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BLYTON
UNE ASTUCE
DE
OUI-OUI
ILLUSTRATIONS
RÉALISÉES PAR
JEANNE HIVES
HACHETTE
Texte : © Enid Blyton, 1958 et Librairie Hachette, 1969.
Illustrations : © Sampson Lowt Marston et C°Ltd., 1958
et Librairie Hachette, 1969.
CHAPITRE PREMIER
Il enfila son pyjama, souffla la bougie et sauta dans son lit. Il se roula en
boule, bien au chaud. Puis il entonna une nouvelle chanson de sa composition :
Au Pays des Rêves
Qu’il fait bon, fait bon, fait bon,
Au Pays des Rêves
Qu’il fait bon partir !
Et voilà ! Il y était déjà. Il rêvait qu’il goûtait avec ses amis, Potiron, le vieux
nain, et Mirou, l’oursonne.
Le lendemain matin, Oui-Oui fit la grasse matinée. Il le méritait bien : il
avait tant travaillé, la veille ! Il ne se réveilla même pas quand le laitier déposa
une bouteille de lait devant sa porte.
« Voilà le bon lait !… Voilà le lait frais !… » cria le laitier.
Il espérait que le pantin allait sortir sur le pas de sa porte. Mais non !
Personne n’apparut.
« Il doit dormir à poings fermés, pensa le laitier. Dommage ! J’aurais aimé
donner quelques tapes sur sa tête à ressort, comme d’habitude. Ça la fait remuer
à toute vitesse. C’est si drôle ! Voilà le bon lait !… Voilà le lait frais !… »
Potiron ouvrit la porte et pénétra dans la pièce. Comme il avait l’air furieux !
Oui-Oui le regarda, étonné.
« Qu’est-ce qui ne va pas ? questionna-t-il.
Je veux que tu me dises la vérité, répondit Potiron en s’asseyant sur une
chaise. Est-ce que tu m’as joué un mauvais tour, la nuit dernière ?
« Je ne t’ai pas joué de tour. Et si tu dois garder cette mine-là, je préfère que
tu t’en ailles. Je vais m’habiller. »
Aussitôt, Potiron se leva et sortit, sans un mot. Oui-Oui courut à la fenêtre. Il
vit son ami enfourcher sa bicyclette et s’éloigner.
« Il ne me croit pas, pensa-t-il. Comme si j’étais assez bête pour faire une
chose pareille ! Maintenant, il faut que je me dépêche d’aller travailler. Sinon, je
ne gagnerai pas un sou, aujourd’hui. »
CHAPITRE II
Nous sommes arrivés au marché. Dépose-moi là. Voici ton argent. Mais je suis trop bonne : dix sous, c’est
bien payé pour une chanson si bête. »
La souris s’éloigna, sa longue queue serpentant derrière elle d’un air offensé.
Oui-Oui éclata de rire.
« Oh ! là !
là ! Elle n’a pas bon caractère ! Ah ! Voilà un client qui me fait signe. Bonjour, madame Noé. Comment
vont vos animaux ?
Très
bien. Sauf un des éléphants, répondit Mme Noé en montant en voiture. Il s’est querellé avec les lions et il
veut quitter l’Arche. Il n’arrête pas de dire qu’il va emballer sa trompe et s’en aller.
C’était Minouchette qui revenait d’un séjour chez sa tante. Elle grimpa dans
le taxi, Oui-Oui chargea sa valise à l’arrière. Et en route !
« Quoi de neuf à Miniville depuis mon départ ? demanda Minouchette.
Mais il eut beau chercher, il ne vit rien. Le sol était sec et trop dur.
« Eh bien, je rentre à la maison, décida le pantin en remontant dans sa
voiture. J’ai beaucoup travaillé, aujourd’hui. J’ai faim et je suis fatigué. Je
regrette que Potiron ne soit pas là. J’aurais voulu goûter et bavarder un peu avec
lui. Où peut-il être ? Il a dû partir à la recherche de son linge. »
Oui-Oui retourna donc à sa « petite-maison-pour-lui-tout-seul ». Tout le long
du chemin, son grelot tinta joyeusement.
« Je vais me préparer un bon dîner. Je mangerai. Ensuite, je ferai mes
nouveaux découpages. Et après, j’irai me rouler bien au chaud dans mon lit. Toi
aussi, petite voiture, tu pourras te rouler au chaud, dans ton garage.
Tut !
tut ! » répondit gaiement l’auto.
CHAPITRE III
Voilà le gendarme !
LE LENDEMAIN MATIN, Oui-Oui lavait son taxi quand il aperçut le
gendarme qui passait à bicyclette. Il agita son chiffon pour le saluer.
