce point est d’une importance secondaire relativement à
son second article, dans lequel il va se concentrer sur la famille Grand Lodge, et plus particulièrement
sur la branche Grand Lodge de cette famille, codée D.a. C’est en effet l’ancêtre de cette branche, un
manuscrit dérivé de [D] qu’il se propose de reconstituer. Cet ancêtre sera naturellement codé [D.a.],
de sorte qu’on a la séquence [TDE] j [D] j [D.a.] j manuscrits connus de la branche Grand
Lodge.
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La comparaison de ces manuscrits entre eux et avec des témoins de leçons plus anciennes permet
de les classer en sous-branches et d’établir la généalogie interne de la branche. On distingue ainsi trois
sous-branches.
La première est formée du seul D.a. 1, de beaucoup le plus ancien.
La seconde est formée de D.a. 4, D.a. 5 et D.a. 39. Ces trois manuscrits sont très étroitement
reliés entre eux ; les deux premiers ont certainement été copiés sur un même original par un même
copiste, et il en est « presque certainement » de même du troisième. Ce copiste est identifié : il s’agit
de William Hammond qui fut secrétaire de la Compagnie des Maçons de Londres en 1677 et 1678.
Les inventaires de la Compagnie des Maçons de Londres mentionnent un rouleau de Old Charges.
(Ce manuscrit manquant est appelé Masons’ Company et codé X. 7.) C’est probablement d’après lui
qu’ont été copiés D.a. 4, D.a. 5 et D.a. 39, et il serait donc à identifier avec l’intermédiaire codé [Q]
dans le tableau 3 ci-dessous.
Enfin, la troisième sous-branche est formée de D.a. 8, D.a. 29, D.a. 43 et D.a. 47. Ces manuscrits
sont reliés entre eux de façon plus lâche que ceux de la deuxième sous-branche, et leur généalogie est
plus complexe. Certains d’entre eux ont subi des influences extérieures à la branche, et même à la
famille. D’autre part, c’est à cette troisième sous-branche qu’appartenait l’ancêtre de la famille Spencer,
f:\2000\image\105497\\5
Tableau 3
« Une fois qu’on a établi les relations de parenté entre les textes, cela devient une tâche mécanique
de retrouver l’original dont ils dérivent. Il suffit de remonter l’arbre généalogique donné ci-dessus. Là
où les descendants d’un manuscrit perdu concordent tous, ils sont le reflet fidèle de l’original. Là où
ils sont en désaccord, on doit parfois se reporter aux parents ou aux frères de l’ancêtre. À la fin, il ne
reste qu’un très petit nombre de passages douteux. »
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Toutefois, c’est là une tâche « laborieuse et qui prend beaucoup de temps ». C’est pourquoi Mac
Leod s’est borné dans cet article à reconstituer l’ancêtre [D.a.] de la branche Grand Lodge, plutôt que
l’ancêtre [D] de la famille Grand Lodge ou l’original standard [TDE], bien que la reconstitution de
ce dernier soit assurément « l’objectif ultime ». Mais « il semble préférable de présenter les résultats
intermédiaires plutôt que de viser trop haut et de manquer le but ».
[Chapitre I. Invocation]
Que la puissance du Père du ciel, et la sagesse du Fils glorieux, par la grâce et la bonté du
Saint-Esprit, qui sont trois personnes et un seul Dieu, soient avec nous à notre commencement, et
nous donnent la grâce de nous gouverner ici dans notre vie de telle sorte que nous puissions parvenir
à Sa béatitude qui n’aura jamais de fin. Amen.
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trouver de proportion ni de mesure, si ce n’est par la Géométrie. 7. C’est pourquoi je pense que la
science de Géométrie est la plus noble de toutes, elle qui trouve toutes les autres.
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science exige. 4. Et le roi et son conseil le garantirent aussitôt, et scellèrent le contrat. 5. Et alors ce
digne [clerc, Euclide], prit avec lui les fils de ces seigneurs, et leur enseigna la science de la Géométrie
appliquée, pour construire en pierre toutes sortes de beaux ouvrages qui appartiennent à l’art de bâtir :
églises, temples, châteaux, forteresses et manoirs, et toute autre espèce de bâtiment.
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être roi de France. Et quand il fut sur le trône il prit des maçons, et les aida à faire maçons des hommes
qui ne l’étaient pas, et il les mit à l’ouvrage, et il leur donna les devoirs et les coutumes – et un bon
salaire – qu’il avait appris des autres maçons. Et il leur confirmait d’année en année une charte qui
leur permettait de tenir leur assemblée où ils voulaient, et il les chérissait fort. Et c’est ainsi que le
métier vient en France.
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qui allez prêter votre obligation, prenez bien soin d’observer parfaitement ces devoirs, car c’est un grand
péril pour un homme que de se parjurer sur un Livre.
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8. Aussi, que tout maître paiera à ses compagnons seulement ce qu’ils méritent, de sorte qu’il ne
soit pas trompé par des ouvriers déloyaux.
9. Aussi, qu’aucun maçon ne médira d’un autre derrière son dos, de manière à lui faire perdre sa
bonne réputation ou ses biens terrestres.
10. Aussi, qu’aucun compagnon, ni dans la loge ni au-dehors, ne répondra mal et avec impiété
à un autre, ni ne lui parlera sur un ton de reproche sans motif raisonnable.
11. Aussi, que tout maçon respectera ses aînés, et les honorera.
12. Et aussi, qu’aucun maçon ne s’adonnera aux jeux de hasard ou aux dés, ni à aucun autre jeu
défendu, ce qui pourrait faire médire du métier.
13. Et aussi, qu’aucun maçon n’usera de luxure, ni ne s’adonnera à la débauche, ce qui pourrait
faire médire du métier.
14. Et aussi, qu’aucun compagnon ne sorte en ville le soir, là où il y a une loge de compagnons,
sans avoir avec lui un compagnon qui puisse témoigner qu’il n’a été qu’en des lieux honnêtes.
15. Aussi, que tout maître et compagnon viendra à l’assemblée si elle a lieu dans un rayon de
cinquante milles autour de lui, s’il en a été averti. Et s’il a commis un délit contre le métier, alors [ce
sera] pour subir la sentence des maîtres et compagnons.
16. Aussi, que tout maître et compagnon qui aura commis un délit contre le métier sera soumis
à la sentence des maîtres et compagnons, pour les mettre d’accord s’ils le peuvent ; et s’ils ne peuvent
pas les mettre d’accord, qu’ils s’en remettent à la loi civile 17.
17. Aussi, qu’aucun maître ou compagnon ne fasse de gabarit, d’équerre ni de jauge pour un
maçon bâtisseur.
18. Ni ne donne à un maçon bâtisseur, dans la loge ou au-dehors, des pierres à tailler ou à
sculpter 18.
19. Et aussi, que tout maçon accueille et traite avec affection les compagnons étrangers, quand
ils arrivent après avoir parcouru les pays, et qu’il les mette au travail, s’ils le désirent, comme le veut
la coutume ; c’est-à-dire s’ils ont des pierres à sculpter sur place (...) 19 ; ou bien il lui donnera de l’argent
pour lui permettre d’aller jusqu’à l’endroit le plus proche où on puisse l’héberger.
20. Aussi, que tout maçon servira loyalement le seigneur pour son salaire ; et tout maître achèvera
loyalement son ouvrage, qu’il soit à la tâche ou à la journée, s’il a vos ordres et tout ce qu’ils devaient
avoir 20.
W. Mac Leod
Traduction d’Edmond Mazet.
NOTES
1. Cette famille se réduit pour l’essentiel au manuscrit Cooke lui-même, les autres membres n’étant que des copies de ce manuscrit
effectuées après qu’il eut été découvert par le Grand Maître George Payne en 1721.
2. Phrase incomplète. Selon Mac Leod, l’original standard [TDE] disait ici : « Et ces marchands et artisans trouvent toutes les
autres des sept sciences, et spécialement les laboureurs, etc. »
3. Corruption du latin lateres, signifiant « briques ». Ce mot apparaît déjà sous une forme corrompue (lacerus) dans le Cooke,
l. 269.
4. Le texte médiéval disait de plus que l’autre colonne fut trouvée par Pythagore (cf. Cooke, l. 322-323).
5. Dans le texte médiéval, et encore dans l’original standard [TDE] on avait ici : « le Maître des Histoires », ce titre désignant
Pierre Comestor (cf. Cooke, l. 139-140, et la note qui s’y rapporte).
6. Le chiffre est laissé dans l’incertitude par Mac Leod, probablement en raison de divergences entre les témoins du texte. Le
Cooke, l. 347-348, dit « plus de quarante mille ».
7. Je conserve la rupture de construction qui est dans le texte.
8. Le chef des travaux du Temple n’était pas nommé dans le texte médiéval (cf. Cooke, l. 561-563). Dans la plupart des manuscrits
postmédiévaux il est nommé, comme ici Aynone, ou d’un nom approchant (Aynone, Aymon, etc.). Dans quelques manuscrits
seulement il est appelé Hiram.
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9. Référence incorrecte. Le texte médiéval et l’original standard [TDE] disaient : « au troisième livre des Rois, chapitre cinq » (cf.
Cooke, l. 556-558).
10. Ce personnage n’apparaissait pas dans le texte médiéval. Dans les manuscrits post-médiévaux son nom figure sous des formes
encore plus diverses que celui d’Aymon-Hiram.
11. Carolus secundus dans le texte médiéval (cf. Cooke, l. 576-580, et aussi la note se rapportant aux l. 572 sq.).
12. Alors l’un des anciens tient le livre, et il ou ils [celui ou ceux qui sont faits maçons] posent les mains sur le livre, et alors on
doit lire les devoirs.
13. Un morceau de phrase dont la reconstitution littérale est douteuse, le sens étant évidemment qu’un maçon ne doit aider un
voleur en aucune manière.
14. Le moins qu’on puisse dire est que ce passage ne définit pas très clairement la distinction entre les devoirs généraux et les
devoirs particuliers. À l’examen on voit que les dev élévation clairement décrite.
D’après Harry Carr, cette répartition en trois degrés a commencé vers la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle. Ceci nous encouragerait
plutôt à penser que le manuscrit Graham rapporte des usages bien antérieurs à 1726. On peut dire que l’on assiste là à l’éclosion du
grade de maître ; ce que nous distinguons de la fonction de maître de loge. La période de la fin du XVIIe siècle, comme moment de
cette éclosion, est d’autant plus probable que le manuscrit du Trinity College, daté de 1711, précise que pour faire une loge « juste
et parfaite » il faut « trois maîtres, trois compagnons et trois apprentis ». Ce manuscrit donne aussi un mot et un signe pour chacun
des trois grades. Il y a donc bien un grade de maître et non une simple présidence de loge. Par conséquent, nous devons admettre
qu’il existait un système à trois degrés dès 1711 au plus tard, même si par ailleurs on pratiquait, au même moment, le système à
deux degrés. C’est d’ailleurs avec un système à deux degrés que débute la Grande Loge de Londres en 1717.
La triple voix
Noé mort est comme le mort au bridge : il ne fait rien et cependant tout s’ordonne grâce à lui.
Il est la cause du rite et spécialement de ce noyau originel venu par inspiration, j’allais dire par divi-
nation, aux trois frères.
Certes, on trouve une convention à l’origine de toute divination, et c’est bien une convention qui
intervient au début de la recherche :
Ces trois hommes avaient déjà convenu que s’ils ne trouvaient pas le véritable secret lui-même, la première chose
qu’ils découvriraient leur tiendrait lieu de secret. Ils n’avaient pas de doute, mais croyaient très fermement que
Dieu pouvait et aussi voudrait révéler sa volonté, par la grâce de leur foi, de leur prière et de leur soumission ;
de sorte que ce qu’ils découvriraient se montrerait aussi efficace pour eux que s’ils avaient reçu le secret dès le
commencement, de Dieu en personne, à la source même.
Trois paroles alors leur échappent, et le rite de la triple voix s’impose au fil de la lecture, avec
une force et une profondeur, qui laissent deviner que ce rite pourrait encore induire une puissante
méditation. Jouer le jeu éveillait sans aucun doute chez le futur maître, futur enseignant du métier, un
sens du sacré dont l’évidence et la simplicité se passent d’explication. Désormais, c’est par ce rite que
les maçons entreront dans le secret.
La religion de Noé
La franc-maçonnerie prétend être une école de tolérance. Est-elle, selon l’affreux mot de Claudel,
une « maison pour ça » ? La question mérite qu’on ne l’oublie pas à propos d’un rituel qui met en
scène le cadavre de Noé : qu’est-ce qui meurt ?
En 1723, le pasteur Anderson dans l’article 1er des Devoirs d’un Franc-Maçon, dit que l’on a jugé
plus expédient de n’obliger les maçons qu’à « la religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord,
laissant à chacun ses opinions particulières ; c’est-à-dire d’être des hommes bons et loyaux, ou des
hommes d’honneur et de probité par quelque dénomination ou croyance religieuse qu’on les distingue ».
Etre des hommes bons et loyaux, d’honneur et de probité était donc considéré, du moins en
apparence, comme une religion par le pasteur Anderson, puisque c’était la « religion sur laquelle tous
les hommes sont d’accord ». C’était un peu court et sans doute y eut-il des malentendus, car le cher
Anderson revient sur la question dans l’édition de 1738 des Constitutions. Cette fois le style est beaucoup
moins allusif, qui éclaire étonnamment la notion « d’opinions particulières ».
En 1738 donc, le pasteur Anderson précise sa pensée : il s’agit « d’observer la loi morale, comme
un vrai Noachide ». Quant aux hommes d’honneur et de probité, par-delà les différences de religion,
« ils s’accordent tous sur les trois grands articles de Noé, et c’est assez pour préserver le ciment de la
loge ».
Le pasteur Anderson propose donc un retour aux sources, jusqu’à Noé, dont l’Ancien Testament
dit ceci : oirs généraux ont un caractère surtout moral, et les devoirs particuliers un caractère plus
professionnel, encore qu’ils contiennent plusieurs clauses purement morales.
15. Able of birth.
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16. Mac Leod signale qu’il y a ici une altération assez profonde du texte par rapport au sous-archétype
de la famille Grand Lodge ([D]) et à l’original standard ([TDE]). Le premier disait : « Sans
l’accord et consentement de ses compagnons, au nombre d’au moins six ou sept », et le second :
« Sans le consentement de ses compagnons, au nombre d’au moins cinq ou six. »
17. Deux articles distincts paraissent se mélanger ici, l’un – qui ne fait guère que reprendre le précédent
– concernant le jugement des fautes commises contre le métier, l’autre concernant une procédure
de conciliation à appliquer lorsque des maçons ont un différend.
18. On a ici la distinction classique entre maçons tailleurs de pierre (hewers) et les maçons bâtisseurs,
c’est-à-dire monteurs de murs (layers ou setters).
19. Phrase incomplète. L’original standard [TDE] disait : « S’il a des pierres à sculpter sur place, il
lui donnera du travail pour une quinzaine au moins. »
20. L’original standard [TDE] disait : « Si vous pouvez être payé comme vous deviez l’être » ; et le
sous-archétype de la famille Grand Lodge [D] : « Si vous avez [reçu] ce qui était convenu et tout
ce que vous deviez recevoir. »
21. Mac Leod ne signale pas de leçon plus ancienne qui rende ce passage plus clair. Je présume qu’il
faut comprendre : votre salut éternel est en votre pouvoir, selon que vous respecterez ou non
l’obligation prise sur le Livre.
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o
Le manuscrit Grand Lodge n 1
(1583)
Introduction
Ce manuscrit est conservé à la bibliothèque de la Grande Loge Unie d’Angleterre (d’où son nom).
On sait très peu de chose de son histoire. D’après un article paru dans la Free Masons’ Quarterly Review
de 1842, il fut acheté en 1839, pour le compte de la Grande Loge, à une certaine Miss Siddal, qui
était la petite-fille de Thomas Dunckerley. Il pourrait donc avoir appartenu à cet eminent maçon du
XVIIIe siècle, mais on ne peut l’affirmer avec certitude. Le texte a été publié d’abord dans le livre de
Hughan, The Old Charges (1872), puis dans Masonic Facts and Fiction de H. Sadler (1887), et enfin
dans les Quatuor Coronatorum Antigrapha, no IV (1892), première partie, en fac-similé et transcription,
par le frère Speth. C’est à partir de cette dernière édition qu’a été faite la traduction que nous présentons
ici. C’est également de l’introduction à cette édition que proviennent les quelques détails qui précèdent
sur l’histoire du manuscrit.
L’intérêt exceptionnel du manuscrit Grand Lodge no 1 vient de ce qu’il est le plus ancien manuscrit
de Old Charges connu après le Regius et le Cooke, étant daté de 1583. Cette date, portée sur le
manuscrit de la main même du copiste, et pleinement confirmée par l’examen paléographique, fait de
ce document le plus ancien manuscrit de Old Charges postérieur à la Réforme, puisque le Regius et le
Cooke sont d’époque médiévale.
Du point de vue de la classification des Old Charges, ce manuscrit appartient à la branche Grand
Lodge de la famille Grand Lodge. Nous avons exposé les grandes lignes de la classification des Old
Charges dans le compte rendu sur l’important article du frère Mac Leod, « Un manuscrit perdu recons-
titué » (cf. p. 125). Rappelons que les Old Charges sont classées en familles (désignées par des lettres
majuscules), dont certaines sont subdivisées en branches (désignées par des lettres minuscules), chaque
manuscrit étant spécifié dans sa famille, et éventuellement dans sa branche, par un numéro. Le manuscrit
Grand Lodge no 1 est ainsi codé D. a. 1, étant le manuscrit no 1 dans la branche Grand Lodge (codée
a) de la famille Grand Lodge (codée D).
Dans notre compte rendu de l’article de Mac Leod, nous avons donné une généalogie sommaire
des Old Charges, sous la forme de trois tableaux auxquels nous invitons le lecteur à se reporter. Il
ressort en particulier de cette généalogie que tous les manuscrits post-médiévaux des Old Charges, à
l’exception de ceux qui constituent la famille Plot (dont le principal représentant, le manuscrit William
Watson, est traduit par ailleurs dans ce volume), dérivent tous de ce que Mac Leod a appelé une
révision très poussée d’un « texte médiéval », effectuée au cours du XVIe siècle, avant 1583. Le manuscrit
Grand Lodge no 1 est celui qui, par sa date, est le plus proche de cette révision parmi les manuscrits
qui sont parvenus jusqu’à nous.
Malgré sa date fort ancienne, le Grand Lodge no 1 est loin d’être le produit immédiat de cette
révision. Celle-ci a produit un texte aujourd’hui perdu que Mac Leod appelle l’« original standard », et
qu’il code [TDE] comme étant l’origine commune des familles Tew (T), Grand Lodge (D) et Sloane
(E). De cet original standard sont dérivés l’original de la famille Grand Lodge, codé [D], puis l’original
de la branche Grand Lodge de cette famille, codé [D. a], dont est enfin dérivé le manuscrit Grand
Lodge no 1 que nous connaissons. Les manuscrits dont les codes ont été écrits entre crochets ont tous
disparu. Le frère Mac Leod, dans l’article précité, a donné une reconstitution de [D. a], que nous avons
traduite dans notre compte rendu.
Les deux textes (ou leurs traductions) sont donc à lire en parallèle. Nous nous sommes efforcé de
les traduire de telle manière qu’il n’apparaisse aucune divergence entre les traductions qui ne corresponde
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à une divergence entre les textes. Le lecteur pourra ainsi constater que le nombre de ces divergences
est extrêmement réduit, et qu’elles ne portent que sur d’infimes détails. Ainsi, le texte du Grand Lodge
no 1 est extrêmement proche de celui de l’original [D. a], ce qui signifie sans doute qu’il n’en est séparé
que par très peu d’intermédiaires. Cela est d’ailleurs naturel, car si l’on admet que la révision du texte
médiéval n’est pas antérieure à la Réforme, il ne s’est pas écoulé beaucoup plus d’une quarantaine
d’années entre la rédaction de [TDE] et celle du Grand Lodge no 1, la rédaction de [D. a] se situant
vers la fin de la période.
Avant d’examiner en quoi le manuscrit reste dans la ligne du texte médiéval et en quoi il s’en
écarte, il convient de préciser un peu ce que nous entendons par « texte médiéval ». Nous référons pour
cela à notre introduction au Regius et au Cooke (cf. p. 21). Si nous laissons de côté ce que nous avons
appelé l’appendice du Regius, nous sommes en fait en présence de deux textes médiévaux :
– l’un (le plus ancien) est représenté par ce que nous avons appelé les Old Charges du Regius et
le Cooke I. Il consiste en un récit historique assez simple, introduisant à des devoirs répartis en articles
et en points.
– l’autre (le plus récent, écrit dans la seconde moitié du XIVe siècle) n’est représenté que par le
Cooke II. Ce dernier n’est cependant pas l’original, comme on peut le voir en le comparant avec un
manuscrit plus tardif, le manuscrit William Watson, que nous étudions ailleurs dans ce volume. Il a
donc existé un manuscrit, aujourd’hui perdu, que nous appellerons l’original du Cooke II, dont le
Cooke II est d’ailleurs une copie assez fidèle. Ce manuscrit ne comportait pas d’énoncé des devoirs ;
après une invocation à Dieu et une présentation des sept sciences libérales culminant en un éloge de
la Géométrie, il consistait essentiellement en un récit historique, beaucoup plus étoffé que celui du
Regius et du Cooke I sur les origines et le développement de la Maçonnerie.
Lorsque à la suite de Mac Leod nous parlons du « texte médiéval », c’est en fait à cet original du
Cooke II que nous pensons, car c’est avec lui que le manuscrit Grand Lodge no 1 et les autres manuscrits
post-médiévaux présentent le plus de continuité : le récit historique dans ces manuscrits n’est qu’un
remaniement, quoique assez poussé dans le détail, de celui qu’on trouve dans le « texte médiéval » ainsi
défini. Au contraire, en ce qui concerne les devoirs, leur présentation (sinon leur esprit) a été complè-
tement refondue dans la révision du XVIe siècle, dans un sens que nous décrirons à la fin de cette
introduction.
Armés de ces notions, nous pouvons maintenant présenter le contenu du manuscrit Grand Lodge
no 1. Il s’ouvre par une invocation à Dieu à la fois plus concise et plus solennelle que celle du texte
médiéval, et où le caractère trinitaire de la divinité est nettement marqué. Puis, le texte annonce son
propos, qui est de retracer l’origine et l’histoire de la Maçonnerie, et de donner connaissance des devoirs
à ceux qui vont être reçus maçons. On observera à ce propos que le texte se présente explicitement
comme devant être lu dans les cérémonies de réception, ce qui n’était pas le cas des manuscrits médié-
vaux.
On trouve ensuite, comme dans le texte médiéval, la présentation des arts libéraux, et l’éloge de
la Géométrie, fondement de toutes les autres sciences. Ici, la principale différence avec le texte médiéval
est la disparition des considérations sur l’étymologie du mot géométrie, inspirées d’Isidore de Séville.
De même, dans le récit historique, on voit disparaître l’appareil d’érudition médiévale si complaisam-
ment étalé dans le Cooke II. Seule subsiste, en dehors des références bibliques, une allusion à Pierre
Comestor, le « Maître des Histoires », mais visiblement la référence n’est plus comprise du copiste, qui
parle des « maîtres d’histoires ». Cette disparition de l’érudition médiévale est un bon argument pour
placer la révision du texte à l’époque de la Réforme.
Le récit historique suit dans les grandes lignes le texte médiéval, quoique la rédaction soit plus
concise. Nous trouvons d’abord l’invention des sciences par les enfants de Lamech, et le récit de la
manière dont ces sciences furent sauvées du Déluge. Mais, alors que dans le texte médiéval, les deux
colonnes sur lesquelles les sciences étaient écrites étaient retrouvées, l’une par Pythagore et l’autre par
Hermès, dans le Grand Lodge no 1, on n’en retrouve plus qu’une. Sans doute le rédacteur a-t-il réfléchi
qu’une seule des colonnes avait été prévue pour résister à l’eau. La correction est logique, mais elle
entraîne la disparition de Pythagore au profit du seul Hermès, dont on nous dit d’ailleurs de façon
énigmatique qu’il s’appelait d’abord Hermarines ; la solution de cette énigme est peut-être à chercher
dans l’étude de l’abondante littérature qui a fleuri autour du Corpus Hermeticum à partir de la fin du
XVe siècle, à moins qu’Hermarines ne soit qu’une forme corrompue du nom d’Hermès sous la plume
d’un copiste ignorant, corruption qu’un copiste plus instruit aurait ensuite cherché à rattraper.
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Nous retrouvons ensuite la construction de la tour de Babel et des anciennes villes de l’Orient, et
les premiers devoirs donnés aux maçons par Nemrod à cette occasion ; l’introduction des sciences en
Égypte par Abraham, qui les enseigne à Euclide ; et le récit de la « fondation » du métier en Égypte par
Euclide, due à la nécessité de donner des moyens d’existence aux trop nombreux enfants des seigneurs
du pays. De là nous passons à Jérusalem où les Israélites apportent le métier après leur sortie d’Égypte,
et nous assistons à la construction du Temple, commencé par David et achevé par Salomon. Tout cela
suit le plan du récit médiéval. Mais, alors que dans le récit médiéval le maître maçon du Temple n’était
pas nommé – le Cooke II l’appelle seulement « le fils du roi de Tyr » –, le Grand Lodge no 1, qui en fait
toujours le fils du roi de Tyr, le nomme. Toutefois il ne le nomme pas Hiram, comme on s’y attendrait,
mais Aynone, et cela est d’autant plus curieux que le roi de Tyr, lui, est nommé Iram. Ce nom d’Aynone
(ou une forme voisine : Aynon, Aymon...), est celui que l’on rencontre le plus fréquemment dans les Old
Charges post-médiévales – très peu de manuscrits, et tardifs, donnent au maître-maçon du Temple le
nom d’Hiram ; il n’est pas expliqué de façon satisfaisante, et reste une énigme.
Le texte médiéval nous disait ensuite que de Jérusalem la Maçonnerie fut importée en France. Il
ne nous disait pas par qui, mais précisait que ce fut au temps du roi Carolus Secundus, ou Charles II
(le texte médiéval utilisait ici une source latine perdue). Le Grand Lodge no 1 nous donne le nom du
maçon zélé qui, après avoir travaillé à la construction du Temple de Jérusalem, apporta la maçonnerie
en France : c’est Naymus Grecus. Ce nom, qu’on retrouve dans les autres manuscrits post-médiévaux
sous des variantes très diverses, est une autre énigme des Old Charges ; il n’est pas, lui non plus,
expliqué de façon satisfaisante. Quant au roi Charles II, qui dans la source primitive devait désigner
Charles le Chauve, il est devenu Charles Martel, lequel comme on sait ne fut jamais roi. Cette mention
de Charles Martel, quoiqu’elle apparaisse tardivement dans les Old Charges, doit remonter à une
ancienne tradition française, puisque Charles Martel apparaît dans le Livre des métiers d’Étienne Boileau
(écrit sous le règne de Saint Louis) comme ayant dispensé du guet les mortelliers et tailleurs de pierre
de Paris.
De France nous passons en Angleterre, où le métier fut introduit par saint Alban. Le récit médiéval
mentionnait d’abord saint Amphiballe (sous la forme corrompue de saint Adhabelle dans le Cooke 17),
qui « convertit saint Alban au christianisme ». Saint Amphiballe a disparu du Grand Lodge no 1 et des
autres manuscrits dérivés de la révision du XVIe siècle, peut-être parce que dès cette époque l’existence
de ce saint était mise en doute. De saint Alban (martyrisé sous Dioclétien), le récit médiéval passait
sans transition au temps du roi Athelstan (Xe siècle). Ici, le réviseur du XVIe siècle, qui a laissé passer
sans faire la moindre tentative pour corriger les énormes anachronismes du récit médiéval (Euclide
élève d’Abraham ; la construction du Temple de Salomon débouchant dans l’époque carolingienne) a
éprouvé le besoin de situer saint Alban et Athelstan l’un par rapport à l’autre dans l’histoire, et de
combler le vaste espace de temps qui les sépare. Il le fait en rappelant les guerres qui furent « apportées
[en Angleterre] par diverses nations » (les invasions saxonnes, puis danoises) « de sorte que le bon
gouvernement de la Maçonnerie fut détruit jusqu’au temps du roi Athelstan ». Le fils du roi Athelstan,
déjà mentionné de façon anonyme dans le récit médiéval, reçoit ici le nom d’Edwin qu’on retrouve
dans la plupart des manuscrits post-médiévaux. Le récit de son œuvre de régénération de la Maçonnerie
anglaise est beaucoup plus détaillé que dans le texte médiéval, et rassemblée d’York est ici mentionnée
pour la première fois. Ainsi s’achève le récit historique, qui débouche directement sur l’énoncé des
devoirs et le serment.
Une phrase latine donne ici une prescription d’ordre rituel. Les récipiendaires doivent placer la
main sur un livre qui est tenu par l’un des anciens, et qui ne peut être que la Bible, car dans une courte
exhortation qui suit on leur dit que c’est un grand péril que de se parjurer dessus. On leur enjoint de
les observer fidèlement, et on enjoint en même temps aux maçons présents de se repentir des trans-
gressions qu’ils auraient pu commettre. Puis on lit les devoirs proprement dits.
Ceux-ci sont présentés d’une manière très différente de celle dont ils sont présentés dans le Regius
et le Cooke I. Ils ne sont plus répartis en articles et points, mais en « devoirs généraux » et « devoirs
particuliers ». Les devoirs généraux ont un caractère essentiellement moral. Les devoirs particuliers
comprennent une première série de devoirs à caractère plus strictement professionnel, et une seconde
série où les clauses de nature professionnelle et les clauses de nature morale alternent, et où l’on trouve
même des clauses réunissant les deux caractères. Il n’y a jamais eu, ni dans les textes médiévaux, ni
dans les textes postérieurs à la Réforme, de séparation parfaitement nette entre ces deux types de devoirs.
Le texte s’achève par une courte formule de serment, dont l’objet est le respect des devoirs qui
viennent d’être lus.
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Au dos du manuscrit figurent les mots suivants, écrits par une main du XVIIIe siècle :
On a comparé l’écriture de ces quelques lignes à celle de Thomas Dunckerley, possesseur possible
du manuscrit au XVIIIe siècle, et on a trouvé que les deux écritures sont différentes. On ignore donc qui
est l’auteur de cette suscription. Elle émane en tout cas certainement d’un maçon, qui avait prêté
serment sur le prologue de l’Évangile de saint Jean.
Traduction
Que la puissance du Père du ciel, et la sagesse du Fils glorieux, par la grâce et la bonté du Saint
Esprit, qui sont trois personnes et un seul Dieu, soient avec nous à notre commencement, et nous
donnent la grâce de nous gouverner ici dans notre vie de telle sorte que nous puissions parvenir à Sa
béatitude qui n’aura jamais de fin. Amen.
Bons frères et compagnons, notre propos est de vous dire comment et de quelle manière ce digne
métier de Maçonnerie a commencé, et ensuite comment il a été conservé par de dignes rois et princes
et par beaucoup d’autres hommes vénérables ; et aussi, à ceux qui sont ici nous ferons prêter les
obligations qu’il appartient à tout vrai maçon de respecter, car en toute bonne foi – et les maçons y
prennent bien garde – elles méritent d’être bien observées, car c’est un noble métier et une science
digne d’étude ; car il y a sept sciences libérales et elle est l’une des sept. Les noms des sept sciences
sont les suivants.
La première est la Grammaire, et celle-là enseigne à l’homme à parler correctement et à écrire
correctement. La seconde est la Rhétorique, et celle-là enseigne à l’homme à parler bien et en termes
subtils. Et la troisième est la Dialectique, et celle-là enseigne à l’homme à discerner ou à reconnaître le
vrai du faux. Et la quatrième est l’Arithmétique, et celle-là enseigne à l’homme à calculer et à compter
toutes sortes de nombres. Et la cinquième est la Géométrie, et celle-là enseigne à l’homme la proportion
et la mesure de la terre et de toutes les autres choses, laquelle science est appelée Géométrie 1. Et la
sixième science est appelée Musique, et celle-là enseigne à l’homme l’art du chant, et à jouer de la voix
et de l’orgue, de la harpe et de la trompette. Et la septième science est appelée Astronomie, et celle-là
enseigne à l’homme à connaître la course du soleil et de la lune et des étoiles.
Ce sont là les sept sciences libérales. Lesquelles sept se trouvent toutes par une seule science, à
savoir la Géométrie, et c’est ce qu’on peut vérifier, que [toute] la science du monde se trouve par la
Géométrie, car la Géométrie enseigne à l’homme [la] mesure, la pondération et le poids de toute espèce
de chose sur la terre, car il n’y a aucun homme, pratiquant quelque art que ce soit, qui ne travaille par
quelque proportion ou par quelque mesure, et aucun homme n’achète ni ne vend si ce n’est par quelque
mesure ou quelque poids, et tout cela est géométrie. Et ces marchands, et tous les artisans, et tous les
autres des six 2 sciences, et spécialement le laboureur, et ceux qui cultivent toute espèce de grain et de
semence, les vignerons et les planteurs d’autres fruits (...) 3. Car ni par la Grammaire, ni par l’Arith-
métique, ni par l’Astronomie, ni par aucune de toutes les autres six, un homme ne peut trouver de
proportion ni de mesure, si ce n’est par la Géométrie. C’est pourquoi je pense que la science de
Géométrie est la plus noble de toutes, elle qui trouve toutes les autres.
Comment cette noble science a commencé, c’est ce que je vais vous dire. Avant le Déluge de
Noé, il y avait un homme qui s’appelait Lameth 4 ainsi qu’il était (sic) écrit dans la Bible, au quatrième
chapitre de la Genèse. Et ce Lameth avait deux femmes, et l’une s’appelait Adaa et l’autre s’appelait
Sella ; de cette première femme, Adaa, il eut deux fils, et l’un s’appelait Jabell, et l’autre s’appelait
Juball ; et de l’autre femme, Sella, il engendra un fils et une fille, et ces quatre enfants trouvèrent le
commencement de tous les arts du monde ; et le fils aîné, Jabell, trouva l’art de Géométrie, et il partagea
les troupeaux de moutons et les terres, et le premier il construisit une maison de pierre et de bois,
comme il est noté dans le chapitre susdit. Et son frère Juball trouva l’art de la Musique, le chant de la
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voix, de la harpe et de l’orgue. Et le troisième frère, Tubalcaïn, trouva l’art du forgeron en or, argent,
cuivre, fer et acier. Et la fille trouva l’art du tissage. Et ces enfants savaient bien que Dieu tirerait
vengeance du péché, par le feu ou par l’eau. C’est pourquoi ils écrivirent leurs sciences, qu’ils avaient
trouvées, sur deux colonnes de pierre, afin qu’on pût les retrouver après le Déluge de Noé. Et l’une
des pierres était le marbre, qui ne serait brûlé par aucun feu ; et l’autre pierre était appelée laterns 5, elle
ne serait noyée par aucune eau.
Notre intention est de vous dire en vérité comment et de quelle manière ces pierres furent
retrouvées, sur lesquelles les sciences étaient écrites ; le grand Hermarines, qui était le fils de Cubye 6,
lequel Cubye était fils de Sem, qui était le fils de Noé (ce même Hermarines fut plus tard appelé
Hermès, le père de la sagesse), retrouva une des deux colonnes de pierre, et retrouva les sciences qui y
étaient écrites, et il les enseigna aux autres hommes, et lors de la construction de la tour de Babylone,
on fit grand cas de la Maçonnerie. Et le roi de Babylone, qui s’appelait Nemroth, fut maçon lui-même,
et aima bien le métier, comme il est dit chez les maîtres d’histoires 7. Et lorsqu’il fallut bâtir la cité de
Ninive et d’autres cités de l’Orient, Nemroth, le roi de Babylone, y envoya quarante maçons à la
demande du roi de Ninive, son cousin. Et quand il les envoya, il leur donna l’obligation que voici :
qu’ils soient loyaux les uns envers les autres ; et qu’ils vivent ensemble loyalement ; et qu’ils servent
loyalement leur seigneur pour leur salaire, en sorte que leur maître soit honoré et reçoive tout ce qui
lui revient ; et il leur donna encore d’autres devoirs. Et ce fut la première fois que des maçons reçurent
une obligation concernant leur métier.
De plus, quand Abraham et Sara sa femme allèrent en Égypte, et là il enseigna les sept sciences
aux Égyptiens 8, et il eut un digne élève qui s’appelait Ewckled [Euclide], et il apprenait très bien, et il
fut un maître de toutes les sept sciences ; et en ses jours il advint que les seigneurs et les grands du
Royaume eurent tant de fils – qu’ils avaient eus, les uns de leurs femmes, les autres d’autres dames du
royaume, car ce pays est un pays chaud et d’une abondante fécondité – et 9 ils ne voyaient pas comment
leur donner des moyens d’existence suffisants, ce qui leur causait beaucoup de souci ; et alors le roi du
pays tint un grand conseil et un parlement pour chercher comment ils pourraient pourvoir leurs enfants
d’une manière honorable pour des gentilshommes, et ils n’arrivaient pas à en trouver le moyen. Et
alors ils [firent proclamer] par tout le royaume que s’il y avait un homme qui pût les éclairer, il vînt
à eux, et qu’il recevrait pour son dérangement une compensation dont il aurait lieu d’être satisfait.
Après que cette proclamation eut été faite, ce digne clerc Ewkled [Euclide] se présenta et dit au
roi et à tous ses grands : si vous me prenez pour gouverner vos enfants, et pour leur enseigner une des
sept sciences, de laquelle ils pourront vivre honorablement, en gentilshommes... 10 ; sous la condition
que vous nous garantissiez, à moi et à eux, que j’aurai le pouvoir de les gouverner de la manière que
la science exigea Et le roi et tout son conseil le garantirent aussitôt, et scellèrent le contrat. Et alors ce
digne [clerc, Euclide] prit avec lui les fils de ces seigneurs, et leur enseigna cette science de Géométrie
appliquée, pour construire en pierre toutes sortes de beaux ouvrages qui appartiennent à l’art de bâtir :
églises, temples, châteaux, forteresses et manoirs, et toute autre espèce de bâtiment. Et il leur donna
l’obligation que voici.
Le premier point est qu’ils doivent être fidèles au roi et aux seigneurs 11 qu’ils servent. Et qu’ils
doivent s’aimer entre eux, et être loyaux les uns envers les autres, et qu’ils doivent s’appeler entre eux
compagnons, ou bien frères, et ne pas se traiter de serviteur ni de valet, ni d’aucun autre nom vil. Et
qu’ils doivent mériter honnêtement le salaire que leur donne le seigneur ou le maître qu’ils servent ; et
ils doivent établir maître d’œuvre le plus sage d’entre eux ; et ni l’affection ni la parenté, ni la richesse
ni la faveur ne doivent leur faire choisir un homme de peu de savoir pour être maître de l’œuvre du
seigneur, par quoi le seigneur serait mal servi et eux-mêmes seraient déshonorés. Et aussi qu’ils doivent
appeler maître le gouverneur de l’œuvre tout le temps qu’ils travaillent avec lui. Et [il leur donna]
encore bien d’autres devoirs qu’il serait trop long d’énumérer. Et sur tous ces devoirs il leur fit prêter
un grand serment dont les hommes usaient à cette époque ; et il établit pour eux un salaire raisonnable,
dont ils pussent vivre honorablement. Et aussi qu’ils se réuniraient et s’assembleraient une fois par an,
[pour chercher] comment ils pourraient travailler au service de leur seigneur au mieux de son profit et
de leur propre honneur, et pour corriger entre eux ceux qui auraient commis des fautes contre le
métier ; et c’est ainsi que le métier fut fondé là. Et ce digne clerc Ewckled [Euclide] lui donna le nom
de Géométrie ; et maintenant, dans notre pays, on l’appelle partout Maçonnerie.
Longtemps après, lorsque les enfants d’Israël furent arrivés dans la Terre Promise, qui est main-
tenant appelée parmi nous le pays de Jérusalem, le roi David commença le temple qui est appelé
Templum Domini, et que nous appelons le Temple de Jérusalem. Et ce même roi David aimait bien
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les maçons, et il les chérissait fort et leur donnait un bon salaire, et il leur donna les devoirs et les
coutumes qu’il avait appris en Égypte, ceux qu’avait donnés Ewckled [Euclide], et d’autres devoirs
encore, que vous entendrez plus loin.
Et après la mort du roi David, Salomon, qui était le fils du roi David, acheva le temple que son
père avait commencé. Et il envoya chercher des maçons dans diverses contrées et divers pays, et il les
réunit tous ensemble, de sorte qu’il eut quatre-vingt mille ouvriers, tous travailleurs de la pierre, et ils
étaient tous appelés maçons. Et il choisit trois mille d’entre eux, qui furent établis maîtres et gouverneurs
de son œuvre.
Or, il y avait un roi d’un autre royaume 12, que les hommes appelaient Iram, et il aimait bien le
roi Salomon, et il lui donna du bois de charpente pour son œuvre ; et il avait un fils qui s’appelait
Aynone 13, et celui-ci était maître en Géométrie. Et il fut maître en chef de tous ses maçons, et il fut
maître de tous ses ouvrages de gravure et de sculpture, et de tous les autres travaux de maçonnerie
concernant le temple. Et cela est rapporté dans la Bible, au quatrième livre des Rois, chapitre trois 14 ;
et le [même] Salomon confirma les devoirs et les coutumes que son père avait donnés aux maçons. Et
c’est ainsi que ce noble métier de Maçonnerie fut confirmé dans le pays de Jérusalem, et dans bien
d’autres royaumes.
Des hommes du métier pleins de zèle voyagèrent au loin, en divers pays, les uns pour étudier le
métier et acquérir plus de savoir, et les autres pour instruire ceux qui en manquaient, et ainsi il advint
qu’il y eut un maçon zélé qui s’appelait Naymus Grecus 15, qui avait été à la construction du temple
de Salomon ; et il vint en France, et là il enseigna la science de Maçonnerie aux hommes de France.
Et il y eut un homme de la famille royale de France qui s’appelait Charles Martel 16, et c’était un homme
qui aimait bien ce métier, et il fit venir à [lui] ce Naymus Grecus, et il apprit de lui le métier, et il
[adopta] les devoirs et les coutumes. Et ensuite, par la grâce de Dieu, il fut élu pour être roi de France.
Et quand il fut sur le trône il prit des maçons, et les aida à faire maçons des hommes qui ne l’étaient
pas, et il les mit à l’ouvrage, et il leur donna les devoirs et les coutumes – et un bon salaire – qu’il
avait appris des autres maçons. Et il leur confirmait d’année en année une charte qui leur permettait
de tenir leur assemblée où ils voulaient, et il les chérissait fort. Et c’est ainsi que le métier vint en
France.
Pendant tout ce temps, l’Angleterre resta privée de tout devoir de Maçonnerie, jusqu’au temps de
saint Albons [saint Alban] ; et en ses jours le roi d’Angleterre, qui était un païen, fit construire les
remparts de la ville qui est appelée Saint-Albans. Et saint Alban était un digne chevalier, et intendant
de la maison du roi, et il avait l’administration du royaume, et aussi la charge des fortifications des
villes ; et il aimait bien les maçons et les chérissait fort, et il mit leur salaire à un haut niveau (eu égard
aux ressources du royaume), car il leur donna deux shillings et six pence par semaine, plus trois pence
pour leurs réjouissances ; car auparavant dans tout le pays un maçon ne recevait qu’un penny par jour,
plus sa nourriture, jusqu’à ce que saint Albone y portât remède ; et il leur fit obtenir une charte du roi
et de son conseil, leur permettant de tenir un conseil général, et il lui donna le nom d’assemblée. Et
il y venait lui-même, il aidait à faire des maçons, et il leur donna des devoirs, que vous entendrez
bientôt.
Après la mort de saint [Alban], il y eut diverses guerres en Angleterre, apportées par diverses
nations, de sorte que le bon gouvernement de la Maçonnerie fut détruit jusqu’au temps du roi Athelston
[Athelstan], qui fut un bon roi d’Angleterre, et donna à tout le pays la tranquillité et la paix, et
construisit beaucoup de grands ouvrages, abbayes, forteresses, et beaucoup d’autres édifices. Et il aimait
bien les maçons, et il avait un fils qui s’appelait Edwin, et celui-ci aimait les maçons bien plus encore
que son père. Et il pratiqua beaucoup la Géométrie, et il s’efforçait de fréquenter des maçons et de
discuter avec eux pour apprendre d’eux le métier. Et par la suite, à cause de l’amour qu’il portait aux
maçons et au métier, il fut fait maçon. Et il obtint du roi son père une charte et un pouvoir, pour
tenir chaque année une assemblée, une fois l’an, où ils voudraient dans le royaume d’Angleterre, et
pour corriger entre eux les fautes et les transgressions qui auraient été commises dans le métier. Et il
tint lui-même une assemblée à York ; et là, il fit des maçons, il leur donna des devoirs, il leur enseigna
des coutumes, et il ordonna que la règle en serait gardée à jamais ; et il leur confia la charte et le
pouvoir, et il fit une ordonnance stipulant qu’ils devraient être renouvelés de règne en règne.
Et quand l’assemblée fut réunie, il fit une proclamation : que tous les maçons, jeunes et vieux,
qui auraient en leur possession quelque écrit, ou quelque connaissance des devoirs et des coutumes qui
avaient été établis auparavant dans ce pays ou dans tout autre, les apportent et les produisent. Et à
l’examen il s’en trouva qui étaient en français, d’autres qui étaient en grec, d’autres en anglais, et d’autres
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dans d’autres langues, et on trouva qu’ils concordaient tous. Et il fit là un livre 17 sur la manière dont
le métier fut fondé. Et il commanda et ordonna en personne qu’on le lirait ou qu’on le réciterait chaque
fois qu’on ferait un maçon, et pour lui faire prêter son obligation ; et depuis ce jour jusqu’à maintenant
les coutumes des maçons ont été conservées en cette forme, aussi bien qu’il était possible à des hommes
de le faire ; et de plus, lors de diverses assemblées, certains devoirs ont été faits et ordonnés par le
conseil excellent des maîtres et des compagnons.
Tunc unus ex Senioribus tenent librum, et ille vel illi apposuerunt manus sub libru[m], [e]t tu[n]c
pra[e]cepta deberent legi &c 18.
Que tout homme qui est maçon prête bien attention à ces devoirs : si un homme se trouve
coupable sur l’un quelconque de ces devoirs, qu’il s’en corrige devant Dieu ; et vous en particulier, qui
allez prêter votre obligation, prenez bien soin d’observer parfaitement ces devoirs, car c’est un grand
péril pour un homme que de se parjurer sur un Livre.
Le premier devoir est celui-ci. Que vous devez être des hommes fidèles à Dieu et à la sainte Église ;
et que vous n’usiez ni d’erreur ni d’hérésie en votre entendement et jugement, mais que vous soyez des
hommes de bon jugement et des hommes sages en toute chose.
Et aussi, que vous devez être de fidèles hommes liges du roi d’Angleterre, vous gardant de la
trahison et de toute autre déloyauté ; et qu’aucune trahison ou félonie ne vienne à votre connaissance
sans que vous cherchiez à l’empêcher discrètement si vous le pouvez ou, si vous ne le pouvez pas, que
vous en avertissiez le roi et son conseil.
Et aussi, vous devez être loyaux les uns envers les autres, c’est-à-dire qu’envers tous maçons du
métier de Maçonnerie qui sont maçons approuvés, vous devez agir envers eux comme vous voudriez
qu’ils agissent envers vous.
Et aussi que vous gardiez fidèlement toutes les délibérations de vos compagnons, que ce soit en
loge ou en chambre, et toutes les autres délibérations qu’il y a lieu de garder en fait de Maçonnerie.
Et aussi qu’aucun maçon ne doit être un voleur ou autrement 19, pour autant qu’il puisse le savoir
ou connaître.
Et aussi, que vous devez être loyaux les uns envers les autres, et envers le seigneur ou le maître
que vous servez, et vous devez rechercher loyalement son profit et son avantage.
Et aussi vous devez appeler maçons vos compagnons ou frères 20, et ne leur donner aucun autre
nom vil.
Et aussi, vous ne devez pas prendre criminellement la femme de votre compagnon, ni désirez avec
impiété sa fille ni sa servante, ni lui causer aucun déshonneur.
Et aussi que vous payiez honnêtement votre nourriture et votre boisson là où vous logez.
Et aussi, vous ne commettrez aucune vilenie là où vous logez, ce qui ferait médire du métier.
Tels sont les devoirs qu’il appartient à tout vrai maçon en général d’observer, tant aux maîtres
qu’aux compagnons 21.
Je vais vous énumérer d’autres devoirs particuliers aux maîtres et aux compagnons : premièrement,
qu’aucun maître ou compagnon ne se chargera de l’œuvre d’un seigneur, ni d’aucun autre travail, s’il
ne se sait capable et suffisamment instruit pour l’achever, de sorte qu’il n’en résulte aucun dommage
pour la renommée et l’honneur du métier, et que le seigneur soit bien et loyalement servi.
Aussi, qu’aucun maître ne prenne d’ouvrage qu’à un prix raisonnable, de sorte que le seigneur
puisse être bien servi pour son argent, et que le maître puisse vivre honorablement et payer loyalement
leur salaire à ses compagnons, selon la coutume.
Aussi, qu’aucun maître ou compagnon n’en évincera un autre de son travail ; c’est-à-dire que si
quelqu’un s’est chargé d’un travail ou est maître de l’œuvre d’un seigneur, on [ne] l’en évincera [pas],
sauf s’il est incompétent pour l’achever.
Et aussi, qu’aucun maître ou compagnon ne prenne d’apprenti que pour une durée de sept ans ;
et que l’apprenti soit de naissance compétente, c’est-à-dire né libre, et entier de ses membres comme
un homme doit l’être.
Et aussi, qu’aucun maître ou compagnon ne prenne licence d’être fait maçon [sic, pour : de faire
un maçon] sans l’accord et l’avis de ses compagnons. Et qu’il ne le prenne pas pour moins de six ou
sept ans 22, et que celui qui doit être fait maçon possède toutes les qualités requises, c’est-à-dire qu’il
soit né libre et de bonne ascendance, qu’il soit honnête, et qu’il ne soit pas serf ; aussi, qu’il ait tous
ses membres sains, comme un homme doit les avoir.
Aussi, qu’aucun maçon ne prenne d’apprenti à moins d’avoir suffisamment de travail à lui donner,
ou de pouvoir mettre trois de ses compagnons, ou au moins deux, au travail avec lui.
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Et aussi, qu’aucun maître ou compagnon ne prendra à la tâche du travail qui se faisait auparavant
à la journée.
Aussi, que tout maître paiera à ses compagnons seulement ce qu’ils méritent, de sorte qu’il ne
soit pas trompé par des ouvriers déloyaux.
Aussi 23, qu’aucun maçon ne médira d’un autre derrière son dos, de manière à lui faire perdre sa
bonne réputation ou ses biens terrestres.
Aussi qu’aucun compagnon, ni dans la loge ni au-dehors, ne répondra mal et avec impiété à un
autre, ni le lui parlera sur un ton de reproche sans motif raisonnable.
Aussi, que tout maçon respectera ses aînés, et les honorera.
Et aussi, qu’aucun maçon ne s’adonnera aux jeux de hasard, ni aux dés, ni à aucun autre jeu
défendu, ce qui pourrait faire médire du métier.
Et aussi, qu’aucun maçon n’usera de luxure, ni ne s’adonnera à la débauche, ce qui pourrait faire
médire du métier.
Et aussi, qu’aucun compagnon ne sorte en ville le soir, là où il y a une loge de compagnons, sans
avoir avec lui un compagnon qui puisse témoigner qu’il n’a été qu’en des lieux honnêtes.
Aussi que tout maître et compagnon viendra à l’assemblée si elle a lieu dans un rayon de cinquante
miles autour de lui, s’il en a été averti. Et s’il a commis un délit contre le métier, alors [ce sera] pour
subir la sentence des maîtres et compagnons.
Aussi que tout maître et compagnon qui aura commis un délit contre le métier sera soumis là où
la sentence des maîtres et compagnons/pour les mettre d’accord s’ils le peuvent. Et s’ils ne peuvent pas
les mettre d’accord, qu’ils s’en remettent à la loi civile 24.
Aussi, qu’aucun maître ou compagnon ne fasse de gabarit, d’équerre ni de jauge pour un maçon
bâtisseur ; ni ne donne à un maçon bâtisseur, dans la loge ou au-dehors, des pierres à tailler ou à
sculpter 25.
Et aussi, que tout maçon accueille et traite avec affection les maçons de passage 26, quand ils
arrivent après avoir parcouru les pays, et qu’il les mette au travail, s’ils le désirent, comme le veut la
coutume ; c’est-à-dire s’ils ont des pierres à sculpter sur place (...) 27 ; ou bien il lui donnera de l’argent
pour lui permettre d’aller jusqu’à l’endroit le plus proche où on puisse l’héberger.
Aussi, que tout maçon servira loyalement le seigneur pour son salaire ; et tout maître achèvera
loyalement son ouvrage, qu’il soit à la tâche ou à la journée, s’il a vos ordres et tout ce qu’il devait
avoir 28.
Ces devoirs que nous venons de vous énumérer 29, et tous les autres qui appartiennent aux maçons,
vous les garderez ; ainsi, que Dieu vous soit en aide, et [le souci de] votre salut éternel, et par ce livre
qui est dans votre main, en votre pouvoir 30. Amen, ainsi soit-il.
NOTES
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Introduction
Ce manuscrit appartient à la Grande Loge provinciale du Yorkshire de l’Ouest. Son nom provient
de celui du frère William Watson, bibliothécaire de ladite Grande Loge, qui l’acheta pour le compte
de celle-ci, en 1890, d’un certain M. Walter Hamilton, qui n’était pas franc-maçon.
Il fut presque aussitôt publié par Hughan dans la revue The Free-Mason, puis par Speth dans les
Quatuor Coronatorum Antigrapha, no II (1891), quatrième partie. Notre traduction a été faite d’après
la transcription de Speth.
Comme dans le cas du manuscrit Grand Lodge no 1, on sait très peu de chose de son histoire.
M. Hamilton l’avait reçu en cadeau, quelques années avant 1890, d’un de ses parents résidant à
Newcastle-on-Tyne ; ce dernier l’avait lui-même trouvé dans un vieux coffre de fer qui n’avait pas été
ouvert depuis bien des années, et ne savait rien de son origine.
En fait, le manuscrit se présente comme ayant été copié en 1687 par un certain Edward Thompson.
La date n’a pas été contestée du point de vue paléographique, et certains éléments de critique interne
s’accordent bien avec elle : l’orthographe des noms bibliques – comme on le verra en détail dans les
notes – suit presque toujours celle de la version autorisée, ou version du roi Jacques, approuvée par
Jacques Ier en 1611, et l’on trouve une allusion très nette à la présence dans la maçonnerie de membres
acceptés (voir la note 131). On peut donc retenir la date de 1687, mais l’identité du copiste, Edward
Thompson, reste inconnue.
Du point de vue de la classification de Old Charges, le William Watson est le principal repré-
sentant de la famille Plot. Il en est même, selon Speth, le seul manuscrit actuellement localisé, les autres
n’étant connus que de manière indirecte. Parmi ceux-ci figure le manuscrit qui a donné son nom à la
famille, et qui s’était trouvé, à une date voisine de celle de la rédaction du William Watson, entre les
mains du Dr Plot, auteur en 1686 d’une Histoire naturelle du Staffordshire. Dans cet ouvrage resté alors
inédit, le Dr Plot a inséré une notice sur la franc-maçonnerie. Il y analyse assez précisément le manuscrit
qu’il lisait, et la parenté entre ce manuscrit et le William Watson en ressort assez clairement.
Ce qui caractérise les manuscrits de la famille Plot et fait leur intérêt spécifique est qu’ils attestent
le maintien d’une tradition textuelle médiévale malgré la révision du texte des Old Charges au XVIe siècle.
Nous avons parlé de cette révision dans l’introduction au manuscrit Grand Lodge no 1 de 1583, le plus
ancien témoin connu du texte révisé. Nous y avons indiqué les principales modifications que la révision
a apportées au texte médiéval du récit historique représenté par ce que nous avons appelé l’original du
Cooke II, et le lecteur a pu se faire une idée plus précise de ces modifications en lisant en parallèle le
Grand Lodge no 1 et les lignes 1 à 642 du Cooke. Presque tous les manuscrits des Old Charges
postérieurs à la Réforme sont des versions plus ou moins fidèles du texte révisé dont elles dérivent.
Nous renvoyons là-dessus au compte rendu que nous avons fait de l’article du Frère Mac Leod, « Un
manuscrit perdu reconstitué », particulièrement aux tableaux généalogiques.
Les manuscrits de la famille Plot occupent une place à part, qui est mise en évidence dans le
premier des tableaux précités. Ils représentent le maintien (partiel, comme nous le verrons) de la tradition
médiévale, parallèlement à la tradition issue du texte révisé.
En fait, cela s’applique essentiellement au récit historique, dont la source première est ce que Mac
Leod appelle le texte médiéval, et que nous avons appelé de façon plus précise l’original du Cooke II.
Cet original a eu pour descendant immédiat (ou quasi immédiat) au Moyen Âge le Cooke II, que le
compilateur de notre Cooke a inséré dans son ouvrage, dont il forme la première partie, lignes 1 à 642.
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Il a eu pour descendants beaucoup plus lointains, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les manuscrits
de la famille Plot, tout au moins la partie historique de ces manuscrits.
C’est ce que le lecteur pourra constater en lisant en parallèle le récit historique du William Watson
et la première partie du Cooke. Malgré la différence des traductions, il verra que les deux récits sont
à peu près identiques. En fait, la comparaison directe des textes anglais montre que, jusqu’à un certain
tournant du récit que nous préciserons, ils sont réellement identiques, à part des variantes de détail
qu’il est naturel de trouver entre deux textes dérivés d’un même original à travers des recopiages
successifs.
On pourrait alors être tenté de demander : le récit historique du William Watson ne dériverait-il
pas du Cooke II lui-même, tel que nous le lisons dans le Cooke actuel ? La réponse est non, car dans
quelques passages le William Watson nous a transmis des éléments de l’original qui ne se retrouvent
pas dans le Cooke II (voir en particulier les notes 20 et 43. Le Cooke II et le récit historique du William
Watson dérivent donc de l’original commun par deux traditions manuscrites indépendantes.
Qui plus est, dans le William Watson, la fidélité à la tradition médiévale ne va pas jusqu’au bout
du récit historique. Elle s’arrête au moment du passage de la Maçonnerie de France en Angleterre (voir
la note 131). À partir de ce moment-là, le rédacteur se rapproche du texte révisé au XVIe siècle, mais
sans le suivre servilement, et en continuant d’utiliser dans son récit des éléments hérités de la tradition
médiévale. On peut dire que dans sa présentation de l’histoire du métier en Angleterre, il utilise la
tradition médiévale et le texte révisé comme deux sources qu’il combine de manière originale, selon sa
propre inspiration.
En ce qui concerne l’énoncé des devoirs, en revanche, le rédacteur s’est presque totalement rallié
au texte révisé. On constatera que la liste des devoirs est strictement conforme à celle que l’on trouve
dans le manuscrit Grand Lodge no 1. Toutefois, le rédacteur y a rajouté in fine quelques articles sup-
plémentaires qui semblent, eux, s’inspirer directement d’une tradition médiévale ; non pas, cette fois,
celle de l’original du Cooke II, mais celle qui est commune au Regius et au Cooke I.
