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William Dongois

direction

Semplice
ou passeggiato
Diminution et ornementation
dans l’exécution
de la musique de Palestrina
et du stile antico

Droz
HEM – Haute école de musique de Genève
Semplice
ou passeggiato
Diminution et ornementation
dans l’exécution de la musique
de Palestrina et du stile antico

Droz
Haute École de Musique de Genève
© 2014 Haute école de musique de Genève
collection « Musique & Recherche » dirigée par Rémy Campos
ISBN : 978-2-600-01868-5
William Dongois
direction

Semplice
ou passeggiato
Diminution et ornementation
dans l’exécution
de la musique de Palestrina
et du stile antico

Droz
Haute École de Musique de Genève

2014
Semplice ou passeggiato 
Diminution et ornementation dans l’exécution
de la musique de Palestrina et du stile antico
Introduction générale…………………………………………………………………………………………………………………………………… 11
William Dongois

Sources historiques et publications musicologiques :


de la difficulté d’une lecture pertinente……………………………………………………………………………………………… 15
Liselotte Émery

Semplice ou passeggiato 
Diminution et ornementation dans l’exécution de la musique
de Palestrina et du stile antico………………………………………………………………………………………………………………… 23
William Dongois
Introduction………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 25
Chapitre 1 : Diminutions et contextes d’exécution…………………………………………………………………………… 29
Chapitre 2 : Quand et comment diminuer ?………………………………………………………………………………………… 35
Chapitre 3 : Différents aspects de la diminution………………………………………………………………………………… 53
Chapitre 4 : Le chanteur et la diminution…………………………………………………………………………………………… 63
Chapitre 5 : Le travail de la diminution………………………………………………………………………………………………… 73
Chapitre 6 : Les formes musicales et les usages………………………………………………………………………………… 83
Chapitre 7 : La diminution transalpine………………………………………………………………………………………………… 91
Chapitre 8 : La fin d’un art………………………………………………………………………………………………………………………… 97

La pédagogie de la diminution et de l’ornementation au temps


de la polyphonie palestrinienne. Une anthologie de sources,
traduites en français, présentées et commentées……………………………………………………………………… 103
Christian Pointet
Introduction……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 107
1. Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara, Venise,
per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535……………………………………………………………………………………… 113
2. Adrian Petit Coclico, Compendium musices, Nuremberg, Berg et Neuber, 1552……………………… 121
3. Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553……………………………………………………………………… 125
4. Nicola Vicentino, L’Antica musica ridotta alla moderna prattica,
Rome, Antonio Barré, 1555 …………………………………………………………………………………………………………………… 149
5. Hermann Finck, Practica musica, Wittenberg, Georg Rhau, 1556……………………………………………… 153
6. Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere, libri due, Naples, Raymundo Amato, 1562………………… 165
7. Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584………………………… 171
8. Giovanni Bassano, Ricercate, passaggi et cadentie per potersi essercitar nel diminuir,
Venise, Giacomo Vincenti et Riccardo Amadino, 1585………………………………………………………………… 181
9. Giovanni Bassano, Motetti, madrigali et canzoni francese,
Venise, Giacomo Vincenti, 1591…………………………………………………………………………………………………………… 183
10. Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592………………………………………………… 185

7
11. Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare nel diminuire,
Venise, Giacomo Vincenti, 1592…………………………………………………………………………………………………………… 215
12. Giovanni Luca Conforti, Breve et facile maniera, Rome, [s. n.], 1593…………………………………………… 219
13. Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi,
et istromenti da penna, Venise, Giacomo Vincenti, 1593 et 1609………………………………………………… 225
14. Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica,
madrigali et motetti passeggiati, Venise, Giacomo Vincenti, 1594………………………………………………… 237
15. Aurelio Virgiliano, Il Dolcimelo, manuscrit inachevé, I-Bc Ms [c. 33], env. 1600……………………… 249
16. Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie, I-Rv ms [r. 45], ff. 199r-204v,
manuscrit non daté, env. 1600……………………………………………………………………………………………………………… 253
17. Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614……………………………………… 261
18. Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, Milan, Filippo Lomazzo, 1620……………………………… 273
19. Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica,
I-Las Fondo Orsucci ms. [48] (olim o.49), [1628]……………………………………………………………………………… 283

Annexe : Élaborations ornées et adaptations d’œuvres de Palestrina………………………………………… 288
Glossaire…………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 291
Index des notions abordées dans les sources traduites…………………………………………………………………305

Bibliographie …………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 311

Index des noms ……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 327

Remerciements ……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 333

Biographies ……………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 335

8
Introduction

William Dongois (Haute école de musique de Genève)

Cet ouvrage est le prolongement d’un projet de recherche, à la fois théorique


et pratique, de la Haute école de musique de Genève. Le projet, dénommé IMPROPAL
(IMPRO-visation/PAL-estrina), était né de la volonté de contribuer à combler l’espace
qui sépare toujours la connaissance des sources (souvent partielle) et la pratique musi-
cale contemporaine en offrant aux praticiens un socle de réflexion plus diversifié. Le
projet IMPROPAL visait à reformuler la question de la place de la diminution vocale et
instrumentale dans l’exécution de la musique polyphonique en fondant ses hypothèses
sur une relecture des sources anciennes et sur un dispositif original d’expérimentation
centré sur la musique de Giovanni Pierluigi da Palestrina, compositeur quasi omnipré-
sent dans les sources de la diminution. Ce projet a donc consisté pour une bonne part
en un travail pratique d’expériences diverses d’ornementation et de diminution avec un
groupe d’étudiants de la Haute école de musique de Genève sur la base des documents
les plus connus liés à la diminution (traités, commentaires historiques et descriptions).
En amont, il a consisté également dans l’analyse de nombreux articles musicolo-
giques (présentés ici par Liselotte Émery) traitant plus généralement de la question de
la pratique de la musique polyphonique. De cette consultation est née l’idée que nous
devions aller plus loin et alimenter ce « chaînon » (toujours un peu) manquant entre
les connaissances historiques et la pratique contemporaine des répertoires anciens.
En effet, les études existant sur le sujet effleurent à peine la question de la pratique
historique (au sens de la restitution globale de l’ensemble des aspects musicaux et
notamment ce qui concerne les éléments non notés dans les partitions). Les enquêtes
musicologiques sur la pratique musicale au xvie siècle mentionnent peu ou pas les
traités et les pratiques de diminution, sauf naturellement dans le cas de ceux, peu
nombreux, qui sont directement consacrés au sujet.
Du côté des praticiens, nombre de chanteurs ou d’instrumentistes connaissent
aujourd’hui les traités de diminution et d’ornements mais ne disposent que de peu
d’informations complémentaires afin d’en éclairer la lecture. Pour combler ce manque,
nous avons consacré une part essentielle du projet IMPROPAL à des lectures des sources
du point de vue du praticien suivies de mises à l’épreuve sur le répertoire, notamment
des motets du « cantique des cantiques » de Palestrina. Nous avons alors constaté que
la compréhension de telle ou telle affirmation dans une source dépendait de la capacité
de réalisation de l’exécutant.

11
À la suite des exposés extrêmement riches d’Andrew Parrott (venu faire une classe
de maître à Genève), la nécessité d’aller plus loin en croisant nos essais musicaux avec
les traductions de différents ouvrages relatifs aux pratiques vocales et instrumentales
est apparue encore plus nécessaire. Christian Pointet proposa alors de traduire en
français un panorama assez vaste de documents qui nous semblait indispensable pour
cerner les usages de la diminution. Ce travail a abouti non à des certitudes définitives
mais à une meilleure vision d’ensemble de la question.
Dernier volet du projet IMPROPAL, ce livre souhaite donner accès au public
francophone à des textes qui, dans leur ensemble, sont peu connus ou peu accessibles.
Il semblait important de les regrouper pour permettre au lecteur de les confronter
facilement, de prendre conscience des concordances et/ou des contradictions entre les
différentes sources qui ne prennent souvent leur sens que grâce à la comparaison.
À la lecture des nombreux documents présentés ici, il semble, comme nous le pres-
sentions au début de notre travail, que la pratique contemporaine des répertoires de la
Renaissance soit en décalage pour de nombreux points avec l’exécution historique de la
musique polyphonique telle qu’on peut la connaître à partir des descriptions d’époque.
L’ouvrage qu’on va lire entend aller à l’encontre d’une vision souvent simpliste de la
relation entre partition et exécution : l’exécution d’une polyphonie, d’un motet ou d’un
madrigal ne veut pas dire qu’elle a obligatoirement été polyphonique ni même vocale.
En effet, la réalisation sonore peut prendre la forme d’un solo vocal ou instrumental
accompagné au luth ou à l’orgue, ou d’une exécution instrumentale pure, ou encore
d’un groupe mêlant voix et instruments.
Comme l’écrit Lodovico Zacconi (en introduction de sa description de l’art du
chant et de la diminution), « le compositeur n’a d’autre soucis que d’écrire selon les
règles de la composition. » Le domaine de la pratique est d’un autre ordre. Silvestro
Ganassi affirme que « la diminution n’est autre qu’un ornement du contrepoint. » Nous
avons donc bien affaire à des plans séparés. De nos jours, la diminution est souvent
considérée comme une solution musicale s’appliquant à des situations particulières. Il
semble plutôt qu’elle fut, à des degrés divers, omniprésente dans l’exécution de toute
musique.
Autre préjugé courant que ce livre voudrait contribuer à faire disparaître : l’orne-
mentation serait une « invention » baroque (la cause en étant les nombreuses et précises
descriptions d’ornements publiées après 1700, notamment en France). Qui plus est,
chaque catégorie d’ornementation connue est cloisonnée dans ce qu’on appelle des
« styles ». Or, les témoignages anciens poussent à nuancer fortement ce classement.
Marin Mersenne n’écrit-il pas en 1636 au sujet des différentes manières d’exécuter
la musique en France et en Italie : « Quand à leur trillo [celui des Italiens] il n’est pas
différent de nos diminutions… » ?
Autre question essentielle : la diminution et l’ornementation sont des gestes musi-
caux qui prennent des formes ou des fonctions différentes selon les époques. À la
simple lecture des textes de Castiglione, Ganassi, Rognoni ou Bovicelli, on comprend
que les mots désignant les ornements sont souvent restés les mêmes sur plus d’un siècle
alors qu’ils désignaient des réalités qui avaient évoluées. À nous de comprendre ce qui
se cache derrière les mots.
De même, les pratiques vocales et instrumentales intègrent et mélangent en per-
manence l’ornementation (les « grâces » selon Ortiz, « l’élégance » selon Ganassi) et
la diminution. La différence entre ces deux termes n’est pas aisée à définir. Lorsque

12
j’enseigne, je dis toujours pour être simple et compris que l’ornement concerne la note
et la diminution le rapport des notes entre elles. Il est évident que cette formulation
masque le fait que la diminution brève orne et que l’ornement riche et répété peut
devenir diminution. Ce que chacun découvre d’ailleurs par la pratique. L’ouvrage
clarifie évidemment cette question à laquelle il en articule étroitement plusieurs non
moins capitales : celle de la place de la diminution, de la qualité du geste musical et de
la quantité des figures.
Cet ouvrage est un outil. Il est un complément indispensable à la réflexion et à la
pratique. Jusqu’à aujourd’hui, en matière d’ornementation et de diminution, de nom-
breuses expériences n’ont encore pas été faites par les praticiens (je m’y inclus), faute
d’avoir pris le temps de se plonger dans la question. À décharge, la familiarisation avec
l’improvisation et la diminution entre souvent en conflit avec le fait de devoir investir
des répertoires musicaux courant sur plusieurs siècles. La nécessité de réaliser à court
terme les projets artistiques (concerts ou disques) n’aide pas, non plus, à prendre le
recul nécessaire. Or, le geste musical ne peut se transformer qu’à la condition d’un tra-
vail quotidien, seul capable de produire un geste à la fois libre et « automatique » afin de
retrouver la sprezzatura tant vantée par de nombreux auteurs à la suite de Castiglione.
Les auteurs espèrent que ce livre permettra de jeter les bases d’une autre esthé-
tique de l’exécution de la musique de Palestrina et de ses contemporains, en particu-
lier en rompant avec l’idée répandue que la diminution, pratiquée essentiellement par
des instrumentistes, ne serait qu’une démonstration de virtuosité. Nous pensons, au
contraire, que la diminution et l’ornementation sont un mode de production du son et
une manière incontournable de rendre la musique du xvie siècle vivante.
Pendant des années, j’ai souhaité l’existence d’un tel livre, n’imaginant pas en
devenir un jour l’auteur partiel ! Le travail de compilation et de traduction de sources
fait par Christian Pointet a comblé une de mes vieilles frustrations. Pratiquant la
diminution tous les jours, j’étais conscient de ne pas avoir accès à de nombreux docu-
ments qui auraient pu éclairer ma pratique. Un long travail de mise en forme l’a fait
considérablement évoluer et il est devenu un ouvrage dont nous espérons qu’il intéres-
sera praticiens, musicologues, amoureux et curieux de tout ce qui touche à la musique
de la Renaissance.
Paradoxalement, au moment de conclure le projet IMPROPAL, je mets à dispo-
sition du lecteur plus de matériel que je n’en ai eu moi-même au début de l’expérience.
C’est peu dire que signaler que cette recherche a fait évoluer ma pratique. Espérons
que le lecteur aura à cœur de prolonger ce travail en se posant à son tour (peut-être
depuis sa propre pratique) les questions qui avaient été à l’origine de notre entreprise.

13
Sources historiques et publications musicologiques : de la difficulté d’une lecture pertinente

Sources historiques
et publications musicologiques :
de la difficulté d’une lecture pertinente

Liselotte Émery (Assistante de recherche à la Haute école de musique de Genève)

Dans la perspective de l’exécution moderne d’un répertoire qui nous a été


transmis de façon fragmentaire, la reconstitution de pratiques historiques pose un défi
qui ne peut être que partiellement comblé par l’étude des sources historiques. C’est
en particulier le cas pour l’étude de la diminution, une pratique improvisée, dont
la transmission fut essentiellement orale et qui n’a par conséquent laissé que peu de
traces écrites. Pour celui qui aborde la question spécifique de l’ornementation impro-
visée dans les motets de Giovanni Pierluigi da Palestrina, l’étude préalable de plu-
sieurs domaines indissociables s’impose rapidement. Le musicien devra rassembler des
connaissances sur les effectifs, l’instrumentation, les tessitures et donc les techniques
de transposition, les registres, la virtuosité vocale et instrumentale, ainsi que sur des
questions plus triviales ou apparemment annexes telles que le salaire des musiciens ou
le fonctionnement liturgique des chapelles.
Pour le praticien intéressé à la restitution du répertoire, la lecture de deux articles
scientifiques concernant les effectifs pose la question de la fiabilité des sources de façon
simple mais néanmoins troublante. En effet, après la lecture du premier1 qui penche
pour la thèse de l’exécution historique avec un chanteur par partie, il semble démontré
que les motets étaient exécutés le plus souvent à un par partie, ou même moins, l’orgue
ou les instruments assurant les parties manquantes. Le second article2 nuance cette
opinion, sans pour autant la contredire. L’auteur y en envisage l’idée d’une exécution
à plusieurs par partie au moins dans certaines circonstances, en développant nombre
d’arguments et d’exemples tout aussi convaincants. S’il n’en résulte pas d’opposition
radicale, le lecteur qui s’appuie sur ces publications pour faire des choix en termes
de pratique musicale reste dans l’incertitude. Si toutes les thèses sont également
défendables et recevables, toute entreprise d’élucidation des usages anciens n’est-elle
pas vaine ?

1 Graham Dixon, « The Performance of Palestrina. Some Questions, but Fewer Answers », Early Music,
vol. 22, no 4, 1994, p. 666-675.
2 Noel O’Regan, « The Performance of Palestrina. Some Further Observations », Early Music, vol. 24, no 1,
1996, p. 145-154.

15
Avant de se pencher sur les études récentes, envisageons les sources historiques
et, parmi elles, deux catégories : les traités de diminution d’une part, et les comptes
rendus et chroniques d’époque, de l’autre.
En 1535 paraît à Venise la Fontegara, méthode de diminution extrêmement appro-
fondie de Silvestro Ganassi. On ne peut que s’accorder sur le caractère précurseur de ce
traité puisque l’immense majorité des traités de diminution italiens a été publiée une
cinquantaine d’années plus tard. Toutefois, si le frontispice de la Fontegara ne pèche
pas par excès de prétention3, dans bon nombre de traités ultérieurs, c’est à qui affirmera
le plus sa compétence et donc sa légitimité, à commencer par Girolamo Dalla Casa 4,
qui, dès 1584, entend révéler il vero modo, « la vraie manière » de diminuer – suggérant
par là qu’il en aurait été propagé de fausses. En 1592, Riccardo Rognoni reprend sans
vergogne exactement les mêmes termes dans le titre de la seconde partie de son traité5,
détrônant ainsi ses prédécesseurs. Girolamo Diruta n’est pas en reste. Lorsqu’il publie
un an plus tard son vero modo6, il fait à son tour usage de ce qui est devenu une expres-
sion consacrée. En 1602, c’est la manière de faire de la musique vocale en général que
Giulio Caccini remet en cause dans la préface de ses Nuove Musiche7 où il déplore que
« les pratiques en usage naguère n’[ont] pu, que je le sache, atteindre à cette plénitude
de la grâce que je sens résonner en mon âme8 ». La liste serait encore longue. Citons
pour finir Francesco Rognoni qui, tâchant d’éclipser tous les auteurs cités (dont son
oncle) revendique à son tour la vérité, près d’un siècle après Ganassi, en publiant en
1620, toujours à Venise : i veri principii per cantar polito, et bene (les « vrais principes
pour chanter élégamment et bien »9).
L’affirmation par un individu de sa supériorité sur les autres n’est propre ni à un
milieu, ni à une époque. Or, un simple titre d’ouvrage, si présomptueux qu’il soit,
demeure un gage de prééminence bien fragile. Ainsi, la nature des pièces musicales
présentées dans les traités doit être envisagée avec prudence. Il est fort peu probable
que les exemples de pièces diminuées que l’on trouve dans les traités, chez Dalla Casa
ou les deux Rognoni, soient tous des témoignages d’ornementation improvisée notée
sur le vif. Sans mettre en doute le fait que l’art de la diminution était probablement
pratiqué par ces auteurs avec une maîtrise étonnante, on peut raisonnablement esti-
mer que ceux-ci ont mis un soin particulier à composer certaines des pièces publiées
dans leurs traités. De même, Francesco Rognoni a dédié sa diminution « difficile » sur
Vestiva i colli pour la viole à un musicien virtuose, qu’il estimait probablement être le
seul capable de l’exécuter. Et il est très vraisemblable qu’il ait cherché, ce faisant, à
passer lui-même pour le seul capable de la composer.
Dans les traités, la plupart des exemples de diminutions sur des pièces polypho-
niques sont destinés à être joués ou chantés par un instrument ou une voix soliste,
supposément accompagné(e) par un instrument polyphonique qui joue les autres par-
ties de la pièce. Certaines de ces diminutions exigent parfois, comme nous l’avons vu,
3 Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara, Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535.
4 Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584, 2 vol.
5 Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare nel diminuire, Venise, Giacomo Vincenti, 1592.
La seconde partie est intitulée : Il vero modo di diminuire.
6 Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi et istromenti da penna, Venise,
Giacomo Vincenti, 1593 et 1609.
7 Giulio Caccini, Le Nuove musiche, Florence, Marescotti, 1601 [i. e. 1602].
8 « Non essendosi nei moderni tempi passati costumate (ch’io sappia) musiche di quella intera grazia ch’io
sento nel mio animo risonare », Giulio Caccini, Le nuove musiche, op. cit., p. 4.
9 Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi secondo l’uso moderno, Milan, Filippo Lomazzo, 1620.

16
Sources historiques et publications musicologiques : de la difficulté d’une lecture pertinente

une très grande virtuosité, avec une notation rythmique allant jusqu’à la triple croche.
Ce goût pour la virtuosité atteint son paroxysme avec les diminutions pour viole « alla
bastarda » qui ne conservent ni les silences, ni les tessitures, ni les césures du texte
original.
Il est évident qu’une telle virtuosité ne saurait être de mise simultanément dans
toutes les parties lors d’une exécution polyphonique :  la pièce en deviendrait inau-
dible. Tout au plus peut-on s’inspirer de la Canzon di Cipriano tutte le quattro parte di-
minuite de Dalla Casa, dont toutes les parties sont ornées. Relativement aux exemples
décrits ci-dessus, les diminutions de chaque partie sont donc plutôt sobres. Dans cette
dernière pièce, la fréquence des ornements proposés rejoint d’ailleurs les conseils de
Giovanni Camillo Maffei10 qui recommande de n’orner que quatre à cinq cadences
par motet et par partie lors d’une exécution polyphonique. S’il est ainsi plutôt hasar-
deux d’avancer des théories concernant l’ornementation dans la pratique polyphonique
vocale à l’aune de traités à vocation plutôt solistique, il convient de surcroît de consi-
dérer que certains exemples de pièces ornées sont de facture très exceptionnelle. Dès
lors, comment, et surtout dans quelle mesure, se fier à ces sources sans se méprendre ?
Une autre source d’information historique est constituée par les comptes rendus
ou chroniques d’événements de toutes sortes : célébrations liturgiques, concerts privés,
réunions des membres de camerate et autres. Ces documents semblent pouvoir mieux
nous instruire quant aux pratiques d’exécution.
Cependant, un parallèle avec les descriptions de concert à notre époque pousse à
la circonspection. Le critique a toujours tendance à rapporter ce qui est exceptionnel,
à souligner la qualité hors norme d’une voix ou au contraire sa médiocrité, à distinguer
l’intelligence d’un musicien à faire comprendre le texte ou à multiplier les intentions
expressives. Bref, à pointer les événements musicaux sortant de l’ordinaire. Il est ten-
tant d’imaginer qu’il en était de même il y a quatre siècles. Et effectivement, la lecture
des descriptions de concerts ou de cérémonies dont nous disposons pour les périodes
anciennes consignent rarement les événements anodins. Ce qui amène à soulever la
question suivante : comment généraliser les règles de la pratique à partir de quelques
événements exceptionnels ?
Pour donner un exemple, la description de Luigi del Cornetto [Zenobi] faite par
Vincenzo Giustiniani et citée par Thimothy Collins11 montre Zenobi jouant dans sa
chambre avec tant de retenue et de contrôle qu’il ne couvrait pas le son du clavecin
fermé, l’instrument étant donc déjà à peine audible. Un lecteur pourrait en déduire
que de tels concerts « intimistes » étaient monnaie courante. Collins attire justement
l'attention sur ce point en précisant plus loin dans son article que, si des concerts privés
ont bien pu être donnés avec des violes, des flûtes, des voix ou des petits instruments
à clavier, il semble que les cuivres (cornets et sacqueboutes) étaient sollicités au sein
d’effectifs et d’espaces bien plus considérables et que leur participation à la musique de
chambre était excessivement rare.

10 Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere del Signor Giovanni Camillo Maffei da Solofra libri due, Naples,
Raymundo Amato, 1562.
11 Timothy A. Collins, « Musica Secreta Strumentali. The Aesthetics and Practice of Private Solo Instru-
mental Performance in the Age of Monody (ca. 1580 – ca. 1610) », International Review of the Aesthetics and
Sociology of Music, vol. 35, no 1, 2004, p. 47-62.

17
De même, Collins cite la description élogieuse des chanteurs Francesco Rasi et
Francesco Campagnolo figurant dans Il rapimento di Proserpina de Giulio Cesare
Monteverdi (1611) qui salue leur façon de faire les accenti, passagi, groppi, tremoli, trilli,
et autres ornements de goût12. La question se pose de savoir si le fait même que l’auteur
ait relevé ces éléments ne trahit pas le caractère exceptionnel de la performance men-
tionnée ou de sa qualité.
Enfin, s’il est important de ne pas inférer la règle de l’exception, il faut, suivant la
même logique, savoir garder à l’esprit que ce qui est tu n’est pas forcément inexistant
mais peut-être tellement évident qu’il était inutile d’en faire cas.

Abordons à présent les études –  relativement peu nombreuses13 –  consacrées à


l’objet qui nous intéresse. Les articles datant d’avant 1960 sont inutilisables (sauf dans
le cadre d’une étude historiographique) car ils n’abordent pas vraiment notre sujet ou
sont dépourvus de rigueur scientifique tel, par exemple, cet article au titre prometteur :
« The Ornamentations in the Works of Palestrina »14 qui ne traite, en réalité, que des
intervalles utilisés dans la composition.
L’article « Improvised Embellishment in the Performance of Renaissance Poly-
phonic Music » d’Imogene Horsley (1951)15 réunit à la fois les mérites et les défauts de
l’époque « pionnière » de la redécouverte de la musique ancienne. L’auteur y aborde la
pratique de l’ornementation improvisée et mentionne l’existence de quelques traités
d’ornementation d’époque. C’est, en effet, dans les années 1950 que certains cher-
cheurs commencent à envisager la musique de la Renaissance non plus sous l’angle du
seul répertoire écrit ou de l’histoire des compositeurs mais comme un langage vivant,
composé d’un patrimoine écrit, inspiré et rehaussé par une tradition orale d’improvi-
sation et d’ornementation.
Dans son article sur la lettre de Maffei (1956)16, Nanie Bridgman semble parado-
xalement s’attacher à tout sauf au contenu de la lettre, pourtant très intéressant. Dans
cette étude, il est essentiellement question des circonstances d’écriture et de la vie de
Maffei, Bridgman citant très souvent des extraits de la lettre en italien sans en propo-
ser aucune traduction en français.
Dans les dernières décennies du xxe siècle, les articles spécialisés se multiplient
et l’exécution historically informed (tant au point de vue des instruments utilisés que
des pratiques musicales mises en œuvre) se généralise. La littérature musicologique
n’est alors pas forcément plus objective puisqu’on compte parmi les livres et articles
parus depuis cette époque beaucoup de travaux partisans cherchant à défendre
une thèse plutôt qu’à analyser les matériaux sans a priori.  Les revues accueillent
aussi de véritables querelles où les différends personnels prennent le pas sur la rigueur
scientifique17.

12 Timothy A. Collins, « Reactions Against the Virtuoso. Instrumental Ornamentation Practice and the
Stile Moderno », International Review of the Aesthetics and Sociology of Music, vol. 32, no 2, 2001, p. 137-152.
13 Cf. la bibliographie à la fin de ce livre.
14 Povl Hamburger, « The Ornamentations in the Works of Palestrina », Acta Musicologica, vol. 22, nos 3-4,
1950, p. 128-147.
15 Imogene Horsley, « Improvised Embellishment in the Performance of Renaissance Polyphonic Music »,
Journal of the American Musicological Society, vol. 4, no 1, 1951, p. 3-19.
16 Nanie Bridgman, « Giovanni Camillo Maffei et sa lettre sur le chant », Revue de Musicologie, t. xxxviii,
no 113, 1956, p. 3-34.
17 Voir, par exemple, l’étonnant article de Denis Stevens : « Sound Without Fury », The Musical Times,
vol. 136, no 1827, 1995, p. 220-224 ; et la réponse d’Andrew Parrott : « Signifying Nothing », The Musical
Times, vol. 136, no 1828, 1995, p. 267.

18
Sources historiques et publications musicologiques : de la difficulté d’une lecture pertinente

Il faut toutefois reconnaître que la tâche n’est pas aisée. La difficulté d’accès aux
sources (archives, bulles papales ou motu proprio, reçus de salaires, inventaires, etc.,
documents rédigés en latin le plus souvent) rend ardue toute entreprise d’exploration
des anciennes pratiques de diminution. Le lecteur ou musicien non averti qui voudrait
se faire une idée par lui-même, n’aura guère d’autre option que de s’en remettre aux
publications et aux traductions existantes. Il sera alors confronté à la diversité mani-
feste des pratiques et mesurera à quel point la « vérité historique » est difficile à établir.
À titre d’exemple, considérons pour finir deux extraits des chroniques de la chapelle
Sixtine et l’interprétation qu’en propose Noel O’Reagan.
Dans les Libri dei puntatori (journal de la chapelle Sixtine où sont consignées les
absences ou négligences des chanteurs, avec de précieux témoignages sur la pratique
musicale) de la Chapelle pontificale en 1560, on lit que :

« […] il fut demandé au Maître de Chapelle, lors de messes pontificales, d’être dans
le chœur avec chanteurs, afin de faire respecter l’ordre de rester silencieux et [l’ordre] de
chanter les duos, trios et autres18. »

L’ordre de « rester silencieux et de chanter » a de quoi décourager les meilleures


volontés. Si l’on comprend sans grand risque d’erreur ce que désigne la formule « chan-
ter les duos, trios, etc. », « rester silencieux » peut signifier « ne pas chanter » (mais,
dans ce cas, ne pas chanter quoi ?) ou bien « ne pas bavarder », en d’autres termes se
tenir correctement, observer la solennité qu’exige une célébration. Les « duos, trios et
autres » constituent une énigme de plus : le mot « autres » fait-il référence aux « autres
pièces vocales de la célébration », à savoir toutes les pièces chantées ?
Nous envisagerons deux solutions cohérentes et plausibles : soit les chanteurs
devaient rester tranquilles pendant le déroulement de la cérémonie et chanter seu-
lement lorsqu’ils étaient sollicités ; soit les chanteurs « non occupés » devaient se tenir
tranquilles pendant l’exécution par leurs collègues des duos, trios et autres pièces ne
réclamant pas tout l’effectif. Dans les deux cas, il s’agirait simplement d’un rappel de
la discipline. La formulation latine reste cependant extrêmement équivoque.
Dans le même article, O’Reagan livre un second extrait de ces Libri dei puntatori,
datant de 1562 :

« Il fut décrété qu’au cours des messes et vêpres pontificales, certains chanteurs ne
devraient pas chanter seuls les duos ou trios, à moins qu’il ne soient nommés ou réquisi-
tionnés pour le faire, et à cet effet, quatre chanteurs parmi les plus anciens furent choisis,
un homme pour chaque registre19. »

Dans ce cas, selon nous, le problème semble être plutôt celui de la compétence des
musiciens. L’extrait ne laisse guère de place au doute et signale qu’il fallut choisir des
chanteurs capables d’assurer les exécutions à faible effectif. Cette idée est largement
corroborée par l’article de Richard Sherr sur la compétence à la chapelle papale20.
18 « Comisit magistro capelle ut in missa papalibus et in choro cum cantoribus, ut servaretur ordo silentii
et cantandi duo et tria et alia » (cité dans : Noel O’Reagan, « The Performance of Palestrina... », op.cit.,
p. 145-146) – les traductions sont les nôtres.
19 « Fuit decretum, in missis et vesperis papalibus, non debeant aliqui cantores singulariter decantare
duos vel tertios, nisi fuerint nominatus vel requisitus, et ad efectum huiusmodi elegerunt quatuor anti-
quiores cantores unum vz. ex qualibet pretense voce » (cité dans : Noel O’Reagan, « The Performance of
Palestrina... », op.cit., p. 145) – les traductions sont les nôtres.
20 Richard Sherr, « Competence and Incompetence in the Papal Choir in the Age of Palestrina », Early
Music, vol. 22, no 4, 1994, p. 607-629.