« Bonjour, monsieur le gendarme ! Avez-vous arrêté beaucoup de voleurs,
ces temps-ci ?
Non. Mais j’en recherche un, répondit le gendarme en sautant de son vélo.
Oh !
C’est passionnant ! s’exclama Oui-Oui. Qui est-ce ? Qu’a-t-il volé ?
N’allez pas dire que c’était la mienne ! s’écria Oui-Oui, en colère. Parce
que c’est faux. J’étais dans mon lit et mon taxi dans le sien, au garage.
La voiture en question a fait « tut ! tut ! » très doucement, répliqua le
gendarme. M. Théodore prétend que c’était le klaxon de ton auto. Tu sais bien
qu’à Miniville tout le monde le connaît. Oui-Oui ! Es-tu sûr que tu ne joues pas
de mauvais tours, pendant la nuit ? »
Le pantin était si furieux qu’il se mit à trépigner. Il en écrasa le pied du
gendarme. Sa voiture aussi était furieuse. Elle klaxonna très fort : « TUT ! TUT !
TUT !
Tais-toi !
lui ordonna le gendarme. Si Oui-Oui trépigne et si toi tu klaxonnes, je vais devenir fou. Oui-Oui, est-ce
que…
Non !
non ! non ! répondit le pantin avant même que le gendarme ait fini de poser sa question.
« TUT ! TUT ! »
approuva la voiture, de toutes ses forces.
« J’en ai assez de vos « non » et de vos « tut », dit le gendarme d’un ton
sévère.
Au même moment, quelqu’un arriva en gambadant d’un air joyeux et bondit
sur Oui-Oui. Boum ! Le pantin tomba à la renverse.
Mais Zim n’avait jamais compris ce que voulait dire « arrête ». Chaque fois
que le gendarme essayait de se relever, il se précipitait sur lui et l’envoyait rouler
à terre.
« Je te mettrai en prison, maudit chien ! cria le gendarme. Oui-Oui, rappelle-
le !
Zim, viens ici ! » ordonna le pantin.
Aussitôt, Zim abandonna le gendarme pour sauter sur Oui-Oui.
Le pantin se retrouva de nouveau assis dans la poussière.
Il passa ses bras autour du cou de Zim et lui murmura à l’oreille : « S’il te
plaît !
Cours après le gendarme ! Chasse-le ! »
Et voilà ! A peine le gendarme s’était-il relevé que Zim s’élançait vers lui en
aboyant comme un fou. Le gendarme, effrayé, prit ses jambes à son cou. En une
seconde, il avait disparu au coin de la rue.
Oui-Oui poussa un soupir de soulagement.
« Je n’aime pas cette histoire, pensa-t-il. Un voleur se promène dans une
voiture qui klaxonne comme la mienne… Tiens ! Bonjour, Mirou. Ah ! Zim, te
revoilà ! Bas les pattes ! Quel chien !
Bonjour, petit Oui-Oui, dit Mirou. Zim et moi, nous sommes venus te
rendre visite. Mais qu’arrive-t-il à notre gendarme ? Je l’ai vu déboucher, au
coin de la rue, à cinquante kilomètres à l’heure. Il m’a presque renversée.
Viens chez moi, je t’expliquerai, proposa Oui-Oui en l’embrassant. Tu
prendras bien un peu de limonade et des gaufrettes ? Non ! Pas toi, Zim ! Bas les
pattes ! Oh ! là ! là ! Chaque fois que tu es là, je passe mon temps assis par
terre. »
CHAPITRE IV
Oui-Oui raconta à Mirou l’histoire des deux vols : celui du linge de Potiron,
celui des fleurs de M. Théodore.
« Le voleur les a toutes cueillies, conclut-il. Potiron et M. Théodore ont
entendu une voiture klaxonner, juste comme mon taxi, mais très doucement. Et
ils pensent que c’est moi qui suis venu leur jouer des tours. Quelle idée ! Ce ne
sont pas de mauvais tours, ça ! Ce sont des vols !
Pauvre Oui-Oui ! s’exclama Mirou en grignotant une gaufrette. Il faut
faire quelque chose. Sinon, les gens finiront par croire que tu es le coupable.
Partout, on connaît le klaxon de ta voiture. Il ne ressemble à aucun autre. Peut-
être le voleur est-il venu le prendre sur ton auto ?
Impossible !
S’il n’était plus là, je m’en serais aperçu. Mais il est à sa place, chaque matin. D’ailleurs, la nuit, mon
garage est fermé à clef. Zim ! Arrête de lécher le chocolat de cette gaufrette !