Les notes que nous avons jointes à notre traduction permettront au lecteur, nous l’espérons, de
se faire une idée plus précise des rapports que nous n’avons pu qu’esquisser dans cette introduction.
En particulier, sans prétendre établir un véritable appareil critique – ce qui n’aurait de sens que dans
une édition du texte anglais – nous avons relevé du mieux que nous l’avons pu les variantes entre le
William Watson et le Cooke là où les deux textes sont parallèles, en commentant celles qui nous ont
paru avoir un intérêt critique.
Traduction
[En tête du manuscrit figure un dessin grossier représentant les armes des Francs-Maçons 1, accompagné
de la devise : « Dans le Seigneur est toute notre confiance. »)
Grâces soient rendues à Dieu, notre Père glorieux 2, créateur 3 du ciel et de la terre, et de toutes
les choses qui y sont, d’avoir voulu consentir, par un mouvement de sa glorieuse divinité, à créer tant
de choses pourvues des diverses vertus utiles au genre humain, car il a fait toutes les choses du monde 4
pour qu’elles soient obéissantes et soumises à l’homme ; et toutes les choses qui sont comestibles et de
nature saine, il les a destinées à servir de nourriture à l’homme pour sa subsistance, et il a aussi donné
à l’homme l’intelligence et l’entendement de diverses sciences et arts, au moyen desquels nous pouvons
voyager 5 en ce monde pour gagner notre vie et faire diverses choses pour le plaisir de Dieu et aussi
pour notre commodité et profit ; lesquelles choses, si je devais les énumérer, cela serait trop long à dire
ou à écrire ; c’est pourquoi je laisserai cela, mais je vous en montrerai et dirai une partie 6, et comment
et de quelle manière la science de Géométrie a d’abord commencé, et quels en furent les fondateurs,
ainsi que des autres métiers, comme il est noté dans la Bible et dans d’autres histoires encore ; comment
et de quelle manière cette précieuse science de Géométrie a d’abord commencé, je vais vous le raconter
comme je viens de le dire ; vous venez entendre qu’il a sept sciences libérales, et au moyen de ces sept
sciences toutes les sciences et tous les métiers du monde ont été inventés, et spécialement à partir de
la Géométrie 7 car elle est celle qui fait exister toutes les autres ; desquelles sept sciences voici les noms.
Pour la première, elle est appelée fondement des sciences, son nom est Grammaire, elle enseigne
à l’homme à écrire correctement et à parler vrai. La seconde est la Rhétorique, et elle enseigne à l’homme
à parler avec élégance et beauté. La troisième est la Logique 8, car elle enseigne à l’homme à discerner
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le vrai du faux, et on l’appelle très communément l’art de la Sophistique. La quatrième est appelée
l’Arithmétique, laquelle enseigne à l’homme l’art du nombre, pour calculer et dénombrer toutes les
sortes de choses 9. La cinquième est la Géométrie, qui enseigne à l’homme la proportion et la mesure,
et les pondérations ou poids en toutes sortes de métiers. La sixième est la Musique, qui enseigne à
l’homme l’art des chants 10 avec les voix et les orgues, la trompe et la harpe, et tout ce qui s’y rapporte.
La septième est l’Astronomie, qui enseigne à l’homme à connaître les heures 11 du soleil et de la lune,
et de toutes les autres planètes et étoiles du ciel.
Notre intention est principalement de traiter de l’origine première de la précieuse science de
Géométrie, et de ceux qui en furent les fondateurs ; comme je l’ai dit précédemment, il y a sept sciences
libérales, c’est-à-dire sept sciences ou métiers qui sont libres en eux-mêmes 12, lesquelles sept sciences
s’appuient toutes sur l’une d’entre elles, et celle-ci est la Géométrie 13. Et Géométrie, cela revient à dire
la mesure de la terre, et ainsi a q r qd et tera latine et metron mensure, un Geometrie, i mesure nos fra 14,
c’est-à-dire en anglais que Géométrie vient, comme je l’ai dit, de geo, en grec terre, et metron, c’est-à-dire
mesure ; c’est ainsi que ce nom de Géométrie est composé, et est dit mesure de la terre. Ne vous
étonnez pas si j’ai dit que toutes les sciences s’appuient sur la seule science de Géométrie, car il n’y a
pas d’objet ni d’ouvrage ouvré de main d’homme qui ne soit ouvré par Géométrie, et cela pour une
bonne raison : c’est que si un homme travaille de ses mains, il travaille avec un outil ou un autre, et
il n’y a point d’instrument en ce monde, de quelque manière qu’il soit fait, qui ne soit, par son origine,
de la nature de la terre 15, et qui ne doive retourner à la terre ; et il n’y a point d’instrument, autrement
dit d’outil servant à travailler, qui n’ait quelque proportion, plus ou moins ; or, la proportion c’est la
mesure, et l’outil est terre, et par conséquent tout instrument est terre, et la Géométrie est dite la
mesure de la terre, c’est pourquoi je puis dire que tous les hommes vivent de la Géométrie, car tous
les hommes au monde vivent du travail de leurs mains 16. J’aurais beaucoup d’autres preuves à vous
donner de ce que la Géométrie est la science dont vivent les hommes doués de raison, c’est pourquoi
je laisse cela pour le moment car ce serait trop long à écrire, et je veux maintenant avancer dans mon
sujet.
Vous devez entendre que parmi tous les arts 17 du monde, en fait de métiers manuels, la Maçonnerie
a la plus grande notoriété, et [forme] la plus grande partie de cette science de Géométrie, ainsi qu’il
est noté et exprimé aussi bien dans les Histoires que dans la Bible, et chez le Maître des Histoires 18, et
dans le Policronion 19 – c’est une histoire qui a fait ses preuves – et aussi dans le docteur des Histoires
qui est appelé Bède 20, le De Imagine Mundi 21, les Étymologies d’Helidore [Isodore], Méthode évêque
et martyr et d’autres 22. Je suppose qu’on peut bien le dire, car elle fut trouvée de la manière qui est
notée dans la Bible, dans le premier livre [qui est celui] de la Genèse 23.
Parmi les fils descendus d’Adam en ligne directe 24, à la septième génération à partir d’Adam,
avant le Déluge de Noé, il y eut un homme appelé Lamech, lequel eut deux femmes ; l’une s’appelait
Adala 25 et l’autre Zillah 26. De la première femme, qui s’appelait Adala, il eut deux fils ; l’un s’appelait
Jaball et l’autre Juball. Le fils aîné Jaball fut le premier à trouver la Géométrie, intentores atator pastor,
c’est-à-dire le père des hommes 27. [Il] devint le maître maçon et le gouverneur de cet ouvrage lorsqu’il
fit la cité d’Hénoch, qui fut la première cité qu’on ait jamais construite 28, et ce fut Caïn 29, fils d’Adam,
qui la construisit, et [il] la donna à son propre fils Énoch et il donna à la ville le nom de son propre
fils Énoch 30, et maintenant elle est appelée Éphrame 31, Et c’est là que la science de Géométrie et de
Maçonnerie fut pour la première fois appliquée, et mise au point en tant que science et métier, et ainsi
nous pouvons dire que ce fut là 32 la cause première et le fondement 33 de toutes les sciences et métiers 34.
Et de plus cet homme, Jaball, fut appelé pastor pastoru 35 ; et comme 36 dit le Maître des Histoires, et
Bède [le De] Imagine Mundi, le Polocronicon (sic), et d’autres encore disent qu’il fut le premier qui ait
jamais fait un partage du sol, de manière que chaque homme pût connaître son propre terrain et y
travailler comme à son bien propre ; il partagea les troupeaux de moutons, de manière que chaque
homme pût savoir quels étaient ses moutons, et ainsi nous pouvons dire qu’il fut le premier fondateur
de cette science. Et son frère Juball 37 fut le premier fondateur de la Musique, comme Pythagore 38 le
dit dans le Polocronicon, et Isidore dit la même chose dans les Étymologies, au livre six : il dit qu’il fut
le premier fondateur de la Musique, en fait de chant, d’orgue et de trompe 39, et [qu’]il trouva la science
[de la Musique] 40 par le son et le poids des marteaux 41 de son frère, et celui-ci était Juball Caïn 42.
Semblablement la Bible dit dans le même chapitre de la Genèse 43 que Lamech engendra de son
autre femme 44 Zillah un fils et une fille dont les noms furent Tubal Caïn 45 – c’était son fils – et le
nom de sa fille Madmah 46 ; et quoique certains disent, selon le Polocronicon, qu’elle était la femme
d’un autre homme 47, nous ne saurions dire avec certitude si cela est vrai ou non. Mais ce 48 Tubal
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Caïn45 fut le premier fondateur de l’art du forgeron et des autres métiers du métal, à savoir du fer et
du cuivre, de l’or et de l’argent, comme le disent certains docteurs 49 ; et sa sœur Madmah46 fut la
première fondatrice de l’art du tisserand 50, car auparavant on ne tissait pas d’étoffe, mais ils filaient et
tricotaient et se faisaient les vêtements qu’ils pouvaient ; mais comme cette femme Madmah46 inventa
l’art du tissage, pour cette raison on l’a appelé métier de femme 51.
Et ces trois frères 52 savaient par avance 53 que Dieu voulait tirer vengeance du péché par le feu ou
par l’eau, et s’inquiétaient fort de savoir comment ils pourraient faire pour sauver les sciences qu’ils
avaient inventées ; et ils tinrent conseil ensemble, et en réunissant leurs lumières ils se dirent qu’il y avait
deux variétés de pierre dont les vertus étaient telles que l’une ne brûlerait jamais – et cette pierre est
appelée le marbre – et une autre pierre qui ne serait jamais engloutie par les eaux – et cette pierre est
appelée laterus 54 ; et ainsi ils conçurent l’idée d’écrire toutes les sciences qu’ils avaient inventées sur ces
deux pierres, de sorte que si Dieu exerçait sa vengeance par le feu, alors la pierre de marbre ne brûlerait
pas, et si Dieu envoyait sa vengeance par l’eau, l’autre pierre ne coulerait pas. Et ainsi ils veillèrent à ce
que leur frère aîné Jaball fît deux colonnes de ces deux sortes de pierre, c’est-à-dire de marbre et de
laterus, et qu’il écrivît sur ces deux colonnes toutes les sciences et tous les arts qu’ils avaient inventés, et
c’est ce qu’il fit 55. C’est pourquoi nous pouvons dire qu’il fut le plus habile des hommes dans les sciences,
car il mena l’ouvrage du début à la fin avant le Déluge de Noé. Tout en sachant bien que Dieu enverrait
sa vengeance, si ce serait par le feu ou par l’eau, les frères ne le savaient pas ; c’est par une sorte de
prophétie 56 qu’ils savaient que Dieu ferait l’un ou l’autre, et c’est pourquoi ils écrivirent leurs sciences
sur les deux colonnes de pierre. Et certains affirment qu’ils écrivirent la totalité des sept sciences sur
lesdites pierres, car ils avaient connaissance de la vengeance qui allait venir. Et il arriva que Dieu l’envoya
par l’eau 57, si bien qu’il y eut un déluge tel que le monde entier fut englouti, et tous les hommes y
périrent, sauf huit personnes, à savoir Noé 58, sa femme, et ses trois fils avec leurs femmes ; et tout le
monde descend de ces trois fils, et leurs noms sont comme suit : Sem, Cham et Japhett. Et ce déluge
fut appelé le Déluge de Noé, car lui et ses enfants furent sauvés, et personne d’autre.
Et bien des années après 59, comme le raconte la chronique, ces deux colonnes furent retrouvées,
et comme le dit le Polocronicon, un grand clerc que l’on appelait 60 Pythagore38 trouva l’une, et Hermès
le philosophe trouva l’autre, et ils propagèrent les sciences qu’ils y trouvèrent écrites. Toutes les chro-
niques et histoires, et beaucoup d’autres clercs, et la Bible principalement, témoignent de la construction
de la tour de Babylone ; et il est écrit dans la Bible, Genèse chapitre dix, comment Cham, fils de Noé,
engendra Nemrod 61, et celui-ci devint un homme puissant sur la terre, et il fut 62 un homme fort
comme un géant, et il fut un grand roi. Et au commencement de son règne et royauté, il fut le vrai
roi de Babylone 63 et d’Amad 64, [de] Calneth 65 et du pays de Shinar 66. Et ce même Nemrod 67 commença
la tour de Babylone, et il enseigna à ses ouvriers le métier de Maçonnerie, et il y eut avec lui beaucoup
de maçons, plus de quarante mille. Et il les aima bien, et il prit soin d’eux, comme il est écrit dans le
Polocrone (sic), dans le Maître des Histoires, et dans d’autres histoires encore, et la Bible en témoigne
aussi en partie, dans le chapitre dix susdit, où il est dit qu’Assur était étroitement apparenté à la lignée
de Nemrod, issue du pays de Shina 68, et [qu’] il bâtit la cité de Ninive 69 dans Placeas 70 et d’autres
encore. Il est dit ceci : Ve illa taira in defemare egressus est Asshur et edificavit Ninevi et implecens anitates
et Calath et Rifio q’is Ninive et Calath he est civitas magr 71.
La raison voudrait que [nous] exposions ouvertement comment et de quelle manière les devoirs
du métier des maçons furent pour la première fois inventés, et qui lui donna pour la première fois ce
nom de Maçonnerie. Et vous devez savoir que cela est clairement dévoilé 72 dans le Policronicon et dans
« Méthode évêque et martyr ». Assur 73 qui était un noble seigneur 74, fit demander au roi Nemrod de
lui envoyer des maçons et des ouvriers du métier, qui pussent l’aider à bâtir sa cité, qu’il se proposait
de construire et d’achever 75 et Nemrod lui envoya trente centaines de maçons. Et quand il fut sur le
point de les envoyer 76, il les appela devant lui et [leur] dit : « Vous devez aller chez mon cousin Assur
pour l’aider à bâtir une cité, mais veillez à vous bien conduire selon un devoir qui soit profitable à vous
comme à moi 77. Et faites loyalement votre travail et métier ; prenez [un salaire] raisonnable pour votre
peine 78, selon ce que vous méritez. Et je voudrais que vous vous aimiez les uns 79 les autres comme si
vous étiez frères, et que vous restiez loyalement unis. Et que celui qui a le plus de savoir l’enseigne à
son frère ou compagnon 80, et veillez à vous bien conduire envers votre seigneur et entre vous, de sorte
que je reçoive honneur et remerciements pour vous avoir envoyés et vous avoir enseigné le métier. »
Et ils reçurent leur devoir du roi 81 qui était leur seigneur et maître, et ils s’en allèrent chez Assur, et
ils bâtirent la cité de Ninive dans le pays de Plateas, et encore d’autres cités que les hommes appellent
Calath et Resen – c’est une grande cité entre Calath et Ninive 82.
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Et de cette manière le métier de Maçonnerie fut pour la première fois exalté, et pourvu d’un
devoir en tant que science et métier.
La raison voudrait que nous vous montrions comment 83 les anciens qui ont vécu avant notre
époque 84 ont mis le devoir par écrit 85 en latin et en français. Et comment 86 cet Euclide vint à la
Géométrie, nous devrions vous le raconter 87 comme c’est noté dans la Bible et dans d’autres histoires.
Au douzième chapitre de la Genèse 88 il nous est raconté comment Abraham 89 vint dans le pays de
Canaan, et le Seigneur lui apparut et lui dit : « Je te donnerai ce pays, à toi et à ta descendance 90 ».
Mais une grande famine s’abattit sur le pays 91, et Abraham prit avec lui Saraï 92 sa femme, et il alla en
pèlerinage en Égypte ; tant que durerait la famine il y demeurerait. Et Abraham, comme le disent les
récits 93, était un homme sage et un grand clerc, et il connaissait 94 la totalité des sept sciences. Et il
enseigna aux Égyptiens la science de Géométrie 95. Ce noble clerc, Euclide, fut son élève 96, et apprit de
lui la Maçonnerie 97. Et il lui donna pour la première fois le nom de Géométrie 98. Mais il est dit
d’Isodus 99, ethemologor, dans le premier livre 100..., Isodus99, dans ses Étymologies, au cinquième livre 101
Ethemologior [um] capitulo primo, dit qu’Euclide fut l’un des premiers fondateurs de la Géométrie, et
[qu’] il lui donna un nom. Car de son temps il y avait dans le pays d’Égypte un cours d’eau qu’on
appelait 102 Nilo. Et il débordait si loin sur le pays que les hommes ne pouvaient pas y habiter. Et
Euclide 103 leur apprit à faire de grands murs et des fossés pour contenir les eaux. Et par Géométrie il
mesura le pays et le partagea en diverses parties, et il engagea chaque homme à enclore son propre lot
de murs et de fossés, et alors le pays regorgea de toutes sortes de fruits, et abonda en jeunes gens,
garçons et filles 104 : la jeunesse devint si nombreuse que le pays ne pouvait plus vivre à l’aise 105. Et les
seigneurs de ce pays se réunirent 106 et tinrent conseil pour savoir comment ils pourraient venir en aide
à leurs enfants qui n’avaient pas de moyens d’existence adéquats et convenables, et comment ils pour-
raient en trouver pour eux-mêmes et pour leurs enfants, car ils en avaient beaucoup parmi eux, dans
leur conseil 107. Et il y avait là ce noble clerc, Euclide, et quand il se rendit compte qu’à eux tous ils
étaient incapables de résoudre le problème, il leur dit : « Voulez-vous me confier l’éducation de vos
fils ? Je leur enseignerai une science telle qu’ils en vivront noblement, à condition que vous vouliez
bien me jurer d’appliquer les directives que je vous donnerai » 108.
La raison voudrait que chacun consentît à ce qui lui est profitable. Aussi confièrent-ils leurs fils
à Euclide pour qu’il les gouvernât à son gré ; et il leur enseigna le métier de Maçonnerie, et il lui donna
le nom de Géométrie à cause du partage du sol qu’il avait enseigné aux gens en leur faisant faire 109 les
murs et les fossés dont nous avons parlé pour contenir les eaux. Et Isodus99 dit dans ses Étymologies
qu’Euclide 110 appela le métier Géométrie, et que 111 ce digne clerc la nomma, et l’enseigna aux fils des
seigneurs du pays, qu’il avait sous sa houlette. Et il leur donna un devoir : ils devaient s’appeler mutuel-
lement compagnons, et non autrement, parce qu’ils étaient tous du même métier, et nés de noble
naissance, et de 112 fils de seigneurs ; et de plus, celui qui était le plus savant serait gouverneur de
l’ouvrage, et devrait être appelé maître. Et [il leur donna] encore d’autres devoirs, qui sont écrits dans
le livre des devoirs. Et ainsi ils travaillèrent chez les seigneurs du pays, et ils construisirent des villes et
des citadelles 113, des temples et des demeures seigneuriales, et ils vécurent honnêtement et loyalement
dudit métier 114.
Quand 115 les enfants d’Israël séjournèrent en Égypte, ils y apprirent le métier de Maçonnerie, et
par la suite ils furent chassés d’Égypte. Ils vinrent dans la Terre Promise qui est maintenant appelée
Jérusalem, et là 116 [le métier] fut exercé et les devoirs furent observés et gardés, et à la construction du
temple de Salomon, que le roi David commença 117.... Et le roi David aima bien les maçons, et il leur
donna des devoirs très proches de ce qu’ils sont aujourd’hui. Et à la construction du temple de
Salomon 118, comme il est dit dans la Bible au troisième livre des Regnum in tertio regun regn capitul
quinto 119, Salomon avait quatre-vingt mille 120 maçons à son ouvrage, et le fils du roi de Tyr était son
maître maçon. Et [il est dit] dans d’autres chroniques comme il est dit dans de vieux livres de Maçon-
nerie que Salomon confirma les devoirs que son père David avait donnés aux maçons, et Salomon
lui-même leur enseigna leurs coutumes, qui sont très peu différentes 121 des coutumes en usage
aujourd’hui.
Et de là cette noble science fut apportée en France par la grâce de Dieu 122, et en bien d’autres
régions 123. Et en France il y avait un noble chevalier 124 qui s’appelait Carolus Secundus, c’est-à-dire
Charles deuxième, et ce Charles fut élu roi de France par la grâce de Dieu et en vertu de sa naissance.
Cependant, certains disent qu’il ne fut élu que par bonne fortune 125 ce qui est faux et contraire à la
vérité 126, ainsi qu’il ressort clairement de la chronique, car il était du sang des rois, [de sang] royal 127.
Et ce dit roi Charles fut maçon avant d’être roi, et par la suite, quand il fut roi, il aima bien les maçons,
128
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et il prit soin d’eux, et il leur donna un devoir et des coutumes conçues par lui, dont certaines sont
actuellement en usage en France 128, et il ordonna qu’ils recevraient un salaire raisonnable 129 et aussi
qu’ils s’assembleraient 130 une fois l’an et délibéreraient de tout ce qui n’irait pas ; et de même 131 pour
que fût reçu par les maîtres et les compagnons tout honnête maçon ou tout autre digne ouvrier qui
aurait quelque affection pour le métier de Maçonnerie et désirerait savoir comment le métier de Maçon-
nerie vint pour la première fois en Angleterre, et par qui il fut établi et confirmé, comme il est noté
et écrit dans des histoires de l’Angleterre et dans d’anciens devoirs du temps de saint Alban 132 ; et le
roi Ethelstone [Athelstan] déclara qu’Amphabelle [Amphiballe] 133 vint de France en Angleterre, et il
amena saint Alban au christianisme, et il fit de lui un chrétien. Et il apporta avec lui les devoirs des
maçons tels qu’ils étaient en France et dans d’autres pays 134. Et à cette époque le roi du pays, qui était
un païen, habitait là où est maintenant Saint-Alban 135, et il avait beaucoup de maçons occupés à bâtir
les murs de la ville, et à cette époque, saint Alban était intendant du roi, trésorier et gouverneur des
ouvrages du roi, et il aima bien les maçons, et il prit bien soin d’eux, et il leur donna une bonne paye,
car [auparavant] un maçon ne touchait qu’un penny par jour, plus sa nourriture et sa boisson, et saint
Alban obtint du roi que chaque maçon recevrait trente pence 136, et trente pence pour leurs réjouis-
sances 137 ; et il obtint pour eux des devoirs et des coutumes semblables à ceux que saint Amphabelle
lui avait enseignés ; et [ces devoirs] ne diffèrent que peu de ceux qui sont en usage de nos jours ; et
ainsi ces devoirs et ces coutumes furent en usage de nombreuses années, et ensuite ils furent presque
perdus [du fait] des guerres barbares 138, jusqu’au temps du roi Ethelstone, lequel roi Ethelstone (...) 139,
et ce même Edwin aima bien la Géométrie, et s’appliqua activement à l’étude de cette science, et il
désira aussi en avoir la pratique, c’est pourquoi il appela par-devant lui les meilleurs maçons qui étaient
dans le royaume, car il savait bien qu’ils possédaient la pratique de la Géométrie mieux que les membres
de n’importe quel métier dans le royaume 140, et il apprit d’eux la Maçonnerie, et il prit soin d’eux et
les aima bien ; il adopta les devoirs et étudia les coutumes, et ensuite, poussé par l’amour qu’il portait
au métier, et en considération du bon fondement sur lequel il était établi, il obtint du roi son père une
charte de franchise 141, à l’effet qu’ils aient la liberté de rendre la justice entre eux, et qu’ils puissent se
réunir ensemble pour corriger tout ce qui n’irait pas parmi eux. Et ils firent une grande congrégation
des maçons qui devaient s’assembler à York, où il était lui-même, et il fit convoquer les anciens maçons
du royaume à cette congrégation, et il leur commanda de lui apporter tous les écrits et les vieux livres
du métier qu’ils avaient, et à partir de ces livres ils élaborèrent les devoirs par le conseil des maçons les
plus avisés qui étaient là ; et il commanda que des devoirs fussent gardés et observés ; il décida qu’une
telle congrégation serait appelée une assemblée, et il établit pour eux un bon salaire afin qu’ils pussent
vivre honorablement.
Ces devoirs, je les énoncerai ci-après. Et c’est ainsi que le métier de Maçonnerie fut établi et reçut
considération en Angleterre. De très vénérables maîtres et compagnons qui ont pris part à diverses
assemblées et congrégations avec l’assentiment des seigneurs de ce royaume ont ordonné et fait des
devoirs, au mieux de leur conseil, [prévoyant] que toute espèce d’homme qui serait fait et admis maçon
devrait jurer sur un livre de les observer, en toutes circonstances, de tout son pouvoir ; et ils ont aussi
ordonné que chaque fois qu’un compagnon serait reçu et admis, on lui lirait ses devoirs, et qu’il s’y
engagerait. Et ces devoirs ont été vus et examinés par notre défunt souverain, notre sire le roi Henry VI,
et les seigneurs de son honorable conseil, et ils les ont dûment autorisés, et ont déclaré qu’il était
parfaitement juste et raisonnable de les observer 142. Et ces devoirs ont été extraits et rassemblés à partir
de divers livres anciens, aussi bien du temps de l’ancienne Loi que du temps de la nouvelle Loi, puisqu’ils
ont été confirmés et faits en Égypte par le roi et par le grand clerc Euclide ; [puis] lors de la construction
du Temple de Salomon par le roi David et par Salomon, son fils ; [puis] en France par Charles, roi
de France ; [puis] en Angleterre par saint Alban qui était l’intendant du roi alors régnant ; et ensuite
par le roi Ethelstone qui était roi d’Angleterre, et par son fils Edwin qui fut roi après son père 143,
comme il est rappelé dans diverses histoires, récits et chapitres, et voici les devoirs, tous et chacune,
comme il suit : le premier et principal devoir est 144 :
1. Que vous devez être un homme ou des hommes fidèles à Dieu et à la sainte Église, et ne devez
user d’erreur ni d’hérésie en votre entendement et [jugement, mais être des hommes de bon jugement
et des hommes sages en toute chose] 145.
2. Que vous devez être de fidèles hommes liges du roi, vous gardant de la trahison et de la
déloyauté ; et si vous avez connaissance de quelque trahison ou félonie, essayez de l’empêcher si vous
pouvez, ou bien avertissez discrètement le roi, ou ses ministres, ou ses lieutenants et officiers.
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3. Que vous devez être loyaux les uns envers les autres, c’est-à-dire envers tout maître et compa-
gnon de la science et métier de Maçonnerie qui sont maçons approuvés, et vous devez agir envers eux
comme vous voudriez qu’ils agissent envers vous.
4. Que tout maçon doit garder fidèlement les délibérations tant de la loge que de la chambre, et
toutes les autres délibérations qu’il y a lieu de garder en fait de Maçonnerie.
5. Qu’aucun maçon ne doit être un voleur, ou (complice de ?) voleurs pour autant qu’il en a
connaissance.
6. Qu’il doit être fidèle à son seigneur et au maître qu’il sert, et recherche fidèlement le profit et
l’avantage de son maître.
7. Vous appellerez maçons vos compagnons ou frères, et ne leur donnerez aucun autre nom vil ;
vous ne prendrez pas criminellement la femme de votre compagnon, et ne désirerez pas davantage sa
fille ni sa servante.
8. Et aussi, que vous paierez honnêtement votre nourriture et votre boisson partout où vous
logez ; et vous ne commettrez aucune vilenie dans la maison [où vous logez], ce qui fait médire du
métier.
Ce sont là les devoirs généraux que tout maçon doit observer, tant les maîtres que les compagnons.
Voici maintenant d’autres devoirs particuliers pour les maîtres et les compagnons.
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17. Qu’aucun maître ne donne à un maçon bâtisseur, dans la loge ou au-dehors, des pierres à
tailler ou à sculpter avec des gabarits de sa propre fabrication.
18. Que tout maître accueillera et traitera avec affection les maçons étrangers quand ils arrivent
après avoir parcouru le pays, et qu’il leur donne du travail comme le veut la coutume ; c’est-à-dire que
s’il a des pierres à sculpter sur place, il leur donnera du travail pour une quinzaine au moins, et il leur
paiera leur salaire ; et s’il n’a pas de pierres à leur donner à travailler, alors il leur donnera de quoi aller
jusqu’à la prochaine loge.
19. Que vous devez servir loyalement le seigneur pour votre salaire, et achever loyalement votre
ouvrage, qu’il soit à la tâche ou à la journée, si vous voulez pouvoir être payé loyalement selon ce qui
était convenu.
20. Que chaque maçon travaille loyalement les jours ouvrables, afin d’avoir le droit de recevoir
son salaire et de le mériter, de manière à en vivre honorablement les jours de congé ; que vous et tous
les maçons receviez pieusement votre salaire du maître qui vous paie, et que, lui, il répartisse les temps
de travail et de repos sur votre chantier selon ce qui a été ordonné par le conseil des maîtres 149.
21. Que, si des compagnons ont quelque querelle ou différend, vous devez vous entremettre pour
les accorder et agréer ; et vous ne devez favoriser aucune des parties, mais agir avec justice et loyauté
envers chacune ; et que cela soit fait à un moment convenable pour ne pas nuire à l’œuvre du seigneur 150.
22. De plus, si vous êtes surveillant 151 ou avez quelque autorité sur les maçons de votre chantier,
vous devez être loyal envers votre maître tant que vous êtes avec lui, et être un intermédiaire loyal entre
le maître et ses compagnons autant que vous le pouvez.
23. De plus, si vous êtes établi intendant de votre loge ou chambre, ou du service de la salle
commune, vous devez rendre compte honnêtement de l’emploi que vous faites de l’argent des com-
pagnons, à quelque moment qu’ils vous le demandent ; et de plus, si vous êtes plus habile que votre
compagnon qui travaille à côté de vous, et si vous voyez qu’il est en danger de gâter sa pierre et a
besoin de votre conseil, vous devez l’informer, et l’instruire en termes courtois, afin que l’ouvrage du
seigneur ne soit pas gâté 152.
Ces devoirs que nous venons de vous réciter et de vous tracer, vous les observerez bien et fidèle-
ment, de tout votre pouvoir. Ainsi, que Dieu vous soit en aide, et le souci de votre salut éternel, par
le saint contenu de ce livre.
Edward Thompson.
Anno Domini 1687
Traduction d’Edmond Mazet.
NOTES
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mensura, unde geometria, id est mensura terrae vel terrarum, ce qui signifie : « Et elle est appelée ainsi de gê qui est en latin terra
et de metron qui est mensura, d’où géométrie, c’est-à-dire la mesure de la terre ou des terres. » Voir ma note sur les lignes 89-92
du Cooke.
15. L’outil est fait de métal, ou de bois, ou des deux ; or, le minerai dont est tiré le métal est extrait de la terre, et l’arbre dont
provient le bois pousse de la terre.
16. Ce raisonnement assez déconcertant pour le lecteur moderne vise à justifier l’usage élargi que l’auteur du texte médiéval fait
du mot géométrie. Ce mot, en son sens primitif, désigne la « mesure de la terre », c’est-à-dire des divisions du sol en parcelles
(cf. dans la note déjà citée sur les lignes 89-92 du Cooke la citation d’Isidore de Séville). L’argument de l’auteur est que le mot
terre peut s’étendre à tous les outils employés dans les différents métiers, et que par conséquent le mot géométrie peut s’étendre
à la détermination des proportions et des mesures de tous ces outils. En comparant avec le manuscrit Grand Lodge no 1, on
verra que le réviseur du XVIe siècle a élagué ces lourdes subtilités sémantiques.
17. Je corrige d’après le Cooke qui a craftes là où le William Watson a coasts.
18. Je corrige d’après le Cooke qui a the mast [er] of stories là où le William Watson a the Mass stories (les histoires de la messe !).
Ce « maître des Histoires » est Pierre Comestor ; cf. la note sur les lignes 139-140 du Cooke.
19. Polychronicon. Voir la note sur la ligne 140 du Cooke.
20. Le William Watson a : In Doctor of stories yt been named Beda là où le Cooke a : In the stories yt is named Beda. Il semble bien
d’après cela que l’original du Cooke II donnait à Bède le titre de docteur des Histoires, calquée sur le titre de Maître des
Histoires donné à Pierre Comestor. Le compilateur du Cooke actuel, en copiant le Cooke II, a omis les mots Doctor of que le
William Watson a conservés. C’est un des arguments qui permettent d’affirmer que le William Watson dérive, non du Cooke
que nous connaissons, mais de l’original du Cooke II par une tradition manuscrite indépendante. Sur Bède, voir la note sur la
ligne 142 du Cooke.
21. Voir la note sur la ligne 143 du Cooke.
22. Voir la note sur les lignes 144-145 du Cooke.
23. Depuis « et d’autres » jusqu’à « Genèse », le William Watson rend très mal le texte original du Cooke II. Ce texte nous est
transmis de façon correcte, semble-t-il, par le Cooke actuel. On y voit que les mots « et d’autres » viennent au début d’une
phrase qui peut être traduite ainsi : « Et bien d’autres encore disent que la Maçonnerie est la partie principale de la Géométrie,
comme on peut bien le dire, à ce qu’il me semble, car elle fut la première que l’on ait trouvée, ainsi qu’il est noté dans la Bible,
dans le premier livre [qui est celui] de la Genèse, au chapitre IV. » Le Cooke ajoute encore la phrase suivante : « Et de plus tous
les docteurs précités s’accordent là-dessus, et certains d’entre eux le disent plus ouvertement et plus clairement que ce n’est dit
dans la Genèse biblique. » Cette phrase peut avoir fait partie de l’original du Cooke II et avoir été perdue par la tradition
manuscrite du William Watson, mais ce peut être aussi une glose que le compilateur de notre Cooke a ajoutée à l’original du
Cooke II.
24. Texte corrompu ; je restitue d’après le Cooke.
25. Corruption d’Adah.
26. Le Cooke donne Sella, orthographe conforme à la Vulgate. Cette orthographe se trouve encore dans les plus anciens témoins
du texte révisé au XVIe siècle, comme on le voit dans le manuscrit Grand Lodge no 1. L’orthographe Zillah est un décalque de
l’orthographe hébraïque. Elle apparaît dans la version autorisée de la Bible, ou Version du roi Jacques, établie au début du
er
XVIIe siècle et approuvée par Jacques I en 1611. Sa présence dans le William Watson signifie que vers cette époque la main
d’un maçon spéculatif instruit, peut-être d’un ecclésiastique, est intervenue dans la tradition manuscrite.
Dans la suite, nous avons conservé l’orthographe des noms propres telle qu’elle est dans le manuscrit, sauf pour certains noms
particulièrement connus.
27. Le texte, une fois de plus, est corrompu. La phrase peut être restituée ainsi d’après le Cooke : « Le fils aîné Jabal fut le premier
à trouver la Géométrie et la Maçonnerie ; et il construisit des maisons. Il est nommé dans la Bible pater habitantium in tentoriis
atque pastorum, c’est-à-dire le père des hommes qui habitent dans des tentes, c’est-à-dire des maisons d’habitation. » La déno-
mination de Jabal donnée ici en latin signifie exactement : « Le Père de ceux qui habitent dans des tentes, et des pasteurs. »
Elle est tirée de Genèse 4/20, citée d’après la Vulgate. Sur Jabal, voir la note sur la ligne 152 du Cooke.
28. Le début de la phrase est corrompu. Le Cooke donne : « Il fut de Caïn le maître maçon et le gouverneur de tous ses ouvrages
lorsqu’il fit la cité d’Énoch, etc. » La tradition manuscrite du William Watson a lu came là où le texte primitif, correctement
transmis par le Cooke, avait Caym (Caïn). L’orthographe Hénoch pour la ville construite par Caïn représente, comme dans le
cas de Zillah (cf. note 26 ci-dessus), une tentative de rendre plus exactement l’orthographe hébraïque. Contrairement à ce qui
se passe pour Zillah, cette orthographe hébraïsante ne se trouve pas dans la version autorisée, qui a encore Énoch, comme la
Vulgate et le Cooke. Le William Watson revient d’ailleurs ensuite à l’ancienne orthographe.
29. Orthographié Cane dans le texte.
30. La Bible dit seulement que Caïn donna à la ville le nom de son fils, mais non qu’il donna la ville à son fils. Il y a ici une erreur
d’interprétation du texte biblique qui devait se trouver dans le Cooke II original, puisqu’elle nous a été transmise par le Cooke
actuel aussi bien que par la tradition manuscrite du William Watson.
31. Effraym dans le Cooke. Ce nom n’est pas dans la Bible celui d’une ville. C’est le nom de l’une des deux tribus d’Israël issues
de Joseph, et aussi de la région qui fut habitée par cette tribu après la conquête de la Terre Promise. Knoop, Jones et Hamer,
dans leur édition de 1938 du Regius et du Cooke (n. sur les l. 189-190 du Cooke) signalent que la ville bâtie par Caïn est
appelée Effrem dans les Revelationes attribuées à Méthode d’Olympe.
On a donc ici un exemple d’utilisation par l’auteur du Cooke II original de la source qu’il appelle « Méthode évêque et martyr »
(cf. ci-dessus, n. 22).
32. Le Cooke dit « qu’elle fut ».
33. Le Cooke omet « première ».
34. Le Cooke dit « de tous les métiers et sciences ».
35. Pater pastorum, cf. ci-dessus n. 27.
36. Ce « comme » est ajouté par le William Watson. Dans le Cooke, tous les auteurs et ouvrages qui suivent sont sujets du « disent »,
qui les suit.
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37. Le Cooke ajoute « ou Tuball ». Sur Jubal, voir la n. sur les l. 213 et suivantes du Cooke.
38. Orthographié Pithagoras (Pictagoras dans le Cooke).
39. Au lieu de « en fait de », le Cooke dit simplement « et le chant, etc. ».
40. Correction évidente, le texte ayant ici « la science du métier de forgeron », par attraction du personnage de Tubalcaïn qui est
mentionné ensuite.
41. Le Cooke dit « par le son du poids des marteaux ».
42. Dans les sources antiques et médiévales de nos textes il règne une certaine confusion dans les noms des fils de Lamech. Il ne
faut donc pas s’étonner que Tubalcaïn soit appelé ici Jubal Caïn, tandis que Jubal est aussi appelé Tubal dans le Cooke.
43. Le Cooke omet « même » et « de la Genèse », alors qu’il précise « c’est-à-dire le quatrième ». Nous avons là une autre preuve
de ce que le Cooke actuel et le William Watson descendent indépendamment l’un de l’autre de l’original du Cooke II, dont le
texte devait avoir ici : « Semblablement la Bible dit, dans le même chapitre de la Genèse, c’est-à-dire le quatrième, etc. »
44. Corrigé d’après le Cooke, qui a « upon his other wife ». Le William Watson a « on his brothers wife » (de la femme de son frère).
45. Orthographié ici Tuball Caine (Tubalcaym dans le Cooke).
46. Omise, cf. l’original.
47. Le Cooke dit « qu’elle était la femme de Noé », et c’est certainement ce qui se lisait dans l’original du Cooke II. Au cours des
recopiages successifs qui ont abouti au William Watson, l’un des copistes a été incapable de lire le nom de Noé, et a écrit « la
femme d’un autre homme ». Selon Knoop, Jones et Hamer (n. sur les l. 235-238 du Cooke dans leur édition de 1938), le
Polychronicon ne dit nulle part que Naamah ait été la femme de Noé. Cela vient d’un ouvrage juif, le Sefer-ha-Yashar (c.
XIe siècle), qui reprend lui-même une tradition du Midrash Rabbah sur la Genèse. Dans le Midrash Rabbah, Noé a pour femme
une Naamah fille d’Énoch, que le Sefer-ha-Yashar a identifiée avec la Naamah fille de Lamech.
48. À la place de « Mais ce », le Cooke dit : « Vous devez entendre que son fils Tubal Caïn, etc. »
49. Corrigé d’après le Cooke. Le William Watson parle ici d’un « docteur étranger » (forreine doctor).
50. Voir la note sur les lignes 245 et suivantes du Cooke.
51. Le Cooke dit « no man’s craft » : « métier qui n’est pas un métier d’homme ».
52. Corrigé d’après le Cooke. Le William Watson a « ces frères à elle » (elle = Naamah), le chiffre romain III ayant été lu « her ».
53. Le Cooke a « ces trois frères précités savaient ».
54. Voir la note sur la ligne 269 du Cooke.
55. Sur cette légende, voir la note sur les lignes 255 et suivantes du Cooke.
56. Corrigé d’après le Cooke. Le William Watson a « profit » au lieu de « prophétie ».
57. Le Cooke répète le mot « vengeance » et omet « par l’eau ».
58. Orthographié Noah selon la version autorisée, alors que Cooke a Noé, conformément à la Vulgate.
59. Le Cooke précise : « après le déluge ».
60. Littéralement : « que les hommes appelaient ». Le mot men est omis par le Cooke.
61. « Engendra » est restitué d’après le Cooke. Nemrod est orthographié Nimrod comme dans la version autorisée. Sur ce person-
nage, voir la note sur les lignes 327 et suivantes du Cooke.
62. Le Cooke répète ici « il devint », ou plutôt, littéralement, « il crut » (wax).
63. Le Cooke dit : « Et le commencement de son royaume fut le vrai royaume de Babylone, etc. », ce qui est beaucoup plus
conforme au texte biblique et doit représenter le texte original du Cooke II.
64. Ce mot est la corruption d’Archad (Vulgate et Cooke) ou Accad (Bible hébraïque et version autorisée). Le William Watson
omet la ville qui la précède dans le texte biblique et dans le Cooke : Arach (Vulgate et Cooke), ou Erech (Bible hébraïque et
version autorisée). Sur ces villes, voir la note sur les lignes 338-342 du Cooke.
65. Chalanne (Vulgate), Chalan (Cooke), Calneh (Bible hébraïque et version autorisée). Ville non identifiée.
66. Sennar (Vulgate et Cooke), Shinar (version autorisée) ; dans la Bible hébraïque : Shinéar. Le texte biblique dit en fait « dans le
pays de Shinéar » (la Basse-Mésopotamie).
67. Texte corrompu, que nous corrigeons d’après le Cooke.
68. Le Cooke dit ici : « Assur, qui était un proche parent de Nemrod, sortit du pays de Sennar », ce qui est plus conforme au texte
biblique.
69. Orthographiée Nineveh, conformément à la version autorisée.
70. Le Cooke dit « et plateas », d’après la Vulgate « plateas citatis ». Cette dernière expression latine signifie « les places de la cité »
(sous entendu : de Ninive). Elle traduit incorrectement l’hébreu Ir Rehoboth, qui signifie « la ville aux larges places » (ou aux
larges rues). Cela pourrait bien, à l’origine, avoir été une désignation de Ninive elle-même, quoique dans le texte actuel de la
Bible hébraïque, cela paraisse désigner une ville distincte. La version autorisée, prenant Rehoboth pour un nom propre, a traduit
« la cité de Rehoboth ». Le William Watson ne la suit pas sur ce point.
71. Passage de la Vulgate cité moins incorrectement dans le Cooke. Le texte du Cooke à peine corrigé est « De terra illa – id est
de Sennare – egressus est Assur, et edificavit Niniven, et plateas civitatis, et Chale ; Resen quoque inter Niniven et Chale ; haec est
civitas magna », soit en français : « De ce pays – c’est-à-dire de Shinéar – sortit Assur, et il bâtit Ninive, et les places de la cité,
et Chale ; et aussi Resen entre Ninive et Chale ; c’est une grande ville. » Le – id est de Sennare – est une glose de l’auteur de
l’original du Cooke II, ou d’une de ses sources médiévales.
72. Le Cooke dit « que cela est raconté et écrit ».
73. Orthographié Asshur.
74. Le Cooke ajoute « de Sennar ».
75. Le Cooke dit : « qu’il avait l’intention de construire ».
76. Le texte du William Watson paraît ici meilleur que celui du Cooke, qui fait difficulté.
77. Le Cooke dit : « Veillez à vous bien conduire, et je vous donnerai un devoir profitable à vous comme à moi. » D’autre part, le
William Watson omet la phrase qui suit dans le Cooke : « Quand vous arriverez devant ce seigneur, veillez à être loyaux envers
lui comme vous le seriez envers moi. »
78. « Salaire » est restitué d’après le Cooke, tandis que « pour votre peine » y est omis.
79. Le Cooke dit plus simplement : « Et aussi, aimez-vous les uns les autres. »
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124. Le Cooke a : « Il était une fois un noble roi de France qui, etc. » La tradition manuscrite du William Watson a transformé
« king » en « knight », soit par erreur de lecture, soit parce qu’un copiste s’est dit que Charles ne pouvait pas être appelé roi
avant son élection, dont il est question aussitôt après.
125. Le Cooke omet « only » et dit : « Qu’il fut élu par bonne fortune. »
126. False and untrue. Le Cooke a seulement false.
127. Le Cooke dit seulement : « Car selon la chronique il était, etc. »
128. Le Cooke dit : « Des devoirs et des coutumes conçus par lui, qui sont encore en usage en France. »
129. Le Cooke omet cette prescription relative au salaire.
130. Le Cooke dit : « Qu’ils auraient une assemblée. »
131. À partir d’ici le William Watson s’écarte considérablement du Cooke. La phrase qui suit fait évidemment allusion aux maçons
acceptés, qui étaient certainement déjà nombreux en 1687, et depuis longtemps (cf. l’initiation d’Elias Ashmole et d’Henry
Mainwaring en 1646, dans une loge qui semble bien avoir été déjà formée uniquement de maçons non opératifs). Ensuite le
texte rejoint les traditions médiévales sur saint Alban et Athelstan, mais en mélangeant des données du texte médiéval avec des
éléments qui ne se trouvent que dans le texte révisé au XVIe siècle. On remarquera d’autre part le « fondu enchaîné » par lequel
le rédacteur glisse de la France à l’Angleterre, et qui ne provient ni du texte médiéval, ni du texte révisé.
132. Les « histoires de l’Angleterre » comprennent certainement l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais, de Bède, qui raconte le
martyre de saint Alban, et aussi d’autres récits postérieurs, où apparaissait le nom de saint Amphiballe, inconnu de Bède, par
exemple l’Histoire des rois de la Grande-Bretagne, de Geoffroi de Monmouth, écrite vers 1136. Quant aux « anciens devoirs du
temps de saint Alban », il pourrait s’agir d’un manuscrit où étaient consignées les traditions particulières à la loge de l’abbaye
de Saint-Alban. En effet, il est clair que l’auteur de l’original du Cooke II a rassemblé des traditions locales d’origines diverses,
et l’abbaye de Saint-Alban, fondée sur le lieu même du martyre du saint, est l’origine la plus probable pour les traditions le
concernant. Sur saint Alban, voir la note sur les lignes 602 et suivantes du Cooke.
133. Le nom de saint Amphiballe a été mieux conservé dans le William Watson que dans le Cooke, qui le défigure en Adhabelle.
C’est le nom qu’une tradition dont j’ignore l’origine exacte donné au prêtre – encore anonyme chez Bède – qui convertit saint
Alban au christianisme. Voici le court récit de Geoffroi de Monmouth : « Alban, brillant de la grâce de la charité, cacha d’abord
son confesseur Amphiballe dans sa propre maison, alors que celui-ci était serré de près par ses persécuteurs, et sur le point d’être
pris ; puis il changea de vêtements avec lui et s’offrit lui-même à la mort, imitant ainsi le Christ qui donna sa propre vie pour
ses brebis. » Toujours d’après Geoffroi de Monmouth, il y avait à Winchester une église sous le vocable de Saint-Amphiballe,
à laquelle étaient attachées des traditions reliées au cycle arthurien.
Comme je l’ai signalé dans l’introduction au manuscrit Grand Lodge no 1, saint Amphiballe a été supprimé du texte révisé au
XVIe siècle, peut-être parce que déjà l’on doutait de son historicité – mais il y avait dans le texte médiéval bien d’autres choses
qui auraient dû choquer encore plus un clerc humaniste, et qui sont restées. En tout cas, au XVIIe siècle, on en doutait ouver-
tement, et Plot, qui avait sous les yeux un manuscrit de la même famille que le William Watson, écrivait sarcastiquement : « Je
n’insisterai pas sur le fait que saint Amphiballe, selon des personnes éclairées, est plutôt le manteau que le maître de saint
Alban... » On notera d’autre part que le William Watson s’exprime ici comme s’il citait un écrit attribué à Athelstan. L’existence
d’un tel écrit est également suggérée par les vers 487-490 du Regius, où Athelstan parle à la première personne. Toutefois,
l’auteur du Regius ne paraît pas avoir connu directement un tel écrit, et il ignore les traditions relatives à saint Amphiballe et
à saint Alban qui, d’après le William Watson auraient dû s’y trouver. Par ailleurs le texte du William Watson n’est pas très sûr
à l’endroit précis où apparaît le nom d’Athelstan, et ce nom pourrait être secondaire à cet endroit-là.
134. Le Cooke ne dit pas explicitement que saint Amphiballe a apporté en Angleterre les devoirs des maçons, mais la chose paraît
sous-entendue.
135. C’est-à-dire la ville et l’abbaye de ce nom, dans le Hertfordshire.
136. Cette somme est la même que celle qui est indiquée dans les manuscrits de la famille Grand Lodge sous la forme « deux shillings
et six pence » (1 shilling = 12 pence).
137. « Leurs réjouissances » est restitué d’après les manuscrits de la famille Grand Lodge. Le William Watson a « for their non
finding », ce qui n’a aucun sens. Mais le « finding » pourrait être une reprise fautive du « standing as the realm did » qu’on lit
dans ces manuscrits.
138. Les invasions des Saxons, puis des Danois ; le texte est ici très abîmé.
139. Le copiste a omis ici un membre de phrase dans lequel était introduit le prince Edwin, fils d’Athelstan, qui est mentionné
ensuite comme un personnage dont on vient de parler.
140. Cette idée est reprise du Cooke, quoique en des termes légèrement différents. Cf. les lignes 616-620 du Cooke.
141. A free charter, expression voisine de celle du Cooke, ligne 634 : a free patent.
142. En la troisième année du règne d’Henry VI (1425), les assemblées de maçons furent interdites par un acte du Parlement,
apparemment parce qu’une assemblée récente avait été l’occasion d’un mouvement revendicatif tendant à faire monter les
salaires au-dessus du maximum fixé par les statuts des travailleurs. Dès le XVIIe siècle cet acte était invoqué par des adversaires
de la Maçonnerie, comme on pourra le voir dans la notice de Plot.
Le William Watson se fait ici l’écho d’une tradition selon laquelle le roi et son conseil seraient revenus sur la condamnation
après avoir examiné le livre des devoirs des maçons. Plot connaissait cette tradition, qui était mentionnée dans le manuscrit
qu’il lisait, mais il ne voit pas – ou ne veut pas voir – que c’était une réponse aux attaques contre la Maçonnerie fondées sur
l’acte de 1425. En effet, il se borne à opposer cet acte à l’affirmation de son manuscrit, sans chercher à la réfuter par d’autres
arguments, ne serait-ce que celui qui consisterait à observer qu’il n’y a pas trace de révocation de l’acte dans les documents du
règne d’Henry VI. La légende des relations entre Henry VI et la Maçonnerie a été développée dans ce qu’il est convenu d’appeler
le manuscrit Leland. Ce manuscrit – dont on ne sait pas, en fait, s’il a réellement existé – aurait été copié peu après la dissolution
des monastères (1539) par John Leland, un érudit au service d’Henry VIII, sur un original qui aurait été écrit de la main même
d’Henry VI. Il aurait été conservé à la Bodleian Library à Oxford, où le philosophe John Locke l’aurait découvert en 1696. Le
texte a été imprimé à Londres en 1753 dans le Gentleman’s Magazine, et peut-être auparavant à Francfort, sous forme de
brochure, en 1748. Il se présente comme une série de questions posées par Henry VI à des maçons, et des réponses de ces
derniers. Il se peut que ce soit une fantaisie composée au XVIIIe siècle à des fins purement commerciales, mais il n’est pas exclu
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qu’il ait été écrit au XVIIe siècle en brodant sur la tradition rapportée de façon beaucoup plus succincte par le William Watson
et les manuscrits apparentés. En tout cas, il n’a pu être conçu par quelqu’un qui connaissait cette tradition.
143. Le Cooke actuel ne dit pas qu’Edwin ait été roi après son père, et l’original du Cooke II ne le disait sans doute pas non plus,
car ce détail n’apparaît pas davantage dans le texte révisé au XVIe siècle. Le Cooke ignore d’ailleurs le nom d’Edwin, et ne parle
que du « plus jeune fils d’Athelstan ». On sait qu’Athelstan n’a pas eu de fils nommé Edwin, et même, autant qu’on sache, pas
de fils du tout. C’est son frère Edmond qui lui a succédé en 939. Les traditions concernant Athelstan et Edwin ont d’abord
été indépendantes, puisque le Regius et le Cooke ne connaissent qu’Athelstan (cf. la note sur les lignes 611 et suivantes du
Cooke. Comme je l’indiquais à la fin de cette note, le lieu d’origine probable de la tradition sur Athelstan est l’abbaye de
Malmesbury dans le Wiltshire. La tradition relative à Edwin, elle, doit provenir de la cathédrale d’York, et le personnage ainsi
nommé est probablement le roi Edwin de Northumbrie qui se convertit au christianisme en 627 et fit bâtir la première
cathédrale d’York, comme Bède le raconte dans l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais. L’attribution d’un fils à Athelstan dans
l’original du Cooke II ne peut guère s’expliquer que par le désir d’harmoniser les deux traditions. Mais l’auteur paraît n’avoir
connu que vaguement la tradition relative à Edwin, puisqu’il ignore le nom du personnage et la localisation de l’assemblée à
York. Cela se comprend d’ailleurs assez bien, si l’original du Cooke II a été écrit comme le Cooke lui-même, dans une région
voisine de l’abbaye de Malmesbury et éloignée d’York. La fusion des deux traditions n’apparaît achevée que dans les manuscrits
postérieurs.
144. À partir d’ici et jusqu’à l’article 18 des devoirs particuliers, la liste des devoirs suit de très près celle des manuscrits de la famille
Grand Lodge comme on s’en convaincra aisément en la lisant en parallèle avec celles du grand Lodge no 1 et du texte reconstitué
par Mac Leod.
145. Texte corrompu, restitué entre crochets à l’aide des textes de la famille Grand Lodge.
146. Les textes de la famille Grand Lodge disent « cinquante milles ».
147. Voir la note 17 à la traduction du texte reconstitué par Mac Leod.
148. Texte corrompu, mais facile à reconstituer d’après les textes de la famille Grand Lodge.
149. Les derniers articles ne correspondent plus aux devoirs des manuscrits de la famille Grand Lodge. On peut partiellement les
rattacher à certains des « points » du Regius et du Cooke I. Pour le no 20, voir les points 2 et 5 du Regius et du Cooke I.
150. Voir les points 6 du Regius et du Cooke I.
151. Warden. Cf. les notes sur les lignes 865 et 879 du Cooke. Cet article est à rapprocher des points 8 du Regius et du Cooke I.
152. La première partie de cet article est à rapprocher du point 9 du Regius ; la seconde partie est à rapprocher du point 11 du
Regius et du point 9 du Cooke I.
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Le manuscrit Dumfries n 4
(ca 1710)
Introduction
Le manuscrit dont nous proposons ici une présentation et une traduction a été découvert en 1891
seulement dans les archives de la loge Dumfries Kilwinning no 53, elle-même héritière de la « Vieille
Loge » (Old Lodge) de la ville de Dumfries, en Écosse, capitale du comté du même nom, qui jouxte
l’Angleterre – cette précision géographique a son importance, comme on verra. Apparemment, il n’en
était jamais sorti depuis l’époque de sa confection, que des spécialistes du British Museum ont datée
des tout débuts du XVIIIe siècle, probablement aux environs de 1710. Édité une première fois en 1893
dans Ars Quatuor Coronatorum, vol. VI, il a été inclus par Knoop, Jones et Hamer dans leur publication
fondamentale et irremplaçable Early Masonic Catechisms (catéchismes maçonniques primitifs, 1re édition
1943, 2e édition 1963, réimprimée en 1975) 1 à laquelle nous empruntons la plupart de ces rensei-
gnements.
Il se présente un peu comme un bloc-notes de sténographe : quatorze pages d’environ 11 cm sur
20,5 cm cousues ensemble par le haut et écrites recto verso. Blocs-notes, il l’était probablement car,
selon toute vraisemblance, vu son contenu et aussi son état, il a servi – et beaucoup servi – d’aide-
mémoire aux maîtres de loge dans les cérémonies rituelles ; il présente en effet des signes considérables
d’usure. Il n’est pas inutile de noter que le manuscrit portant le numéro précédent, le Dumfries no 3,
qui est une version des Old Charges datant de la fin du XVIIe siècle, donc de peu d’années auparavant,
prohibe formellement une telle pratique ! Si l’on a contrevenu à cette interdiction, c’est très probable-
ment par nécessité, pour sauver de l’oubli une tradition que, à cause peut-être du déclin de la pratique,
la transmission orale ne suffisait plus à maintenir intacte : ce qui expliquerait un certain désordre,
comme si l’on avait noté les souvenirs à mesure qu’ils revenaient.
C’est en effet un manuscrit très composite. Il comprend pour l’essentiel : 1) une version des Old
Charges ; 2) un catéchisme maçonnique par demandes et réponses (qui lui a valu sa publication dans
le recueil de Knoop, Jones et Hamer), lui-même divisé en deux sections sans lien entre elles : en fait,
il y a deux catéchismes distincts ; 3) intercalées entre les deux, des « questions sur le Temple », qui sont
d’un genre tout différent : c’est une sorte de commentaire mystique à propos du Temple de Jérusalem.
À quoi s’ajoutent divers autres éléments sur lesquels nous allons revenir.
Une étude plus attentive et plus fouillée du texte montre qu’en réalité il se décompose en deux
grandes parties très dissemblables. La première, qui, à elle seule, forme un tout complet et cohérent,
est ce que le manuscrit lui-même appelle des « Constitutions », autrement dit des Old Charges. Elle
comporte : une prière d’ouverture ; une « préface » ou préambule ; une formule de serment ; une histoire
légendaire de la maçonnerie avec ses épisodes traditionnels, huit en tout ; une obligation, elle-même
répartie en une obligation d’ordre général, une obligation des maîtres et compagnons, et une obligation
des apprentis ; un catéchisme par questions et réponses ; et enfin une forme de « salutation des étrangers »
ou visiteurs – soit au total sept sections. Là s’achevait certainement le manuscrit primitif à usage rituel,
ainsi qu’une subscription le marque avec netteté.
Vient ensuite une seconde partie, sans doute ajoutée après coup – il serait intéressant de voir si
les écritures diffèrent, ce que les éditeurs n’indiquent pas – et constituée d’éléments disparates : les
questions sur le Temple déjà mentionnées ; une notule sur les dimensions du Temple ; le second
catéchisme maçonnique, différent du premier, et parfois même en discordance avec lui ; un blason,
grossièrement esquissé ; enfin, une explication des deux colonnes – puis, encore, en post-scriptum, car
ajoutés à la suite du mot : Fin (Finis, en latin), « huit vers de mirliton destinés à rappeler au lecteur
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ou à l’auditeur sa condition mortelle », disent les éditeurs, ce qui est exact, mais il faut ajouter qu’ils
incluent et encadrent plusieurs symboles maçonniques, et on peut se demander s’ils n’étaient pas à
usage mnémotechnique ; mais la question restera sans réponse, car le mauvais état du texte interdit
toute conclusion.