19
O’Reagan ne s’interroge pas sur l’incohérence de « l’ordre de rester silencieux et de
chanter les duos, trios, etc ». Par cette formule, il pense que sont désignées des sections
spécifiques, écrites à deux, trois ou quatre parties (certaines sections de l’ordinaire de
la messe, hymnes et magnificat des vêpres), par opposition au propre et au reste de
l’ordinaire de la messe qui étaient écrits et exécutés, à cinq ou six parties en général.
Toujours selon O’Reagan, la seconde citation est une preuve que « le système [proposé
en 1560] ne fonctionnait manifestement pas » mais celui-ci n’explique pas précisément
quel était ce système, ni dans quelle mesure il était inadapté. L’auteur ne livre pas
non plus au lecteur le raisonnement qui lui permet d’affirmer que le second extrait est
la description d’un système venant « corriger » le premier. Pour lui, in fine, la source
s’interprète ainsi : puisqu’il est précisé que c’est au cours des duos, trios, etc., que les
chanteurs doivent rester silencieux, il faut en déduire que seules ces pièces sont concer-
nées par une exécution soliste.
La thèse n’est pas saugrenue, elle est même extrêmement crédible si l’on considère,
comme O’Reagan le propose, le style de composition des différentes pièces (celui plu-
tôt conservateur de la prima prattica pour les pièces à cinq et six parties, et une écriture
plus moderne, ornée et virtuose, pour les pièces à deux ou trois parties). Cependant,
contrairement à ce que le chercheur prétend, les citations ne nous donnent aucune
information sur le nombre d’exécutants par partie (le propre d’un duo, exécution
soliste ou non, étant d’exclure toutes les parties sauf les deux concernées). En tout état
de choses, O’Reagan aboutit ici à une prétendue déduction, pourtant dénuée de toute
logique, en partant d’une citation elle-même ambigüe. Cette démarche confuse per-
met donc avec une facilité relative de « faire dire ce qu’on veut » à un témoignage
historique.

De tous les articles consultés, un seul nous a paru apporter des réponses claires et
utilisables à quelques-unes des questions qui se posent à tout interprète, et en parti-
culier celle portant sur les effectifs. Il s’agit d’une étude de Richard Sherr (1987)21 qui
aboutit aux conclusions suivantes.
Premièrement, la connaissance du nombre de chanteurs ou du nombre de chan-
teurs par partie recensés à la chapelle papale ne nous donne aucune indication fiable
sur le nombre d’exécutants chantant ensemble à un moment donné.
Deuxièmement, le terme « coro » n’implique pas forcément une exécution à plu-
sieurs par partie mais simplement que plusieurs personnes chantent en même temps ;
par exemple, quatre solistes dans une polyphonie à quatre voix forment un « coro ».
Troisièmement, il est presque sûr que les sections de duos, trios et quatuors des
messes étaient chantées par des solistes.
Quatrièmement, les sources concernant l’effectif par partie dans les autres sections
de la messe et dans les motets sont ambiguës ; cependant, elles suggèrent que tout
l’effectif ne chantait que rarement, sinon jamais, ensemble. L’exécution à un par partie
restait donc une solution acceptable en toutes circonstances.
Cinquièmement, à la chapelle Sixtine entre le xvie et le xviiie siècle (et proba-
blement aussi au xve siècle), la polyphonie commençait toujours par une intonation
soliste, même si certaines pièces ont peut-être été exécutées à plusieurs par partie.

21 Richard Sherr, « Performance Practice in the Papal Chapel during the 16th Century », Early Music,
vol. 15, no 4, 1987, p. 453-462.

20
Sources historiques et publications musicologiques : de la difficulté d’une lecture pertinente

Le chant soliste a par conséquent été une constante pour l’« oreille d’époque » lors des
cérémonies papales à la Renaissance.
Le fait peut paraître trivial mais des conclusions aussi claires sont très rares en
regard du grand nombre d’articles dont les auteurs restent évasifs. Parvenir à des
déductions fiables par des raisonnements explicites dans un domaine où tout n’est
qu’interrogations, relève en effet du tour de force, de la témérité et parfois de l’impos-
ture. Dans tous les cas, le lecteur devra garder à l’esprit que les sources qui nous sont
parvenues ne sont pas nécessairement le témoignage d’une pratique courante (même
si les pratiques exceptionnelles sont également dignes d’intérêt). Par ailleurs, il aura
pu constater que ce qui est publié dans une revue musicologique n’est pas toujours
irréfutable, d’autant que de nouveaux documents, découverts au fur et à mesure des
recherches, viennent quelquefois modifier en cours de route l’idée que l’on s’était faite
de telle ou telle pratique. La lecture de la littérature musicologique est de toute façon
profitable si on l’envisage dans l’optique habilement suggérée par Graham Dixon22 d’en
tirer « some questions, but fewer answers » – davantage de questions que de réponses.

Genève, mai 2013

22 Graham Dixon, « The Performance of Palestrina... », op. cit.

21
Introduction

Semplice
ou passeggiato
Diminution et ornementation
dans l’exécution de la musique
de Palestrina et du stile antico

William Dongois
(Haute école de musique de Genève)

page 25 Introduction

Chapitre 1

page 29 Diminutions et contextes d’exécution

Chapitre 2

page 35
Quand et comment diminuer ?

Chapitre 3

page 53 Différents aspects de la diminution

Chapitre 4

page 63 Le chanteur et la diminution

Chapitre 5

page 73 Le travail de la diminution

Chapitre 6

page 83 Les formes musicales et les usages

Chapitre 7

page 91 La diminution transalpine

Chapitre 8

page 97 La fin d’un art ?

Semplice ou passeggiato 23
Diminutions et contextes d’exécution

Introduction

Des résistances à la fois esthétiques et intellectuelles peuvent expliquer la relative


négligence dont sont victimes les pratiques de diminutions pour la musique de la
Renaissance. Depuis plus d’un siècle, nous avons pris l’habitude d’entendre la poly-
phonie palestrinienne exécutée sans ornements. Or, lorsque l’on tente de répondre
à une question  apparemment simple : à quoi ressemblait la musique vivante du
xvie siècle ? on est rapidement amené à découvrir un monde complexe dont l’explo-
ration nécessite des compétences diverses. La connaissance des diminutions réalisées
dans la musique polyphonique du xvie siècle représente, en effet, un défi tant pour le
musicien que pour l’historien. Essentiellement transmise par la tradition orale, la pra-
tique de la diminution n’a laissé que peu de traces dans les sources. La reconstruction
historique et la restitution musicale sont par conséquent condamnées à se baser sur
des documents lacunaires1. En dépit de cet état de fait, il est néanmoins possible de
reconstruire une bonne partie des pratiques anciennes.
Pour cette entreprise, les études musicologiques ne sont pas forcément d’un grand
secours. La question de l’exécution de la polyphonie palestrinienne a été surtout
abordée par l’analyse des partitions et des conditions de la pratique2. Dans ce dernier
1 La bibliographie à la fin de l’ouvrage donne une liste complète des sources disponibles ; les principaux
ouvrages sont les suivants : Giovanni Bassano, Ricercate passaggi et cadentie, Venise, Giacomo Vincenti et
Riccardo Amadino, 1585 (édition moderne : Peter Thalheimer, éd., [s. l.], Mieroprint, 1994) ; Giovanni
Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali e motetti passeggiati, Venise, Giacomo Vincenti,
1594 (fac simile : Nanie Bridgman, éd., Kassel, Bärenreiter, 1957) ; Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di
diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584, 2 vol. (traduction anglaise : Jesse Rosenberg, « Il vero modo di
diminuir », Historic Brass Society Journal, vol. 1, 1989, p. 109-114) ; Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi
essercitare nel diminuire, Venise, Giacomo Vincenti, 1592 (traduction anglaise et fac simile : Passaggi per
potersi essercitare nel diminuire, Bruce Dickey, trad., Bologne, Forni, 2002) ; Francesco Rognoni, Selva di
varii passaggi secondo l’uso moderno, Milan, Filippo Lomazzo, 1620 (fac simile : Guglielmo Barblan, éd.,
Bologne, Forni, 1978 ; traduction anglaise : Bruce Dickey, trad., Bologne, Forni, 2002, p. 39-43) ; Luigi
Zenobi, Raccolta di lettere varie, I-Rv [ms R. 45], manuscrit non daté, ca 1600 (édition bilingue italien-
anglais : The Perfect Musician. A Letter to N. N., Bonnie J. Blackburn et Leofranc Holford-Strevens,
éd. et trad., Cracovie, Musica Jagellonica, 1995).
2 Cf. le texte de Liselotte Émery dans ce volume ; sur le sujet : Noel O’Regan, « Palestrina, a Musician and
Composer in the Market-Place », Early Music, vol. 22, no 4, 1994, p. 551-573 ; Jean Lionnet, « Performance
Practice in the Papal Chapel during the 17 th Century », Early Music, vol. 15, no 1, 1987, p. 3-15 ; Richard
Sherr, « Performance Practice in the Papal Chapel during the 16th Century », Early Music, vol. 15, no 4,
p. 453-462 ; Eleanor Selfridge-Field, « Bassano and the Orchestra of St Mark’s », Early Music, vol. 4,
no 2, 1976, p. 153-158 ; Richard Sherr, « Competence and Incompetence in the Papal Choir in the Age
of Palestrina », Early Music, vol. 22, no 4, 1994, p. 607-629 ; Alain Chambure, éd., Palestrina 1594-1994.
L’Interprétation de Palestrina. Journées d’étude. Royaumont, octobre 1990. À propos des éditions, des effectifs,
du diapason, du tempérament, du tempo et de la modalité, Paris, Association Palestrina, 1991. Ni la question
de la diminution, ni même la mention des nombreux motets de Palestrina diminués dans de nombreuses
sources ne sont mentionnés. Les sujets traités sont les éditions, les effectifs, le diapason, le tempérament, le
tempo et la modalité. La question de l’ornementation, de la diminution de l’art vocal à cette époque n’a pas
fait l’objet d’une communication spécifique. Dans les articles mentionnés ci-dessus, les mots diminutions
ou passages n’apparaissent pas. Un article fait exception qui aborde le thème de la technique vocale mais
sans faire le lien avec le répertoire : Mauro Uberti, « Vocal Technique in Italy in the Second Half of the
16th century », Early Music, vol. 9, no 4, p. 486-495.

Semplice ou passeggiato 25
domaine, les aspects traités concernent principalement la question des effectifs, celle
du diapason et celle de la transposition3. Rarement la place accordée aux instruments
est mentionnée ou en tout cas discutée en profondeur. Cela est probablement dû au fait
que Giovanni Pierluigi da Palestrina et son œuvre sont associés (aux yeux du grand
public et de nombreux musiciens) à la chapelle Sixtine4 dont l’effectif fut, il est vrai,
exclusivement vocal. Pourtant, les partitions de Palestrina sont omniprésentes dans les
traités de diminution les plus importants. C’est la raison pour laquelle elles ont servi
de point de départ à cette étude, outre le fait qu’elles ont connu une diffusion immense
dans toute l’Europe, bien après la disparition du compositeur et l’apparition du stile
moderno5.
Dans les études existantes, la technique vocale (autrement dit « l’instrument uti-
lisé6 ») et les manières de chanter ne sont guère abordées. Les musicologues étudiant
les sources de la musique polyphonique et ceux analysant et travaillant sur les sources
consacrées à la diminution travaillent trop souvent de façon parallèle7. De façon géné-
rale, l’ornementation, la diminution, le type de voix idéal ou les modes d’imitation de

3 Patrizio Barbieri, « “Chiavette” and modal transposition in Italian practice (c. 1500-1830) », Recercare,
vol. 3, 1991, p. 5-80 ; Cavicchi, Adriano, « Appunti sulla prassi esecutiva della musica sacra nella seconda
metà del xvi secolo con riferimenti alla musica del Palestrina », Franceso Luisi, éd., Atti del convegno di
studi palestriniani, Rome, Fondazione Giovanni Pierluigi da Palestrina, 1977, p. 295-311 ; Graham Dixon,
« The Performance of Palestrina. Some Questions, but Fewer Answers », Early Music, vol. 22, no 4, 1994,
p. 666-675 ; Jeffrey Kurtzman, « Tones, Modes, Clefs and Pitch in Roman Cyclic Magnificats of the
16th Century », Early Music, vol. 22, 1994, p. 641-665 ; Noel O’Regan, « The Performance of Palestrina.
Some Further Observations », Early Music, vol. 24, 1996, p. 145-154.
4 D’une part, Palestrina n’a travaillé que brièvement à la Sixtine et d’autre part, il a également écrit de la
musique profane. Zacconi lui reproche par ailleurs la mise en musique du texte licencieux du Cantiques des
Cantiques (Lodovico Zacconi, Prattica di musica seconda parte, Venise, Alessandro Vincenti, 1622, p. 53-24
– fac simile : Bologne, Forni, 1967).
5 Helmut Hucke, « Palestrina als Autorität und Vorbild im 17. Jahrhundert », Raffaele Monterosso, éd.,
Atti del convegno Claudio Monteverdi e il suo tempo, Vérone, Valdonega, 1969, p. 253-261 ; Jean Lionnet,
« Palestrina e la cappella pontificia », Bianchi, Lino et Rostirolla, Giancarlo, éd., Palestrina e la sua
presenza nella musica e nella cultura europea. Atti del ii Convegno internazionale di Studi palestriniani, Palestrina,
Fondazione Pierluigi da Palestrina, 1991, p. 123-137 ; Graham Dixon, « Tradition and Progress in Roman
Mass Settings after Palestrina », Lino Bianchi et Giancarlo Rostirolla, éd., Palestrina e la sua presenza
nella musica e nella cultura europea dal suo tempo ad oggi…, op. cit., p. 309-324 ; Stephen Miller, « On
Gommon Ground. Palestrina, “Musica Comune” and Seventeenth-Century Roman Sacred Music »,
Giancarlo Rostirolla, Stefania Soldati et Elena Zomparelli, éd., Palestrina  e l’Europa. Atti del
iii Convegno Internazionale di Studi, Palestrina, Fondazione Giovanni Pierluigi da Palestrina, 2006,
p. 1037-1060.
6 Par « instrument utilisé », nous entendons le corps du chanteur et sa technique vocale considérés comme
un seul et même outil musical.
7 Signe des temps, directeurs artistiques, instrumentistes et chanteurs parent le plus souvent au plus pressé
et vendent aux organisateurs de concerts plus des concepts que le fruit musical de leurs recherches. L’idée
d’effectuer un travail de recherche menant à l’adoption d’une autre esthétique, sans souci de provoquer et/
ou de « faire effet », semble relever de l’exception.

26
Introduction

la voix par l’instrument8 sont des champs encore peu étudiés9 et qui semblent n’avoir
suscité l’intérêt que de praticiens : flûtistes à bec, cornettistes essentiellement et trop
rarement chanteurs10.
Derrière la question de la fonction de la diminution et de l’ornementation se pose
celle du statut de la notation musicale : qu’est-ce qu’une partition pour le musicien mais
aussi pour le musicologue aujourd’hui ? quels liens ont pu unir le geste et le signe ?
qu’est-ce qu’un compositeur veut fixer à l’époque qui nous intéresse ? La notion même
de compositeur doit d’ailleurs être remise en question, la plupart de ceux que nous
désignerions par ce nom étant des praticiens, des chanteurs et/ou des instrumentistes.
Le but ici n’est pas de prendre position par rapport aux différents travaux ayant
porté sur l’improvisation historique ou sur son apprentissage11, ni de produire une
synthèse définitive. Il s’agit de partir de l’expérience, nourrie et éclairée par des infor-
mations tirées des documents anciens, pour tenter de donner une image des différents
« vêtements »12 que la musique polyphonique a pu revêtir. C’est la raison pour laquelle
notre recherche s’est concentrée sur les sources et leur traduction.
Ajoutons que la diminution est actuellement traitée par les praticiens soit comme
simple technique, soit – à tort – comme genre musical et qu’elle est considérée, à ce
titre, comme une pratique à part, ce que les sources semblent contredire. La présente
étude propose de dépasser cette dichotomie et de montrer à travers un survol de mul-
tiples sources que, d’une part, le terme diminution recouvre un champ de pratiques
assez large et que, d’autre part, les pratiques habituelles de la polyphonie n’excluaient
ni l’ornementation (comme partie constituante du son vocal ou instrumental) ni la
diminution. Les seules questions auxquelles le musicien doit répondre aujourd’hui
sont donc celles de la quantité et de la qualité des diminutions et des ornementations
qu’il faut intégrer lors de la restitution des pièces polyphoniques.

K K K

8 Ganassi définit sans équivoque l’imitation de la voix humaine : l’instrumentiste doit donner l’impression
de « dire un texte » avec son instrument et non d’imiter le son de la voix humaine ; voir : Silvestro Ganassi,
Opera intitulata Fontegara, Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535 (fac simile : Bologne, Forni,
2002 ; traduction française : Œuvres complètes, vol. 1. La Fontegara, Christine Vossart, éd., Jean-Philippe
Navarre, trad., Sprimont, Mardaga, 2002).
9 Mauro Uberti, « Vocal technique in Italy in the second half of the 16th  Century », op. cit. ; Howard
Mayer Brown et Rebecca Stewart, « Voice Types in Josquin’s Music », Tijdschrift van de Vereniging voor
Nederlandse Muziekgeschiedenis, vol. 35, nos 1-2, 1985, p. 97-193.
10 Andrew Parrott semble avoir été l’un des premiers à enregistrer de la polyphonie ornée (Andrew
Parrott, dir., Musique à la Chapelle Sixtine, Virgin Classics, 0724348998224). Signalons aussi l’étude
suivante qui fait une synthèse intéressante d’une partie des sources : Romain Bockler, L’Ornementation
dans la polyphonie vocale de la Renaissance, mémoire de master, CNSM de Lyon, 2013.
11 Cf. la bibliographie en fin d’ouvrage.
12 L’image de l’ornement et de la diminution comme « vêtement » de la musique est issue de la rhétorique
classique que l’on qualifiait elle-même d’habillage ou de fard appliqué sur le corps des mots.

Semplice ou passeggiato 27
Écrit par un praticien, ce livre aborde les questions de restitution dans l’ordre dans
lequel elles se sont posées à un groupe d’étudiants avec lequel j’ai travaillé pendant 18
mois dans le cadre du projet de recherche IMPROPAL à la Haute école de musique de
Genève. Au cours de cette aventure, les étudiants, tant instrumentistes que chanteurs,
ont confronté le répertoire polyphonique des motets de Palestrina à des exemples de
diminutions puisées entre autres dans les traités de Giovanni Bassano, de Francesco
Rognoni et dans les sources secondaires comme les textes de Luigi Zenobi et de
Giovanni Camillo Maffei13. L’aller et retour entre expérience, exercices, réflexion et
consultation de sources a permis une lecture et une pratique à chaque fois renouvelées,
tout en élargissant le champ des possibilités grâce à la pratique des exercices anciens.
Peu à peu, se sont dévoilés des éléments invisibles à première vue, mécanisme
admirablement décrit par une formule que Jean-François Billeter traduit du chinois
dans l’un de ses ouvrages : « La main trouve, l’esprit répond »14. En effet, l’expérience
montre que certaines idées musicales ne sont pas pensables et encore moins réalisables
tant que le corps n’est pas capable de les produire. Ce processus dynamique tient égale-
ment compte d’un autre élément décisif : la place de l’instrument dans le geste musical.
Un instrument à réponse rapide aide le musicien à réaliser la musique deman-
dant une grande vélocité ; un instrument à réponse plus lente aura, par contre, une
palette dynamique plus large. C’est le cas de presque tous les instruments à vents,
cornets, sacqueboutes, flûtes diverses, trompettes mais aussi orgues, clavecins et ins-
truments à cordes. Par ailleurs, la facture qualifiée d’historique porte immanquable-
ment la marque de préjugés appliqués à la définition du son. Cette marque de notre
modernité apparaît particulièrement dans la dernière phase de travail que les facteurs
et instrumentistes appellent harmonisation, par exemple les diverses opérations de
réglage des tuyaux de l’orgue ou de la tête de la flûte. Le balancement entre la rigueur
de la démarche dans la réalisation de copies, la recherche sur les modes d’exécution et
l’exercice journalier est un processus dynamique, parallèle à celui décrit par Billeter.
L’expérience finit donc par modifier indéniablement la capacité de comprendre
les traités et les partitions musicales. Au-delà de la relation existant entre l’outil (ins-
trument et technique vocale) et l’idée, le développement de l’aptitude à improviser
change le regard porté sur la musique en général et sur chaque partition en particulier.
La pratique de l’improvisation, la capacité acquise d’ajouter des diminutions sur une
ligne mélodique connue ou inconnue, les libertés prises face à la composition ont ainsi
considérablement modifié ma conception artistique et mon approche des textes notés15.
La nécessité de concevoir ce livre a découlé de la lenteur de l’évolution des pra-
tiques de restitution de la musique de la Renaissance malgré les nombreux témoignages
historiques disponibles. Étant entendu qu’il est difficile pour le praticien d’avoir une
connaissance globale des nombreuses sources conservées, cet ouvrage lui permettra
de circuler facilement de l’une à l’autre. Quant au musicologue, il pourra lire les com-
mentaires contenus dans ce livre comme le résultat de la familiarité acquise après de
nombreuses années par des musiciens dans l’exercice de la diminution.
13 Giovanni Bassano, Ricercate passaggi et cadentie, op. cit. ; Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi,
op. cit. ; Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie, op. cit. ; Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere del Signor
Giovanni Camillo Maffei da Solofra libri due, Naples, Raymundo Amato, 1562. Tous ces textes sont
partiellement traduits dans la seconde partie de l’ouvrage.
14 Jean-François billeter, Trois leçons sur Tchouang T’seu, Paris, Allia, 2002.
15 Pour un ouvrage didactique d’apprentissage de la diminution : William Dongois, Apprendre à improviser
avec la musique ancienne. Méthodologie d’improvisation, Gennevilliers, Color & Talea, 2008.

28
Diminutions et contextes d’exécution

Chapitre 1

Diminutions
et contextes d’exécution

Usages et effectifs des chapelles italiennes


à la fin du xvie siècle

La question de l’effectif vocal et instrumental, tout en étant fondamentale,


ne peut être traitée sans être contextualisée, même si ce sujet demanderait à lui seul
un ouvrage spécifique. Les effectifs des grandes chapelles italiennes à Rome et Venise
ont pu compter jusque 30 chanteurs1. L’énonciation de ce fait masque de grandes dis-
parités. Toutes les chapelles ne comptent pas nécessairement un tel effectif et tous les
chanteurs ne chantent pas ensemble, certains étant en congés ou en voyage, d’autres en
repos ou malades. De fait, l’habitude pour les offices ordinaires semble avoir été d’em-
ployer plutôt un chanteur par voix. Mais pour les chapelles comprenant des enfants,
ces derniers pouvaient être entre trois et six par voix pour un chanteur adulte en charge
d’une autre voix. À cela s’ajoute la présence d’instrumentistes lors d’offices importants
ou de fêtes solennelles. Par exemple, la cappella grande de Saint-Marc comprend en
1562 : quatre sopranos, cinq altos, trois ténors, trois basses et cinq enfants sopranos.
Lors du Noël de 1602, on compte 14 instrumentistes. On dénombre également six
piffari titulaires pour la musique du doge. La basilique San Petronio à Bologne, quant
à elle, comptait quatre cornettistes et quatre sacqueboutistes titulaires, auxquels
s’ajoutent, à la fin du xvie siècle, des instrumentistes à cordes qui les supplanteront au
cours du xviie siècle2. Par contre, la pratique à la chapelle Sixtine était rigoureusement
a cappella, sans orgue ni autres instruments.
Les conditions de la pratique de la polyphonie étaient donc extrêmement diverses.
Ajoutons que dans l’introduction de ses Cento concerti ecclesiastici, Lodovico Viadana
mentionne avoir écrit des motets de une à quatre voix au vu de la difficulté d’exécuter

1 Sur le cas vénitien : Francesco Caffi, Storia della musica sacra nella già cappella ducale di San Marco in Venezia
dal 1318 al 1797, Venise, Antonelli 1854-1855 (fac simile : Hildesheim, Olms, 1982) ; Eleanor Selfridge-
Field, « Bassano and the Orchestra of St. Mark’s », op. cit. ; Franco Colussi, David Bryant et Elena
Quaranta,  éd,  Girolamo Dalla Casa detto da Udene e l’ambiente musicale veneziano, Udine, Spocietà
filologica friulana, 2000, p. 41-43 ; James Harold Moore, Vespers at St. Mark’s. Music of Alessandro Grandi,
Giovanni Rovetta and Francesco Cavalli. Ann Arbor, UMI, 1981 ; pour le cas romain : Noel O’Regan, « The
Performance of Palestrina... », op. cit. ; Jean Lionnet, « Performance Practice in the Papal Chapel... », op.
cit. ; O’Regan ; Richard Sherr, « Performance Practice in the Papal Chapel... », op. cit. ; Richard Sherr,
« Competence and Incompetence in the Papal Choir... », op. cit.
2 Eleanor Selfridge-Field, Eleanor, « Bassano and the Orchestra... », op. cit., p. 155 ; Francesco Caffi,
Storia della musica sacra, op. cit.

Semplice ou passeggiato 29
la polyphonie avec le nombre nécessaire de chanteurs3. Le répertoire de Giovanni
Gabrieli propose pour l’exécution des grands motets un effectif comprenant un chan-
teur par chœur, les autres voix étant exécutées par des instruments. Il se peut que cette
manière d’écrire la musique corresponde à un usage plus ancien et encore courant. En
ce qui concerne la musique instrumentale du xvie siècle, on constate qu’à l’exception
de la musique de danse, des ricercares et des fantaisies, le répertoire est exclusivement
formé d’arrangements de musique vocale.
Enfin, il faut ternir compte du fait que les premiers traités de diminutions sont
souvent écrits par des instrumentistes au xvie siècle. Les chanteurs n’en publient qu’à
partir de la toute fin du siècle4. La diminution instrumentale est toujours basée sur
des modèles vocaux, à l’exception notable du traité de Diego Ortiz qui puise dans la
musique pour basse obstinée5. Les instrumentistes mentionnent toujours dans leurs
traités que les diminutions sont aussi per la semplice voce. Silvestro Ganassi est le pre-
mier à mentionner clairement que l’instrument doit imiter la voix humaine et suggérer
la présence d’un texte, plutôt que d’imiter le timbre de la voix humaine, comme beau-
coup le comprennent souvent6.
Toutes ces données définissent un cadre assez large ouvrant la porte à de nom-
breuses possibilités de pratique de la diminution et de l’ornementation, qui iront donc
de la pratique soliste jusqu’à une pratique collective avec redoublement de voix.

Diminuer et orner

« Diminuir » : diminuer/diminution7. Tel est le terme qui qualifie l’art de l’orne-


mentation et de certaines formes de l’improvisation aux xvie et xviie siècles : le musi-
cien, chanteur ou instrumentiste qui diminue, divise la valeur de certaines notes de la
mélodie originelle8. Il joue donc beaucoup plus de notes qu’il n’en est écrit entre les
points d’appui constitués par les notes de la mélodie originale. Cette pratique – écrite
ou improvisée – se retrouve dans toutes les musiques (vocales et instrumentales) dès
qu’il s’agit de virtuosité. De nos jours, elle est devenue la spécialité des cornettistes et
flûtistes à bec, parmi les musiciens spécialisés dans la musique de la Renaissance, et
nombre de personnes croient à tort, faute d’information, que les traités sont majoritai-
rement instrumentaux. Ce point de vue ne résiste pas à l’analyse.

3 Lodovico Viadana, Cento concerti ecclesiastici, op. 12, Venise, Giacomo Vincenti, 1602 (édition moderne
partielle : Claudio Gallico, éd., Mantoue et Kassel, Istituto Carlo d’Arco et Bärenreiter, 1964), cf.
Glossaire, rubrique « Cappella ».
4 Giovanni Bassano, Ricercate passaggi et cadentie, op. cit. ; Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir,
op. cit. ; Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare, op. cit. ; Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie,
op. cit.
5 Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553 (édition moderne : Annette Otterstedt, éd., Hans
Reinsers, trad., Kassel, Bärenreiter, 2003). Ce traité est l’un des plus simples et des plus abordables puisqu’il
était destiné aux joueurs de violes, instruments également joués par de nobles amateurs.
6 Silvestro Ganassi, Opera intitolata Fontegara, op. cit.
7 Cf. Glossaire, rubrique « Définition de la diminution ».
8 Le terme anglais est « divisions » et le terme espagnol « glosas ». Marin Mersenne ne distingue pas
clairement les termes « passages », « diminutions » et « fredons ». Ce dernier semble évoquer le mouvement
du larynx lors de l’exécution des passages, cf. Marin Mersenne, Harmonie Universelle, Paris, Sébastien
Cramoisy, 1636 (édition moderne : François Lesure, éd., Paris, CNRS, 1986), livre vi, De l’art de bien
chanter, p. 356-358.

30
Diminutions et contextes d’exécution

Dans l’usage, le terme « orner » est parfois synonyme de diminuer. Je l’em-


ploierai ici plutôt pour désigner ce que les sources françaises appellent les agréments,
les sources italiennes gratie et Ganassi galanteria. Ces termes concernent en premier
lieu une note et non un enchaînement de plusieurs notes lequel sera alors appelé dimi-
nution. Les sources ne séparent pas ces deux domaines du point de vue terminologique
car la frontière entre les deux est floue. Un ornement, même s’il n’affecte qu’une seule
note, change la relation que celle-ci entretient avec la suivante et, inversement, un
passage vif entre deux notes prend une valeur ornementale.