Ouah !
Ouah ! » répondit le chien.
Il sauta de sa chaise et essaya de grimper sur les genoux de Oui-Oui.
« Bas les pattes ! s’écria le pantin. Mirou, as-tu jamais vu un chien plus
« lécheur »
que lui ? Je vais finir par lui nouer une serviette autour du museau. Mon mouchoir ne suffirait pas ! Bas les
pattes !
Zim ! »
dit Mirou d’une petite voix sévère que Oui-Oui ne connaissait pas.
Oh ! Surprise !
Zim s’arrêta aussitôt de gambader, se coucha, posa sa tête entre ses pattes et ne bougea plus.
« Ma parole !
Il t’obéit ! s’exclama Oui-Oui, étonné. C’est merveilleux ! Tu es vraiment maligne ! Veux-tu une autre
gaufrette, ou un biscuit ? »
Bien
sûr. Alors, écoute : viens coucher chez moi, cette nuit. Si un autre vol se produit, si on entend encore une
voiture klaxonner, tu pourras prouver que tu n’y es pour rien.
Assis ! »
CHAPITRE V
Il y a du nouveau !
CE SOIR-LA, quand Oui-Oui eut fini son travail, il revint mettre sa voiture
au garage. Il l’enferma à clef. Puis il rentra chez lui, se lava et s’habilla
soigneusement pour se rendre chez Mirou.
Zim le regardait aller et venir, la queue basse. Il savait qu’il faudrait qu’il
reste là pour garder la maison.
« Ouah ! Ouah ! »
Il aboyait d’une petite voix triste.
Tu n’as même pas eu le temps de la savourer. Quel gâchis ! Eh bien, tu n’auras rien d’autre. Juste un os. »
« Au lit !
décida son oncle. Vous êtes fatigués, mes enfants. Mirou, montre sa chambre à Oui-Oui. »
C’était drôle de dormir dans une autre maison que la sienne. Oui-Oui aima
beaucoup cela. A peine couché, il s’endormit.
Le lendemain matin, Mirou vint le réveiller.
« Debout !
Il y a du nouveau. Un autre vol a eu lieu. Quelqu’un a pris les prunes de M. Polichinelle.
Mais personne ne pourra dire que c’était toi, puisque tu étais ici. As-tu entendu la pluie, cette nuit ?
Non, je n’ai rien entendu du tout, répondit le pantin, encore mal réveillé.
C’est incroyable ! Les prunes de M. Polichinelle ! Eh bien, je suis content
d’avoir couché ici. Je suis sûr que le gendarme va venir droit chez moi.
Et il racontera encore que le voleur avait une voiture qui klaxonnait comme la mienne. »
Oui-Oui prit son petit déjeuner. Puis il retourna chez lui chercher sa voiture.
Il était curieux de savoir comment Zim s’était conduit. Hélas ! Devant sa
« petite-maison-pour-lui-tout-seul », l’attendait… le gendarme. Et Potiron, et
M. Théodore, et M. Polichinelle !
« Qu’est-ce que vous faites ici, tous les quatre ? demanda Oui-Oui ébahi.
On m’a volé mes prunes ! cria M. Polichinelle d’un air furieux. J’ai
entendu une voiture s’arrêter devant chez moi. Elle a klaxonné exactement
comme la tienne.
Eh bien, cette nuit, j’ai couché chez Mirou, répliqua le pantin. Son oncle
et sa tante pourront vous le dire. De plus, je n’avais même pas mon taxi. Je
l’avais laissé ici, au garage. Conclusion : ce n’était pas moi et ce n’était pas ma
voiture.
C’est évident !
D’ailleurs, Oui-Oui n’a rien d’un voleur, ajouta Potiron. Je pensais qu’il
avait peut-être emporté mon linge pour s’amuser. Mais jamais il n’aurait dérobé
les fleurs de M. Théodore ni les prunes de M. Polichinelle.
Ouah !
Ouah ! »
CHAPITRE VI
J’ai compris ! s’écria le nain. Le voleur vient ici, chaque nuit, prendre ta
voiture. Il doit avoir une clef du garage. Il met ce chiffon pour empêcher l’auto
de klaxonner très fort : cela te réveillerait. Par contre, il s’arrange pour faire un
petit « tut ! tut ! » quand il a fini son cambriolage. Ainsi, tout le monde reconnaît
ta voiture. Et on croit que c’est toi qui la conduis.