C’est en effet une caractéristique malheureuse de ce texte que son état déplorable, vraisembla-
blement imputable à son usage en loge, comme l’indiquent l’importance et l’étendue des lacunes
dans les trois dernières pages imprimées, qui doivent correspondre (mais nous n’avons pas vu de
reproduction du manuscrit) au dernier feuillet recto verso, lequel, étant le plus exposé, a logiquement
le plus souffert. De plus, il a été établi sans soin : le nombre des inadvertances est particulièrement
élevé. Lorsqu’il s’agit de redoublements de syllabes ou de mots, ce n’est pas gênant ; mais lorsque est
omis, ce qui arrive trop souvent, un mot, voire tout un membre de phrase, la compréhension du sens
n’en est certes pas facilitée.
À cela s’ajoute une absence totale de ponctuation. Il faut couper les phrases selon le sens, ce qui
n’est pas aisé lorsqu’on a affaire à la transcription quasiment brute d’un langage parlé, et parlé dans un
milieu dont, en dépit des Constitutions, la grammaire et la rhétorique n’étaient sûrement pas les sciences
préférées : on constate, chemin faisant, quelques libertés syntaxiques passablement étonnantes. Men-
tionnons aussi une orthographe elle aussi assez libre – l’époque le voulait – et volontiers phonétique.
Notons au passage que la langue est pratiquement exempte d’écossismes, mis à part le système d’abré-
viations employé (Qn pour when, Qr pour where, etc.) qui témoigne, nous dit-on, d’une prononciation
écossaise.
Il résulte de tout cela qu’en certains endroits que nous signalerons, notre interprétation du texte
et notre traduction ne seront rien moins que certaines. Nous prions nos lecteurs de nous en excuser et
nous leur serons reconnaissant pour toutes les rectifications et améliorations qu’ils voudront bien nous
proposer d’y apporter.
Quant à la méthode que nous avons suivie, nous ne pourrons mieux faire que de renvoyer à
l’avertissement de Gilles Pasquier, en préliminaire à sa traduction du manuscrit Graham. Notre objectif
étant de rendre accessible au lecteur français d’aujourd’hui un texte anglais ancien, peu facile en soi et
aussi pour toutes les raisons déjà mentionnées, il était hors de question pour nous de nous en tenir au
mot à mot ; c’eût été le rendre inintelligible et inutilisable, témoin de la traduction déjà ancienne et
pratiquement introuvable maintenant de J.-P. Berger (Le Symbolisme, no 377, octobre-décembre 1966) 2.
Non dénuée de mérites, bien que déparée par un nombre excessif d’erreurs de compréhension du texte,
voire de contresens, elle souffre d’un défaut rédhibitoire : sa littéralité systématique est décourageante.
Nous voulions d’autre part éviter de tomber dans l’excès inverse en sacrifiant la fidélité au texte à
l’élégance. Ni mot à mot servile, ni « belle infidèle », notre traduction n’a pas reculé devant certaines
lourdeurs lorsque le sens et l’allure des passages transcrits interdisaient qu’on s’en éloigne, mais n’a pas
hésité non plus à alléger ou à préciser quand il nous a paru que l’intelligibilité l’exigeait. Encore une
fois, notre propos n’a pas été de faire œuvre littéraire, mais bien de permettre à tout lecteur un tant
soit peu attentif de saisir pleinement l’intérêt et l’importance d’un tel document, jusqu’à présent inconnu
en France, ou tout comme, qui jette une vive lumière sur un certain état historique de la maçonnerie
anglo-écossaise d’avant la Grande Loge de Londres. S’il demeure, comme c’est le cas, certains points
obscurs, il est à souhaiter que des renseignements ou des conseils avisés nous aident à les éliminer.
Il nous reste à exprimer notre gratitude à Frédérick Tristan pour la confiance qu’il nous a faite
en nous chargeant de ce travail délicat, et à Edmond Mazet, sans l’aide précieuse de qui nous n’aurions
pu le mener à bien.
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Il n’est d’étude instructive et éclairante que comparée : ainsi avons-nous procédé pour ces deux
éléments.
• I. – Pour les Old Charges proprement dites, une étude vraiment scientifique eût exigé de
conduire la comparaison, sinon avec les quelque cent vingt manuscrits connus, du moins avec un
exemplaire représentatif de chacune des grandes familles répertoriées : Regius, Cooke, Plot, Grand
Lodge, Tew, Sloane, Roberts, Spencer, notre manuscrit étant lui-même classé dans la catégorie des
« divers ». Nous ne l’avons pas fait, le temps et la matière nous ayant également fait défaut. En revanche,
nous avons systématiquement mis en parallèle, chaque fois que c’était possible, le Regius et le Cooke,
auquel nous avons fait constamment référence ; et aussi un autre texte dont il nous faut maintenant
dire un mot.
En effet, au moment où nous entreprenions ce travail, est parue opportunément dans le volume 94
d’Ars Quatuor Coronatorum 3 une publication qui nous a été d’un grand secours : nous voulons parler
de l’étude intitulée « Un manuscrit perdu reconstitué ». Ce texte, à coup sûr hypothétique mais affecté
d’un coefficient très élevé de probabilité, présente un triple intérêt : celui d’avoir été élaboré à partir
de huit manuscrits s’échelonnant de 1583 à 1710 (date du Dumfries no 4) et de donner, par conséquent,
une photographie fidèle d’une tradition maintenue durablement comme le demandent les Old Charges
elles-mêmes ; celui de nous procurer une version extrêmement proche de celle du Dumfries, ce qui
donne d’autant plus de prix aux divergences qu’on peut relever entre elles deux ; et ainsi, du même
coup, de nous mettre bien souvent à même de combler les lacunes ou d’éclairer les passages obscurs
du Dumfries, nombreux les uns et les autres, comme nous l’avons dit. Il serait d’ailleurs à souhaiter
que ce document de référence soit traduit en français.
C’est donc à ces trois textes que nous renverrons nos lecteurs pour la partie Old Charges 4 Comme
indiqué précédemment, celle-ci comporte sept sections, dont certaines portent des titres dans le manus-
crit lui-même :
– 1. Une prière d’ouverture, intitulée « prière d’admission » ou de réception. Elle est d’un modèle
courant, et, selon Knoop et Jones, (The Genesis of Freemasonry, rééd. 1978, p. 243) constant dans les
loges écossaises, à savoir une invocation à la Sainte Trinité ; on retrouve cette invocation en des termes
presque identiques en tête des premières (et seules) Constitutions imprimées de la Franc-Maçonnerie
opérative, dites Roberts Constitutions de 1722, du nom de leur éditeur : nous en donnons le texte à titre
de comparaison.
– 2. Une « préface », nous dirions plutôt un préambule, annonçant le dessein et le contenu du
récit qui suivra : exposer l’histoire de la maçonnerie et les obligations des maçons.
– 3. Un serment de ne rien divulguer des secrets qui vont être confiés au (ou aux) candidat(s).
– 4. L’histoire légendaire. Elle-même se subdivise en une introduction, huit épisodes et une conclu-
sion. L’introduction expose et définit l’usage de chacune des sept sciences libérales ; les épisodes : les fils
de Lamech ; Nemrod ; Euclide ; David ; Salomon et Hiram ; Minus Greenatus et Charles Martel ; saint
Alban ; et enfin Athelstan et Hadrien, décrivent la manière dont la science de géométrie, alias maçon-
nerie, a progressé dans le temps et dans l’espace, pour aboutir, en conclusion, à : l’assemblée d’York,
qui marque sa codification et sa constitution définitive à tout jamais.
– 5. Le chapitre des obligations en est la suite logique. Sont successivement énoncées : les obligations
générales ; les obligations des maîtres et compagnons ; les obligations des apprentis.
Signalons d’emblée certain élément caractéristique du Dumfries qui en fait, à cause de cela même,
un des manuscrits les plus volontiers cités par les historiens de la maçonnerie de cette époque (mais il
serait abusif de généraliser à l’excès ce qui paraît être une particularité propre à ce texte) ; nous voulons
parler d’un ton relativement appuyé de piété, voire de dévotion, et qui se traduit de deux manières :
la rectification de l’histoire légendaire pour la mettre en accord avec l’Écriture dans des épisodes où
elle s’en éloignait par trop ; l’introduction dans les obligations, tant historiques qu’actuelles, de pres-
criptions d’ordre religieux (prières), moral (bonne conduite) et charitable (exercice de la bienfaisance)
inconnues ou méconnues des textes comparables de Old Charges. Nous mentionnons ces adjonctions
au fur et à mesure du texte, et l’on verra que leur nombre n’est pas négligeable.
Quant à la succession chronologique, elle est tout autant malmenée que dans les autres versions
similaires, pour la simple raison que l’exactitude historique, à cause de quoi le pasteur Anderson devait
à peine quelques années plus tard, profondément remanier le récit légendaire, était, en l’occurrence, le
cadet des soucis des maçons opératifs qui, de génération en génération, se le récitaient les uns aux autres
(et d’ailleurs l’histoire ne figure pas parmi les sciences libérales qui y sont énoncées !). En revanche, les
anachronismes nombreux avaient de quoi dérouter et choquer les maçons « acceptés », par hypothèse
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plus instruits que les opératifs, lorsqu’ils en prenaient connaissance : par exemple, l’« antiquaire » Elias
Ashmole ou Anderson lui-même. Prenons le cas de ce dernier. Passons sur les tout premiers épisodes.
Selon le système chronologique alors en vogue et qu’il devait adopter dans son propre historique de la
maçonnerie en tête des Constitutions de 1723 – système qui fixait la création du monde en l’an
4004 av. J.-C. et qui, par parenthèse, est à l’origine de la datation maçonnique – le Déluge datait de
2347 et la construction de la tour de Babel de 2194. Rien dans le récit légendaire n’y contredisait et
ne pouvait par conséquent étonner Anderson, même si l’assimilation Hermès-Nemrod, pour peu qu’il
en ait eu connaissance, eût dû le heurter violemment. C’est ensuite que les choses se gâtent, puisque
Abraham (1926 av. J.-C. selon Anderson, 1800 av. J.-C. selon les estimations actuelles) se trouve avoir
pour élève Euclide (env. 300 av. J.-C), par-delà un fossé de cinq ou six siècles ; qu’Euclide transmet sa
science, « par la suite », aux maçons de David et de Salomon (env. 1000 av. J.-C.) à la faveur d’un
retour en arrière de 700 ans ; que, par un nouveau bond en avant, un même personnage, Minus
Greenatus, se trouve avoir œuvré au Temple de Salomon et devenir ensuite – 1 700 ans plus tard ! –
une sorte de favori de Charles Martel ; et qu’enfin, au prix d’un nouveau recul dans le temps, nous
abordons en Angleterre à l’époque de saint Alban, qui fut martyrisé sous Dioctétien en 303 ! Une telle
histoire en zigzag a dû paraître insupportable aux pasteurs Anderson et Desaguliers et à leurs amis
lettrés, en un siècle où le souci des connaissances exactes allait se traduire, très peu d’années plus tard,
en 1728, par la publication de l’Encyclopédie de Chambers.
En effet, et c’est le dernier point à signaler ici, la présence de maçons « acceptés » est formellement
mentionnée, et à plusieurs reprises, dans le Dumfries, qui les qualifie de « maçons reçus par curiosité »
au sens latin du terme, c’est-à-dire goût, appétit de la science.
• II – Vient ensuite une section qui avait été annoncée par le point 18 de l’obligation des maîtres
et compagnons, où il leur est recommandé de ne donner le « secret royal » qu’« avec une grande
circonspection » : que l’apprenti, est-il dit, « apprenne d’abord ses questions par cœur, puis ses
symboles ». C’est pourquoi, très logiquement, à l’obligation de l’apprenti, succède :
– 6. Le catéchisme par « questions et réponses », que nous traitons ici à part, uniquement pour la
clarté de l’exposé.
Pour cette partie du texte, nous avons cherché le maximum possible de correspondances avec les
autres catéchismes publiés par Knoop, Jones et Hamer dans leur ouvrage déjà cité (c’est à ce dernier
que renvoient les indications de pagination sans autre précision). Ces catéchismes sont au nombre de
20, 10 manuscrits et 10 imprimés, s’échelonnant de 1696 à 1750 et témoignant de traditions variées.
Ont déjà été traduits par Edmond Mazet, le manuscrit d’Édimbourg et le manuscrit Chetwode Crau-
wley, qui appartiennent à la tradition écossaise, et, par Gilles Pasquier, le manuscrit Graham qui
appartient à la tradition anglaise : nous renverrons bien entendu à ces traductions. Le Dumfries, on le
constatera, bien que pratiqué en Écosse, s’inscrit dans une tradition anglaise, mais autre que celle du
Graham.
Comme les dates ne sont pas indifférentes pour examiner les problèmes d’influences possibles ou
probables, nous donnons ici, afin de n’avoir pas à les répéter dans les références, celles que les éditeurs
ont assignées à ces différents textes : manuscrit d’Édimbourg, env. 1696 ; Ms 5 Chetwode Crawley, env.
1700 ; Ms Sloane, env. 1700 ; Ms Trinity College, env. 1711 ; Ms Kevan, env. 1714-1720 ; A Mason’s
Examination, premier imprimé, 1723 ; The Grand Mystery of Free-Masons Discovered, 1724 ; The Whole
Institution of Masonry, 1724 ; Ms Institution of Free Masons, env. 1725 ; The Whole Institution of
Free-Masons Opened, 1725 ; Ms Graham, 1726 ; The Grand Mystery Laid Open, 1726 ; A Mason’s
Confession, 1727 ? ; Ms Wilkinson, env. 1727 ; The Mystery of Free-Masonry, 1730 ; Masonry Dissected,
le célèbre « pamphlet » de Pritchard, 1730 ; Ms Chesham, env. 1740 ; Dialogue Between Simon and
Philip, env. 1740 ; enfin Ms Essex, env. 1750. Rappelons que la date du Dumfries est, approximati-
vement, 1710.
Vient enfin :
– 7. La « Salutation des étrangers », c’est-à-dire des visiteurs, et là se termine ce qui, un temps, a
dû constituer l’intégralité du manuscrit Dumfries no 4, tel que les maîtres de loge en avaient besoin
pour mener à bien leurs cérémonies de réception.
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– 1. Questions sur le Temple. Ce morceau, auquel les auteurs maçonniques, notamment anglais,
font souvent allusion ou référence, est tout à fait remarquable. Il consiste en une série de treize questions
relatives au Temple de Jérusalem, et toutes les réponses données, sans exception, donnent des points
sur lesquels elles portent une explication symbolique qui renvoie au Christ.
À dire vrai, ce commentaire spirituel, voire mystique, du Temple de Salomon dans un sens
chrétien, était déjà largement amorcé dans le catéchisme maçonnique de la partie précédente, qui
comportait entremêlées dans un certain désordre avec des réponses ressortissant à l’ésotérisme du métier,
d’autres réponses affirmant une doctrine chrétienne (questions 31, 33, 38, 42, 43) et, parmi celles-ci,
les deux dernières anticipaient sur la série dont nous nous occupons – il y a même un doublon entre
les réponses 42 du catéchisme et 13 de la série, relatives l’une et l’autre à la mer d’airain. Néanmoins,
la série de 13 est complète en elle-même, nous verrons plus loin pourquoi.
Les éditeurs du texte se sont interrogés sur les sources possibles et ont mentionné le traité de Bède
le Vénérable De Templo Salomonis. Nous nous y sommes reporté, ainsi qu’au traité du même auteur
De Tabernaculo (portant sur le Tabernacle, où l’Arche d’Alliance était abritée avant la construction du
Temple). Nous donnons en note les résultats de nos recherches : en dépit de certaines similitudes que
nous indiquerons, les explications sont trop éloignées les unes des autres pour qu’on puisse admettre
l’existence d’un lien entre elles.
D’autre part, dans un numéro récent des A.Q.C. (vol. 93) l’auteur d’un article sur la question,
qui écarte lui aussi Bède, penche, en dépit de différences qu’il reconnaît, pour un ouvrage écrit en 1688
par John Bunyan (l’auteur du fameux Pilgrim’s Progress) et intitulé le Temple de Salomon spiritualisé
(Solomon’s Temple Spiritualised). Nous n’y sommes pas allés voir, mais l’analyse qu’il en donne nous a
convaincus que les différences signalées sont un obstacle insurmontable. La source n’est pas là non plus.
Où donc ? Dans son livre Le Temple de Salomon dans la tradition maçonnique (King Solomon’s
Temple in the Masonic Tradition, 1972) Alex Horne signale un ouvrage de 1659, Orbis Miraculum de
Samuel Lee et il en donne quelques extraits, mais nous n’avons pu le consulter. La question reste donc
ouverte.
Ce qui la rend très complexe, c’est que ce thème et son traitement sont un lieu commun constant
de toute la littérature chrétienne depuis les temps apostoliques et patristiques, repris dans la liturgie et
abondamment développés par tous les auteurs de traités et de sermons, lesquels n’ont cessé de se copier
l’un l’autre ou de s’inspirer les uns des autres, en sorte qu’il est très difficile, pour ne pas dire impossible,
d’attribuer la paternité de tel développement particulier à un tel plutôt qu’à tel autre.
L’idée de base provient de saint Paul qui, analysant en détail dans l’épître aux Hébreux les pres-
criptions rituelles et cultuelles de l’Ancienne Alliance, démontre qu’elles n’étaient que la préfigure de
celles de la Nouvelle Alliance dont le grand prêtre est le Christ, qui a rendu la précédente périmée. Le
nouveau Temple n’est autre que le corps du Christ, comme lui-même l’avait indiqué en disant (et ce
fut un des chefs d’accusation : Matthieu, 26, 61) : « Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai »
(Jean 2, 19). D’où l’assimilation : Temple de Jérusalem = le Christ = les chrétiens pris individuellement
et collectivement = l’Église. (Cf. 1 Corinthiens 3, 16 : « Ne savez-vous pas que vous êtes le Temple de
Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » 2 Corinthiens 6, 16 : « Nous sommes, nous, le Temple
du Dieu vivant. »)
La littérature sacrée s’est donc emparée de ce thème et c’est ainsi qu’on peut lire dans un com-
mentaire de saint Cyrille d’Alexandrie (IVe-Ve siècle) sur l’Évangile de saint Jean le passage suivant, on
ne peut plus proche des développements du Dumfries :
L’Arche était la demeure de Dieu. Elle était construite de bois imputrescible, entièrement recouvert d’or, et elle
contenait la Loi divine, de sorte qu’elle était le type du Verbe de Dieu uni à sa sainte chair : car la Loi, elle aussi,
était la parole de Dieu bien qu’elle ne fût pas la Personne du Fils...
L’unique Christ est donc représenté de diverses manières : il est la Tente, à cause du voile de sa chair ; il est
l’Arche, contenant la Loi divine, en tant que Verbe du Dieu et Père ; il est la table des propositions, car il est
vie et nourriture ; il est candélabre en tant que lumière intelligible et spirituelle ; et il est l’autel des sacrifices, le
parfum agréable qui monte vers Dieu, puisqu’il est victime pour la vie du monde.
À lire ces lignes en ignorant leur date et leur auteur, on pourrait penser que la source est là ! En
fait, on ne découvrira cette dernière que si l’on tombe un jour sur un texte présentant un parallélisme
absolu avec le Dumfries et, pour cela, il faudrait chercher, soit dans les « gloses » que le Moyen Âge
multipliait en marge des Livres Saints et dont la Glose ordinaire de Walafried Strabo (IXe siècle) et les
Postilæ super Bibliam de Nicolas de Lyra (1270-1349) ont été des exemples extraordinairement réputés
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en leur temps, soit, plus vraisemblablement, dans les commentaires d’auteurs spirituels anglais d’après
la Réforme. C’est une question de chance...
Pour en terminer avec ces « questions sur le Temple », il convient de souligner un point tout à
fait remarquable, déjà signalé par Naudon (La Franc-Maçonnerie chrétienne, p. 117) et redécouvert
indépendamment par l’auteur de l’article précité (AQC vol. 93, p. 181 sq) : leur quasi-identité avec des
rituels primitifs du Royal Arch, où le même questionnaire fait partie intégrante de la cérémonie d’exal-
tation. Comme ces rituels sont beaucoup plus tardifs que le Dumfries (environ 1785 pour l’un, fin du
siècle pour l’autre) et qu’ils étaient pratiqués dans des régions très éloignées de l’Écosse (Yorkshire et
Deptford), on voit toutes les questions qui peuvent se poser.
En outre, si l’on en croit l’analyse que Bernard Jones fait de divers rituels datant d’avant 1835,
on constate que le candidat à l’exaltation, lors du déroulement de la cérémonie dite du « passage des
voiles », découvrait, une fois admis dans le saint des saints, l’Arche d’Alliance, les tables de pierre, le
pot de manne, la table des pains de proposition et le chandelier à sept branches – tous éléments qui se
retrouvent dans le Dumfries ; et qu’on lui en donnait une explication sous forme de catéchisme par
demandes et réponses – comme dans le Dumfries (Freemason’s Book of Royal Arch, p. 166-167).
Ne peut-on raisonnablement conjecturer qu’à une date relativement précoce au XVIIIe siècle, la
« Vieille Loge » de Dumfries a fonctionné à la fois (et possiblement au cours de la même tenue, comme
cela se pratiquait couramment) en loge opérative, avec la présence de maçons acceptés, et en ce qui
n’était peut-être pas encore un chapitre de l’Arche Royale, mais le préfigurait ?
La suite du texte devient passablement hétéroclite. On trouve d’abord :
– 2. Quelques dimensions du Temple, d’origine inconnue, car elles ne se trouvent pas dans l’Écri-
ture, qui donne des chiffres autres.
– 3. Un catéchisme par questions et réponses assez différent du précédent : plus succinct, exempt
de symbolisme mystique (mais non de références chrétiennes, cf. question 12) et similaire en plusieurs
points au Mason’s Examination imprimé quelques années plus tard. D’autres rapprochements sont à
faire, que nous indiquons, avec la célèbre divulgation de Pritchard, Masonry Dissected.
– 4. Un blason qui représente, très grossièrement mais d’une façon très reconnaissable, les armes
de la Compagnie des Maçons de Londres telles qu’elles lui avaient été octroyées en 1472, c’est-à-dire
« un champ de sable, un chevron d’argent, trois châteaux de même, dans le chevron un compas de noir
(sic) » (cf. Harry Carr, The Freemason at Work, 6e éd. p. 14).
La présence de ce blason pose une énigme, non moins que celle de la devise Invia virtuti via nulla
prétendument adoptée par les maçons à l’assemblée d’York.
– 5. Une explication des deux colonnes vient ensuite. Elle rend de nouveau un son chrétien
puisqu’elle allégorise les colonnes J et B par rapport – ce qui n’est pas une nouveauté – à la Synagogue
et à l’Église.
De ce que la dernière question précédant le blason avait trait elle aussi à deux colonnes, mais
différentes, celles qu’avaient érigées, selon le récit légendaire, les fils de Lamech avant le Déluge, la
plupart des commentateurs ont déduit qu’une confusion s’était établie entre les unes et les autres. C’est
possible, mais ce n’est pas prouvé.
– 6. Pour terminer, après le mot FINIS, figurent huit « vers », disons huit lignes rimées et vague-
ment scandées dont quatre (une sur deux) comportent, à la césure, des croquis représentant : une tête
de mort de profil (semble-t-il, d’après la conjecture des éditeurs) ; deux colonnes ; une équerre ; un
compas.
Tel qu’il est, ce manuscrit d’une exceptionnelle richesse pose, on le voit, bon nombre de questions
qui suscitent un intérêt d’autant plus vif que les réponses à y apporter dépendent de nouvelles décou-
vertes qui restent à faire. Quels rapports cette loge lointaine de ce qui était à l’époque une petite ville
pouvait-elle entretenir avec l’encore puissante, malgré son déclin, Compagnie des Maçons de Londres ?
Quelle origine peut avoir la devise dont il est fait état ? Quelque grande famille ayant avec la maçonnerie
des rapports intimes, à l’instar, toujours en Écosse, des Saint-Clairs of Roslin ? Avec cet infléchissement
des traditions de métier dans un sens chrétien affirmé, avec cette élaboration d’un commentaire mys-
tique et christique sur le Temple qui devait par la suite servir rituellement à des chapitres de l’Arche
Royale, tiendrions-nous un maillon entre la Craft, la Maçonnerie symbolique (encore opérative mais
sûrement investie par des « spéculatifs » : ce commentaire n’est à l’évidence pas l’œuvre de simples
tailleurs de pierre, si experts fussent-ils en leur métier) et son « complément naturel », et cela à une date
très précoce – si du moins cette partie du texte n’a pas été rajoutée longtemps après la précédente ? Et
maintes autres questions qui surgissent à la lecture et que nous signalons au fur et à mesure. Aussi
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était-il capital que ce document soit enfin disponible en français et accessible à un public, éclairé certes,
mais non spécialisé. C’est la seule justification mais aussi toute la justification de notre travail, en dépit
de ses grandes imperfections.
Avertissement
Les mots ou passages entre crochets droits [ ] ne figurent pas dans le texte. Ce sont, ou des
adjonctions nécessaires à son intelligence, ou des restitutions de mots manquants, proposées soit par
les éditeurs, soit par nous, ce qui est précisé à chaque fois. De la même manière, nous avons inséré des
sous-titres, également entre crochets droits, dans l’histoire légendaire pour en rendre plus claire l’arti-
culation. En revanche, les sous-titres en majuscules sont d’origine.
De même aussi, nous avons attribué entre crochets des numéros aux questions qui n’en compor-
taient pas.
Les points de suspension entre parenthèses (...) désignent des lacunes non comblées.
Pour la ponctuation, totalement absente du texte, et pour les majuscules, employées sans règle,
nous avons suivi l’usage actuel.
Le manuscrit
PRIÈRE D’ENTRÉE
[Que] le Père Tout-Puissant de Sainteté, [avec] la sagesse du glorieux Jésus, par la grâce du Saint-Esprit,
qui sont trois Personnes en un seul Dieu [et] que nous implorons, soit avec nous au commencement
et nous donne la grâce de nous gouverner vers Lui en cette existence mortelle d’ici-bas de façon que
nous puissions parvenir à son Royaume qui n’aura pas de fin.
Amen 6.
PRÉFACE
Bons frères et compagnons, notre dessein est de vous faire connaître de quelle manière [naquit] cette
excellente science de la maçonnerie, quand et comment elle débuta, et aussi comment elle fut soutenue,
favorisée et révérée 7 par les plus fameux et braves héros de la terre tels que rois [et] princes, ainsi que
toutes sortes de gens intelligents au plus haut degré ; de même que les obligations de tous les maçons
vrais et qualifiés 8, auxquelles on leur a enseigné de se conformer en toute loyauté et de bien prendre
garde s’ils souhaitaient être récompensés 9.
LA FORME DU SERMENT
Les obligations que nous vous énumérons maintenant, ainsi que toutes les autres obligations et secrets
se rapportant par ailleurs aux francs-maçons et à tous ceux qui ont été reçus dans leur association par
curiosité 10, de même que les délibérations de cette sainte loge, chambre ou salle 11, vous ne devrez,
contre aucun don, présent ou récompense, faveur ou affection, directement ou indirectement, ni pour
aucune autre raison, les divulguer [ni] les dévoiler, que ce soit à père ou mère, sœur ou frère, ou enfants,
ou étranger ou toute autre personne.
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LA MANIÈRE DONT ELLE COMMENÇA AU DÉBUT
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La quatrième est la musique, qui enseigne le chant, la harpe et l’orgue ainsi que toutes autres sortes de
musique vocale et instrumentale ; il faut avoir [en mémoire] 18 que cette science n’a ni milieu, ni fin.
La cinquième est la logique, qui découvre la vérité d’avec l’erreur 19 et est un guide pour les juges et
les hommes de loi.
La sixième est la géométrie, qui enseigne à mesurer les cieux matériels 20 ainsi que toutes les dimensions
de la terre et tout ce qui y est contenu.
La septième et dernière des sciences est l’astronomie, avec l’astrologie 21, qui enseigne à connaître le
cours du soleil, de la lune et des étoiles, ornements des cieux.
Les sept sciences [sont] toutes fondées sur la géométrie, par laquelle nous concluons, cette science très
excellente qui donne [appui] 22 et aide aux autres ; c’est-à-dire qu’il n’est personne, dans aucun métier,
qui ne travaille au moyen d’une mesure et [ne dépende] entièrement de la géométrie, car elle sert à
peser et à mesurer toutes sortes de choses sur terre : spécialement les laboureurs et cultivateurs du sol
en graines et semences, vignes et fleurs, plantes et autres. Car, sans la géométrie, aucune des autres
[sciences] ne sert aux hommes à mesurer 23.
Comment cette science commença au début, je vais le conter.
Avant le déluge de Noé, il y avait un homme appelé Lamech 24, qui avait deux femmes. L’une [se
nommait] Adah ; cette Adah mit au monde deux fils, [nommés] l’aîné, Jabel et l’autre, Jubal. Et de
l’autre femme, il eut un fils appelé Tubalcaïn et une fille appelée Naamah. Et ces enfants inventèrent
toutes les sciences et métiers au monde 25.
Jabel était l’aîné et il inventa la géométrie ; il possédait des troupeaux de moutons et ils eurent aux
champs des agneaux, pour qui il fabriqua des abris de pierre et de bois, ainsi que vous pouvez le trouver
dans le 4e chapitre de la Genèse 26. Et son frère Jubal inventa l’art de la musique vocale et instrumentale.
Et le troisième frère inventa le travail de la forge, tel que cuivre, acier et fer. Et leur sœur inventa l’art
du tissage et du maniement de la quenouille et du fuseau 27.
Ces enfants surent que Dieu voulait tirer vengeance du monde à cause de ses péchés, soit par le feu,
soit par l’eau. Néanmoins, soucieux avant tout du profit de la postérité, ils préférèrent [les] sciences
qu’ils avaient inventées à leurs propres vies 28. C’est pourquoi ils gravèrent ces sciences 29 sur des colonnes
de pierre de façon qu’elles puissent être [re]trouvées après le déluge : l’une [était en] pierre appelée
marbre, qui ne peut brûler au feu, l’autre monument était [en briques] 30, qui ne peuvent se dissoudre
dans l’eau.
[Hermorian-Nemrod]
Puis, après le déluge, le grand Hermorian 31, fils de Cush – et Cush était le fils de Cham, second fils
de Noé 32 – Hermorian fut appelé « le père de la sagesse 33 », rapport à ces colonnes 34 qu’il trouva après
le déluge avec les sciences inscrites dessus 35 : il les enseigna, lors de la construction de la Tour de
Babylone, où il fut appelé Nemrod ou « puissant devant le Seigneur » 36.
Nemrod fit profession de maçonnerie sur le désir du roi [de] Ninive son cousin. Il 37 fit des maçons et
les recommanda au seigneur du pays 38 pour construire toutes sortes de constructions alors en vogue,
et il leur enseigna des signes et des attouchements 39 pour qu’ils puissent se distinguer entre eux d’avec
tout le reste des hommes sur terre.
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LA MANIÈRE DE LEUR OBLIGATION
– Primo, qu’ils s’aiment les uns les autres et qu’ils servent le Seigneur du ciel d’un cœur vrai et sincère
pour prévenir [sa] vengeance future ;
– qu’ils soient honnêtes et droits et loyaux envers le seigneur leur patron, de façon que ledit Nemrod
puisse tirer révérence et honneur de les lui avoir adressés ;
– et qu’il n’y ait manœuvres, menées, division, dissimulation ni mésintelligence parmi eux, sans quoi
Dieu les rendrait muets 41 comme précédemment lorsqu’il confondit leur langage à cause de leur pré-
somption.
Ce fut la première fois que les maçons eurent souci de leur métier 42.
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Après cela, Abraham, avec Sarah, sa femme, s’en vint en Égypte et il y enseigna les sept sciences aux
Égyptiens. Et il eut là, en Égypte, un élève excellent, qui se révéla la gloire de ce temps-là, du nom
d’Euclide 43. Ce jeune homme développa son talent au point qu’il surpassa tous les artistes d’alors sur
terre, et Abraham se complut en lui pour cela. C’était un grand expert 44 et il annonçait tous les
événements futurs à la multitude irréfléchie.
Et il advint en ce temps-là que les seigneurs et les grands de ce pays eurent tant et plus d’enfants, qu’ils
avaient engendrés, [certains de leurs femmes et] 45 certains d’autres femmes et dames du royaume, car
l’Égypte était alors une région d’abondance et (...) 46 ; et il n’y avait pas suffisamment de quoi vivre
pour [ces] enfants.
C’est pourquoi les grands du pays furent gravement en souci de la manière de subvenir aux besoins
des enfants. Et le roi du pays convoqua un parlement pour délibérer sur la façon dont on pourrait les
approvisionner, mais ils 47 ne surent trouver aucune solution possible, sauf de faire faire une proclama-
tion par tout le pays : s’il était quelqu’un qui puisse [leur] faire savoir quelles dispositions prendre au
sujet de leurs jeunes gens, il serait bien récompensé pour sa peine et son dérangement.
Après cette annonce 48 ou proclamation, survint l’excellent docteur Euclide 49, et il dit au roi et à ses seigneurs :
« Voulez-vous 50 me donner vos enfants afin que je les gouverne et enseigne comme des gentilshommes
doivent l’être 51, et [nous] accorder, à eux et à moi, une dotation convenable 52 afin que je les puisse régir
et enseigner conformément à leur qualité et leur donner ordre 53 ainsi que la science le requiert ? »
Et le roi l’accorda et il scella [ces clauses] en une charte.
Et l’excellent clerc Euclide prit les enfants des seigneurs et leur enseigna la science de la géométrie 54 :
[c’est-à-dire] à œuvrer à toutes sortes d’excellents ouvrages de pierre, temples, églises, cloîtres, cités,
châteaux, pyramides, tours et tous autres excellents bâtiments de pierre. Et il les organisa en ordre 55,
et il leur enseigna à se reconnaître avec certitude. Et il confirma les coutumes de Nemrod :
– qu’ils s’aiment les uns les autres véritablement ;
– qu’ils gardent la loi de Dieu écrite en leurs cœurs ;
– par-dessus tout, qu’ils gardent les secrets de la loge et les secrets les uns des autres ;
– qu’ils s’appellent l’un l’autre « compagnon » et qu’ils s’abstiennent de toutes autres appellations
malsonnantes 56 ;
– qu’ils se comportent comme des hommes de l’art et non comme des rustres incultes ;
– qu’ils investissent 57 l’un des plus sages d’entre eux pour être le maître des autres et superviser l’ouvrage ;
– que, ni par amour, ni par [goût des] richesses, ils ne trahissent la confiance [mise en eux] 58 et qu’ils
ne désignent personne qui manque d’intelligence comme maître d’œuvre 59 du seigneur, afin que le
métier 60 ne puisse être cause de scandale ;
– qu’ils appellent le gouverneur de l’œuvre « maître » durant le temps qu’ils travaillent avec lui.
Et ledit Euclide écrivit pour eux un livre des Constitutions, et leur fit jurer [par] le plus grand serment
usité en ce temps-là qu’ils observaient fidèlement toutes les prescriptions 61 contenues dans les Consti-
tutions de la Maçonnerie.
Et il décréta pour eux une paye suffisante pour qu’ils puissent vivre en hommes d’art et de science.
[Il décréta] aussi :
– qu’ils s’assembleraient et se réuniraient pour tenir conseil sur les matières touchant au métier et art
de géométrie 62 ;
– qu’ils ne devraient pas frayer avec qui n’est pas dûment qualifié et régulièrement créé dans une vraie loge 63 ;
– et qu’ils se tiendraient à bonne distance de tout désordre, sans quoi Dieu mettrait parmi eux une
seconde confusion qui se révélerait pire que la première 64.
Après quoi, l’excellent clerc Euclide inventa maintes rares inventions et accomplit des exploits merveil-
leux, car il n’y avait rien de trop dur pour lui dans le contenu des sept sciences libérales : grâce à quoi
il fit du peuple d’Égypte le plus sage peuple de la terre.
Par la suite, les enfants d’Israël s’en vinrent dans la Terre Promise 65, qui est maintenant appelée parmi
les nations le pays de Jérusalem, où le roi David commença le Temple de Jérusalem qui, chez eux, est
appelé le Temple de Diane 66. Et David aima les maçons et les choya en leur donnant de bons gages.
Et il leur donna leur obligation de cette manière :
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– qu’ils [obéissent] 67 fidèlement aux dix commandements 68 qui avaient été écrits du doigt de Dieu en
caractères de pierre – ou tables de marbre 69 – et remis à Moïse sur le saint mont Sinaï, et cela avec une
solennité céleste : des myriades d’anges avec des chars de feu les escortant en cortège 70 (ce qui prouve
que la [sculpture] 71 sur pierre est d’institution divine) 72.
Ainsi que maintes autres choses qu’il leur donna en obligation telles qu’il les avait [rapportées] d’Égypte
[et reçues] du très fameux Euclide ; et d’autres obligations que vous entendrez plus tard.
[Salomon et Hiram]
Après quoi, David acquitta le tribut de la nature 73. Et Salomon, son fils, réalisa le Temple que son
père avait commencé ; et divers maçons de plusieurs pays se rassemblèrent, en sorte qu’il y en eut
quatre-vingt mille, parmi lesquels trois cents qui étaient qualifiés et furent désignés comme surveillants 74
de l’ouvrage 75.
Et il y avait à Tyr un roi nommé Hiram qui aimait beaucoup Salomon, et il lui 76 donna du bois pour
son ouvrage. Et il lui envoya également un artiste en qui était l’esprit de sagesse ; sa mère était de la
tribu de Nephtali et son père un homme de Tyr ; son nom était Hiram. Le monde n’avait pas produit 77
son égal jusqu’à ce jour.
C’était un maître maçon 78 d’un savoir et d’une générosité extrêmes. Et il fut maître maçon de tous les
bâtiments et bâtisseurs du Temple et de tous les ouvrages taillés et sculptés dans le Temple et alentour,
ainsi qu’il est écrit au premier [livre] des Rois, en ses 6e et 7e chapitres 79.
Et Salomon confirma à la fois les obligations et les coutumes que David son père avait données aux
maçons 80 ; et [ainsi] fut l’excellent métier de la Maçonnerie confirmé dans le pays de Jérusalem et de
la Palestine [et en] maints autres royaumes 81.
Les gens du métier se répandirent au loin et se trouvèrent apprendre davantage l’art ; et certains furent
qualifiés pour enseigner les autres et instruire les ignorants 82, en sorte que le [Métier ?] 83 commença à
avoir un air splendide et glor[ieux] dans le mon[de], particulièrement à Jérusalem et en Égypte.
[Minus Greenatus et Charles Martel]
Et, vers cette époque, le maçon curieux [de science] 84 Minus Greenatus, alias Green 85, qui avait [travaillé
à] bâtir le Temple de Salomon, [s’en vint] 86 dans le royaume de France, et il enseigna l’art de la
maçonnerie aux enfants de l’art de ce pays.
Et il y eut un [prince] de la lignée royale en France, nommé Charles Martel 87, qui aima Minus Greenatus
au-delà de toute expression, à cause de son intelligence en l’art de la maçonnerie. Et ledit Martel adopta les
coutumes des maçons ; et puis, il [s’en] fut dans son propre royaume – car il semblerait qu’il ne fût pas
français 88 – et il emmena chez lui beaucoup de braves maçons, et il leur alloua de bons gages 89. Et il les
organisa en l’ordre 90 que Greenatus lui avait enseigné, leur confirma une charte et leur ordonna de s’assembler
fréquemment afin de maintenir bon ordre au sein de leurs groupes 91. Et ainsi vint le Métier en France 92.
[Saint Alban]
L’Angleterre durant toute cette période se trouva dépourvue de maçons, jusqu’au temps de saint Alban 93.
En ce temps-là, le roi d’Angleterre était un païen ; et il bâtit la ville qu’on appela par la suite Saint-
Albans. Du temps d’Alban, il y avait un excellent homme qui était intendant en chef du roi et qui
avait le gouvernement du royaume 94.
Et il employa les maçons à bâtir les murailles de Saint Albans. Et il fit maçons ses principaux com-
pagnons 95. Et il accrut d’un tiers leur paye par rapport à précédemment 96 ; et il leur assigna trois heures
chaque jour pour se recréer 97 afin qu’ainsi leur emploi ne leur paraisse pas pénible et qu’ils vivent, non
comme des esclaves, mais comme des gentilshommes d’art et de science 98.
Et il prescrivit aussi qu’un certain jour, chaque année au mois de juin, [aurait lieu] une assemblée et
une fête afin de maintenir (...) 99 et l’unité parmi eux, et que ce jour-là, celui de la Saint-Jean, ils
hisseraient leur étendard royal avec les noms et titres de tous les rois et princes qui avaient été reçus
dans leur association, de même aussi que les armes des maçons avec les armes du Temple de Jérusalem
et de tous les monuments fameux du monde.
Toutes ces franchises, ce noble homme les obtint du roi, et il leur fit accorder une charte pour les
maintenir à jamais inchangées. En outre, ils [reçurent] 100 la devise [suivante] en lettres d’or posées sur
champ de gueules 101 avec sable et argent : Invia virtuti via nulla 102.
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[Athelstan et Hadrien]
Par la suite, survinrent de grandes guerres en Angleterre ; aussi la règle de bonne conduite fut délaissée jusqu’au
règne d’Athelstan 103 qui fut un bon roi d’Angleterre et mit le pays en paix, et bâtit nombre d’excellents et
somptueux bâtiments, tels qu’abbayes, églises, cloîtres, couvents, châteaux, tours, forteresses, remparts, ainsi
que tous autres monuments marquants. Il se comportait en frère affectionné avec tous les maçons qualifiés.
En outre, il avait un fils dont le nom était Hadrien 104. Et cet Hadrien, aimait, quant à lui, les maçons
au point de ne pouvoir ni manger ni boire que lorsqu’ils étaient en sa compagnie. C’était un noble et
généreux esprit, plein d’art et de pratique. Il choisissait de se réunir 105 avec les maçons plutôt qu’avec
les courtisans de la cour de son père : il éprouvait davantage d’attrait à s’entretenir avec les maçons ;
et il apprit leur art 106 et il entra dans l’ordre 107.
Il gratifia l’ensemble des maîtres de la fraternité d’équerres d’or et de compas d’argent à pointe d’or 108,
de perpendiculaires à plomb d’or pur, de truelles d’argent, ainsi que tous les autres instruments à
l’avenant. Il leur fit en outre accorder par son père une charte et des pouvoirs pour tenir chaque année
une assemblée de maçons 109 où chaque maçon était obligé de rendre compte de sa capacité et de sa
pratique. Et, à ces réunions, il leur imposa de nouvelles méthodes de secret 110 et il leur enseigna les
bonnes coutumes conformément aux règles d’Euclide et d’Hiram et autres notables fameux. Et lorsqu’un
délit était commis dans le Métier, il infligeait un juste châtiment au coupable. Il se consacra à l’anéan-
tissement du vice et encouragea publiquement la vertu.
[L’assemblée d’York]
Par la suite, il s’en vint à York 111 et il y fit des maçons, leur donna leur obligation et leur enseigna les
coutumes de la maçonnerie. Et il écrivit un Livre des Constitutions et il commanda que la règle soit
maintenue ensuite à jamais. Et il prit des ordonnances aux termes desquelles le métier serait réglé de
règne en règne comme il fut alors arrêté et ordonné par les plus éminents de cette assemblée.
En outre, il fit une proclamation selon laquelle tous les maçons qui avaient des certificats ou attestations
par écrit de leurs voyages 112 [et de leur] capacité et pratique devraient les présenter pour prouver leur
art et leur comportement antérieurs ; et il en fut apporté, certains en hébreu, d’autres en grec, latin,
chaldéen, syriaque, français, allemand 113, slavon et anglais, ainsi que plusieurs autres langues, et la teneur
en était identique 114. Sur quoi, le fameux Hadrien leur remémora la confusion [qui avait eu lieu] à la
construction de la Tour de Nemrod 115, et que, s’ils désiraient que Dieu les favorise, eux et leurs actions,
ils ne devraient plus être tentés ou attirés par l’idolâtrie, mais sincèrement honorer et adorer le Grand
Architecte du ciel et de la terre, fontaine et source de tout bien, qui en édifia la forme visible à partir
de rien 116 et en posa les fondements sur les eaux profondes 117, et donna commandement à la mer d’aller
jusque-là et pas plus loin 118, le grand seigneur du ciel et de la terre 119, l’unique protecteur de l’homme
et des bêtes (psaume 36, 6-7) 120, lui qui régit et gouverne le soleil, la lune et les étoiles 121. Il leur
donna de surcroît avis de mesurer Sa toute-puissance au compas de leur intelligence 122 afin qu’ils aient
d’autant plus horreur de l’offenser. Et maintes autres maximes divines qu’il leur mit en mémoire.
Et il commanda que soit fait un livre [relatant] la façon dont le Métier fut inventé au début 123 et 124
qu’il soit lu chaque fois qu’on ferait un maçon (et si par la suite il devait s’égarer, il n’aurait vraiment
aucune excuse pour échapper à son châtiment) 125 ; et qu’on lui donne son obligation 126 conformément
à ce livre. Et qu’à partir de ce temps-là, les maçons maintiennent ces formes et ces dispositions, pour
autant que les hommes peuvent en être maîtres 127.
Et, de surcroît, en des assemblées particulières, il y eut des obligations diverses ajoutées au fur et à
mesure, sur le conseil des maîtres et compagnons, relativement à leur [attitude ? 128] et comportement
sur tous les points particuliers de la maçonnerie 129.
L’OBLIGATION
[Exhortation]
Que tout homme qui est maçon ou qui entre 130 dans l’association pour élargir et satisfaire sa curiosité 131
prête attention à l’obligation suivante.
Si l’un de vous est coupable d’un des actes immoraux 132 qui suivront, voyez à vous repentir et à vous
amender en hâte, car vous trouverez que c’est chose dure de tomber entre les mains de notre Dieu
courroucé ; et tout spécialement vous qui êtes assermentés, prenez garde à tenir le serment et promesse
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que vous avez fait en présence de Dieu Tout-Puissant. Ne pensez pas qu’une restriction mentale ou
équivoque puisse servir car, pour sûr, chaque mot que vous avez prononcé durant tout le temps de
votre réception est un serment, et Dieu vous jugera d’après la pureté de votre cœur et la netteté de vos
mains. C’est un outil au tranchant effilé avec quoi vous jouez, prenez garde d’être privé de votre salut
pour quelque apparente satisfaction 133.
[Obligations générales]
Primo, vous servirez le vrai Dieu et vous observerez ses préceptes en général et particulièrement les dix
commandements 134 remis à Moïse sur le mont Sinaï ainsi que vous les trouverez exposés en entier sur
le pavé du temple 135.
2o) Vous serez fidèle et constant envers la sainte Église catholique et vous fuirez, à votre connaissance,
toute hérésie, schisme ou erreur 136 ;
3o) Vous serez loyal à la loge et garderez tous les secrets s’y rapportant 137 ;
4o) Vous serez loyal au roi légitime du royaume 138, vous prierez pour son salut dans toutes les occasions
qui se rencontreront où vous prierez pour vous-même, et vous ne prendrez part à aucun plan de trahison
contre sa personne et son gouvernement ;
5o) Vous vous aimerez et serez loyaux les uns envers les autres et vous ferez à vos proches ou compagnons
comme vous voudriez qu’ils vous fissent 139 ;
6o) Vous conserverez des rapports loyaux et confiants avec tous ceux des maîtres et compagnons que
vous saurez avoir été régulièrement reçus dans l’ordre 140 ; vous garderez leurs secrets, vous vous oppo-
serez de toutes vos forces à ce qu’on leur fasse tort, vous soutiendrez leur honneur et leur crédit 141 ;
7o) Que tous maçons disposent d’une véritable loge, chambre ou salle pour causer et [juger ? 142] des
choses touchant à l’honnêteté et à la conduite morale, où ils pourront raviver leurs souvenirs des
disparus éminents ;
8o) Soyez loyal et honnête envers le seigneur ou patron, faites son ouvrage fidèlement, faites tout votre
possible pour assurer son profit et avantage, ne le fraudez en nul point, quel qu’il soit, afin qu’il n’ait
aucun motif de réclamation et que vous [en] récoltiez de l’honneur 143 ;
9o) Vous [appellerez 144] « maçons » vos compagnon[s] et frères et vous ne leur donnerez pas des noms 145
irrévérencieux à cause de quoi pourraient surgir des disputes, divisions et emportements qui pourraient
causer du scandale 146 ;
10o) Qu’aucun maître ou compagnon, par débauche 147 ou impiété, n’induise la femme, la fille ou la
servante d’un autre compagnon en adultère ou fornication ;
11o) Soyez très attentif à payer fidèlement et honnêtement votre écot : nourriture, boisson, lavage et
logement, quand vous êtes en pension 148 ;
12o) Prenez bien garde 149, là où vous logez, qu’aucune débauche 150 ne soit commise à cause de quoi le
Métier pourrait être diffamé ;
13o) Observez attentivement et fidèlement le jour du Seigneur 151 en vous abstenant de toute œuvre et
tâche mauvaise, appliquez-vous à employer ce jour à servir et chercher le vrai Dieu, à retenir les facultés
de votre âme de vagabonder après les vanités de ce monde, à prier Dieu de sanctifier votre volonté,
votre intelligence et votre mémoire ainsi que votre raison et vos sentiments 152 ;
14o) Faites votre affaire de soulager les pauvres selon votre talent et vos moyens, ne laissez pas votre
prudence supplanter votre charité, dans l’idée que tel ou tel est indigne ou n’est pas dans le besoin,
mais [au contraire] ne négligez aucune occasion, car c’est pour l’amour de Dieu que vous donnez et
par obéissance à ses commandements ;
15o) Visitez les malades, réconfortez-les, priez pour eux et ne les laissez pas dans une détresse qu’il est
en votre pouvoir de secourir ; si Dieu les rappelle d’ici-bas, participez et assistez à leurs obsèques ;
16o) Soyez affable et bon envers tous mais plus spécialement envers les veuves et les orphelins, prenez
résolument leur parti, défendez leurs intérêts, soulagez leur indigence : même si c’est du pain jeté en
eau incertaine, pourtant, pour la bénédiction particulière du ciel, [cela vous] sera rendu avec un intérêt
septuple et vous assurera un placement dans l’autre monde 153 ;
17o) Vous ne boirez jusqu’à l’ivresse en aucune occasion, car c’est une offense à Dieu et, en outre, vous
seriez [alors] capable de révéler les secrets de la loge et ainsi de vous parjurer ;
18o) Vous vous abstiendrez de tous divertissements scandaleux et profanes, des jeux de hasard et de
tous autres jeux ruineux 154 ;
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19o) Vous bannirez tout langage lascif ainsi que tout langage, postures et gestes obscènes, car tout cela
ne fait que plaire au [Malin] 155 et nourrir la luxure.
Telles sont les obligations en général auxquelles tout maçon devrait se conformer, [qu’il soit] maître
ou compagnon 156. Il est fort à souhaiter qu’ils les conservent avec soin dans leur cœur, leur volonté et
leurs sentiments ; et, ce faisant, ils se rendront fameux auprès des générations futures. Et Dieu bénira
leur postérité 157 et leur 158 donnera un beau talent, et il en répartira les lignées en des lieux agréables 159.
Les obligations qui incombent aux maîtres et compagnons sont comme suit :
Primo, nul compagnon ne se chargera de l’ouvrage d’un seigneur ou d’un autre patron, qu’il ne se
sache lui-même assez [capable 160] et habile pour le parachever, de façon que le Métier n’éprouve aucun
discrédit et que le seigneur ou patron ne soit pas dupé mais [au contraire] loyalement servi pour son
argent 161.
Si 162 un maçon s’est chargé d’un ouvrage ou se trouve être le maître d’une œuvre, il n’en sera pas évincé
s’il est capable de l’achever 163.
[2] Item, nul maître ou compagnon ne prendra un apprenti en vue de son admission 164 pour [une
durée] moindre que sept ans, et l’apprenti devra être valide de membres et avoir bon souffle 165.
[3] Item, nul maître ou compagnon ne recevra de l’argent avant l’embauche sans le consentement de
la loge 166.
[4] Item, nul maître ou compagnon ne se permettra de créer un maçon sans [la présence de] cinq ou
six au moins de ses compagnons et qui soient dûment assermentés 167.
[5] Item, nul maître ou compagnon ne mettra à la tâche l’ouvrage d’un seigneur qui, usuellement, était
à la journée 168.
[6] Item, nul maître ne donnera de paye à son compagnon qu’autant qu’il la mérite, de sorte que le
patron ne soit pas abusé par des ouvriers ignorants 169.
[7] Item, nul compagnon n’en diffamera un autre derrière son dos, à cause de quoi il pourrait perdre
sa bonne réputation ou ses biens terrestres 170.
[8] Item, nul compagnon, dans une loge ou dehors, ne répondra à son compagnon d’une façon irres-
pectueuse 171.
[9] Item, nul, là où existe une loge de compagnons, n’ira en ville de nuit sans qu’il ait avec lui un
compagnon pour prouver qu’il est honnête homme ou qu’on le pense tel 172.
[10] Item, tout maître et compagnon se rendra à l’assemblée à la première convocation, si c’est dans la
limite de 5 milles de [chez] lui, et il y demeurera aux frais de ses compagnons ou de son maître 173.
[11] Item, tout maître (et compagnon) 174 priera pour son supérieur et l’aura en vénération 175.
[12] Item, [tout] maître et compagnon qui aura commis un délit se soumettra à l’arrêt de [ses] maîtres
et compagnons 176, en fonction du rapport 177 remis à son sujet ; et si [l’affaire] ne peut être décidée
autrement, elle devra venir devant l’assemblée 178.
[13] Item, nul maître maçon ne fabriquera aucun gabarit 179 équerre ou règle pour un poseur 180 ou un
cowan 181.
[14] Item, nul maître, dans une loge ou dehors, ne confiera à un poseur 182 un gabarit à pierre ou autre,
à moins que ce ne soit [pour] sa propre formation 183.
[15] Item, tous maçons recevront les maçons étrangers dans leurs groupes 184 à travers le pays là où ils
trouvent intérêt [à se rendre] 185, et ils les mettront à l’ouvrage selon les règles : c’est-à-dire, s’il y a un
élément sculpté 186 à mettre en place, qu’ils disposent de deux semaines au moins et qu’on [leur] 187
donne [leur] salaire ; et s’il n’y [en] a pas 188, qu’[ils soient] 189 restaurés en nourriture et en boisson
pour [leur permettre de] tenir jusqu’à la loge suivante 190.
[16] Item, nul qui est dans l’ordre ne restera à écouter quelqu’un qui n’ordonne 191 par ses paroles et
ses pas 192 correctement, mais si [celui-ci] prouve qu’il est lui-même un homme 193, alors vous êtes obligé
de l’embrasser et de lui faire les politesses du métier 194.
[17] Item, tous les maçons seront honnêtes dans leur ouvrage, qu’il soit à la tâche ou à la journée, et
ils le mèneront loyalement à son terme 195, de façon à agir comme ils doivent 196.
[18] Item, nulle loge ou quorum 197 de maçons ne donnera le secret royal à quelqu’un tout soudain,
mais [au contraire] avec grande circonspection : d’abord, qu’il apprenne ses questions par cœur, puis
ses symboles ; ensuite, faites comme la loge jugera bon 198.
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L’OBLIGATION DE L’APPRENTI
Primo, il sera fidèle à Dieu, à la sainte Église catholique, au roi et au 200 maître qu’il servira.
[2] Il ne volera ni ne dérobera les biens de son maître ou de sa maîtresse et il ne s’absentera de leur
service ni ne sortira de chez eux à sa guise de jour ni de nuit sans permission 201.
[3] Il ne commettra pas d’adultère ni de fornication dans ou hors la maison de son maître, avec la fille
ou la servante de son maître ou autrement.
[4] Il gardera le secret sur toutes choses dites dans ou hors la loge, chambre ou salle par un compagnon,
un maître ou un confrère 202.
[5] Il ne se livrera pas à une contestation empreinte d’insubordination.
[6] Il divulguera tout secret à cause de quoi un conflit pourrait surgir parmi les maçons, compagnons
ou apprentis 203 ; mais il se comportera avec déférence envers tous les francs-maçons 204 afin de gagner
des frères à son maître.
[7] Il n’aura pas coutume de jouer aux cartes ou aux dés ou à tout autre jeu ou jeux illicites.
[8] Il ne dérobera ni ne volera aucun bien à personne ni ne s’associera [à cela] durant son apprentissage,
mais [au contraire] il s’y opposera de toutes ses forces et en informera son maître ou quelque autre
maçon avec toute la hâte possible et désirable 205.
206
QUESTIONS ET RÉPONSES
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– Ils auront le cœur arraché tout vif, la tête coupée et le corps enseveli dans les laisses de mer 221 et en
nul lieu où sont ensevelis les chrétiens.
[18] Combien y a-t-il de lumières dans votre loge ?
– Deux.
[19] Lesquelles 222 ?
– Le soleil [qui] se lève à l’est et met tous les hommes à l’ouvrage, et [qui] se couche à l’ouest et ainsi
renvoie tous les hommes au lit 223.
[20] De quelle façon est disposée votre loge ?
– D’est en ouest 224, parce que toutes les églises et temples sacrés sont ainsi disposés, et particulièrement
le Temple de Jérusalem.
[21] Hiram 225 n’aurait-il pu poser les fondations du Temple du sud au nord plutôt que de l’est à
l’ouest ?
– Non, il ne le pouvait pas.
[22] Donnez une raison à cela.
– David prescrivit que les fondations du Temple fussent posées sur une aire à blé 226, comme vous
pouvez le lire dans la sainte Bible, où elle est dénommée l’aire d’Ornan le Jébuséen 227.
De même, vous pouvez lire dans les saintes Écritures que l’Arche du Seigneur, en laquelle était renfermée
l’Alliance entre Dieu et les hommes ainsi que les deux tables de marbre avec les dix commandements
écrits du doigt de Dieu 228, fut retenue par malchance un [temps] 229 considérable sur ladite aire d’Ornan,
ce qui obligea à poser les fondations d’est en ouest conformément à la position des deux Tables 230.
[23] Qu’est-ce que la maçonnerie ?
– Une œuvre d’équerre 231.
[24] Qu’est-ce qu’un maçon ?
– Un ouvrier de la pierre 232.
[25] Reconnaîtriez-vous votre maître si vous le voyiez ?
– Oui.
[26] De quelle façon le reconnaîtriez-vous ?
– À son habit.
[27] De quelle couleur est son habit ?
– Jaune et bleu, ce qui signifie le compas, qui est de cuivre et de fer 233.
[28] Quel mortier les maçons eurent-ils à la construction du Temple ?
– Exactement le même 234 qu’à la construction de la Tour de Nemrod, c’est-à-dire de la boue qui était
une sorte de terre ardente qu’ils affinaient et pulvérisaient à l’intérieur du mur une fois les pierres
posées ; c’était un ciment naturel ou bitume 235.
[29] Quelle échelle eurent-ils [à la] construction du [Temple] ?
– [L’échelle] de Jacob, [qui était dressée] entre ciel et terre 236.
[30] Combien d’échelons y avait-il dans l’échelle de Jacob ?
– Trois.
[31] Lesquels ?
– Le Père, le Fils et le Saint-Esprit 237.
[32] Combien y a-t-il de fleurs dans le bouquet du maçon 238.