Le tempo

De nos jours, il existe une dichotomie entre le monde de la musique diminuée et


la pratique ordinaire  de la polyphonie, la diminution étant généralement considérée
comme un genre musical distinct de l’exécution littérale de la musique à plusieurs
voix. En conséquence, deux pratiques ont été instaurées. L’une consiste à faire jouer au
soliste instrumentiste (plus souvent qu’au chanteur) au tempo possible ou plutôt néces-
saire pour réaliser les notes écrites par Francesco Rognoni, Giovanni Battista Bovicelli
ou Girolamo Dalla Casa9. L’autre, appelée « vocale » et d’ensemble (in compagnia aurait
dit Dalla Casa), exclue toute diminution ou ornement et adopte un tempo presque
deux fois plus rapide que la première, ce tempo étant justifié par des considérations sur
le texte et la clarté de sa prononciation. La distinction entre ces deux pratiques pensées
comme antinomiques doit être questionnée.
Le problème du tempo mériterait à lui seul un ouvrage. Disons seulement que les
pratiques que nous venons d’évoquer reposent en grande partie sur les habitudes de
vitesse d’exécution10 prises depuis quelques quarante ans et ce en rupture volontaire et
assumée avec les usages qui avaient précédé. Ainsi, une norme succède à une autre au
mépris de la probable diversité des pratiques historiques, comme nous allons le voir.
De manière quasiment générale, l’exécution contemporaine des motets et des madri-
gaux de la Renaissance se fait à un tempo qui exclut qu’un exécutant virtuose, averti
et compétant sur les questions d’improvisation et de diminution, puisse exécuter les
formules courantes proposées par les différents traités « faute de place ». Faute de temps
faudrait-il plutôt écrire.
La polyphonie s’écrit avec des valeurs allant de la brève à la semiminime, celle-
ci ne supportant que rarement des syllabes (et ce dans le madrigal essentiellement).
La diminution commence en deçà de ces valeurs rythmiques. La valeur courante de
la diminution, même simple11, est la double-croche12, la triple-croche constituant la
limite de vélocité (écrite) de 1580 à 1700 environ. Il s’agit donc, pour une pulsation, de

9 Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi, op. cit. ; Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di
musica, op. cit. ; Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, op. cit. 
10 Du reste, le mot français « cadence » serait plus approprié que le terme « tempo » mais on utilisera ici le
terme moderne de « tempo » qui désigne la vitesse de la pulsation. Jusqu’au début du xviie siècle, on utilise
le mot tactus et le système mensuraliste qui exclut la possibilité de varier la pulsation.
11 Francesco Rognoni dirait facile.
12 Il y existe naturellement quelques exemples (rares) de diminutions en croches.

Semplice ou passeggiato 31
conserver toujours la place pour jouer/chanter huit si ce n’est seize notes13. La question
du tempo se pose aussi dans l’exécution sans diminutions mais avec ornements, ces
derniers ayant besoin d’un espace propre d’expression et de développement14.
Hormis quelques exercices didactiques en début de traité, il n’y a que peu
d’exemples de musique diminuée qui n’utilisent que quatre notes par pulsation de
blanche15. Même les diminutions « facile per la viola bastarda » de Riccardo Rognoni16
utilisent les doubles-croches (dans les cadences). Ainsi, le tempo qui accorde assez de
place ou d’espace aux figures de diminution présentes dans les traités et les rend exé-
cutables est nécessairement d’environ 50/60 minimes à la minute. Il peut aller jusqu’à
72/76 battements dans le cas de diminutions assez simples. Les chiffres que nous don-
nons forment une fourchette de possibilités admises, selon le type de diminutions
écrites auquel le musicien est confronté ou qu’il veut improviser.
La question se pose ensuite de la relation que ce tempo « nécessaire » entretient
avec la pratique non-diminuée, appelée souvent normale. L’exécutant, jouant avec ce
tempo nécessaire, acquiert avec l’expérience le sentiment que celui-ci est assez naturel,
ni trop lent, ni trop rapide. Dans le cadre de l’atelier du projet IMPROPAL, les étu-
diants instrumentistes ou les chanteurs n’avaient été gênés ni par le rapport note sup-
port/tempo, ni par le rapport mots/tempo. Après un certain temps, il leur semblait
même difficile de revenir au tempo plus rapide dans lequel ils travaillaient auparavant.
La perception du tempo est extrêmement subjective puisqu’elle dépend des habitudes
de lecture, de l’idée que chacun se fait du résultat sonore, ou bien des manières de
décrypter les partitions et de produire le son par rapport à la pulsation17.
Lors des ateliers à Genève et au cours de nombreux stages de diminution, nous
avons observé qu’à la surprise des pratiquants, le retour à une version non diminuée dans
un tempo « lent » (adopté pour les exercices de diminutions) est non seulement possible
mais semble toujours évidente. Ces expériences ont montré aussi qu’un « tempo juste »,
perçu comme tel, se situe dans une fourchette de possibilités permettant à un bon
exécutant de réaliser les différents degrés de diminutions et d’ornementations décrits
dans les sources – avec la double-croche comme norme de la diminution « ordinaire »18.
À l’inverse, nous pouvons affirmer, après expériences, que le tempo de 50/60
minimes à la minute ne peut guère s’élever au-delà de 72/76 même si l’on ne sou-
haite faire que des ornements élégants sans agitation. Parmi les diminutions issues des
traités importants, seules celles de Giovanni Bassano, qui ne vont jamais au-delà de la

13 Soit 32 notes par semibrève. La formulation est employée par Correa de Arauxo pour décrire ses tientos très
virtuoses. Chez Ganassi (1535), la double-croche est la valeur la plus rapide mais elle s’applique néanmoins
à une musique dont les valeurs sont souvent plus lentes que dans les pièces plus tardives. D’autre part, sa
regola terza (sept notes pour une semibrève) implique quand même 28 doubles-croches par semibrève,
c’est-à-dire un nombre proche des 32 notes en usage à partir de 1580.
14 Cf. Glossaire, rubrique « Semplice ».
15 L’usage des auteurs anciens est de considérer la division de la semibrève. Aujourd’hui, il est plus usuel de
se baser sur la division de la minime.
16 Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare, op. cit. Le madrigal Ancor che col partir et la chanson Un
gay bergier sont accompagnés de la mention facile per la viola bastarda.
17 Ce dernier point mériterait un traitement à part : il a beaucoup à voir avec une certaine conception de la
« phrase musicale » et de la ligne mélodique. En envisageant le rapport son/tempo comme produit d’un
mouvement, celui du corps qui danse ou de la scansion de la parole, la manière de produire et de tenir le
son est très différente. La pratique de l’improvisation est aussi souvent le déclencheur d’un changement
allant dans ce sens.
18 Chez Riccardo Rognoni, une diminution « facile per la viola bastarda » ne comporte que des croches, sauf
dans quelques cadences qui utilisent des doubles croches.

32
Diminutions et contextes d’exécution

double-croche19, peuvent être exécutées avec une cadence de minime allant jusque 72 à
la minute. Au-delà, il est difficile de restituer le caractère serein des motets, la gravité
de la musique d’église ou les nombreux affects exprimés par les textes des madrigaux.
Un des seuls passages mentionnant explicitement le tempo dans un traité de dimi-
nution se rencontre sous la plume de Bovicelli (1594) :

« Car en chantant, non pas a cappella, mais da concerto, où la battue doit être lente,
si l’on désire faire des croches qui ne procèdent pas par degrés conjoints, cela ressemble
presque être l’étude faite durant une leçon. On pourra y remédier en pointant une croche
et l’autre non. En variant de sorte le tempo, on obtiendra un effet varié dans l’un et dans
l’autre. Puis les doubles croches, outre la disposition de la voix, doivent être bien détachées
et il ne faut pas trop en utiliser, comme nous l’avons mentionné pour les croches si elles
ne procèdent pas par degrés conjoints. On obtiendra un effet magnifique, toujours avec
les doubles croches lorsque dans un long passage de notes conjointes, on soutiendra la
première plus que les autres20. »

Les termes da cappella et da concerto renvoient à deux pratiques différentes. Une


traduction possible du terme da cappella est que ce dernier renvoie non seulement à la
pratique de chapelle mais implicitement aussi à la pratique d’ensemble polyphonique
et que da concerto (le concert) évoque plutôt une pratique soliste21. Cela pourrait expli-
quer le type de diminutions écrites par Bovicelli et l’intense usage que celui-ci fait de
la triple-croche. Cette dernière valeur implique un tempo d’exécution du motet très
lent, c’est-à-dire plus modéré que la « lenteur » supposée par la présence de doubles-
croches. Un tempo plus « allant », adopté lorsqu’on veut exécuter des doubles-croches,
demeure de toute façon « lent » par rapport aux habitudes de nombreux musiciens
contemporains22.

19 Giovanni Bassano, Mottetti, madrigali et canzoni francese, Venise, Giacomo Vincenti, 1591, volume perdu,
copie manuscrite de Karl Franz Friedrich Chrysander, D-Hs [mb/2488]. Les ricercate du premier ouvrage
de Bassano comportent, en revanche, de nombreux traits en triple–croches (Giovanni Bassano, Ricercate,
passaggi et cadentie, op. cit.).
20 « Perché cantando non da cappella, ma da concerto, dove la battuta deve esser grave, i[l] volere far crome,
che non vadino per grado, pare che sia quasi lo studiare una lettione. Vi si potrà nondimeno rimediare,
facendo i ponti ad una croma sì, e l’altra no ; perche da quel variar di tempo ne segue vario effetto nell’uno,
e nell’altro. Le biscrome poi, oltre la dispositione della voce devono esser spiccate bene, né si devono usar
molto anch’esse, se non vanno, come detto habbiamo delle crome per grado. Nelle quali biscrome anco
ne segue bellissimo effetto, quando che in una tirata di molte note per grado si tiene la prima più delle
seguenti » (Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica..., op. cit., p. 14).
21 Cf. Glossaire, rubriques « Cappella » et « Compania et concerto ».
22 Il y aurait beaucoup à dire sur l’importance que la vélocité tient dans une culture musicale : celle-ci est de
nos jours plutôt mal considérée et perçue comme « non expressive ».

Semplice ou passeggiato 33
Quand et comment diminuer ?

Chapitre 2

Quand
et comment diminuer ?

Les expériences conduites lors des ateliers du projet IMPROPAL confirment les
mentions de certaines sources faisant du dessus (le soprano) le « lieu » privilégié de
la diminution1. Si les parties d’alto(s) et surtout celles de ténor(s) s’y prêtent du point
de vue de leur morphologie, la diminution y est alors moins audible. La partie de
basse peut subir le même traitement à condition d’employer des figures spécifiques2.
Il semble toutefois qu’on se lasse plus facilement de la répétition ou de l’insistance
d’une diminution de basse que de celle d’un dessus. L’exemple du répertoire d’orgue
en général et des tientos pour registre de bajon de Francisco Correa de Arauxo en par-
ticulier est éloquent à cet égard3. Dans l’un des plus virtuoses (no 60), Tiento de Medio
Registro de Baxon de treinta y dos Numeros al compas, la partie de main droite est dotée
de nombreux ornements alors que dans les tientos de dessus (pour le registre de la cor-
netta coupé au do#), la main gauche n’a jamais de diminutions [1].

1 « Le soprano a l’obligation et le champ libre de diminuer, de rendre plaisant et [...] d’embellir un corps
musical » (Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit., p. 30).
2 Ces figures spécifiques sont notamment utilisées pour les cadences ; voir les exemples d’exercices pour
basse de Francesco Rognoni (Selva de varii passaggi, op. cit., p. 33).
3 Francisco Correa de Arauxo, Libro de tientos y discursos de música practica y theorica de organo, Alcalá,
Antonio Arnao, 1628 (fac simile : Genève, Minkoff, 1981). Ce répertoire de pièces d’orgue est cité ici car
cette musique est essentiellement polyphonique : les quatre ou cinq voix y sont traitées avec une grande
rigueur dans le style ancien, comme Palestrina ou Victoria le font dans leur œuvre vocale. La part accordée
à la diminution de main gauche dans une grande partie du répertoire pour clavier donne une idée de
l’équilibre entre virtuosité du dessus et de la basse.

Semplice ou passeggiato 35
[1] Francisco Correa de Arauxo, « Tiento no 60 de Medio Registro de Baxon », Libro de tientos y discursos
de música practica y theorica de organo, Alcalá, Antonio Arnao, 1628.

Pour certains motets, Bassano a proposé une diminution de basse et une diminu-
tion de dessus : les deux se superposent sans aucun problème et l’on imagine qu’elles
peuvent être improvisées par de bons joueurs, maîtrisant la vélocité et le contrepoint,
tant autrefois qu’aujourd’hui. L’existence de cette superposition incite à penser que
tous les participants aux motets peuvent diminuer. En se contentant de diminuer en
plus les quelques cadences présentes dans les parties de ténor et d’alto, voire quelques
passages, on obtient une improvisation collective assez riche sans jamais remettre en
cause la clarté de l’original [2].

36
Quand et comment diminuer ?

[2] Deux diminutions sur le motet Tota pulchra es de Palestrina (Giovanni Bassano, Motetti, madrigali et
canzoni francese, Venise, Giacomo Vincenti, 1591, volume perdu, ici d’après une copie manuscrite de
Karl Franz Friedrich Chrysander, D-Hs [mb/2488]).

Semplice ou passeggiato 37
38
Quand et comment diminuer ?

Semplice ou passeggiato 39
La diminution de groupe 

La question de l’improvisation collective est, dans le cadre de la polyphonie,


une affaire de conventions et de répartition des rôles. Si chacun ne diminue sa partie
que là où elle s’y prête le mieux, en respectant scrupuleusement les points d’appui,
alors il est peu probable que les musiciens rencontrent des problèmes. Rappelons-
nous d’ailleurs que dans les périodes anciennes, chanteurs et instrumentistes jouaient
ensemble le même type de répertoire tous les jours. Nous serions sans doute surpris du
résultat obtenu en confrontant quelques bons musiciens d’aujourd’hui à cette pratique
quotidiennement pendant ne serait-ce que quelques mois.
Bovicelli, qui mentionne les pratiques da cappella et da concerto, propose des dimi-
nutions extrêmement virtuoses, chantées obligatoirement dans un tempo très lent (32
notes par ronde) et réservées de toute évidence à une pratique de soliste accompagné,
à la différence de celles de Bassano qui, pour le moins, autorisent non seulement des
tempi un peu plus rapides mais aussi une pratique d’improvisation collective, comme
nous l’avons vu plus haut. Le principe d’une diminution collective est naturellement
attesté par des documents historiques : il était, en effet, tout à fait possible d’envisager
de diminuer un motet en groupe sans avoir rien convenu ni écrit, en suivant, par
exemple, les conseils de Giovanni Camillo Maffei 4. Ce dernier propose de ne dimi-
nuer que les cadences de sa propre voix (même en donnant un sens élargit au terme
cadence) et de ne pas faire plus de quatre ou cinq diminutions par voix. Ceci corres-
pond plus ou moins au nombre de cadences contenues dans chaque voix d’un motet.
À titre d’exemple, voici quelques formules cadentielles mélodiques simples que
l’on rencontre dans la musique polyphonique :

[3] Modèles de cadences usuelles

À la suite de diverses expériences tant avec des musiciens expérimentés qu’avec


des étudiants, l’habitude prise de placer fréquemment des diminutions sur un motet
rend rapidement inconcevable le fait de le jouer ou de le chanter come sta. On mesure
alors à quel point l’éducation informe l’esprit et nourrit certains préjugés en créant
une idée du « naturel » qui n’est, bien souvent, rien d’autre que « l’habituel ». En groupe
toujours, le même procédé pédagogique fonctionne en appliquant des diminutions très
simples exécutées avec des formules convenues et placées systématiquement sur, par
exemple, une valeur rythmique particulière ou un intervalle spécifique. Le motet est
alors presque intégralement diminué sans difficulté et on comprend que les auteurs qui
prônent la retenue parlent de diminutions rehaussant l’esprit des compositions quand
elles sont à la fois choisies et bien réparties. Un résultat satisfaisant est obtenu aisément
à condition que chacun suive strictement sa ligne.

4 Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere del Signor Giovanni Camillo Maffei », op. cit. (transcription de la
lettre sur le chant dans : Nanie Bridgman, « Giovanni Camillo Maffei et sa lettre sur le chant », Revue de
musicologie, t. xxxviii, no 113, 1956, p. 3-34). Cf. Glossaire, rubrique « Règles et conseils ».

40
Quand et comment diminuer ?

Fr. Rognoni donne l’exemple de deux procédés : pour l’un, dans la Canzon del
Mortara passegiata, il propose une diminution qui ne s’écarte quasiment jamais de
l’original qu’il désigne par l’expression : con regola naturale al canto. Dans ce cas, la
diminution virtuose (et celle-ci l’est extrêmement) permet une exécution polypho-
nique d’ensemble. Dans l’autre cas, il appelle non regolate al canto une diminution pour
le violon, quasiment alla bastarda, sur le madrigal Vestiva i colli de Palestrina. Dans
ce deuxième cas, l’exécution est implicitement confiée à un soliste accompagné d’un
instrument polyphonique. Ortiz parle de première et de deuxième manières5. Comme le
montre les exemples ci-dessous, la dernière note de la diminution est la même que la
note support, et l’intervalle diminué est alors parfaitement respecté (première manière).

[4] Exemple de formules de seconde manière construites selon la description de Diego Ortiz.

Dans la deuxième manière [5], la dernière note de la diminution ne reproduit pas


l’intervalle. Dans le cadre de valeurs relativement lentes et, en tout cas, identiques
aux valeurs employées dans la composition servant de support, cela produira imman-
quablement des dissonances qui ne sont pas considérées comme des fautes de contre-
point puisque les valeurs sont rapides.

[5] Exemple de formules de seconde manière construites selon la description de Diego Ortiz.

Les expériences que j’ai tentées m’ont amené à penser que ces diminutions simples,
jouées avec légèreté et élégance, exécutées avec aisance et bien réparties, pouvaient
avoir un effet très fort. De fait, même dans le cadre des exercices de maîtrise de ces
figures dans toutes les parties, l’accumulation de figures simples anime la musique
à condition que les musiciens s’y livrent avec aisance – la sprezzatura 6 (désinvolture
ou nonchalance) n’est-elle pas le signe du musicien accomplit ? Elle qui consiste à ne
jamais montrer ni l’effort fait ni le travail effectué en amont.

5 Diego Ortiz, Trattado de glosas, op. cit. Déjà mentionnées chez Ganassi, les première et seconde manières
sont identiques chez Ortiz.
6 La notion de sprezzatura est introduite en 1528 dans  Il Libro del cortegiano de Baldassare Castiglione
(édition moderne : Giulio Carnazzi, éd., Milan, BUR, 2006 ; traduction française : Le Livre du courtisan,
Alain Pons, trad., Paris, Flammarion, 1991). Elle a connu un succès immense pendant deux siècles et
est toujours difficile à traduire : « Una certa sprezzatura, che nasconda l’altre e dimostri ciò che si fa e
dice venir fatto senza fatica e quasi senza pensarvi » (ibid., p. 81, trad. p. 54). Giulio Caccini, quelques
80 années plus tard, considère la sprezzatura comme étant la base de l’attitude du musicien et du chanteur
(Giulio Caccini, « Alcuni avvertimenti », Nuove musiche e nuova maniera di scriverle, Florence, Zanobi
Pignoni, 1614 ; traduction française : Nuove musiche e nuova maniera di scriverle, Jean-Philippe Navarre,
trad., Paris, Éd. du Cerf, 1997). Zenobi y fait également allusion. Cf. Glossaire, rubriques « Accento » et
« Affectation et Grâce ».

Semplice ou passeggiato 41
Il n’y a pas non plus besoin de rechercher l’originalité à tout prix : l’analyse des
motets et des madrigaux diminués par Bassano confirme qu’il n’est pas nécessaire de
recourir à un vocabulaire de diminution très varié. On constate quelque chose d’ana-
logue dans le madrigal de Dalla Casa où toutes les voix sont diminuées : les formules
sont très simples et placées à des endroits logiques : cadences et secondes ascendantes
ou descendantes.
Ces quelques lignes appellent quelques commentaires. Tout d’abord, le fait de
répéter une figure simple, de manière systématique, partout où elle trouve sa place est
une pratique musicale qui va au-delà du moment de l’apprentissage d’un savoir-faire
et de réflexes. Ganassi explique ainsi qu’une bonne diminution est un mélange de
répétition et de variation. C’est la répétition d’une figure qui lui donne son poids et
son impact. Un bon orateur va toujours, ou prendre du temps, ou répéter de la même
manière une figure de style, ou redire la même chose en la variant un peu. D’autre part,
pour revenir au répertoire, il est relativement facile, dans les exemples donnés pour des
madrigaux entiers de faire un catalogue du vocabulaire de formules de certains maîtres
comme Bassano, Dalla Casa et Bovicelli. C’est plus difficile avec les deux Rognoni
chez qui les effets de répétitions et de systématisme sont incorporés à un discours très
volubile et complexe et qui à ce titre, apparaît extrêmement varié. La consultation
d’autres sources7 concernant le plain-chant ou les tablatures de claviers permet de
constater que chaque auteur propose une manière de faire, une sorte de langage, dont
le vocabulaire n’est pas très étendu. On suppose alors que c’est le geste musical qui
différencie les figures et donne sa variété au discours musical.
Dans la pratique de l’improvisation, de la diminution et de l’ornementation, la
recherche de l’originalité et de la personnalisation est souvent le premier obstacle aux
progrès des étudiants : il est difficile d’accepter que simple et beau puissent rimer plutôt
que compliqué et incompréhensible, voire infaisable…
On peut remarquer que le vocabulaire des diminutions de Bassano n’est ni com-
plexe ni très varié [6a]. Du point de vue de la variété, de la complexité et de la virtuo-
sité, il est même en deçà des exemples proposés par Bassano dans son opus de 1585 :
Recercate e passagii [6b].

7 Cf. Antonio Brunelli, Varii, esercitii, op. 11, Florence, Zanobi Pignon, 1614 (édition moderne : Richard
Erig, éd., Zurich, Pelikan, 1977) ; Francesco Severi, Salmi passeggiati (Rome, 1615) (Murray C. Bradshaw,
éd., Madison, A-R, 1981) ; Jakob Paix, Ein schön Nutz unnd Gebreüchlich Orgel Tablaturbuch, Laugingen,
Georg Willers, Leonhart Reinmichel, 1583 (fac simile : Stuttgart, Cornetto Verlag, 2001) ; Johann Woltz,
Nova musices organicae tabulatura, Bâle, Johann Jacob Genath, 1617.

42
Quand et comment diminuer ?

[6a] Figures de diminutions employées par Giovanni Bassano (Giovanni Bassano, « Ave Maria », Motetti,
madrigali et canzoni francese, Venise, 1591).

Semplice ou passeggiato 43
[6b] Figures de diminutions employées par Giovanni Bassano (Giovanni Bassano, « Ave Maria », Motetti,
madrigali et canzoni francese, Venise, 1591).

44
Quand et comment diminuer ?

Les diminutions simples qui suivent à la lettre la ligne mélodique originale (regolate
al canto selon la définition de Fr. Rognoni ou première manière selon Ortiz8) dispensent
de la connaissance du contrepoint. Cette question des connaissances contrapuntiques
est traitée dans presque tous les traités de diminution9. Elle est au cœur des pratiques à
cette époque, tant solistes que collectives. Bien que Bartolomeo Barbarino mentionne
les compétences en contrepoint, il semble que les exemples de diminutions qu’il donne
ne les exigent pas, ses diminutions suivant assez fidèlement la ligne du motet simple :

« Puisque de nombreuses personnes m’ont fait comprendre, que dans mon premier
livre de motets à voix seule, déjà donné à l’impression, quelques-uns d’entre eux réussissent
difficilement s’ils ne sont chantés par qui n’a pas la disposition pour diminuer. Pour cela,
j’ai voulu dans ce second livre faire la partie vocale en deux manières, simple et diminuée.
La simple pour ceux qui n’ont pas la disposition, ainsi que pour ceux qui ont contrepoint
et disposition, pouvant ainsi par eux-mêmes former les diminutions et les autres circons-
tances requises par la bonne manière de chanter. La [version] diminuée ensuite pour ceux
qui, ayant la disposition, n’ont pas le contrepoint [nécessaire] pour former la diminution
comme il se doit selon les règles. Vivez heureux 10. »

Même si la musique de Barbarino (1614) semble hors de notre sujet (ce sont des
compositions dans le style moderne de la seconda pratica et non de la polyphonie de
la prima pratica), l’apport de cette source est précieux. Dans sa préface, Barbarino ne
mentionne aucune différence de tempo entre la version diminuée et la version dotée
d’ornements11 [7]. Il est aussi peu probable que la pratique fut différente pour chanter
la musique de ce dernier ou les motets et madrigaux de Palestrina. De plus son style de
diminution est, à quelques exceptions près, très proche de celui de Bassano.

8 Cf. Glossaire, rubrique « Conservation de la même note ».


9 Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi et istromenti da penna, Venise,
Giacomo Vincenti, 1593 et 1609 (fac simile : Bologne, Forni, 1969 ; traduction anglaise : The Transylvanian,
Murray C. Bradshaw et Edward J. Soehnlen, trad., Henryville, Institute of Medieval Music, 1984) et
Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit.
10 « Perché ho inteso da molti che nel primo libro di motetti, che già diedi alla stampa per cantarsi da una
voce sola, ve ne siano alcuni di essi, che riescono difficili a potersi cantare da chi non ha dispositione
di passaggiare. Per tanto ho voluto in questo secondo far la parte che canta in due modi, e semplice e
passaggiata. La semplice per quelli che non hanno dispositione, e per quella che hanno contrapunto e
dispositione, che da loro medesimi potranno formare i passaggi e l’altre circonstantie, che si richiedono
per la buona maniera di cantare. La passaggiata poi, per quelli che havendo dispositione non hanno
contrapunto da poter formare la diminutione come regolatamente si deve » (Bartolomeo Barbarino,
« Préface », Secondo libro delli motetti, Venise, Bartolomeo Magni, 1614, non paginée).
11 Ces deux versions sont imprimées sur des pages en vis-à-vis et le continuo est édité avec la partie diminuée
sous une forme légèrement différente. Nous présentons ici les deux versions superposées.

Semplice ou passeggiato 45
[7a] Forme simple (Bartolomeo Barbarino, « Alma Redemptoris Mater », Secondo libro delli motetti, Venise,
Bartolomeo Magni, 1614).

[7b] Forme diminuée (Bartolomeo Barbarino, « Alma Redemptoris Mater »,


Secondo libro delli motetti, Venise, Bartolomeo Magni, 1614).

46
Quand et comment diminuer ?

[7c] Bartolomeo Barbarino, « Alma Redemptoris Mater », Secondo libro delli motetti, Venise, Barto-
lomeo Magni, 1614.

Chez Barbarino, les valeurs rythmiques du motet support sont à peine plus rapides
en moyenne que celles d’un motet de Palestrina. Les syllabes sont supportées quelques
fois par des noires, là où chez Palestrina cette valeur rythmique a un rôle ornemental.
Les diminutions (en tant que telles) proposées par Barbarino sont en fait proches
de celles de Bassano12. De plus, les ornements et diminutions ne sont pas toujours
les mêmes dans la partitura. C’est une indication qu’il n’y a pas lieu d’exécuter cette
musique à la note près. L’ornement et la diminution sont une manière de faire qui n’a
ici pas de fonction rhétorique13.
Les exemples de Fr. Rognoni (le madrigal Io son ferito14, son contrafactum ou les
madrigaux in stile moderno) indiquent clairement que ce sont les mêmes chanteurs et
instrumentistes qui exécutaient toutes ces musiques, profanes ou liturgiques.

12 Du reste, ces deux musiciens sont quasiment contemporains même si l’un semble appartenir au monde
ancien et l’autre à la nouvelle musique.
13 Voir plus loin le chapitre consacré à l’éventuelle dimension rhétorique ou expressive des exemples de
motets diminués que l’on trouve dans les traités.
14 Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi, op. cit., 2e partie, p. 55.

Semplice ou passeggiato 47
Les diminutions simples réalisées à partir d’un vocabulaire peu étendu sont « suf-
fisantes », bien que ce fait semble être infirmé partiellement par les exemples de Bovi-
celli ou des deux Rognoni, voire par ceux de Dalla Casa15. Cependant, ces derniers,
en général, relèvent probablement d’une pratique soliste. En effet, dans ces exemples,
la virtuosité et l’inventivité sont poussées très loin et paraissent exclure une pratique
de groupe.
Bassano, par contre, ne précise pas si ses diminutions sont destinées à des solistes
ou à un groupe de musiciens. Le style de diminution pour soprano ou basse qu’il
propose sur les mêmes motets permet d’exécuter ensemble les deux diminutions sans
le moindre problème. Contrairement aux autres auteurs de traités de diminution, Bas-
sano publie une anthologie de motets diminués qui forme une collection de pièces
indépendante de son ouvrage et qui sont aujourd’hui données au concert.
L’exemple tiré ci-dessous du traité de Dalla Casa [8] confirme l’idée qu’il y eut
deux manières de concevoir la diminution. Ses exemples, nombreux et très virtuoses,
sont sûrement destinés à un soliste. Par contre, ses diminutions vocales sont plus sages,
la contrainte du texte ayant peut-être incité à la retenue. De plus, Dalla Casa est aussi
le seul auteur qui donne des exemples où toutes les parties sont diminuées. Cet unique
exemple est vocal, il s’agit d’un madrigal de Cipriano De Rore en quatre parties (et à
quatre voix). Les diminutions, simples et similaires à celles de Bassano16, y forment
une sorte de dialogue entre les voix. C’est ce genre de diminution de groupe qu’il est
aujourd’hui facile de réaliser pour un motet si chacun diminue aux meilleurs endroits
de sa partie avec des figures simples et en suivant strictement sa ligne.
Comme nous l’avons déjà évoqué, nos expériences de diminutions et d’improvi-
sation de groupe confirment les conseils de modération de Maffei qui suggère de ne
diminuer que les cadences dans chaque voix et de ne pas adopter plus de quatre ou cinq
diminutions par voix et par composition17, ce qui du reste s’avère presque redondant.
Selon le sens que l’on donne au mot cadence, on trouve souvent dans chaque voix
d’un motet de Palestrina quatre à six cadences18. Il semble très facile, grâce à un peu
d’habitude et à une écoute soutenue, de faire de plus en plus de diminutions que celles
mentionnées ci-dessus et de trouver une « juste mesure » pour ne pas trop en faire,
notion qui reste évidemment très subjective. Mais quand cette « juste mesure » est
atteinte (comme dans l’exemple de Dalla Casa à quatre parties diminuées), il devient
alors difficile de réduire leur nombre. La question de la diminution est une fois de plus,
tant pour le joueur que l’auditeur, une question d’habitude.
Au cours des ateliers, nous n’avons jamais réussi à faire « trop de diminutions »,
d’après la formule de Bottrigari19. Par contre, il a été fréquemment constaté que peu de
diminutions mal réalisées détruisent effectivement la composition ! Le problème réside
au moins autant dans la « qualité » de la diminution, c’est-à-dire la manière dont elle
est réalisée et la relation qu’elle entretien avec le texte (sacré ou profane), que dans sa

15 Dalla Casa ne donne pas d’exemples pour la musique sacrée.


16 Contrairement à tous les exemples très virtuoses que Dalla Casa donne pour les instruments, ce qui le
distingue de Bassano, son collègue et successeur à la direction de l’ensemble instrumental de San Marco.
17 Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere..., op. cit., p. 58-59.
18 Cf. Glossaire, rubrique « Quantité de diminutions ».
19 « La cause de ce désastre réside dans cette présomption qui les pousse à exécuter tous à la fois des Passaggi,
comme dans un concours, non point de temps à autre ni un par un, mais continûment et tous ensemble »
(Ercole Bottrigari, Il Desiderio overo de’ concerti musicali di varij strumenti musicali, Venise, Riccardo
Amadino, 1594 (fac simile : Bologne, Forni, 1969), p. 50).