Cette nuit, quand le voleur l’a emmenée, il pleuvait. Voilà pourquoi elle
est couverte de boue, ajouta le pantin. Oh ! Regarde ! Il reste une prune sur le
siège arrière. Maintenant, c’est sûr et certain : le voleur l’a prise pour se rendre
au verger de M. Polichinelle. Mais qui est-il ? »
A ce moment, Mme Bouboule, la voisine, apparut sur le pas de sa porte.
« Que se passe-t-il ? demanda-t-elle. La nuit dernière, j’ai entendu Zim
aboyer comme un fou. Il a réveillé toute la maison. Je ne me suis pas dérangée,
car j ai pensé que Oui-Oui était avec lui.
Quel dommage ! s’écria Potiron. Nous aurions dû vous prévenir que Oui-
Oui ne couchait pas ici. Vous seriez allée voir pourquoi Zim aboyait.
Qu’est-il arrivé au juste ? » reprit Mme Bouboule.
Les deux amis la mirent au courant. Mme Bouboule se montra très étonnée.
« Pauvre voiture ! s’exclama-t-elle. Ce n’est pas drôle d’être emmenée,
chaque nuit, par un inconnu. Au fait, comment le voleur s’est-il procuré une clef
du garage ?
J’en avais deux, expliqua Oui-Oui. J’en ai perdu une. Le voleur l’a
sûrement ramassée. Comment faire pour l’attraper ? Croyez-vous qu’il va
revenir cette nuit ?
CHAPITRE VII
Alors, écoute : si tu es sage, je chanterai une chanson qui parle de toi : La chanson du chien Zim. Si tu es
sage, j’ai dit ! »
Le gendarme sursauta.
Il regarda autour de lui : personne. Qui donc avait éternué ? Le bruit semblait venir de très, très près. Le
gendarme examina la grosse borne, à côté de lui.
« Voyons !
Les bornes, ça n’éternue pas, se dit-il. Bizarre ! Bizarre ! »
« Ça y est ! »
pensa Oui-Oui. Sa tête à ressort remuait comme une folle.
« Ouah ! ouah !…
Diling ! diling !… Hep ! Halte ! Qui va là ? »
Quel vacarme !
CHAPITRE VIII
En prison, le voleur !
QUE s’était-il passé ?
Le voleur s’était faufilé dans le garage. Il était monté dans l’auto. Mais, soudain : « Ouah ! Ouah ! »
A ces mots, le voleur se retourna. Et que vit-il ? Deux bornes couraient vers
lui. Deux bornes qui avançaient, avec de vrais pieds !
Le voleur, mort de peur, prit ses jambes à son cou. Il ne savait même plus où
il allait. Il tourna le coin de la rue, comme une flèche, et se cogna dans le
gendarme qui revenait justement sur ses pas. Boum ! Ils s’écroulèrent tous deux
sur le trottoir.
Le gendarme, furieux, se remit debout aussitôt.
« Qu’est-ce que vous… ? Oh ! Je… je deviens fou ! Je vois des bornes qui
marchent ! Je rêve ! Qui m’a renversé ? Hep ! Restez là ! »
Et le gendarme se mit à courir après le voleur. Mais… qui courait après le
gendarme ? Les deux bornes, bien sûr ! Quel spectacle ! Le voleur avait peur du
gendarme et le gendarme avait encore plus peur des bornes.
M. Bouboule, qui rentrait d’un dîner en ville, vint à passer par là. Quand il
vit les deux bornes lancées à toute allure, il détala.
« Ce n’est pas étonnant que je me trompe toujours de route, pensa-t-il. Si les
bornes se déplacent pendant la nuit ! »
Le voleur prenait de l’avance. Le gendarme n’allait pas vite, gêné par son
gros ventre. Oui-Oui et Potiron étaient loin derrière : ce n’était pas facile de
courir, coincés comme ils l’étaient.
« Il nous échappe ! » haleta Oui-Oui.
Au même moment, quelqu’un les dépassa en trombe.
« Ouah ! Ouah ! »
C’était Zim.
« Ouah ! Ouah ! »
Quelle poursuite !
La même chose que vous, répondit Potiron, avec un grand sourire. Nous
poursuivions le voleur. Mais qui est-ce ? Ma parole ! C’est Barcasson, le marin.
C’est très mal, Barcasson, d’avoir pris la voiture de Oui-Oui pour aller voler des
gens. Descends de son ventre, Zim. Le gendarme va l’emmener en prison.
Oh !
non, non, supplia le marin en tombant à genoux.
Oh !
si, si, répliqua le gendarme. Lève-toi ! Et cesse de jouer la comédie. Potiron, aide-moi. Nous allons le
coincer sous l’une de vos bornes. Voilà. Qu’il essaie de s’échapper, maintenant ! »