– Trois et douze.
[33] Comment les appelez-vous ?
– La Trinité et les douze Apôtres.
[34] Qui était maître maçon à la construction du Temple ?
– Hiram de Tyr 239.
[35] Qui posa la première pierre à la fondation du Temple ?
– Le susdit Hiram.
[36] À quel emplacement posa-t-il la première pierre ?
– À l’angle sud-est du Temple 240.
[37] Que dit-il lorsqu’il la posa ?
– Dieu nous aide !
[38] Quelle fut la plus grande merveille vue ou entendue dans le Temple ?
– Dieu fut homme et un homme fut Dieu, Marie fut mère et pourtant
vierge 241.
[39] À quoi la nuit est-elle bonne ?
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Les Vénérables Maîtres de notre loge m’adressent à vous et vous saluent cordialement, en souhaitant
que cette mienne visite vous remémore votre bienveillance envers eux 249.
– Et nous, maîtres et compagnons de cette loge, vous souhaitons une cordiale bienvenue, vous priant
instamment d’user librement de ce que vous voyez, de nous dire vos désirs et de réclamer notre assistance
qui sera à votre disposition en tous moments et occasions, et, tels que nous voici, nous continuerons
à vous honorer, vous aimer et vous servir.
Quand vous entrez dans une pièce, vous devez dire : « La maison est-elle propre ? » Si l’on répond :
« Elle dégoutte 250 », ou « Elle est mal couverte », à cette réponse vous devez rester silencieux. C’est la
question la plus essentielle concernant la maçonnerie.
Sic subscribu[n]tur 251 les Constitutions.
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– Le Fils de Dieu, Notre Seigneur Jésus-Christ, suspendu sur l’autel de la Croix, est le vrai voile qui
est placé entre Dieu et nous, mettant dans l’ombre par ses plaies et son sang la multitude de nos
offenses, afin que nous soyons rendus acceptables à Dieu 266.
8. L’Arche d’Alliance.
– Elle représente aussi bien le Christ notre Sauveur que les cœurs des fidèles. Car, dans la poitrine
du Christ, était la doctrine, tant de la Loi que de l’Évangile : de même aussi pour les fidèles, quoique
dans une mesure autre. Le Christ fut la vraie manne qui descendit pour donner la vie au monde. La
table de la Loi nous incite à l’amour et à l’obéissance. La verge d’Aaron couverte de fleurs signifie la
douceur de l’Évangile et la gloire de notre grand prêtre Jésus-Christ de qui Aaron fut la figure 267.
9. Le mystère de l’autel.
– L’autel aux quatre cornes d’or, partie de bois d’acacia et partie d’or avec un couronnement d’or 268,
représente l’unité de l’humanité et de la divinité de notre Sauveur ; en effet, [de même que 269] ce qui
était naturellement incorruptible était embelli par l’or, de même aussi l’humanité du Christ, non
[sujette 270] à la putréfaction, ornée de la [gloire 271] céleste de la divinité [et] unie en sa personne 272 à
la nature divine, est montée aux cieux et siège à la droite de Dieu son Père, couronnée de la couronne
de majesté et de joie éternelle.
10. Le mystère du candélabre d’or 273.
Le candélabre d’or avec ses six branches et ses sept lumières signifie le Christ et les ministres. Le Christ,
le fondement, est le grand prêtre et la lumière du monde 274 qui nous illumine [et nous guide] vers la
vie éternelle ; les docteurs et instructeurs 275 de l’Église sont les branches, que le Christ éclaire avec la
saine doctrine de l’Évangile ; aussi ne doivent-ils pas être séparés du Christ, mais, par la lumière de la
doctrine, être une lampe sur nos pas 276 ; et, de même que toutes les branches étaient réunies sur le
candélabre, de même chaque ministre et enfant de Dieu doit-il être uni au corps du Christ sans nulle
séparation 277. Les fleurs et les lis 278 désignent les grâces de Son esprit qu’il a accordées aux ministres
de la foi. Les lumières et les lampes rappellent à tous les ministres de Dieu de lui donner leurs soins
et leur zèle 279.
11. Le mystère de la table d’or et des pains de proposition 280.
La table entourée d’un précieux couronnement 281 signifie les ministres de l’Évangile, les pains signifient
le Christ, [qui est] le pain de vie 282.
12. Le mystère de la vigne d’or et des raisins de cristal.
La vigne à l’est du Temple, faite d’or étincelant, ressemble à notre Christ, qui s’est comparé lui-même
à une vigne et les fidèles à des sarments 283 ; les raisins de cristal [représentent] la doctrine de l’Évangile
et les œuvres des fidèles, qui sont la foi, l’amour, l’espérance, la charité, la patience, la prière et les
actions de grâce, envers quiconque croit 284.
13. La mer d’airain, son mystère 285.
La mer d’airain était une figure du baptême et [de] l’eau vive sortant des plaies du Christ 286, les douze
bœufs signifient les douze Apôtres.
Il avait 100 coudées en longueur [et], en hauteur, 120 coudées. Le saint chœur 287 était à l’ouest, et les
pierres de marbre dans le Temple avaient 25 coudées de long, 12 coudées de large et 8 coudées de
haut 288.
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QUESTIONS ET RÉPONSES
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– Trois étagères.
[6] Qu’y a-t-il sur elles ?
– Il y a trois règles.
[7] Lesquelles [...] 294 ?
– De 36 pieds, de 34 pieds et de 32 pieds.
[8] Pourquoi faire ?
– Celle de 36 pieds pour servir de niveau, celle de 34 pieds pour servir de biveau 295 et celle de 32 pieds
pour mesurer le terrain 296.
[9] De quelle façon le M[ot] 297 est-il venu [en usage] pour la première fois ?
– On le communiquait 298 au roi David, alors qu’il [faisait] tailler des pierres dans la montagne, afin
de distinguer les ouvriers d’avec les [...] 299 manœuvres ; [puis] il plut à Dieu de rappeler le roi David,
Salomon lui succéda et c’est à lui qu’on le donna.
[10] Quelle est la longueur de votre corde ?
– Elle est aussi longue qu’entre l’endroit de mon nombril et la racine de mes cheveux 300.
[11] Pour quelle raison ?
– Parce que tous les secrets reposent là.
[12] Par quoi [ou] par qui restez-vous ferme sur vos princip[es] ?
– [Par celui] qui resta ferme sur le sommet du pinacle du Temple 301.
[13] De quelle manière le Temple fût-il bâti ?
– Par Salomon, et [par] Hiram qui fournit les outils pour cet ouvrage : c’était Hiram qui fut ramené
d’Égypte ; il était fils d’une veuve ; il fournit toutes sortes d’outils : pioches, bêches, pelles, et toutes
choses relatives au Temple 302.
[14] Où repose le maître ?
– Dans une auge de pierre, sous la fenêtre de l’ouest, regardant vers l’est et attendant le lever du soleil
pour mettre ses hommes à l’ouvrage 303.
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Salomon dressa deux Noms 306 remarquables : celui de droite, appelé Jakin 307, c’est-à-dire « en lui,
il y a force », montre (...) 308 non seulement par la matière mais aussi par le nom de ces deux colonnes
avec quelle fermeté l’élu se tient devant Dieu à la fois dans le présent et dans le temps à venir : à présent
les enfants de Dieu ont reçu la force intérieurement, à l’avenir Dieu les établira avec Son esprit de
grâce de façon qu’ils ne se sépareront absolument jamais de lui.
Et, en outre 309, on m’a, au passage, enseigné ce point : ces deux Noms semblent désigner, en plus,
les deux églises, des Juifs et des Gentils. Celle des Juifs [est désignée] par Jakin, à droite, puisque (...) 310
Dieu voulait à la longue l’établir, à son époque, mais qu’elle n’a pourtant pas trouvé sa stabilité, à cause
de l’obstination d’esprit avec laquelle [les Juifs] 311 devaient repousser le Christ lors de sa venue ; celle
des Gentils par Boaz, à gauche, à cause de [sa] force présente, qui fut en elle lorsqu’elle adhéra au
Christ dès la première écoute 312.
Le Christ inscrira sur ces colonnes de meilleurs noms que ceux de Jakin et de Boaz, car, avant
tout, il y inscrira le nom de son Dieu 313 afin qu’il soit évident pour tous que ces hommes sont choisis
d’entre les autres pour être le peuple particulier de Dieu ; de même en nous, ainsi que tout (...) 314, qui
sont marqués ostensiblement, lesquels, par leurs titres 315, manifestent à tout un chacun à qui ils sont.
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C’est en ce sens qu’il fut dit : « Ils sauront que je T’ai aimé » 316 ; c’est à cause de quoi aussi « Sainteté
au Seigneur » fut écrit sur les [petits] 317 grelots suspendus aux chevaux, dans le prophète Zacharie,
chapitre 14, verset 20 318.
NOTES
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gouverner ici-bas durant notre existence de façon que nous parvenions à sa béatitude qui n’aura jamais de fin. Amen » (Ms.
R).
7. Littér. dans le texte « adorée ».
8. Distinction entre les maçons « qualifiés », reçus dans la fraternité, et les autres, les « cowans ». Elle n’existe pas dans le Ms. R.
9. Passage parallèle mais moins développé dans le Ms. R.
10. Curiosité = goût de la science, appétit de connaître (sens étymologique). Cette mention vise les maçons « acceptés », reçus non
par nécessité professionnelle mais par désir de connaissance – du moins est-ce présenté ainsi.
11. Sur ces termes, cf. infra n. 142.
12. « Elle », c’est « l’excellente science de la maçonnerie » mentionnée plus haut.
13. Cette répartition du savoir en sept sciences libérales qui, par l’intermédiaire de saint Augustin, remonte à l’Antiquité (on la
trouve en particulier chez Cicéron), avait été formalisée au Ve siècle par Martianus Capella, dans sa compilation intitulée Satyricon,
sur la base des encyclopédies de Pline et de Varron, et remise en honneur par Alcuin au temps de la « renaissance carolingienne ».
La division était traditionnellement opérée entre les disciplines littéraires du trivium : grammaire, rhétorique, dialectique, et les
disciplines scientifiques du quadrivium : arithmétique, géométrie, musique, astronomie – dans cet ordre, que suivent le Cooke
(cf. l. 41 et note) et le Ms. R. Le Regius l’a modifié pour terminer par la géométrie : grammaire, dialectique, rhétorique, musique,
astronomie, arithmétique, géométrie.
En la matière, le Dumfries innove complètement : l’arithmétique disparaît, grammaire et rhétorique fusionnent, la logique
remplace la dialectique ; en revanche apparaissent dans la liste la théologie et la philosophie. Ce n’est pas en totale contradiction
avec l’esprit traditionnel : selon saint Augustin, par exemple, les sciences libérales étaient une préparation à la philosophie,
laquelle était la servante de la théologie.
14. Le texte dit bien logical vertues (sic pour virtues). Faut-il voir dans logical une déformation de theological ? Ce serait assez
pléonastique. Au sens étymologique, logique veut dire « qui a trait au logos », donc, éventuellement, au Logos ou Verbe divin
– c’est en ce sens que les Pères grecs prennent ce mot, mais il est douteux que notre manuscrit aille jusque-là !
15. Définition traditionnelle de la rhétorique : cf. Ms. R, Cooke l. 53-55, Regius v. 569.
16. Le texte porte lovers qui est mis par erreur pour love. La définition est étymologiquement irréprochable.
17. La notion de règle ou raison des contraires provient de la scolastique médiévale. Quant à cette définition de la philosophie, elle
s’applique plutôt à la dialectique ou sophistique.
18. Lacune dans le texte où l’on lit : is to be mi... ; nous proposons minded. Cette définition de la musique est traditionnelle ; le
Ms. R énumère le chant, l’orgue, la harpe et la trompette ; de même le Cooke, l. 68-72. Cf. aussi Regius, v. 570.
19. Définition traditionnelle de la dialectique (cf. Ms. R et Cooke, l. 55-59) mais le Regius attribue ce rôle à la géométrie (v.
573-574).
20. Les cieux physiques, composés de matière, par opposition aux cieux spirituels. La première partie de la définition conviendrait
mieux à l’astronomie, mais la seconde s’applique en effet traditionnellement et étymologiquement à la géométrie : cf. Ms. R et
le passage très important du Cooke (l. 86 à 124) qui lui est consacré.
21. Adjonction du Dumfries.
22. Restitution probable d’un mot omis dans le texte.
23. Cf. Ms. R : « Il n’est personne travaillant à un métier qui ne le fasse au moyen de quelque mètre ou mesure, ni personne qui
achète ou vende, si ce n’est au moyen de quelque mesure ou de quelque poids, et tout cela est géométrie ». Cf. aussi Cooke,
l. 99 à 108. Roger Bacon, au XIIIe siècle, disait de même, à propos des mathématiques : « C’est la première des sciences, sans
laquelle les autres ne peuvent être sues. »
24. Litt. : Lamach.
25. Selon la Genèse (4,19 à 23) Lamech eut deux femmes, Adah et Zillah (orthographe selon la Bible du roi Jacques, ou « version
autorisée », en usage en Angleterre de 1611 à 1952). La première eut pour fils Jabal, « père de ceux qui demeurent sous des
tentes et qui ont des troupeaux » (nos Bibles modernes traduisent simplement « père des pasteurs de troupeaux ») ; et Jubal,
père de ceux qui touchent la harpe et l’orgue. Zillah, quant à elle, eut pour fils Tubalcaïn, instructeur de tout artisan en cuivre
et en fer, et pour fille Naamah. Le Ms. R orthographie les noms selon la Vulgate : Ada, Sella, Jabel, Jubal.
26. Cette référence est déjà donnée dans le Cooke, l. 152 et dans le Ms. R. Il n’est évidemment pas question de géométrie dans la
Genèse. Pour ce qui est de la construction, elle attribue à Caïn, ainsi que le relate le Cooke, la fondation de la première ville,
qu’il appela Hénoch, du nom de son premier fils, lui-même trisaïeul de Lamech. (Genèse, 4, 17-18).
27. Idem in Ms. R. Tout cela est conté en détails dans le Cooke, l. 159 à 255.
28. Littér. : « Ils furent plus soucieux, pour le bénéfice de la postérité, de préférer la science qu’ils avaient inventée... »
29. Le texte répète : « La science qu’ils avaient inventée. »
30. Aucun des copistes des divers exemplaires des Old Charges n’a transcrit correctement ce mot qui, tout l’atteste, est le mot latin
lateres, briques. On lit, par ex., dans le Cooke, lacerus, dans le Ms. R, laterns et ici (semble-t-il) leathier.
Il est étrange que l’explication selon laquelle le marbre résiste au feu et la brique à l’eau, exactement contraire à la réalité, ait
subsisté dans tous ces textes pourtant destinés à des maçons de métier, alors qu’elle aurait dû leur paraître ridicule (cf. note
d’E. Mazet au Cooke, l. 269). C’est qu’en fait, on ne comprenait pas que la deuxième colonne était en brique et on imaginait
quelque genre de pierre inconnue aux propriétés indéfinissables : dans certains textes, et dans le Dumfries lui-même, tout à la
fin, on lui attribue celle de « ne pas sombrer », autrement dit de flotter sur l’eau, comme une pierre ponce. Cf. Ms. R et Cooke,
l. 256 à 303.
31. Dans le Ms. R, ce personnage est nommé « le grand Hermarines », avec la précision suivante : « Il fut plus tard appelé Hermès,
le père de la sagesse. » Sur la légende d’Hermès, cf. Cooke, l. 322 à 417 et note.
32. Le Ms. R attribue à « Hermarines » la généalogie suivante : fils de Cube (ou Cubie), fils de Sem, fils de Noé. Cube est
évidemment une corruption de Cush. Or, dans la Genèse (10, 6-8), Cush est le fils de Cham et non point de Sem. Le rédacteur
du Dumfries a donc rectifié la filiation en conséquence. Du même coup, cette filiation se trouve être celle que l’Écriture donne
à Nemrod. D’où l’assimilation d’Hermès à Nemrod, contrairement aux autres versions qui en font deux personnages distincts.
33. Cf. note 31.
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34. Le texte porte bien the foresaid Pillars, au pluriel, ce qui est en contradiction formelle avec l’explication précédente, et le même
illogisme se trouve dans le Cooke, l. 320 sq. Au contraire, le Ms. R dit qu’Hermarines trouvera « l’une des deux colonnes ».
35. Nous avons tenu à conserver le style « parlé » de la phrase avec ses lourdeurs, ses répétitions, ses ruptures de construction, tant
il est caractéristique du Dumfries.
36. Le texte écrit Nimrod, comme dans la version autorisée, et donne d’après elle l’explication de ce nom, mais en omettant un
mot : dans la formule mighty hunter before the Lord (grand chasseur devant l’Éternel), le mot hunter (chasseur) a disparu.
Sur la Tour de Babel, cf. Regius, v. 539 et Cooke, l. 327 sq.
37. Litt. « le sus-nommé Nemrod ».
38. Le texte doublonne les mots the lord of.
39. À propos des tokens, cf. la note d’E. Mazet au Ms. d’Édimbourg et celle de G. Pasquier au Ms. Graham : il ne s’agissait
probablement pas d’« attouchements » au sens actuel, mais nous nous sommes conformé à la traduction usuelle.
40. Expression amphibologique : manner signifie à la fois « manière » et « coutume ».
41. Ce qualificatif étonne, on attendrait plutôt « sourds » puisque l’Éternel dit : « Confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent
plus les uns les autres » (Genèse 11, 7).
42. Le passage correspondant au Ms. R est beaucoup plus succinct : « Qu’ils soient loyaux l’un envers l’autre ; qu’ils s’aiment
mutuellement vraiment ; et qu’ils servent loyalement leur seigneur pour leur paye, de façon que leur maître en ait honneur et
tout ce qui lui revient. »
43. Pour le récit d’Euclide, cf. Regius, v. 55 à 58, et surtout Cooke, l. 418 sq et 646 sq : celui-ci en découle directement. Passage
parallèle dans le Ms. R.
44. Le texte porte bien a great proficeient (sic pour proficient) ; on peut se demander si la proximité verbale entre proficiency et
prophecy n’est pas à l’origine du don de prophétie dont Euclide se voit ainsi gratifié.
45. Membre de phrase omis dans le texte, ce qui rend le passage inintelligible, mais que le Ms. R permet de restituer.
46. Mot omis dans le texte. Le Ms. R explique que l’Égypte est « un pays brûlant et regorgeant de génération ».
47. Pluriel appelé par le sens collectif implicite de « parlement ».
48. Le mot exact eût été « cri » (comme en anglais cry) qui désignait une annonce faite par la voix du crieur. Ce sens a survécu
dans l’expression : les « cris » des marchands (cf. les « cris de Paris ») mais il n’est plus bien perçu.
49. Comme on voit, c’est un gradué de l’Université. Plus loin, il sera qualifié de « clerc » (id. in Cooke et Ms. R).
50. Le texte use d’un style semi-direct impossible à rendre : « Si vous voulez me donner... »
51. Le texte répète « doivent être enseignés ».
52. Competent portion : la traduction exacte eût été « portion congrue », mais le sens en est devenu péjoratif.
53. Le verbe to order englobe tous les sens du mot « ordre » : commandement, disposition régulière, catégorie, organisation religieuse
ou professionnelle. Nous avons tenté de rendre l’équivoque, qui sera constante au long du texte.
54. Première mention de ce mot dans le récit légendaire. Cf. Cooke, l. 448 sq, selon lequel Euclide donna à cette science, déjà
pratiquée avant lui, le nom de géométrie. Id. in. Ms. R.
55. Litt. « il les mit en ordre ».
56. « Telle que “domestiques” ou “valets” », précise le Ms. R.
57. To ordain, comme le français « ordonner », peut signifier « conférer une ordination ». Sans aller jusque-là et imaginer quelque
cérémonie d’installation avant la lettre, il est sûr qu’ordain est plus fort qu’order et implique une idée d’ordonnancement.
58. Trust – Cf. infra, la question 14 du catéchisme.
59. Litt. « maître des ouvrages du seigneur ». L’équivalent correct en français est « maître d’œuvre », « maître de l’ouvrage » ou
« maître d’ouvrage » se disant de celui qui a passé commande.
60. The Craft : dénomination, encore aujourd’hui, de la Maçonnerie en Angleterre.
61. Litt. « instructions ». Cf. Cooke, l. 533-535, où il est question d’un « Livre des instructions ».
62. Dans le passage correspondant du Ms. R, ce sont les assemblées générales annuelles qui sont visées. Le rapprochement avec le
point 7 de l’obligation d’Hadrien, infra, pourrait au contraire donner à penser qu’il s’agit ici des loges, d’autant qu’à partir
d’ici et jusqu’aux mots « il fit du peuple d’Égypte le plus sage peuple de la terre », le Dumfries s’écarte du Ms. R.
63. Affirmation de la notion de régularité. Cf. notes 9 et 141.
64. L’histoire traditionnelle telle qu’elle est relatée dans le Cooke et dans le Ms. R ignore l’épisode de la « confusion des langues »
qui laissa inachevée la Tour de Babel. Au contraire, le Regius le mentionne (v. 547 à 550).
65. Le texte comporte un mot en partie indéchiffrable : land of bel... ! De son côté, le Ms. R porte : Land of behest. Behest signifie
maintenant « commandement », mais anciennement « promesse » (Spenser).
66. Cette incongruité s’explique aisément lorsqu’on observe que les initiales des mots Temple of Diana sont aussi celles des mots
Templum Domini, qui figurent en clair dans le Ms. R. Les rencontrant dans le texte qu’il reproduisait, un copiste a complété
ces initiales au gré de sa... science : cela exclut les ecclésiastiques, les médecins, les juristes et, d’une façon générale, les personnes
cultivées qui, au début du XVIIIe siècle encore, connaissaient toutes le latin. À noter pourtant que ce copiste avait une teinture
d’histoire ancienne ou, du moins, de l’architecture ancienne. Le Temple de Diane à Éphèse – dont il est intéressant de signaler
qu’Anderson fait mention, juste après avoir parlé de celui de Salomon – figurait parmi les Sept Merveilles du monde avec son
incendie en 356 av. J.-C. par Érostrate.
67. Mot omis dans le texte.
68. Litt, aux « dix paroles » (= Décalogue).
69. Les Tables de la Loi données par l’Éternel à Moïse ont existé en deux exemplaires. Les premières « tables de pierre » (Exode,
24, 12) « écrites des deux côtés, écrites sur l’une et l’autre face » (Exode, 32, 15) « étaient l’œuvre de Dieu et l’écriture était
celle de Dieu, gravée sur les tables » (Exode, 32, 16 ; cf. aussi Exode, 31, 18). Mais elles furent brisées par Moïse dans sa colère
lorsque, redescendant du Sinaï, il vit les Israélites adorer le veau d’or (Exode, 32, 19). Pour les remplacer, sur l’ordre de l’Éternel,
il « tailla deux tables de pierre semblables aux premières » (Exode, 34, 4) et il écrivit sur elles « les dix paroles » ou dix
commandements (Exode, 34, 28). Cf. aussi Deutéronome 5, 22 – Nulle part, il n’est spécifié qu’elles sont en marbre.
70. Il n’y a rien de tel dans l’Écriture. On peut penser à la vision d’Ézéchiel et à celle de Zacharie, mais elles se rapportent à tout
autre chose.
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l’écrivain maçonnique bien connu, a noté que l’expression « maçonnerie d’York », bien qu’elle ne repose sur aucun fondement
historique, implique « une qualité très élevée, le respect révérencieux des coutumes issues d’un temps immémorial et la préser-
vation du meilleur de la franc-maçonnerie d’aujourd’hui ». Nul fondement historique, assurément ; mais un fondement légen-
daire unanimement reçu et révéré tout au long de la tradition opérative, ainsi que l’attestent la totalité des manuscrits des Old
Charges – sans parler des Constitutions d’Anderson.
C’est derrière cette réputation respectable que s’abritèrent les opposants à la Grande Loge de Londres fondée par ce dernier en
1717, lorsqu’ils accusèrent ses tenants d’avoir travesti par des innovations – d’où le nom de Modernes dont ils les affublèrent
– les pures et anciennes coutumes et traditions, qu’eux-mêmes assuraient vouloir restaurer et sauvegarder – d’où le nom d’Anciens
qu’ils revendiquèrent, bien que leur propre Grande Loge n’ait été constituée qu’en 1751. Entre-temps, il y avait eu, en 1725,
l’épisode de la fondation de la « Grande Loge de toute l’Angleterre, tenue à York », qui n’eut guère d’activité et ne fit que se
survivre jusqu’en 1792 mais donna néanmoins naissance au « rite d’York », très prisé en Amérique notamment. Quant à la
Grande Loge des Anciens, elle s’intitula : « L’Ancienne et Honorable Fraternité des Maçons Francs et Acceptés, conformément
aux Anciennes Constitutions accordées par S.A.R. le Prince Edwin d’York, Anno Domini 926 » ; et son grand secrétaire,
Laurence Dermott, de préciser, dans le préambule d’Ahimon Rezon (comme il avait intitulé les Constitutions dont il était
l’auteur) : « La première Grande Loge fut réunie à York en 926 par le prince Edwin qui, à cette occasion, obtint du roi Athelstan
une charte de franchise à l’usage de la fraternité. » C’est exactement ce qu’affirment à l’envi tous les manuscrits de Old Charges,
y compris le Dumfries (à condition de substituer Hadrien à Edwin).
La description qui y est faite de cette assemblée d’York nous renseigne sur la pratique rituelle des maçons opératifs. Cette
assemblée (ou fête, a-t-il été précisé plus haut) était tenue annuellement à la Saint-Jean de juin, comme indiqué précédemment
(voir l’épisode de saint Alban). L’assistance y était obligatoire : c’est un point sur lequel les obligations sont formelles. Elle était
destinée à permettre aux participants de comparer leurs connaissances et leurs pratiques, de régler les usages, de trancher les
différends et de sanctionner les manquements aux coutumes. Ce sont là très précisément la forme et l’objet d’une Grande Loge,
et voilà pourquoi la revendication de Laurence Dermott ne devait pas paraître absurde à tous ses contemporains. Aux débuts
de la maçonnerie spéculative, d’ailleurs, la Grande Loge n’était que l’assemblée périodique (annuelle ou trimestrielle, selon les
cas) des maîtres de loge, et n’avait aucune existence permanente. Le glissement vers la forme actuelle a été entraîné par la
nécessité d’assurer le respect des décisions prises, d’où la constitution d’un secrétariat, puis d’une véritable administration :
l’évolution était fatale, et elle fut rapide.
À cette assemblée, que fait-on ? Hadrien (Edwin) prescrit à tous les maçons d’apporter et de produire les certificats et attestations
écrites de leurs voyages, connaissances et pratiques : autrement dit leurs passeports. (On peut penser aussi aux « affaires » des
compagnons du Tour de France.) Le Ms. R donne, de son côté, une autre indication intéressante : les écrits qu’il est demandé
aux maçons d’apporter ont trait aux « obligations et coutumes » (charges and manners) et, est-il précisé, « Edwin en fit un livre,
montrant comment le métier fut fondé ». C’est exactement de la sorte que procéda Anderson : il rassembla et compila tous les
manuscrits de Old Charges qu’il put trouver et en fit un livre, où l’histoire des origines et du développement de la maçonnerie
(= comment le métier fut fondé) occupe à elle seule 48 pages, 23 seulement pour les Constitutions proprement dites. Autant
dire qu’il calqua son comportement sur celui des opératifs. Leur fut-il fidèle ? C’est une autre question.
En second lieu, au cours de cette assemblée, Hadrien (Edwin) « fit des maçons ». La réception des maçons avait-elle lieu
seulement en assemblée générale, et non dans des loges particulières, ce qui expliquerait pourquoi l’article XIII des Règlements
généraux d’Anderson stipule que les apprentis ne peuvent être reçus maîtres et compagnons qu’en tenue de Grande Loge, sauf
dispense ? Le Dumfries répond lui-même à cette question par la négative, dans le point 4 des obligations des maîtres et
compagnons, interdisant de « créer un maçon » autrement qu’en présence de six ou sept maçons dûment assermentés. Comment
procédait-on ? Le livre relatant les origines du Métier, autrement dit le Livre des Constitutions (l’appellation figure dans le
Dumfries), devait être, par le commandement d’Hadrien (Edwin) lu – le Ms. précise « lu ou récité » – chaque fois qu’on ferait
un maçon, de façon à lui faire connaître ses obligations sans équivoque possible : si ensuite il se dévoyait, il n’aurait pas d’excuse !
Puis le candidat devait prêter serment. Là-dessus, le Dumfries est muet, mais le Ms. R prend le relais et indique la procédure ;
il le fait en latin, et la plupart des autres manuscrits font de même, certainement pour des raisons de discrétion – mais Pritchard
devait la divulguer, entre autres choses, dans sa fameuse Masonry Dissected : « Alors, l’un des anciens tient le livre, et celui-ci
ou ceux-ci posent la main sur le livre, et alors les prescriptions doivent être lues. » Quel livre ? À première vue, il semblerait
qu’il s’agisse du Livre des Constitutions lui-même. Cependant, il est bien incommode de lire dans un livre sur lequel une ou
plusieurs mains sont apposées, mais comment faire autrement pour lire les prescriptions (ou obligations), à moins de posséder
un second exemplaire ? Il existe une autre solution, qui consiste à penser que c’est sur la Bible que l’on prête serment, comme
prévu, par exemple dans les Ordonnances de la cathédrale d’York. C’est celle à laquelle se rallient Knoop et Jones (Genesis of
Freemasonry, p. 85). Les manuscrits d’Édimbourg et Chetwode Crawley sont formels sur ce point, ainsi que le Kevan (Early
Masonic Catechisms, p. 41). Quoi qu’il en soit, le Dumfries n’aborde même pas la question. Des signes de reconnaissance
étaient-ils communiqués ? La réponse au point 2 du catéchisme l’indique de la façon la plus formelle, et le point 16 des
obligations des maîtres et compagnons autorise à dire que ces signes comportaient notamment des mots et des pas. Enfin, un
langage convenu était enseigné, dont la partie finale de la « salutation des étrangers » donne une idée.
112. Voilà qui évoque le Tour de France des compagnons, mais le compagnonnage, institution spécifiquement française (et alle-
mande), était ignoré de l’Angleterre. En revanche, les maçons se déplaçaient, sans doute moins loin qu’on ne l’a prétendu, du
moins pour la plupart d’entre eux, mais il leur fallait bien suivre les chantiers. Cf. P. du Colombier, Les Chantiers des cathédrales
(p. 47 sq) qui parle de « main-d’œuvre assez flottante » et donne des exemples s’échelonnant du VIe au XVe siècle.
113. Dutch signifie actuellement « hollandais » mais avait autrefois le sens d’« allemand », qui subsiste encore dans les expressions
High Dutch, Low Dutch : haut-allemand, bas-allemand.
114. Le texte porte : The intent (...) as calone. Nous proposons de lire : The intent was alone, par analogie avec le passage correspondant
du Ms. R où l’on trouve : They were found all to one intent. L’énumération de toutes ces langues vise sans aucun doute au
pittoresque, ce qui est un trait constant du Dumfries, mais elle renvoie aussi à une vérité historique : la main-d’œuvre des
grands chantiers médiévaux était souvent cosmopolite (P. du Colombier, op. cit., loc. cit.).
115. Cf. supra, n. 64.
116. Affirmation sans équivoque du dogme chrétien de la création ex nihilo.
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152. Cette prescription et les suivantes n’ont pas d’équivalent dans le Ms. R.
153. Cf. Matthieu 6, 20, et Luc 12, 33.
154. Le Ms. R recommande aussi de ne pas jouer aux jeux de hasard ni aux dés. Cf. infra, point 7 de l’obligation de l’apprenti.
155. Le mot est omis dans le texte, mais aucun doute n’est possible.
156. Ici reprend le parallèle avec le Ms. R, mais la péroraison qui suit n’y figure pas.
157. Le texte emploie, en l’écorchant (progenie), le mot latin progenies.
158. Litt. « leur », par accord avec le sens collectif implicite de postérité.
159. Traduction conjecturale, en fonction du contexte. L’idée et le ton de ce passage évoquent les promesses de l’Éternel à Abraham
(cf. Genèse, chapitre 12 [que cite le Cooke, l. 429 et sq]).
160. Un mot omis dans le texte.
161. Id. in Ms. R. Cf. Regius, v. 159 sq (article 9).
162. Le texte porte of, mais c’est évidemment un lapsus pour if.
163. Id. in Ms. R. Cf. Regius, v. 201 sq (art. 10), et Cooke, l. 817 sq (art. 9).
164. To be allowed. Seule mention dans le Dumfries de ce terme qu’on trouve en plusieurs endroits du Ms. R, notamment sous la
forme masons allowed.
165. La comparaison avec le Ms. R est instructive. Si l’exigence de l’intégrité physique, qui remonte au Regius (v. 149 sq, art. 5) et
au Cooke (l. 791 sq, art. 6) est maintenue dans le Dumfries, pour d’évidentes raisons pratiques, et même renforcée (avoir « bon
souffle »), en revanche celle d’une naissance libre (Regius, v. 129 sq, art. 4 et Cooke, l. 764 sq, art. 4), qu’on trouve encore dans
le Ms. R (« que l’apprenti soit apte par naissance, c’est-à-dire libre ») a disparu : preuve que le texte a été fixé en un temps où
l’évolution sociale avait supprimé sa raison d’être. Pour le stage de sept ans, cf. Regius (v. 120 sq, art. 3) et Cooke (l. 755 sq,
art. 3). À signaler qu’à leur différence, le Ms. R et le Dumfries autorisent aussi les compagnons à prendre des apprentis.
166. Pas d’équivalent dans le Ms. R.
167. Le Ms. R exige seulement « l’assentiment et délibération de ses compagnons ».
168. Id. in Ms. R. La différence de salaires entre les ouvriers selon qu’ils étaient payés à la tâche (tâcherons) ou à la journée – que
le paiement se fasse chaque jour ou, plus usuellement, chaque semaine – pouvait être sensible, et ils avaient donc intérêt au
deuxième mode de rémunération (cf. Gimpel, Les Bâtisseurs de cathédrales, 1980, p. 58). Mais il y a un autre problème, qu’analyse
en détail Bernard Jones (op. cit., p. 40-41) : c’est l’usage de plus en plus répandu, à partir du XIIIe siècle et surtout après la peste
noire de 1346, du système dit de « l’ouvrage à la tâche » (task work) pour l’ensemble d’un chantier. Le prix étant convenu
d’avance entre le commanditaire et le maître d’œuvre, ce dernier était exposé à des risques financiers considérables, et Jones
cite le cas de trois francs-maçons qui, en 1631-1633, obtiennent de l’archevêque de Canterbury, leur patron, une allocation de
100 livres pour combler leur déficit et les tirer de prison.
169. Id. in Ms. R. Cf. Regius (v. 93-96, art. 1) et Cooke (l. 733-735, art. 1). Les salaires n’étaient donc pas uniformes et, sur un
même chantier, le nombre des échelles de salaires pouvait varier de 3 à 17 ! (cf. Knoop et Jones, The Mediaeval Mason, p. 79
et 81, P. du Colombier, op. cit., p. 56).
170. Id. in Ms. R. Cf. aussi le Regius qui interdit de dénigrer l’ouvrage d’autrui (v. 231 sq, art. 12) et de le diffamer personnellement
(v. 378 sq dans le point 10, et aussi v. 759 sq).
171. Id in Ms. R qui précise qu’« aucun compagnon ne répliquera à un autre d’une façon impie [entendez : avec des jurons] ni ne
lui adressera des reproches sans motif raisonnable ». Cf. aussi supra, n. 56.
172. Litt. : « Ou qu’il est sous cette appréciation. » Le sens de cette prescription, quelque peu obscur, est éclairé par le passage
correspondant du Ms. R : « Que nul compagnon n’aille en ville de nuit, là où existe une loge de compagnons, sans qu’il ait
avec lui un compagnon qui puisse lui rendre témoignage qu’il a été en des lieux honnêtes. » Il s’agit donc d’un souci de moralité,
d’où des préoccupations plus terre à terre ne sont d’ailleurs peut-être pas absentes : cf. ce passage du Cooke (l. 803 sq) qui
interdit de s’associer à un vol au motif qu’« à cause de ces expéditions nocturnes, on ne saurait accomplir son travail et labeur
de jour », et que « dans ces conditions, les compagnons pourraient se mettre en colère », d’où désordre dans le chantier !
173. Selon le Regius (v. 105 sq, art. 2) et le Cooke (l. 739 sq, art. 2) l’assistance à l’assemblée est obligatoire sans restriction, sauf
excuse « bonne et valable », dit le Regius, par exemple la maladie, dit le Cooke. En revanche, on trouve dans le Ms. R et dans
le Dumfries une distance limite : dans le premier, elle est de 50 milles, ce qui est beaucoup plus vraisemblable que les 5 milles
du second, qu’un homme à pied pouvait abattre en deux heures de temps, et qui ont donc toute chance d’être une erreur de
copie. D’autre part, à la différence du Dumfries, le Ms. R ne prévoit rien pour les frais.
174. La parenthèse est dans le texte.
175. Le Ms. R dit seulement que « tout maçon devra révérer ses anciens et les avoir en vénération ».
176. Le texte porte Ms. (= master) and fellow au singulier mais c’est visiblement une bévue, comme le montre le passage exactement
parallèle du Ms. R ; il s’agit des décisions de la loge.
177. Le texte emploie le terme latin delatio (sens post-classique : rapport).
178. Une des principales raisons d’être de ces assemblées était précisément de régler ces sortes d’affaires : cf. Regius (v. 443-446, et
v. 471 à 482) et Cooke (1.901 à 912 et 930 sq).
179. Id. in Ms. R. Nous avons traduit mould par gabarit, mais le terme technique exact est « moule », qui désigne le calibre des
tailleurs de pierre, et « mouler une pierre », c’est la tailler, la profiler, y creuser des moulures, selon ce moule ou patron. Lors
de la reconstruction de la cathédrale de Canterbury, au XIIe siècle, Guillaume de Sens, pour avoir les profils qu’il désire, envoie
à Caen des « moles » : c’est le même mot. (P. du Colombier, op. cit., p. 24 ; cf. aussi Gimpel, op. cit., p. 91). Si nous ne l’avons
pas employé, c’est qu’il aurait dérouté le lecteur.
180. « Poseur » (layer), en termes de métier, c’est l’ouvrier spécialisé dans la pose des pierres que l’appareilleur a taillées. Les outils
de ce dernier sont effectivement l’équerre et, venu plus tard, le compas, non pas le compas habituel, à branches courtes, mais
un compas à très longues branches (environ 60 à 80 cm) appelé compas d’appareilleur. Dans des miniatures ou des sculptures,
les architectes sont parfois représentés nantis d’un tel compas. Cf. P. du Colombier (op. cit., p. 30-34 et 99-100). Voir dans
l’ouvrage de Gimpel (p. 75) la splendide miniature montrant Dieu, architecte du monde, traçant un cercle à la surface de
l’abîme (Proverbes, 8, 27) au moyen d’un compas d’appareilleur. La règle apparaît parfois, mais plus rarement, dans les
représentations figurées (ex. in P. du Colombier, op. cit., p. 37 et 102).
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181. Sur la question des cowans, cf. B. Jones, op. cit., chap. 28 (p. 420-425). Ce mot provient de la maçonnerie opérative écossaise
où il désignait les monteurs de murs de pierres sèches, lesquels n’étaient pas admis dans la fraternité. Par extension, il a désigné
les maçons non reconnus ni reçus dans l’ordre, out of orders. En Écosse, les Statuts Schaw de 1598-1599 avaient interdit, sous
peine d’amende, à tous maîtres et compagnons de travailler ou de laisser leurs serviteurs (aides) travailler en compagnie de
cowans.
182. Le texte porte lay, mais il faut lire layer, comme dans le passage parallèle du Ms. R.
183. Sens précisé par comparaison avec le Ms. R, où cette prescription et la précédente sont jointes : « Que nul maître ni compagnon
ne fabrique ni gabarit (mould), ni équerre, ni règle pour nul poseur ; ni ne donne à nul poseur dans la loge ou dehors, des
pierres façonnées (mould stones) à tailler (hew). »
184. Cf. supra, n. 91. Le texte n’hésite pas à écrire : « Tout maçon recevra les maçons étrangers dans leurs groupes... », par attraction
avec le sens collectif implicite de « tout maçon ».
185. Litt. : « Là où réside leur intérêt. »
186. Traduction conjecturale de muld standert (= mould standard). Nous pensons, par hypothèse, qu’il s’agit d’éléments de série à
tailler, et non de pièces uniques réservées aux maîtres et compagnons du chantier.
187. Le texte repasse ici au singulier !
188. Le texte répète : « S’il n’y a pas de standard. »
189. Cf. n. 187.
190. À comparer avec Ms. R : « Que tout maçon reçoive et soigne les compagnons étrangers lorsqu’ils traversent le pays et qu’il leur
confie un ouvrage, s’ils le veulent, comme de coutume : c’est-à-dire, s’il y a des pierres à sculpter (mould) en cet endroit ;
autrement, il le restaurera (refresh) en argent jusqu’au prochain hébergement. »
191. Jeu de mots sur order.
192. Litt. « ses mots et ses pas ».
193. Cf. infra, la première question du catéchisme.
194. Cette très intéressante prescription prouve l’existence, non seulement de mots de reconnaissance, mais de pas et d’« embrassades »
rituelles. Elle n’a pas d’équivalent dans le Ms. R.
195. Cette garantie de bonne fin est déjà exigée par le Regius (v. 193 sq, art. 9 ; et aussi v. 222-224). Id. in Ms. R.
196. Sens incertain. Passage peu clair que nous comprenons ainsi : « De sorte qu’ils aient leurs façons (d’agir) comme ils doivent les
avoir. » Le Ms. R dit de son côté que « tout maître doit fidèlement mener à terme son ouvrage, qu’il soit à la tâche ou à la
journée, s’il dispose de vous et de tout ce qu’il faut avoir ».
197. Dans le texte : corum. C’est le nombre requis de 6 ou 7 (cf. supra, point 5).
198. Remarquable disposition, propre au Dumfries. Les « questions » sont évidemment celles du catéchisme qui suit.
199. Le Ms. R ne comporte pas de prescriptions particulières aux apprentis.
200. Litt. « à son maître ».
201. Il faut noter que l’interdiction de se rendre coupable ou complice d’un vol que le Regius (v. 177 sq, art. 7, et v. 421 sq, point 13)
et le Cooke (l. 798, art. 7, et l. 915 sq) soulignent avec insistance, et qui figure encore dans le Ms. R à l’adresse des maçons en
général, n’est plus ici mentionnée que dans la rubrique des apprentis : maîtres et compagnons sont réputés honnêtes !
202. Proposition de traduction pour freeman, qui ne signifie pas ici « homme libre », mais « franc homme », homme jouissant de la
franchise attachée à l’appartenance à une compagnie ou corporation, nommée en anglais livery company, « compagnie à livrée »,
parce que les membres en étaient autorisés à porter des « livrées », des costumes distinctifs fixés par la tradition, que l’on peut
encore admirer en certaines occasions dans la Cité de Londres. Voir B. Jones (op. cit., chap. 4, p. 69 à 73 et 152-153) qui
analyse ces choses en détail, et qui signale que la « franchise » (freedom) d’une compagnie, c’est-à-dire l’appartenance à une
compagnie, pouvait être et a en effet été accordée à des personnes qui n’étaient pas du métier ou de la profession : c’est le
phénomène de l’acceptation. C’est cette catégorie de membres qui est visée ici.
203. Comme on voit, les apprentis ne sont pas tenus au secret en toutes circonstances ; au contraire, ils sont encouragés à la délation
lorsque le bon ordre du chantier est menacé.
204. Unique mention de cette dénomination (en deux mots) dans le texte.
205. Cf. n. 201 et 203.
206. Litt. : « Questions posées et réponses ».
207. Litt. : « Qu’êtes-vous ? » Pour la réponse, cf. point 16 des obligations des maîtres et compagnons.
208. Cette formule, énigmatique dans son laconisme, est parfaitement élucidée dans la divulgation de Pritchard, Masonry Dissected
(1730) : « Q. : Donnez-moi les points de votre réception (entrance) ? – R. : Donnez-moi le premier, et je vous donnerai le
second – Q. : Je le tairai – R. : Je le cacherai – Q. : Que cacherez-vous ? – R. : Tous les secrets et mystères (secrecy) des maçons
et de la maçonnerie, sauf à un vrai et légitime frère après dû examen, ou dans une juste et vénérable loge de frères et compagnons
dûment réunie – Q. : Quels sont les secrets des maçons ? – R. : Des signes, des attouchements (tokens) et de nombreux mots »
(p. 160). Dialogue voisin dans le Ms. Wilkinson : « Q. : Comment connaîtrai-je que vous êtes maçon ? – R. : Par des signes,
des attouchements et les points parfaits de ma réception – Q. : Quels sont les signes ? – R. : Toutes les équerres, niveaux et
perpendiculaires – Q. : Quels sont les attouchements ? – R. : Certaines poignées (grips). » Puis, après une lacune dans le texte,
cette réponse : « R. : Donnez-moi le premier, je vous donnerai le second. – Q. : Je tairai – R. : Je cacherai. » Plus loin, le même
manuscrit indique que le compagnon de métier (fellow craft), qui se tient au Sud, a pour tâche de « taire et cacher et accueillir
les frères étrangers » et que l’apprenti reçu (entered apprentice) qui se tient au Nord, a pour tâche de « taire et cacher les
instructions reçues et fortifier la loge » (p. 129). Cf. aussi Ms. Édimbourg (question 3) et Ms. Chetwode Crawley (question 3).
Nous avons préféré traduire entry par « réception », selon l’usage maçonnique français, et non par « entrée » comme l’a fait E.
Mazet pour les deux manuscrits précités, car des tournures comme « apprenti entré » ou « j’ai été entré » nous ont paru trop
étrangères au génie de la langue. Mais il faut avoir conscience que l’entry en question a un sens plus concret que réception :
c’est l’enregistrement, l’immatriculation de l’apprenti.
209. Traduction approximative à cause d’une lacune dans le texte (litt. : « N’êtes-vous pas plus pour... »).
210. Cette réponse se trouve dans maints catéchismes (par ex. « Institution of Free mason », in Early Masonic Catechisms, p. 83).
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211. Cf. Grand Mystery of Free Mason’s Discovered (p. 78), Whole Institution of Masonry (p. 81), Institution of Freemasonry (p. 84),
Essex : c’est-à-dire des publications et un manuscrit tous postérieurs. En revanche, dans les manuscrits Édimbourg, Chetwode
Crawley et Kevan, de tradition écossaise, le nom de la loge est Kilwinning.
212. Ce « marécage » (bog) est curieux. Il fait évidemment allusion au fond de vallée qu’on trouve mentionné dans plusieurs textes
(Sloane, Mystery of Freemasonry, p. 154, ainsi que Mason’s Examination, p. 73, et Masonry Dissected, p. 162, où il devient la
vallée de Josaphat). Cependant, l’idée de fondrière humide qu’implique le terme est insolite. Sans doute ce dernier a-t-il été
appelé par la rime avec le mot dog, qui termine la phrase. Dans d’autres textes, la loge est tenue « sous le porche du Temple
de Salomon ».
213. Cf. Édimbourg, Chetwode Crawley, Kevan, Sloane, Mason’s Examination, p. 73, Mystery of Freemasonry, p. 154. La Mason’s
Confession ajoute (p. 103) le « roucoulement d’une tourterelle ».
214. Formule parallèle in Masonry Dissected (p. 162) : « Des pieds, des pouces et des verges (= yards) sans nombre, aussi haut que
les cieux. »
215. Cf. supra, n. 20.
216. Et non pas le Livre des Constitutions. Cf. supra, n. 111.
217. Le texte porte map (et plus loin mapp) : carte, plan. Dans le contexte, cela n’a aucun sens, et c’est sûrement une bévue de
copiste ou une erreur de déchiffrage. Il faut lire, ou bien mop : toison, tignasse, plus vraisemblablement, nap : poil, duvet. –
Dans le Ms. Essex, il est question d’une « boîte d’os sous un gazon chevelu (hairy sod) ». Pour la « boîte d’os », cf. Édimbourg,
Chetwode Crawley, Kevan, Trinity College, p. 70, Institution of Free-Masons, p. 84, Masonry Dissected, p. 160. Elle devient une
« boîte d’ivoire », in Mason’s Examination, p. 74, Grand Mystery of Free Mason Discovered, p. 78, Institution of Free-Masons,
p. 84, et une « boîte ficelée » (bound), in Sloane.
218. Cf. Graham.
219. Cf. supra l’obligation d’Euclide (n. 58).
220. Cf. supra le point 18 des obligations de l’apprenti (cf. aussi Mason’s Examination, p. 102).
221. Les « laisses de mer » sont « les lignes de marées, haute et basse, limites entre lesquelles la marée oscille » : c’est l’équivalent exact
de seamarks.
222. Litt. : « Quelles sont ces deux ? »
223. Ces deux lumières sont donc en réalité une lumière double : le soleil à son levant, puis à son couchant. C’est par rapport à ces
positions du soleil que sont déterminées, déjà dans la Masonry Dissected, p. 163, la position du Maître et celle des surveillants.
224. Cf. Édimbourg, Chetwode Crawley, etc.
225. Hiram arrive ici ex abrupto et d’une façon peu logique, puisque c’est seulement en réponse à la question 35 qu’il sera dit qu’il
a posé la première pierre du Temple.
226. Le texte porte ici barn flore (sic, pour barn floor), litt. « aire de grange », et plus loin thrashing floor (= threshing floor). Ces deux
synonymes désignent l’aire à battre le blé, en français « aire » tout court : mais le sens rural, si l’on peut dire, de ce terme tendant
à être oublié à une époque où, d’ailleurs, le blé n’est plus battu à coups de fléau sur une aire, nous avons cru nécessaire de
préciser.
227. Précision exacte. Le 2e Livre des Chroniques (chap. 3, v. 1) dit : « Salomon commença alors la construction de la maison du
Seigneur à Jérusalem, sur le mont Moriah, là où le Seigneur était apparu à David son père, à l’emplacement préparé par David
sur l’aire (threshing floor) d’Oman le Jébuséen. » Ce personnage est dénommé Ornan dans le présent passage, ainsi que dans 1
Chroniques (21, 18-28), et Araunah dans 2 Samuel (24, 18-25). Notre texte porte Araunah, mais l’expression « aire d’Ornan »
étant traditionnelle en français, nous l’avons conservée.
228. Cf. supra, n. 69.
229. Suggestion des éditeurs pour un mot indéchiffrable. Le texte répète : « Cette dite Arche fut retenue... »
230. L’explication est plus pittoresque que probante ! En outre, l’Arche n’a jamais été déposée sur l’aire d’Ornan. Elle était à Gabaon
lorsque, à l’invite d’un ange du Seigneur qui apparut à Gad, David fit élever un autel des holocaustes sur cette aire, acquise
d’Ornan. Et ce n’est qu’après l’achèvement du Temple, sous Salomon, que l’Arche y fut transférée.
231. Squere-work (sic) : c’est à la fois l’œuvre au carré (ad quadratum) et l’œuvre réalisée au moyen de l’équerre.
232. Worker in stone : ouvrier sur pierre.
233. Même chose dans Pritchard, Masonry Dissected (p. 164). « Avez-vous vu votre Maître aujourd’hui ? – Oui – Comment était-il
vêtu ? – D’une veste jaune et de chausses (breeches) bleues » ; avec, en N.B., « la veste jaune est le compas et les chausses bleues
les pointes d’acier ». (Cf. aussi Mason’s Confession, p. 103).
234. Le texte répète : « Exactement le même mortier. »
235. Selon le Regius, la « Tour de la Babylone » était un « grossier ouvrage de pierre et de chaux ». Le Dumfries est plus fidèle aux
Écritures où l’on peut lire (Genèse 11, 3) : « Les briques leur tinrent lieu de pierre et le bitume leur tint lieu de mortier », et
il emploie le même terme que la version autorisée : slime. Au VIe siècle, Grégoire de Tours savait pertinemment que la Tour de
Babel avait été bâtie de briques et de bitume, et le relate au début de son Histoire des Francs.
236. Lacunes dans le texte, mais aisées à combler. Pour l’échelle de Jacob, cf. Genèse 28,12.
237. Cette mention de l’échelle de Jacob est unique dans les catéchismes anciens publiés par Knoop, Jones et Hamer. On sait qu’elle
devait passer par la suite dans le rite.
Émulation où elle figure dans la planche tracée du 1er grade, avec le commentaire suivant : « Elle est composée de nombreux
échelons ou degrés qui représentent de nombreuses vertus morales, dont les trois principales sont la Foi, l’Espérance et la
Charité ; la Foi dans le GADLU, l’Espérance dans le salut, et la Charité envers nos semblables. Elle rejoint les cieux et repose
sur le VSL, car les doctrines contenues dans ce L.S. nous enseignent à croire aux sages préceptes de la Divine Providence, etc. »
Donc, trois échelons seulement sont détaillés, mais s’ils renvoient aux trois vertus théologales, ils ne symbolisent plus la Trinité.
238. Posy (écrit dans le texte possie) = bouquet. Faut-il voir une allusion au bouquet qui, traditionnellement, couronne un édifice
dont les murs et la charpente sont achevés ?
239. Hiram of Tyre = Hiram le Tyrien, et non pas Hiram roi de Tyr.
240. Cette réponse peut surprendre et, conformément à nos coutumes actuelles, nous attendrions plutôt la mention du nord-est.
Cependant, nous lisons, aussi bien dans A Mason’s Examination (p. 74) que dans The Mystery of Free-Masonry (p. 155) : « Où
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le Maître (Maçon) place-t-il sa marque sur l’ouvrage ? – À l’angle sud-est. » Au surplus, dans certaines églises romanes et même
gothiques, le pilier sud-est de la croisée du transept porte une marque ou un détail caractéristique qui le différencie des autres.
241. L’affirmation chrétienne est sans équivoque. Peut-on aller jusqu’à en conclure, comme le fait Naudon (in Franc-Maçonnerie
chrétienne, p. 29) qu’il s’agit d’une profession de foi catholique romaine ? C’est s’avancer beaucoup. Même si, en général, les
protestants croient que Marie n’est pas restée vierge toute sa vie et que les « frères de Jésus » dont parlent les Évangiles étaient
bien ses frères de mère, aucun ne doute en revanche qu’elle l’ait été au moment de la conception de Jésus. Pour les anglicans,
la question se complique du fait de la coexistence entre tendances High Church et Low Church. Il est donc excessif de tirer
des conclusions dogmatiques de cette mention qui est dans la ligne du Regius :
«Ô toi qui es né d’une vierge », etc. et plus loin : « Et vous, douce Dame, priez pour moi. » Semblable dévotion a pu fort bien
survivre à la Réforme.
242. Ce dialogue d’apparence énigmatique est destiné – tout comme l’expression « il pleut » à laquelle il sera fait allusion plus loin –
à dérouter les non-initiés. L’explication s’en trouve dans la Mason’s Confession de 1727 où on lit : « Si quelqu’un, se joignant
à une compagnie, désire savoir s’il s’y trouve un maçon, il fait un faux pas et dit : le jour est fait pour voir et la nuit pour
entendre » (p. 105). C’était une formule courante, comme le montre l’examen des divers catéchismes ; ce qui se voit de jour,
ce sont les signes, ce qui s’entend la nuit, ce sont les mots.
243. Par-delà David et Salomon, il est probablement fait allusion à Adam et au Christ, le second venant reprendre et achever l’œuvre
interrompue par la chute du premier, laquelle a introduit la mort dans le monde. Le parallèle entre Adam et le Christ provient
de saint Paul (cf., par ex. Romains, 5, 12 sq, 1 Corinthiens, 15, 45, etc.) et comme, on le verra, les questions sur le Temple
sont profondément empreintes d’esprit paulinien : il n’y aurait rien d’invraisemblable qu’il en soit de même de celle-ci.
244. Cf. 1 Rois (7, 25) et 2 Chroniques (4, 2-4) ainsi que Exode (30, 18-21).
245. « Type » au sens de modèle, figure (comme dans prototype, archétype). C’était un terme d’emploi fréquent au XVIIe et au
XVIIIe siècle et Willermoz en fera constamment usage.
246. Pour cette interprétation des douze bœufs, cf. Graham. Bède le Vénérable, in De Templo, livre II (Pi. 788), disait déjà qu’ils
représentaient les apôtres et les évangélistes prêchant l’Évangile et confessant la Sainte Trinité dans les quatre parties du monde.
247. Cf. 1 Rois (6, 31-32) et 2 Chroniques (4, 22).
248. Cf. l’Évangile de saint Jean (10, 9 et 14, 6).
249. Cette phrase pose un petit problème. Masters, au début, est au pluriel et, à la fin, on lit « envers eux » (towards them). En
revanche, « adresse » et « salue » sont au singulier : sendeth et salutes. Les fautes d’accord de ce genre ne sont pas rares dans le
Dumfries ! Nous avons opté pour le pluriel comme plus logique, car si l’on se réfère au Grand Mystery of Free-Masons Discovered
(p. 78), tous les maîtres ont droit à l’appellation de Worshipful, le maître de la loge étant Right Worshipful (cf. aussi A Mason’s
Examination, p. 73, et Institution of Free Masons, p. 84).
250. Nous avons tenté de rendre l’effet du texte où l’on trouve un adjectif dropie (= droppy) forgé à partir du mot drop (substantif :
goutte, verbe : tomber goutte à goutte, dégoutter). C’est l’équivalent de l’expression « il pleut », qu’on rencontre dans le
Wilkinson (p. 138) : « Quand il se trouve dans la compagnie une ou des personnes que vous savez n’être pas maçons, les façons
de dire sont : il pleut, ou : il dégoutte (it drops), ou : la maison n’est pas couverte, tuilez la maison, etc. »
À comparer avec le mot eavesdropper, indiscret, écouteur aux portes, qu’on trouve dans Masonry Dissected (p. 163). Eavesdropper,
c’est, mot à mot : celui qui est sous le larmier (la saillie du toit, eaves, destinée à empêcher l’eau de s’égoutter, drop, le long du
mur) pour écouter aux fenêtres. D’où, d’ailleurs, le châtiment prévu pour lui : « Où se tient le plus jeune apprenti ? – Au nord.
– Quel est son emploi ? – D’éloigner tous cowans et indiscrets (eavesdroppers). – Si un cowan (ou un écouteur) est attrapé,
comment faut-il le punir ? – Il faut le placer sous l’avant-toit (eaves) de la maison (en temps de pluie) jusqu’à ce que la pluie
lui pénètre par les épaules et lui ressorte par les chaussures. »
251. Latin : « Ainsi sont rédigées. » Cette formule marque la fin de la partie Old Charges. Ce qui suit a dû être ajouté plus tard.