48
Quand et comment diminuer ?

[8] Diminutions de Girolamo Dalla Casa sur le madrigal A la dolce ombra de Cipriano di Rore
(Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584, p. 38).

quantité. Un autre auteur évoque exactement le problème posé à la fois par la quantité
de diminutions et son rapport à « l’original » ainsi que par l’importance de la diminu-
tion dans sa fonction d’animer la musique :

« Je vais vous raconter une autre facétie sauvage. M. Giovanni Iacopo Buzzino jouait
le soprano sur sa viole, comme il le fait miraculeusement, lorsque quelqu’un qui voulait
donner son opinion dit au beau milieu du morceau : « Oh Monsieur, bougez les doigts plus
tranquillement, car c’est laid de voir bouger autant les doigts sur le manche ! » Celui-là
supportant son insolence commença à jouer sans diminuer. Le balourd entendant l’har-
monie manquer, et ayant honte de lui dire de bouger à nouveau les doigts, ou plutôt ne
sachant pas qu’ils étaient [la raison du] son, [dit] présomptueusement : « jouez un peu tous
pour danser20 ! »

20 « Et vi vo dire un’altra facetia salvatica. M. Giovan Iacopo Buzzino sonando di violone il soprano, come
egli fa miracolosamente, un che pareva da qualcosa gli dice nel bel mezzo del sonare : ”Ò Signore menate le
dita più adagio, che fa brutto vedere menare tanto le dita sopra il manico.” Et egli sopportando la insolentia
sua cominciò a sonare senza diminuire, perché il goffo sentendo mancare l’armonia, vergognandosi a
dirgli che menasse pur le dita, o più tosto non sapendo, che si fusse suono, disse presontuosamente :
”Sonate un poco tutti, da ballare” » (Antonfrancesco Doni, Dialogo della musica, Venise, Girolamo Scotto,
1544, p. 6v – édition moderne : Gian Francesco Malipiero, éd., Vienne, Universal Edition, 1965).

Semplice ou passeggiato 49
Précisions enfin que la pratique de la diminution telle que la décrivent les sources
de la fin du xvie siècle concerne une période en pleine mutation. Dans ce contexte, il
faut reconsidérer ce que nous appelons prima et seconda pratica21. Les deux expressions
désignent d’abord la manière d’écrire et de concevoir la musique22. Les musiciens des
années 1600 ont-ils joué (de la même manière ?) ces deux formes de musiques23 ? Pour
une part, probablement oui car on ne change pas si facilement un geste musical pra-
tiqué durant de longues années24.

La diminution de groupe et le colla parte25

Les sources attestent que la pratique usuelle à la chapelle papale était d’employer
un chanteur par voix26. Mais dans certaines circonstances (les grandes fêtes religieuses)
il est évident que les parties étaient doublées par plusieurs chanteurs ou par un ins-
trumentiste. Dans le cas de la pratique du motet où les voix supérieures sont confiées
à des enfants, ceux-ci étaient au moins trois par parties, voire six. Il est peu probable,
dans ce cas, que ces derniers aient exécuté des diminutions et faits des ornements. La
question de la pertinence de la diminution dans un tel contexte n’a malheureusement
pas été expérimentée lors de nos ateliers, faute d’effectif.
Ce genre d’expérience est constamment pratiqué et toléré, dans certaines limites,
dans la vie professionnelle contemporaine mais jamais avec des tempi qui autorisent
les diminutions présentes dans les traités. Les possibilités sont alors réduites. Malgré
tout, il est toujours possible de « ruiner la composition » par des diminutions non
appropriées. Une autre chose est rarement pratiquée : la séparation des chanteurs et
des instrumentistes jouant la même voix, comme cela est relaté dans de nombreuses
chroniques qui mentionnent parfois jusqu’à douze chœurs, doublés ou triplés et dis-
tribués dans l’espace27. La dissociation des exécutants produit plus de clarté en créant
21 Ce sujet mériterait à lui seul d’être traité à part afin d’évaluer ce que représentent, à cette époque, ces deux
notions du point de vue des praticiens.
22 Le mot pratica renvoie à l’écriture contrapuntique, autrement dit à la pratique de la musique appliquée et
vue du point de vue compositionnel.
23 La nouvelle musique n’est pas seulement celle issue de la réforme voulue par les humanistes florentins.
C’est un changement de goût général qui est cependant, en ce qui concerne les attitudes esthétiques et
les pratiques d’exécution, ancré dans la Renaissance tardive. Le texte de Giustiniani permet de jeter un
autre éclairage sur la distinction souvent trop simple faite entre prima et seconda pratica, stile moderno et
stile antico. Giustiniani mentionne aussi que le nouveau goût et les nouvelles manières de faire, d’orner et
de diminuer remontent aux années 1575. Cf. Glossaire, rubrique « Solo ».
24 Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit. ; Cf. Glossaire, rubrique « Règles et conseils ».
25 Cf. Glossaire, rubrique « Doublure et Colla parte ».
26 Jean Lionnet, « Performance practice in the Papal Chapel during the 17 th century », op. cit. ; Richard
Sherr, « Performance practice in the Papal chapel during the 16th century », op. cit.
27 La musique polychorale est régulièrement en usage à la Cappella Giulia de Saint-Pierre de Rome (dont
Palestrina était maître de chapelle) pour les fêtes solenelles des vêpres de Saint-Pierre et Saint-Paul
(29 juin) et pour celle de la dédication de la basilique (18 novembre) dès les années 1570 – voir : Arnaldo
Morelli, « Musica nobile e copiosa di voci et istromenti. Spazio architettonico, cantorie et palchi in
relazione ai mutamenti di stile e prassi nella musica da chiesa fra Sei e Settecento », Markus Engelhardt,
éd., Musik in Rom im 17. und 18. Jahrhundert. Kirche und Fest, Laaber, Laaber-Verlag, 2004, p. 293-334 ;
Aleksandra Patalas, Marina Toffetti et Antonio Lovato, éd., La Musica policorale in Italia e nell’Europa
centro orientale fra Cinque e Seicento, Venise, Levi, 2012 ; Jean Lionnet, « Les musiques polychorales
romaines. Problèmes d’interprétation », Danilo Curti et aliud, éd., La Scuola policorale romana del
Sei-Settecento. Atti del convegno internazionale in memoria di Laurence Feininger, Trente, Provincia
Autonoma di Trento, 1997, p.  103-118 ; Anthony F. Carver,  Cori spezzati. The Development of Sacred
Polychoral Music to the Time of Schütz, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, 2 vol.

50
Quand et comment diminuer ?

acoustiquement un effet de double chœur. Avec ce type de disposition, les diminutions


peuvent même clarifier le discours.

In compagnia28

Cela amène à poser la question de l’entourage du soliste et du lieu où se développe
la diminution. Les diminutions très virtuoses, alla bastarda, pour un soprano vocal ou
instrumental (par exemple chez Bovicelli et Fr. Rognoni) semblent être réservées à
une pratique soliste où les autres voix de la polyphonie peuvent être exécutées par un
clavier ou un luth réalisant une tablature29. Les supports d’inspiration de ces diminu-
tions ne sont jamais présents dans les traités. Les joueurs de claviers et les luthistes les
jouaient-ils par cœur ? Les musiciens connaissaient-ils tous ce répertoire de mémoire
au point de pouvoir improviser à partir de lui30 ? Une diminution simple (telle que
l’écrit Bassano) semble s’accommoder d’un entourage plus important (mélange voix/
instruments ou groupe de chanteurs mais toujours un par voix). Restera à chacun de
« concerter » malgré tout avec le soliste, en faisant un minimum d’ornements et de
diminutions, avec un son flexible qui permet au discours musical de demeurer lim-
pide pour l’auditeur… pourvu qu’il ait été compris par les exécutants. Ne « rien faire »
semble exclu, ou en tout cas ne signifie peut-être pas la même chose qu’aujourd’hui :

« [Le soprano] doit savoir chanter simplement, c’est-à-dire sans aucune diminution, mais seule-
ment avec grâce, trillo, tremolo, ondeggiamento et esclamatione31 . »

Ces ornements d’usage décrits assez précisément dans le texte de Luigi Zenobi


n’avaient jamais été exposés auparavant et n’ont reçu de signes musicaux propres qu’au
xviie siècle, comme le « t. » employé aussi bien pour le trillo que pour le tremolo. Marin
Mersenne mentionne un point qu’il met au dessus d’une figure pour dire d’exécuter
un ornement (en l’occurrence le port de voix) et insiste sur le fait que généralement
à cet endroit personne ne note rien32. Au xvie siècle, les termes étaient encore plus
elliptiques. Chez Ortiz, on trouve le simple terme gratie et chez Ganassi seul est
évoqué le rapport entre l’intervalle que fait l’ornement et son caractère. En aucun cas
n’est donnée une information sur la quantité et la fréquence de telles « élégances » ou
« galanteries » du jeu instrumental… imitant la voix naturellement.

28 Cf. Glossaire, rubrique « Compagnia et concerto ».


29 Voir l’exemple de Dalla Casa infra : Da cantar in compagnia ed anco con il liuto solo.
30 Le seul traité qui propose des exemples approprités est celui de Diego Ortiz (antérieur à la production de
Palestrina) : Trattado de glosas, op. cit.. Différents indices incitent à penser que ce traité est plutôt destiné
à des nobles et à des amateurs de musique qui ne connaissaient pas par cœur le répertoire et les formes
usuelles de l’improvisation de cette époque car un musicien professionnel des années 1550 ne pouvait sans
doute manquer de connaître par cœur la Spagna et les différentes basses obstinées. En outre, Ortiz intègre
dans son traité un madrigal et une chanson française ce qui témoigne d’une assez large palette de modes
d’improvisation.
31 « Deve saper cantare il canto schietto, cioè senza passo alcuno ma solo con gratia, trillo, tremolo,
ondeggiamento, et esclamatione » (Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit., p. 32).
32 « Mais ces ports de voix ne sont pas marquez dans les livres imprimez ; ce que l’on peut faire en mettant un
point apres la note, sur laquelle on commence le port ; & puis en ajoutant une noire, crochue, ou double
crochue après le point, laquelle signifie qu’il faut seulement un peu toucher la corde précédente, pour y
commencer la note qui suit » (Marin Mersenne, Harmonie Universelle, op. cit., livre vi, De l’art de bien
chanter, p. 355).

Semplice ou passeggiato 51
Da cantar in compagnia, & anco con il liuto solo33

In compagnia : voilà une des rares indications d’exécution se rapportant à la musique


diminuée. In compagnia désigne-t-il dans le traité de Dalla Casa un ensemble vocal
ou instrumental ? Il paraît étrange à nombre de personnes d’imaginer que les autres
voix ne soient pas diminuées, qu’elles ne soient pas ornées alors que le texte est « dit »
si lentement34. Plus loin néanmoins, Dalla Casa donne un exemple d’improvisation de
groupe : par la force des choses, les quatre chanteurs disent tous le texte lentement. Il
n’est pas impossible non plus qu’un chanteur soliste diminue en prenant un rôle prin-
cipal pendant que les autres chantent simplement35.
La formule con il liuto solo employée par Dalla Casa [9] décrit précisément l’exé-
cution avec un chanteur et un luth jouant le madrigal avec une tablature de son goût
(naturellement avec les ornements et diminutions qui sont l’apanage idiomatique de
cet instrument).
Dans la pratique soliste il semble aussi bien logique de faire chanter à un ténor la
partie de soprano du motet36. La diminution de soliste alto est rare : il n’en existe qu’un
seul exemple chez Bassano37, encore que la pièce soit écrite en clés aigues ce qui peut
impliquer une transposition vers le grave qui la destinerait alors à un ténor. Notons
qu’au début du xviie siècle, la musique solo pour alto est plutôt rare et que cette voix
de ténor aigu qui l’exécute ne se prête pas bien au jeu de la diminution.

[9] Diminutions de Girolamo Dalla Casa sur le madrigal Beato me direi de Cipriano de Rore
(Girolamo Dalla Casa, Il Vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584).

33 Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, op. cit.


34 La réflexion vaut pour l’exemple de la musique de Bassano qui serait donc exécutée en groupe.
35 Cf. les règles de diminutions appliquées aux différentes tessitures dans le texte de Zenobi dans la deuxième
partie de l’ouvrage.
36 Voir le motet Pulchra es de Francesco Rognoni (Selva di varii passaggi... op. cit., p. 45).
37 Ave Maria, diminution sur un motet de Palestrina dans : Giovanni Bassano, Motetti, madrigali et canzoni
francese, Venise, Gardano, 1591.

52
Différents aspects de la diminution

Chapitre 3

Différents aspects
de la diminution

La diminution alla bastarda1

Alla bastarda est le terme employé pour désigner un style de jeu soliste et virtuose
pratiqué avec un type de viole spécifique en Italie entre 1570 et 16302. L’expression est
employée par extension pour définir un style de diminutions qui s’applique également
à l’orgue, au luth, à la harpe et à d’autres instruments similaires3. Dans tous les cas,
les voix de la polyphonie sont réduites pour être jouées par un seul instrument et les
diminutions passent d’une voix à l’autre de la polyphonie.
Par analogie, Fr. Rognoni appelle aussi alla bastarda une diminution pour une
voix ou un instrument qui, tout en suivant une des lignes de la polyphonie primitive,
touchera de temps à autre les points d’appui mélodiques des autres voix. Fr. Rognoni
emploie également l’expression non regolate al canto dans des cas similaires, visiblement
selon le degré de liberté pris par rapport à la ligne initiale. Signalons enfin que les
diminutions alla bastarda se déploient généralement dans un ambitus très large [10] :

[10] Ambitus de la diminution pour viola bastarda chez Riccardo Rognoni.

Les quelques soucis rencontrés aujourd’hui pour faire coïncider une diminution de
Bovicelli (Io son ferito de Palestrina) ou de Fr. Rognoni (Vestiva i colli de Palestrina tou-
jours) et les madrigaux originaux sont le signe que ces auteurs, comme leurs collègues,
se préoccupaient peu de l’exacte concordance des deux textes. Le même phénomène
s’observe aussi dans la sonate a canto e basso de Selma y Salaverde4 sur ce même Vestiva
i colli est dotée d’une simple voix de continuo et oblige à une sorte de simplification
harmonique, bien que les deux voix solistes donnent l’impression de suivre chacune
une voix du madrigal.

1 Cf. Glossaire, rubrique « Bastarda ».


2 Veronika Gutmann, « Viola bastarda. Instrument oder Diminutionspraxis », Archiv für Musikwissenschaft,
vol. 35, 1978, p. 178–209 ; Jason Paras, The Music for the Viola Bastarda, Houle, George et Glenda, éd.,
Bloomington, Indiana University Press, 1986.
3 Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi... op. cit.
4 Bartolomé de Selma y Salaverde, Canzoni fantasie et correnti da suonar, Venise, Bartolomeo Magni, 1638
(réédition, l’édition originale est perdue).

Semplice ou passeggiato 53
Le style alla bastarda est plus spécifiquement instrumental mais une diminution
pour ténor sur le Pulchra es de Palestrina a été écrite par Fr. Rognoni qui s’applique
aux parties de basse et de ténor du motet. Elle semble liée à la mode (mentionnée par
Zenobi et Giustiniani) des chanteurs basses appelés basso alla bastarda capables de
couvrir une tessiture de 22 notes en passant de la voix de poitrine à celle de falsetto5,
ce qui revient à pouvoir chanter tout autant dans la tessiture de basse que dans celle de
ténor. Une fois encore, la musique polyphonique de Palestrina a été le support d’une
pratique qui est très loin des usages et des conceptions contemporaines.

La dimension rhétorique de la diminution

Nous avons vu plus haut que les diminutions proposées par Bartolomeo Barbarino
sont la manifestation d’un geste musical et d’un savoir-faire dans lesquels l’éloquence
intrinsèque des figures écrites ne joue pas un rôle capital. De manière générale, les
diminutions ne comportent pas de figures adhérant systématiquement au discours poé-
tique. Il arrive parfois qu’une figure semble illustrer le texte ; par exemple, la montée de
la diminution de violon sur les mots Io moro de Fr. Rognoni dans Io son ferito exprime
(peut-être) l’ascension de l’âme au ciel. Mais les sources les plus anciennes n’établissent
pas de rapport explicite entre les figures musicales et le texte ; ainsi il est très difficile
de trouver une dimension « signifiante » aux figures écrites dans les exemples de Dalla
Casa ou de Bassano, ce qui ne veut évidemment pas dire que ces joueurs n’avaient pas
le texte en tête en réalisant leur diminution sur l’instrument.
Les traités mentionnent tous que les formules de diminutions doivent être adap-
tées aux circonstances et au sens du texte sans donner plus de détails. Toutefois, l’exis-
tence de contrafactum (un madrigal sur lequel on place des paroles sacrées) laisse penser
que la diminution est un embellissement dynamique plutôt que rhétorique qui peut
donc se dispenser d'une relation étroite au texte. On constate même que certains édi-
teurs n’éprouvent pas toujours le besoin de le fournir sous la musique. Ainsi, dans les
collections de chansons françaises arrangées pour instruments en Italie6, le texte n’a
jamais été édité en Italie pour certaines pièces (Frais et Gaillard).
Entre 1600 et 1630, d’innombrables concerti ecclesiastici sont composés, qui sont soit
des collections d’auteurs, soit des anthologies. À quelques exceptions près (motets de
Monteverdi, de Fr. et D. Rognoni ou d’Antonio Brunelli), ces motets ne font l’objet
d’aucune diminution digne de ce nom, c’est-à-dire comportant des doubles-croches,
la croche étant devenue un mélisme usuel qui s’écrit à partir de cette époque. En
revanche, chez les musiciens qui recourent à la diminution (Monteverdi, Rognoni,
Brunelli, etc.), les figures sont particulièrement soignées et signifiantes.

5 Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit. ; Vincenzo Giustiniani, « Discorso sopra la musica », op. cit. ;
Richard Wistreich, « ”La voce è grata assai, ma...” Monteverdi on Singing », Early Music, vol. 22, 1994,
p. 7-19 ; Richard Wistreich, Warrior, Courtier, Singer. Giulio Cesare Brancaccio and the Performance of
Identity in the Late Renaissance, Aldershot, Ashgate, 2007, p. 193-217.
6 Musica de diversi autori. La Bataglia francese et Canzon delli ucelli insieme alcune canzoni francese, partite in
caselle per sonar d’instromento perfetto, Venise, Antonio Gardano, 1577 ; Canzon di diversi per sonare con ogni
sorte di stromenti a quatro, cinque e sei voci. Libro primo, Venise, Giacomo Vincenti, 1588.

54
Différents aspects de la diminution

D’un autre côté, dans la préface de ses Concerti ecclesiastici7, Giovanni Paolo Cima
recommande de ne pas diminuer et de n’utiliser que les trilli et accenti. Par contre, les
formules virtuoses, qui sont écrites à partir du début du xviie siècle de façon idio-
matique et sont destinées à un instrument précis, sont de plus en plus intégrées à la
composition, écrites en toutes notes alors qu’elles étaient auparavant ajoutées par le
musicien à partir de conventions d’improvisation orales. Les intentions rhétoriques
tendent, elles aussi, à être fixées par l’écriture, que ce soit dans les pièces profanes
virtuoses – citons entre autres les madrigaux d’Annibale Gregori8 (xvie siècle-1633),
Antonio Cifra9 (1584-1629), Francesco Dognazzi10 (1603-1643) ou les sonates de Biagio
Marini11 ou Giovanni Battista Fontana12.
L’exemple le plus frappant de l’ambiguïté du rôle de la diminution autour de 1600
est sans aucun doute le « Possente spirto » au début du troisième acte de l’Orfeo de Mon-
teverdi [11]. Le compositeur donne dans l’édition originale la partie simple et la partie
ornée de cette incantation produite par Orfeo lorsqu’il veut entrer aux enfers en ten-
tant de séduire Caronte par la grâce de son chant. Quelle est la volonté de Monteverdi
quand il décide de publier à la fois la ligne simple et sa diminution virtuose ? Sou-
haite-t-il donner un exemple du type d’ornementation et de diminution que cet air
doit recevoir en laissant au chanteur la possibilité de concevoir par ailleurs la sienne
propre ? Ou bien désire-t-il indiquer au chanteur qu’il doit faire « exactement » cette
diminution/ornementation telle qu’elle est notée (ce qui lui donne au passage des clés
pour comprendre la construction de l’air) ?

7 Giovanni Paolo Cima, Concerti ecclesiastici, a una, due, tre, quattro voci con doi a cinque, et uno a otto, Milan,
eredi di Simone Tini e Filippo Lomazzo, 1610.
8 Voir, entre autres : Annibale Gregori, Ariosi concenti cioè Ciaccona, Ruggieri, Romanesca, più arie a una et
a 2 voci da cantarsi nel gravicembalo o tiorba, op. 9, Venise, Bartolomeo Magni, 1635.
9 Antonio Cifra, Li diversi scherzi, a una, a due et tre voci, libro primo, op. 12, Rome, Giovanni Battista
Robletti, 1613 ; Li diversi scherzi a una, due et tre voci, libro secondo, op. 14, Rome, Giovanni Battista Robletti,
1613 ; Li diversi scherzi a due, a tre et quattro voci, libro quinto, op. 23, Rome, Giovanni Battista Robletti, 1617.
10 Francesco Dognazzi, Il Primo libro de varii concenti a una et a due voci, per cantar nel chitarrone o altri simili
istrumenti, Venise, Stampa del Gardano aere Bartholomaei Magni, 1614.
11 Biagio Marini, Sonate, symphonie, canzoni, passemezzi, baletti, corenti, gagliarde e retornelli per ogni sorte
d’instrumenti, op. 8, Venise, Bartolomeo Magni, 1626 (fac simile : Florence, SPES, 1984).
12 Giovanni Battista Fontana, Sonate a 1, 2, 3 per il violino o cornetto, fagotto, chitarrone, violoncino o simile
altri strumenti, Venise, Magni, 1641.

Semplice ou passeggiato 55
[11] Claudio Monteverdi, « Possente spirto », L’Orfeo. Favola in musica, acte iii, scène unique
(Venise, Riccardo Amadino, 1609).

56
Différents aspects de la diminution

Semplice ou passeggiato 57
58
Différents aspects de la diminution

Semplice ou passeggiato 59
60
Différents aspects de la diminution

La valeur expressive de la diminution

La diminution et l’ornementation sont souvent décrites comme « rehaussant


l’esprit des compositions », elles leur donnent « un esprit plus grand » quand elles ne
« détruisent pas la composition13 », comme l’écrit Bottrigari en 1602. Ces gloses, met-
tant en valeur ce qu’a écrit le compositeur, prennent deux formes. D’une part, la dimi-
nution simple, peu virtuose, peut être investie par l’exécutant par toutes sortes d’affects
et d’expressions. D’autre part, les diminutions complexes, telles qu’elles apparaissent
chez Caccini, portent en elles-mêmes un affect et laissent, du coup, une marge de
liberté réduite à l’exécutant. Il n’est pas rare qu’on la dise plus rhétorique. Or, il s’agit
simplement d’une éloquence préfabriquée, art ornemental que les compositeurs se
mettent à fixer dans la notation de plus en plus précisément après 1600, on l’a déjà
relevé.
Caccini s’en explique précisément dans ses préfaces tout en critiquant l’ancienne
manière de diminuer : « Mais je vois partout aujourd’hui nombre d’entre elles [les com-
positions de Caccini lui-même] corrompues et mises en pièces et constate le mésusage
qui est fait de ces ”longs roulements de voix” en valeurs simples ou doubles [c’est à
dire diminuées] combinées entre elles et que j’inventais pour rompre avec l’ancienne
manière d’exécuter les passages alors en usage, manière plus propre aux instruments à
vents et à cordes qu’à la voix 14... » Plus loin encore : « j’affirmais plus haut que les ”longs
roulements de la voix” étaient souvent employés sans discernement : il convient de
remarquer que ces passages là n’ont pas été introduits parce que l’exigeait la bonne
manière mais plutôt dirais-je pour chatouiller l’oreille de ceux qui le moins s’y
entendent en matière de chant expressif ; s’ils s’y entendaient, ces passages leur seraient
sans nul doute odieux, car rien n’est plus contraire à l’expression du sentiment. Voilà
pourquoi je parlais de mésusage des longs roulements de la voix ; quant à moi, je n’en
ai introduit de tels que dans les musiques les moins expressives, sur les syllabes lon-
gues – et non pas sur les brèves – et dans les cadences finales : ailleurs ils ne servent de
rien15. » Et Caccini récidive en 1614 : « J’assimilerais l’usage des figures et des couleurs

13 « Et i passaggi loro non sono di quei cosi tritellati, et cosi furosi, et continouati, che guastino, et che
distruggano l’aere principale, che si è sforzato ingegnosamente di dare quel valente componitore alla sua
cantilena, che vien sonata: ma sono à tempo, et luogo con si leggiadra vivacità tirati, che à quella rendono
ornamento, et Spirito grandissimo » (Ercole Bottrigari, Il Desiderio, op. cit., p. 49) ; voir également
l’éloge par Bottrigari des diminutions réalisées par les nonnes de Ferrare (Ercole Bottrigari, Il Melone,
discorso armonico et Il Melone secondo, Ferrare, Vittorio Baldini, 1602 – fac simile : Bologne, Forni, 1969).
14 « Ma ora veggendo andare attorno molto di esse lacere, e guaste, e in ostre malamente adoperarsi quei
lunghi giri di voci semplici, e doppi, cioè raddopiate intrecciate l’una nell’altra ritrovate da me per isfuggire
quella antica maniera di passaggi che gia si costumarono, piu propria per gli strumenti di fiato, e di corde,
che per le voci, … » (Giulio Caccini, Le Nuove musiche, Florence, Marescotti, 1601 [i. e. 1602, traduction
française : Joël Heuillon et Francis Saura, « Cahiers GKC », La Musique éloquente, vol. 2, 1993).
15 « ...ma perche di sopra io ho detto essere malamente adoperati quei lunghi giri di voce, è d’avvertire, che
i passagi non sono stati ritrovati per che siano necessarii alla buona maniera di cantare, ma credo io più
tosto per une certa titillatione à gli orecchi di quelli, che meno intendono, che cosa sia cantare con affetto,
che se ciò sapessero indubitamente i passaggi sarebbono abboriti, non essendo cosa piu contraria di loro
all’affetto, onde per ciò ho detto malamente adoperarsi que lunghi giri di voce, però che da me sono stati
introdotti così per servirsene in quelle musiche meno affettose, e sopra sillabe lunghe, e non brevi, et in
cadenze finali, non facendo di mestieri nel resto » (ibid.).

Semplice ou passeggiato 61
rhétoriques dans l’éloquence aux ”passaggi”, ”trilli” et autres semblables ornements
que ça et là, à bon escient, l’on peut introduire pour l’expression des passions16. »
De nos jours, la question se pose des procédés à utiliser pour retrouver la dimen-
sion oratoire vivante des répertoires du tournant des xvie et xviie siècles. Pour nombre
de musiciens spécialisés dans la musique ancienne, cela revient à produire « une inter-
prétation romantique17 », expression éminemment péjorative dans leur bouche, bien
entendu. Il ne vient pourtant à l’idée de personne de qualifier les interprètes des tra-
ditions indiennes, tziganes ou encore du jazz de « romantiques » sous prétexte qu’ils
cultivent l’expressivité quels que soient d’ailleurs les procédés techniques dont ils se
servent.
Il nous reste donc à trouver, derrière l’apparente neutralité des figures de diminu-
tion des traités de musique de la Renaissance, notamment derrière celles qui sont les
plus virtuoses et les plus rapides (chez Dalla Casa et les deux Rognoni), comment faire
en sorte que leur exécution soit vivante, quitte à prendre à rebrousse poil l’idée que l’on
se fait aujourd’hui de ce que devait être la musique du passé. Cela passe naturellement
en premier lieu par une connaissance intime du motet ou du madrigal, texte compris,
destiné à être diminué, et en second lieu par le choix d’un mode de jeu adéquat en
veillant à l’adéquation entre tempo, type de tenue du son, articulation des notes, arti-
culation des figures entre elles (ce qu’on appelle le phrasé) et variété du jeu agogique.

16 « Nella quale eloquenza alle figure, e à i colori rettorici assimiglieri, i passaggi, i trilli, e gli simili ornamenti
che sparsamente in ogni affetto si possono tal’ora introdurre » (Giulio Caccini, Nuove musiche e nuova
maniera di scriverle, op. cit., traduction française : Joël Heuillon et Francis Saura, « Cahiers GKC », La
Musique éloquente, vol. 2, 1993).
17 Le terme  romantique n’est pas pris ici dans son sens historique (nous serions surpris d’entendre la
musique comme elle était jouée autour de 1850) mais selon le sens commun que les musiciens et nombre de
mélomanes lui donnent.

62
Le chanteur et la diminution

Chapitre 4

Le chanteur
et la diminution

Récitation du texte et différences


entre stile antico et stile moderno

En avant-propos, quelques remarques sont nécessaires sur le mouvement choisi pour
réciter le texte. La question est étroitement liée à la forme musicale et surtout au
contexte d’exécution des pièces. On observe de réelles différences dans le traitement
d’un motet composé en stile antico, d’un autre écrit en stile moderno ou encore d’un
madrigal. Quand un texte est fonctionnel et, dans le cas d’une pièce liturgique lorsqu’il
est connu de tous, il n’est pas traité de la même manière que celui d’un madrigal
inédit, ni par le compositeur ni par l’interprète. Les effets acoustiques sont également
à prendre en compte, chaque type de lieu appelant un type d’éloquence propre.
La diminution est un art qui fut d’abord enraciné dans la musique polyphonique.
La seconda pratica s’est justement créée en réaction contre les techniques contrapun-
tiques où le texte était souvent incompréhensible et où l’idée de parole avait tendance
à disparaître. Dans le courant du xviie siècle, la musique tend à entretenir des rapports
toujours plus étroits avec le rythme et les accents du texte. Dans la musique de la prima
pratica en revanche, qui forme la base du monde de la diminution et de l’improvisation,
la vitesse de récitation et le rapport entre mot et musique sont radicalement différents1.
Longtemps, les compositeurs ont utilisé le même langage pour concevoir des
madrigaux aussi bien que des motets2. Les choses changeront considérablement au
début du xviie siècle (à partir du septième livre chez Monteverdi). La seconda pratica,
dans sa volonté de donner la préséance au texte3, modifie dans la notation, et donc dans
la pratique, la vitesse de récitation des mots : comme nous l’avons vu plus haut, Bar-
tolomeo Barbarino place les syllabes sur des noires, ce que ne faisait pas Palestrina.
Ainsi Heinrich Schütz mettra des paroles sur des croches. Dans les cas extrêmes,
comme dans le stile concitato de la musique du début du xviie siècle, la double-croche

1 Dans la polyphonie ancienne, la grande quantité de madrigalismes et d’illustrations du texte par des
figures musicales imagées n’en fait pas pour autant un art proche de celui rêvé par le comte Bardi et par les
humanistes florentins de son cénacle. Par ailleurs, il faut reconnaître à Palestrina un art consommé de la
mise en polyphonie des textes puisque chez lui la prosodie semble fonder le contrepoint.
2 Dans le cinquième livre, on commence à trouver des diminutions écrites qui relèvent de la nouvelle
manière d’écrire la musique et ne laissent plus aux interprètes la liberté de diminuer.
3 Claudio Monteverdi, Scherzi musicali a tre voci, Venise, Riccardo Amadino, 1607, avec un commentaire
de Giulio Cesare Monteverdi qui publie le volume.

Semplice ou passeggiato 63
supportera un discours très animé4. Presque à la même époque, Mersenne affirme
qu’il est possible de chanter sept syllabes à la seconde5, ce qui semble être une limite
de vitesse de prononciation, du reste équivalente à ce que font les chanteurs dans ce
célèbre Combattimento di Tancredi e Clorinda [12]. Cela ne changera en rien les valeurs
de la virtuosité extrême : hors prosodie, la limite restera la triple-croche ce qui revient
à trente-deux notes par ronde. Cent ans auparavant chez Ganassi (que Mersenne cite
encore en exemple aux chantres de son époque6), la limite était à peine différente :
vingt-huit notes par ronde dans la regola terza.

[12] Claudio Monteverdi,  « Il Combattimento di Tancredi e Clorinda », partie vocale et continuo
(Madrigali guerrieri et amorosi. Libro ottavo, Venise, Giacomo Vincenti, 1638).

À partir de tout ce qui précède, nous devons essayer d’imaginer qu’un autre rapport
entre texte et musique que celui auquel nous sommes habitués a pu exister, et ce autant
pour les motets que pour les madrigaux. Le texte, souvent de grande qualité, devait
être dit et savouré tant par le chanteur que par les auditeurs7. La clarté et l’efficacité
éloquente étaient de toute évidence favorisées par un tempo de déclamation proche
4 Claudio Monteverdi, « Il combattimento di Tancredi e Clorinda », Madrigali guerrieri et amorosi.
Libroottavo, Venise, Giacomo Vincenti, 1638.
5 « Quant au premier poinct, il est aisé de determiner combien l’on doit prononcer de syllabes dans un
sermon d’une heure, car l’experience enseigne que la plus viste prononciation ne doit estre que de sept
syllabes dans une seconde minute, comme sont celles-cy, Benedicam Dominum, et consequemment que
l’on ne peut tout au plus prononcer que 25 200 syllabes assez fort pour se faire entendre clairement et
distinctement aux auditeurs... » (Marin Mersenne, Harmonie Universelle, op. cit., livre vii, De l’utilité de
l’ harmonie, p. 7).
6 Marin Mersenne, Harmonie Universelle, op. cit., livre vi, De l’art de bien chanter, p. 356-358. Mersenne
évoque la possibilité de jouer 64 notes à la semibrève (Marin Mersenne, Harmonie universelle, op. cit.,
livre vi, Des orgues, p. 393).
7 L’idée que le texte doit demeurer compréhensible est un leitmotiv des sources décrivant l’art du chant, ce
qui n’est plus nécessairement la priorité des artistes lors des concerts modernes.

64
Le chanteur et la diminution

de celui nécessité par la diminution : seule devait changer la manière de produire le


son. Celui-ci ne pouvait être aussi plein, soutenu et tendu que ce que l’on entend
généralement aujourd’hui8. En effet, la plupart des descriptions d’ornements insistent
sur la souplesse du son. Zenobi parle de la ductilité de la voix même lorsqu’elle ne
réalise pas de diminutions9. Mersenne décrit également cette souplesse en comparant
les manières de chanter en France et en Italie :

« Ceux qui n’ont pas la commodité de voyager, peuvent du moins lire Jules Caccin,
appellé le romain, qui feit imprimer un livre de l’Art de bien chanter, à Florence en l’an
1621, dans lequel il distingue les passages propres aux instruments d’avec ceux qui servent
à la voix, et divise les principales beautez des Chants en augmentation & affoiblissement
de la voix, ce qui s’appelle crescere, scemare della voce, en exclamation, & en deux sortes de
passages, qu’ils nomment trillo & gruppi, lesquels respondent à nos passages, fredons,
tremblements, & batements de gorge10.... »

Enfin, en ce qui concerne les respirations nécessaires au chanteur, Bovicelli men-


tionne qu’on peut même reprendre de l’air au milieu d’un long passage. S’il est mal-
venu de couper un mot en deux, il reste toujours la solution de respirer entre deux
mots. Cela donne souvent plus d’impact et d’éloquence à chacun d’eux. Il semble que,
dans ce domaine, beaucoup de choses n’aient pas été essayées et que de nombreux
changements soient possibles dès l’instant qu’on en accepte les conséquences tant sur
le son que sur notre idée de ce qu’est une phrase littéraire ou musicale.

Place du texte

Se préoccuper de diminuer et de dire le texte est souvent antinomique. En tout cas,


cela pose des problèmes. Par exemple, étant donné que l’on ne change pas de syllabe
après une double-croche ce qui serait inélégant et empêcherait de bien prononcer 11, il
est difficile de relier deux syllabes par un passage. Il existe cependant des solutions de
contournements inspirées de Bovicelli qui sont souvent utilisables et qui peuvent rapi-
dement sembler naturelles à l’interprète contemporain. Là encore, tout est question de
pratique. Bovicelli, qui semble être le seul à décrire cette manière de faire12, propose
simplement de finir la diminution avec la même syllabe et de rajouter des notes lentes
pour finir le mot. Une solution du même type consiste à faire la même chose en mon-
nayant la valeur suivante, sans rajouter de formule mélodique mais en répétant la note
d’arrivée à sa moitié, après avoir fini la diminution. Diverses solutions satisfaisantes
ont été trouvées au cours de notre propre travail, au cas par cas, qui permettent de
distribuer le texte autrement, en respectant naturellement les accents de longueurs et
la prosodie de sorte à pouvoir placer plus de diminutions et à amoindrir par conséquent
la contrainte du texte.

8 Ce changement de conception du son (fruit du travail instrumental et de l’expérimentation) ne se laisse


pas décrire brièvement.
9 Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit., p. 32.
10 Marin Mersenne, Harmonie Universelle, op. cit., livre vi, De l’art de bien chanter, p. 357.
11 On trouve cependant des exemples de cette technique chez tous les auteurs de diminutions.
12 Chez Bassano, on rencontre ça et là quelques décalages de texte en fonction des diminutions – dans la
diminution Signor mi caro, par exemple.

Semplice ou passeggiato 65
Qui a diminué quoi ?

Les différentes tablatures de luth et de clavier ne laissent pas place à l’ambiguïté


quant à leur destination même si, comme nous le verrons plus loin, les diminutions
qu’elles contiennent sont, en général, plus une nécessité idiomatique qu’une improvisa-
tion à caractère artistique ou démonstratif. Elles portent la marque de gestes musicaux
qui sont exclusivement écrits par des praticiens. Les pièces conçues par des chanteurs
comme Bovicelli ne posent pas non plus de problèmes quant à leur usage. Demeure
seulement aujourd’hui une question : les instrumentistes jouaient-ils ces exemples en
imitant au mieux les chanteurs ou se contentaient-ils de jouer des diminutions dans
un style instrumental ? Car l’imitation de la voix humaine change évidemment de
nature dès que la diminution est manifestement plus vocale13. À ce propos, Bovicelli et
Caccini adoptent des perspectives esthétiques distinctes : Bovicelli14 base ses exemples
sur de la musique polyphonique de stile antico polyphonique, alors que Caccini15, tout
en critiquant ce mode de diminution, l’applique à des pièces de stile moderno. Dans la
pratique contemporaine il semble que personne ne se l’interdise – ni ne se pose d’ail-
leurs la question !
Les conseils et les descriptions donnés par des instrumentistes dans leurs
traités (Bassano, Dalla Casa et les deux Rognoni) ouvrent néanmoins la porte au
commentaire. Nous ne connaissons la collection de Giovanni Bassano (1591) qui a
été détruite durant la dernière guerre mondiale que grâce à une copie de Friedrich
Chrysander. Bassano était à la fois compositeur, cornettiste, chanteur et pédagogue du
chant. Cette collection n’est pas un traité mais une compilation de plus de cinquante
exemples de diminutions. Elle fait donc exception, la diminution faisant en général
l’objet d’un traité explicatif enrichi seulement de quelques exemples comme on peut
le voir dans les différentes tavole de tous les traités comme notamment dans celle de
l’ouvrage F. Rognoni présentée plus loin. Quelle était alors la fonction d’une telle
compilation : a-t-elle aussi la fonction didactique qu’ont les traités ? est-elle le signe que
cette pratique est, pour une part et déjà à cette époque comme aujourd’hui, un « réper-
toire » ? ou bien un vaste réservoir d’exemples concrets à mémoriser ? Ce qui serait
confirmé par les quelques mots écrits par R. Rognoni quand il présente les exemples
sur Ancor che col partir comme devant être mémorisés. Pour ma part, je penche vers
cette dernière explication.
On peut aussi considérer la collection de Bassano comme un avant-goût de ce que
sera la musique des concerti ecclesisiastici ou de madrigaux virtuoses quelques années
plus tard, même si elle demeure plus proche de la prima pratica. Dans la collection, les
motets et les madrigaux sont accompagnés de paroles, contrairement aux chansons qui
semblent destinées aux instruments. La séparation des genres est assez nette : la dimi-
nution vocale est ici sensiblement différente de la diminution instrumentale, ce qui
ne veut pas dire que les instruments ne diminuaient pas les madrigaux et les motets.

13 Notons une nouvelle fois que tous les traités de diminutions mentionnent la voix humaine, même ceux
qui sont clairement destinés à des instruments, comme on le constate, par exemple, dans le titre de
l’ouvrage de Ganassi : Œuvre intitulée Fontegara laquelle enseigne à jouer de la flûte avec tout l’art inhérent à
cet instrument surtout la diminution, qui sera utile à chaque instrument à vent et à cordes : et également à celui
qui se plaît à chanter (Silvestro Ganassi, Opera intitolata Fontegara, op. cit.).
14 Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, op. cit.
15 Giulio Caccini, Le Nuove musiche, 1602, op. cit., p. 5.

66
Le chanteur et la diminution

Simplement, ces « exemples » de madrigaux et de motets semblent destinés aux chan-


teurs et les chansons aux instrumentistes, ces dernières comportant plus d’intervalles
et de syncopes, ce qui leur donne une allure plus instrumentale16.
Chez le cornettiste Dalla Casa, une fois encore, les seuls exemples vocaux sont
des madrigaux. Comme chez Bassano, la distinction entre diminutions vocales et ins-
trumentales est assez claire. Par contre, les deux types de diminutions présentent des
styles bien plus différenciés que chez Bassano. Les versions instrumentales sont écrites
à partir de chansons françaises et de madrigaux mais l’ouvrage est destiné à « toutes
sortes d’instruments, à vent et à cordes, et pour la voix », comme l’indique le titre.
Curieusement, Bassano qui dirige l’ensemble des instrumentistes de la basilique San
Marco à Venise, joue lui-même fréquemment de la musique sacrée et indubitablement
des œuvres de Palestrina à en juger par le succès des compositions de ce dernier dans
sa compilation de 1591. L’œuvre de Dalla Casa, son successeur à ce poste, ne propose
aucune composition liturgique : aucun motet de Palestrina ni de Giovanni Gabrieli, le
maître de chapelle au service duquel il était employé [13].

[13] Girolamo Dalla Casa, Il Vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584.

16 Néanmoins selon les conseils de Bovicelli, les chanteurs doivent également être en mesure d’introduire
des intervalles dans leurs diminutions (Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, op. cit.).
Ce qui est confirmé par les conseils de Zenobi, qui parle des sauts divers et syncopes que le chanteur doit
savoir improviser (Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit.).

Semplice ou passeggiato 67
La première partie de l’ouvrage de Riccardo Rognoni est constituée exclusivement
d’exercices ; la deuxième ne contient pas de tavola et ne fournit que très peu d’indi-
cations sur les exemples17 [14]. Un court commentaire s’intercale entre les versions
vocales et instrumentales pour dessus de Ancor che col partir18. Cette courte explication
donne une indication supplémentaire au sujet de la conception de l’art de la dimi-
nution et de sa pédagogie. Les madrigaux, motets et chansons des traités sont des
exemples à mémoriser pour y replacer les formules apprises. Ce qui peut changer notre
idée de ce qu’était une diminution et inviter à distinguer clairement cet art de celui
de l’improvisation tel qu’on se l’imagine souvent. L’idée n’est alors pas de créer une
nouvelle composition par la diminution : les motets ou les madrigaux très ornementés
(ou dotés des seuls ornements nécessaires, comme le suggère Zenobi) ne sont qu’une
variante de la même œuvre dont l’identité n’est pas remise en cause. Improviser, à la
Renaissance, ne veut pas dire qu’il y ait création ex nihilo.

[14] Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare nel diminuire, Venise, Giacomo Vincenti, 1592.

17 La première partie du traité est intitulée : « Passages pour pouvoir s’exercer » ; et la seconde : « La vraie
manière de diminuer » (Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi esercitare, op. cit., page de titre).
18 Ibid., p. 43.

68
Le chanteur et la diminution

Comme ses collègues, Francesco Rognoni semble clairement destiner la première


partie de son ouvrage aux chanteurs et la seconde aux instrumentistes19. Dans la pre-
mière section [15], figurent trois exemples de diminutions vocales venant après qua-
rante-quatre pages d’exercices. La deuxième partie [16] est destinée aux instrumen-
tistes : « où l’on traite des passages difficiles pour les instruments, de l’articulation de
l’archet, de la tenue de langue20. »

[15] Francesco Rognoni, Selva de varii pas- [16] Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi
saggi secondo l’uso moderno, Milan, Filippo secondo l’uso moderno, Milan, Filippo Lomazzo, 1620.
Lomazzo, 1620.

19 Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi, op. cit.


20 Ibid.

Semplice ou passeggiato 69
Après les cinquante-quatre pages d’exercices divers (et difficiles) de la deuxième
section, nous trouvons mentionné les indications suivantes :

1. Manière de diminuer avec art et maîtrise « Io son ferito », « Ahi lasso »
de Palestrina.
2. À la Révérende Madame Gracia Ottavia Crivelli du Monastère de Santa
Margherita. Manière de diminuer avec une règle naturelle au chant,
Canzona d’[Antonio] Mortaro, detta la Portia.
3. Manière de diminuer avec diverses inventions qui ne sont pas soumises
aux règles du chant, « Vestiva i colli » de Palestrina.
4. Manière de diminuer au violon ou au trombone alla bastarda, Susanna
d’Orlando [di Lasso].
5. Manière facile de diminuer sur la viola bastarda ou autre instrument,
Susanna d’Orlando [di Lasso].
6. À Monsieur Paolo Stainhaufer, façon difficile de jouer alla bastarda,
Vestiva i colli pour la viole.
7. Musiques du très illustre Monsieur Ottavio Valeria, qui les a chantées
avec les mêmes diminutions, Sfogava con le stelle.
8. Musiques du très illustre Monsieur Ottavio Valeria, qui les a chantées
avec les mêmes diminutions, Tempesta di dolcezza.

Les motets et madrigaux mentionnés ici ne sont toutefois pas intégrés dans l’ou-
vrage, probablement parce qu’ils sont alors très célèbres. Deux compositions modernes
se trouvent à la fin de l’ouvrage et attestent de l’unité de la manière de diminuer
des répertoires différents (nos 7 et 8 ci-dessus). Les dédicaces d’un des motets de la
première partie (Quanti mercenarii), du madrigal (Io son ferito) et de la canzona de la
deuxième partie (Canzon del mortaro) attestent de l’enracinement de la pratique de la
diminution dans la vie sociale et religieuse de l’époque. La pratique musicale dans les
monastères semble d’ailleurs avoir été d’un niveau très élevé comme le laisse entendre
un texte d’Ercole Bottrigari :

« Al[emanno] : Quand [la maîtresse de chœur] a vu et jugé que toutes ses consœurs
sont prêtes, sans aucun signal perceptible, elle donne le départ puis poursuit, au gré de la
battue à laquelle les autres obéissent en chantant, en jouant. […] Si suave est l’harmonie
qui parviendrait à vos oreilles qu’il vous semblerait, ou bien être vous-même transporté
jusque là-bas, ou bien d’Hélicon jusqu’ici, parmi les chœurs des muses, qui chantent et
jouent d’un instrument.
Gr[atioso] D’autant plus je m’afflige et me ronge d’ignorer où se dissimule cet Hélicon,
et quelles sont ces muses. Dites-le moi maintenant si ne voulez que je me pâme.
Al. Voici que Ferrare sera votre Parnasse, l’Hélicon sera l’église de San Vito, et les
Muses sacrées seront les révérendes sœurs.
Gr. Les sœurs de San Vito à Ferrare donnent donc de tels concerts ? […]
Gr. Apprendre le chant et plus encore les instruments (surtout les vents), sans maître
ne se peut. Peut-être ne jouent-elles pas les cornets et les trombones, parce que ce sont là
les plus ardus parmi les instruments, ou aussi parce qu’elles sont femmes.
Al. Détrompez-vous. Presque toujours on use là de ces deux instruments pour dou-
bler la voix dans les musiques de fête. Elles les jouent avec tant de grâce, de noblesse,
de justesse et d’éclat que même ceux que l’on les considère excellents dans ce métier,
confessent que nul à ce miracle ne saurait ajouter foi sans les avoir vues ni entendues.
En outre leurs ornementations ne sont ni confuses, ni forcenées, ni incessantes. Ainsi ne

70
Le chanteur et la diminution

gâtent-elles point ni ne détruisent la mélodie principale, fruit de l’ingéniosité d’un illustre


compositeur, mise en œuvre sur l’instrument ; mais ces passaggi interviennent en temps
et lieu convenables avec une vivacité si légère qu’ils apportent aux airs un agrément et un
esprit très grand21. »

À partir de ces différentes données, nous pouvons avancer l’hypothèse que, bien
qu’il soit admis que les instruments doivent imiter la voix humaine, leurs improvisa-
tions et leurs diminutions sont spécifiques. Du reste, des différences notoires rendent
inchantables certaines diminutions instrumentales. Le traitement de la voix, ordinaire
chez Fr. Rognoni (un instrumentiste) et Bassano22 (instrumentiste mais aussi chanteur
et compositeur), est radicalement différent chez Bovicelli (exclusivement chanteur).
Seul Fr. Rognoni écrit dans un style vocal proche de celui de Bovicelli et extrêmement
virtuose. Tout cela inciterait à penser qu’un certain style virtuose avait mûri qui s’étei-
gnit à la suite de la perte de la prépondérance de la polyphonie comme style musical
de référence. La virtuosité dans les œuvres religieuses ultérieures sera plus mesurée
comme on le constate dans les motets de Bartolomeo Barbarino (1614) mais aussi dans
la musique religieuse de Monteverdi. La virtuosité et les techniques sophistiquées
d’ornementation qui en sont le complément (ou l’alternative) survivront au xviie siècle
essentiellement dans des œuvres profanes.

21 « Al. Ultimamente la Maestra del Concerto assidersi dall’altro capo di essa tavola, et con una lunga, et
sottile, et ben polita verghetta a lei già davanti apparecchiata, poi che ha veduto, et chiaramente conosciuto
tutte le altre sirocchie esser in acconcio dar loro, senza strepito alcuno segno dello incominciare, et d’indi
poi seguentemente dalla misura del tempo; alla quale esse hanno in così cantando, et sonando da obedire.
[...] Et udireste certamente uscirne un’armonia tale, che vi parrerebbe, o d’esser voi stesso rapito colà, od
Elicona, insieme con tutto il coro delle Muse cantanti, et sonanti esser stato trasportato costà. / Gr. Voi
mi state poi a dire, ch’io non mi affliga, et ch’io non mi strugga, et tuttavia somministrate causa maggiore:
ond’io maggiormente abbia da affliggermi, et da struggermi per intender prestamente, dove sia questo
Elicona, et quali siano queste Muse: ditemelo omai, se non volete ch’io mi spasimi. / Al. Orsù Parnaso
vi sarà Ferrara; Elicona, et Santo la Chiesa di san Vito; et le sacre Muse quelle Reverende Monache. /
Gr. Adunque le Monache di San Vito in Ferrara fanno tai Concerti ? [...] Bene stà quant’all’universale de’
suoi concenti: ma quanto al particolar dell’apprender il modo del cantare, et più del sonare gli strumenti,
et massimamente da fiato egli è, dirò, quasi impossibile il potersi fare, senza maestri. Ma facilmente esse
non devono essercitare Cornetti, et Tromboni, così per esser de’ più difficili instrumenti musicali, come
per esser Donne. / Al. Anzi che l’uno, et l’altro di questi strumenti è da loro usato duplicatamente quasi
sempre nelle musiche, che esse fanno ordinariamente in tutti i giorni delle feste dell’anno: et li suonano
con tanta gratia, et con sì gentil maniera, et con tale giusta, et sonora intonatione delle voci, che sin coloro,
che sono stimati eccellentissimi in tal professione, ciò confessano esser cosa incredibile à chi non l’ode, et
vede. Et i passaggi loro non sono di quei così tritellati, et così furosi, et continouati, che guastino, et che
distruggano l’aere principale, che si è sforzato ingegnosamente di dare quel valente componitore alla sua
cantilena, che vien sonata: ma sono a tempo, et luogo con sì leggiadra vivacità tirati, che a quella rendono
ornamento, et spirito grandissimo » (Ercole Bottrigari, Il Desiderio, op. cit., p. 47-49).
22 J’entends par là des diminutions simples, n’excédant pas la double-croche, sur des figures communes à
quasiment tous les traités.

Semplice ou passeggiato 71
Le travail de la diminution

Chapitre 5

Le travail
de la diminution

Les aptitudes, le don et le travail

La méthode nécessaire pour qui veut transmettre un savoir-faire à des étudiants


dans le cadre d’une institution est un point d’une importance capitale. Et ce d’autant
plus que nous avons aujourd’hui perdu les traditions qu’il s’agit de faire revivre. Pour-
tant, aussi surprenant que cela puisse paraître, les documents anciens évoquant la vir-
tuosité mentionnent le don (dispositione1) plutôt que le travail. Au sujet de ses tientos
pour orgue, notamment des derniers qui utilisent en permanence la triple-croche
comme valeur de diminution, Francisco Correa de Arauxo suggère que la fourchette
des différentes vitesses de pulsation tient à la faculté du musicien de jouer très vite ou
pas. Le tempo de référence est du coup relativement lent (l’auteur parle de la morosité
de l’allure).
Le répertoire instrumental étant directement lié à la polyphonie par sa structure
et son langage, il apporte à ce titre des informations précieuses sur les possibilités de
traiter les diminutions d’une structure polyphonique. Au sujet des tientos nos 58-61,
Correa de Arauxo écrit :

« Suivent 4 œuvres de trente-deux notes à la mesure, à quatre voix…Toutes lesquelles


œuvres dites je note avec le tempo (communément appelé) parfait, pour donner à com-
prendre la morosité de l’allure, à cause de la quantité de diminution : quelle vitesse ce doit
être se déduira de la plus grande vélocité, ou de la plus petite, que chacun possède naturel-
lement entre ses mains : de sorte que celui qui l’aura plus grande, causera moins de lenteur,
et celui qui (l’aura) moins, plus de lenteur dans l’allure, laquelle doit être la même dans la
musique non ornée que dans le glossado de 8, 12, 16, 24 et 322. »

1 Cf. Glossaire, rubrique « Disposizione et travail ».


2 « Siguese quatro Obras de a treinta y dos Numeros al Compas, a quatro Voçes. Primeramente dos tientos
de medio registro de tiple de segundo tono, re, y sol, por de la sol re del genero diatonico : y luego un tiento
de medio registro de baxon del mismo tono, y genero. Y ultimamente la memorable entre los organistas,
cancion susana. Todas las quales obras dichas las punto con el tiempo (comonmente) llamado perfecto,
para dar a entender la morosidad del compas, respecto de la mucha diminucion: que tardança aya de ser
esta, se collegira de la velocidad mayor, o menor que cada uno naturalméte tuviere en las manos : de modo
que el que la tuviere mayor, causará menos tardança, y el que menor, causarà mas tardáça en el llevar de el
compas ; el qual serà por igual assi en lo llano como en lo glosado de a 8. 12. 16. 24. y 32. Ygualdad, toque, y
limpieza, en cargo mucho en estas obras » (Francisco Correa de Arauxo, Libro de tientos, op. cit., f. 153v,
édition moderne : Guy Bovet, éd, Bologne, Ut Orpheus, 2007).

Semplice ou passeggiato 73
Étant donné ce que sont ces derniers tientos de Correa de Arauxo [17], à savoir un
enchaînement presque incessant de triples-croches avec des proportions de sept à neuf
notes, le tempo atteignable pour un très bon virtuose doit être très lent pour autoriser
l’exécution très rapide des notes.

[17] Francisco Correa de Arauxo, « Tiento no 58 », Libro de tientos y discursos de música practica y theorica de
organo, Alcalá, Antonio Arnao, 1626.

74
Le travail de la diminution

De nos jours, l’idée de pouvoir jouer très vite sans travailler de manière particu-
lière est plutôt incongrue. Même s’il existe des musiciens plus ou moins doués, il est
désormais admis que la maîtrise de la vélocité est le résultat sinon d’un travail acharné,
du moins d’une pratique régulière. De plus, il me semble évident que plus le joueur
est détendu et désinvolte, plus il saura jouer vite (moyennant un certain entraîne-
ment), ce que l’on constate en observant les joueurs de be-bop, les musiciens tziganes
de Roumanie ou les chanteurs et musiciens indiens. Notre culture académique fait de
la virtuosité et de la vélocité des qualités qui ne sont abordées que lorsque la musique
écrite l’impose et non comme une capacité devant se déployer selon tel ou tel contexte.
Elle ne reconnaît d’ailleurs que rarement la vélocité comme un mode expressif à part
entière. De nos jours, la maîtrise du son (c’est-à-dire le contrôle de sa couleur et de
ses diverses qualités), la maîtrise d’une tessiture souvent hors des limites familières de
l’individu ou de l’instrument, la maîtrise d’une grande palette dynamique prennent le
pas sur la capacité à jouer très vite avec facilité. Dans une culture où la notion de mérite
tient un rôle non négligeable, il n’est pas étonnant que le goût de l’effort l’emporte sur
la recherche de l’aisance qui importait tant aux Anciens.
Les différentes aptitudes nécessaires à une belle exécution, celles qui définissent
les qualités d’un « bon musicien », recouvrent donc aujourd’hui des critères très diffé-
rents de ceux en usage autrefois. Qui admire en premier lieu, par exemple, la facilité
de jeu d’un musicien ? ou sa vélocité ? Il faut bien dire que des exemples concrets d’une
conception musicale où la vélocité serait placée au centre de la pratique manquent
cruellement dans le domaine de la musique historique. Riccardo et Francesco Rognoni,
Giovanni Battista Bovicelli, Girolamo Dalla Casa, Luigi Zenobi et Lodovico Zac-
coni n’étant évidemment plus là pour nous faire entendre des exemples vivants, il faut
rechercher aujourd’hui des exemples de désinvolture (sprezzatura) dans des traditions
musicales encore vivantes (nous avons à plusieurs reprises renvoyé aux mondes du jazz,
des musiques tziganes ou indiennes). C’est peut-être là que l’on peut trouver l’image la
plus suggestive de ce qu’a pu être l’ancien monde de la diminution.
Il serait fastidieux de faire ici la liste des nombreuses sources qui laissent entendre
que sans compétence à diminuer de façon virtuose, le musicien et le chanteur de ces
périodes sont indignes de ce qu’on attend d’eux3. Le manque de modèles vivants et la
rupture de la chaîne de transmission orale peuvent expliquer la lenteur avec laquelle
se sont développées les pratiques d’improvisation et de diminutions dans les dernières
décennies malgré les nombreuses connaissances accumulées sur le sujet par de nom-
breux musicologues et musiciens depuis le xixe siècle4.

3 Cf. le long passage consacré aux qualités que doit posséder le soprano dans : Luigi Zenobi, The Perfect
Musician, op. cit.
4 Karl Franz Friedrich Chrysander, « Lodovico Zacconi als Lehrer des Kunstgesanges », Vierteljahrsschrift
für Musikwissenschaft, vol. 7, 1891, p. 337-396 ; ibid., vol. 9, 1893, p. 249-310 ; ibid., vol. 10, 1894, p. 531-567.