252. L’idée d’« église spirituelle » provient d’un passage de la 1re Épître de saint Pierre qui a connu une belle fortune et dont les
maçons chrétiens se sont emparés pour des raisons évidentes : « Approchez-vous (du Seigneur) : il est la pierre vivante que les
hommes ont rejetée, mais qui, devant Dieu, est une pierre de choix et de grand prix. Et vous-mêmes, comme des pierres
vivantes, entrez dans la construction d’un édifice spirituel, pour être des prêtres saints chargés d’offrir des sacrifices spirituels
qui seront agréés de Dieu grâce à Jésus-Christ. Car on lit dans l’Écriture : voici que je place dans Sion une pierre d’angle, pierre
de choix et de grand prix : qui met sa confiance en elle ne sera pas déçu. À vous donc, les croyants, l’honneur ; mais pour les
incrédules, cette pierre que les constructeurs ont rejetée est devenue la pierre d’angle et la pierre d’achoppement et le roc de
scandale : car ils achoppent contre elle en refusant de croire à la Parole » (1 Pierre, 2, 4-8)·
253. Il n’est nulle part question de marbre, a fortiori blanc, dans les passages de l’Écriture qui ont trait à la construction du Temple.
Le roi Salomon « ordonna d’extraire de grandes pierres, des pierres de choix, pour construire en pierre de taille les fondements
de la maison » (1 Rois, 6, 31) mais ensuite il revêtit les murs et le plafond de bois de cèdre et le plancher de bois de cyprès
(ibid., 6, 15), bois eux-mêmes revêtus d’or (ibid., 6, 22) et, est-il précisé, « aucune pierre n’apparaissait » (ibid., 6, 18).
254. Plusieurs mots illisibles dans le texte, mais le sens ne fait pas de doute. Il s’agit, sinon d’une citation littérale, du moins d’une
référence au psaume 118, 22-23, que le Christ lui-même avait cité (Matthieu, 21, 47, Luc 20, 17) et sur lequel devait se fonder
saint Pierre dans son discours au Sanhédrin (Actes 4, 11) ; cf. aussi sa 1re Épître (voir note 253 et l’Épître de saint Paul aux
Éphésiens 2, 20).
255. Cf. 1 Rois, chap. 6, et 2 Chroniques, chap. 3. Les chérubins étaient en olivier revêtu d’or, ainsi que les doubles battants de la
porte du saint des saints.
256. Ces « pierres précieuses de toute beauté », ainsi que traduit la version autorisée, étaient enchâssées dans les parois d’or de la
grande salle du Temple (2 Chroniques, 3, 6). La Vulgate écrit, quant à elle, que c’est le pavé du Temple qui fut composé de
marbres très précieux et d’une grande beauté : telle est certainement l’origine de notre pavé mosaïque. Bède, en lecteur attentif
de la Bible, est obligé d’en déduire que le marbre a été recouvert de bois de cèdre, lui-même recouvert d’or ! Cf. d’autre part
l’Épître de saint Paul aux Colossiens : « En lui (le Christ) habite corporellement la plénitude de la divinité » (1, 19 et 2, 9).
257. Le texte porte : Te Dum law damuss (sic). Pour la description des chérubins, cf. 1 Rois (6, 23-28) et 2 Chroniques (3, 10-13)
ainsi que Exode (25, 18-20).
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258. « Propitiatoire » est le terme consacré en français et nous l’avons par conséquent retenu. Le texte utilise l’expression usuelle en
anglais de « siège de la grâce (mercy seat), de beaucoup plus heureuse.
259. C’est-à-dire le saint des saints.
260. La disposition des chérubins, au-dessus du propitiatoire de part et d’autre de lui, est donnée par l’Exode (25, 17-20). L’Éternel
dit à Moïse : « Là, je me rencontrerai avec toi et je te dirai, de dessus le propitiatoire, d’entre les chérubins qui sont sur l’arche
du témoignage, tout ce que je te commanderai pour les enfants d’Israël » (ibid., 25, 22). D’autre part, 1 Rois (6, 27), et
2 Chroniques (3, 12) précisent que les deux chérubins avaient chacun les ailes déployées, la première aile touchant la paroi du
saint des saints et la seconde celle de l’autre chérubin. La comparaison avec les deux Testaments se trouve dans Bède, De
Tabernaculo, livre I (PL 405), et De Templo, I (PL 766) mais au passage et à titre accessoire.
261. Mot omis dans le texte.
262. « La fin de l’un commençant l’autre » parce que saint Jean Baptiste, ultime prophète (et même plus qu’un prophète, selon les
propres paroles de Jésus : Matthieu, 11, 9 ; Luc, 7, 26), né sous l’ancienne loi, est le précurseur du Christ qu’il reconnaît et
baptise dans le Jourdain. De plus, le livre qui termine l’Ancien Testament, celui de Malachie, s’achève sur ces mots : « Voici
que je vous envoie Élie, le prophète, avant que vienne le jour du Seigneur. » Or, Jésus devait dire de Jean Baptiste : « C’est lui
l’Élie qui devait venir » (Matthieu, 11, 15 ; cf. aussi Matthieu, 17, 10 à 13, et Luc, 1, 16-17).
263. À la Genèse, qui décrit la création du monde, correspond en effet l’Apocalypse, qui en décrit par avance la fin. Mais ce monde
n’est pas le même et il y a en réalité deux mondes : le monde de la chute, depuis Adam, et le monde régénéré, depuis le Christ,
ou, autrement, le monde de la loi et celui de la grâce : ce thème vient toujours de saint Paul, qui développe l’idée selon laquelle
le Christ est le nouvel Adam (Romains, 5, 12-19 : « Adam est le type de celui qui devait venir »), nouvel Adam « qui fera toutes
choses nouvelles » ; « la création elle-même sera délivrée de la corruption pour entrer dans la liberté glorieuse des enfants de
Dieu ; nous savons en effet que toute la création gémit et souffre les douleurs de l’enfantement jusqu’à maintenant » (Romains,
8, 21-22). L’appellation « ministres » de Dieu a également son origine dans saint Paul (cf. le passage de 2 Corinthiens, 3, sur
ceux qui sont revêtus du « ministère de l’Esprit », et aussi Colossiens, 1). Cependant, on peut dire qu’elle « sonne protestant »,
car les réformés l’adoptèrent de préférence et par opposition à celle de « prêtres ». Ce dernier nom ne figure dans le Dumfries
que dans l’expression « grand prêtre » ; les serviteurs du culte ou de la parole sont toujours qualifiés de « ministres ».
264. Cf. supra, n. 247.
265. Nous conjecturons soit un lapsus dans le texte (ils ne sont pas rares) soit une erreur de déchiffrage et, par hypothèse, à la place
de dove (colombe) qui, dans le contexte, ne renvoie à rien et n’a aucun sens, nous proposons de lire dore, orthographe qu’on
trouve ailleurs dans le même passage pour door. En effet, les portes, tant du Temple que du saint des saints, étaient chacune à
deux vantaux, et Bède insiste sur ce point en en donnant les interprétations suivantes : selon lui, la double porte signifie l’amour
de Dieu et du prochain, et aussi que les Juifs et les Gentils sont mêmement appelés à la vie éternelle. Au surplus, une porte à
deux battants se dit a foldingdoor, à rapprocher de l’expression twofold knowledge (connaissance double) employée ici.
266. Pour le voile, cf. 2 Chroniques (3, 14), et surtout Exode (26, 31-33 et 36, 35). Comparer Épître aux Hébreux (9, 2-5).
L’interprétation chrétienne du voile du Temple vient en effet, elle aussi, de saint Paul qui, dans la même épître (10, 19-20)
écrit : « Ainsi donc, frères, nous avons l’assurance d’avoir par le sang de Jésus une voie d’accès au sanctuaire. C’est une voie
nouvelle et vivante qu’il a inaugurée pour nous à travers le voile, c’est-à-dire à travers sa chair. » Son point de départ est l’épisode
relaté par Matthieu (27, 50-51) : au moment où Jésus rendit l’esprit, « soudain, le voile du sanctuaire se déchira en deux, du
haut en bas ». Bède rappelle cet épisode (De Templo, I, PL 771) ainsi que (De Tabernaculo, II, PL 447) la parole de saint Paul :
« Le médiateur unique entre Dieu et les hommes est le Christ Jésus, homme lui-même » (1 Timothée, 2, 5) et il rapproche
une des couleurs dont le voile était entremêlé (violet, pourpre et écarlate) du pourpre du sang du Christ (De Templo, I, PL
771), mais ne fait pas mention de nos péchés.
267. Cf. Épître aux Hébreux, notamment chap. 7. Saint Paul oppose les « prêtres selon l’ordre d’Aaron » à Jésus « grand prêtre selon
l’ordre de Melchisédech » (6, 20 et tout le chapitre 7). Sur la verge d’Aaron, cf. Nombres (17, 16-26).
268. Cf. Exode, 30, 1-7 et 37, 25-28. Il s’agit de l’autel des parfums, situé à l’intérieur du Temple ; l’autel des holocaustes, placé
sur le parvis, était revêtu d’airain (Exode, 27, 1-8 et 38, 1-2). Le texte suit fidèlement la version autorisée dans la description
de l’autel : celui-ci est composé de bois de shittim, c’est-à-dire d’acacia, et revêtu d’or ; il comporte de plus un entourage d’or
que la Bible de Jérusalem appelle « moulure » et celle de Crampon « listel » mais pour lequel le Dumfries comme la Bible
anglaise emploie le mot crown que nous rendons par « couronnement », au risque d’une impropriété, pour conserver le paral-
lélisme avec la « couronne de majesté » de la fin.
269. Ajouté pour l’équilibre et l’intelligibilité de la phrase.
270. Mot omis dans le texte.
271. Mot illisible que les éditeurs ont certainement raison d’interpréter ainsi.
272. Le texte porte « personnellement ». Il s’agit du dogme chrétien, défini au concile de Chalcédoine (451), selon lequel le Christ
possède deux natures (divine et humaine) unies en une seule personne : d’où notre traduction.
273. Cf. Exode (25, 31-40 et 37, 17-24).
274. La lumière du monde : Jean, 8, 12.
275. Teachers : ce sont ceux qui dispensent l’instruction, l’enseignement : les didascales (suggestion d’E. Mazet).
276. Psaume, 119, 105 : « Ta parole est une lampe sur mes pas (a lamp unto my feet) et une lumière sur mon sentier. » La citation
n’est pas littérale.
277. La comparaison se trouve dans Bède (De Tabernaculo, I, PL 414), avec référence à la conception paulinienne de l’Église comme
corps du Christ dont chaque chrétien est un membre (Romains 12, 4-5 ; Éphésiens 1, 22-23, etc.) : la tige centrale désigne le
Christ et les branches les prédicateurs et fils de l’Église, trois d’une part et trois de l’autre pour symboliser les docteurs d’avant
et d’après l’incarnation du Christ ; mais les sept dons du Saint-Esprit sont représentés par les sept lampes, et non par les fleurs.
278. Dans la description donnée par la version autorisée, on trouve « trois calices en forme de fleurs d’amandier » (three bowls made
like unto almonds). En revanche, la Vulgate et, après elle, Bède, parle de « lis ». Est-ce l’origine de ce détail ? La vigne d’or est
mentionnée dans Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, livre V, chap. 4, 210.
279. Litt. « rappellent tous les ministres divins à des soins et un zèle divins ».
280. Cf. Exode (25, 23-30 et 37, 10-16).
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première fois, celle de 1764, et la date attribuée au Dumfries : 1710 environ ; mais ce dernier a-t-il été tout entier rédigé sans
interruption dans le temps ? Cette même devise, « Sainteté au Seigneur », figure toujours, mais correctement libellée (Kodesh la
– IHWH) dans les armes de la Grande Loge Unie d’Angleterre : comme dans celles des Anciens, le blason est sommé de l’Arche
d’Alliance rayonnante, elle-même surmontée par la devise disposée en arc de cercle. Il n’est pas sans intérêt de signaler à ce
propos qu’un rituel de Royal Arch de 1810 décrit l’introduction, dans le chapitre, de l’Arche portant en lettres d’or cette
inscription (cf. B. Jones, Freemason’s Book of the Royal Arch, p. 161).
306. Sic. « Colonnes » serait plus explicite.
307. Jachine ; plus loin : Jachin. La signification qui est donnée de ce nom est incohérente, non seulement avec l’usage actuel, mais
aussi avec la suite du texte. Il faut donc admettre que le copiste a tout simplement omis un membre entier de phrase qui
exposait la (bonne) signification de Jakin puis introduisait Boaz, à qui l’idée de force s’applique plus justement. Il est intéressant
de noter que, dans tout ce passage, Jakin vient avec Boaz.
308. Lacune dans le texte.
309. Le texte porte wt, qui est généralement l’abréviation de with, mais ce dernier mot n’a pas de fonction dans la phrase et nous
préférons transcrire en withal.
310. Lacune.
311. Litt. « ils ».
312. La construction de la phrase est des plus embarrassées et les accords verbaux ne sont pas toujours respectés : nous avons dû
prendre moins de licences avec la grammaire ! En revanche, le sens est limpide. Ce thème se retrouve constamment aux portails
des églises médiévales : la Synagogue est figurée les yeux bandés pour symboliser son aveuglement, au contraire de l’Église
chrétienne, qui lui a succédé dans l’élection divine. Tout cela provient encore de l’Epître aux Romains de saint Paul.
On trouve dans Bède (De Templo, II, PL 786) quelque chose qui, à première vue, paraît analogue, mais au fond, est assez
différent : il explique, en effet, que les deux colonnes symbolisent les docteurs qui ont institué l’Église primitive à Jérusalem et
ceux qui ont prêché les Gentils ; ou encore les prophètes qui avaient annoncé l’incarnation et les témoins de cette dernière
auprès du monde. – À noter l’insistance sur les mots « force », « établir » et « stabilité ».
313. Cf. Apocalypse (3, 12) : « Le vainqueur, j’en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu... (...). J’inscrirai sur lui le nom
de mon Dieu et le nom de la cité de mon Dieu (...) »
314. Suit un mot commençant par mat... Cette lacune empêche de déterminer avec précision le sens de la phrase : on peut comprendre
« qui sont » ou « qui sommes ».
315. Au sens de : titre de propriété ou : titre d’un métal.
316. Tout ce passage est inspiré de Jean, chap. 17, c’est-à-dire ce qu’on appelle traditionnellement la « prière sacerdotale » de Jésus,
en particulier les versets 6 et 26 que la version autorisée traduit ainsi : « J’ai manifesté Ton nom aux hommes que Tu m’as
donné (en les retirant) du monde ; ils étaient à Toi et Tu me les as donnés » ; et : « Et je leur ai manifesté Ton nom et je le
manifesterai, ainsi que l’amour dont Tu m’as aimé soit en eux et moi en eux. »
317. Dans le texte : litt... Nous y voyons little.
318. Les prophéties apocalyptiques, eschatologiques et messianiques de Zacharie annoncent et décrivent la destruction de la Jérusalem
présente et le triomphe glorieux de la Jérusalem future, où toutes les nations se réuniront pour se prosterner devant l’Éternel.
« Alors, IHWH sera roi sur toute la terre ; en ce jour-là, IHWH sera unique et son nom unique » (14, 9) et tout, jusques et y
compris les marmites et les grelots des chevaux, sera « consacré à IHWH » : inscription – « titre » – gravée sur ces derniers pour
montrer « à qui ils sont » et que la version autorisée traduit par « Sainteté au Seigneur », comme ici. À l’origine, « Sainteté au
Seigneur » était l’inscription gravée, tel un sceau, sur la lame d’or que les grands prêtres hébreux, à commencer par Aaron,
portaient au front, par dessus leur mitre (Exode, 28, 36-37). – Cf. aussi supra, n. 31, derniers paragraphes. À noter que, chez
le même prophète Zacharie, il est beaucoup question de la reconstruction du Temple par Zorobabel et par le grand maître
Josué (symbolisés par les deux branches du lampadaire d’or) ainsi que de la pierre de fondation et de la pierre d’angle, dont
traitait la question sur le Temple no 2 (cf. supra, n. 254).
319. Latin : « Tête de mort. »
320. Ou : « abattre ». Les lacunes à cette ligne et à la suivante ne permettent pas de préciser davantage. Les quatre traits verticaux
et parallèles, groupés deux à deux, représentent évidemment les colonnes.
321. « Une conduite selon l’équerre », est une formule familière aux maçons contemporains.
322. « Sphère » est une restitution des éditeurs.
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Le manuscrit Sloane
no 3329
Présenté par Edmond Mazet
Introduction
Ce manuscrit se trouve au British Museum. Il provient de la collection de Sir Hans Sloane
(1660-1753), et il fait partie d’un ensemble de documents que Sir Hans Sloane a fait relier ensemble
sous le titre « Papiers divers m’appartenant et concernant des curiosités ». Il a été imprimé sous forme
de brochure par Woodford en 1872, et la partie consistant en un catéchisme par demandes et réponses
a été imprimée en 1869 en appendice à l’Histoire de la franc-maçonnerie de Findel. Il a été enfin imprimé
par Knoop, Jones et Hamer dans Early Masonic Catechisms, et c’est d’après cette édition que nous le
traduisons ici.
Il a été daté d’environ 1700 par le Dr Schofield du département des manuscrits du British Museum.
Il est donc contemporain, ou a peu près, de deux autres textes : le manuscrit des Archives d’Édimbourg
(1696) et le manuscrit Chetwode Crawley (environ 1700). Comme eux, d’ailleurs, il a été copié sur un
manuscrit antérieur. Alors que les deux derniers manuscrits sont écossais, le Sloane 3329 est anglais,
tout au moins quant à son origine immédiate. Mais divers indices montrent qu’il remonte, en partie au
moins, à des sources écossaises (par exemple les termes « apprenti entré », attenders).
Il se compose de deux parties : une description des signes au moyen desquels les maçons se recon-
naissent, et un catéchisme par demandes et réponses terminé par une formule de serment. Cette seconde
partie a beaucoup de ressemblance avec les catéchismes contenus dans les manuscrits écossais susmen-
tionnés, au point que de nombreuses questions et réponses se correspondent à peu près mot à mot. Le
catéchisme du Sloane 3329, ou plutôt une partie de ce catéchisme, représente donc la même tradition
que les catéchismes écossais avec toutefois d’importantes variations. Mais certaines questions et réponses
sont propres au Sloane 3329 et semblent donc témoigner d’une tradition différente.
La première partie n’a pas d’analogue dans les manuscrits écossais. On peut peut-être, en revanche,
la rapprocher de la notice que Plot consacre à la Maçonnerie dans son Histoire naturelle du Staffordshire,
de 1686. Plot fait allusion à « certains signes secrets, par lesquels ils se reconnaissent entre eux dans
toute la nation, ce qui leur permet d’obtenir assistance partout où ils vont », sans donner aucun détail.
La première partie du Sloane 3329 ressemble à un développement de cette phrase de Plot.
Un aspect particulièrement intéressant de ce manuscrit est qu’il atteste l’évidence, à une date
ancienne et nettement antérieure à 1717, d’une maçonnerie en trois grades. Alors que dans les manuscrits
des Archives d’Édimbourg et Chetwode Crawley il n’y a que deux grades, les termes de compagnon du
métier et de maître maçon étant employés comme synonymes, dans le Sloane il y a bien trois grades,
les maîtres et les compagnons étant distincts et ayant des secrets différents. L’existence d’un système en
trois grades avant 1717 est d’ailleurs confirmée par le manuscrit de Trinity College (1711).
On sait que dans les premières années de son existence, la Grande Loge ne pratiquait encore que
deux grades. Lorsque, dans les années 1720, elle s’est mise à pratiquer trois grades, elle n’a fait qu’adopter
un système qui existait bien avant sa fondation. Pendant une vingtaine d’années au moins les deux
systèmes ont existé côte à côte. On est d’ailleurs tenté de penser qu’ils différaient moins par leur contenu
global que par la répartition de ce contenu entre les grades.
Nota. – Pour faciliter la lecture, je n’ai pas suivi dans ma traduction la ponctuation assez fantaisiste
du texte original, reproduite par Knoop, Jones et Hamer. D’autre part, j’ai restitué entre crochets quelques
mots ou membres de phrases là où cela m’a paru nécessaire.
Le manuscrit
Description narrative du mot et des signes des Francs-Maçons.
Ils se reconnaissent d’abord par des signes, puis ils vont s’entretenir à l’écart. L’un des signes
consiste en un mouvement de la main droite en travers de la poitrine, de gauche à droite, le bout des
doigts passant à trois ou quatre pouces au-dessous du menton ; un autre à retirer son chapeau de la
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main droite, avec les deux premiers doigts au-dessus du bord, le pouce et les autres doigts au-dessous,
et à lui faire faire un mouvement de gauche à droite [avant de le remettre] sur la tête ; un autre encore
consiste, en buvant, à faire avec son verre un mouvement transversal de gauche à droite sous le menton ;
un autre à prendre son mouchoir par un coin avec la main droite, à le jeter par-dessus l’épaule gauche
en le laissant prendre dans le dos, et à faire ainsi quelques pas : si un maçon voit quelqu’un faire cela,
il le suivra et lui serrera la main. Leur poignée de main, pour les compagnons 1 consiste à se saisir
mutuellement la main droite en pressant avec l’ongle du pouce la troisième jointure de l’index ; leur
poignée de main de maître, à se saisir mutuellement la main droite en appuyant fortement les ongles
des quatre doigts sur le carpe ou l’extrémité du poignet, tout en enfonçant l’ongle du pouce juste entre
la seconde jointure du pouce et la troisième de l’index. Toutefois, certains disent que la poignée de
main de maître se fait comme je viens de le dire, à ceci près que le médius doit aller un peu plus loin
d’un pouce ou de la longueur de trois grains d’orge, de manière à toucher une veine qui vient du cœur.
Un autre signe consiste à placer leur talon droit dans le creux du [pied] gauche de manière à former
une équerre, et à faire quelques pas en arrière et en avant, en marquant un bref arrêt tous les trois pas
et en plaçant leurs pieds en équerre comme précédemment. Si des maçons vous voient faire cela, ils
viendront bientôt à vous.
Si vous arrivez quelque part où il y ait des outils de maçon, disposez-les en forme d’équerre X ils
ne tarderont pas à s’apercevoir qu’un de leurs frères en Franc-Maçonnerie est passé par là ; ou encore,
si un frère arrive quelque part où il y ait des Francs-Maçons au travail, il peut prendre quelques-uns de
leurs outils et les disposer en équerre X 2 : c’est un signe pour se faire connaître ; il peut aussi prendre
un de leurs outils ou son propre bâton de voyage, et frapper doucement sur le mur ou sur l’ouvrage en
disant : « ceci est bose ou creux 3 » : s’il y a un frère présent sur le chantier il répondra : « C’est plein »,
et ces mots sont des signes pour se reconnaître mutuellement. Quelques-uns font usage d’un autre signe
qui est de plier le bras droit en équerre en plaçant la paume de la main gauche sur le cœur. Un autre
consiste à regarder de côté vers l’est tout en tordant la bouche vers l’ouest ; un autre à plier le genou
droit en tenant la main levée vers l’est et, de nuit ou dans l’obscurité, ils se racleront la gorge deux fois
doucement et une fois plus fort comme s’ils essayaient d’expulser un os ou un morceau de nourriture
de leur gosier, puis ils diront : « Le jour sert à voir, la nuit à entendre » ; un autre signe consiste à vous
envoyer 4 une épingle pliée ou un morceau de papier découpé en forme d’équerre : quand vous le recevez,
votre serment vous fait une obligation d’accourir aussitôt, en quelque lieu et en quelque compagnie que
vous soyez ; s’ils vous font les signes du chapeau ou de la main précédemment décrits, vous devez
accourir, dussiez-vous descendre du haut d’un clocher 5, pour savoir ce qu’ils désirent et pour les aider.
Celui qui veut vous faire savoir qu’il a besoin d’argent vous présentera un bout de tuyau de pipe ou
quelque chose d’approchant, en disant : « Pouvez-vous me changer un penny ? » Si vous avez de l’argent,
dites oui, si vous n’en avez pas, dites non ; quelques-uns manifesteront leur besoin d’argent en tirant
leur couteau du fourreau et en le donnant à un frère, soit en présence d’autres personnes, soit seuls : si
le frère a de l’argent, il prend le couteau, le met dans son fourreau et le rend à l’autre, sinon il le rend
tel qu’il l’a reçu ; c’est ce que beaucoup font en dépit de leur serment, et il y a ainsi beaucoup de signes
auxquels ils refusent de répondre quoiqu’ils y soient tenus par serment ; un autre signe encore est de
tirer son mouchoir de la main droite et de se moucher, puis, le tenant à bout de bras devant soi, de le
secouer deux fois doucement et une fois plus fort. Un autre est de frapper à une porte deux petits coups
et un fort. Ils ont encore un autre signe dont ils se servent à table, en buvant, lorsque le pot ne circule
pas assez vite ; ils disent : « Voyez le traître ! »
Pour s’adresser à un maçon en France, en Espagne ou en Turquie (disent-ils), le signe consiste à
s’agenouiller sur le genou gauche et à lever la main droite vers le soleil : alors le frère étranger ne tardera
pas à venir vous relever. Mais, croyez-moi, celui qui se met à genoux en comptant là-dessus risque fort
d’y rester longtemps ; et ceux qui attendent que quelqu’un remarque leurs signes risquent d’attendre
aussi longtemps que les Juifs espéreront leur Messie qui, selon leur croyance, doit venir de l’Orient.
Voici maintenant leur entretien secret par demandes et réponses.
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R : Le premier est celer et cacher, ou cacher et garder secret, sous une peine qui ne saurait être
moindre que d’avoir la langue coupée dans la gorge.
Q : Où avez-vous été fait maçon ?
R : Dans une loge juste et parfaite, ou juste et légitime.
Q : Qu’est-ce qu’une loge juste et parfaite, ou juste et légitime ?
R : Une loge juste et parfaite, c’est deux apprentis entrés, deux compagnons du métier et deux
maîtres ; [ou peut-être] plus ou moins ; plus on est, plus on rit, moins on est, meilleure est la chère ;
mais en cas de nécessité cinq suffiront, c’est-à-dire deux apprentis entrés, deux compagnons du métier
et un maître, sur la plus haute colline ou la vallée la plus profonde du monde, là où l’on n’entend ni
un coq chanter ni un chien aboyer.
Q : De qui tirez-vous vos principes ?
R : D’un plus grand que vous.
Q : Qui sur terre peut être plus grand qu’un Franc-Maçon ?
R : Celui qui fut transporté au plus haut pinacle du temple de Jérusalem 7.
Q : Votre loge est-elle fermée ou ouverte ?
R : Elle est fermée.
Q : Où se trouvent les clés de la porte de la loge ?
R : Dans une boîte close, ou sous un pavage à trois coins, à environ un pied et demi de la porte
de la loge.
Q : De quoi est faite la clé de la porte de votre loge ?
R : Elle n’est faite ni de bois, ni de pierre, ni de fer, ni d’acier, ni d’aucun métal ; c’est la langue
du bon renom [qui ne dit que du bien] d’un frère dans son dos aussi bien que face à face.
Q : Combien de bijoux y a-t-il dans votre loge ?
R : Il y en a trois : le pavé d’équerre, l’étoile flamboyante et le [parpaing 8 ?]
Q : Quelle est la longueur du câble de votre loge ?
R : Autant qu’il y a du repli de mon foie à la racine de ma langue.
Q : Combien y a-t-il de lumières dans votre loge ?
R : Trois : le soleil, le maître, et l’équerre.
Q : Quelle est la hauteur de votre loge ?
R : Des pieds, des aunes et des pouces sans nombre : elle atteint le ciel.
Q : Comment se tenait votre loge ?
R : Est et ouest, comme tous les saints temples.
Q : Quelle est la place du maître dans la loge ?
R : À l’est est la place du maître dans la loge, et le bijou 9 repose en premier sur lui et il met les
hommes au travail. Ce que les maîtres ont [semé] le matin les surveillants le moissonnent l’après-midi 10.
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Une autre salutation consiste à donner la poignée de main de maître ou de compagnon en disant :
le très vénérable, les maîtres et compagnons de la vénérable loge d’où nous venons vous saluent, vous
saluent, vous saluent bien ; alors, il répondra : Dieu vous salue bien, cher frère.
Ils ont un autre [mot] qu’ils appellent le mot de maître, et c’est Mahabyn, qu’ils divisent toujours
en deux mots. Ils se tiennent debout l’un contre l’autre, poitrine contre poitrine, les chevilles droites se
touchant par l’intérieur, en se serrant mutuellement la main droite par la poignée de main de maître,
l’extrémité des doigts de la main gauche pressant fortement les vertèbres cervicales 14 de l’autre ; ils restent
dans cette position le temps de se murmurer à l’oreille l’un Maha et l’autre, en réponse, Byn.
Le serment
Vous garderez secret le mot du maçon et tout ce qu’il recouvre ; vous ne l’écrirez jamais, directement
ni indirectement ; vous garderez tout ce que nous-mêmes ou vos instructeurs 15 vous ordonnerons de
garder secret, vis-à-vis de tout homme, femme ou enfant, et même vis-à-vis d’une souche ou d’une
pierre, et vous ne le révélerez jamais, sinon à un frère ou dans une loge de Francs-Maçons, et vous
observerez fidèlement les devoirs définis dans la Constitution 16 ; tous ces points vous promettez et jurez
de les garder et de les observer fidèlement sans aucune espèce d’équivoque ou de restriction mentale,
directe ou indirecte. Ainsi que Dieu vous soit en aide par le contenu de ce livre.
Ainsi il baise le livre, etc.
[Au verso du coin inférieur droit :]
Description narrative des mots et des signes des Francs-Maçons.
Traduction d’Edmond Mazet.
NOTES
1. On observe ici, comme dans les catéchismes écossais, l’absence de poignée de main pour l’apprenti.
2. La portion de texte comprise entre les X a été sautée, puis ajoutée en surcharge, ce qui montre que le rédacteur du manuscrit
ne faisait que copier un manuscrit antérieur.
3. Cf. la note 7 du manuscrit de Trinity College, p. 233.
4. Je corrige lending en sending.
5. Ce trait se trouve déjà dans la notice de Plot mentionnée dans l’introduction.
6. Comme dans les catéchismes écossais je préfère éviter de donner à token le sens spécifique d’attouchement, qui n’est attesté que
plus tard.
7. Le personnage ainsi désigné est certainement Jésus (cf. Matt. 4, 5 et Luc 4, 9). Ces deux questions et leurs réponses ne ressemblent
de près ou de loin à rien qui se trouve dans les catéchismes écossais. On trouve en revanche des choses très voisines dans le
manuscrit Dumfries no 4 (1710 environ), publié dans ce volume, et dans Masonry Dissected (1730) de Pritchard. Voici le texte
de Pritchard (c’est à propos de la lettre G) : G : Que représente ce G ? R : Quelqu’un de plus grand que vous. G : Qui peut
être plus grand que moi, qui suis un maçon franc et accepté, le maître d’une loge ? R : Le Grand Architecte et Créateur de
l’Univers, ou Celui qui fut transporté au sommet du pinacle du Saint Temple.
8. Le texte porte danty tassley, que Knoop, Jones et Hamer proposent, en suivant Dring, de corriger en perpentashler.
9. On attendrait plutôt : le soleil.
10. Il semble y avoir ici une allusion à Jn, 4, 35-38.
11. Les Old Charges à partir du Cooke racontent qu’après la construction de la tour de Babel les maçons reçurent de Nemrod
leurs premiers devoirs. L’auteur de notre manuscrit utilise cette donnée traditionnelle en la réinterprétant quelque peu (les Old
Charges ne parlent pas du mot).
12. Tout comme le Sloane 3329, le manuscrit Dumfries no 4 connaît, à côté d’une tradition qui mentionne trois lumières, une
autre tradition qui n’en mentionne que deux. Ces lumières sont expliquées de manière quelque peu différente dans les deux
manuscrits.
13. Le texte paraît ici corrompu. Il dit littéralement : « Dieu est reconnaissant envers tous les vénérables maîtres et compagnons de
la vénérable loge d’où [nous] venons. »
14. Traduction conjecturale. Le texte dit : « The top of their left hand fingers thurst [= thrust] close on the small [bones ? vertebrae ?]
of each other’s backbone. » Ce qui est certain, c’est que les doigts doivent appuyer sur la colonne vertébrale.
15. Attenders. Ce mot désigne évidemment les mêmes personnages que le mot intenders qui apparaît dans les Statuts Schaw de
1598 (publiés dans ce cahier) et dans d’autres textes écossais. Il est clair ici que ces personnages sont chargés de communiquer
des secrets au récipiendaire. La forme attenders s’explique par le verbe to attend dont un des sens est : s’occuper de quelqu’un.
La forme intenders me paraît pouvoir s’expliquer par un sens archaïque de to intend dérivant du latin intendere : attirer l’attention
de quelqu’un sur quelque chose.
16. Allusion au rouleau des Old Charges lu au récipiendaire lors de sa réception.
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Introduction
Ce manuscrit se trouve à la bibliothèque de Trinity College à Dublin. Il provient de la collection
de Sir Thomas Molyneux (1661-1733), un érudit de Dublin. Il a été publié dans les Transactions of
the Lodge of Research no CC, Dublin, 1924, puis par Knoop, Jones et Hamer dans Early Masonic
Catechisms. Nous le traduisons d’après l’édition de Knoop, Jones et Hamer.
Il porte au dos la suscription « Franc-Maçonnerie fév. 1711 ». Cette suscription n’est pas de la
même main que le texte, qui pourrait donc être antérieur à cette date, mais ne lui est pas postérieur.
Il n’a pas été possible de préciser si la suscription ou le texte était de la main de Sir Thomas Molyneux.
Rien ne prouve que le texte ait été écrit en Irlande, et il serait vain d’y chercher des particularités de
la Maçonnerie irlandaise (il est d’ailleurs bien établi que la Maçonnerie a été importée de Grande-
Bretagne en Irlande, tout comme elle a été importée plus tard dans d’autres pays). On observera d’ailleurs
que le texte présente de nombreuses affinités avec les catéchismes écossais et avec le Sloane 3329.
Comme ce dernier il est composé de deux parties, quoique dans l’ordre inverse : un catéchisme par
demandes et réponses, et une description des secrets de reconnaissance, qui présente plusieurs traits
communs avec la partie correspondante du Sloane 3329. Enfin, comme ce dernier, le manuscrit de Trinity
College atteste l’existence avant 1717 (et on peut préciser avant 1711) d’un système en trois grades.
Un détail intéressant est que le manuscrit commence par un dessin représentant un H majuscule
surmonté d’une croix. Ce dessin est visiblement extrait du monogramme IHS du nom de Jésus, qui
est souvent écrit avec une croix au-dessus du H, ainsi : 1. Il faut y voir un écho de cette piété christique
qui s’exprime si éloquemment dans des textes comme le manuscrit Graham ou le manuscrit Dumfries
no 4, et plus discrètement dans le Sloane 3329. On y a parfois vu l’origine du triple tau, mais cela n’est
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Le manuscrit
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Le signe commun consiste à se frotter la bouche de la main droite, puis à faire passer celle-ci
transversalement devant la gorge, et à la poser sur le sein gauche. Le signe de maître est : colonne
vertébrale, le mot matchpin. Le signe de compagnon homme du métier est : jointures et tendons, le
mot Jachquin 6. Le signe de l’apprenti entré est : tendons, le mot Boaz, ou : c’est creux 7. Pour le maître,
pressez la colonne vertébrale, mettez votre genou entre les siens, et dites Matchpin. Pour le compagnon
homme du métier, pressez les jointures et les tendons et dites Jachquin6. Pour l’apprenti entré, pressez
les tendons et dites Boaz ou : c’est creux7. Dans l’obscurité pour savoir s’il y a un maçon à l’entour,
dites : « Le jour a été fait pour voir, et la nuit pour entendre 8. » Si vous êtes parmi les frères, et s’ils
boivent à votre santé, retournez votre verre de haut en bas ; si après l’avoir fait deux ou trois fois vous
les entendez dire : « Buvez, et je me porterai garant de vous », c’est qu’ils paieront votre écot. Ou
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encore, si vous dites : « Le squire est maigre », ou si vous lancez à l’un d’eux un bourre-pipe en disant :
« Changez-moi ce liard 9 », ils paieront votre écot. Pour envoyer chercher un frère les signes sont les
suivants :
10
Si vous dites : « La loge n’est pas tuilée », cela revient à dire qu’il y a dans la compagnie quelqu’un
que vous soupçonnez d’être un frère (sic). Pour faire descendre un homme d’un échafaudage, ou de
n’importe où, joignez les talons en écartant les bouts des pieds et regardez en l’air, puis, avec la main
ou avec une canne, faites un angle droit. Ce geste et tous les autres doivent être faits d’un air très
détaché.
Traduction d’Edmond Mazet.
NOTES
1. Signalons au passage que ce monogramme n’a rien de « jésuite ». Il était en usage aussi bien dans l’Église anglicane que dans
l’Église catholique romaine. On peut le voir par exemple sur des vases liturgiques des XVIIe et XVIIIe siècles conservés dans le
trésor de la cathédrale Christchurch d’Oxford.
2. Début de la formule annonçant les châtiments prévus pour le parjure. Cette formule, qui est devenue rituelle dans la Maçonnerie
anglaise, se trouvait primitivement dans les « paroles de l’entrée » des catéchismes écossais.
3. Full.
4. Le Trinity College appelle le compagnon fellow craftsman alors que le Sloane 3329 et les catéchismes écossais l’appellent
fellow-craft.
5. Il semble que deux réponses soient mélangées ici, l’une concernant la place du maître, l’autre concernant la place de la clé de
la loge.
6. Lecture incertaine, selon Knoop, Jones et Hamer : on pourrait également lire Jackquin.
7. Jeu de mots entre Boaz et bose, terme archaïque signifiant : creux. Cela explique le passage du Sloane 3329 (cf. la note 3 de ce
texte) qui donne comme moyen de reconnaissance « frapper doucement sur le mur ou sur l’ouvrage en disant : ceci est bose ou
creux ».
8. Ce trait apparaît également dans le Sloane 3329.
9. Groat, pièce de 4 pence. Ce trait se retrouve approximativement dans le Sloane 3329.
10. Le premier signe représente évidemment une équerre. Il correspond au passage du Sloane 3329 qui prescrit d’envoyer à un
maçon « une épingle pliée ou un morceau de papier découpé en forme d’équerre ». Les deux autres signes représentent respec-
tivement la loge et un compas mesurant un cercle.
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Il existe d’assez nombreux documents du XVIIe siècle, provenant directement ou indirectement des
loges d’Angleterre ou d’Écosse : ce sont principalement les manuscrits, tous apparentés entre eux, qui
forment la vaste famille des Old Charges, ou Anciens Devoirs ; les registres d’un certain nombre de
loges d’Écosse ; enfin, à l’extrême fin du siècle, des documents comme le manuscrit des archives d’Édim-
bourg ou le manuscrit Chetwode Crawley, qui nous permettent de nous faire une idée assez précise
des rituels pratiqués à cette époque.
À côté de ces documents d’origine maçonnique, il existe un certain nombre de textes profanes
qui font allusion à la maçonnerie. De par leur nature, ils ne peuvent pas nous faire pénétrer profon-
dément à l’intérieur de l’institution, mais ils ont tout de même l’intérêt de montrer que celle-ci n’était
pas inconnue du public ; ils nous permettent d’apprécier ce que celui-ci – ou une partie de celui-ci –
en connaissait, les idées, justes ou fausses, que l’on s’en formait et les réactions qu’elle suscitait. On y
verra en particulier que les préjugés antimaçonniques ne datent ni de la Révolution française, ni des
premières condamnations pontificales, mais qu’ils ont été le lot de notre institution en tous les temps
où son existence a été connue du profane.
Nous donnons ici, avec l’aimable autorisation de la loge de recherches Quatuor Coronati, la
traduction d’un certain nombre de ces textes profanes, d’après l’édition qui en a été faite par Knoop,
Jones et Hamer dans leur ouvrage Early Masonic Pamphlets 1. Nous nous sommes limités ici à ceux de
ces textes qui sont du XVIIe siècle, et nous y avons inclus les professions de qualité maçonnique de deux
fameux maçons acceptés de ce siècle : Elias Ashmole et Rändle Holme. Nous avons classé le tout par
ordre chronologique.
Ces textes étant des extraits d’ouvrages difficilement accessibles en France, nous regrettons de ne
pas avoir pu placer chacun d’entre eux dans son contexte comme nous l’aurions souhaité.
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On notera aussi l’idée que la possession du mot du Maçon donnait des pouvoirs supranormaux,
idée à mettre en parallèle avec les croyances superstitieuses dont ce mot était l’objet (cf. Brochure de
Telfair ci-dessous).
Un divertissement de 1676
Cette annonce farfelue a été publiée sous le titre de « divertissement » dans la revue londonienne
Poor Robin’s Intelligence du 10 octobre 1676. Elle contient, selon Knoop, Jones et Hamer, la première
référence imprimée aux « Maçons acceptés ».
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Il est possible que l’auteur ait simplement voulu faire rire aux dépens de la « Compagnie des
Maçons acceptés ». Mais il nous semble plus probable qu’il a voulu suggérer qu’il s’agissait d’une
association imaginaire.
Le public est avisé que la Cabale Moderne du Ruban Vert, l’Ancienne Fraternité de la Rose-Croix, les Adeptes
Hermétiques, et la Compagnie des Maçons acceptés, ont l’intention de dîner ensemble le 31 novembre (sic)
prochain, au Taureau Volant, rue de la couronne de Moulins à Vent. Ils ont déjà commandé, pour être servis à
cette occasion, force pâtés de cygne noir, œufs de phénix pochés, cuissots de licorne, etc. Toutes les personnes
oisives qui peuvent prendre sur leur temps de présence au café pourront s’y rendre pour assister à cette solennité.
Mais nous leur conseillons de se munir de lunettes en verre malléable, car lesdites sociétés risquent fort de se
rendre invisibles, comme elles l’ont fait jusqu’ici, à ceux qui n’en auront pas.
L’intérêt majeur de ce texte, qui a été dégagé par Condor 13 à partir de l’étude des registres de la
Compagnie des Maçons de Londres, est de mettre en évidence un phénomène qui n’apparaît pas
clairement ailleurs, mais qui a peut-être joué un grand rôle dans la transition de la Maçonnerie opérative
à la Maçonnerie spéculative : la symbiose.
En effet, certains des récipiendaires ne furent jamais inscrits, après leur réception, sur les registres
de la Compagnie (c’est le cas de Sir William Wilson et du capitaine Richard Borthwick. Par ailleurs,
Sir William Wilson était de longue date un travailleur de la pierre (il avait sculpté une statue de
Charles II et venait d’être anobli). Enfin, et surtout, plusieurs des récipiendaires étaient déjà membres
de la Compagnie 14. Tous, cependant, sont également qualifiés de « Maçons nouvellement acceptés ».
Cela montre bien que la notion d’acceptation a ici un sens beaucoup plus complexe et plus intéressant
que celui de « réception d’un non-opératif dans une loge opérative ». Ce n’est pas dans la « Compagnie
des Maçons » (Masons Company) que les candidats (tant opératifs que non-opératifs) sont ici « acceptés »,
mais dans la « Société des Francs-Maçons » (Fellowship of Free-Masons). Cette dernière apparaît comme
une formation qu’il serait peut-être téméraire d’appeler spéculative, mais qui en tout cas n’est pas de
nature essentiellement opérative, existant en symbiose avec la Compagnie des Maçons. Cette symbiose
est d’ailleurs très étroite puisque la « loge » se tient au siège de la Compagnie opérative, que le maître
en exercice de celle-ci la préside, et que tous ceux qui assistent à la réception, sauf Ashmole et peut-être
un autre, sont membres de la Compagnie.
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dont il ignorait évidemment la qualité maçonnique. Ashmole a noté le présent dans son journal, mais
il n’a pas fait état de son jugement sur l’ouvrage, qui contenait par ailleurs un éloge de ses travaux.
Plot avait eu connaissance d’un manuscrit des Old Charges, se rattachant à une sous-famille de
ces manuscrits à laquelle on a, pour cette raison, donné son nom. Comme il l’a longuement cité, on
trouvera dans son texte bien des points qui offriraient matière à discussion, mais que nous ne discuterons
pas, car cela ne pourrait être valablement entrepris que dans le cadre d’une étude d’ensemble sur les
Old Charges. Nous nous bornerons à donner quelques indications en note.
Ajoutez à cela les coutumes qui sont particulièrement suivies dans le comté, notamment celle de se faire recevoir
dans la société des Francs-Maçons, qui semble être plus en faveur dans les landes de ce comté que partout ailleurs,
quoique je la voie répandue un peu partout dans notre nation. Car je trouve ici des personnes du plus haut rang
qui ne dédaignent pas d’être de cette compagnie. Et, en vérité, on ne peut que les en approuver, s’il est vrai
qu’elle est aussi antique et honorable que le prétend un grand rouleau de parchemin qu’ils ont, et qui contient
l’histoire et les règlements du métier de Maçonnerie. Il y est notamment raconté, en s’appuyant non seulement
sur l’Écriture sainte, mais aussi sur l’histoire profane, qu’il fut apporté en Angleterre par saint Amphibale, et
communiqué en premier lieu à saint Alban, qui fixa les Devoirs de la Maçonnerie, et fut fait trésorier et gouverneur
des ouvrages du roi. Et il leur donna des devoirs et des usages, selon ce que saint Amphibale lui avait enseigné.
Ceux-ci furent ensuite confirmés par le roi Athelstan, dont le plus jeune fils, Edwyn, aimait beaucoup la Maçon-
nerie. Il jura lui-même d’observer les devoirs, il étudia les usages, et il obtint pour eux de son père une charte de
franchise. Là-dessus, il les fit s’assembler à York, et il leur ordonna d’y apporter tous les anciens livres de leur
métier. À partir de là, il fixa tous les devoirs et usages, selon ce qu’ils jugèrent convenable. Une partie de ces
devoirs figurent dans le rouleau ou volume de parchemin dont j’ai parlé. C’est ainsi que le métier de Maçonnerie
fut établi et confirmé en Angleterre. Il est dit aussi dans ce rouleau que ces devoirs et usages furent plus tard
examinés et approuvés par le roi Henri VI et son conseil, tant en ce qui concerne les maîtres que les compagnons
de ce très vénérable métier.
Quand quelqu’un est reçu dans cette société, ils convoquent une tenue (ou une loge comme on dit en quelques
lieux) qui doit être formée d’au moins cinq ou six des anciens de l’Ordre. Les candidats leur offrent des gants,
pour eux et pour leurs femmes, ainsi qu’un banquet selon la coutume du lieu. Cela fait, ils procèdent à la
réception, qui consiste principalement en la communication de certains signes secrets, par lesquels ils se recon-
naissent entre eux dans toute la nation, ce qui leur permet d’obtenir assistance partout où ils vont. Car s’il se
présente un homme, même complètement inconnu, qui puisse montrer un de ces signes à un membre de la
société ou, comme ils disent, à un Maçon accepté, celui-ci est obligé, en quelque lieu ou compagnie qu’il
puisse être, de venir à lui aussitôt, fut-ce du haut d’un clocher (quelque danger ou incommodité que cela puisse
lui occasionner), pour savoir ce qu’il désire et l’assister. C’est-à-dire qu’il doit lui trouver du travail s’il en a
besoin ; ou, s’il ne peut pas lui en trouver, il doit lui donner de l’argent ou l’aider d’une autre manière à
subsister jusqu’à ce qu’il y ait du travail ; ce qui est un de leurs articles. Un autre article dit qu’ils doivent
conseiller les maîtres pour lesquels ils travaillent, au mieux de leur capacité, les informant de la bonne ou de
la mauvaise qualité de leurs matériaux ; et s’il y a quelque erreur dans la conception de l’édifice, les amener
avec modestie à la corriger, de crainte que la Maçonnerie ne soit déshonorée. Et il y en a beaucoup d’autres
semblables, qui sont bien connus. Mais il y en a quelques autres (qu’ils jurent selon leur rite de garder secrets)
que nul d’autre qu’eux ne connaît. Et j’ai des raisons de soupçonner qu’ils sont bien pires que les précédents,
aussi détestables peut-être que cette histoire du métier elle-même. Car je n’ai jamais rien vu de plus faux et
de plus incohérent que celle-ci.
Je n’insisterai pas sur le fait que saint Amphibale, selon des personnes éclairées, est plutôt le manteau que le
maître de saint Alban 15 ; ni sur l’invraisemblance qu’il y a à imaginer que saint Alban lui-même, à une époque
aussi barbare, et en un temps de persécution 16 ait pu être intendant d’un ouvrage quelconque. Il est clair que
le roi Athelstan n’a jamais été marié, et qu’il n’a même pas eu d’enfant naturel (à moins que l’on n’ajoute foi
à l’histoire fabuleuse de Guy, comte de Warwick, dont le fils aîné Reyburn est censé avoir épousé Leonat, la
prétendue fille d’Athelstan ; ce qui, d’ailleurs, ne fait rien à l’affaire) ; encore moins aurait-il pu avoir un fils
légitime du nom d’Edwyn, dont je ne trouve pas la moindre trace dans l’histoire. Il avait en fait un frère de
ce nom. À son accession au trône, il s’en méfiait tant, malgré son jeune âge, qu’il l’envoya sur mer dans une
barque sans voile ni rames, en compagnie d’un seul page, afin que sa mort fût imputée aux flots plutôt qu’au
roi. Et le jeune prince, incapable de maîtriser ses angoisses, se jeta de lui-même à la mer, où il mourut. On
voit par là comme il a pu étudier les usages des Maçons, leur obtenir une charte, ou les assembler à York. Le
lecteur jugera 17.
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Mais ce qui est encore plus invraisemblable, c’est qu’Henri VI et son conseil aient pu examiner ou approuver
leurs devoirs et leurs usages, et ainsi confirmer les statuts de ces très vénérables maîtres et compagnons, comme
les appelle le rouleau. Car je trouve en la troisième année de son règne 18 (alors qu’il ne pouvait pas être âgé de
plus de quatre ans) un acte du Parlement abolissant complètement cette société. Il y est stipulé que les Maçons,
dans leurs chapitres et assemblées générales, ne doivent former aucune congrégation ou confédération en violation
des statuts des travailleurs et en subversion de la loi ; que ceux qui feront tenir de tels chapitres ou congrégations
seront réputés félons ; et que les Maçons qui y participeront seront punis de prison, et d’une amende à la discrétion
du roi. On voit par là combien le rédacteur de cette histoire du métier de Maçonnerie était loin du compte, et
combien il était peu familiarisé avec nos chroniques et nos lois. Ce statut fut aboli par un acte de la cinquième
année du règne d’Elisabeth, par lequel les valets de métier et manœuvriers sont soumis à réquisition, et leurs
salaires plafonnés ; par lequel il est interdit aux maîtres de payer, et aux ouvriers d’accepter, des salaires supérieurs
au taux fixé par les juges. Cependant cet acte même n’étant guère observé, il est à craindre que ces chapitres de
Francs-Maçons ne fassent autant de mal qu’auparavant – et ce mal était grand, à en juger par les peines prévues.
Si bien qu’il serait peut-être opportun, maintenant encore, de les surveiller 19.
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NOTES
1. Publié par Q.C. Correspondence Circle Ltd. ou association avec Quatuor Coronati Lodge no 2076, Londres, 1978.
2. Selon Harry Carr (dans son livre Lodge Mother Kilwinning, no 0 ), la plus ancienne référence est de 1637 : un noble écossais,
le comte de Traquair, se plaint de ce que ses ennemis font courir le bruit qu’il a le mot du Maçon. Cela suggère que l’existence
de ce mot était déjà connue antérieurement, et que l’on savait qu’il était parfois conféré à des non-opératifs ; cela montre aussi
que ce mot avait mauvaise réputation : celle-ci sera précisée ci-dessous (cf. brochure de Telfair).
3. For what we do pressage is not in grosse, / For we be brethren of the rosie crosse ; / We have the mason word, and second
sight, / Things for to come we can foretell aright.
4. Cf. Normann Rogers : The Lodge of Elias Ashmolde, 1646, AQC, vol. 65 (1952), p. 35-53.
5. Henry Mainwaring était par ailleurs cousin par alliance d’Elias Ashmole.
6. En vertu des Statuts Schaw de 1598 et 1599, les loges d’Écosse étaient présidées par un surveillant (warden), assisté d’un diacre
(deacon). Dans certains procès-verbaux de loges, ces dénominations sont inversées.
7. Elias Ashmole (1617-1692), His Autographical and Historical Notes, His Correspondance, and Other Contemporary Sources Relating
to His Life and Work, edited with a biographical introduction, by C.H. Josten ; vol. I, p. 34.
8. L’auteur paraît considérer que ce qu’il dit du mot du Maçon et de la reconnaissance secrète est bien connu de ses lecteurs.
9. Comme le signale Plot (voir ci-dessous), le mot lodge était parfois employé dans le sens de tenue (meeting). C’est le cas ici.
10. Le siège de la Compagnie des Maçons de Londres (opérative).
11. Nous traduisons ainsi le mot fellowship, et nous traduisons par compagnie le mot compagny qu’Ashmole emploie un peu plus
loin.
12. Un blanc dans l’original.
13. E. Conder, The London Masons Company of the City of London, AQC vol. 9 (1896) p. 42 sq. Voir aussi l’édition du journal
d’Ashmole par C.H. Josten, déjà citée, vol. IV, p. 1700.
14. Ibid.
15. Du grec amphiballein : envelopper (en particulier, envelopper d’un manteau). Les « personnes éclairées » sont des dénicheurs
de saints, qui mettent en doute l’existence de saint Amphibale.
16. Saint Alban fut victime de la persécution de Dioclétien.
17. Le roi Athelstan régna de 925 à 939. Il est vrai qu’il n’eut pas d’enfant légitime (il est bien difficile d’être sûr qu’il n’eut pas
d’enfant naturel !). Il avait au moins deux frères, Edmond et Eadred, qui lui succédèrent l’un après l’autre. L’histoire de la
noyade du prince Edwyn, admise par Plot, est sans doute aussi légendaire que tout ce qu’il trouve à reprendre dans les Old
Charges.
18. En 1425. L’acte en question est authentique. Il ne semble pas, toutefois, qu’il ait visé toutes les assemblées de Maçons, mais
seulement des assemblées occasionnelles visant à obtenir des augmentations de salaire au-delà du taux légal.
19. Les critiques que Plot fait ici à la Maçonnerie ressemblent beaucoup à celles que l’on faisait vers la même époque en France au
Compagnonnage. (Cf. Martin Saint-Léon, Le Compagnonnage, rééd. Librairie du Compagnonnage, Paris 1977, p. 59 à 73.) En
ce qui concerne la Maçonnerie anglaise, ces critiques avaient pu être fondées lorsqu’elle était une association purement opérative.
Plot semble oublier ce qu’il a dit lui-même au début de la pénétration de la Maçonnerie par les non-opératifs.
20. AQC, vol. 42 (1929), p. 313-314.
21. 1216-1272.
22. On pourrait aussi comprendre : pour l’accueil des voyageurs.
23. Freed Masons.
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Introduction
Le document dont nous donnons ici la traduction a été découvert aux Archives d’Édimbourg en
1930, par Charles T. McInnes. Il a été publié sous forme photographique dans AQC, vol. 43 (1930)
par J. Mason Allan, et plusieurs fois imprimé, la dernière édition imprimée étant dans Knoop, Jones
et Hamer, Early Masonic Catechisms, 2e édition, Londres, 1975. Il a souvent été utilisé par des auteurs
maçonniques de langue française, mais sans qu’aucune traduction française en ait été publiée.
On ignore par qui et dans quelles circonstances il a été rédigé. Mais il porte la suscription suivante :
« Quelques questions à propos du mot du Maçon (Some Questions Anent the Mason Word) – 1696. » Il
date donc de la période de transition de la Maçonnerie opérative à la Maçonnerie spéculative. Naturel-
lement, il est loin d’être le plus ancien texte maçonnique écossais connu ; rappelons en particulier, avant
lui, les Statuts Schaw de 1598 et de 1599, et plusieurs registres de loges, comme ceux d’Aitcheson Haven
(1598-j), d’Édimbourg (1599-j), de Kilwinning (1642-j) ; d’autre part, à partir de 1660 environ,
des loges d’Écosse ont eu en leur possession des textes de la famille des Old Charges, d’origine anglaise.
Mais, si l’on accepte les formules de serment contenues dans quelques manuscrits des Old Charges, le
manuscrit des Archives d’Édimbourg est à l’heure actuelle, en Écosse et dans le monde, le plus ancien
document connu de caractère rituel. C’est ce qui fait son intérêt exceptionnel.
Il est à rapprocher, à cet égard, de deux autres textes également publiés dans Knoop, Jones et
Hamer : le manuscrit Chetwode Crawley, daté d’environ 1700, donc à peu près contemporain du
manuscrit des Archives d’Édimbourg, et un texte un peu plus tardif, le manuscrit Kevan (vers
1714-1720). Ces trois textes sont très voisins les uns des autres et, tout en présentant des variantes
notables, dérivent certainement d’une source commune. Sans nous livrer à une comparaison systéma-
tique des trois textes, nous avons indiqué en notes quelques-unes de ces variantes, qu’il nous a paru
intéressant de relever.
Si l’on ne peut préciser exactement l’origine de notre manuscrit, on peut du moins dégrossir le
problème. Tout d’abord, il a certainement été copié sur un manuscrit antérieur (cf. note 9), aujourd’hui
perdu. La réponse à la question 8 (« Quel est le nom de votre loge ? – Kilwinning ») met vaguement
cette source en rapport avec la loge de ce nom, ou du moins avec les loges du Sud-Ouest de l’Écosse,
sur lesquelles la loge de Kilwinning exerçait une juridiction plus ou moins bien définie par les Statuts
Schaw de 1599, mais il est difficile de préciser davantage ce rapport. En fait, il apparaît clairement à
la lecture du texte que celui-ci et sa source n’ont pas été rédigés par des Maçons, mais bien plutôt par
des profanes qui avaient réussi (tout au moins l’auteur du manuscrit primitif) à percer le secret des
travaux maçonniques.
On peut d’ailleurs se demander à ce propos, jusqu’à quel point notre manuscrit et les deux textes
apparentés reflètent fidèlement les travaux des loges du XVIIe siècle. Il est certain que, dans le détail, ils
nous transmettent certains termes sous une forme corrompue (cf. notes 2 et 8) ; d’ailleurs, à ce niveau,
il existait sans doute dès le XVIIe siècle des variations locales dans la pratique des loges (cf. note 6).
Cependant, la comparaison avec les Statuts Schaw, avec les Old Charges, et avec les registres de loges
d’Écosse du XVIIe siècle, ainsi que l’existence, attestée en Écosse à partir de 1637, du « mot du Maçon »,
permettent d’être raisonnablement assuré que, dans l’ensemble, les textes nous donnent une image
fidèle de la réalité.
Le manuscrit des Archives d’Édimbourg se compose de deux parties (qui se retrouvent, quoique
dans l’ordre inverse, dans le Chetwode Crawley et dans le Kevan).
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La première est une suite de questions et de réponses convenues qui permettaient aux maçons de
se reconnaître. Ces « catéchismes », selon le terme de Knoop, Jones et Hamer, sont à l’origine de nos
instructions actuelles par demandes et réponses. Il y a de ceux-là à celles-ci une tradition continue que
l’on peut suivre tout au long du XVIIIe siècle en Grande-Bretagne comme sur le continent : ces caté-
chismes ou instructions se sont développés et enrichis – non sans glissements ou même oblitération de
sens sur certains points -, ils se sont diversifiés aussi selon les lieux et les rites, mais la filiation est
incontestable.