Semplice ou passeggiato 75
L’ornementation

L’ornementation semble avoir été omniprésente comme élément constitutif du son


et non comme élément rajouté. Dans nos expériences avec les étudiants de la Haute
école de musique de Genève, tous les ornements décrits par Zenobi et Fr. Rognoni ont
pu trouver une place dans les motets de Palestrina, à l’exception de l’esclamatione5 qu’il
est difficile pour nous, aujourd’hui, d’intégrer à la polyphonie.
Les auteurs anciens décrivant les ornements ne font pas de différences notables
à propos de la manière de les chanter à l’église ou à la chambre. Les contrafacta de
Bovicelli en sont la preuve : le musicien traite de la même manière Ancor che col partir
et son contrafactum Angelus ad pastores. Même chose chez Fr. Rognoni  pour Io son
ferito et Quanti mercenarii. Et c’est sans précisions que Luigi Zenobi écrit que le bon
chanteur « doit chanter différemment à l’église, à la chambre »6. Vincenzo Giustiniani
rappelle la naissance de cette « nouvelle manière de chanter » qui apparaît dans le der-
nier quart du xvie siècle7.
De manière générale, la difficulté pour orner cette musique provient du manque
d’habitude des musiciens contemporains, chacun devant non seulement apprendre les
règles d’époque mais aussi se construire une idée personnelle de ce qu’est la production
du son. L’enjeu est d’importance puisque la pratique de l’ornement change le rapport
au corps jouant ou chantant. Mais le chemin à faire est assez long et passe par l’union
étroite de la pratique et de la réflexion.

Diminution et ambitus : la question de


la tessiture de confort

La caractéristique de la diminution est de faire appel à l’agilité, chez le chanteur
comme chez l’instrumentiste. Il se trouve que cette agilité se développe plus faci-
lement dans une tessiture confortable, loin des extrêmes (aigu ou grave) et avec un
volume sonore moyen ou faible. En tout cas, il est très difficile de chanter ou de jouer
fort et vite ou bien aigu et vite. La tessiture grave, par la détente qu’elle suppose, est
également contraire au tonus nécessaire à la vitesse. Par conséquent, la diminution se
base sur une certaine « nature des choses » (de la voix ou du geste musical) pour que
l’agilité puisse advenir. On a vu plus haut que cette agilité (de la main, chez Correa de
Arauxo, de la voix chez d’autres auteurs) est considérée comme un don de la nature.
Bien que le travail ne soit pas mentionné chez la plupart des auteurs, Antonio
Brunelli fait paraître en 1614 des Varii esercitii qui sont à l’évidence une méthode de
chant et le cadre d’une pratique journalière8. Le titre du traité de R. Rognoni est aussi
éloquent : Passagi per potersi essercitare. Ces manières d’obtenir l’agilité9 sont loin de ce
que sont devenues aujourd’hui les préoccupations des chanteurs et instrumentistes qui
passent plus de temps à développer volume, tessiture et qualité du son qu’agilité. Dans
notre culture, l’agilité et la souplesse ne sont jamais considérées comme les premières
qualités que l’exécutant doit posséder.

5 Cf. Glossaire rubrique « Clamazione ».


6 Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit.
7 Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica, op. cit.
8 Antonio Brunelli, Varii esercitii, op. 11, Florence, Zanobi Pignon, 1614.
9 L’agilité est toujours partiellement synonyme de vélocité.

76
Le travail de la diminution

Dans le même ordre d’idées et à propos des instrumentistes à vents10, le cornet-


tiste Girolamo Dalla Casa mentionne la difficulté de réaliser une belle articulation
au cornet. Au sujet de la production du son, il conseille simplement de ne pas avoir
les lèvres trop ouvertes ou trop fermées. À notre époque, la question de la production
sonore est le premier sujet de préoccupation du cornettiste et pourrait occuper des
livres entiers11. Chez Dalla Casa, ce sujet essentiel n’occupe pourtant qu’une ligne. Les
exercices proposé par Dalla Casa doivent conduire du « simple et lent » au « difficile
et vite », en d’autres termes, des valeurs « lentes » (les croches) aux valeurs rapides (les
triples-croches). Le traité de Dalla Casa est l’un des rares à être progressif de ce point
de vue. La vélocité semble être la préoccupation majeure de l’auteur qui la présente
comme étant l’essence du jeu de cet instrument. Le titre de l’ouvrage, Il vero modo di
diminuir, est en soit éloquent. C’est, du reste, le même que celui de la première partie
du traité de Riccardo Rognoni12.
Aucun traité ne propose des registres extrêmes, que ce soit dans les exercices ou
dans les exemples. Il faut toutefois mentionner quelques exceptions : Quanti mercenarii
(même transposé car l’ambitus est grand), Io son ferito de Fr. Rognoni et Ancor che col
partir de R. Rognoni, tous accompagnés de la mention « difficile ». Ces tessitures ne
sont néanmoins pas si extrêmes puisque cette musique a été conçue pour le violon.
Chez le chanteur Bovicelli, la tessiture écrite est parfaite pour un baryton chantant
avec une voix de falsettiste, à l’exception notable des derniers exercices. Ces derniers
sont transposés à la quarte supérieure (par rapport à tous les autres exercices) et sont
également écrits dans des clés aigues appelées chiavette, alors que les précédents étaient
écrits en chiavi naturali. Ils couvrent néanmoins le même ambitus que les autres. Les
différents systèmes de clés utilisés pour la musique polyphonique relevant de com-
plexes conventions d’écriture, il convient d’exécuter cet exemple une quarte plus bas,
pour le replacer dans la tessiture vocale usuelle du soprano.
Par ailleurs, certains exemples – notamment chez les Rognoni et en particulier
ceux donnés pour la viola bastarda – nous semblent des cas extrêmes sous plusieurs
rapports. Il ne faut pas oublier qu’ils sont écrits par des violonistes/violistes et men-
tionnés comme particulièrement difficiles. L’ambitus très large des pièces (surtout si
on le compare au même type de composition chez Dalla Casa chez qui l’ambitus est
toujours plus modeste), et particulièrement celles pour viola bastarda, confirme la spé-
cialisation de la famille Rognoni dans les instruments à cordes. Chez Bassano, les clés
employées dans ses motets diminués sont identiques à celles de l’édition des motets,
soit des clés aigues appelées chiavette 13. Les œuvres vocales, motets et madrigaux, écrits
dans ces clés, également très courantes chez Palestrina, doivent être transposés vers
le grave, de telle sorte qu’ils soient chantables par un ensemble vocal doté de sopranos
masculins. Dans tous les cas, la musique de Palestrina et les diminutions de Bassano
couvrent l’ambitus usuel, c’est à dire une dixième, quelquefois une onzième.
Bovicelli donne une autre indication importante dans ses exemples sur Io son ferito
ahi lasso et son contrefactum. Il les écrit à la quinte inférieure par rapport à la nota-

10 Les préoccupations et les méthodes de travail des instrumentistes à vents rejoignent souvent celles des
chanteurs.
11 C’est le cas pour la trompette moderne, instrument en tout point similaire au cornet.
12 On ne sait pas ce que sont les autres modes « moins vrais » de la diminution et quelles querelles se cachent
derrière ce titre.
13 Patrizio Barbieri, « ”Chiavette” and modal transposition », op. cit. ; Jeffrey Kurtzman, « Tones, modes,
clefs and pitch », op. cit.

Semplice ou passeggiato 77
tion de Palestrina (qui écrit tant le madrigal que son contrafactum en chiavette, soit
certainement comme il le chantait lui-même). N’oublions pas que les diapasons ont
pu être très hauts à cette époque même s’il semble qu’à Rome et en descendant vers
le sud de l’Italie, ils étaient de plus en plus bas. Un diapason grave rendrait de fait
cette diminution mentionnée très confortable voire presque grave pour les falsettistes
d’aujourd’hui.
Autour de 1600 cependant, la conception que l’on se fait de la voix commence à
changer sous l’influence de la nouvelle musique, de la monodie accompagnée et peut-
être de l’augmentation du nombre de castrats14. Chez Rognoni, le même Io son ferito 15,
doté cette fois du texte du contrafactum Quanti mercenarii [18a] [18b], est lui écrit dans
la tessiture de clés aiguës, telles qu’elles apparaissent donc dans la version originale de
Palestrina. À l’évidence, cette diminution, dédiée à la mère supérieure du monastère
de Santa Margherita, Donna Ginepra Ottava Crivelli (établissement dont nous avions
souligné qu’il semblait posséder des chanteuses de haute volée) doit se chanter aussi
dans une tessiture proche de celle proposée par Bovicelli. Sinon, quel type de voix
pourrait chanter si vite et si haut ? Tessiture mise à part, cet exemple extrêmement
virtuose se développe sur deux octaves, ce qui en soit est déjà la marque d’un art vocal
« moderne ».

[18a] Quanti mercenarii, motet diminué de Francesco Rognoni, contrafactum sur le madrigal Io son
ferito de Palestrina (Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi secondo l’uso moderno, Milan, Filippo
Lomazzo 1620).

14 Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica, op. cit.


15 Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi, op. cit, 2e partie, p. 55.

78
Le travail de la diminution

Fr. Rognoni
Selva di passaggii, 1620

P. L. Palestrina,
Cantiones sacrae, Antverpiae,
Phalesius, 1605

[18b]

Semplice ou passeggiato 79
80
Le travail de la diminution

Semplice ou passeggiato 81
La technique vocale

À la chapelle Sixtine, un rapport de 1565 sur les capacités de différents chanteurs


mentionne M. Stefano Fornarino et M. Fermino Label : « ceux-là n’ont pas une bonne
voix mais ont une bonne intelligence de la musique16. » Chez le chanteur, l’instrument
est le corps que l’apprentissage modèle en fonction d’une culture et d’une pratique artis-
tique donnée. Durant le travail des ateliers d’IMPROPAL, il est ressorti que l’agilité
requise pour la musique dont nous traitons ici demande a minima un travail spécifique,
si ce n’est une quasi « spécialisation ». Est-elle envisageable aujourd’hui ? Peut-on ima-
giner que des chanteurs se limitent à un répertoire couvrant seulement deux ou trois
siècles de musique ?
La technique de production vocale a beaucoup changée entre 1400 et 1600 et s’est
profondément transformée du point de vue de la virtuosité à la fin du xvie siècle.
Parallèlement, le volume sonore employé différait alors selon le lieu où l’on chantait :
fort à l’église et de manière plus douce et raffinée à la chambre. Aujourd’hui, la largeur,
l’ampleur de la voix et son volume sonore sont considérés comme des qualités en soi
et sont placés au sommet de la hiérarchie des exigences requises17. L’agilité vocale, on
l’a souligné à plusieurs reprises, fut cultivée comme qualité principale jusqu’au xviiie
siècle au moins, ce qui ressort par exemple des nombreuses remarques sur les chanteurs
européens contenues dans les mémoires de Charles Burney 18 où sont quasiment exclu-
sivement loués l’agilité des voix, les trilles et les vocalises.

16 « Questi non hanno voce bona ma hanno bona intelligenza nella musica » (I-Rvat [ASV [Misc. Arm. xi,
xciii], f. 151r). À ce sujet, voir : Richard Sherr, « Competence and incompetence in the Papal choir in the
age of Palestrina », Early Music, vol. 22, no 4, p. 607-629, spécialement p. 612. On lira avec intérêt la suite
de l’article qui évoque les chanteurs dont la voix est faible.
17 Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit., cf. passage sur les qualités nécessaires au soprano.
18 Charles Burney, Voyage musical dans l’Europe des Lumières, Michel Noiray, éd., Paris, Flammarion, 2010.

82
Les formes musicales et les usages

Chapitre 6

Les formes musicales


et les usages

Les diminutions écrites pour la voix ou pour les instruments mélodiques concernent
exclusivement des motets, des madrigaux et des chansons mais jamais de la musique
de danse1. Pour expliquer pourquoi la messe et ses parties ainsi que les psaumes en sont
exempts, Andrew Parrott2 avance que des formes longues se prêtent moins à cette pra-
tique. On peut ajouter que les parties de l’ordinaire de la messe ne sont jamais compo-
sées en style soliste. En revanche, on rencontre quelques diminutions pour clavier de
certaines parties de la messe – dans les tablatures d’Attaignant3, par exemple. Dans ce
cas, l’impossibilité de jouer à l’orgue sans partition générale la musique polyphonique
(exclusivement écrite et éditée sous forme de cahiers de parties séparées) a impliqué la
réalisation par l’auteur et l’édition d’une mise en tablature.

Origines du répertoire de diminution 


et socle de cette pratique

Je propose de considérer la majeure partie des sources relatives à la virtuosité


vocale et instrumentale sans se limiter à la musique de Palestrina afin de disposer d’un
socle plus large de réflexion.
Ce répertoire, support important de l’improvisation et de la diminution à l’époque
que nous étudions, donne a posteriori l’impression d’une écriture similaire à celles
des standards de jazz. Les « standards » de la Renaissance (mis à part les chansons,
madrigaux et motets) correspondent aux deux catégories suivantes : la « basse danse »,

1 À l’exception toutefois du traité d’Ortiz dont les basses obstinées et la Spagna peuvent être rattachées au
monde de la danse (Diego Ortiz, Trattado de glosas, op. cit.). Des exemples de danses virtuoses se trouvent
dans les tablatures de luth et d’orgue mais la question se pose toujours de savoir si cette manière de noter
et de jouer l’orgue et le clavecin n’était pas la manière habituelle de jouer ce répertoire. Encore que les
tablatures d’orgue ne présentent quelques fois que des danses simples dénuées de diminutions, c’est-à-dire
étant « à diminuer ». A contrario, de nombreux recueils pour clavier recèlent de danses sans aucun ornement
alors que certains manuscrits de la Bibliothèque Vaticane contiennent des pièces très simples et des basses
obstinées typiques du début du xviie siècle qui ne sont pas développées. Elles constituent, à l’évidence,
un aide-mémoire pour l’improvisation. On peut également imaginer qu’il s’agit de partitions didactiques
destinées à des débutants.
2 Communication orale d’Andrew Parrott lors de la masterclass donnée à la Haute école de musique de
Genève en octobre 2010.
3 Sept livres de tablatures paraissent chez Attaignant en 1531 dont trois présentent de la musique d’église
(parties de la messe et plusieurs Magnificat) ; cf. Pierre Attaignant, Transcription of Chansons for Keyboard,
Albert Seay, éd., Rome, American Institute of Musicology, 1961 (Corpus Mensurabilis Musicae, vol. 20).

Semplice ou passeggiato 83
pour laquelle ne subsiste souvent que la ligne de ténor ; les basses obstinées du xvie
siècle (Passamezzo antico, Passamezzo moderno, Gamba4, Romanesca) et du xviie siècle
(chaconne, passacaille, Romanesca, Ruggiero, Bergamasca, Canario, Folia).
Signalons qu’on cherchera en vain dans les traités de diminution parmi les chan-
sons polyphoniques, les madrigaux ou les motets, la chanson la Monica (Une jeune
fillette) qui est pourtant un des thèmes les plus connus en Europe du xvie jusqu’au
xviiie siècle puisqu’on le retrouve sous forme de chanson, de choral (dans toutes les
églises réformées), de cantique catholique ou de Noël français, et qu’on en connaît des
adaptations en sonates, danses diverses, messes. Au contraire, Susanne un jour – une
chanson polyphonique qui connut un grand nombre de rééditions – se trouve dimi-
nuée dans un très grand nombre de sources.
Ce répertoire fonctionnel est un support souvent sollicité pour l’improvisation.
Comme je l’ai mentionné plus haut, il ne nécessite peut-être pas une pédagogie spéci-
fique et le passage par l’écrit. C’est ce qui explique peut-être que les danses et basses
obstinées ne sont jamais mentionnées dans les traités de diminutions, à l’exception
notable de Trattado de glosas de Diego Ortiz. Chez ce dernier, une chanson française
et un madrigal connus côtoient des basses obstinées et des exemples sur la Spagna.

Madrigaux, chansons françaises et canzones italiennes

Chez Bassano, la majeure partie des madrigaux cités sont issus du Premier livre de
Cipriano De Rore, un volume qui connut un grand succès à en juger par le nombre de
rééditions dont il bénéficia5. Si l’on s’en tient aux cinq traités importants parus entre
1580 et 1600 (en ajoutant celui de Fr. Rognoni en 1620), soit ceux de Bassano, Dalla
Casa, Giovanni Battista Spadi6, R. Rognoni et Bovicelli, le nombre d’auteurs dont les
œuvres servent de support à ces diminutions écrites est de dix-huit7 : Jacobus Clemens
non Papa, Thomas Crecquillon, Jean Courtois, Claudio Merulo, Luca Marenzio,
Cipriano De Rore, Tomás Luis de Victoria, Andrea Gabrieli, Ruggiero Giovannelli,
Clément Janequin, Roland de Lassus, Giovanni Maria Nanino, Giovanni Pierluigi
da Palestrina, Giulio Renaldi, Philippe Rogier, Alessandro Striggio et Adrien Wil-
laert. Tous ces compositeurs connurent un grand succès au milieu du xvie siècle mais
certains d’entre eux ne présentent qu’une ou deux occurrences, par exemple : Giovan-
nelli, Nanino et Rogier. Trois catégories peuvent être distinguées : la première et la
plus nombreuse compte les compositions présentes une ou deux fois dans les traités ;
la seconde comporte les œuvres présentes quatre ou cinq fois (huit compositions) ; et
la dernière est formée de la seule pièce Ancor che col partir de De Rore, extrêmement
célèbre (dix occurrences du madrigal in extenso).

4 La gamba est fréquemment appelée cara cosa en Italie, notamment dans les tablatures de luth. Voir le
catalogue de Howard Mayer Brown : Instrumental Music Printed before 1600, Harvard University Press
1965 (rééd. 2000), aux rubriques Gambe et Cara cosa.
5 Cipriano De Rore, I Madrigali a cinque voci, Venise, Girolamo Scotto, 1542, réédité et augmenté dans : Il
Primo libro de madrigali cromatici a cinque voci con un agionta del medesmo autore, Venise, Antonio Gardano,
1544, réédité 12 fois à Venise et à l’étranger dans les années suivantes, ainsi que dans une édition en
partition sans le texte : Tutti i madrigali di Cipriano di Rore a quattro voci spartiti et accommodati per sonar
d’ogni sorte d’istrumento perfetto, e per qualunque studioso di contrapunti, Venise, Gardano, 1577.
6 Giovanni Battista Spadi, Passaggi ascendenti e discendenti, Venise, Giacomo Vincenti, 1609.
7 Pour rappel, ces diminutions doivent être considérées comme des exemples et non comme des compositions,
ce qu’atteste formellement Fr. Rognoni.

84
Les formes musicales et les usages

Dans l’ensemble des traités mentionnés plus haut, on retrouve la répartition des
genres suivante : 109 occurrences sont des madrigaux, 43 des chansons, 17 des motets,
et une est une canzona polyphonique. Pour mettre en évidence le succès de Cipriano de
Rore, insistons sur le fait qu’on retrouve ses compositions 55 fois parmi ces 109 occur-
rences. Palestrina est mentionné pour sa part 22 fois. Ce chiffre est divisé par deux
pour les œuvres de Striggio, Crecquillon et Willaert.
Les chansons françaises reprises chez Bassano et R. Rognoni se retrouvent, des
années après leur parution en France, dans des collections instrumentales éditées entre
1577 et 1588 à Venise, sans les textes.
Les madrigaux du premier livre de De Rore ont eu la faveur des virtuoses ayant
laissé une trace écrite de leur art. Si l’on s’en tient aux principaux traités cités ci-dessus,
sur les 26 madrigaux que compte ce livre, on en retrouve 16 titres mis en diminutions
dans ces traités.
Par ailleurs, si l’on observe la présence de ces madrigaux dans les principaux traités
(occurrences statistiques sur l’ensemble des madrigaux tous compositeurs confondus ;
un même madrigal pouvant apparaître plusieurs fois dans un même traité), on peut
dresser la liste suivante : chez Dalla Casa (1584) on trouve 40 madrigaux sur 52 (extraits
et madrigaux entiers), chez Bassano (1585 et 1591)  11 sur  54 (madrigaux traités in
extenso), chez R. Rognoni (1592) 3 sur 3 (Ancor à chaque fois), chez Bovicelli (1594) 1 sur
2 ; chez Spadi (1609)  2 sur 2, chez Aurelio Virgiliano aucun sur 2 et chez Fr. Rognoni
(1620) aucun sur 2.
En ce qui concerne Palestrina, pierre angulaire de cette étude, ses deux grands
succès (Io son ferito et Vestiva i colli) paraissent aussi dans des recueils de madrigaux
célèbres. Ces deux madrigaux sont présents dans des mises en tablature de clavier et de
luth mais aussi dans des versions retravaillées pour clavier, par exemple chez Samuel
Scheidt. Les thèmes de ces madrigaux furent intégrés à des canzoni, sonate et autres
pièces. De plus, les autres œuvres à succès de Palestrina, présentes dans les traités de
diminutions sont presque toutes tirées d’une collection de motets basés sur le texte du
Cantique des cantiques8.
Du reste et a contrario, on trouve dans les tablatures de clavier (celles de Jakob
Paix9 par exemple) des messes ainsi que des motets destinés à une fonction liturgique
précise (en l’occurrence des pièces composées sur des textes d’antiennes).
Ainsi, le matériau sur lequel les musiciens et les chanteurs ont pratiqué le plus
la diminution est un répertoire en vogue et apprécié qui a connu un destin édito-
rial différent (parce qu’il a été mis en tablature et diminué) du reste de la musique
éditée. Mais ce monde de la diminution diffère également quelque peu de la pratique
de l’improvisation ordinaire, celle que tout professionnel de l’époque réalise sur des
chansons non polyphoniques et sur des danses. Il est entendu que ces pièces ne sont
jamais jouées telles qu’elles sont écrites. Ces modes d’improvisations usuels expliquent
probablement l’absence de chansons simples comme La Monica, des frottole, des villotte

8 Giovanni Pierluigi da Palestrina, Motettorum quinque vocibus liber quartus ex Canticis Canticorum, Rome,
Alessandro Gardano, 1583-1584 ; et une réédition : Cantiones sacrae quinque vocum ex cantico canticorum,
Anvers, Phalèse, 1605. Cette dernière contient le contrafactum du madrigal Io son ferito sur le texte Quanti
mercenarii (Jessie Ann Owens, « Palestrina as Reader. Motets from the Song of Songs », Dolores Pesce,
éd., Hearing the Motet. Essays on the Motet of the Middle Ages and Renaissance, New York, Oxford University
Press, 1997, p. 307-328).
9 Jakob Paix, Ein schön Nutz unnd Gebreüchlich Orgel Tablaturbuch, op. cit.

Semplice ou passeggiato 85
(construites sur des harmonies simples et des carrures issues de la danse), des danses
et des basses obstinées.
On peut cerner deux pratiques de diminution en marge de ces improvisations qui
ne seront jamais écrites : d’une part celle qui, à l’instar des tablatures d’orgue, constitue
une diminution moins virtuose (c’est-à-dire la pratique habituelle d’exécution de la
musique), sans oublier les ornements d’usage à ajouter au chant simple. Cette dimi-
nution usuelle est probablement pratiquée également sur les instruments mélodiques :
nous n’en avons pas de traces peut-être parce que, comme l’improvisation sur basse
obstinée, elle ne présente pas de difficultés de réalisation. La pratique de cette dimi-
nution simple, qui peut toucher tous les genres musicaux sans exception, inclut quasi
automatiquement et/ou permet la possibilité d’une pratique d’ensemble.
La tablature est une notation idiomatique dans laquelle le geste musical est inscrit
alors que la partition est un reflet plus abstrait du contrepoint et de la composition qui
fonctionne comme support de connaissances plus que comme support d’exécution.
Quant à la destination des tablatures, précisons que les bons organistes, en Italie du
moins, faisaient probablement des réductions de motets à partir des voix séparées. Il
existe en Allemagne de nombreuses collections très importantes de tablatures. Celle
de Johann Woltz10 ne contient pas moins de 215 compositions : motets italiens, alle-
mands, canzones instrumentales et fugues. Cette tablature présente de multiples com-
positions dont le nombre de voix excède celles qui sont jouables sur un clavier, même
doté de pédalier comme dans les motets et canzone de G. Gabrieli à 10, 12, 13, 17, 19
voix. En Italie, la mise en tablature du répertoire est avant tout destinée aux musiciens
amateurs qui ne pratiquent pas la lecture de la partition.
La deuxième pratique de la diminution est celle, plus soliste, qui se déroule dans
un cadre qui n’est ni nécessairement liturgique, ni fonctionnel et où la composition
tend vers une pratique plus artistique, au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Deux
collections de canzoni instrumentales éditées respectivement entre 1577 et 1588 pré-
sentent quasiment l’intégralité des supports de diminutions que l’on retrouve dans les
traités de diminutions et de tablatures virtuoses de luth ou de clavecin11.
La collection de 1577 (éditée en forme de partition sur quatre portées) est celle
contenant le plus d’occurrences du répertoire diminué [19a] [19b]. L’autre collection –
Canzon di diversi per sonare con ogni sorte di stromenti a quatro, cinque e sei voci (1588)  est
éditée en six livres séparés12. Voici la table des treize compositions telle qu’elle figure à
la fin de l’édition de 1588 :

1 L’olica di Claudio [Merulo] da Coreggio à 4


2 Torna Crequilon à 4
3 Giosefo Guami à 4
4 Giosefo Guami à 4
5 Las voules à 5
6 On ques Amor à 5 [Crecquillon]
7 Viver ne puis à 5
8 Io visans à 5 [Jouissance vous donneray d’Adrien Willaert]

10 Johann Woltz, Nova musices organicae tabulatura, Bâle, Johann Jacob Genath, 1617.
11 Musica de diversi autori, op. cit. ; Canzon di diversi per sonare con ogni sorte di stromenti, op. cit.
12 Canzon di diversi per sonare con ogni sorte di stromenti a quatro, cinque e sei voci. Libro primo, Venise, Giacomo
Vincenti, 1588. Édition moderne (fac simile : Helmut Mönkmeyer, éd., Celle, Moeck, 1985).

86
Les formes musicales et les usages

9 Content à 5 [Crecquillon]
10 Sine tenez à 6
11 Sire à 6
12 A la fontaine à 6 [Adrien Willaert]
13 La rose à 6 [Nicolas Gombert]

Cette collection est intéressante à divers égards : l’absence de référence d’auteurs


(ou la seule mention du prénom), les titres mal orthographiés (comme « Jouissance » de
Willaert transcrit Io visans, probablement en raison d’une transmission orale) attestent
d’un répertoire connu et convenu. On retrouve toutes les « chansons » françaises dans
les traités de diminutions de Girolamo Dalla Casa (1584) et de Giovanni Bassano (1585
et 1591).

[19a] Frontispice d’une collection de canzoni instrumentales éditée en 1577 (Musica


de diversi autori. La battaglia francese et canzon delli uccelli insieme alcune canzoni francese,
partite in caselle per sonar d’instromento perfetto, novamente ristampate, Venise, Angelo
Gardano, 1577).

Semplice ou passeggiato 87
[19b] Table des matières d’une collection de canzoni instrumentales éditée en 1577
(Musica de diversi autori. La battaglia francese et canzon delli uccelli insieme alcune canzoni
francese, partite in caselle per sonar d’instromento perfetto, novamente ristampate, Venise,
Angelo Gardano, 1577).

Les mises en tablatures pour clavier et pour luth


des motets ou madrigaux de Palestrina

Les diminutions présentes dans les transcriptions pour clavier sont nombreuses13
par rapport à celles que l’on rencontre dans les traités et sont moins virtuoses que la
musique destinée au chant (Bovicelli) ou encore au cornet et violon (R. et Fr. Rognoni)
qui utilise fréquemment la triple-croche. Dans les tablatures, qu’elles soient pour luth
ou pour clavier, les valeurs de l’original sont divisées par deux14. Les tablatures de Paix
contemporaines de celles de Bassano sont encore moins virtuoses que les diminutions
de ce dernier. Chez Bassano, la division normale dans un passage est systématique-
ment écrite en doubles-croches. Chez Paix, l’équivalent de cette valeur, soit la triple-
croche, est uniquement utilisée dans les cadences. Cette notation peut aussi donner
une indication de vitesse de pulsation. En effet, les œuvres de Paix sont exécutées dans

13 On trouve par exemple 14 motets de Palestrina chez Jakob Paix, Ein schön Nutz unnd Gebreüchlich Orgel
Tablaturbuch, op. cit.
14 Voir les motets de Palestrina mis en tablature par Jakob Paix (« Ein schön Nutz unnd Gebreüchlich Orgel
Tablaturbuch », op. cit.). On trouve des exemples dans l’édition moderne suivante : Cantibus Organis,
édité par Eberhard Kraus, Friedrich Pustet, Regensburg, 1961, vol. 1 et 6.

88
Les formes musicales et les usages

un contexte liturgique où elles servent tantôt d’accompagnement à l’exécution vocale


des motets par les chanteurs, tantôt de pièce instrumentale pure. Lorsque les pièces de
Paix sont utilisées comme soutien des voix, le plus vraisemblable est qu’on peut alors
employer les tempi les plus rapides au sein de la fourchette mentionnée dans le chapitre
consacré au tempo. Pour le dire autrement, l’absence de démonstration de virtuosité
dans les exemples de Paix qui utilise des valeurs plus lentes que les exemples virtuoses
des traités peut inciter à penser que l’on a affaire ici à la musique telle qu’elle était jouée
de manière commune. C’est la raison pour laquelle nous avons qualifié cette musique
de « diminution ordinaire et fonctionnelle », à la différence des diminutions très vir-
tuoses de Bovicelli et de Fr. Rognoni qui semblent être liées à une pratique plus soliste.
En outre, les mises en tablature ont un caractère idiomatique. Dans ses préfaces
de 1615-1616, Girolamo Frescobaldi demande de « ne pas laisser l’instrument vide15 »
car, comme on le sait, le clavecin et le luth n’ont pas un son soutenu. Paradoxalement,
l’orgue tient « trop » les notes et sans hiérarchie, de là la nécessité de compléter par des
diminutions. Dans le cas du clavecin et du luth, il s’agit d’éviter le vide acoustique ;
dans le cas de l’orgue, il s’agit d’animer les notes tenues. Le lien mais aussi la différence
entre la mise en tablature des motets de Palestrina et la diminution virtuose pour
soliste est confirmé par Girolamo Diruta qui cite Bassano et Dalla Casa en affirmant
que leurs diminutions sont injouables à l’orgue. Par ailleurs, chez Correa de Arauxo,
nous avons bien affaire à des diminutions similaires à celles des deux cornettistes
vénitiens. Mais chez ce dernier, la polyphonie et la virtuosité sont idiomatiques et elles
sont conçues pour les deux mains du joueur de clavier.
Les tablatures de luth confirment ce que nous avons mentionné au sujet des tabla-
tures d’orgue : il s’agit de la restitution du « geste instrumental » sous sa forme « ordi-
naire ». Dans l’ensemble, les problèmes soulevés par ces tablatures sont similaires à
ceux posés par la musique pour clavier, à l’exception de celles de Giovanni Antonio
Terzi16. La virtuosité requise du luthiste jouant cette musique rapproche ses tablatures
des diminutions de Dalla Casa ou des deux Rognoni. On se trouve alors confronté
aux deux aspects de la diminution : celle qui fait parler l’instrument en remplissant les
vides et celle du soliste qui montre sa maîtrise du geste instrumental par la vélocité.
Pour le reste, dans l’imposante quantité de musique mise en tablature, figurent de
nombreux succès de cette époque. L’inventaire de ces collections et de leur contenu
permettrait de donner une vision plus claire de la vie musicale de la fin du xvie siècle.