La seconde partie se présente comme un rituel sommaire de réception. On a un système en deux
grades. Le premier grade est celui d’apprenti entré (« entered apprentice » : ce terme, qui reparaît dans
les Constitutions d’Anderson, est toujours en usage dans la Maçonnerie de langue anglaise) ; la cérémonie
de réception s’appelle l’« entrée » (entrie). Cela est conforme aux Statuts Schaw qui, un siècle plus tôt,
distinguaient déjà nettement deux stades dans l’apprentissage : tout d’abord l’apprenti était « reçu » (ce
terme n’impliquant ici aucune cérémonie rituelle) par un maître qui le prenait à son service, le faisait
enregistrer sur le livre de sa loge, et commençait de lui enseigner le métier ; quand l’apprenti était
suffisamment instruit, il était « entré », et acquérait un minimum d’initiative professionnelle, sans cesser
d’être un apprenti.
Le second et dernier grade est indifféremment appelé « compagnon du métier » (fellow craft), ou
« maître maçon », ou seulement « maître » ou « maçon », et une fois « parfait maçon », tous ces termes
étant équivalents. Cela encore est conforme aux Statuts Schaw, où l’expression « master of fellow of
craft » revient plusieurs fois.
À chacun de ces grades correspond une cérémonie. Ces cérémonies, très simples, comportent
seulement le serment et la communication des secrets, c’est-à-dire ce qui formera toujours le noyau des
cérémonies maçonniques plus élaborées, qui se développeront par la suite. Cependant, dans leur sim-
plicité, elles s’accompagnaient de quelques formes tombées ensuite en désuétude, qui ne manquent pas
d’intérêt, comme les « paroles de l’entrée », et l’usage émouvant et significatif de faire circuler le mot
du plus jeune Maçon jusqu’au maître de la loge avant de le communiquer.
Parmi les secrets, le « mot du Maçon » était apparemment considéré comme le plus important
puisque la partie rituelle du texte est intitulée « la manière de donner le mot du Maçon » (the forme of
giveing the Mason word). Comme nous l’avons déjà dit, l’existence du mot du Maçon est attestée à
partir de 1637 par diverses allusions qui y sont faites dans des sources profanes : il était l’objet, parmi
les gens simples, de craintes superstitieuses. Il ressort de notre texte que chaque grade avait son mot,
et que ces mots étaient ceux qui sont encore en usage dans les deux premiers grades (cf. aussi note 11).
Nous n’avons pu donner, dans cette introduction et dans les notes, qu’un bref aperçu de ce que
le manuscrit des Archives d’Édimbourg et les textes de la même famille apportent à notre connaissance
de la tradition maçonnique. Le lecteur trouvera sans doute par lui-même encore bien des remarques
intéressantes à faire et bien des questions à se poser.
Le manuscrit
Quelques questions que les Maçons ont coutume de poser à ceux qui ont le mot, avant de les
reconnaître.
Remarques : la dernière réponse ne doit être faite qu’en présence de gens qui ne sont pas maçons.
Mais en l’absence de telles gens vous devriez répondre : par signes, conventions 1 et autres points de
mon entrée.
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Le premier est de celer 2 et cacher ; le second : « sous une peine qui ne saurait être moindre 3 »,
qui consiste alors à vous c....r la g...e, car vous devez faire ce signe quand vous dites cela.
Après que les Maçons vous ont examiné par toutes ces questions ou par quelques-unes d’entre
elles, et que vous y avez répondu avec exactitude et fait les signes, ils vous reconnaîtront, non pas
cependant pour un maître Maçon ou compagnon du métier, mais seulement pour un apprenti, c’est
pourquoi ils vous diront : je vois que vous avez été dans la cuisine, mais je ne sais pas si vous avez été
dans la salle.
Faites alors le signe du compagnonnage 10, et serrez la main [de votre interrogateur], et vous serez
reconnu pour un véritable Maçon. Les mots sont dans le premier livre des Rois, chap. 7, v. 21 et dans
le deuxième livre des Chroniques, chap. 3, dernier verset 11.
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Par Dieu lui-même – et vous aurez à répondre à Dieu quand vous vous tiendrez nu devant lui au jour suprême-,
vous ne révélerez aucune partie de ce que vous allez entendre ou voir à présent, ni oralement, ni par écrit ; vous
ne le mettrez jamais par écrit, ni ne le tracerez avec la pointe d’une épée, ni avec aucun autre instrument, sur la
neige ou le sable, et vous n’en parlerez pas, si ce n’est avec un maçon entré ; ainsi que Dieu vous soit en aide.
Après qu’il a prêté le serment, on l’emmène hors de la compagnie, avec le plus jeune Maçon, et
quand il est suffisamment effrayé par mille postures et grimaces ridicules, il doit apprendre dudit Maçon
la manière de se tenir à l’ordre, ce qui est le signe, et les postures et paroles de son entrée, qui sont
comme suit :
Quand il rentre dans la compagnie, il doit d’abord faire un salut ridicule, puis le signe, et dire :
Dieu bénisse l’honorable compagnie. Puis, retirant son chapeau d’une manière très extravagante qui
ne doit être exécutée que dans ces circonstances (comme le reste des signes), il dit les paroles de son
entrée, qui sont comme suit :
Me voici, moi le plus jeune et le dernier apprenti entré, qui viens de jurer par Dieu et saint Jean 12, par l’équerre,
le compas et la jauge commune 13, d’être au service de mon maître à l’honorable loge, du lundi matin au samedi
soir, et d’en garder les clés, sous une peine qui ne saurait être moindre que d’avoir la langue coupée sous le
menton, et d’être enterré sous la limite des hautes marées, où nul ne saura [qu’est ma tombe].
Alors, il fait à nouveau le signe, en retirant la m..n sous le m....n
devant le g...e, ce qui signifie qu’on 1. 1.. c..... a au cas qu’il manque à sa parole.
Ensuite, tous les Maçons présents se murmurent l’un à l’autre le moi, en commençant par le plus
jeune, jusqu’à ce qu’il arrive au maître Maçon, qui donne le mot à l’apprenti entré.
Maintenant, il faut remarquer que tous les signes et mots dont on a parlé jusqu’ici appartiennent
à l’apprenti entré. Mais pour être un maître Maçon ou compagnon du métier il y a plus à faire, et
c’est ce qui suit.
Tout d’abord, tous les apprentis doivent être conduits hors de la compagnie, et il ne doit rester
que des maîtres.
Alors, on fait de nouveau agenouiller celui qui doit être reçu membre du compagnonnage, et il
prête le serment qui lui est présenté de nouveau. Ensuite, il doit sortir de la compagnie avec le plus
jeune Maçon pour apprendre les postures et signes du compagnonnage, puis, en rentrant, il fait le signe
des maîtres et dit les mêmes paroles d’entrée que l’apprenti, en omettant seulement la jauge commune.
Alors, les Maçons se murmurent l’un à l’autre le mot en commençant par le plus jeune comme pré-
cédemment, après quoi le nouveau Maçon 14 doit avancer et prendre la posture dans laquelle il doit
recevoir le mot, et il murmure au plus ancien maçon : les dignes maîtres et l’honorable compagnie
vous saluent bien, vous saluent bien, vous saluent bien.
Alors le maître lui donne le mot et il lui serre la main à la manière des Maçons, et c’est tout ce
qu’il y a à faire pour faire de lui un parfait Maçon.
Traduction d’Edmond Mazet.
NOTES
1. Le mot token a pris par la suite dans le langage maçonnique le sens précis d’attouchement ou poignée de main. Dans la fameuse
divulgation de Pritchard : Masonry Dissected (1730), on lit : « Que sont les tokens ? – Certaines poignées de main régulières et
fraternelles. » Dans notre texte, non plus que dans le Chetwode Crawley et dans le Kevan, il n’est question d’aucune poignée
de main pour l’apprenti, alors qu’il en existe indubitablement une pour le compagnon. Le mot token désigne probablement ici
l’ensemble des postures et gestes convenus qui accompagnent le signe et le mot.
2. Nous traduisons ainsi le mot heill (orthographié dans d’autres textes hail, heal ou hele), mot archaïque ayant le même sens que
le verbe usuel conceal qui le suit.
3. Cette formule provient des paroles de l’entrée, que l’on trouvera dans la deuxième partie du texte.
4. Les statuts de 1670 de la loge d’Aberdeen prescrivent que les tenues aient lieu « au milieu des champs », et que les réceptions
d’apprentis se fassent « dans l’ancienne loge des champs » sur une paroisse rurale des environs (A.L. Miller, Notes on the Early
History and Records of the Lodge Aberdeen 1 ter ; cité par A.C.F. Jackson, AQC, vol. 91, p. 17).
5. Ces trois lumières sont certainement les trois chandeliers que l’on retrouve (dans des dispositions différentes suivant les rites)
dans les loges spéculatives. Pritchard (1730) précise : « N.B. Ces lumières sont trois grandes chandelles placées sur de hauts
chandeliers. »
6. L’interprétation de l’expression « passage de l’est » (eastern passage) peut prêter à discussion ; la plus naturelle relativement au
contexte nous paraît être : plein est. Les documents iconographiques (gravures et reproductions de tableaux de loge) relatifs à
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la Maçonnerie spéculative avant 1750, montrent le plus souvent une disposition qui paraît dériver de celle indiquée dans notre
texte ; la lumière du « passage de l’est » est seulement venue au sud-est, formant avec les deux autres un rectangle dont, seul,
le sommet nord-ouest reste vide. Cette disposition se conserve de nos jours dans le rite français. Mais il est probable que dès
le XVIIe siècle, la disposition des trois chandeliers variait suivant les loges. Le manuscrit Dumfries no 4, qui date d’environ 1710,
mais dont le contenu remonte presque certainement plus haut, nous dit que les trois lumières se trouvent à l’est, à l’ouest, et
« au milieu » (c’est sans doute de là que dérive la disposition que l’on observe dans la Maçonnerie anglo-saxonne actuelle).
7. Le « maître maçon » dont il est question ici est évidemment le maître qui préside la loge. Au lieu de « compagnon poseur »
(setter craft), le Chetwode Crawley et le Kevan ont ici simplement « compagnon du métier » (fellow craft). Les maçons opératifs
se divisaient en hewers (tailleurs de pierre) et setters (qui posaient les pierres pour monter les murs).
La signification de ces trois lumières a évolué. À partir de Pritchard, 1730, elle s’est fixée en « le Soleil, la Lune et le maître
Maçon », ou « le Soleil, la Lune et le maître de la loge ». Ces trois lumières ne sont évidemment point à confondre avec les
trois grandes lumières symboliques : le volume de la Loi sacrée, l’équerre et le compas. La Maçonnerie anglaise les en distingue
en les appelant « lumières mineures » (lesser lights).
8. Le parpaing (dans le texte : perpend esler, corruption de perpend ashlar est certainement à l’origine de la pierre brute de la
Maçonnerie spéculative, ce qui est un glissement de sens considérable ; le pavé d’équerre (square pavement) est à l’origine du
pavé mosaïque. Quant au « large ovale » (broad ovall), c’est probablement la corruption de broked mall (marteau bretté), que
l’on lit dans le Chetwode Crawley au même endroit ; ce marteau bretté serait alors à l’origine de l’instrument semblable à une
hache qui figure sur les tableaux de loge français du XVIIIe siècle, à côté de la pierre cubique à pointe ; ce pourrait être aussi,
selon KJH, la corruption de broached urnall, mot qui désignerait la pierre cubique à pointe elle-même.
9. Le manuscrit des Archives d’Édimbourg a ici contracté deux questions de sa source, qui sont restées distinctes dans le Chetwode
Crawley et dans le Kevan : « Où trouverai-je la clé de votre loge ? – À trois pieds et demi de la porte de la loge sous un parpaing
et une motte verte. – Qu’entendez-vous par un parpaing et une motte verte ? – J’entends non seulement sous un parpaing et
une motte verte, mais sous le repli de mon foie, là où gisent tous les secrets de mon cœur. »
10. Le Chetwode Crawley et le Kevan ont ici : « Ce sont là les signes du compagnonnage. »
11. Le Chetwode Crawley et le Kevan donnent les mots en toutes lettres.
12. On peut voir là une indication de ce que le serment était prêté sur l’Évangile de saint Jean, comme l’usage en est nettement
attesté par la suite dans la Maçonnerie française.
13. Gabarit fixant la dimension des pierres à tailler.
14. Le texte a ici : le plus jeune Maçon (the youngest Mason), mais c’est évidemment du récipiendaire qu’il s’agit.
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Le manuscrit Chetwode
Crawley
Commenté par Edmond Mazet
Ce manuscrit, d’origine inconnue, fut acheté en 1904 par la Grande Loge Unie d’Angleterre, dans la
bibliothèque de laquelle il est conservé. Les érudits anglais le datent d’environ 1700. Comme le manuscrit
des Archives d’Édimbourg de 1696, il a été publié par Knoop, Jones et Hamer dans les Early Masonic
Catechisms. Étant très voisin du précédent il ne demande pas d’introduction particulière, mais les deux
textes doivent être lus en parallèle. J’ai d’ailleurs déjà signalé que les deux manuscrits dérivent certainement
d’une même source.
Le manuscrit
Le grand secret ou la manière de donner le mot du maçon.
Tout d’abord vous devez faire mettre à genoux la personne qui va recevoir le mot, et après force
cérémonies destinées à l’effrayer, vous lui faites prendre la Bible et, plaçant sa main droite dessus, vous
devez l’exhorter au secret, en le menaçant de ce que, s’il vient à violer son serment, le soleil dans le
firmament et toute la compagnie témoigneront contre lui, ce qui sera cause de sa damnation, et qu’aussi
bien ils 1 ne manqueront pas de le tuer. Puis, après qu’il a promis le secret, ils lui font prêter serment
comme suit :
Les mots J et B 2.
Par Dieu lui-même, puisque vous aurez à répondre à Dieu quand vous vous tiendrez nu devant lui au jour
suprême, vous ne révélerez aucune partie de ce que vous allez entendre ou voir à présent, ni oralement, ni par
écrit ; vous ne le mettrez jamais par écrit, ni ne le tracerez avec la pointe d’une épée, ni avec aucun instrument,
sur la neige ou le sable, et vous n’en parlerez pas, si ce n’est avec un maçon entré ; ainsi que Dieu (vous) soit en
aide.
Après qu’il a prêté ce serment, on l’emmène hors de la compagnie avec le plus jeune maçon, et
quand il est suffisamment effrayé par mille postures et grimaces ridicules, il doit apprendre dudit maçon
la manière de se tenir à l’ordre, ce qui est le signe, les paroles et postures de son entrée, et c’est comme
suit :
Me voici, moi le plus jeune et le dernier apprenti entré, qui viens de jurer par Dieu et saint Jean, par l’équerre,
le compas et la jauge commune, d’être au service de mon maître à l’honorable loge, du lundi matin au samedi
soir, et d’en garder les clés, sous une peine qui ne saurait être moindre que d’avoir la langue coupée sous le
menton, et d’être enterré sous la limite des hautes marées, où nul ne saura (qu’est ma tombe).
Alors, il fait à nouveau le signe, en retirant la m..n sous le m....n devant la g...e, ce qui signifie
qu’on 1. 1.. c..... a au cas qu’il manque à sa parole.
Ensuite tous les maçons présents se murmurent l’un à l’autre le mot, en commençant par le plus
jeune, jusqu’à ce qu’il arrive au maître maçon, qui donne le mot à l’apprenti entré.
Maintenant, il faut remarquer que tous les signes et mots dont on a parlé jusqu’ici appartiennent
à l’apprenti entré. Mais pour (être 3) un maître maçon ou compagnon du métier, il y a plus à faire,
comme il suit.
Tout d’abord tous les apprentis doivent être conduits hors de la compagnie, et il ne doit rester
que des maîtres.
Alors, on fait de nouveau agenouiller celui qui doit être reçu membre du compagnonnage, et il
prête le serment qui lui est présenté de nouveau. Ensuite il doit sortir de la compagnie avec le plus
jeune maître pour apprendre les paroles et signes du compagnonnage, puis en rentrant, il fait le signe
de maître et dit les mêmes paroles d’entrée que l’apprenti, en omettant seulement la jauge commune.
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Alors, les maçons se murmurent l’un à l’autre le mot en commençant par le plus jeune comme précé-
demment, après quoi le jeune maître doit avancer et prendre la posture dans laquelle il doit recevoir
le mot, et il murmure (au plus ancien maçon 4) : les dignes maçons et l’honorable compagnie d’où je
viens 5 vous saluent bien, vous saluent bien (vous saluent bien3).
Alors, le maître-maçon lui donne le mot et lui serre la main, et après lui tous les maçons font de
même5, et c’est tout ce qu’il y a à faire pour faire de lui un parfait maçon.
Quelques questions que les maçons ont coutume de poser à ceux qui disent avoir5 le mot avant
de les reconnaître.
Nota : La dernière réponse ne doit être faite qu’en présence de gens qui ne sont pas maçons. Mais
en l’absence de telles gens vous devrez répondre : par signes et autres conventions d’entrée.
Le premier est de celer et cacher ; le second : sous une peine qui ne saurait être moindre que
d’avoir la gorge coupée. Mais vous devez faire le signe quand vous dites cela.
Après que les maçons vous ont examiné par toutes ces questions ou par quelques-unes d’entre
elles, et que vous y avez répondu avec exactitude et fait le signe, ils vous reconnaîtront, non pour un
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maître maçon ou compagnon du métier, mais seulement pour un apprenti, c’est pourquoi ils ajoute-
ront :
Q. 17 : Je vois que vous avez été dans la cuisine, mais je ne sais pas si vous avez été dans la salle.
R. : J’ai été dans la salle aussi bien que dans la cuisine.
Q. 18 : Êtes-vous compagnon du métier ?
R. : Oui.
Q. 19 : Combien y a-t-il de points du compagnonnage ?
R. : Cinq, à savoir 1o) pied à pied, 2o) genou à genou, 3o) cœur à cœur, 4o) main à main, 5o)
oreille à oreille.
Ce sont là les points du compagnonnage 9. Et, par une poignée de main, vous serez reconnu pour
un vrai maçon.
NOTES
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Le manuscrit Graham
(1726)
Présentation
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de cinq points. C’est à l’occasion de ce premier redressement de corps décrit par un rituel, qu’un des
personnages dit :« Il y a de la moelle dans cet os. » En anglais : « There is marrow in this bone. » Nous
avions noté l’homophonie approximative avec une des versions de M.B. L’homophonie était notable
quoique approximative, car ce M.B., comme bien d’autres mots du vocabulaire maçonnique, a subi
toutes sortes de déformations phonématiques justement.
C’est ainsi que dans The Free Mason at Work, Harry Carr note plusieurs versions de M.B. dues
à diverses déformations : Maha Byn, Matchpin’, Magbo and Boe.
Nous en étions là de nos remarques sur la ressemblance entre « marrow in the bone » et M.B.,
lorsque la lecture d’un des rituels publiés par Knoop, Jones et Hamer dans The Early Masonic Catechisms
nous en apporta une confirmation. Ce rituel, qui précède immédiatement le manuscrit Graham dans
l’ouvrage de Knoop, Jones et Hamer, s’intitule « The Whole Institutions of Free-Masons Opened » et
est daté de 1725. Divers mots y sont donnés comme constituant le secret de la maçonnerie, dont
« Magbo and Boe » à propos duquel le texte dit que cela signifie « la moelle dans l’os » (« Magbo and
Boe signifies Marrow in the Bone »).
Il faut noter que « The Whole Institutions of Free-Masons Opened » est un rituel antérieur au
manuscrit Graham. Du moins est-il daté de 1725, alors que le manuscrit Graham est daté de 1726.
Mais le manuscrit Graham est sans doute plus ancien : le mauvais état linguistique de son texte est
probablement dû, outre toutes les raisons que nous évoquerons, à plusieurs copies successives au cours
desquelles le message se serait détérioré, comme dans le jeu du téléphone. Ce dernier point n’est pas
prouvé, mais hautement probable. Dès lors deux hypothèses sont à retenir.
La première, c’est que si le manuscrit Graham a une origine plus ancienne que « The Whole
Institutions of Free-Masons Opened », ce dernier texte ne ferait que donner une explication après coup
à l’expression « Marrow in the Bone » – « Magbo and Boe signifies Marrow in the Bone ». À supposer
bien sûr que l’auteur de « The Whole Institutions » ait eu connaissance soit du rite, soit du rituel
transmis dans le manuscrit Graham ; ce qui n’a rien d’impossible. Dans ce cas l’explication après coup
de « Marrow in the Bone » serait même une explication opportuniste de la formule pour en tirer un
secret à transmettre. Nous avouons pencher pour cette hypothèse opportuniste, car il existe des mots
du maître bien antérieurs au Magboe and Boe de « The Whole Institutions ». Ces mots sont les suivants :
– Maha Byn (manuscrit Sloane – 1700).
– Matchpin (manuscrit Trinity College – 1711).
– Maughbin (A Mason’ Examination – 1723).
À la rigueur, si l’origine du manuscrit Graham est assez ancienne, on pourrait admettre que l’un
ou l’autre de ces mots constitue une solution au petit problème posé par « Marrow in the Bone ». En
tout cas, ils prouvent que l’auteur de « The Whole Institutions » ne fait « qu’épouser » un courant qui
existait avant lui.
Mentionnons toutefois la seconde hypothèse : si le manuscrit Graham est le plus récent des deux,
« The Whole Institutions » donne purement et simplement la solution au problème de « Marrow in
the Bone ».
Cette question de l’antériorité d’un des deux textes par rapport à l’autre ne peut être résolue dans
l’état actuel des connaissances, mais nous croyons utile de l’avoir posée à propos de M.B.
Nous espérons vivement que tous les manuscrits anciens n’ont pas été découverts et qu’une trou-
vaille apportera un jour quelque lumière dans cette affaire.
Il faut noter encore que Harry Carr relève que l’on considère généralement ces mots (M.B.)
comme étant d’origine hébraïque, mais il ajoute qu’ils étaient déjà tellement déformés, lors de leur
apparition dans les anciens rituels, qu’il « est impossible de dire comment ils étaient écrits ou prononcés
dans leur forme originelle » (The Free Mason at Work, p. 9). Ceci est d’autant plus vrai pour les versions
récentes de M.B., que nous les utilisons telles que nous les trouvons dans les tuileurs du XIXe siècle. Or,
à cette époque les mots sont encore plus déformés que dans les anciens rituels auxquels se réfère Harry
Carr. Mais revenons à l’élévation.
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maître. Ceci est un des trésors de la langue anglaise : le redressement du corps a donné son nom –
raising – à la cérémonie. Nous aimerions qu’un tel mot existât dans la langue française.
Cette première élévation donne un caractère nouveau aux cinq points : en 1696 ces cinq points
n’étaient qu’un mot de reconnaissance de plus, dans un tuilage qui était certes très élaboré, mais où
rien ne laisse supposer que les cinq points étaient « mis en rite ».
Avec le manuscrit Graham les cinq points acquièrent une utilité fondamentale : le rite prend là
sa source. On devine que, dans la suite de l’évolution des rituels, les différents grades bleus vont
s’organiser en vue de préparer l’impétrant à cette élévation intervenue si tôt dans l’histoire des rituels.
L’importance de ce détail n’échappera à personne : Noé est le prototype d’Hiram et la nécessité du rite
conduira assez rapidement à ce que nous connaissons : les plus anciennes gravures montrant cette
opération datent de 1745, mais dès 1730, la publication de Prichard intitulée Masonry Dissected précise
qu’Hiram fut élevé « de même que les autres maçons quand ils l’obtiennent ».
La triple voix
Noé mort est comme le mort au bridge : il ne fait rien et cependant tout s’ordonne grâce à lui.
Il est la cause du rite et spécialement de ce noyau originel venu par inspiration, j’allais dire par divi-
nation, aux trois frères.
Certes, on trouve une convention à l’origine de toute divination, et c’est bien une convention qui
intervient au début de la recherche :
Ces trois hommes avaient déjà convenu que s’ils ne trouvaient pas le véritable secret lui-même, la première chose
qu’ils découvriraient leur tiendrait lieu de secret. Ils n’avaient pas de doute, mais croyaient très fermement que
Dieu pouvait et aussi voudrait révéler sa volonté, par la grâce de leur foi, de leur prière et de leur soumission ;
de sorte que ce qu’ils découvriraient se montrerait aussi efficace pour eux que s’ils avaient reçu le secret dès le
commencement, de Dieu en personne, à la source même.
Trois paroles alors leur échappent, et le rite de la triple voix s’impose au fil de la lecture, avec
une force et une profondeur, qui laissent deviner que ce rite pourrait encore induire une puissante
méditation. Jouer le jeu éveillait sans aucun doute chez le futur maître, futur enseignant du métier, un
sens du sacré dont l’évidence et la simplicité se passent d’explication. Désormais, c’est par ce rite que
les maçons entreront dans le secret.
La religion de Noé
La franc-maçonnerie prétend être une école de tolérance. Est-elle, selon l’affreux mot de Claudel,
une « maison pour ça » ? La question mérite qu’on ne l’oublie pas à propos d’un rituel qui met en
scène le cadavre de Noé : qu’est-ce qui meurt ?
En 1723, le pasteur Anderson dans l’article 1er des Devoirs d’un Franc-Maçon, dit que l’on a jugé
plus expédient de n’obliger les maçons qu’à « la religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord,
laissant à chacun ses opinions particulières ; c’est-à-dire d’être des hommes bons et loyaux, ou des
hommes d’honneur et de probité par quelque dénomination ou croyance religieuse qu’on les distingue ».
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Être des hommes bons et loyaux, d’honneur et de probité était donc considéré, du moins en
apparence, comme une religion par le pasteur Anderson, puisque c’était la « religion sur laquelle tous
les hommes sont d’accord ». C’était un peu court et sans doute y eut-il des malentendus, car le cher
Anderson revient sur la question dans l’édition de 1738 des Constitutions. Cette fois le style est beaucoup
moins allusif, qui éclaire étonnamment la notion « d’opinions particulières ».
En 1738 donc, le pasteur Anderson précise sa pensée : il s’agit « d’observer la loi morale, comme
un vrai Noachide ». Quant aux hommes d’honneur et de probité, par-delà les différences de religion,
« ils s’accordent tous sur les trois grands articles de Noé, et c’est assez pour préserver le ciment de la
loge ».
Le pasteur Anderson propose donc un retour aux sources, jusqu’à Noé, dont l’Ancien Testament
dit ceci : « Noé était un homme juste et intègre, dans son temps ; Noé marchait avec Dieu »
(Genèse 6-9). Il s’agit là d’une religion originelle, sans dogme, sans « opinions particulières » : Noé fait
ce que le Seigneur lui ordonne. Il y a bien là de quoi mettre d’accord les chrétiens, des différentes
confessions, et les Israélites, à une époque où les querelles religieuses avaient une importance beaucoup
plus grande qu’aujourd’hui. Également, il y avait de quoi établir solidement l’usage qui veut que les
discussions religieuses soient interdites en loge.
Il est donc essentiel de ne pas méconnaître le manuscrit Graham, car le cadavre de Noé est appelé
à disparaître des rituels de grades bleus. On a ici un bon exemple de l’intérêt que présente le fait qu’en
Grande-Bretagne, dans les loges d’instruction, les Early Masonic Catechisms sont lus tout comme des
rituels et instructions. Le manuscrit Graham est donc, entre autres, lu régulièrement et, par suite, le
personnage de Noé fait littéralement partie de la culture maçonnique de nos frères britanniques. Il est
donc raisonnable de supposer qu’ils ont une conscience assez nette de ce que peut être une religion sur
laquelle « tous les hommes sont d’accord ».
L’ordre archaïque
Pour les trois fils de Noé l’affaire présente un caractère hautement kabbalistique : il s’agit de
connaître quelque chose de la volonté divine, ce dont Noé avait connaissance.
Est également kabbalistique le problème de la connaissance des « titres secrets et attributs prin-
cipiels de Dieu » par Betsaléel, ainsi que leur vertu protectrice envers les œuvres des bâtisseurs.
Le texte nous renvoie cependant à quelque chose de tout à fait archaïque. Nous pensons ici à la
formule propitiatoire : « Ô viens permets-nous et tu recevras. » Ces paroles d’exorcisme ont une allure
antique, un air de paganisme préchrétien. C’est avant la christianisation de l’Europe que l’on invoquait
l’aide du ciel avant d’entreprendre ce qui ressemblait à un sacrilège : inscrire à même l’ordre naturel la
loi de l’homme par une œuvre artificielle ; car changer cet ordre, c’est le rompre. Souvenons-nous de
ce que Marcel Mauss appelait l’« ordo rerum » : l’ordre des choses, l’ordre naturel conçu et géré par les
dieux. Les malheurs proviennent des fautes commises contre cet ordre naturel. Roger Caillois, après
Marcel Mauss, cite pêle-mêle, comme causes de rupture de l’ordo rerum : « les jumeaux, les albinos, les
prodiges, la sueur des statues, l’accouplement avec les bêtes, la liste variable (et interminable) des tabous
et des blasphèmes ».
Un exemple, entre autres, de crimes contre l’ordre naturel : la construction des ponts. Si un cours
d’eau sépare deux terres, c’est évidemment qu’il n’est pas fait pour être franchi. Ayant « posé un joug
sur la nuque de la mer » selon le mot d’Eschyle, Xerxès se fait écraser à Salamine. Le joug ? Un pont
de bateaux sur l’Hellespont. Construire, donc, aurait fait partie des actes avant lesquels il est préférable
de se concilier les bonnes grâces de l’ordre divin. Peut-être est-il peu plausible que des coutumes
païennes, même christianisées, aient survécu jusqu’au début du XVIIIe siècle. Mais pourquoi pas ?
L’Europe fourmille d’exemples.
Dans Les Batailles nocturnes, Carlo Ginzburg raconte qu’en 1575 dans la région du Frioul, en
Italie, un curé s’aperçoit que ses ouailles pratiquent des rites agraires tout à fait païens. Ces rites
consistent à se dédoubler la nuit pour aller se battre contre les mauvais sorciers ou mauvais esprits, ces
mauvais sorciers étant censés détruire les récoltes. Là-dessus, l’Inquisition met plus d’un siècle à faire
rentrer les choses dans l’ordre chrétien, c’est-à-dire à obtenir que les paysans frioulans admettent que
« les esprits » sont le diable. On est pourtant en terre de Chrétienté.
En France même, l’Église a dû interdire les cultes liés aux mégalithes jusqu’au XIXe siècle.
Aujourd’hui encore, à Borest, près de Senlis, et à Nanteau-sur-Lunain, près de Fontainebleau, des
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femmes plantent des clous dans des menhirs pour obtenir la fécondité. Et ne parlons pas des pratiques
de nos sorciers de campagnes, auxquelles les ethnologues s’intéressent depuis quelques années.
Si de telles survivances ont été possibles, un rite païen christianisé a très bien pu continuer jusqu’au
début du XVIIIe siècle. Il est d’ailleurs remarquable que la formule « O come let us and you shall have »
soit destinée à protéger les constructions des esprits infernaux.
Conclusion
On trouve avec le manuscrit Graham le premier rituel de ce que va devenir la franc-maçonnerie
spéculative telle que nous la connaissons.
Ce rituel nous restitue de façon saisissante des notions de base qui ont pu se trouver déformées
avec le temps. Pour ne prendre qu’un exemple, la trilogie Force-Beauté-Sagesse prend ici une vie à
laquelle nous ne sommes plus habitués. Cette vigueur ne semble pas se trouver dans les bibliothèques
mais au chantier, là où se prononçaient les paroles de fondation.
C’est l’occasion de reconnaître une fois de plus que, si le vif de l’expérience fait la valeur de
l’initiation, le retour aux sources est toujours bénéfique pour les maçons spéculatifs.
Avertissement
On n’achève jamais une traduction. Ceci est particulièrement vrai pour celle du manuscrit Graham
et nous jugeons utile de nous expliquer quelque peu sur ce que nous en avons fait. Il s’agit d’un rituel
de maçons opératifs du début du XVIIIe siècle. La langue est donc ancienne et ceci constitue une première
difficulté, assez facile à résoudre avec le dictionnaire dont nous nous sommes servis, Oxford English
Dictionnary, qui fournit des indications précises sur l’évolution de l’orthographe et du sens de chaque
mot à travers le temps. Mais, la langue est ici fautive : il était rare au XVIIIe siècle qu’un ouvrier tailleur
de pierre sache lire et écrire. Le manuscrit Graham s’en trouve truffé de fautes d’orthographe – par
rapport à l’orthographe de l’époque – de grammaire ou de simple syntaxe. On ne s’étonnera pas dès
lors de nous voir traduire les verbes dans des temps qui ne sont pas les mêmes en français et en anglais,
de rétablir dans toute la mesure du possible la conjugaison et la concordance des temps.
Il y a plus. « Traduttore traditore » tombe juste à propos d’un texte qui semble avoir été écrit à la
volée, presque sans ponctuation, dans un style emphatique mais maladroit, souvent elliptique jusqu’à
en être télégraphique. Qu’on se rassure. Il s’agit ici non de trahir, ni même d’adapter, mais seulement
d’écrire dans un français correct, ce texte difficile à lire même pour quelqu’un qui serait anglophone
de naissance. C’est que nous estimons qu’il est possible et légitime, non de prendre des libertés avec le
texte, mais d’en serrer le sens au plus près sans être pour autant l’esclave du mot à mot, tout en écrivant
un français lisible. Toutefois la traduction de certains passages prête encore à discussion. C’est pourquoi
dans la mesure où le présent travail n’est qu’une proposition de traduction, nous avons indiqué ce
qu’est le texte anglais des passages les plus obscurs, afin d’aider ceux qui voudraient bien remettre après
nous cet ouvrage sur le métier.
Précisons enfin que les mots entre parenthèses correspondent à des difficultés de traduction que
nous soulignons dans le texte même et que les mots entre crochets sont sans correspondant dans la
version anglaise.
Le manuscrit
Toutes les institutions de la franc-maçonnerie révélées et prouvées par la meilleure tradition ainsi
que par quelques références à l’Écriture.
En premier lieu remarquez que tous nos signes proviennent de l’équerre quelle que soit la matière
traitée. Ceci est prouvé par le chapitre 6, verset 9, du Premier Livre des Rois.
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Ces trois hommes avaient déjà convenu que s’ils ne trouvaient pas le véritable secret lui-même,
la première chose qu’ils découvriraient leur tiendrait lieu de secret. Ils n’avaient pas de doute, mais
croyaient très fermement que Dieu pouvait et aussi voudrait révéler sa volonté, par la grâce de leur foi,
de leur prière et de leur soumission ; de sorte que ce qu’ils découvriraient se montrerait aussi efficace
pour eux que s’ils avaient reçu le secret dès le commencement, de Dieu en personne, à la source même.
Ils arrivèrent donc à la tombe et ne trouvèrent rien, si ce n’est le cadavre déjà presque entièrement
corrompu. Ils saisirent un doigt qui se détacha et ainsi de suite de jointure en jointure jusqu’au poignet
et au coude. Alors, ils redressèrent le corps et le soutinrent en se plaçant avec lui pied contre pied,
genou contre genou, poitrine contre poitrine, joue contre joue et main dans le dos, et s’écrièrent :
« Aide-nous, ô Père ! » Comme s’ils avaient dit : « Ô Père du ciel aide-nous à présent, car notre père terrestre ne
le peut pas. »
Ils reposèrent ensuite le cadavre, ne sachant que faire. L’un d’eux dit alors : « Il y a encore de la
moelle dans cet os 12 », et le second dit : « Mais c’est un os sec » ; et le troisième dit : « Il pue 13 ».
Ils s’accordèrent alors pour donner à cela un nom qui est encore connu de la Franc-Maçonnerie
de nos jours.
Puis ils allèrent à leurs entreprises et par la suite leurs ouvrages tinrent bon. Cependant, il faut
supposer et aussi comprendre que la vertu ne provenait pas de ce qu’ils avaient trouvé ou du nom que
cela avait reçu, mais de la foi et de la prière. Ainsi allèrent les choses, la volonté soutenant l’action 14.
Pendant le règne du roi Alboin naquit Betsaléel, qui fut appelé ainsi par Dieu avant même d’être
conçu dans la [matrice]. Et ce saint homme sut par inspiration que les titres secrets et les attributs
principiels de Dieu étaient protecteurs, et il bâtit en s’appuyant dessus, de sorte qu’aucun esprit infernal
et destructeur n’osa prétendre renverser l’œuvre de ses mains.
Aussi ses ouvrages devinrent si fameux, que les deux plus jeunes frères du roi Alboin, déjà nommé,
voulurent être instruits par lui de sa noble manière de construire. Il y consentit à la condition qu’ils
ne la révèlent pas sans que quelqu’un soit avec eux pour composer une triple voix 15. Ainsi ils s’engagèrent
par serment et il leur enseigna les parties théorique et pratique de la maçonnerie ; et ils travaillèrent.
Alors les salaires des maçons augmentèrent dans ce royaume et il y eut des maçons comptés parmi
les rois et les princes.
Cependant, Betsaléel à l’approche de la mort voulut être enterré dans la vallée de Josaphat et que
fut gravée une épitaphe selon son mérite. Ceci fut accompli par ces deux princes et il fut gravé ce qui
suit :
Ci-gît la fleur de la maçonnerie, supérieure à beaucoup d’autres, compagnon d’un roi et frère de deux princes.
Ci-gît le cœur qui sut garder tous les secrets, la langue qui ne les a jamais révélés.
Alors, après sa mort les habitants de ce pays crurent que les secrets de la maçonnerie étaient
complètement perdus parce qu’on n’en entendait plus parler, puisque personne ne connaissait ces
secrets, à part ces deux princes, qui s’étaient engagés par leur serment à ne pas les révéler sans quelqu’un
d’autre pour former une triple voix.
Mais il faut croire et aussi comprendre qu’un secret aussi saint ne pourra jamais être perdu tant
qu’il restera un bon serviteur de Dieu en vie sur la terre ; car tout bon serviteur de Dieu possédait et
possédera toujours une grande part de ce saint secret, bien qu’ils ne le connaissent pas eux-mêmes ni
ne sachent comment en faire usage.
Car il se produisit dans le monde de cette époque ce qui advint à l’Église samaritaine au sujet du
Christ : les gens cherchaient ce qu’ils avaient déjà 16, mais dans leur profonde ignorance ils ne pouvaient
s’en rendre compte.
(*) Tout continua ainsi dans les ténèbres de l’ignorance, en tout pendant quatre cent quatre-vingts
ans après que les enfants d’Israël soient sortis du pays d’Égypte, jusqu’à la quatrième année du règne
de Salomon sur Israël, quand Salomon commença à construire la Maison du Seigneur ; ce que son
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père David aurait dû faire, mais il ne fut pas donné à celui-ci d’accomplir cette œuvre, car ses mains
étaient souillées sur chaque face par des guerres sanglantes 17.
Voici tout ce qui se rapporte au règne du roi Salomon, son fils, qui commença à construire la
Maison du Seigneur :
Ici j’espère que tout le monde tiendra pour assuré qu’aucune des choses nécessaires pour mener
à bonne fin cette sainte construction ne fut refusée à ce sage roi. Chacun doit l’admettre, sinon nous
devrions accuser Dieu d’injustice, ce dont aucun faible mortel n’oserait accuser Dieu, et ce dont sa
divine Bonté ne saurait d’ailleurs être coupable.
Cela dit, nous lisons au Premier Livre des Rois, chapitre 7, verset 13, que Salomon envoya chercher
Hiram à Tyr. C’était le fils d’une veuve de la tribu de Nephtali et son père était un Tyrien qui travaillait
le bronze 18.
Hiram était rempli de sagesse et d’habileté pour faire toutes sortes d’ouvrages de bronze. Il vint
auprès du roi Salomon et lui consacra tout son travail.
L’explication de ces versets est la suivante : le mot « habileté » signifie « ingéniosité », car lorsque
la sagesse et l’intelligence se trouvent réunies chez une même personne, il ne lui manque rien. Ainsi,
par le présent passage de l’Écriture, on doit convenir que ce fils de veuve, dont le nom était Hiram,
avait reçu une inspiration divine, tout comme le sage roi Salomon ou encore le saint Betsaléel.
Or, il est rapporté par la Tradition que lors de cette construction, il y aurait eu une querelle entre
les manœuvres et les maçons au sujet des salaires. Et pour calmer tout le monde et arranger les choses,
le sage roi aurait dit : « Que chacun de vous soit satisfait, car vous serez tous payés de la même façon. »
Mais il donna aux maçons un signe que les manœuvres ne connaissaient pas. Et celui qui pouvait faire
ce signe à l’endroit où étaient versés les salaires, était payé comme les maçons ; les manœuvres, ne le
connaissant pas, étaient payés comme auparavant.
Cela dut être et même s’il en fut ainsi, nous devons juger avec beaucoup d’indulgence les paroles
du sage roi Salomon, car il doit être compris et aussi tenu pour vrai, que le sage roi voulait rétribuer
chacun selon ses mérites.
Cependant le chapitre 6, verset 7, du Premier Livre des Rois m’en apprend bien davantage, lorsqu’il
y est dit que la Maison, pendant qu’elle était en chantier, fut construite avec des pierres préparées avant
d’être apportées sur place, de sorte que l’on n’entendait ni marteau, ni laie, ni hache, ni aucun outil
de fer dans la Maison pendant la construction 19.
On peut en conclure que tous les éléments étaient ajustés à l’avance, mais pas encore assemblés
pour qu’ils puissent être déplacés sans [faux] mouvement (sans agitation).
Et toutes choses ayant été passées en revue, des limites du ciel à la surface de la terre, rien ne put
être trouvé de plus convenable alors que l’équerre pour être leur signe, indiquant comment agir les uns
envers les autres.
Ainsi le travail continua et progressa et il ne pouvait guère aller de travers, puisqu’ils travaillaient
pour un si bon maître, et avaient l’homme le plus sage de la terre comme surveillant.
C’est pourquoi, avec tant de talents dus au mérite, mais bien plus encore par libre grâce, la
Maçonnerie obtint un nom et un nouveau commandement. Leur nom signifie « Force », leur réponse
« Beauté » et leur commandement « Amour ».
Pour avoir la preuve de cela, lisez les 6e et 7e (chapitres) du Premier Livre des Rois, vous y trouverez
les merveilleux travaux d’Hiram lors de la construction de la Maison du Seigneur.
Quand tout fut terminé, les secrets de la Franc-Maçonnerie furent mis en bon ordre, comme ils
le sont maintenant et le seront jusqu’à la fin du monde, pour ceux qui les comprennent vraiment ; en
trois parties, par référence à la sainte Trinité qui fit toutes choses, puis en treize subdivisions rappelant
le Christ et ses douze apôtres, qui sont comme suit : un mot pour un théologien 20, six pour le clergé
et six pour le compagnon du métier, puis, en plein et total accord avec cela, suivent les cinq points des
compagnons francs-maçons qui sont : pied contre pied, genou contre genou, poitrine contre poitrine,
joue contre joue et main dans le dos. Ces cinq points font référence aux cinq principaux signes qui
sont : la tête, le pied, le corps, la main et le cœur ; et aussi aux cinq points d’architecture ; également
aux cinq ordres de maçonnerie.
Ces [cinq] – points tirent leur force de cinq origines, une divine et quatre temporelles, qui sont
les suivantes : premièrement le Christ, la tête et la pierre d’angle, deuxièmement Pierre appelé Cephas,
troisièmement Moïse qui grava les commandements, quatrièmement Betsaléel le meilleur des maçons,
cinquièmement Hiram qui était rempli de sagesse et d’intelligence. Votre premier est :
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(*) En fin de manuscrit, une phrase ajoutée par le scripteur et qui semble devoir remplacer en partie
celle du texte :
« Tout cela continua ainsi dans les ténèbres et l’obscurité pendant les jours suivants de son (sa). »
Traduction de Gilles Pasquier.
NOTES
1. « Attouchement » est le terme consacré en français. Mais il faut souligner que token signifie surtout « signe », voire « symbole »,
même si en anglais un signe peut être un mouvement de la main. (Oxford Dictionnary.)
2. « Sentre » (Senter, moyennant ce qui semble bien être ici une faute d’orthographe) est une forme archaïque (XIVe siècle) de
center. « The senter of a true heart » évoque « the center of union » dont parle Anderson dans l’article 1 de la Constitution
(1723-1738).
3. N’oublions pas que le sens premier de « franc » est « libre ». Les deux mots se traduisent par free en anglais. Dans la réponse
qui suit, nous utilisons le vocable « franc » en raison de son importance dans la question, au sein du mot composé « franc-
maçonnerie » (en anglais Free-Masonry).
4. « ... the knowledge of God contracted in the square ». « Connaissance de Dieu » peut s’entendre de deux manières au moins :
connaître Dieu, ou accéder à la science détenue par Dieu. J’ai retenu ce second sens, en raison de la suite du texte qui montre
que le problème des maçons était d’accéder, par inspiration divine, à la connaissance de l’art de bâtir. Toutefois, je ne veux
pas passer sous silence la traduction sensible de notre ami Shoolingin : « compréhension de Dieu ». En effet : être guidé par
Dieu dans la voie de la connaissance peut mener à quelque chose qui est de l’ordre de la compréhension de Dieu. La question
des attributs divins n’est d’ailleurs pas étrangère à cette préoccupation.
5. Le maçon ne doit pas connaître les secrets sans les avoir reçus d’une triple voix. « Trible voice » : la suite du texte montrera
qu’il s’agit bien d’une triple voix (treble voice) et non d’une « voix de malheur » (trible voice). Cette triple voix est nécessaire
pour transmettre les secrets des maçons.
6. La loge étant aussi une assemblée de maçons, il est sans doute question ici de la disposition des maçons « formant la loge »,
pour accueillir le néophyte selon un schéma aujourd’hui disparu. Au rite Émulation, les officiers sont encore disposés selon ce
schéma.
7. Equinoctial : synonyme Equatorial. Forme ancienne peu usitée. L’exemple le plus récent donné par l’Oxford Dictionnary remonte
à 1860.
8. Nous restituons le mot secrets. Ceci se trouve justifié par la suite du texte.
9. Le texte anglais, très elliptique, est le suivant : « O come let us and you shall have. » La traduction se trouve justifiée par le
commentaire donné trois réponses plus loin.
10. Ceci n’est pas souligné dans l’original. Il s’agit de la reprise, en deux parties, pour explication, de la formule incantatoire citée
plus haut.
11. Ici le style télégraphique règne en maître : « tradition that » dit le tuileur.
12. « Marrow in this bone ». Comment ne pas songer à une homophonie remarquable ?
13. On comprend ici d’où le rite de la triple voix tire son origine.
14. « So thus it contenued the will pass for the deed. » « Ainsi continuèrent les choses, la volonté soutenant l’action » (Oxford Dic-
tionnary). Littéralement : « La volonté menant l’action au succès. » D’après le Random House, le sens archaïque de to pass est to
thrust : pousser, imposer. On pourrait donc traduire fortement par : « La volonté poussant à l’action. »
15. Le rite de la triple voix est ici nettement défini : trois personnes (en l’occurrence les deux princes et quelqu’un d’autre) doivent
composer la triple voix.
16. « They were seeking for what they did not want. » Le verbe to want possède un sens méconnu de beaucoup de lecteurs français :
être privé de, manquer de. Le sens de la phrase est donc : « Les gens cherchaient ce dont ils n’étaient pas dépourvus. » Soit ce
qu’ils avaient déjà.
17. La traduction donnée ici, pour la dernière proposition, est un peu risquée, mais le sens en est cohérent et conforme au reste
de la phrase. Le texte anglais dit ceci « ...because his hands was gultie of blood wars being on every side ». Mot à mot : « ...car ses
mains étaient souillées par des guerres sanglantes étant de tous côtés ». Mais la phrase semble incomplète. La traduction
finalement retenue est en accord avec les deux citations bibliques suivantes : « David dit à Salomon : Mon fils, j’avais l’intention
de bâtir une maison au nom de l’Éternel, mon Dieu. Mais la parole de l’Éternel m’a été ainsi adressée : tu as versé beaucoup
de sang, et tu as fait de grandes guerres ; tu ne bâtiras pas une maison à mon nom, car tu as versé devant moi beaucoup de
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sang sur la terre » (1 Chroniques, 22-7, 8). « Dieu m’a dit : tu ne bâtiras pas une maison à mon nom, car tu es un homme de
guerre et tu as versé le sang » (1 Chroniques, 28-3).
18. Ce passage est particulièrement facile à traduire : c’est la transcription d’un passage de la Bible (1 Rois, 7-13, 14).
19. De nouveau une citation biblique. Peut-être le contenu de cette citation est-il à l’origine de l’usage consistant à laisser les
métaux hors du temple.
20. A divine : « Un théologien ». Les orthodoxes appellent saint Jean : Jean le Théologien. Il ne s’agit pas d’un théologien au sens
actuel du terme, mais d’un homme ayant la connaissance divine, un inspiré.
21. Enquam Ebo. Ceci est certainement une formule latine déformée. Notre ami Shoolingin propose la traduction suivante : Enquam
Ebo provient de Inquam Ego, « dans laquelle je suis » (avec un solécisme). La phrase complète et cohérente devient alors : « Tho
Graham étant Maître de Loges dont je fais partie. »
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Présentation
Ce texte a été publié sous couvert de l’anonymat dans un journal écossais, The Scots Magazine en
mars 1755. L’auteur prétend donner une description de la maçonnerie de 1727 et il n’y a pas lieu d’en
douter dans la mesure où, agissant en détracteur de la maçonnerie, il lui eût été facile de prétendre
dévoiler les secrets de la maçonnerie de 1755.
L’anonymat se présente comme un jeu de tiroirs : le rédacteur du Scots Magazine a reçu de M.
D.B. une lettre rendant compte d’une description de la Maçonnerie dont l’auteur n’est même pas
désigné par ses initiales. Le rédacteur nous dit toutefois en fin d’article qu’en plus du récit qu’il publie,
il a reçu de M. D.B. les documents rédigés par l’auteur anonyme. Pourquoi ne pas reproduire ces
documents au lieu du récit de M. D.B. ? Mystère. En tout cas le rédacteur du Scots Magazine nous
assure que ce récit est conforme aux documents. Pour qui connaît un peu les mœurs du journalisme
l’affaire est très claire : c’est probablement avec la complicité du journaliste que l’auteur anonyme et
M. D.B. se cachent. Peut-être même ne sont-ils qu’une seule et même personne.
La Maçonnerie écossaise
S’il était permis d’avoir des doutes sur la nationalité du Ms Dumfries, il n’en va pas de même de
cette divulgation : non seulement le journal qui la publie est écossais, mais encore les localités men-
tionnées par les maçons comme étant leurs lieux de résidence sont écossaises. Le vocabulaire lui-même
est marqué par des termes typiquement écossais : Cowan, Kirk (église), Hummle (Sans cornes), etc.
Qui plus est, il s’agit bien de Maçonnerie opérative : l’apprenti est tout à fait au service du maître
et s’adresse aux autres maçons avec une liberté de parole que seuls les opératifs ont connue.
Ce texte serait donc à rapprocher des manuscrits d’Édimbourg (1696) et Chetwode Crawley
(1700) qui décrivent eux aussi la maçonnerie opérative écossaise.
Les maçons signataires de la protestation mentionnée en fin d’article sont nommés, ainsi que les
villes où ils se réunissaient et où ils se trouvaient au moment de signer le document. Nous avons pu
situer trois de ces villes sur la carte d’Écosse : Livingstone, Torphichen et Dalkeith sont dans la grande
banlieue d’Édimbourg. Le rapprochement avec les deux manuscrits précités s’impose donc.
Les différences évidentes qui existent entre la Confession et les deux manuscrits de 1696 et 1700
peuvent s’expliquer de diverses façons. Tout d’abord, il est certain que les deux manuscrits ne donnent
pas une vue complète des usages maçonniques de l’époque. Ensuite M. D.B., dans sa note d’introduc-
tion, parle de « variations de détail » existant entre les loges. La maçonnerie du début du XVIIIe siècle
en Grande-Bretagne était universaliste, mais pas unitaire dans ses rituels et pratiques.
On pourrait d’ailleurs en dire autant de la maçonnerie de 1984. Si bien que nous ne descendons
pas du point de vue rituel, de « la » Maçonnerie opérative, mais plutôt « des » maçonneries opératives
et que pour avoir une vue globale des usages opératifs et même spéculatifs de l’époque, il est indispen-
sable de comparer différents textes contemporains les uns des autres. Il sera en outre utile de nous
souvenir que face à ce problème aux aspects multiples, une solution n’exclut pas l’autre et même que
deux solutions contradictoires en apparence peuvent s’appliquer. Ainsi pour le mot du maçon.
Le mot du maçon
Nous devons avant toute chose prendre une double précaution.
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D’une part ce que nous appelons « mot du maçon » n’est pas le mot de maître, mais cet ensemble
de deux mots, J. et B., dont l’interversion a contribué à provoquer la querelle des Anciens et des
Modernes.
D’autre part, nous ne saurions en l’occurrence faire état d’aucune certitude absolue. Nous nous
trouvons contraints par les documents dont nous disposons, les plus importants étant maintenant
traduits et publiés, de nous en tenir aux apparences sans jamais outrepasser le peu d’information qu’elles
nous apportent.
Nous avons constaté avec Masonry Dissected que l’apprenti recevait les deux mots. Par contre, le
mot qu’il devait épeler avec son interrogateur était B. C’était également ce qui apparaît dans le manuscrit
Wilkinson.
Il semblerait donc que ce qui caractérise l’apprenti, ce n’est pas qu’il ne connaît qu’un seul mot,
il connaît les deux, mais qu’il épelle l’un plutôt que l’autre dans le tuilage. Si avec cela le compagnon,
ayant bien sûr connaissance des deux mots, épelait J. dans son tuilage ; les choses seraient très claires
et l’on comprendrait que si les deux mots sont connus dès le premier grade, c’est que la question n’est
pas là. Cela n’apparaît pas dans Masonry Dissected, où il est seulement dit que le mot du compagnon
est J.
Peut-être était-ce le mot qu’il devait épeler, ce qui eût caractérisé le grade, mais cela n’est pas
prouvé. Quant au Ms Wilkinson il n’apporte aucune information sur l’attribution de J.
La Confession d’un maçon qui rapporte une tradition écossaise distincte de celle anglaise des deux
textes précités, attribue clairement B. à l’apprenti et J. au compagnon. Ainsi, en Angleterre l’interversion
des mots ne pouvait guère gêner un apprenti, celui-ci connaissant les deux mots, mais en Écosse cette
interversion eût empêché un apprenti d’entrer en loge ou de se faire reconnaître. Seulement voilà : ce
n’est pas en Écosse qu’on a interverti les mots vers 1730. En toute hypothèse, l’apprenti anglais pouvait
épeler le bon mot et la mesure d’interversion avait alors plus une valeur symbolique qu’une valeur de
tuilage. Comme on le voit rien n’est évident dans cette affaire, surtout si l’on se réfère au Ms Wilkinson
et à Masonry Dissected.
En récapitulant ce que nous savons grâce aux textes publiés à ce jour en traduction par notre
revue, nous pouvons affirmer ce qui suit :
– Dans les manuscrits écossais d’Édimbourg (1696) et Chetwode Crawley (1700), on ne distingue
pas si les deux mots sont répartis entre l’apprenti et le compagnon. Toutefois, d’après le Ms Chetwode
Crawley le compagnon est supposé connaître la référence biblique des deux mots à la fois.
– La Confession d’un maçon (1727), autre texte écossais, mais imprimé, attribue B. à l’apprenti
et J. au compagnon.
– Le Ms Sloane (1700) semble réserver la connaissance des deux mots au compagnon, mais ne
dit rien au sujet de l’apprenti.
– Le Ms Dumfries (1710) ne précise pas si tel mot appartient à tel grade.
– Le Ms Trinity College (1711) donne B. à l’apprenti et J. au compagnon.
– Le Ms Graham (1726) n’attribue pas de mot à un grade, mais fait donner B. par le tuileur et
J. par le tuilé.
Notre conclusion en forme d’hypothèse est la suivante. Puisque Masonry Dissected ne prouve pas
que tel mot était réservé à tel grade, changer l’ordre des mots revenait à modifier l’ordre symbolique
et non à protéger les loges. Le scandale qui s’ensuivit suffit d’ailleurs à penser que tous ceux qui avaient
envie de savoir la vérité sur l’ordre des mots pouvaient la connaître. Il suffisait d’écouter le tapage.
Si l’on ne tient pas compte des textes qui ne sont pas précis, ou qui réservent les deux mots au
compagnon, il demeure une impression assez forte selon laquelle B. était le mot de l’apprenti, en
Angleterre comme en Écosse ; que ce mot ait été épelé ou non et que son épellation ait servi ou non
à le différencier de J. dans le tuilage de l’apprenti. Également, J. semble bien avoir été à l’origine le
mot du compagnon : lorsqu’il est attribué à un seul grade à la fois, c’est à celui de compagnon.
Dès lors, si dans Masonry Dissected la seule épellation de B. caractérise son attribution à l’apprenti,
nous pouvons faire la remarque suivante. Dans la querelle des Anciens et des Modernes provoquée par
l’interversion des mots (après la publication de Masonry Dissected), les Anciens se référaient à l’ancien
ordre des mots. Or, peu de temps après la première publication de Masonry Dissected étaient apparus
les premiers « maîtres écossais ». Si l’on tient compte du fait que ce grade était alors censé représenter
le nec plus ultra maçonnique et si l’on admet que l’ancien ordre des mots existait toujours en Écosse,
on peut considérer la querelle des Anciens et des Modernes comme un des facteurs du succès du « label
écossais ».
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L’intérêt de La Confession d’un maçon apparaît donc très grand, de nous garantir l’ancien ordre
des mots en Écosse. D’autant plus grand si l’on se souvient que le pasteur Anderson qui porta la
première Grande Loge sur les fonts baptismaux était écossais, et que selon lui les souverains écossais
avaient contribué à maintenir les anciennes traditions en encourageant la maçonnerie. (Constitutions de
1723, p. 37-43, édition Q.C. Lodge, 1976.)
Traduction
Ces lignes sont pour certifier l’authenticité de ce qui concerne le serment, le mot et autres secrets
gardés dans la corporation des maçons ; je fus soumis à ce même serment par plusieurs d’entre eux
assemblés et réunis à D. vers l’année 1727.
Du serment
Lorsque quelqu’un se présente à la porte, celui qui garde la porte, appelé le surveillant, lui retire
la jarretière à la jambe droite, baisse le bas en le roulant, relève la culotte au-dessus du genou et exige
de lui qu’il remette tous les objets de métal qu’il a sur lui. On le fait agenouiller sur le genou droit
dénudé ; alors l’équerre est posée trois fois autour de son corps et appuyée sur sa poitrine 2, le compas
ouvert piqué sur sa poitrine et son coude nu posé sur la Bible, la main gauche relevée. Alors il prête
serment :
Comme je répondrai devant Dieu au grand jour, et devant cette compagnie, je garderai et cacherai, ou ne
divulguerai ni ne ferai connaître les secrets du mot du Maçon, [ici le candidat est engagé à ne pas les écrire sur
du papier du parchemin, du bois de charpente 3, la pierre, le sable, la neige etc.], sous peine d’avoir la langue
arrachée de sous mes mâchoires, et mon cœur arraché de sous mon aisselle gauche, et mon corps enseveli sous
la limite des marées hautes, là où la mer descend et monte deux fois en vingt-quatre heures.
Immédiatement après ce serment, celui qui préside dit : « Vous vous êtes abaissé 4 cowan je vous
relève maçon. »
Je ne savais pas en prêtant ce serment ce qu’étaient ces secrets que je ne devais pas divulguer,
n’ayant eu aucune information auparavant.
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Un membre de la loge m’enseigna un peu de leurs secrets le jour même où je fus reçu et on
l’appela mon parrain ; et une autre personne de la loge que je choisis alors comme précepteur pour
une durée de douze mois, fut nommée mon instructeur.
C’est un usage annuel que ces admissions par serment au sein du métier aient lieu dans tout le
pays le jour de la Saint-Jean, comme on l’appelle, c’est-à-dire le 27 décembre.
Du mot
Après le serment, un mot me fut montré dans les Écritures qui me dit-on est le mot du maçon.
Le mot est dans I Rois 7-21. Ils disent que Boaz est le mot du maçon et Jachin le mot du compagnon
du métier. Le premier est montré à un apprenti entré 5 après qu’il eut prêté serment. Le second est
montré à celui qui, ayant été apprenti pendant au moins un an, est admis à un plus haut grade dans
la loge, après qu’il eut à nouveau prêté serment ou proclamé son approbation quant à celui-ci.
Tout d’abord il y a trois lignes tracées à la craie sur le sol, à intervalles à peu près réguliers comme
en A, B et C. Le maître de la loge se tient en M et les compagnons du métier, avec les surveillants et
les apprentis entrés à la gauche du maître, en ff, et le dernier apprenti entré en P.
N.B. – De même que l’équerre a été placée trois fois autour de son corps, il franchit ces lignes
en mettant trois fois ses pieds en équerre.
N.B. – Pour autant que je me souvienne, toute la loge présente n’excédait pas vingt personnes ;
mais on m’apprit à répondre ainsi, ce que je ne puis expliquer.
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Alors, si on a l’équerre à portée de la main on l’applique sur la pierre à laquelle ils travaillent.
Sinon, on met les pieds en équerre, comme indiqué précédemment. C’est dans cette attitude qu’on
répète les secrets. Alors l’équerre est reconnue par le maître tant par la parole que par la position des
pieds.
N.B. – Si on plante deux fers au-dessus et un au-dessous, cela fait à la fois comme une équerre
et un niveau. Mais ordinairement on n’en plante qu’un. Et la raison pour laquelle on dit qu’on « pose »
l’équerre au lieu de la « pendre », c’est qu’on ne va pas pendre son Maître.
Alors le maître lui donne le signe avec la main droite sur le côté gauche.
Alors le maître le lui donne plus haut, ou déplace sa main un peu plus haut du côté gauche.
N.B. – L’attouchement ou griffe est de mettre le bout du pouce de la main droite sur la première
jointure du second doigt à partir du pouce de la main droite du partenaire.
N.B. – Ils ne se restreignent pas eux-mêmes à ce nombre, bien qu’ils le disent sans cette forme
dans leurs questions, mais ils opèrent à un plus petit nombre.
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Le jour où un apprenti prête son obligation, il fait le choix d’une marque à mettre sur ses outils,
pour les reconnaître. Ainsi ai-je choisi celle-ci (le dessin est dans le manuscrit). Cela m’a coûté un marc
écossais.
Par là on vous apprend à répondre à une question telle que celle-ci :
Si quelqu’un s’approche d’un maçon travaillant à une pierre et dit : « Cette pierre est creuse », on
apprend à l’apprenti à répondre : « Pas si creuse qu’elle ne puisse être remplie à nouveau » ; ou bien :
« Pas si creuse que votre tête si votre cervelle en était sortie. »
N.B. – On enseigne que le siège d’un cowan est fait de pierre volcanique afin qu’il s’effondre
rapidement. Et il est situé moitié dans la loge, moitié au-dehors, afin que le cou du cowan soit sous la
gouttière par temps de pluie et que l’eau lui rentre entre les épaules et ressorte sur ses chaussures.
Q. : Où est le câble de remorque ?
R. : À dix-huit ou dix-neuf pieds et demi de la porte de la loge ; et à son extrémité est posé le
marteau qui sert à dresser les pierres.
N.B. – Une loge est l’endroit où les maçons s’assemblent et travaillent. De là vient que cette
assemblée ou société de maçons est appelée une loge.
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N.B. – J’ignore pour quelle raison le soleil et la mer sont cités parmi leurs niveaux, mais ils le
veulent ainsi.
Montrer en détail comment le maître maçon se tient au coin sud-est de la loge et les compagnons
du métier juste à côté de lui, à côté de ceux-ci les surveillants et à côté d’eux les apprentis entrés, à
quelle distance les uns des autres leurs sièges sont situés et avec quels outils ils travaillent, ne présenterait
aucun intérêt.
N.B. – Ceci est expliqué par leur serment, par lequel les secrets de la loge sont mis à l’abri des
gouttes ; c’est-à-dire des apprentis non entrés ou de quiconque ne serait pas de leur société et qu’ils
appellent des gouttes.
Il existe de même divers autres signes par lesquels ils se distinguent ou reconnaissent entre eux.
Ainsi, si l’un d’eux se trouve dans une assemblée et veut appeler un autre maçon, il le fait en lui passant
un morceau de papier avec un coin plié en équerre ; et supposez qu’il le froisse dans sa main, quand
il serait ouvert la pliure en équerre serait ce qui se remarquerait. Ou s’il fait passer son gant, alors
l’équerre se fait sur la première jointure du second doigt, avec l’ongle du pouce ou quelque chose
d’autre.
Pour en rencontrer un autre en buvant, on dit : « Buvez. » L’autre répond : « Non. » On dit une
seconde fois : « Buvez. » L’autre répond : « Après vous, selon les bons usages. » On dit encore : « Buvez,
je réponds de vous. » Alors l’autre boit.
En arrivant dans une maison où il peut y avoir des maçons, on doit frapper trois coups à la porte :
un faible, un plus fort et un encore plus fort. On donne le signe en mettant la main droite en haut
du côté gauche. Ou bien en chevauchant, on doit frapper le cheval par-dessus l’épaule gauche. Dans
un pays dont on ignore la langue, on doit s’agenouiller sur un genou en levant la main devant les
maçons.
Si l’on arrive dans une assemblée, et qu’on veuille savoir s’il s’y trouve un maçon, on se fait
trébucher soi-même en entrant et on dit : « Le jour est fait pour voir et la nuit pour entendre. Dieu
merci nous avons tous nos bienfaits habituels. Il n’y a pas de différence entre une vache brune et une
vache brune sans cornes. » Alors s’il se trouve un maçon dans la compagnie, il dit : « Que dit le
compagnon ? » On répond : « Je ne dis rien que je ne puisse répéter : il n’y a pas de différence entre
une vache brune et une vache brune sans cornes. »
On reconnaît le cheval d’un maçon parmi d’autres, à l’étrier gauche qui est relevé.
Pour savoir s’il y a un ou plusieurs maçons dans une compagnie que l’on rencontre sur la route
on dit : « Qui marche ? » Alors s’il y en a un, il dit : « Un homme marche. » S’il y en a plusieurs la
réponse est : « Des hommes marchent. » Alors on dit : « Braves gens et maîtres, soyez heureux ; que
Dieu bénisse toute votre compagnie. » Ou bien on donne le signe, avec la main droite sur le souffle,
ce qui s’appelle l’ordre régulier des compagnons du métier ; et la griffe en agrippant ses doigts au
poignet de l’autre, puis à son coude ; ou on se met de soi-même main dans main, pied contre pied,
genou contre genou, cœur contre cœur, oreille contre oreille et on dit : « Je vous salue, je vous salue,
que Dieu vous salue et fasse de vous un bon maître maçon ; je suis un jeune homme, cherchant fortune ;
si vous pouvez m’en donner l’occasion, vous ferez une bonne action. »
Je vais maintenant vous décrire ce qu’ils appellent la « leçon du lundi ». Quand l’apprenti arrive
à la porte de la cuisine de son maître, il doit frapper trois coups : un faible, un plus fort et un encore
plus fort. S’il n’y a pas de réponse, il doit tirer le loquet et entrer, laver les assiettes et balayer la maison.
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Après quoi il se rend à la porte de la chambre de son maître et frappe trois coups, un faible, un
plus fort et un encore plus fort, et dit : « Maître, vous éveillez-vous ? » Si le Maître répond : « Pas tant
de bruit, je peux m’éveiller », alors il entre.
Le Maître demande : « Quel temps fait-il ce matin ? » Il répond : « C’est une belle matinée ; le
vent est à l’ouest et le soleil à l’est ; il est cinq heures passées et on va vers les six heures. » Le maître
dit : « Qui vous l’a dit ? » L’apprenti répond qu’il a rencontré un « homme des bruyères 9 ». « Oui,
répond son maître, le chagrin se lève tôt le matin. »
P.S. – Il a été imprimé en 1747 Une protestation et un rejet de la société des maçons opératifs de la
loge de Torphichen, se réunissant à l’église de Livingston, 27 déc. 1739. Signée à cette date par James
Chrystie ; avec approbation signée au même endroit et à la même date, par James Aikman, Andrew
Purdie et John Chrystie ; et avec une autre approbation signée à Dalkeith, le 27 juillet 1747 par John
Miller.
Les signataires de ce texte abjurent le serment du Maçon en le jugeant « coupable et illégitime,
tant dans le fond que dans la forme, et par conséquent n’engageant pas leurs consciences ». Ils déclarent :
– Qu’il est imposé et dispensé « avec des rites, cérémonies et conditions tels, qu’ils sont en eux-mêmes coupables
et injustifiables, et symboliquement idolâtres, comme de s’agenouiller sur leur genou dénudé, et le bras nu sur
la Bible ».
– Que tout impétrant doit prêter ce serment inconsidéré, sans être autorisé à prendre copie dudit serment, ni à
réfléchir posément et en temps voulu sur sa légitimité ; son contenu, ou les choses jurées n’étant jamais prises
sérieusement en considération avant la prestation de ce serment ; on voit que la personne prêtant serment ne sait
pas à quoi elle s’engage.
– Qu’ils jugent cette obligation illégitime, car elle dissimule une terrible perversité, l’idolâtrie, le blasphème et
la profanation du nom et de l’œuvre de Dieu, choses tout à fait incompatibles avec le nom et la profession de
foi des chrétiens. Par ces moyens illégitimes et secrets, beaucoup sont précipités par imprudence et irréflexion et
attirés sournoisement dans cette coupable association et perversité susdite, avant même qu’ils en aient conscience.
– Qu’il y a un appendice au serment solennellement scellé, contenant des imprécations horribles, redoutables et
extraordinaires, reposant sur du vide, ou pire, sur une absurdité ridicule et la superstition. Absurdité (avec cette
circonstance aggravante de profaner les saintes Écritures en les mêlant à tout cela) juste bonnes à amuser les
enfants pendant les soirées d’hiver ; la plupart de ces secrets n’étant que des balivernes inutiles ou des mensonges
et le reste des superstitions, ne convenant qu’aux païens et aux idolâtres.
Bien plus, ils déclarent que le secret est violé et dévoilé par « tout ce qui a été publié dans le
monde sous forme imprimée. À ce sujet (disent-ils) il y a eu beaucoup de mensonges et d’équivoques,
même dans les cas où l’on reniait le serment, bien que ces publications aient contenu l’essentiel du
mystère ».
Je suis, etc.
D.B.
N.B. – Avec la lettre publiée ci-dessus, M. D. B. nous a envoyé le texte dont il parle (au début)
et qui est daté du 13 novembre 1751, ainsi qu’un autre, de la même écriture et avec la même signature,
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daté du 20 février 1752 et un autre document contenant plusieurs questions qu’il adressait aux maçons,
afin d’expliquer le contenu de ses écrits et les réponses des maçons.
Ayant comparé le récit qui précède et ces documents nous avons trouvé celui-ci fidèlement repris
de ceux-là. Ainsi, quoi que l’on puisse penser de la conduite des maçons, qu’il ne nous appartient ni
de défendre ni de condamner, on peut être assuré de l’authenticité du récit.
Traduction de Gilles Pasquier.
NOTES
1. L’auteur de la lettre ne veut pas dire que les ennuis de santé de l’auteur de la Confession seraient dus à la maçonnerie, mais
plutôt que ces ennuis de santé auraient contribué à rendre pessimiste sa vision des choses.
2. « Then the square is put three times round his body and applied to his breast. » L’équerre semble bien n’être appliquée qu’une fois
sur la poitrine du candidat après avoir été portée ou posée trois fois autour de lui.
3. Timber : c’est le bois de charpente et non une pièce de bois quelconque. Il s’agissait sans doute d’éviter que les maçons ne
laissent des traces de leurs secrets techniques dans les pièces de charpente.
4. « You sat down a cowan, I take you up a mason. » Il était impossible de traduire par : « Vous vous êtes assis cowan » alors que
le serment se prête agenouillé ! Par ailleurs, on ne pouvait guère traduire par « vous vous êtes agenouillé », le verbe « to sit down »
l’interdisant en fait. L’option que nous avons finalement prise nous semble conforme à la situation et à l’opinion que les maçons
de l’époque avaient à l’égard des cowans. Il s’agissait bel et bien d’élever le cowan à la dignité de maçon.
5. Entered-prentice.
6. Born Mason. On se souvient de l’expression selon laquelle il fallait être « né, libre et de bonnes mœurs » et d’où la virgule a
aujourd’hui disparu. N’oublions pas que notre Confession a été publiée en 1755 : l’article du Scots Magazine a pu faire réfléchir
ses lecteurs maçons sur la question de la naissance. C’est en tout cas la première fois à notre connaissance qu’un texte mentionne
la naissance du maçon.
7. « Where was you entered ? », voir note 5.
8. Square pavement. On pourrait être tenté par des traductions très diverses allant du simple « pavé d’équerre » au « pavé mosaïque ».
Si nous avons opté pour la solution « pavement quadrillé » c’est qu’elle est justifiée par la suite du texte et une référence
opérative : il s’agissait d’un pavement sur lequel était tracé un quadrillage. Il était destiné à recevoir le plan de l’édifice en
grandeur réelle. De nos jours les compagnons du Tour de France tracent encore sur le sol des épures qui sont (entre autres
choses) des tracés en vraie grandeur que seuls les vrais compagnons savent « lire » de bout en bout.
9. Hatherman. Hather est une forme obsolète de heather, la bruyère. Nous avouons ne pas comprendre l’expression, ni ce qu’elle
peut avoir comme rapport avec le chagrin du matin. Il semble qu’il y ait là le souvenir d’une superstition populaire du genre
de celle du moine bourru ou du loup-garou. N’oublions pas que notre texte est nettement écossais et qu’en Écosse on rencontre
des fantômes dans les châteaux, mais aussi sur la lande à certaines heures. Cette amorce d’explication n’a rien de fantaisiste ;
en Écosse moins qu’ailleurs.
10. Nous avons, comme bien des maçons, longtemps considéré la jauge comme une sorte de variante simplifiée du gabarit ou
panneau. Il n’en est rien, bien que les deux outils servent à contrôler la taille de la pierre. La jauge est une règle qui sert à
vérifier qu’une plumée est bien plane, qu’elle ne présente ni gras ni maigre après le dégrossissage. Le panneau est littéralement
une pièce de bois plane, dont la forme, construite sur l’épure, donne le contour exact et en vraie grandeur des pierres entrant
dans telle partie d’un ouvrage. Les panneaux les plus simples peuvent être des rectangles de planches, les plus compliqués
reproduisent la section d’une série de pierres destinées à composer une même moulure. (Voir à ce sujet : Renaissance Tradi-
tionnelle, no 43, juillet 1980, p. 274.)
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Introduction
Ce texte, qui constitue la première divulgation imprimée relative à la franc-maçonnerie, a été
publié en 1723 dans un journal londonien qui s’appelait The Flying-Post or Post-Master.
Il ne portait alors aucun titre particulier et celui que nous lui connaissons aujourd’hui, A Mason’s
Examination, nous vient de l’historien R.F. Gould. Nous pouvons traduire ce titre par Examen d’un
maçon.
Les illustres historiens Knoop, Jones et Hamer ont publié cet Examen d’un maçon dans le recueil
intitulé The Early Masonic Catechisms. C’est sur la dernière édition produite par la loge des Quatuor
Coronati que nous avons travaillé.
L’origine du document ne pose aucun problème du point de vue historique, puisqu’il s’agit d’une
divulgation, mais il n’en va pas de même au point de vue épistémologique : le texte décrit-il la maçon-
nerie opérative ou la maçonnerie spéculative ?
Il est assez délicat de se prononcer sur cette question, mais il faut reconnaître que bien des détails
de A Mason’s Examination sont typiques de la maçonnerie opérative écossaise telle qu’on la trouve
décrite en 1696 (Ms Édimbourg).
La question se complique de ce que l’on comprendra en lisant le texte : l’auteur de A Mason’s
Examination n’était pas maçon lui-même. C’était, si l’on peut dire, un amateur de sensationnel, qui
publiait des « indiscrétions » sur la maçonnerie. On sait que de telles indiscrétions sont généralement
riches en inexactitudes.
C’était cependant la première divulgation de toute l’histoire de la maçonnerie. Fallait-il un profane
pour franchir le pas ? Sans doute, car après A Mason’s Examination, nombreux seront les maçons qui
publieront des écrits relatifs au contenu de l’ordre. Ces maçons agiront souvent sans le consentement
de leurs frères, mais aussi presque toujours dans le dessein louable de rectifier certaines erreurs propagées
par des publications mal documentées.
Il convient de remarquer que les maçons français ont connu en la matière un destin analogue. Il
aura fallu en effet que le profane lieutenant de police Hérault publie les secrets des maçons en 1737
pour qu’après lui des maçons n’hésitent pas à en faire autant en rivalisant de précision dans leurs
œuvres.
Comme première divulgation, A Mason’s Examination suscita une très vive réaction chez les maçons
britanniques. Knoop, Jones et Hamer citent (p. 13) un pamphlet de 1726 intitulé The Free-Masons
Accusation and Defence dont l’auteur rapporte qu’en l’espace d’une semaine on ne trouvait plus un seul
exemplaire du journal dans lequel avait été publié A Mason’s Examination, car les maçons s’étaient
chargés de faire disparaître tous ceux qui avaient été mis en vente. Il est permis de penser qu’il s’agit
là d’une attitude de maçons opératifs : ceux-ci, en protégeant leurs secrets, défendaient leur gagne-pain.
Il est possible aussi que des membres acceptés aient aidé les hommes de métier dans leur chasse aux
exemplaires du Flying Post, ne serait-ce que dans un souci de fraternité.
Cette réaction des maçons à l’égard de A Mason’s Examination est due au fait qu’à côté de certains
renseignements erronés, la divulgation en fournit d’exacts.
On ne comprend pas toutefois que cette publication ait pu contribuer si peu que ce soit à pousser
les maçons anglais à inverser l’ordre des mots J. et B. pour protéger leurs secrets et filtrer les faux
maçons à l’entrée des loges.
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Il faut bien reconnaître en effet que nous nous trouvons en présence d’un de ces textes dans
lesquels l’appartenance de J. ou B. à tel ou tel grade n’est pas précisée. Il semble, si l’on en croit la
ritournelle du maçon nouvellement reçu, qu’on ait donné à ce dernier les trois mots, J., B. et M.B. (ici
Maughbin) dès sa réception. C’est un peu trop et nous devons admettre que le divulgateur n’avait pas
pleinement connaissance de son sujet. Il reste que A Mason’s Examination ne permet ni aux curieux ni
aux historiens, de savoir à quel grade se rattachait tel mot.
Traduction
* Ici s’impose le proverbe sur celui qui dévoile tout ce qu’il sait : « Il portera une vieille maison
sur la tête. »
Quand un franc-maçon est reçu, il reçoit pour tout cadeau de la Fraternité une paire de gants
d’homme et une de gants de femme, et un tablier de cuir. Il doit entendre les ***** 3 appartenant à la
société, dont le maître de loge lui donne lecture. Alors un surveillant le conduit au maître et aux
compagnons, et à chacun d’eux il doit dire :
« Je souhaite devenir compagnon-maçon.
Comme vous pouvez le voir clairement, Messieurs. »
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Après quoi il jure de ne révéler aucun secret de l’honorable Fraternité, sous peine d’avoir la gorge
tranchée et une double part d’Enfer et de Damnation dans l’autre monde.
Alors on lui bande les yeux et la cérémonie de – est célébrée. Ensuite il doit faire un millier de
postures différentes et de grimaces, qu’il doit imiter exactement, ou bien il subit cette discipline jusqu’à
ce qu’il y parvienne.
Après cela le mot Maughbin est murmuré par le plus jeune maçon à son voisin et ainsi de suite
jusqu’à ce qu’il arrive au maître, qui le murmure au maçon nouvellement reçu, lequel doit avoir le
visage disposé comme il faut pour l’entendre. Alors le nouveau maçon dit ce qui suit :
Quand vous voulez entrer dans une loge, vous devrez frapper trois fois à la porte et l’on vous
interpellera :
– Êtes-vous franc-maçon ?
– Oui vraiment, je le suis.
– Comment le saurai-je ?
4
– Par les signes et attouchements , de mon entrée dans la cuisine et de là dans la salle.
– Quel est le premier point de votre entrée ?
– De conserver et de cacher [les secrets des maçons], sous peine d’avoir la gorge tranchée ou la
langue arrachée 5.
Alors l’un des Surveillants dira :
– Que le salut de Dieu soit sur cette assemblée ; et avec le très Vénérable Maître, et les Vénérables
Compagnons, qui gardent les clés de la loge d’où vous venez. Et vous êtes aussi le bienvenu, Vénérable
Frère dans cette Honorable Société.
Alors saluez de la façon suivante :
– Le très Vénérable Maître et les Vénérables Compagnons de la loge d’où je viens vous saluent
respectueusement.
– De quelle loge êtes-vous ?
– De la loge de Saint-Étienne.
– Qu’est-ce qui rend une loge juste et parfaite ?
– Un maître, deux surveillants, quatre compagnons, cinq apprentis, avec l’équerre, le compas et
la jauge commune 6.
– Où avez-vous été reçu ?
– Dans la vallée de Josaphat, derrière un buisson de joncs, là où on n’a jamais entendu l’aboiement
d’un chien, ou le chant du coq, ou en quelque autre lieu.
– Où se tint la première loge ?
– Sous le Porche de Salomon ; les deux colonnes s’appelaient J. et B.
– Combien d’ordres existe-t-il en Architecture ?
– Cinq : toscan, dorique, ionique, corinthien et composite ou roman.
– Combien de points existe-t-il dans le compagnonnage ?
– Six : pied contre pied, genou contre genou, main dans main, oreille contre oreille, langue à
langue, cœur contre cœur 7.
– Comment les maçons se placent-ils pour les travaux ?
– Le maître au S.-E., les surveillants au N.-E. et les compagnons au passage de l’est.
– Combien de bijoux précieux y a-t-il en maçonnerie ?
– Quatre : l’équerre, la pierre cubique, le parpaing et la planche à tracer 8.
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Pour reconnaître un apprenti entré vous devez lui demander s’il est allé dans la cuisine et il
répondra que oui.
Pour reconnaître un compagnon entré, vous devez lui demander s’il est allé dans la salle, et il
répondra que oui.
Pour reconnaître un maçon dans le noir, vous devez dire qu’il n’y a pas d’obscurité sans absence
de lumière ; et il répondra qu’il n’y a pas de lumière sans absence d’obscurité.
Pour complimenter un frère maçon, vous portez votre main droite au côté droit de votre chapeau
et amenez votre chapeau au-dessus de votre menton ; alors le frère frappera de sa main droite sur le
côté droit de son chapeau et la portera à son côté gauche sous son cœur.
En rencontrant un frère vous devez faire le premier pas du pied droit, le second du gauche et au
troisième vous devez avancer votre talon droit vers l’intérieur du pied droit de votre frère. Alors posez
votre main droite sur son poignet droit et tirez l’autre main de votre oreille droite à la gauche sous
votre menton ; alors il mettra sa main droite à son côté gauche sous son cœur9.
Faire la griffe, c’est quand vous prenez un frère par la main droite et mettez votre médius sur son
poignet9. Il fera alors de même avec vous.
Pour connaître un maçon en particulier, vous mettez votre talon droit à l’intérieur de son pied
droit, posez votre bras droit sur son bras gauche, et votre bras gauche sur son bras droit. Alors faites
une équerre avec votre médius de son épaule gauche au milieu de son dos et ainsi jusqu’à sa culotte9.
Quand un maçon descend de cheval, il dépose l’étrier par-dessus l’encolure du cheval.
Pour appeler un maçon hors de la compagnie vous devez tousser trois fois ou frapper trois fois
contre quelque chose.
Un maçon pour vous montrer qu’il est dans le besoin, fait tomber un morceau d’ardoise rond et
vous dit : « Pouvez-vous changer cette pièce ? »
Traduction de Gilles Pasquier.
NOTES
1. « Il portera une maison sur la tête. » Il s’agit d’un proverbe anglais à l’usage des gens qui parlent trop. Ce proverbe évoque
l’expression française selon laquelle les murs ont des oreilles. Toutefois, dans le cas de Samson, le proverbe anglais tombe
remarquablement juste.
2. Les Constitutions sont ce qu’on appelle aussi en anglais Old Charges ; en français « Anciens Devoirs ». (Knoop et Jones, Genesis
of Freemasonry, p. 62.)
3. Ces cinq étoiles pourraient correspondre au mot anglais rules. Cette hypothèse, émise par Knoop, Jones et Hamer semble en
effet hautement probable étant donné le contenu du texte.
4. Un symbole, un signe. Ces lettres hébraïques font l’objet d’un commentaire particulier de la part d’un membre hébraïsant de
la GLU d’Angleterre : Rabbi Barnett I. Cohen. Voici en substance les explications qu’il donne : Cet ensemble, lu de droite à
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gauche, est constitué des lettres R (esh), S (amech) et S (amech). Mais l’auteur de A Mason’s Examination faisant une faute
d’orthographe a utilisé le premier S (amech) à la place de la lettre SH (în). Le mot serait donc RÔSHEM, ce qui signifie un
symbole ou un signe.
5. Cette réplique indique nettement que l’auteur de A Mason’s Examination n’est pas maçon lui-même. Il agit comme quelqu’un
qui a surpris des secrets de maçons, mais qui n’était pas aux premières loges, si l’on ose dire, pour tout entendre. Qu’on en
juge. Le texte anglais dit : « Hear and Conceal, on pain of having my throat cut, or tongue pull’d out. » Tout d’abord le verbe to
hear entendre, écouter, ne convient pas. Bien sûr certains secrets maçonniques se transmettent de bouche à oreille et doivent
être écoutés. Mais d’autres sont d’ordre visuel et doivent être regardés. La formule to hear and conceal ne les concernerait donc
pas ? On verra que la suite du texte montre que non. Par ailleurs, cette formule est très connue des amateurs de textes
maçonniques anciens et l’on voit très bien qu’elle a été déformée. Le texte original est : « To heal and conceal our secrets. » On
retrouvait cette phrase dans le Ms Édimbourg (1696), le Ms Chetwode Crawley (1700) et le Ms Graham (1726). On la
retrouvera dans bien d’autres traductions à venir.
De plus le divulgateur ne dit pas ce qui doit être caché : les secrets des maçons. Nous ajoutons cette mention entre crochets.
Enfin, la porte à travers laquelle il écoutait devait être épaisse, la pénalité du serment laisserait selon lui une sorte de choix : on
aurait la gorge tranchée ou la langue arrachée. On sait bien qu’il n’en est rien, et là encore les textes anciens nous renseignent :
le parjure doit avoir la gorge tranchée et la langue arrachée (Masonry Dissected, 1730) ou encore la langue arrachée de la gorge
(Ms Sloane, 1700). Mais dans certains cas (Édimbourg, 1696) il n’est question que de l’une des deux peines : avoir la gorge
tranchée. Ceci a pu contribuer à l’erreur du divulgateur.
6. La jauge commune : de même que les tailleurs usent d’un patron pour couper dans du tissu les pièces d’un vêtement, les maçons
se servent d’une jauge pour tailler la pierre. Il s’agit d’un gabarit de bois ou de métal qui indique au tailleur de pierre la forme
et les dimensions qu’il faut donner à la pierre. Cette jauge est commune puisque dans une construction on trouve généralement
de nombreuses pierres ayant en commun une forme et des dimensions données. Si plusieurs ouvriers travaillent au même
chantier et s’ils sont plusieurs à tailler des pierres aux mêmes dimensions, il faut bien qu’ils utilisent tous le même gabarit. Ainsi
trouve-t-on dans les constructions médiévales des pierres de même taille portant différentes marques de compagnons.
Il était déjà question de cette jauge commune (common judge), qui contribue à donner à notre texte une allure assez opérative,
dans le manuscrit d’Édimbourg (1696).
7. Cette réponse, parmi bien d’autres détails, prouve une nouvelle fois que le divulgateur n’est pas très au fait de son sujet : il y
a ici un « point » de trop.
8. Encore une réponse mal reprise.
Nous traduisons « Common square » par « planche à tracer » pour les raisons suivantes : « Common square » n’apparaît dans
aucun autre texte ancien, mais dans la mesure où « square » peut signifier une planche, voire une planche à tracer, nous
admettons que cette planche « commune » peut très bien être une planche à tracer (indication fournie dans « The Early Masonic
Catechisms », glossaire, p. 242).
9. Même remarque qu’aux notes 5, 7, et 8 : le divulgateur ne sait pas vraiment de quoi il parle et les erreurs qu’il commet révèlent
son ignorance.
10. On trouvait déjà une réplique analogue dans le manuscrit des archives d’Édimbourg traduit et commenté par Edmond Mazet.
Ceci remonte donc au moins à 1696 et appartient à ce que nous connaissons de plus ancien en matière de tuilage. La touffe
verte appelle quelques remarques. En 1696 elle était nettement rattachée au foie et à son repli : la clé de la loge était censée se
trouver : « À trois pieds et demi de la porte de la loge sous un parpaing et une touffe verte. Mais sous le repli de mon foie là
où gisent tous les secrets de mon cœur. » Cette touffe verte couvrant (avec le parpaing) les secrets cachés dans le repli du foie,
c’est peut-être la vésicule biliaire. Il faut savoir que jusque vers 1700 on attribuait indifféremment au foie et au cœur la fonction
d’être le siège des qualités morales. Même au XIXe siècle anglo-saxon on appelait encore « foie jaune » quelqu’un que l’on voulait
accuser de lâcheté. N’oublions pas non plus que, dans l’Antiquité, le foie servait à la divination. Il est aisé de comprendre qu’il
soit resté dans la mythologie populaire le siège de la vérité et du courage.
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Le manuscrit Wilkinson
(ca 1727)
Introduction
Ce remarquable manuscrit porte le nom de son « inventeur » : le frère Wilkinson, membre de la
Grande Loge Unie d’Angleterre a en effet trouvé le document en 1946 dans des papiers appartenant
à sa famille.
Le manuscrit a été offert par le frère Wilkinson à la bibliothèque maçonnique de Northampton
où l’on peut le consulter. La transcription sur laquelle nous avons travaillé est celle du recueil fameux
de Knoop, Jones et Hamer, The Early Masonic Catechisms, mais dans la seconde édition de ce recueil,
car le manuscrit a été découvert entre la première et la seconde. Cette transcription est accompagnée
des photographies de toutes les pages du manuscrit, ce qui augmente encore l’intérêt de sa lecture. Les
présentateurs se sont livrés à une étude paléographique détaillée au terme de laquelle ils concluent que
le manuscrit a été rédigé soit entre 1730 et 1740, soit entre 1750 et 1790. Dans le premier cas le
manuscrit servait d’aide-mémoire ; dans le second cas c’était une copie faite sur un document plus
ancien par un maçon soucieux de tradition. Dans les deux cas le texte du manuscrit reflète une activité
maçonnique qui s’est déroulée en Angleterre entre 1724 et 1730.
La transcription publiée par Knoop, Jones et Hamer est disposée à gauche des pages de The Early
Masonic Catechisms. Dans la partie droite des pages, en regard des répliques du Ms. Wilkinson, se
trouvent les répliques correspondantes de Masonry Dissected.
Cette ingénieuse disposition permet de constater que la plupart des répliques du Ms. Wilkinson
ont leur semblable dans le grade d’apprenti de Masonry Dissected. Nos lecteurs pourront constater la
chose en comparant la présente traduction du Ms. Wilkinson avec la traduction de l’ouvrage de Pri-
chard. Cette double lecture nous éclaire considérablement sur le sens de la maçonnerie anglaise de la
Première Grande Loge.
C’est la seconde fois que nous nous trouvons en présence de deux textes très proches par leur
contenu, aussi bien que par leur âge et la situation géographique de ce qu’ils décrivent. La première
fois c’était avec les manuscrits Édimbourg (1696) et Chetwode Crawley (1700), qui décrivent la maçon-
nerie écossaise de leur époque. On a lu les traductions qu’en a données Edmond Mazet. L’intérêt de
ces lectures multiples d’une même maçonnerie est bien sûr de nous en donner plusieurs points de vue
et, par suite, une image plus précise. Nous voulons d’ailleurs profiter de cette occasion pour contribuer
à cette précision à propos de la maçonnerie anglaise.
Le pavé mosaïque
Notre ami Jacques Thomas, érudit de la tradition opérative, a émis une opinion qui nous amène
à corriger, déjà, notre traduction de Masonry Dissected. On lira par ailleurs la note 8 accompagnant
notre traduction de La Confession d’un maçon et la note 4 de la présente traduction du Ms. Wilkinson,
mais il convient de poser un peu plus clairement le problème.
Pour Masonry Dissected nous avions traduit square pavement par « pavé carré ». D’après Prichard,
ce terme désignait le sol de la loge. Mais le même terme retrouvé dans la Confession d’un maçon nous
obligea à modifier notre point de vue : le Square pavement est bien le sol, mais c’est un sol quadrillé
sur lequel le maître peut tracer des plans en grandeur réelle. Jacques Thomas nous dit alors que selon
lui le pavé mosaïque serait la prolongation en symbole de ce remarquable outil de maître. Nous en
étions là de nos réflexions lorsque notre traduction du Ms. Wilkinson nous confirma le bien-fondé de
l’opinion de Jacques Thomas. À la quarante-cinquième réplique, le scripteur du Ms. Wilkinson a noté
ceci : « Le pavé mosaïque, pour que le maître y trace ses plans. » Alors que dans Masonry Dissected, à
la réplique correspondante, le pavé mosaïque n’est pas nommé : c’est sur la planche à tracer que le
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maître fait ses plans. Il est vrai que l’un n’empêche pas l’autre et, mieux, que les deux se complètent
dans le dessin de l’édifice.
Nous ne croyons pas qu’il y ait eu une confusion et ce pour les raisons suivantes : 1) Les deux
textes de Masonry Dissected et du Ms. Wilkinson sont trop proches l’un de l’autre pour que les fonctions
du pavement quadrillé et de la planche à tracer se soient séparées. Les deux outils servent au maître à
tracer des plans, mais à des stades différents du travail. 2) Les deux textes décrivent une maçonnerie
dans laquelle on se souvient encore très bien de la maçonnerie opérative. Leurs auteurs n’ont eu aucun
besoin de recourir aux services d’un érudit en la matière : en 1727-1730 les maçons spéculatifs sont
encore les contemporains de nos ancêtres les maçons opératifs et se souviennent du pavement quadrillé.
3) La Confession d’un maçon reflète la maçonnerie écossaise de la même époque, mais cette fois au
versant opératif. L’auteur est très clair : c’est un maçon qui renonce à la maçonnerie, mais qui sait de
quoi il parle et selon lui le square pavement sert bien à tracer des plans sur le sol.
Si nous n’avons pas osé traduire square pavement par « pavé mosaïque », c’est que nous réservons
cette traduction à mosaïck pavement. Mais on admettra que nous ne pouvions plus traduire square
pavement par « pavé carré », puisqu’il s’agissait d’un « pavement quadrillé » et qu’on y dessinait des
plans. C’est bien l’usage du pavé mosaïque dans le Ms. Wilkinson.
Avertissement
On constatera à la lecture que nous avons mis certains mots entre crochets. C’est que l’équivalent anglais
de ces mots manquait dans le texte original. On verra aussi à divers signes que le manuscrit a été rédigé de
façon hâtive. Cela confirmerait l’opinion de Knoop, Jones et Hamer selon laquelle le Ms. Wilkinson a pu
servir d’aide-mémoire.
Traduction
– Êtes-vous maçon ?
– Mes frères et compagnons me reçoivent comme tel.
– Comment saurai-je que vous êtes maçon ?
– Par les signes, attouchements et points parfaits de [mon] entrée.
– Que sont les signes ?
– Toutes équerres, niveaux et perpendiculaires.
– Que sont les attouchements ?
– Certaines griffes.
– Donnez-moi le premier 1 et je vous donnerai le second.
– Je garde.
– Je cache.
– Que cachez-vous ?
– Tous les secrets ou mystères d’un maçon ou de la Maçonnerie.
– Que sont les secrets ?
– Des signes, des attouchements et de nombreux mots.
– Avez-vous quelque mot en tant que maçon ?
– J’en ai.
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– Donnez-m’en un.
– Je l’épellerai avec vous.
Ou : Donnez-moi la première, je vous donnerai la seconde.
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Voir chapitre 3 du 2e Livre des Chroniques, verset 17, où vous trouverez que Boaz était le nom de la
colonne de gauche devant le Temple, et Jachin celle de droite.
– Très respectable, le maître et les compagnons de la sainte loge de Saint-Jean, d’où je viens,
vous saluent, vous saluent, vous saluent par trois fois mes frères.
– Que vîtes-vous avant d’être admis en loge ?
– Le dernier apprenti, l’épée nue à la main.
– Comment avez-vous été admis en loge ?
– Par trois grands coups.
– Qui vous introduisit dans la loge ?
– Le second surveillant.
– Comment vous fit-il entrer ?
– Il me conduisit autour de la loge d’est en ouest et me présenta au premier surveillant.
– Que fit-il de vous ?
– Il me conduisit par trois grands pas vers le maître.
– Que fit de vous le maître ?
– Il me reçut maçon.
– Comment fûtes-vous reçu maçon ?
– Ni assis, ni debout, ni nu, ni vêtu, mais selon les formes requises.
– Que sont les formes requises ?
– Avec le genou dénudé en terre dans les branches de l’équerre et ma main gauche sur la Bible,
ma main droite étendue, avec le compas sur le sein gauche dénudé ; [dans cette disposition] je pris
l’obligation solennelle du maçon.
– Pouvez-vous la répéter ?
– Je le peux.
– Répétez-la.
– Moi, par ceci, je promets solennellement et déclare en présence de Dieu tout-puissant, de garder
et de cacher tous les secrets ou mystères d’un maçon ou de la maçonnerie qui m’ont été révélés jusqu’ici,
vont l’être maintenant, ou le seront ultérieurement ; de ne les dire ou les révéler à personne sauf à un
frère ou compagnon après un examen dans les formes ; de ne pas les écrire, ouvrager, marquer, repré-
senter ou graver sur tout support mobile ou immobile ; sous une peine qui ne serait pas moindre que
d’avoir la gorge tranchée, ma langue arrachée du fond de la bouche, le cœur arraché du sein gauche et
enseveli dans les sables de la mer, à une encablure du rivage, là où la marée descend et monte deux
fois en vingt-quatre heures, mon corps devant être réduit en cendres, et les cendres dispersées à la
surface de la terre, de sorte qu’il n’y ait plus souvenance de moi.
Ainsi que Dieu me soit en aide.
Il baise la Bible.
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– Pourquoi cela ?
– Pour garder et cacher ; et pour accueillir les frères étrangers 3.
– Où se tient l’apprenti entré ?
– Au nord.
– Pourquoi cela ?
– Pour garder et cacher, recevoir des instructions et protéger la loge.
– Comment votre loge est-elle disposée ?
– Exactement d’est en ouest 4, comme le sont ou devraient l’être tous les lieux sacrés.
– Où se tient-elle ?
– Sur une terre sacrée, dans la vallée de Josaphat ou ailleurs.
– Quelle est sa hauteur ?
– Des pieds et des pouces innombrables.
– Quelle est la forme de votre loge ?
– Un carré long.
– Pourquoi cela ?
– C’est la forme de la tombe de notre grand maître Hiram.
– Qu’y a-t-il au centre de votre loge ?
– La lettre G.
– Que signifie-t-elle ?
– Géométrie.
– Avez-vous des bijoux immobiles dans votre loge ?
– Nous en avons.
– Combien ?
– Trois.
– Quels sont-ils ?
– Le pavé mosaïque 5, le parpaing 6 et la pierre dégrossie.
– Quel est leur premier usage ?
– Le pavé mosaïque pour que le maître y trace ses plans, le parpaing pour que les compagnons
du métier éprouvent leurs outils dessus, et la pierre dégrossie pour que les apprentis entrés apprennent
à travailler dessus.
– Avez-vous des bijoux mobiles dans votre loge ?
– Nous en avons.
– Combien ?
– Trois.
– Quels sont-ils ?
– L’équerre, le niveau et le [fil à] plomb.
– Quel est leur usage ?
– L’équerre pour voir si les pierres d’angle sont posées d’équerre ; le niveau pour voir si elles sont
posées de niveau et le [fil à] plomb pour élever des perpendiculaires.
– Quels sont les meubles 7 de la loge ?
– La Bible, le compas et l’équerre.
– Comment votre loge est-elle soutenue ?
– Par trois grands piliers.
– Que signifient-ils ?
– La Sagesse pour inventer, la Force pour soutenir et la Beauté pour orner.
– Quel est le nom d’un maçon ?
– Giblin.
– Quel est le nom d’un fils de maçon ?
– Lewis 8.
– Où est sa place ?
– Sous les gouttières de la loge.
– Quel est son privilège ?
– D’être reçu maçon avant tous les autres.
– Combien composent une loge ?
– Cinq maçons libres et acceptés réunis en un même lieu et selon les usages.
– Combien font une loge juste et parfaite ?
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– Sept.
– Que sont-ils ?
– Un maître, deux surveillants, deux compagnons du métier et deux apprentis entrés.
– Avez-vous vu votre maître aujourd’hui ?
– Oui.
– Comment était-il vêtu ?
– D’une veste jaune et d’une culotte bleue.
– Où gardez-vous vos secrets en tant que maçon ?
– Dans une boîte d’os qui ne s’ouvre ni ne se ferme sans clé d’ivoire ; neuf pouces ou une boucle
à ma bouche 9.
– Avez-vous des principes ?
– Oui.
– Que [sont-ils] ?
Les définitions sont dans Euclide.
Un point est ce qui n’a pas d’étendue.
Une ligne est une longueur sans largeur.
Une surface a seulement une longueur et une largeur.
Un volume a une longueur, une largeur et une profondeur.
– Qu’est-ce qu’un maçon ?
– Un homme né d’une femme, frère d’un roi, ami d’un prince et compagnon d’un seigneur.
– Qu’avez-vous appris comme maçon ?
– Comme maçon opératif à tailler la pierre et élever des perpendiculaires ; comme gentilhomme
maçon, le secret, la moralité et la camaraderie.
– Comment êtes-vous devenu maçon ?
– Par mon propre désir et la recommandation d’un ami.
– D’où venez-vous ?
– De la sainte loge de Saint-Jean.
– Où avez-vous été reçu maçon ?
– Dans une loge juste et parfaite.
– Comment souffle le vent ?
– D’est en ouest.
– Quelle heure est-il ?
– Minuit plein.
– À quoi sert la nuit ?
– À entendre et le jour à voir.
– De quel métal est-elle faite 10 ?
– Ni d’argent, ni d’or, ni d’étain, ni de bronze, de fer ou d’acier mais la langue de bonne réputation
[est celle] qui parle de la même façon derrière un frère et devant lui.
– Si un maçon est perdu, où doit-il être retrouvé ?
– Entre l’équerre et le compas.
– Pourquoi cela ?
– Parce qu’un maçon se révèle toujours sur l’équerre et se tient à l’intérieur du compas.
Quand une ou plusieurs personnes sont en société et que vous les connaissez comme non-maçons,
les formules ordinaires sont : « Il pleut », ou « il goutte », ou « la maison n’est pas couverte », ou
« couvrez la maison », etc.
Quand un maçon vous donne quelque chose, et vous demande : « Qu’est-ce ça sent ? » la réponse
est : « Le maçon. »
– Quel est l’âge d’un maçon ?
– Trois fois sept.
Quand on vous demande quel âge vous avez : En tant qu’apprenti, moins de sept ans. Compagnon,
moins de quatorze ans. Quand vous êtes maître, trois fois sept.
Traduction de Gilles Pasquier.
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NOTES
1. En comparant avec Masonry Dissected on constate qu’il s’agit du premier point parfait de son entrée.
2. Notons le caractère elliptique de cette réplique dont l’équivalent complet se trouvait dans Masonry Dissected. Notons également
qu’il n’est plus question ici que d’un surveillant, alors que le texte mentionnait un second surveillant, ce qui implique l’existence
du premier. De tels détails donnent l’impression de répliques jetées à la va-vite sur le papier en fonction de choses entendues
en loge. Cela ne nuit pas à la véracité du texte, bien au contraire.
3. Cette réplique est encore très elliptique.
4. Cette réplique a son équivalent dans Masonry Dissected. Toutefois une faute de typographie s’était glissée dans cette traduction
de Masonry Dissected : c’est bien « d’est en ouest » qu’il faut lire.
5. Dans Masonry Dissected ce pavé mosaïque était remplacé, aux répliques équivalentes par la planche à tracer. Nous pensons que
ce rapprochement dans les documents de la planche à tracer et du pavé mosaïque n’est pas fortuit si le pavé mosaïque représente
un prolongement symbolique du pavement quadrillé, ce dernier servant à tracer des plans en vraie grandeur. Ces éléments ont
pu se remplacer en raison de leurs fonctions analogues. Il faut d’ailleurs remarquer que le Ms. Wilkinson et Masonry Dissected,
en plus d’avoir de nombreuses répliques en commun, sont contemporains l’un de l’autre. (Voir la note 8 de notre traduction
de La Confession d’un maçon, dans cette revue.)
6. Dans Masonry Dissected ce parpaing était remplacé par la pierre cubique.
7. Nous avons déjà souligné, à propos de Masonry Dissected, l’intérêt du vocable « meuble ».
8. Lewis en français : la louve. C’est un outil qui, inséré dans une cavité creusée dans un bloc de pierre, permet d’accrocher celui-ci
pour le soulever.
9. Cette réplique contracte exagérément le contenu de plusieurs répliques identifiables dans Masonry Dissected. Le sens général est
que la clé d’ivoire est pendue par un câble de neuf pouces ou une boucle et que ce câble ou boucle est la langue.
10. Le texte semble bien avoir été rédigé très vite, le désordre des répliques confirme ce que nous en avons déjà dit. « De quel
métal est-elle faite ? » concerne la langue dont il a déjà été question, la réplique correspondante de Masonry Dissected en fait foi.
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La maçonnerie disséquée
(1730)
Samuel Prichard
Commentaire par Gilles Pasquier
Introduction
Ce « catéchisme » est assurément un grand classique du corpus des textes anciens de la maçonnerie,
puisqu’on en connaît plus de trente éditions sans tenir compte des éditions pirates. La première parution
est du 20 octobre 1730 et ce fut sans doute un succès de librairie, car un second tirage intervint le
23 octobre suivant et un troisième le 31 octobre. C’est sur cette troisième édition, dont un exemplaire
est conservé au British Museum et dont le texte est reproduit dans The Early Masonic Catechisms de
Knoop, Jones et Hamer que nous avons travaillé.
On disposait jusqu’à présent d’une traduction française de Masonry Dissected datée de 1743 (repro-
duite en 1976 par les éditions du Baucens). Cette dernière traduction était précieuse mais incomplète,
voire erronée sur quelques points ; il convenait donc d’en présenter une nouvelle aux curieux de la
tradition maçonnique.
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Les minutes de la Grande Loge précisent bien que cette proposition faisait suite à la parution de Masonry
Dissected. On comprend dès lors l’opinion défendue par B.E. Jones dans Freemason’s Guide and Com-
pendium, selon laquelle l’interversion des mots de reconnaissance avait été rendue nécessaire par les
publications de A Mason’s Examination et de Masonry Dissected. Il est vrai que, pas plus dans Masonry
Dissected que dans A Mason’s Examination, on ne discerne entre J. et B. quel mot est spécifique du
premier ou du second grade : les deux textes attribuent à la fois J. et B. à l’apprenti. Mais outre qu’ils
exposent des détails propres à chacun des deux grades, ces pamphlets permettaient à un patron de
taverne de faire ce que l’on vit à l’époque : créer de faux maçons pour quelques shillings. L’interversion
des mots allait s’ajouter à la précaution, déjà mentionnée, voulue par le député grand maître et contri-
buer à protéger les loges des « faux frères ou imposteurs », selon son expression.
Les cowans
Les imposteurs ont leurs pendants opératifs, les cowans, à propos desquels le catéchisme de 1730
se montre très sévère dès le grade d’apprenti : si un cowan était surpris pendant les tenues on le
condamnait à rester sous la gouttière de la loge par temps de pluie ! Le malheureux devait y être
contraint, sauf bien sûr si cette peine était fictive comme celle de l’obligation. Mais le fait que le rôle
de couvreur, chargé de tenir les cowans à l’écart, soit dévolu au plus jeune apprenti est significatif :
même le débutant de la loge était supérieur aux cowans, qu’il apprenait très tôt à traiter en ennemis.
Qui étaient donc ces cowans ?
En nous référant au regretté Harry Carr (The Free-Mason at Work, p. 86) et à Knoop et Jones
(The Genesis of Freemasonry, p. 28), nous pouvons dresser le portrait de ces ouvriers. C’étaient des
bâtisseurs non maçons qui, à l’origine, n’avaient le droit de construire que des murs en pierres sèches.
En 1636, à Canongate, on autorise les cowans à utiliser de la glaise comme mortier, mais pas du mortier
à la chaux. En 1623 à Glasgow, on autorise un cowan, un certain John Shedden, à construire des murs
avec un mortier de glaise, mais sans chaux ni sable, et jusqu’à une hauteur d’une aune seulement. Dans
ce dernier cas, le cowan était dûment enregistré dans la liste des ouvriers du chantier, mais il s’agit là
d’une exception : dans tous les autres cas il était interdit à un maçon de donner du travail à un cowan.
Les Statuts Schaw de 1598 comportent cette interdiction. Il existe même un document de la célèbre
loge « Mary’s Chapel » d’Édimbourg, document daté de 1599, qui rapporte qu’un maçon avait dû
reconnaître et confesser avoir offensé le surveillant et les maîtres en donnant du travail à un cowan. Ce
maçon dut faire une « humble soumission » et promettre de ne pas recommencer.
Harry Carr remarque encore qu’à Kilwinning, les maçons qui acceptaient des cowans étaient
condamnés par la loge à des amendes assez lourdes. Et, à Édimbourg, les cowans n’étaient admis au
chantier du château que les semaines où aucun maçon n’y travaillait. C’est l’occasion pour notre
historien de constater que le terme de cowan est d’origine écossaise. Il faut souligner à ce propos que
les sources de l’Oxford English Dictionary, à l’article cowan, sont toutes écossaises ; et que le Chambers
Scots Dictionary, qui est un dictionnaire de langue écossais-anglais, comporte bien un article cowan. La
présence de ce mot dans Masonry Dissected serait un signe certain de l’influence de l’Écosse sur la
maçonnerie anglaise.
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Les preuves de ce que nous avançons là sont dans le pamphlet même : il s’agit de la liste de loges
qui fait suite à la « justification » de l’auteur. Cette liste est apparue dans la troisième édition de Masonry
Dissected, édition faite par Prichard lui-même et non par un éditeur pirate. C’est la liste des loges
« constituées » et il faut savoir que ce qu’on appelait « loges constituées » en Angleterre en 1730, c’étaient
celles de la Grande Loge et non d’autres. On trouve ce terme de constituted dès 1723 dans les Consti-
tutions d’Anderson (p. 71) où il est dit que les loges « doivent être solennellement constituées par le
grand maître ». L’usage de ce mot est d’ailleurs resté de nos jours pour désigner cette cérémonie spéciale
au cours de laquelle le grand maître « constitue » une loge.
C’est donc bien la liste de loges de la Grande Loge de Londres, année 1730, que S. Prichard
donne à la fin de son pamphlet. Au reste, si l’on avait quelque doute, il suffirait de comparer cette liste
au tableau publié par Erich Lindner dans L’Art royal illustré (p. 257). Ce tableau donne une série de
petites images. Ce sont les enseignes des tavernes où se réunissaient les loges de la Première Grande
Loge en 1735, soit cinq ans seulement après la publication de S. Prichard. Les enseignes sont numérotées
et accompagnées des noms des rues, des quartiers ou des villes où sont situées les tavernes. Les loges
prenaient tout simplement, comme titre distinctif, le nom de la taverne où elles se réunissaient. Par
exemple, l’enseigne numéro 23 nous montre un croissant de lune accompagné de la mention « Cheap-
side ». Cela veut dire qu’en 1735, la loge no 23 se réunissait dans la taverne de la Demi-Lune située
dans le quartier londonien de Cheapside. Or, que trouvons-nous dans la liste donnée par S. Prichard ?
Qu’en 1730 une loge portant le numéro 23 s’appelait « La Demi-Lune » et se réunissait dans Cheapside
les premier et troisième mardis de chaque mois.
Autre exemple : dans la liste de 1730 nous trouvons, au numéro 11, la loge de « la Tête de Reine »
qui se réunissait dans Knaves-acre les premier et troisième mercredis de chaque mois. Et dans le tableau
de 1735 on voit, au numéro 11, une enseigne constituée par un portrait de femme couronnée, accom-
pagnée de cette mention de lieu : « Knaves-acre ».
On retrouve en tout trente-cinq loges de la liste de 1730 dans le tableau de 1735. Certaines ont
entre-temps changé de numéro, mais pas de nom ni de lieu de tenue, comme la loge du « Cerf blanc »
qui se réunissait à Bishopsgate et portait les numéros 44 en 1730 et 45 en 1735. Cela ferait vraiment
trop de coïncidences : c’est bien de la maçonnerie de la Première Grande Loge dont nous parle S. Pri-
chard. Il faut d’ailleurs noter au passage qu’il y a, en plus des similitudes, des différences entre les deux
listes. En 1730 la liste comporte soixante-sept loges alors que le tableau de 1735 en donne cent vingt-
neuf, dont plusieurs d’ateliers supérieurs au grade de maître. Par ailleurs, sur les soixante-sept loges de
1730, trente-deux ont disparu (ou changé de nom ?) en 1735. Tout cela donne l’impression d’un
formidable bouillonnement et l’impression est encore plus forte si l’on continue les comparaisons en
utilisant la liste publiée à la fin de l’édition de 1738 des Constitutions d’Anderson.
Hiram enfin
Avec le manuscrit Graham (1726) on assistait au premier redressement d’un corps, mais ce n’était
pas encore du cadavre d’Hiram qu’il s’agissait. Depuis quand était-il question de cet assassinat dans la
franc-maçonnerie ? Dans Early masonic Pamphlets (p. 193), Knoop et Jones nous rapportent un texte
qui constitue une sorte de prospectus destiné à un public de maçons : « La Maçonnerie antédiluvienne ».
Ce document fait allusion au « fils d’une veuve, tué d’un coup de masse ». En 1723, le pasteur Anderson
mentionnait Hiram dans la première édition des Constitutions, mais ne soufflait mot de la destinée du
maître et de sa position de réfèrent dans le rituel d’élévation (p. 11-12, note). Il est vrai qu’en 1723,
la Première Grande Loge ne fonctionnait encore qu’avec un système à deux grades, ainsi qu’en témoigne
l’article IV des Constitutions de 1723.
Comment la mise au point, ou pour mieux dire la mise en rite, de la légende d’Hiram avait-elle
pu s’opérer ? Nous devons bien admettre que le processus est encore très mal connu et nous espérons
que des documents anciens restent à découvrir qui nous apprendront la vérité sur tout cela. Toutefois
il est possible de résumer la situation de la maçonnerie en 1730 de la façon suivante :
La Grande Loge de Londres, ou Première Grande Loge, fondée en 1717, avait débuté avec un
système à deux grades : l’apprenti et le compagnon ou maître ; le maître en titre étant le maître de la
loge, celui qui préside.
Par ailleurs, il existait un système à trois grades. Témoignent de l’existence de ce système les
manuscrits Trinity College (1711) et Graham (1726). En témoigne également un document de la loge
de Dumbarton Kilwinning, daté de 1726 et que nous rapporte Harry Carr (The Free Mason at Work,
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p. 274) : ce texte dit que le compagnon Gabraël Portefield a été reçu maître « après avoir renouvelé
son serment et payé son droit d’entrée ».
Si l’on admet que le grade de maître est apparu au terme d’une évolution, on peut considérer que
la manuscrit Graham (1726) nous donne un état primitif du grade : pas encore de meurtre, Noé tient
la place d’Hiram, mais on relève bien un corps. Dans cette perspective et compte tenu du fait que les
deux textes peuvent appartenir à deux « courants » différents, Masonry Dissected donne un état du rite
très avancé dans l’évolution du grade. Très avancé, mais pas encore achevé : les trois grades ont encore
entre eux des adhérences et la distinction de chaque grade par rapport aux autres n’est pas tout à fait
réalisée. Par exemple, l’apprenti reçoit deux mots alors que, quelques années plus tard, un de ces deux
mots sera attribué à l’apprenti, l’autre au compagnon. Autre exemple : Harry Carr (The Free-Masons
at Work, p. 104) souligne que d’après S. Prichard, c’est dans la Chambre du Milieu que se trouve la
lettre G et que le compagnon reçoit son salaire. Enfin, on verra en lisant Masonry Dissected que les cinq
points par lesquels on relève le maître, sont encore les cinq points « du compagnonnage ».
Ces quelques réflexions nous rendent évident le fait que les maçons spéculatifs ont intérêt à savoir
ce qu’est la maçonnerie opérative, la franc-maçonnerie ayant connu une mutation en passant de l’état
opératif à l’état spéculatif. Ce changement de nature qui a pris en tout et pour tout une vingtaine
d’années semble s’être accompagné de l’avènement du mythe d’Hiram dans le rituel du troisième grade.
Le judéo-christianisme de la maçonnerie
On verra dans Masonry Dissected que le livre sur lequel se prête l’obligation du maçon est la Bible.
La Bible est d’ailleurs la source de plusieurs éléments du catéchisme concernant le Temple de Salomon,
sa construction et certaines de ses parties. Le passage de la Bible, dans lequel se trouvent les mots, est
cité dès le grade d’apprenti et, bien sûr, le roi Salomon est cité dans le grade de maître. On trouve
également au grade d’apprenti la précision suivante : la loge est située dans la vallée de Josaphat, et si
elle est orientée c’est parce que toutes les églises et chapelles le sont. Au grade de compagnon la
description des colonnes est empruntée à la Bible et accompagnée de la référence biblique. Enfin,
toujours au grade de compagnon, il est expliqué que si les loges s’appellent loges de Saint-Jean, c’est
que celui-ci fut le prédécesseur du Sauveur et qu’il traça la première ligne parallèle à l’Évangile.
Tout cela donne à Masonry Dissected un caractère nettement judéo-chrétien. Cela ne doit pas
surprendre les maçons du XXe siècle, même s’ils ont acquis la conviction du contraire. Il nous semble
utile de faire ici la distinction entre ce qui est de l’ordre de la conviction ou de l’opinion, et ce qui est
de l’ordre de l’information. L’étude des textes anciens de la maçonnerie et des versions d’origine des
différents rites encore pratiqués à notre époque montre à l’évidence que la franc-maçonnerie est une
des formes d’expression de la tradition judéo-chrétienne, indépendamment des différentes convictions
et opinions qui ont pu se former à ce sujet et dont chacun est libre.