15 Girolamo Frescobaldi, « Non lasciar vuoto lo strumento », Il Primo libro delle toccate d’intavolatura di
cembalo e organo, Rome, Nicolò Borbone, 1615-1637. L’indication « ne pas laisser l’instrument vide » se réfère
à la pratique de rebattre les notes tenues des accords pour éviter le vide acoustique.
16 Giovanni Antonio Terzi, Intavolatura per liuto accomodata con diversi passaggi per suonar in concerti a duoi
liutti et solo : libro primo il quale contiene motetti,contraponti,canzoni italiane et francesi, madrigali,fantasie
e balli di diversi sorti,italiani,francesi et alemani, Venise, Ricciardo Amadino, 1593 ; Il secondo libro da
intavolatura di liuto di Gio. Antonio Terzi da Bergamo, nella quale si contengono fantasie, motetti, canzoni,
madrigali, pass’e mezi et balli di varie et diverse sorti, Venise, Giacomo Vincenti, 1599 (fac simile des deux
volumes : Firenze, SPES, 1981).

Semplice ou passeggiato 89
La diminution transalpine

Chapitre 7

La diminution transalpine

Quelques questions périphériques non traitées

En Italie, les chansons diminuées datent toujours de la première moitié du xvie siècle.


À ce sujet, il est intéressant de consulter Marin Mersenne qui parle fréquemment
de la diminution instrumentale et vocale1. Le sujet est omniprésent dès que l’érudit
aborde les questions liées à la pratique. La culture du père Minime est extrêmement
étendue puisque, dans le « Livre des voix » de l’Harmonie universelle, il conseille aux
chantres de lire, entres autres, le traité de Silvestro Ganassi (paru en 1535) ainsi que
celui de « Jules Caccin » – Giulio Caccini2 :

« Ils devroient avoir voyagé és pays estrangers, & particulierement en Italie, où ils
se piquent de bien chanter, & de sçavoir la musique mieux que les François. […] Ceux
qui n’ont pas la commodité de voyager, peuvent du moins lire Jules Caccin, appellé le
romain, qui feit imprimer un livre de l’Art de bien chanter, à Florence en l’an 1621, dans
lequel il distingue les passages propres aux instruments d’avec ceux qui servent à la voix,
et divise les principales beautez des Chants en augmentation & affoiblissement de la voix,
ce qui s’appelle crecere, scemare della voce, en exclamation, & en deux sortes de passages,
qu’ils nomment trillo & gruppi, lesquels respondent à nos passages, fredont, tremblements,
& batements de gorge. […] Mais nos Chantres s’imaginent que les exclamations & les
accents dont les Italiens usent en chantant tiennent trop de la Tragédie, ou de la Comédie,
c’est pourquoi ils ne veulent pas les faire, quoy qu’ils deuvent imiter ce qu’ils ont de bon
& d’exellent, car il est aisé de temperer les exclamations, & de les accomoder à la douceur
française, afin d’ajoùter ce qu’ils ont de plus pathetique à la beauté, à la netteté, & à l’adou-
cissement des cadences, que nos musiciens font avec bonne grâce. [...] Or ceux qui ayment
la multitude des passages & des diminutions, peuvent lire ceux d’Ignace Donat ; les 156.
Passages ou glosadas de Cerone, au 5. Chap. de son 8. Livre, ceux du Fontegara de Syl-
vestro di Ganassi, qui remplit 120 pages de ces passages accomodez aux fleutes, & plusieurs
autres, & particulièrement Le nuove Musiche di Giulio Caccini, dont i’ay parlé ci-dessus3. »

Cette longue citation fait écho aux textes d’auteurs italiens tels Zacconi, Zenobi
ou Giustiniani lorsqu’ils décrivent l’art vocal.

1 Marin Mersenne, Harmonie universelle, op. cit.


2 Silvestro Ganassi, Opera intitolata Fontegara, op. cit. ; Giulio Caccini, Le Nuove musiche, op. cit. ; Giulio
Caccini, Nuove musiche e nuova maniera di scriverle, op. cit.
3 Marin Mersenne, Harmonie universelle, op. cit., livre vi, De l’art de bien chanter, p. 357-358.

Semplice ou passeggiato 91
Notre intérêt particulier pour la culture musicale italienne qui domine l’Europe
dans cette période ne doit pas troubler la perspective. De toute évidence, la virtuo-
sité n’est pas un phénomène exclusivement italien et s’épanouit autour de 1600 dans
d’autres pays.
En France, il existe de nombreux doubles d’airs de cour de Bénigne de Bacilly et de
nombreux conseils sur l’art du chant 4. Il faut également mentionner le traité d’orne-
mentation et de diminutions du chanoine Millet5. Il s’agit d’un recueil pédagogique,
proche des traités italiens antérieurs dans sa structure comme dans son contenu, qui
atteste d’une tradition vivante de musique vocale virtuose.
De nombreux exemples de musiques virtuoses allemandes proviennent de tabla-
tures ou du répertoire des organistes, en particulier chez Samuel Scheidt ou Hein-
rich Scheidemann6. En revanche, les recueils de Jakob Paix sont basés sur les grands
maîtres de la polyphonie, Lassus et Palestrina en premier lieu. Les mises en tablature
sont relativement simples et peu virtuoses, elles ont donc, comme nous l’avons vu plus
haut, une destination fonctionnelle. Chez Scheidemann, le répertoire de diminution
fondé sur des motets de Lassus ou même de Bassano est plus virtuose et les compo-
sitions plus élaborées. Ce répertoire est à mettre directement en connexion avec les
diminutions italiennes. On peut supposer que Scheidemann, élève de Jan Pieterszoon
Sweelinck et Scheidt étaient de grands improvisateurs.
La virtuosité est naturellement très présente dans la musique de clavier, qu’elle
soit profane ou conçue pour l’église. William Byrd et Orlando Gibbons écrivent de la
musique que l’on juge aujourd’hui à la fois complexe et virtuose7. Le Fiztwilliam Vir-
ginal Book est une énorme collection de musique de clavier contenant nombre de pièces
virtuoses emblématiques de l’art de l’improvisation des joueurs de claviers anglais.
Il existe également dans la musique catholique ou anglicane de Thomas Weelkes,
Thomas Tallis ou William Byrd, des exemples de la pratique du madrigal et des tech-
niques vocales en Angleterre dans la première moitié du xviie siècle.
Quant à l’Espagne, nous avons vu le lien qui existe entre la musique de Correa de
Arauxo et la diminution. Là encore se pose la question des modes d’exécution de la
musique vocale qui sont encore mal connus.

Une dernière question : et pourquoi pas avant 1500 ?

À l’évidence pour les connaisseurs de la musique médiévale et du début de la


Renaissance, la virtuosité fait partie intégrante des pratiques. Des traces de virtuosité
sont décelable dans les motets et organa de Pérotin autant que dans les œuvres de l’ars
nova ou de l’ars subtilior. L’absence de sources détaillées comparables aux traités entiers
consacrés à la virtuosité au xviie siècle rend difficile la compréhension de la place de

4 Bénigne de Bacilly, Remarques curieuses sur l’art de bien chanter, Paris, Ballard & Bienfait, 1668.
5 Jean Millet, La Belle méthode ou l’art de bien chanter, Lyon, Jean Grégoire, 1666.
6 Samuel Scheidt, Tabulatura nova, Hambourg, Michael Hering, 1624 (édition moderne : Max Seiffert,
éd., Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1892) ; Heinrich Scheidemann, Die Lüneburger Orgeltabulatur KN 2081,
Margarete Reimann, éd., Francfort, Litolff, 1957 (Das Erbe deutscher Musik. Erste Reihe ; 34).
7 William Byrd, My Ladye Nevells Booke, Hilda Andrews, Sir Richard R. Terry et Blanche Winogron,
éd., New York, Dover, 1969 ; Orlando Gibbons, Keyboard music (édition moderne : Gerald Hendrie,
éd., Londres, Stainer and Bell, 1974) ; John Alexander Fuller Maitland, William Barclay Squire et
Blanche Winogron, éd., The Fitzwilliam Virginal Book, New York, Dover, 1979-1980.

92
La diminution transalpine

la virtuosité dans les répertoires très anciens. Le travail est encore à faire pour les
époques antérieures à 1500 afin de distinguer ce qui, dans les partitions, est de l’ordre
des pratiques et ce qui est de l’ordre de la composition.
À la fin du xve siècle, les premières tablatures d’orgue comme le Buxheimeror-
gelbuch dont l’essentiel est constitué de diminutions sur des chansons, est un l’un des
premiers témoignages de l’art de la diminution appliqué aux motets, madrigaux et
chansons tel qu’il se généralisera au xvie siècle8.
Pour la période charnière autour de 1500, il faut se (re)poser la question de l’origine
et de la singularité ou non des diminutions de Silvestro Ganassi : ce dernier, flûtiste,
gambiste et probablement cornettiste ne nous a laissé aucune indication en ce qui
concerne le matériau sur lequel lui et ses contemporains improvisaient. On trouve
toutefois des indices du type de matériel utilisé avec le cas des improvisations sur les
Spagna et divers Tandernaken. Nous connaissons une partie de cet art de l’improvisa-
tion sur la basse danse à travers diverses partitions de compositeurs franco-flamands,
tels que Josquin des Prez, Johannes Ghiselin, Alexander Agricola ou Ludwig Senfl.
Dans les années 1530, les pièces de Jacques Arcadelt, Nicolas Gombert et Philippe
Verdelot connaissent un large succès et leurs compositions ont pu naturellement servir
de base à une pratique de diminutions proche de celle de la génération suivante. Leurs
livres de madrigaux furent édités bien après la disparition de leurs auteurs et ils ont
servi de base au répertoire virtuose de l’organiste espagnol Antonio de Cabezón9.
On sait peu de choses sur l’exécution de la musique polyphonique dans les
Flandres : la phrase célèbre, mais probablement apocryphe, rapportée par Johannes
Manlius, prouverait que déjà à l’époque de Josquin, un compositeur pouvait s’indi-
gner contre les ajouts réalisés par les exécutants. Josquin aurait repris sèchement un
chanteur en lui disant : « Tu es un âne ! Pourquoi ajouter des ornements ? S’ils m’avaient
plus, je les y aurais mis10. »

Les succédanés de la diminution :


la pratique après 1600-1620

À l’issue de cette évocation de sources essentiellement italiennes, on peut se


demander si la Péninsule est la terre d’élection de l’improvisation et de la diminu-
tion ? Un élément de réponse se trouve peut-être dans la définition de l’improvisation
dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert :

« Improviser, improvisateur (gram.) : Il se dit du talent de parler en vers, sur le champ


et sur un sujet donné. Quelques Italiens le possèdent à un degré surprenant : on a d’eux

8 La question est posée de manière fort intéressante par David Fallows dans : « Embellishment and Urtext
in the fifteenth-century song repertory », Basler-Jahrbuch, vol. 14, 1990, p. 59-85.
9 Antonio Cabezón, Obras de musica para tecla, arpa y vihuela, Madrid, Francisco Sánchez, 1578 (édition
moderne : The Collected Works of Antonio de Cabezón, Charles Jacobs, éd., New York, Institute of Medieval
Music, 1967-1986).
10 « Tu asine, quare addis coloraturam ? Si mihi ea placuisset, inservissem ipse » (Johannes Manlius,
Locorum communium collectanea, Bâle, 1562, p. 542). Cf. à ce sujet : Jean-Pierre Ouvrard, Josquin Desprez et
ses contemporains, Arles, Actes Sud, 1986, p. 122 et 139 ; Robert Wegman, « ”And Josquin laughed”. Josquin
and the composer’s anecdote in the sixteenth century », Journal of Musicology, vol. 17, no 3, 1999, p. 322.

Semplice ou passeggiato 93
des pièces qui ont été enfantées de cette manière miraculeuse et qui sont pleines d’idées,
de nombres, d’harmonie, de fiction, de feu et de chaleur. Après une longue méditation et
un long travail, il est incertain qu’on eût mieux fait 11. »

Si l’on en croit l’auteur de l’article, les Italiens auraient donc la faculté d’improviser
des discours mieux que les autres peuples. Même si ce texte ne concerne pas la musique,
on peut y lire par analogie une opinion applicable à la diminution et à l’improvisation
musicale. Les « pièces qui ont été enfantées » seraient en musique des compositions
issues de l’improvisation. La « manière miraculeuse » se réfèrerait bien évidemment à
l’admiration suscitée par l’improvisation quand elle est réussie. Les pièces que nous
avons évoquées à plusieurs reprises « sont pleines d’idées » qui correspondraient en
musique à la multitude des figures de diminutions dont parlent les différents traités
ainsi que celles présentes dans le répertoire virtuose. « L’harmonie » recouvrirait les
proportions et le mode d’organisation harmonieux du discours musical 12. La « fiction »
désignerait les licences que les improvisateurs se permettent, le « feu » et la « chaleur » le
geste enthousiaste et libre tant de l’orateur que du musicien. Notons enfin que l’article
de l’Encyclopédie se finit en plaçant l’improvisation sur le même plan que la réflexion
et le travail.
En 1620, la parution du traité de Fr. Rognoni, marque la limite entre l’ancien
traitement de la diminution dans des traités spécifiques (soit dans les années 1535-
1620, entre la parution des ouvrages de Ganassi et de Fr. Rognoni) et une conception
ancienne de la diminution considérée comme simple ornement de la polyphonie (pour
reprendre l’expression de Sylvestro Ganassi). Au-delà de 1620, la pratique de la dimi-
nution ne disparaît pas subitement mais elle laisse moins de traces. Dans la nouvelle
musique, les diminutions écrites par le compositeur ont une fonction « rhétorique »
et ont un rôle quasiment structurel. Les musiques de Monteverdi et de Caccini sont
éloquentes à cet égard et la liste pourrait aisément être complétée. Un des héritages
de cet art de la diminution a été mis par écrit dans toute la musique virtuose vocale
et instrumentale in stile moderno. Mais le passage à la seconda pratica marque le début
d’une autre relation entretenue par les compositeurs et les praticiens avec la partition.
Au lieu d’être le support de pratiques diverses, celle-ci va, au terme d’un long parcours,
devenir la base principale de l’exécution, jusqu’à devenir le texte quasi sacré et intou-
chable qui s’imposera au xxe siècle.
Qu’en a-t-il été de l’exécution de la musique de Palestrina du xviie au xixe siècle ?
Les pratiques d’ornementation sont encore très vivantes jusqu’au xviiie siècle mais
quel était leur lien avec celles du xvie siècle ? Les archives vaticanes mettent sur la
piste d’une étonnante longévité des savoir-faire anciens. Elles conservent, en effet, des

11 Denis diderot et Jean Le Rond d’Alembert, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et
des métiers, Paris, 1751-1772, vol. 8.
12 Le soin apporté à la construction du discours musical a continué à être la marque des bons improvisateurs
jusqu’à aujourd’hui. Le jazzman et improvisateur Louis Clavis m’a raconté avoir réalisé pour France-
Musique, il y a bien longtemps, une improvisation très libre qui, lors de la retransmission différée du
concert, a été commentée par un journaliste qui en faisait une analyse formelle montrant à quel point
cette improvisation était très construite. Louis Clavis était pourtant convaincu de ne pas avoir pensée son
improvisation ainsi.

94
La diminution transalpine

versions diminuées tardives du célèbre Miserere de Gregorio Allegri13. Certaines de ces


partitions datent du xixe siècle et révèlent une pratique abondante de l’ornementation
et un traitement des altérations inhabituel (avec, par exemple, des sixtes augmentées
par double attraction en mouvement contraire) dans cette musique14 ce dont l’enregis-
trement d’Andrew Parrott cité en note fait entendre de bons exemples.
Les interprétations chorales de musiques polyphoniques des xvie et xviie siècles
réalisées avec des effectifs chorals importants et dans des tempi très lents qui se sont
perpétuées du xixe siècle au xxe siècle (et que l’on peut encore entendre quelque fois
de nos jours) sont probablement les héritières d’une manière de faire remontant à un
passé lointain. Cette tradition s’est peut-être adaptée à l’augmentation des effectifs
durant le xixe siècle en aboutissant à l’abandon des ornements et des diminutions15. Il
est, en effet, difficile de faire chanter rapidement d’importants effectifs d’amateurs et
de leur demander d’orner à plusieurs par partie. Mais le tempo lent des exécutions de
cette musique, souvent chantée par des amateurs au xixe siècle, n’est pas sans rappeler
celui appliqué aux grandes exécutions réalisées souvent par les exécutants virtuoses
engagées lors des jours de fêtes solennelles.  
En ce qui concerne la musique du xviiie siècle, on constate naturellement la per-
manence des pratiques d’improvisations. Il se trouve que les pièces du xviiie siècle
n’entretiennent simplement plus les mêmes rapports avec la composition que celles du
xvie siècle. Les adagios d’Arcangelo Corelli ou ceux de Giuseppe Tartini servent de
supports à des pratiques d’improvisations élaborées et virtuoses16. À la même époque,
les organistes sont restés, par nécessité liturgique de grands improvisateurs. En Alle-
magne, le monde de la diminution perdure, par exemple, dans les chorals variés de
Scheidemann à Bach en passant par Buxtehude que l’on a continué à exécuter jusqu’à
aujourd’hui.

Le renouveau de la musique ancienne et la polyphonie

Durant la première moitié du xxe siècle et jusqu’à aujourd’hui, de nombreux


ensembles vocaux à grands effectifs exécutent les motets de Palestrina sans un seul
ornement, dans des tessitures quelquefois tendues et avec des tempi très lents, c’est-à-
dire assez lents pour pouvoir diminuer confortablement au moins jusqu’à la double-
croche. À l’inverse, les adeptes de la restitution historique des œuvres de Palestrina
ont privilégié, par réaction, des tempi plus rapides, sans pour autant changer les autres
paramètres. À de rares exceptions près, ils n’emploient pas d’ornements et ne varient

13 On trouve ces diminutions du Miserere d’Allegri dans les sources suivantes : I-Rvat [Capp. Sistina Ms.
185], I-Rvat [Capp. Sistina Ms. 375] (partition datant de 1892, réalisée par le castrat Domenico Mustafà,
maître de chapelle de la Sixtine), F-Bnf [Rés. Ms. Mus. 36], PL-WRu [Mf 5132], CH-Bu [kk xii 22]. Ce
Miserere a été enregistré plusieurs fois, en particulier par Andrew Parrott (Musique à la Chapelle Sixtine,
op. cit.).
14 Cf. les justifications d’Andrew Parrott dans le livret accompagnant le disque : Musique à la Chapelle Sixtine
(op. cit.) quant aux raisons du choix de diminutions inhabituelles pour le répertoire enregistré.
15 Si la question de la pratique de diminutions de groupe se pose pour les petits ensembles du xvie siècle, elle
n’est évidemment pas pertinente pour les chœurs aux effectifs massifs du xixe siècle.
16 Archangelo Corelli, Sonate a violino e violone o cembalo. Opera quinta, Amsterdam, Estienne Roger,
1710 (« Troisieme Edition ou l’on a joint les agreements par Mr A. Corelli comme il les joue ») ; Guiseppe
Tartini , « Adagio de Mr Tartini, varié de plusieurs façons différentes… », Jean-Baptiste Cartier, L’Art
du violon, Paris, Decombe, 1798).

Semplice ou passeggiato 95
pas les dynamiques sur les valeurs longues, sans doute afin de rendre cette musique
conforme à une idée somme toute assez puritaine de la musique religieuse. Cette
manière de faire exclut les ornements et la diminution parce que les tempi et les tes-
situres utilisés ne le permettraient pas. On peut formuler l’hypothèse que la lenteur
des exécutions du xixe siècle par rapport à celles des xvie et xviie siècles ne procède
pas d’un ralentissement mais simplement d’une continuité : seuls les autres paramètres
auraient disparu avec le temps.
Le renouveau de la pratique du répertoire ancien ne doit pas automatiquement
prendre le contrepied de ce qui se faisait autrefois. Aujourd’hui, pour faire revivre
le répertoire polyphonique tel qu’on pouvait l’entendre au xvie siècle, le monde de la
musique ancienne a besoin de chanteurs et d’instrumentistes à la voix agile, connais-
sant l’art du contrepoint, de chanteurs et d’instrumentistes possédant les qualités que
réclame le cornettiste Zenobi à la fin du xvie siècle.

96
La fin d'un art ?

Chapitre 8

La fin d’un art ?

L’art de la diminution, art vocal par excellence, qui s’est développé en Italie vers la
fin du xvie siècle, concerne toute la pratique musicale de stile antico tant profane que
sacrée. Il consiste moins à ajouter quelque chose à une pièce existante qu’il n’est une
manière de réaliser cette même pièce, les exécutants adaptant la qualité et la quantité
de diminutions selon les circonstances. La diminution pour instrument mélodique
étant libérée de toute contrainte par rapport à un texte, va être le lieu par excellence
où se développe une virtuosité idiomatique qui se démarque du modèle vocal. Elle
préfigure ce que sera la virtuosité au début du xviie siècle. La diminution, tant instru-
mentale que vocale, servira à rehausser l’esprit des compositions. Jusqu’à 1600 environ,
les partitions écrites dans le stile antico sont incomplètes si elles ne sont pas a minima
ornées, voire diminuées. La diminution donne donc vie à un texte conçu comme le
support d’une pratique qui ne peut être tenue pour aboutie que lors de son exécu-
tion. Cette conception est très éloignée de la conception contemporaine d’une œuvre
figée par le seul compositeur. Après 1600, l’écart entre l’écriture et le résultat sonore
s’amoindrit peu à peu, même si ornementation et diminution resteront encore long-
temps des vêtements indispensables à la production musicale.
Le répertoire mentionné dans les traités du xvie siècle, ouvrages toujours écrits par
des praticiens qu’ils soient chanteurs ou instrumentistes, est constitué de pièces poly-
phoniques à la mode qu’on retrouve dans les compilations et des anthologies : chansons
françaises, madrigaux italiens et motets. Il concerne les genres musicaux présentant ce
qu’on appellerait aujourd’hui des appuis harmoniques clairs. Les formes sur lesquelles
il est plus facile d’improviser, telles que basses obstinées, frottole ou villotte, ne sont pas
mentionnées dans les traités.
Par rapport à la question de la quantité, la diminution peut être collective ou soliste.
Dans le premier cas, elle peut consister soit, au minimum, en de simples ornements ou
être réalisée uniquement sur les cadences, soit elle va jusqu’aux abus condamnés par
nombre d’auteurs1. Dans le second cas, la diminution concerne la pratique soliste, pour
le chanteur comme pour l’instrumentiste. La pratique normale de la polyphonie n’est
pas une pratique de masse : elle est exécutée, en général, avec un chanteur par voix, ou
par un soliste accompagné d’un luth ou d’un instrument à clavier2.

1 Voir l’éloquente plainte d’Ercole Bottrigari qui conclut notre texte.


2 À l’exception toutefois de la musique sacrée durant les fêtes solennelles qui implique des effectifs plus
importants et où les instruments doublent les voix.

Semplice ou passeggiato 97
De fait, après 1600, la diminution comme pratique particulière indissociable d’une
forme musicale semble disparaître peu à peu du paysage musical, parallèlement à la
perte de prépondérance du stile antico. De ce point de vue, le traité de Fr. Rognoni
paru en 16203 est emblématique : son auteur le présente comme une description des
pratiques et de l’usage « moderne » mais ses modèles, à l’exception des deux dernières
pièces, sont de style ancien.
Le traité de Fr. Rognoni est le dernier ouvrage du genre en Italie4. La diminution
de la musique virtuose ne disparaît pas pour autant dans la mesure où l’improvisation
et l’ornementation vont rester usuelles dans la pratique tout au long du xviie siècle. On
peut également considérer que les excès commis par les virtuoses des années 1580-1620
ont encouragé les compositeurs à noter de plus en plus précisément ce qui était autre-
fois du ressort de l’exécutant. En guise d’exemple, citons les sonates de Giovanni Bat-
tista Fontana5 qui ont été débarrassées, « déshabillées » de leurs figures virtuoses. Elles
sont semblables aux nombreux motets écrits entre 1600 et 1640, tels qu’ils figurent dans
de nombreuses collections, par exemple celles de Giovanni Paolo Cima6 et de Gio-
vanni Battista Riccio7 ou encore dans diverses anthologies8. Cima et Riccio intègrent
dans leurs recueils des sonates qui, sans être particulièrement virtuoses, préfigurent le
caractère instrumental et idiomatique de la musique des années qui suivront. Dans les
anthologies figure le nom de Dario Castello, auteur de sonates plusieurs fois rééditées9
et proches de celles de Fontana. On retrouve également Francesco Rognoni en tant
qu’auteur d’un de ces concerti ecclesiastici. On peut lire chez lui des traces de virtuosité
vocale, écrites dans ce cas, qui sont en général absentes dans la plupart des œuvres des
autres auteurs.
Nous reproduisons ici un exemple de l’écriture de la virtuosité telle qu’on la trouve
dans les traités de diminution. Dans cette sonate de Fontana [20], la virtuosité instru-
mentale (encore peu idiomatique) est clairement distincte des procédés vocaux décrits
par Fr. Rognoni. Cet exemple montre néanmoins la connexion de ce style instru-
mental avec la musique vocale fonctionnelle des années 1600-1640. De ce point de
vue, on peut considérer qu’il y a, en dépit du changement d’époque, une continuité
entre la Renaissance et le monde baroque naissant, particulièrement si l’on compare un
motet agrémenté des diminutions d’usage au xvie siècle avec un motet du xviie siècle
arrangé en sonate. Le processus de transformation, qui n’affecte ni la structure ni la
composition, est identique. Que l'on joue une sonate de Fontana dans la version éditée
ou de manière simplifiée, il s’agit toujours de la même composition. Voici le début de
cette sonate :

3 Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi, op. cit.


4 En Allemagne, le traité de Johann Andream Herbst (Musica Moderna pratica overo Maniera del buon canto,
Frankfort, 1653) prolonge cet art. De fait, Herbst prend appui sur les traités de Bovicelli et de Fr. Rognoni
qu’il cite nommément.
5 Giovanni Battista Fontana, Sonate a 1, 2, 3 per il violino o cornetto, fagotto, chitarrone, violoncino o simile
altri strumenti, Venise, Magni, 1641.
6 Giovanni Paolo Cima, Concerti ecclesiastici, op. cit.
7 Giovanni Battista Riccio, Il Primo libro delle divine lodi, Venise, Riccardo Amadino, 1612 ; Il Terzo libro
delle divine lodi, Venise, Bartolomeo Magni, 1620.
8 Flores Praestantissimorum Vivorum, Milan, Filippo Lomazzo, 1626 ; Parnassus Musicus, Venise, Giacomo
Vincenti, 1615 ; Ghirlanda Sacra scielta da diversi eccellentissimi compositori de vari mottetti a voce sola. Libro
primo, opera seconda, Venise, Stampa del Gardano, 1625. 
9 Dario Castello, Sonate concertate in stil moderno, libro primo, Venise, Stampa di Gardano, appresso
Bartolomeo Magni, 1621 ; Sonate concertate in stil moderno, libro secondo, Venise, Stampa del Gardano,
apresso Bartolomeo Magni, 1629.

98
La fin d'un art ?

[20] Giovanni Battista Fontana, « Sonata seconda », Sonate a 1, 2, 3 per il violino o cornetto, fagotto, chitarrone,
violoncino o simile altri strumenti, Venise, Bartolomeo Magni, 1641.

L’improvisation à proprement parler ne disparaît pas de la pratique musicale,


loin s’en faut. Elle existe sous différentes formes jusqu’à aujourd’hui. Mais la réaction
contre la virtuosité ornementale qui se produit vers 1600, mentionnée ici à de nom-
breuses reprises10, a par conséquent pu avoir son origine dans des pratiques que cer-
tains ont pu considérer comme abusives. Il me semble donc logique de finir avec une
citation emblématique, tant par sa date que par son contenu, car elle marque les limites
atteintes par l’art de la diminution peu avant sa disparition. Ainsi Bottrigari  décrit
précisément en 1594 de qu’ont pu être les excès de diminutions pratiqués à Venise et ce
contre quoi les compositeurs entendaient remédier dans le stile nuovo11 :

10 Timothy A. Collins, « Reactions Against the Virtuoso. Instrumental Ornamentation Practice and the
Stile Moderno », International Review of the Aesthetics and Sociology of Music, vol. 32, no 2, 2001, p. 137-152.
11 Signe des temps, l’attitude et le jugement de Bottrigari sont en tout point opposés aux idées
d’Antonfrancesco Doni (Dialogo della musica, op. cit., p. 6v).