Dans les rituels de langue française cela est vrai même pour le plus récent des rites encore actifs
de nos jours, le Rite Écossais Ancien et Accepté, dont la plus ancienne version connue remonte au plus
tôt à 1804.
Dans ce rite, c’est sur la Bible qu’est prêtée l’obligation d’apprenti (Guide, p. 22 et 31) de même que
celles de compagnon et de maître (p. 62 et 89). L’hypothèse selon laquelle on pourrait remplacer la Bible,
non plus pour un impétrant mais en permanence, par divers livres tels que le Coran ou le Zend Avesta est
certes intéressante, mais ce serait sortir de son cadre propre le livre qui doit s’y trouver pour y insérer des
livres appartenant à d’autres traditions. Bien sûr, il existe une initiation chinoise Ming dans laquelle
l’impétrant pose le genou nu sur une équerre, mais cela ne prouve qu’une chose : que l’acte de construire
prête partout à sacralisation. Le premier homme qui construisit, fût-ce une cabane, fit sortir l’humanité des
cavernes. En cessant de vivre sous terre et dans les abris naturels, en accédant à la surface de l’ordre naturel
et en le modifiant par des constructions l’homme savait, comme les alchimistes, qu’il aidait la nature et que
la nature l’aidait. Construire c’était toucher à l’Œuvre de Dieu, mais aussi participer à celle-ci. Il est bien
normal qu’il ait été saisi de crainte et d’adoration tout à la fois, d’une part, et que ce comportement
fondamental n’ait pas été propre au monde occidental ni à la maçonnerie, d’autre part.
Les maçons du Rite Écossais Ancien et Accepté des origines n’utilisaient d’ailleurs pas la Bible
sans savoir ce qu’ils faisaient. Des signes de cette conscience apparaissent dans le corps du rituel dès le
grade d’apprenti :
– Pourquoi votre loge est-elle située est et ouest ?
– Parce que tous les temples le sont ainsi.
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– Pourquoi cela ?
– Parce que l’Évangile fut d’abord prêché dans l’est et s’étendit ensuite dans l’ouest. (Guide, p. 33.)
Et le maître de répondre :
– Parce que le lieu où je fus reçu était une terre sainte, sur laquelle Dieu dit à Moïse : « Ôte tes souliers, car le
lieu où tu marches est une terre sainte. »
Ce n’est donc pas à l’étourdie que le Rite Écossais Ancien et Accepté avait un caractère judéo-
chrétien : c’était témoigner de ses sources mêmes. C’est également évident pour le Rite Français et
encore plus pour le Rite Écossais Rectifié.
Ce ne sont pas là des remarques ponctuelles. Le Rite Écossais Ancien et Accepté plonge ses racines
dans la maçonnerie des « Anciens » et c’est même là ce qui lui valut son titre d’Ancien. Cette maçonnerie
des « Anciens » a été elle aussi victime d’une divulgation : en 1760 un ouvrage intitulé Trois Coups
distincts donnait une description complète de ce qu’était le rite des Anciens. Cela nous permet de
vérifier qu’en 1760, aux trois grades, on prêtait les obligations sur la Bible (Three Distinct Knocks, p. 19,
40 et 54) et que dès le grade d’apprenti, il était fait référence au roi Salomon et à la construction du
Temple (ibid., p. 30). Entre autres preuves de l’ancrage judéo-chrétien de ce rite des « Anciens », on
trouve, toujours au grade d’Apprenti, ces questions et réponses (p. 32) :
– Pourquoi, mon frère, onze font-ils une loge ?
– Parce qu’il y avait onze patriarches quand Joseph fut vendu en Égypte et qu’on le crut perdu.
– Quelle est la seconde raison mon frère ?
– Il n’y avait plus que onze apôtres après que Judas eut trahi le Christ.
Là encore si la maçonnerie décrite dans Trois Coups distincts ne doit rien au hasard quant à ses
sources, c’est bien que la maçonnerie britannique de 1760 descendait de celle de 1730 que Prichard
nous montre émerger dans un système à trois grades.
Ce qui n’était pas nouveau pour la maçonnerie de 1760 ne l’était pas davantage pour celle d’avant
1730. Il n’est pour le vérifier que de lire les textes anciens publiés en traduction dans ce cahier.
Il est clairement question de Noé, de Salomon et du Christ dans le manuscrit Graham de 1726.
Cela n’est d’ailleurs pas spécifique des textes anglais. Dans le manuscrit Dumfries (1710), peut-être
d’origine écossaise, les données extraites de l’Ancien et du Nouveau Testament abondent. Nous n’en
rappellerons que trois tirées des questions et réponses de ce catéchisme :
1) David prescrivait que les fondations du Temple fussent posées sur une « aire à blé, comme vous pouvez le lire
dans la Sainte Bible, où elle dénomma l’aire d’Oman le Jébuséen ».
2) Combien d’échelons y avait-il dans l’échelle de Jacob ?
– Trois.
– Lesquels ?
– Le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
3) Le Christ est le marbre blanc sans tache, la pierre que les bâtisseurs ont rejetée, mais que Dieu a choisie d’entre
les autres pour que le Temple puisse être construit.
Il n’est pas jusqu’aux textes écossais de 1696 et 1700 qui ne précisent que c’est sur la Bible que
l’on prête l’obligation du maçon. Ces deux manuscrits, Édimbourg (1696) et Chetwode Crawley (1700),
donnent même, en dépit de leur brièveté et de leur dépouillement, deux références bibliques pour les
mots J et B : I Rois, 7-21, et II Chroniques 3, dernier verset.
Nous ne citons même pas ici tous les textes anciens. Qu’on y aille voir : le manuscrit Sloane
(1700) et le manuscrit du Trinity College (1710) n’infirment pas notre thèse, bien au contraire. A
Mason’s Confession (1727) ou le manuscrit Wilkinson (1727). Une telle constance de la part des maçons,
de 1696 à 1804, n’a d’autre explication que celle que nous avancions au début de notre propos : la
maçonnerie est une des formes d’expression de la tradition judéo-chrétienne.
Ceci nous amène à une double réflexion.
Bien des maçons pensent que puisqu’il est interdit par les Constitutions d’Anderson (1723) d’être
un athée stupide, il suffit d’être un athée intelligent pour faire un maçon régulier. Nous n’avons pas
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la prétention d’être nous-même un très fort angliciste mais enfin, il faut être vraiment très faible en
langue anglaise pour donner dans le panneau.
Relisons Anderson : « ... If he rightly understands the Art, he will never be a stupid Atheist, nor an
irreligious Libertine. »
Si d’après cette phrase il est possible, selon certains traducteurs d’Anderson, d’être un athée intelli-
gent, il sera tout autant possible d’être un libertin religieux. Voilà ce qu’on gagne à philosopher prématu-
rément : la position de l’adjectif devant le substantif ne doit pas faire illusion, en anglais c’est la règle – ça
s’appelle de la syntaxe – et pour le pasteur Anderson et ses lecteurs anglophones, un athée est stupide tout
comme un libertin est irréligieux. Par suite, ni l’un ni l’autre ne pouvaient être maçons en 1723.
La seconde réflexion découle de la première. Il n’entre aucune part d’interprétation dans notre
traduction de la phrase d’Anderson citée plus haut, en voici la preuve. On s’est beaucoup servi de cette
phrase pour le plus grand profit des athées intelligents, mais aussi pour promouvoir une sorte de
« religion maçonnique » : la religion naturelle ou déisme. Cette religion naturelle serait sans révélation,
une religion d’avant les « opinions particulières » que sont par exemple le judaïsme et le christianisme.
Ce dernier point est exact, et c’est bien à la religion de Noé que pensait Anderson ; il le dit nettement
dans ses Constitutions de 1738. Mais il faut être aussi ignorant de la Bible que les athées intelligents le
sont de la syntaxe anglaise pour croire que le pasteur Anderson proposait une religion naturelle en 1723
et 1738 aux maçons de la Première Grande Loge. Il eût été étonnant en effet qu’un pasteur ne connaisse
pas la Bible et en l’occurrence les passages desquels il ressort que Noé, tout au long de son histoire, a
bénéficié de nombreuses révélations sur lesquelles il réglait ses actes. Noé ne marchait dans les voies du
Seigneur que parce que celles-ci lui étaient tracées d’en haut. Voici trois citations parmi bien d’autres
qui confirment ce que nous disons :
1) Alors Dieu dit à Noé : la fin de toute chair est arrêtée par-devers moi ; car ils ont rempli la terre de violence ;
voici, je vais les détruire avec la terre. Fais-toi une arche de bois de gopher ; tu disposeras cette arche en cellules,
et tu l’enduiras de poix en dedans et en dehors (Genèse, 6-13, 14).
2) L’Éternel dit à Noé : entre dans l’arche, toi et toute ta maison ; car je t’ai vu juste, devant moi parmi cette
génération (Genèse, 7-1).
3) Dieu parla encore à Noé et à ses fils avec lui, en disant : voici, j’établis mon alliance avec vous et avec votre
postérité après vous (Genèse, 9-8, 9).
Ainsi Noé, après avoir été sauvé grâce à l’avertissement de Dieu, devint l’ouvrier de Dieu en
servant à la création selon Ses directives. Si l’on admet que le pasteur Anderson avait lu la Bible, on
admettra aussi que la religion noachide dont il parlait en 1738 n’était pas le déisme. Cela méritait
d’être précisé avant que le lecteur n’entre, par la lecture de Samuel Prichard, dans les secrets et mystères
de la Maçonnerie du pasteur Anderson.
Traduction
La maçonnerie disséquée, ou la description authentique et universelle de toutes ses branches depuis
l’origine jusqu’aux temps présents ; telle qu’elle est transmise dans les loges régulièrement constituées
à la ville comme à la campagne, conformément aux divers grades de réception.
Donnant un récit fidèle de leur manière régulière d’initier les nouveaux membres aux trois grades
de la maçonnerie qui sont : 1 – apprenti entré, 2. – compagnon du métier, 3 – maître. À quoi se trouve
ajoutée la justification de l’auteur par lui-même.
Troisième édition.
Par Samuel Prichard ancien membre d’une loge constituée. Londres : imprimé pour J. Wilford, aux
Trois Fleurs-de-Lys derrière la maison du Chapitre près de Saint Paul. 1730
.
(Prix 6 pences.)
Serment
Samuel Prichard fait le serment, que la copie ci-jointe est une copie véritable et fidèle dans tous
les détails.
Jur’13. Die Oct. 1730. Coram me, R. Hopkins.
Sam. Prichard.
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Dédicace
À la très Vénérable et Honorable Fraternité des maçons libres et acceptés.
Frères et compagnons.
Si les pages qui suivent, écrites sans parti pris, gagnent l’approbation universelle d’une société
aussi estimable, je suis sûr que le caractère général de celle-ci se répandra et sera estimé par ce qui reste
d’humanité civilisée : ce qui, je l’espère, donnera entière satisfaction à tous les amoureux de la Vérité.
Et je resterai, en toute modestie et soumission, le très humble et obéissant serviteur de la Fraternité.
Sam. Prichard.
La Maçonnerie disséquée
L’institution originelle de la maçonnerie constitue la fondation des arts libéraux et des sciences,
mais plus spécialement du cinquième c’est-à-dire de la Géométrie. Ainsi lors de la construction de la
tour de Babel l’art et le mystère de la maçonnerie furent mis en œuvre pour la première fois, puis
transmis par Euclide, un digne et excellent mathématicien égyptien, qui les communiqua à Hiram le
maître maçon attaché à la construction du Temple de Salomon à Jérusalem. Là se trouvait un excellent
et singulier maçon qui était le chef travaillant sous les ordres du grand maître Hiram, dont le nom
était Mannon Grecus, qui enseigna la maçonnerie à Carolos Marcil en France. Celui-ci fut par la suite
élu roi de France et de là, la maçonnerie fut apportée en Angleterre, au temps du roi Athelstone qui
ordonna qu’une assemblée se tienne chaque année à York. Ce fut l’introduction de la maçonnerie en
Angleterre et les maçons étaient reçus de la manière suivante :
Tunc unus ex Senioribus teneat Librum, ut illi vel ille ponant vel ponat Manus supra Librum ; tum
Praecepta debeant Legi.
C’est-à-dire : tandis qu’un des anciens tenait le livre, sur lequel le ou les [maçons reçus] posaient
la main, et que le maître devait lire les lois ou devoirs.
Ces devoirs étaient que les maçons devaient être fidèles les uns envers les autres sans exception,
et étaient obligés de soulager les misères de leurs frères et compagnons, ou de leur procurer du travail
et de les rémunérer en conséquence.
Mais ces derniers temps, la maçonnerie n’est plus composée d’artisans, comme c’était le cas dans
son état primitif quand quelques questions de catéchisme 1 étaient nécessaires pour déclarer un homme
suffisamment qualifié pour être maçon opératif.
Les mots de maçonnerie libre et acceptée (comme c’est le cas maintenant) n’ont jamais été entendus
jusqu’à il y a quelques années. Jusqu’en 1691 on n’avait pas entendu parler de loge constituée ni de
communication trimestrielle, quand des lords et des ducs, des juristes et des commerçants, et d’autres
marchands de classe inférieure, sans oublier les portiers, furent admis à ce mystère ou non-mystère.
Ceux de la plus haute catégorie étant reçus à un tarif élevé, les suivants à un prix modéré, et les
derniers aux prix de six ou sept shillings.
Moyennant cela ils reçoivent cette marque d’honneur qui est (à ce qu’ils disent) plus ancienne et
honorable que l’Étoile et la Jarretière, et dont l’ancienneté est attestée, d’après les règles de la maçonnerie
telles qu’elles sont données par leur tradition, depuis Adam lui-même. Là-dessus je laisserai au candide
lecteur le soin de se prononcer.
Les maçons réels descendaient des maçons acceptés, et les gormogons des uns comme des autres.
Le grand maître de ces derniers, Volgi, déduit que leur origine est chinoise, et ses écrits, si l’on peut
leur accorder crédit, soutiennent l’hypothèse des pré-adamites et par conséquent les gormogons doivent
être plus anciens que la maçonnerie.
La société la plus libre et la plus ouverte est celle du Grand Kaihebar, qui consiste en une société
choisie de gens sérieux dont la conversation concerne surtout le commerce et les affaires et l’encoura-
gement de la fraternité mutuelle sans contrainte ni restriction.
Mais si après son admission aux secrets de la maçonnerie, un nouveau frère devait éprouver de
l’aversion pour ses procédés, et réfléchissant sur son cas et sur le fait d’avoir été si facilement délesté
de son argent, rejetait la confrérie ou s’en éloignait de lui-même à cause du compte des dépenses
trimestrielles de la loge et des communications trimestrielles, en dépit du fait d’avoir été reçu régle-
mentairement dans une loge régulièrement constituée ; il se verrait refuser le privilège (en tant que frère
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visiteur) de participer aux mystères pour lesquels il aurait déjà payé. Ceci est une contradiction manifeste
étant donné ce qu’est la maçonnerie même ; ce qui paraîtra évident dans le traité suivant.
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– Il me reçut maçon.
– Comment vous reçut-il maçon ?
– Avec mon genou dénudé, fléchi, le corps en équerre, le compas ouvert sur le sein gauche
dénudé, la main droite nue sur la sainte Bible.
Là je pris l’obligation (ou serment) du maçon.
– Pouvez-vous répéter cette obligation ?
– Je ferai mon possible.
(L’obligation est comme suit).
Moi, par ceci, je promets et je jure, en présence de Dieu tout-puissant et de cette juste et respectable assemblée,
de garder et cacher, et de ne jamais révéler les secrets et mystères des maçons et de la maçonnerie qui me seront
révélés. Sauf à un frère véritable et régulier, après un examen rigoureux, ou dans une juste et respectable loge de
frères et compagnons régulièrement assemblés. En outre je promets et jure de ne pas les écrire, imprimer, marquer,
ciseler ou graver, ni de les faire écrire, imprimer, marquer, ciseler ou graver sur le bois ou la pierre, de sorte que
le caractère visible ou l’impression d’une lettre pourrait apparaître, par quoi ils pourraient être obtenus irrégu-
lièrement.
Tout cela sous une peine qui ne serait pas moindre que d’avoir la gorge tranchée, la langue arrachée du fond de
la bouche, le cœur arraché du sein gauche, pour qu’ils soient enfouis dans les sables de la mer, à une encablure
de la plage, là où la marée descend et monte deux fois en vingt-quatre heures ; mon corps devant être réduit en
cendres, mes cendres dispersées à la surface de la terre, de sorte qu’il n’y ait plus souvenance de moi parmi les
maçons.
Ainsi que Dieu me soit en aide.
– Quelle est la forme de la loge ?
– Un carré long.
– Quelle est sa longueur ?
– D’est en ouest.
– Quelle est sa largeur ?
– Du nord au sud.
– Quelle est sa hauteur ?
– Des pouces, des pieds et des yards innombrables qui vont jusqu’aux cieux.
– Quelle est sa profondeur ?
– Jusqu’au centre de la terre.
– Où se tient la loge ?
– Sur une terre sacrée, ou sur la plus haute colline, ou la plus profonde vallée, ou dans la vallée
de Josaphat, ou encore dans tout autre endroit secret.
– Comment est-elle disposée ?
– Exactement d’est en ouest.
– Pourquoi cela ?
– Parce que toutes les églises et chapelles sont ou devraient être ainsi disposées.
– Qu’est-ce qui soutient une loge ?
– Trois piliers.
– Comment s’appellent-ils ?
– Sagesse, Force et Beauté.
– Pourquoi cela ?
– La Sagesse pour inventer, la Force pour soutenir et la Beauté pour orner.
– Comment votre loge est-elle couverte ?
– Par un dais de nuages de diverses couleurs (ou les nuages).
– Avez-vous des meubles 2 dans votre loge ?
– Oui.
– Lesquels ?
– Le pavé mosaïque, l’étoile flamboyante et la houppe dentelée.
– Que sont-ils ?
– Le pavé mosaïque est le sol de la loge, l’étoile flamboyante en est le centre et la houppe dentelée
la bordure qui l’entoure.
– Que sont les autres meubles2 de la loge ?
– La Bible, le Compas et l’Équerre.
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N.B. : Ces lumières sont trois chandelles posées sur de grands chandeliers.
– Pourquoi cela ?
– Le Soleil pour présider au jour, la lune à la nuit, et le maître maçon à sa loge.
– Avez-vous des lumières immobiles dans votre loge ?
– Oui.
– Combien ?
– Trois.
Ces lumières immobiles sont trois fenêtres censées (bien qu’inutilement) exister dans tout local
où se tient une loge, mais ce sont plutôt les quatre points cardinaux, selon les anciennes règles de la
maçonnerie.
– Où sont-elles situées ?
– À l’est, au sud et à l’ouest.
– À quoi servent-elles ?
– À éclairer les hommes avant, pendant et après leur travail.
– Pourquoi n’y a-t-il pas de lumière au nord ?
– Parce que le soleil n’envoie pas de rayons de cette direction.
– Où se tient le maître ?
– À l’est.
– Pourquoi cela ?
– Comme le soleil se lève à l’est et ouvre le jour, le maître se tient à l’est (avec sa main droite
sur le sein gauche formant un signe, et l’équerre pendue à son cou) pour ouvrir la loge et mettre ses
ouvriers au travail.
– Où se tiennent les surveillants ?
– À l’ouest.
– Quel est leur travail ?
– Comme le soleil se couche à l’ouest pour clore le jour, les surveillants se tiennent à l’ouest (avec
leur main droite sur le sein gauche formant un signe, et le niveau et le fil à plomb pendus à leur cou)
pour fermer la loge, renvoyer les ouvriers du travail et leur verser leur salaire.
– Où se tient le plus ancien apprenti entré ?
– Au sud.
– Quel est son travail ?
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N.B. : La clé est la langue, la boîte d’os les dents et le câble le palais.
N.B. : La veste jaune c’est le compas et la culotte bleue les pointes d’acier du compas.
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Réponse : Étendre les quatre doigts de la main droite et les retirer en travers de la gorge. C’est le
signe qui constitue une demande d’attouchement.
N.B. : Un attouchement se fait en joignant le bout du pouce de la main droite sur la première
phalange de l’index de la main droite du frère qui demande le mot5.
– Donnez-moi le Mot.
– Je l’épellerai avec vous.
N.B. : BOAZ et JACHIN étaient deux colonnes du porche du Temple de Salomon (I Roi, VII, 21).
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N.B. : Le signe se fait en mettant la main droite sur le sein gauche, l’attouchement en prenant la
main droite de la personne qui fait la demande et en pressant avec l’extrémité du pouce sur la première
phalange de son médius ; et le mot est JACHIM.
La transmission de la lettre G
Le tuilé . – Au milieu du Temple de Salomon se trouve la lettre G,
Une lettre bonne à lire et à voir pour tous,
Mais rares sont ceux qui comprennent,
Ce que signifie la lettre G.
Le tuileur. – Mon ami, si vous prétendez
Appartenir à cette fraternité
Vous pouvez dire tout de suite et avec exactitude
Ce que signifie cette lettre G.
Le tuilé . – Des corps de différentes sortes
Sont découverts par la science,
Qui paraissent dans leur perfection,
Mais personne sauf un homme ne saura ma pensée.
Le tuileur. – Celui qui est Juste saura.
Le tuilé . – S’il est Respectable.
Le tuileur. – Je suis à la fois Juste et Respectable,
J’ai mission de vous demander
De m’éclaircir tout de suite,
Puisque je peux vous comprendre.
Le tuilé . – Par quatre lettres et la cinquième science,
Ce G véritable repose
Sur les règles de l’art et sur la proportion,
Vous avez votre réponse mon Frère.
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N.B. : Les quatre lettres sont BOAZ. La cinquième science est la Géométrie.
Le tuileur. – Mon ami, vous répondez bien,
Si vous me donnez les principes justes et libres
Je changerai votre titre d’ami
Dorénavant pour celui de frère,
Le tuilé . – Les sciences sont bien ordonnées
Selon la noble structure de la poésie
Un point, une ligne et une étendue,
Mais la fin est un solide.
– Que le Salut de Dieu soit sur notre heureuse réunion.
– Et sur tous les justes et respectables frères et compagnons.
– De la juste, respectable et sainte loge de Saint-Jean.
– D’où je viens.
– Je vous salue, je vous salue, je vous salue par trois fois de bon cœur et désire connaître votre
nom.
– Timothy Ridicule.
– Bienvenue mon frère par la Grâce de Dieu.
N.B. : La raison pour laquelle ils se disent membres de la sainte loge de Saint-Jean est qu’il fut le
précurseur du Sauveur et traça la première ligne parallèle à l’Évangile. (D’autres assurent que notre
Sauveur lui-même fut reçu franc-maçon, du temps où le Verbe s’était fait chair.) Mais bien que cela
semble ridicule et profane, je laisse au sage lecteur le soin de juger.
Fin de la partie du compagnon du métier.
Le grade de maître
– Êtes-vous maître maçon ?
– Je le suis, vérifiez-le, éprouvez-moi et réfutez-le si vous le pouvez.
– Où avez-vous été reçu maître 8 ?
– Dans une parfaite loge de maîtres.
– Qu’est-ce qui fait une parfaite loge de maîtres ?
– Trois.
– Comment êtes-vous parvenu à devenir maître ?
– Avec l’aide de Dieu, de l’équerre et de mon propre travail.
– Comment avez-vous été fait maître ?
– De l’équerre au compas.
– Je présume que vous avez été apprenti entré.
– J’ai vu JACHIN ET BOAZ.
– Si vous voulez être maître maçon, vous devez bien comprendre la règle de trois. Et M.B. vous
rendra libre : et tout ce que vous attendez de la maçonnerie, vous sera montré dans cette loge.
– Je comprends la vraie maçonnerie. Les clés de toutes les loges sont en mon pouvoir.
– Vous êtes un héroïque compagnon ; d’où venez-vous ?
– De l’est.
– Où allez-vous ?
– À l’ouest.
– Qu’allez-vous y faire ?
– Je vais y chercher ce qui était perdu et qui est maintenant retrouvé.
– Qu’est-ce donc qui était perdu et qui est maintenant retrouvé ?
– Le mot de maître maçon.
– Comment fut-il perdu ?
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N.B. : Quand Hiram fut exhumé, ils le saisirent par l’index et la peau se détacha. C’est ce qu’on
appelle l’arrachement. Saisir la main droite et placer le médius sous le poignet [de la personne dont on
prend la main], placer l’index et l’annulaire sur les côtés du poignet. C’est ce qu’on appelle la griffe.
Le signe se fait en mettant le pouce de la main droite sur le sein gauche, les doigts étendus.
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FINIS
1. Les Armes du Roi, dans Saint Paul’s Church Yard. 1er et 3e lundis de chaque mois. Constituée en
1691.
2. La Rose et le Taureau, contre l’auberge Furnival, Holborn. 1er mercredi. 1712.
3. La Taverne de la Corne, à Westminster. 3e vendredi.
4. Le Cygne, Hampstead. 1er et 3e samedis. 17 janv. 1722.
5. Les Trois Cygnes, dans Poultry. 2e vendredi. 11 juillet 1721.
6. Le Café de Tom, dans Clare Street près Clare Market. 2e et 4e mardis. 19 janv. 1722.
7. La Coupe, dans Queen Street, Cheapside. 2e et 4e jeudis. 28 janv. 1722.
8. La Taverne du Diable, à Temple Bar. 2e mardi. 25 avril 1722.
9. Le Tonneau, dans Noble Street. 1er et 3e mercredis. Mai 1722.
10. Le Lion et le Bouclier, dans Brewer Street. Dernier jeudi. 25 nov. 1722.
11. La Tête de Reine, dans Knaves Acre. 1er et 3e mercredis. 27 février 1722-3.
12. Les Trois Tonneaux, dans Swithin’s Alley. 1er mardi. 27 mars 1723.
13. L’Ancre, dans Dutchy Lane. 2e vendredi et dernier lundi. 28 mars 1723.
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14. La Tête de Reine, dans Great Queenstreet. 1er et 3e lundis. 30 mars 1723.
16. Le Lion Rouge, dans Tottenham Court Road. 3e lundi. 3 avril 1723.
17. Le Taureau et la Jarretière, dans Bloomsbury. 1er et 3e jeudis. 1723.
18. La Couronne et le Coussin, à Ludgate Hill. 1er mercredi. 5 mai 1723.
19. Le Dragon vert, à Snow Hill. 1er et 3e lundis. 1723.
20. Le Dauphin, dans Tower Street. 3e mercredi. 12 juin 1723.
21. La Tête de Baudet, dans Prince’s Street, Drury Lane. 2e et dernier jeudis.
22. Le Navire, à Fish Street Hill. 1er vendredi. 11 septembre 1724.
23. La Demi-Lune, dans Cheapside. 1er et 3e mardis. 11 septembre 1723.
24. La Couronne, hors les murs à Cripplegate. 2e et 4e vendredis.
25. La Mitre, à Greenwich. Dernier samedi. 24 décembre 1723.
26. Les Armes du Roi, dans le Strand. 4e mardi. 25 mars 1724.
27. La Couronne et le Sceptre, dans St Martin’s Lane. 2e et dernier lundis. 27 mars 1734.
28. La Tête de Reine, dans la ville de Bath. Dernier jeudi.
29. La Tête de Reine, dans la ville de Norwich.
30. Le Cygne, dans la ville de Chichester. 3e vendredi.
31. Le Taureau Pie, dans Northgate Street, Ville de Chester.
32. Le Château et le Faucon, dans Watergate Street, ville de Chester.
33. La Tête de Baudet, dans Carmarthen, Galles du Sud.
34. Les Armes de l’East India, à Gosport dans le Hampshire. 2e jeudi à 3 heures.
35. L’Ange, à Congleton dans le Cheshire.
36. Les Trois Tonneaux, dans Wood Street. 1er et 3e jeudis. Juillet 1724.
37. Le Cygne, à Tottenham High Cross. 2e et 4e samedis. 22 janvier 1725.
38. Le Cygne et la Coupe, dans Finch Lane. 2e et dernier mercredis. Février 1725.
39. La Tête de St-Paul, dans Ludgate Street. 2e et 4e lundis. Avril 1725.
40. Le Sarment de Vigne, dans Holborn. 1er lundi. 10 mai 1725.
41. La Tête d’Henry VIII, dans St Andrew Street, près des sept cadrans.4e lundi.
42. La Rose, à Mary-la-Bone. 1er lundi l’hiver et 3e lundi l’été. 25 mai 1725.
43. Le Cygne, dans Grafton Street, Ste Anne, Soho. 1er et dernier mercredis. Septembre 1725.
44. Le Cerf Blanc, hors les murs à Bishopsgate. 1er mardi. 19 janvier 1726.
45. Le Café Mount, dans Grosvenor Street, près de Hanover Square. 1er mercredi. 12 janvier 1727.
46. Les Trois Couronnes, à Stoke Newington. 1er samedi. 9 août 1727.
47. La Tête de Roi, à Salford, près de Manchester. 1er lundi.
48. Le Château, dans Holborn. 2e et dernier mercredis. 31 janvier 1727-8.
49. Les Trois Fleurs de Lys, dans St Bernard Street, à Marid. 1er dimanche.
50. Le Sac de Coton, dans Warwick. 1er et 3e vendredis. 22 avril 1728.
51. Le Café de Bishopsgate. 1er et 3e mercredis. 1728.
52. La Rose et la Couronne, dans Greek Street, à Soho. 1er et 3e vendredis. 1728.
53. Le Lion Blanc, à Richmond. 1er et 3e samedis à midi.
54. La Couronne et l’Ancre, dans Shorts Gardens.
55. La Tête de la Reine Elizabeth, dans Pittfield Street à Hoxton. 1er et 3e lundis.
56. La Couronne, dans la Halle aux blés, à Oxford. Chaque jeudi. 8 août 1729.
57. Les Trois Tonneaux, à Scarsborough. 1er mercredi. 7 août 1729.
58. Les Trois Tonneaux, à Billingsgate. 2e et 4e jeudis. 22 janvier 1730.
59. Les Armes du Roi, dans Cateton Street. 1er et 3e vendredis. 24 janvier 1730.
60. George, à Northampton. 1er samedi. 16 janvier 1730.
61. Prince William, à Charing Cross. 2e et 4e lundis. 26 février 1730.
62. L’Ours, dans Butcher Row. 1er et 3e vendredis. 6 mars 1730.
63. La Colline St Roch, près de Chichester dans le Sussex. Une fois l’an, c’est-à-dire le mardi de la
semaine de Pâques. Sous le règne de Jules César.
64. Le Lion Rouge, dans la ville de Canterbury. 1er et 3e mardis. 3 avril 1730.
65. Le Café de Dick, dans Gravel Street à Hatton garden. Dernier jeudi. 16 avril 1730.
66. Les Clous Dorés, à Hamstead. 2e et 4e samedis. 28 avril 1730.
67. La Tête de Roi, dans Fleet Street. 2e et 4e vendredis. 22 mai 1730.
Traduction nouvelle de Gilles Pasquier.
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NOTES
1. Catechetical : de catéchèse. Nous nous sommes risqué à traduire par catéchisme car les problèmes de catéchèse sont le fait de
clercs, alors que les questions que l’on peut poser à un candidat maçon ne peuvent être de catéchèse, mais de catéchisme.
2. On comprendra que le terme furnitures ne pouvait mieux se traduire que par « meubles ». Étant donné ce que sont ici les
meubles, il n’était pas sans intérêt de nous en tenir à ce terme qui possède, entre autres, un sens héraldique.
3. Rough ashler. Ashler désigne une pierre taillée utilisée pour la face extérieure du mur, ou pierre cubique. (Early Masonic Catechisms
p. 241.) Le terme rough suggère qu’il s’agit d’une pierre dure, propre à l’appareil du mur.
4. Broach’d thurnel. C’est une corruption de broached ornel : une pierre assez tendre travaillée au ciseau ou à la laie (EMC, p. 241).
Le travail à la laie ne donne pas une pierre polie, c’est pourquoi nous traduisons par le terme de « pierre dégrossie ».
5. On remarquera les nombreuses erreurs que comportent le signe, l’attouchement et les mots.
6. Notre traduction est de nature à ne pas dérouter les maçons de langue française. Il convient toutefois de noter qu’en anglais
la phrase est : « For the sake of the letter G. » Cela pourrait se traduire par : « Pour l’amour de la lettre G. » C’est là une traduction
extrême mais le caractère polysémique de sake devait laisser ce sens présent à l’esprit du maçon de 1730.
7. « Combien ? » juste après la question des escaliers, constituait un coq-à-l’âne incompréhensible. C’est pourquoi nous avons
ajouté entre crochets un complément explicatif autorisé par la suite du texte.
8. Where was you pass’d Master ? dit le texte anglais. Il ne s’agit pas pour autant de devenir « passé maître » mais simplement d’être
reçu maître. L’expression est cependant à retenir car les « passed masters » apparaîtront quelques années plus tard dans la
Franc-Maçonnerie.
9. Nous soumettons bien volontiers cette réplique à la discussion des anglicistes : « A Setting Maul, Setting Tool and Setting Beadle. »
Beadle est sans doute une altération de beetle (masse). Quant à setting tool, « outil de pose », nous avons cru pouvoir le traduire
par « niveau ». On pourrait aussi le traduire par « levier », dans la mesure où le verbe to set signifie « poser » mais aussi « mettre
en place ».
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Dans notre préface à ce cahier, nous n’avions pas abordé l’influence de la pensée philosophique
renaissante sur l’art de la construction. Nous souhaitions, en effet, réserver cette partie à ce tremplin
vers l’avenir que doit toujours être une conclusion. Comment ne pas évoquer, fut-ce trop brièvement,
le retentissement de toutes les découvertes dans l’ordre de la pensée qui, partant souvent d’Italie,
circulèrent dans toute l’Europe, et cela dès le XIVe siècle ? La liaison des théories architecturales et de
l’humanisme est, à cette époque, évidente et prend le relais de la pensée ecclésiastique médiévale sans
se soustraire pour autant au christianisme ambiant 1.
La vieille question : « Giotto a-t-il pu connaître l’œuvre de Vitruve ? » est aujourd’hui dépassée.
Il s’avère, en effet, que contrairement aux affirmations du siècle dernier nous savons que le Moyen Âge
n’a jamais oublié le De Architectura, même s’il n’en connut pas les dix Livres et si ce fut à travers des
manuscrits. Néanmoins, le renouveau prodigieux du traité date de la publication en 1486 de l’ensemble
de l’œuvre par G. Sulpicio et Pomponio Leto. Or, c’est en 1485 que le De re aedifi catoria de Leon
Battista Alberti est imprimé ; coïncidence de dates qui est loin d’être fortuite. D’ailleurs, lorsque Bru-
nelleschi aborde en 1417 le problème de la construction de la coupole de la cathédrale Sainte-Marie-
des-Fleurs à Florence, c’est après avoir étudié à Rome les monuments antiques, reprenant ainsi sur le
motif les théories architecturales vitruviennes. Arnolfo di Cambio avait conçu cette cathédrale à la fin
du XIIIe siècle et l’avait fait élever jusqu’au tambour durant le XIVe, à la même époque où Giotto dressait
son campanile au cœur de la cité. Ainsi, lorsque Brunelleschi doit achever le monument et propose la
coupole, il stupéfie par l’audace de sa technique qui est, en fait, issue principalement de ses études
relatives aux systèmes de maçonnerie romaine ; par exemple, les assises de briques disposées en arête de
poisson. Mais, plus encore, cette coupole prend figure de symbole dans la mesure où, ne pesant plus
sur l’édifice mais se déployant vers le haut par la tension de son profil ogival, elle se dégage des principes
architecturaux codifiés par l’usage autant que par le clergé. C’est à la chapelle des Pazzi à Florence que
cette « révolution sous forme de retour à l’antique » atteindra sa maturité.
Alberti, lorsqu’il rencontre vers 1430 les œuvres de Brunelleschi, mais aussi de Masaccio et de
Donatello, comprend de quelle manifestation profonde il s’agit. Dans le De re aedificatoria, il se veut
un nouveau Vitruve, reprenant deux idées majeures de son modèle : les parties et l’ensemble d’un
édifice doivent être soumis à des proportions justes, et ces proportions doivent être analogiques à celles
de l’homme. « Que les proportions règnent sur les parties, afin qu’elles aient l’apparence d’un corps
entier et parfait, et non celle de membres disjoints et inachevés. » De même, l’édifice devra rentrer
dans des ensembles conçus pour le recevoir et l’harmoniser. C’est le retour à un urbanisme. Les bâtiments
civils y tiendront une place aussi éminente que les constructions religieuses. Ce sont là les pensées d’un
ingénieur philosophe que ne reniera pas plus tard un Léonard.
Or, tandis qu’en 1453 Constantinople tombe aux mains des Turcs de Mohammed II, Nicolas de
Cuse écrit son De pace fidei qui tente de prouver l’existence d’une croyance en un même et unique Dieu
au-delà de la diversité des croyances et des rites, Marsile Ficin compose La Théologie platonicienne 2. Com-
manditée par Cosme de Médicis, dit l’Ancien, l’Académie florentine pose les bases d’un humanisme fondé
sur le néo-platonisme, la kabbale et l’hermétisme alexandrin. Ficin traduit Platon et s’interrompt provi-
soirement pour le Corpus Hermeticum 3 tandis que Pic de La Mirandole se veut théoricien de la pensée et
place l’intellect au niveau de l’universel, allant jusqu’à écrire dans ses « Conclusiones » (Opera, 71) : « L’intel-
lect agent n’est rien d’autre que Dieu. » C’est dans cette perspective qu’il convient de placer son intérêt
pour la Kabbale juive qu’il va christianiser, car pour lui c’est seulement à travers un système intellectuel
architecturé que l’homme peut approcher des mystères, lesquels ne sont tels que par notre inadéquation
à concevoir une philosophie naturelle suffisamment irriguée par la spéculation et les mythes. Ainsi, pour
Pic, la kabbale est un pont entre le christianisme et le néo-platonisme d’un Plotin 4.
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Que ces fermentations d’idées complexes et généreuses aient été jugulées ou gauchies par la Réforme
et la Contre-Réforme n’enlève rien au fait qu’à travers l’Europe tout un courant nouveau se mit en
marche qui prendra les formes les plus diverses mais qui, de Campanella à Bruno, de Paracelse à
Andreae, de Fludd à More, ou encore de Boehme à Marino, attestera d’une vitalité contrariée mais
subtilement tenace. Ce courant nouveau partagé par une élite dispersée et hétérogène ne pouvait former
une école ni un cénacle. L’utopie « Rose-Croix » est là pour le montrer, car il est historiquement certain
qu’à cette époque aucun mouvement constitué de ce nom n’a existé. Rosencreutz est un mythe, mais
comme, tous les mythes il témoigne de préoccupations majeures et les signifie sous le voile du symbole.
Descartes lui-même s’y trompa qui courut à la cour de Christine de Suède pour y trouver un Rose-Croix
et n’y rencontra qu’un grand froid dont il mourut. De même, lorsque Valentin Andreae jeune étudiant
écrivit sa Fama Fraternitatis benedicti Ordinis Rosae-Crucis, publié en 1614, il inventa une « constitu-
tion » destinée à remplacer un vide à la mode, regroupant alchimistes, astrologues, philosophes hermé-
tistes, théosophes sous une même houlette imaginaire mais combien désirée par les intellectuels
« libres-penseurs » – nous dirions aujourd’hui, pour leur époque, « progressistes » 5 !
La traduction en anglais de la Fama Fraternitatis fut publiée en 1652 par Thomas Vaughan,
célèbre alchimiste mieux connu sous le nom d’Eugenius Philalethes, ce qui déclencha en Grande-
Bretagne une polémique pour ou contre la Rose-Croix – l’essentiel demeurant dans l’absence même de
cette société fantôme dont on peut dire que son retentissement vint de son silence puisque certains
pensaient qu’il recouvrait un formidable secret, rien moins sans doute que celui de la Pierre Philoso-
phale...
Or, après le divorce de l’Église anglaise et de la Papauté, du temps d’Henry VIII, les confréries
religieuses (guildes et fraternités) avaient été dissoutes. Elles semblaient, en effet, garder des traditions
proprement issues de Rome qui déplaisaient aux séparatistes. Naturellement, comme le souligne George
Unwin dans Gilds and Companies of London, la cessation des coutumes et, en particulier, des fêtes des
saints patrons, fut mal ressentie par les membres les plus dévots et les plus conservateurs de ces confréries.
Un ensemble de traditions menaçait de disparaître. Ainsi, tandis que ces sociétés pieuses cessaient
officiellement toute activité, certaines d’entre elles se reconstituaient dans le secret 6.
Les dates sont instructives à cet égard. En 1534 le Parlement nomme Henry VIII chef suprême
universel de l’Église anglaise. Les monastères suspects de « papisme » sont mis à sac en 1538. L’acte
dissolvant les fraternités religieuses est signé en 1547. En 1646 apparaît la mention d’une franc-
maçonnerie préspéculative avec la fameuse note d’Elias Ashmole annonçant qu’il vient d’être fait maçon.
Entre la dissolution des fraternités et l’accession avérée d’un non-opératif dans la maçonnerie il s’est
écoulé moins d’un siècle. Reste à tenter de comprendre ce qu’un Elias Ashmole pouvait bien chercher
effectivement dans une assemblée de travailleurs du bâtiment s’ils n’avaient été que cela, lui dont nous
connaissons les capacités intellectuelles. Historien de l’ordre de la Jarretière, il fut un collectionneur et
un commentateur d’antiquités appréciable. Auteur d’ouvrages d’alchimie, il s’intéresse à l’astrologie.
De plus, l’ouvrage sur la Rose-Croix de Michael Maier, traduit de l’allemand en anglais et publié en
1656, lui est dédié. Serait-ce qu’Ashmole aurait été affilié à de supposés rosicruciens allemands et serait
rentré dans une loge opérative pour y faire pénétrer les idées, voire des rituels Rose-Croix ?
Cette hypothèse ne tient pas. En effet, lorsque Ashmole reçoit l’initiation du métier, en 1646 à
Warrington, il ne s’intéresse pas encore à ces questions ainsi que nous le laisse clairement voir son
Journal. Tout au contraire, il apparaît bien que c’est à partir de cette date que, peu à peu, il va
approfondir ce type de notions. D’ailleurs, répétons-le, personne n’a jamais prouvé qu’à cette même
époque des rituels Rose-Croix aient existé en Allemagne ou ailleurs. Un non-opératif accepté en maçon-
nerie dans les années 1600 ne serait-il pas venu y chercher un dépôt qu’il supposait y trouver caché ?
Un rite mystagogique, s’il avait été effectivement administré dans les loges, n’aurait-il pas eu de quoi
attirer un esprit curieux ? Et ce rite ne viendrait-il pas d’une confrérie dissoute et, en particulier, de la
confrérie même des maçons ? Les témoignages que nous avons apportés dans l’introduction semblent
converger dans ce sens mais nous nous garderons d’aller plus loin.
On peut, en effet, estimer que des personnalités non opératives étaient acceptées en maçonnerie
afin de donner du lustre à la société, peut-être même pour lui servir de sauvegarde financière ou morale.
C’est ainsi qu’en Écosse la pratique était courante d’admettre des aristocrates ou des personnages
célèbres : en 1634, Lord Alexander dans la loge d’Édimbourg ; en 1640, le général d’artillerie du
royaume, Alexander Hamilton ; en 1667, Sir Patrick Hume of Polwart. Mais rien ne nous apprend si
oui ou non ils ne furent admis qu’au grade de fellow of craft, de compagnon du métier, comme ce fut
le cas d’Anderson.
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Cela dit, la création de la Grande Loge de Londres à la date de 1717 est également sujette à
caution 7. Bien qu’elle soit traditionnellement admise en cette année-là, nous n’avons que deux témoi-
gnages à cet endroit : celui d’Anderson, qui ne prit aucune part à l’événement et qui n’en parle que
vingt-deux ans plus tard dans la seconde édition de ses Constitutions ; et celui d’un anonyme qui en
1763 publia The Complete Freemason ; or Multa Paucis for Lovers of Secrets. C’est peu et c’est tardif.
Aussi les spécialistes préfèrent-ils dater la naissance certaine de la maçonnerie spéculative en 1730,
l’année de la publication de Masonry Dissected de Samuel Prichard. On sait aujourd’hui, par exemple,
que l’une des quatre loges qui auraient, selon Anderson, formé cette Grande Loge, « At Rummer and
Grapes Tavern » à Channel Row, Westminster, n’avait aucun rapport avec la maçonnerie opérative.
En 1723, on y trouve le duc de Richmond. C’est d’elle que sortiront le second grand maître (Payne)
et le troisième (Desaguliers). Anderson, comme par hasard, en était membre. Dès lors, on comprend
mieux encore les réticences des Anciens qui accusèrent ces loges « modernes » de s’être accaparé le titre
et le pouvoir de Grande Loge alors qu’elles étaient issues de « maçons acceptés » et non d’opératifs.
Autrement dit, et pour parler clairement, il semble assuré que ces quatre loges, en constituant la Grande
Loge de Londres, aient surtout permis aux spéculatifs de mettre en œuvre pour leur compte une tradition
dont ils n’avaient reçu que des fragments. D’ailleurs, si ces quatre fameuses loges (sises à Westminster
ou aux environs) se sont réellement unies en 1717 comme l’affirme Anderson, nous n’avons pas connais-
sance qu’elles aient vu d’autres loges se joindre à elles durant au moins trois années, ce qui est curieux,
En revanche, dans le répertoire de 1725, la Grande Loge de Londres dénombre brusquement soixante-
quatre loges, dont cinquante à Londres. Les maçons opératifs n’y sont plus majoritaires 8.
La question demeure donc, une fois encore, de savoir pour quelles raisons des intellectuels, des
aristocrates mais aussi des commerçants, des membres de professions libérales ont voulu s’approprier
le craft, le métier, afin de s’y retrouver entre eux. Était-ce seulement le goût du club ? On sait, par
exemple, que la fondation de la Société des Antiquaires de Londres date de la même année que celle,
supposée, de la Grande Loge de Londres et que de nombreux membres de la première se retrouvèrent
un peu plus tard dans la seconde. Un document nous éclairera sans doute mieux sur l’intérêt qu’un
non-maçon de cette époque pouvait trouver à la maçonnerie dans l’état où elle se trouvait alors. Il
s’agit du passage sur la franc-maçonnerie de Robert Plot dans The Natural History of Staffordshire daté
de 1686, et dont notre ami Edmond Mazet a publié ici les extraits essentiels.
Outre le fait que ce texte témoigne une fois encore de l’intérêt pour les loges de certaines « per-
sonnes du plus haut rang », il nous révèle deux raisons pour lesquelles ces non-maçons désiraient être
acceptés. La première (fallacieuse) est d’ordre pratique. Entrer en franc-maçonnerie serait s’assurer une
assistance fraternelle sur le marché du travail grâce à des signes secrets de reconnaissance. Ceci ne peut
évidemment pas expliquer l’entrée d’Ashmole, ni de Lord Alexander, ni du grand architecte que fut
Sir Christopher Wren, bâtisseur de la nouvelle cathédrale Saint-Paul, grand maître (opératif) de 1675
à 1695, ni des « personnes de haut rang » que Plot vient justement de désigner. D’autres catégories
sociales plus défavorisées – outre les opératifs – s’y seraient-elles déjà trouvées ? La seconde raison, plus
intéressante, est d’ordre « ésotérique ». Plot écrit : « Mais il y en a quelques autres (articles de la société)
qu’ils (les maçons) jurent selon leur rite de garder secrets, que nul d’autre qu’eux ne connaît. » On
peut penser que les « signes secrets », le mot « rite » aient pu à eux seuls attirer des personnes désireuses
de pénétrer dans une assemblée fraternelle de type initiatique comparable à cette illustre Rose-Croix
introuvable, rassemblant des esprits tournés vers une spiritualité plus ouverte, moins dogmatique que
celle proposée par l’Église – c’est-à-dire une spiritualité fondée sur une tradition plus universelle que
celle du seul christianisme. Et là nous retrouvons la hiéro-histoire biblique si chère aux anglicans, avec
cette intention très significative de faire remonter la révélation à Noé, ce qui ouvre la voie largement
à toutes les traditions théistes puisque à partir de Noé toute l’histoire humaine recommence.
Dans le Ms. Cooke de 1410, le Ms. Grand Lodge no 1 de 1583, le Ms. William Watson (c.
1687), le Ms. Dumfries (c. 1710), plus tard dans les Constitutions de Roberts de 1722 et celles
d’Anderson de 1723, Noé et la tradition des « arts antédiluviens » sont toujours présents, en particulier
sous la forme de deux piliers gardiens de ces « sciences » 9. Dans le Ms. Graham de 1726, Sem, Cham
et Japhet se rendent sur la tombe de leur père Noé, la tombe représentant ici le coffre où se trouve
gardée la tradition initiale (area : coffre, cercueil, arche). Le texte que nous avons publié évoque le rituel
de « raising » (élévation) tel que les loges le pratiquent encore aujourd’hui, à la différence que le per-
sonnage de Noé a été remplacé par celui d’Hiram à partir de la divulgation de Masonry Dissected publiée
par Prichard en 1730. La position des deux participants principaux au rituel suggère d’ailleurs celle que
décrit 2 Rois, IV, 34-35 à propos d’Élisée ressuscitant le fils de la Shunamite, encore que la position
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de raising soit celle décrite exactement par le Ms. Graham et fasse appel aux cinq points du compa-
gnonnage (the five points of fellowship) énumérés également dans ce même document 10. Pourquoi donc
le pasteur Anderson, en 1725, cite-t-il Noé en souvenir des Old Charges mais situe-t-il la maçonnerie
spéculative dans une perspective biblique et chrétienne, tandis que dans ses Constitutions de 1738 il la
place dans le droit-fil du noachisme ? Il nous le dit :
Dans les temps anciens, les maçons chrétiens étaient tenus de se conformer aux coutumes chrétiennes de chaque
pays où ils voyageaient ou travaillaient. Mais la Maçonnerie existant dans toutes les nations, même de religions
diverses, ils sont maintenant seulement tenus d’adhérer à cette religion sur laquelle tous les hommes sont d’accord
(laissant à chaque frère ses propres opinions) c’est-à-dire d’être hommes de bien et loyaux, hommes d’honneur
et de probité, quels que soient les noms, religions ou confessions qui aident à les distinguer : car tous s’accordent
sur les trois grands articles de Noé ; c’est assez pour préserver le Ciment de la Loge 11.
Ces trois articles noachites sont la reconnaissance d’un Dieu unique, le refus de l’immoralité et
le refus du sang versé par violence ; ce qui ouvre grande la porte à l’universalité au sein d’un théisme
non défini par une révélation particulière – et non d’un déisme, bien éloigné de la pensée du rédacteur
et de ses commettants.
De là à penser, comme on le fit, que la franc-maçonnerie spéculative naquit au sein de la Royal
Society afin de servir de subtil fer de lance à une hégémonie britannique en réponse à la catholicité
romaine, il n’y a qu’un pas que, pour notre part, nous ne ferons pas. S’il est possible qu’un Jean-
Théophile Desaguliers, fils de protestant français exilé par Louis XIV, pût songer à une revanche, il
semble plutôt que ce troisième grand maître de la Grande Loge de Londres fut, avant tout, en accord
avec les idéaux de libéralisme religieux tel qu’ils s’exprimaient ouvertement dans les milieux chrétiens
d’Angleterre ; et certainement de façon plus restrictive en Écosse et surtout en Irlande. Autrement dit,
lorsque sur la demande du duc de Montagu, James Anderson écrit ses premières Constitutions, entouré
par Desaguliers et quatorze commissaires, il travaille surtout à relier les nouvelles loges spéculatives au
tronc important des loges opératives afin de leur conférer une légitimité, et cela à travers une compilation
des Old Charges qu’il peut connaître ainsi qu’à travers ses propres souvenirs de l’organisation opérative
au niveau où il y eut accès. Mais le succès hors du christianisme et hors d’Angleterre est extraordinaire.
En 1721, Nathan Blanch et John Hart furent les premiers juifs à recevoir l’initiation. Vers 1735, le
premier musulman, un Turc, est fait maçon à Smyrne. De plus, montrant que les fractures entre
confessions chrétiennes sont dépassées par l’universalisme maçonnique, la Grande Loge se donnera un
grand maître catholique en 1729. Et donc, comprenant le succès international de la société des maçons,
de ses moyens et de ses buts – mais a posteriori – les dignitaires demandent à Anderson de reprendre
ses Constitutions. Il en donne une nouvelle mouture en 1738 avec l’ouverture noachite que l’on sait.
Or, fait remarquable, c’est la même année que le pape Clément XII ouvre les hostilités contre la
maçonnerie dans la bulle In Eminenti Apostolatus Specula, suivie en 1751 de la bulle Providas de Benoît
XIV. Serait-ce une coïncidence 12 ?
Ainsi, née d’une longue tradition architecturale et judéo-chrétienne, la franc-maçonnerie du
XVIIIe siècle allait-elle proliférer. Très rapidement des degrés (ou grades) adventices allaient surgir d’un
peu partout, destinés à donner aux frères la nourriture intellectuelle et spirituelle qu’ils étaient venus
chercher en loge, tout comme les maçons acceptés l’avaient fait au XVIIe siècle auprès des opératifs. Une
histoire de la mise en forme de ces légendes maçonniques serait à écrire dans laquelle on verrait comment
les grands courants alchimique, astrologique, magique, chevaleresque, rosi-crucien, égyptien resurgirent
à l’intérieur de rituels appropriés. Certains de ces rituels eurent d’ailleurs très vite leur propre histoire
et se transformèrent en rites à grades successifs, tels le Rite Écossais Ancien et Accepté, le Rite Écossais
Rectifié et tant d’autres. Ce fut d’ailleurs pour écarter du craft ces systèmes adventices que la Grande
Loge Unie d’Angleterre, reliant enfin les Anciens et les Modernes au sein du même ordre, décréta dans
le second article des Articles de l’ Union de 1813 que « la pure et ancienne maçonnerie consiste en trois
degrés et pas davantage, c’est-à-dire ceux d’apprenti entré, de compagnon du métier et de maître maçon,
ce dernier comprenant l’Ordre suprême de l’Arche Royale ».
C’était – autant que se faire se pouvait – tenter de se rapprocher des plus anciens rituels tels qu’ils
étaient supposés être à partir des documents des Modernes et surtout des Anciens. Les Britanniques et
les Grandes Loges qu’ils reconnaissent s’y tiennent désormais sous les noms de Rites Emulation Working
et Stability Working sans pour autant refuser des accords avec un grand nombre de systèmes complé-
mentaires qu’ils appellent, de ce fait, des side degrees 13. Toutefois, si la maçonnerie découverte par
Stretton dont nous avons parlé dans notre introduction a réellement existé en tant que système rituel,
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et cela durant le XVIIe siècle au plus tard, c’est « The Worshipfull Society of Free Masons, Roughe
Masons, Wallers, Slaters, Paviors, Plaisterers and Bricklayers », la Vénérable Société des Francs-Maçons,
Maçons de gros-œuvre, Édificateurs de murs, Ardoisiers, Paveurs, Plâtriers et Briqueteurs » actuellement
rattachée à la Grande Loge Unie d’Angleterre, qui détiendrait la mémoire toujours vive des opératifs
d’autrefois. Sans rien affirmer, nous nous permettons de renvoyer à l’hypothèse de René Guénon à cet
égard.
NOTES
1. Sur toutes ces questions, les ouvrages de référence abondent. Citons : A. Blunt, La Théorie des arts en Italie, Paris, 1956. A.
Koyré, Du monde clos à l’univers infini, Paris, 1962. P. Francastel, La Figure et le Lieu, Paris, 1967. A. Chastel, La Crise de la
Renaissance, Genève, 1968. E. Panofsky, L’Œuvre d’art et ses Significations, Paris, 1969. R. Klein, La Forme et l’Intelligible, Paris,
1970. E. Cassirer, La Philosophie des formes symboliques, Paris, 1972.
2. M. Ficin, Théologie platonicienne de l’immortalité des âmes, texte critique établi et traduit par R. Marcel, Paris, 1964 (3 tomes).
3. Collectif, Présence d’Hermès Trismégiste, coll. Cahiers de l’hermétisme, Paris, 1988.
4. Collectif, Kabbalistes chrétiens, coll. Cahiers de l’hermétisme, Paris, 1979.
5. B. Gorceix, La Bible des Rose-Croix, Paris, 1970. L’ouvrage contient traductions et commentaires de la Fama Fraternitatis, de
la Confessio et des Noces chimiques attribuées à Christian Rosencreutz et à l’année 1459 par J. Valentin Andreae.
6. B. Jones, « The Emergence of Speculative Masonry », in Free-Masonry Guide and Compendium, Londres, 1950, rééd. 1977,
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7. B. Jones, « The First Grand Lodge », ibid., p. 165-191.
8. On notera que sous l’influence de H. Ficin, l’éloge de la vita speculativa se répandit en Italie au temps de Politien et de Laurent
de Médicis. Landino lui rend hommage dans ses Camaldulenses disputationes et Pic de la Mirandole dans son discours De hominis
dignitate. Cette notion liée à l’humanisme florentin diffère de celle des premiers spéculatifs londoniens mais il serait opportun
d’en étudier la probable filiation.
9. J.-P. Lassalle, « Les sources judéo-chrétiennes du noachisme maçonnique », revue Villard de Honnecourt, no 15, Paris, 1987.
10. Afin d’approfondir ces notions que nous ne faisons ici qu’effleurer, cf. N. Barker Cryer, « Drama and Craft », The Collected
Prestonian Lectures, vol. 2, A.Q.C., Londres, 1983.
11. Texte original in Anderson’s Constitutions 1723-1738, A.Q.C., Abingdon, 1976, p. 143-144 du fac-similé.
12. J. Ferrer-Benimeli, Les Archives secrètes du Vatican et de la franc-maçonnerie, Paris, 1989.
13. B. Jones, ibid., p. 217-229.
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Cyril N. Batham
Secrétaire des Ars Quatuor Coronatorum (Grande Loge Unie d’Angleterre).
Jean-François Blondel
Spécialiste de la Franc-Maçonnerie Opérative et du Compagnonnage. Collaborateur de la revue Villard
de Honnecourt.
André Crépin
Professeur d’Université, spécialiste des langues romanes.
Edmond Mazet
Ancien élève de l’École Polytechnique. Spécialiste de la Franc-Maçonnerie médiévale. Collaborateur de
la revue Villard de Honnecourt.
Gilles Pasquier
Auteur de nombreux articles sur les rituels maçonniques. Collaborateur de la revue Villard de Honne-
court.
Frédérick Tristan
Prix Goncourt 1983. Rédacteur en chef des revues Renaissance traditionnelle et Villard de Honnecourt.
Jean-François Var
Ancien élève de l’École Normale Supérieure. Spécialiste des origines de la Franc-Maçonnerie.
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Cahiers de Villard de Honnecourt, publiés par la Grande Loge nationale française (GLNF), Paris.
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Dossiers de l’histoire, numéro spécial sur « La franc-maçonnerie », 1984.
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CAHIERS DISPONIBLES
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BIBLIOGRAPHIE
L’Herne
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ISBN : 978-2-85197-154-8
SODIS 723312.8
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