Semplice ou passeggiato 99
« Al[emanno]. Voulant se montrer sûrs et excellents praticiens, quand même [les
Vénitiens] ils ne commettent d’autres fautes que celles, fort nombreuses, qu’il commettent
en chantant, ils obtiennent (et je parle présentement sous l’autorité d’Aristote) un résultat
qui est ce mélange procédant des bonnes et des mauvaises opérations et dont on convient
nécessairement qu’il est encore pire. Il entre dans ce mélange une dissonance si grande
que véritablement, elle offense souvent l’ouïe de ceux-là même qui n’ont pas l’intelligence
de la musique ou n’en ont pas connaissance. Quant aux personnes comme nous, capables
de jugement, il leur faut s’en repartir, insatisfaits et presque abasourdis. La cause de ce
désastre réside dans cette présomption qui les pousse à exécuter tous à la fois des Passaggi,
comme dans un concours, non point de temps à autre ni un par un, mais continûment et
tous ensemble. Quelquefois, impatients de mieux montrer leur valeur, ils proposent une
interprétation si éloignée du contrepoint des compositions musicales et tellement mêlée de
notes dissonantes qu’il en résulte une insupportable cacophonie. Cette dernière s’accroît
d’autant plus que ces mêmes musiciens (et voyez jusqu’où les ont menés leur caprice et leur
frénésie) qui jouent la partie grave et basse, ne se rappellent pas, ou ne savent pas, qu’elle
est le socle et le fondement sur lequel a été édifié le chant. Même quand celui-ci est tenu
et stable, cette troupe se met à passer par-dessus, à lancer des Passaggi comme des grillons.
Ils se laissent tellement entraîner que non seulement ils passent à la partie des ténors, mais
arrivent même à la partie des contraltes, et comme si cela ne leur suffisait pas, presque à
celle des sopranes en grimpant à la cime, de sorte qu’ils ne peuvent plus redescendre, sinon
en se rompant le cou. […]
Gr[atioso]. Parmi tous les défauts dont vous m’avez parlé aujourd’hui, qui proviennent
des divers instrumentistes et qui causent discordance et confusion dans nos concerts, j’es-
time que l’exécution, très souvent indue et irraisonnée, des Passaggi est le plus grave et le
plus gênant. À titre de confirmation, je me souviens d’avoir ouï pareille discordance et
confusion dans les églises. Elle était provoquée par des chanteurs qui faisaient du contre-
point à l’impromptu sur les Cantus Firmus des Introït. Cela en devenait tout à la fois
ridicule et presque odieux 12. »

12 « Al. Così volendo eglino mostrarsi pratichissimi, sicurissimi, et eccellentissimi : onde, quando non
intravenga loro di fare altro errore, essendo che pur molti errori si commettano in cantando : et per ciò
quella mescolanza (et oora parlo per bocca di Aristotele) che deriva dalle buone, et dalle cattive operationi,
necessariamente convien, che sia peggiore assai : gli interviene quello della discordanza, la quale non
solamente, per ciò è tal ora tanta, che offende bene, et spesso l’udito sin di coloro, che di Musica non
hanno intelligenza, o cognitione, non che de’ pari vostri giudiciosi, a’ quali conuiene partirsene mal
sodisfatti, et quasi introniti : ma per quella presontuosa audacia di volersi, non dico alcuna volta qualcuno:
ma quasi del continovo, et tutti moversi, come a garra in un tempo medesimo à far passaggi. Et tal ora
per maggiormente mostrare il loro valore tanti lontani dal contrapunto della propostasi compositione
Musicale, et tanto intricati perciò di disonantie tra loro, che sforzatamente ne succede una insupportabile
confusione ; la quale tanto maggiormente si accresce allora, che anco quelli (e vedete di gratia sin dov’è
giunto questo capriccio, et questa frenesia) che essercitano la parte grave, e bassa, non si ricordando, per
lasciar di dir non sappendo, che ella è la base, et il fondamento, sopra il quale è stata fabricata quella
cantilena. E che non istando egli fermo, et saldo tutta quella fabrica conviene, che vada sossopra, si
pongono sù grilli de’ passaggi, et si lasciano da questo particolare diletto loro tirar tanto oltre, che non
solamente passano nella parte de’ tenori, ma giungono à quella de’ contralti. Et non li bastando, quasi
a quella de’ soprani, [inarborandosi] di maniera alla cima, che non ne possono scendere, se non a rompi
collo. [...] / Gr. Tra tutte le cause, che da gli strumenti, et da’ sonatori di quelli procedere voi mi avete
oggi narrato, sia per poter produrre gli effetti delle discordanze, et delle confusioni, che si odono in questi
nostri concerti, io non istimo, che sia la più potente, et la più efficace di questa de passaggi indebitamente
molte volte fatti, senza pensata consideratione. Et ciò mi conferma l’essermi ora sovenuto di aver udito
simil discordanze, et confusioni esser fatte da’ cantori nelle chiese contrapunteggiando alla mente sopra i
canti fermi de gli Introiti, che tal volta diuiene quasi, odiosa, et ridicolosa insieme » (Ercole Bottrigari,
Il Desiderio, op. cit., p. 50-51, Marie-Hélène Kervran, Il Desiderio ou des concerts avec différents instruments
de musique de Hercole Bottrigari, mémoire de maîtrise, Tours, CESR, 1993, traductions revues par Flavio
Esposito et Jacques Remi-Dahan, communications personnelles).

100
La fin d'un art ?

Même si quelques lignes plus tôt, Bottrigari avait loué les diminutions des nonnes
de San Vito à Ferrare, la position qu’il exprime ici peut sembler paradoxale si l’on se
rappelle le but que nous nous étions donné au seuil de cet ouvrage. En effet, comme le
faisaient déjà les auteurs anciens, nous avions voulu inciter le lecteur-musicien moderne
à pratiquer plus d’ornements avec goût et avec à propos et à diminuer la musique. Ter-
miner cette étude en évoquant la limite à ne pas dépasser est une manière d’avertir
qu’aujourd’hui comme hier, le musicien pourrait s’égarer. Nous avons vu à plusieurs
reprises que la diminution et l’ornement étaient un moyen de rehausser la qualité des
compositions mais ne devaient pas les détruire. Le lecteur trouvera bientôt dans les
traductions de la deuxième partie de nombreuses remarques à ce sujet ainsi que toutes
sortes de conseils qui pourront orienter son travail.
Si d’aventure il nous était possible d’imiter la description de Bottrigari citée à
l’instant, que penserait le public contemporain ? À l’inverse, à l’écoute de diminutions
et d’ornements parfaitement réalisés selon les canons décrits également tant par Maffei
que Zenobi, serions-nous comme le dit Bottrigari projetés au Parnasse ? Avec quelques
musiciens du Concert Brisé, lors du Festival de Musiques Improvisées de Lausanne
de 2011, nous avons tenté de « dépasser les bornes » à la fin du concert, ayant pris soin
naturellement, d’en avertir le public en lui lisant le passage du dialogue de Bottrigari
que nous venons de commenter. D’après les organisateurs et certains auditeurs, nous
ne sommes pas parvenus à « détruire » la composition de Palestrina qui nous servait
de support. La limite supérieure de la quantité de diminutions supportable pour le
public d’aujourd’hui ne semblait pas avoir été atteinte. C’est dire que les musiciens
peuvent encore progresser et que le public contemporain est prêt à recevoir ce genre
d’expérience. Les auteurs se réjouissent d’imaginer que ce livre pourra inciter nombre
de musiciens à se lancer dans l’aventure.

Semplice ou passeggiato 101


Introduction

La pédagogie de la diminution
et de l’ornementation au temps
de la polyphonie palestrinienne.
Une anthologie de sources,
traduites en français, présentées
et commentées

Christian Pointet
(Lycée Denis-de-Rougemont, Neuchâtel)

Introduction…………………………………………………………………………………………………………………………………………… 107

1. Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara,


Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535………………………………………………………………………… 113
Chapitre 1 – Déclaration du but……………………………………………………………………………………………………………… 114
Chapitre 2 – Déclaration de la flûte……………………………………………………………………………………………………… 114
Chapitre 9 – Façon de faire la pratique de la main pour diminuer…………………………………………………… 114
Chapitre 13 – Manière et pratique de la diminution…………………………………………………………………………… 115
Chapitre 23 – Règle et ordre du jeu artistique……………………………………………………………………………………… 117
Chapitre 24 – Déclaration de l’imitation, de la promptitude et de la galanterie……………………………… 117
Chapitre 25 – Démonstration de la règle figurée………………………………………………………………………………… 118

2. Adrian Petit Coclico, Compendium musices, Nuremberg, Berg et Neuber, 1552……………………… 121
De l’élégance et de l’ornementation, ou prononciation, dans le chant……………………………………………… 122

3. Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553……………………………………………………………………… 125


première partie……………………………………………………………………………………………………………………………………125
Aux lecteurs……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 126
De la manière à observer pour gloser…………………………………………………………………………………………………… 126
Manière de gloser sur le livre………………………………………………………………………………………………………………… 127
Règle pour gloser une voix, en jouant ou en chantant………………………………………………………………………… 128
Déclaration pour faire les dites cadences……………………………………………………………………………………………… 131
Déclaration pour faire des cadences au ténor……………………………………………………………………………………… 131
Règle pour gloser toutes les notes…………………………………………………………………………………………………………… 133
seconde partie……………………………………………………………………………………………………………………………………138
Déclaration sur les manières de jouer la viole avec le clavecin…………………………………………………………… 138
La deuxième manière de jouer la viole avec le clavecin ; sur un chant donné ………………………………… 138
La troisième manière de jouer la viole avec le clavecin ; sur les compositions
à plusieurs voix………………………………………………………………………………………………………………………………………… 140
Avertissement pour jouer sur des compositions…………………………………………………………………………………… 145
Déclaration sur les ténors………………………………………………………………………………………………………………………… 145

Semplice ou passeggiato 103


4. Nicola Vicentino, L’antica musica ridotta alla moderna prattica,
Rome, Antonio Barré, 1555…………………………………………………………………………………………………………………… 149
Livre quatrième. De la pratique musicale, chapitre xxxxii ………………………………………………………………… 150

5. Hermann Finck, Practica musica, Wittenberg, Georg Rhau, 1556…………………………………………… 153
Livre v. De l’art de chanter élégamment et ingénieusement……………………………………………………………… 154

6. Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere, libri due, Naples, Raymundo Amato, 1562………………… 165
Livre i………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 165

7. Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584………………………… 171
première partie…………………………………………………………………………………………………………………………………… 172
Aux lecteurs……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 172
Des trois coups de langue principaux…………………………………………………………………………………………………… 173
Du cornet à bouquin………………………………………………………………………………………………………………………………… 173
seconde partie……………………………………………………………………………………………………………………………………… 174
Aux lecteurs……………………………………………………………………………………………………………………………………………… 174
De l’exécution de la diminution en mesure…………………………………………………………………………………………… 175
De la viola bastarda………………………………………………………………………………………………………………………………… 175
De la voix humaine…………………………………………………………………………………………………………………………………… 176

8. Giovanni Bassano, Ricercate, passaggi et cadentie per potersi essercitar nel diminuir,
Venise, Giacomo Vincenti et Riccardo Amadino, 1585…………………………………………………………………… 181
Aux lecteurs – Giovanni Bassano…………………………………………………………………………………………………………… 182

9. Giovanni Bassano, Motetti, madrigali et canzoni francese,


Venise, Giacomo Vincenti, 1591…………………………………………………………………………………………………………… 183
Giovanni Bassano – Aux lecteurs…………………………………………………………………………………………………………… 183

10. Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592………………………………………………… 185
Livre i………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 186
De quelle manière on peut chanter les notes de musique avec grâce, chap. lxiii…………………………… 186
Quel style observer dans l’exécution de la vocalise et de l’usage
des diminutions modernes, chap. lxvi…………………………………………………………………………………………………… 190

11. Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare nel diminuire,


Venise, Giacomo Vincenti, 1592…………………………………………………………………………………………………………… 215
première partie…………………………………………………………………………………………………………………………………… 216
Aux vertueux lecteurs ……………………………………………………………………………………………………………………………… 216
seconde partie……………………………………………………………………………………………………………………………………… 217
Aux vertueux lecteurs……………………………………………………………………………………………………………………………… 217

12. Giovanni Luca Conforti, Breve et facile maniera, Rome, [s. n.], 1593……………………………………………… 219
Déclaration sur les diminutions par Giovanni Luca Conforti – Aux Lecteurs……………………………… 220

13. Girolamo Diruta, Il Transilvano, Venise, Giacomo Vincenti, 1593 et 1609………………………………… 225
première partie…………………………………………………………………………………………………………………………………… 225
Règle pour jouer des orgues selon les règles, avec gravité et grâce …………………………………………………… 226
Manière de jouer avec musicalité des instruments à plumes……………………………………………………………… 227
Comment jouer les groppi……………………………………………………………………………………………………………………… 227
Manière de jouer les tremoli…………………………………………………………………………………………………………………… 229
A quel moment les tremoli doivent se faire………………………………………………………………………………………… 230
seconde partie……………………………………………………………………………………………………………………………………… 233
Livre i………………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 233

104
Introduction

14. Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali et motetti passeggiati,
Venise, Giacomo Vincenti, 1594…………………………………………………………………………………………………………… 237
Aux lecteurs – L’auteur…………………………………………………………………………………………………………………………… 238
Avertissements concernant les paroles…………………………………………………………………………………………………… 239
Avertissements concernant les notes …………………………………………………………………………………………………… 241
Au vertueux lecteur – L’auteur………………………………………………………………………………………………………………… 248

15. Aurelio Virgiliano, Il Dolcimelo, manuscrit inachevé, I-Bc Ms [c. 33], env. 1600……………………… 249
Règles de la diminution…………………………………………………………………………………………………………………………… 250

16. Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie, I-Rv ms [r. 45], ff. 199r-204v,
manuscrit non daté, env. 1600……………………………………………………………………………………………………………… 253
2. Les questions du prince…………………………………………………………………………………………………………………… 253
3. Considérations sur ces questions……………………………………………………………………………………………………… 254
4. Qualités du chanteur pour chanter avec assurance………………………………………………………………………… 254
9. Qualités du musicien et différence entre musicien et chanteur…………………………………………………… 255
10. Qualités des chanteurs des différentes tessitures – la basse………………………………………………………… 255
11. Qualité de la basse – suite………………………………………………………………………………………………………………… 256
12. Ténor et voix intermédiaires…………………………………………………………………………………………………………… 256
13. Soprano – les différents agréments………………………………………………………………………………………………… 257
14. Autres qualités du soprano : musicalité, diminutions…………………………………………………………………… 257
16. Généralités sur les instrumentistes………………………………………………………………………………………………… 258
17. Qualités des instrumentistes à vent………………………………………………………………………………………………… 259
18. Qualités des instrumentistes à cordes……………………………………………………………………………………………… 259
19. Qualités particulières des joueurs de trombone, de cornet et d’instruments polyphoniques… 259
25. Qualités des joueurs d’instruments polyphoniques……………………………………………………………………… 260

17. Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614……………………………………… 261
De la vocalise, des fioritures, et des ornements – Vingt-quatrième document………………………………… 262
Remarques sur les cent diminutions……………………………………………………………………………………………………… 272

18. Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, Milan, Filippo Lomazzo, 1620……………………………… 273
première partie…………………………………………………………………………………………………………………………………… 274
Avertissements – Aux bienveillants lecteurs………………………………………………………………………………………… 274
Avertissements aux chanteurs………………………………………………………………………………………………………………… 277
seconde partie……………………………………………………………………………………………………………………………………… 277
De la nature des violes de gambe…………………………………………………………………………………………………………… 278
De la viola bastarda………………………………………………………………………………………………………………………………… 278
Des viole da brazzo………………………………………………………………………………………………………………………………… 279
Instructions pour donner des coups d’archet ou lier…………………………………………………………………………… 280
Avertissements pour les instruments à vent………………………………………………………………………………………… 280
Francesco Lomazzo aux virtuoses considérant le présent ouvrage…………………………………………………… 281

19. Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica,


I-Las Fondo Orsucci ms. [48] (olim o.49), [1628]……………………………………………………………………………… 283

Annexe : Élaborations ornées et adaptations d’œuvres de Palestrina………………………………………… 288



Glossaire…………………………………………………………………………………………………………………………………………………… 291

Index des notions abordées dans les sources traduites………………………………………………………………… 305

Semplice ou passeggiato 105


Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara, Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535

Introduction

L’univers dans lequel Giovanni Pierluigi da Palestrina a passé la majeure


partie de son existence est celui des basiliques et des églises romaines. Il a donc com-
posé pour des interprètes formés à l’ornementation improvisée. Dans les chapelles
romaines, en effet, se trouvaient alors nombre de chanteurs1, parfois virtuoses, eux-
mêmes souvent compositeurs de talent (qu’il suffise de mentionner Vicente Lusitano,
Domenico Maria Ferrabosco, Alessandro Merlo, Francisco Soto de Langa, Onofrio
Gualfreducci ou Giovanni Luca Conforti uniquement pour la Chapelle Sixtine). Dans
cette même chapelle pontificale, on cultivait un des domaines les plus fameux de la
diminution vocale : l’improvisation sur le livre2. Une autre spécialité était l’improvi-
sation de passaggi sur les faux-bourdons3 (psaumes, répons, passions, litanies, lamen-
tations ou magnificats) dont témoigneront au début du siècle suivant les Salmi passag-
giati du même Conforti et de Francesco Severi 4, sans parler du Miserere de Gregorio
Allegri.
Palestrina a eu également sous sa direction un concerto segreto de premier ordre,
en 1564, puis de 1567 à 1571 chez le Cardinal Hippolyte ii d’Este, à Rome et dans la
villa d’Este à Tivoli. On y comptait, outre des chanteurs de haut niveau (comme le
sopraniste Soto, déjà nommé), aussi des instrumentistes brillants (Bernardino Pagani,
cornettiste et collaborateur de Palestrina ; Giovanni Antonio Severini et Domenico da
Venezia, luthistes ; Stefano Rosselli et Giovanni Battista Ramer, organistes ; Giovanni

1 Au sujet des musiciens romains et italiens au xvie siècle, voir les deux ouvrages de Richard Sherr : Music
and Musicians in Renaissance Rome and Other Courts, Aldershot, Ashgate, 1999 ; Richard Sherr, éd., Papal
Music and Musicians in Medieval and Renaissance Rome, Oxford, Clarendon Press, 1998.
2 Ernst Ferand, Die Improvisation in der Musik, Laaber, Laaber-Verlag, 2010, p. 195-196.
3 Cette tradition date au moins de la génération précédant celle de Palestrina. Elle est relatée en particu-
lier à partir du pontificat de Léon x durant lequel le chant du Miserere et les lamentations improvisées
pendant la semaine sainte sont attestées et décrites. En 1524, Elzéar Genet, dit Carpentras, compose les
fameuses Lamentations de Jérémie (dédiées à Clément vii et qui seront chantées chaque année jusqu’en 1587,
lorsque, contre l’avis du chœur, Sixte Quint en demandera une nouvelle version à Palestrina). En outre,
une lettre de Palestrina au duc de Mantoue du 13 décembre 1568, accompagnant un envoi de motets et de
faux-bourdons, se réfère bien à une composition dans cette tradition : « Voici les motets composés sur les
poèmes de Votre excellence […] Don Annibale [Cappello] m’a parlé des faux-bourdons de la Chapelle
pontificale, qui ne sont pas écrits puisque la plupart du temps improvisés, selon l’usage, par les chanteurs
de Sa Sainteté » (cité dans Lino Bianchi, Giovanni Pierluigi da Palestrina, Paris, Fayard, 1994, p. 99). Le
castrat pontifical Francesco Severi relate cette même tradition dans la préface de ses psaumes diminués de
1615 : « Je me suis convaincu de publier ce petit livre de Salmi Passaggiati, non parce que je l’estime digne
de qui professe la manière du vrai chant, sachant bien que de telles diminutions sont d’habitude improvi-
sées par les bons chanteurs qui à Rome et ailleurs chantent dans les solennités, mais seulement pour plaire
à ceux qui désirent voir le style qu’il y a à Rome dans le chant desdits psaumes […] » (Francesco Severi,
« Ai Lettori », Salmi passaggiati par tutte le voci, Rome, Nicolò Borboni, 1615 – édition moderne : Murray
C. Bradshaw, éd., Madison, A-R, 1981).
4 Giovanni Luca Conforti, Salmi passeggiati, Rome, eredi di Nicolò Muti, 1601-1603, 3  vol. (édition
moderne : Murray C. Bradshaw, éd., Rome, American Institute of Musicology, Neuhausen, Hänssler,
1985) ; Francesco Severi, Salmi passaggiati, op. cit.

Semplice ou passeggiato 107


Battista Decio, violiste ; Savino de Francesco, Giovanni, Vincenzo et Tullio Guarini,
trombonistes)5. Lorsqu’il publiait ses messes mais surtout ses motets et ses madrigaux,
le Prénestin s’adressait aussi aux musiciens très compétents, appartenant par exemple
aux chapelles et concerts privés de princes mélomanes, comme les ducs Alphonse ii
de Ferrare et Albert v de Bavière, les empereurs, ou encore Guillaume de Gonzague à
Mantoue, avec qui Giovanni Pierluigi est demeuré en relation épistolaire pendant deux
décennies et auquel il envoyait des compositions ; cela sans compter les nombreuses
académies italiennes ou les concerti, tels ceux de Venise, qui jouaient sa musique. La
réalité de toute cette pratique, à laquelle ont été formés les musiciens contemporains de
Palestrina, apparaît dans ce que nous appelons aujourd’hui les traités de diminution.
Ceux-ci constituent une de nos meilleures pistes de connaissance du phénomène
de l’improvisation à l’époque de la polyphonie. Les musiciens actuels sont habitués
depuis des années à les utiliser pour acquérir réflexes et gestes techniques dans l’appro-
priation du « style » et des idées mélodiques. Les exemples et les exercices sont évidem-
ment très précieux à cet égard. Lorsqu’on va plus loin dans la lecture de ces ouvrages,
on peut appréhender la question de l’improvisation et de l’ornementation dans une
perspective beaucoup plus vaste : celle de l’esthétique globale du procédé.
Les sources que nous présentons sont bien connues des spécialistes6 et, depuis peu,
sont pour la plupart facilement accessibles grâce à internet. Il en existe quelques tra-
ductions, surtout anglaises, mais peu en français. Notre objectif a donc été de fournir
aux musiciens francophones un outil de travail permettant la mise en correspondance
des idées de l’époque sur le sujet, dans une langue accessible mais respectueuse du style
et de la logique de la pensée ancienne. Afin de pouvoir comparer différentes notions
abordées par les auteurs, un glossaire les définit et un index répertorie leurs occur-
rences dans les sources que nous avons traduites. Nous n’avons pas fourni l’ensemble
du contenu musical des traités, mais seulement les passages à vocation didactique.
Au xvie siècle, les processus d’exécution et de composition sont intimement mêlés.
Il ne faut donc jamais oublier que le compositeur est normalement maître de cha-
pelle, que le maître de chapelle est chanteur, que le chanteur est instrumentiste et que
l’instrumentiste pratique plusieurs instruments7. La littérature didactique est égale-
ment disparate et ne se réduit pas aux seuls traités de diminution. À côté de ceux-ci,
les ouvrages plus généraux sur la musique, de même que les préfaces, titres et autres
avvertimenti que l’on trouve dans les œuvres imprimées, ont aussi souvent un propos
didactique. Par ailleurs au tournant du siècle, préceptes, recommandations voire orne-
mentation elle-même, doivent subitement être donnés par le compositeur lui-même.
C’est le cas dans les premiers mélodrames, ceux de Jacopo Peri, Giulio Caccini et
Emilio de’ Cavalieri, par ailleurs eux-mêmes chanteurs et nés à Rome. À ces sources, il
5 Lino Bianchi, Giovanni Pierluigi da Palestrina, op. cit., p. 80.
6 Dès le début du xxe siècle, l’ensemble de la problématique ainsi qu’une description précise de la plupart
des sources didactiques et musicales sont exposées dans l’ouvrage de Max Kuhn : Die Verzierungs-Kunst in
der Gesangs-Musik des 16.-17. Jahrhunderts (1535-1650), Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1902.
7 Palestrina lui-même commence sa carrière professionnelle comme organiste à la cathédrale San Agapito
de sa ville natale, puis travaille comme maître de chapelle et chanteur ; il est mentionné comme jouant du
luth dans une lettre de Don Annibale Cappello au duc Guillaume de Mantoue (18 octobre 1578) : « Messire
Giovanni da Palestrina n’ayant pu, en raison d’une grave indisposition à la tête et aux yeux, servir Votre
Altesse comme il l’entendait, vient cependant de commencer à porter sur le luth le Kyrie et le Gloria de la
première messe. Il a bien voulu me les faire écouter, et je puis vous assurer qu’ils sont d’une grande douceur
et d’une égale qualité d’inspiration » (citée dans : Lino Bianchi, Giovanni Pierluigi da Palestrina, op. cit.,
p. 135).

108
Introduction

faut absolument ajouter les témoignages particuliers sur l’exécution musicale de qualité
et les modèles à admirer, c’est pourquoi nous incluons à ce corpus deux lettres célèbres
adressées à des nobles mélomanes, celles de Luigi Zenobi et de Vincenzo Giustiniani8.
Il nous est apparu indispensable d’offrir aux musiciens et aux lecteurs franco-
phones une partie importante de cette littérature didactique, présentée avec une cer-
taine cohérence et dans une continuité chronologique. On s’apercevra ainsi de l’évo-
lution de l’ordre des priorités, de leur formulation et de leur intelligibilité. On pourra
aussi considérer la dimension du positionnement individuel, de l’application à un
instrument donné, voire de la rivalité de musiciens dans une même problématique
à travers quelques spécificités locales. Chaque traité offre une perspective propre qui
apparaît plus ou moins discrètement ; par exemple ce que signifie pour Girolamo Dalla
Casa « la vraie façon de diminuer9 » ou le fait que Giovanni Bassano juge nécessaire
de guider préalablement les étudiants vers le style de la diminution par ses « quelques
ricercari10 ».
La propagation des concepts esthétiques et l’émulation suscitée par les voyages
incessants des musiciens entre cours, cités et chapelles italiennes voire étrangères, doit
être gardée en mémoire. Deux tendances esthétiques majeures sous-tendent le geste
de l’ornementation improvisée dans l’Italie humaniste ; ce sont une manifeste volonté
rhétorique mais pleine de piacevolezza, selon l’exemple de Pietro Bembo, et surtout
une grâce nonchalante et noble telle que la décrit Baldassar Castiglione. Pour se repré-
senter cette dernière, il suffit de suivre un des courtisans-musiciens les plus célèbres,
Giulio Cesare Brancaccio11, noble soldat napolitain, qu’on voit fréquenter les cours
de l’empereur, du roi de France ou des principaux prélats et princes italiens. Lié avec
le duc Alphonse ii de Ferrare, il deviendra le mentor des chanteuses du concerto delle
dame et enseignera à Caccini. Selon Giustiniani, il est un des trois chanteurs auxquels
il faut attribuer l’invention d’une « nouvelle façon de chanter ». À travers nos sources,
on peut donc notamment deviner l’existence de quelques fils conducteurs discrets ;
l’énigmatique berceau napolitain (Diego Ortiz et Giovanni Camillo Maffei12), l’art
des instrumentistes virtuoses vénitiens (Silvestro Ganassi, Dalla Casa, Bassano13),
parfois formés à la cour de Bavière sous le mentorat de Roland de Lassus, le cantar
d’affetto, migrant de Naples, à Ferrare, Mantoue ou Florence, mais aussi à Rome où
il croise les anciennes diminutions vocales, issues de la tradition franco-flamande du

8 Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie, I-Rv [ms R. 45], manuscrit non daté, ca. 1600 (édition bilingue
italien-anglais : The Perfect Musician. A Letter to N. N., Bonnie J. Blackburn et Leofranc Holford-
Strevens, éd. et trad., Cracovie, Musica Jagellonica, 1995) ; Vincenzo Giustiniani, « Discorso sopra la
musica », [1628] (édition moderne : Angelo, Solerti, éd., Le Origini del melodramma. Testimonianze dei
contemporanei, Turin, Fratelli Bocca, 1903, p. 98-128 ; traduction anglaise : Carol MacClintock, « Gius-
tiniani’s Discorso sopra la musica », Musica Disciplina, vol. 15, 1961, p. 209-225).
9 Girolamo Dalla Casa, Il Vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584, 2 vol. (traduction anglaise :
Jesse Rosenberg, « Il vero modo di diminuir », Historic Brass Society Journal, vol. 1, 1989, p. 109-114).
10 Giovanni Bassano, Ricercate passaggi et cadentie, Venise, Giacomo Vincenti et Riccardo Amadino, 1585
(édition moderne : Peter Thalheimer, éd., [s. l.], Mieroprint, 1994).
11 Richard Wistreich, Warrior, Courtier, Singer, Giulio Cesare Brancaccio and the Performance of Identity in
the Late Renaissance, Burlington, Ashgate Publishing, 2007.
12 Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553 (édition moderne : Annette Otterstedt, éd., Hans
Reinsers, trad., Kassel, Bärenreiter, 2003).
13 Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara, Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535 (fac
simile : Bologne, Forni, 2002 ; traduction française : Œuvres complètes, vol. 1. La Fontegara, Christine
Vossart, éd., Jean-Philippe Navarre, trad., Sprimont, Mardaga, 2002) ; Girolamo Dalla Casa, Il Vero
modo di diminuir, op. cit. ; Giovanni Bassano, Ricercate passaggi et cadentie, op. cit.

Semplice ou passeggiato 109


contrepoint improvisé (Adrian Petit Coclico, Hermann Finck 14), pour culminer dans
l’art des chantres pontificaux (Conforti15) et aboutir peut-être à Milan (Giovanni Bat-
tista Bovicelli16), jusqu’à faire partie, une génération après la mort de Palestrina, du
bagage complet du violoniste virtuose (Francesco Rognoni17). Le tout se combine par
les échanges continuels entre musiciens au sein du vaste réseau des chapelles, concerti
privés, académies et autres ridotti, et nourrit constamment le jeu instrumental, au
nom du concept de l’imitazione della voce lequel évolue sans arrêt au gré des modes
vocales, du premier (Ganassi, 1535) au dernier (Fr. Rognoni, 1620) des grands traités
instrumentaux italiens.
Il nous a semblé indispensable de trouver une logique de traduction dans ces
textes difficiles, souvent d’une syntaxe rebelle à notre logique moderne, écrits dans
une langue non standardisée et usant de termes musicaux ambigus18. Nous avons
donc décidé de traduire chaque fois qu’il était possible les termes spécifiques italiens.
Par exemple, passaggio sera traduit par « diminution » lorsque qu’il nous a semblé être
entendu dans ce sens, laissant libre l’utilisation du terme « passage » pour les occasions
nécessaires. Lorsque quelques mots italiens nous paraissent avoir un sens déterminé
dans un contexte extrêmement limité, comme groppo, trillo ou tremolo, nous avons
préféré les laisser, dans notre texte, inchangés et en italique. Enfin quand une phrase
était ambiguë ou qu’un mot italien, de sens apparemment général, a été employé avec
une intention plus spécifiquement musicale, nous avons traduit, mais en donnant entre
parenthèses la citation originale, afin que l’on puisse se rendre compte de sa significa-
tion souvent multiple. C’est le cas avec des noms comme gratia, garbo ou leggiadria, par
exemple. La prédilection des auteurs de l’époque pour les longues phrases complexes
avec de multiples subordonnées nous a invité à garder le plus possible l’ordre des idées
mais en ponctuant souvent et en fractionnant les unités du discours.
Les exemples musicaux ont été transcrits en restant le plus fidèle possible à la
source originale tout en modernisant certains points afin de faciliter la lecture. Les
clefs ont été modernisées et les altérations (musica ficta et altérations de précaution) ont
été ajoutées hors portée, avec parcimonie. Les erreurs évidentes ont été corrigées de
manière tacite.
À la lecture de ces ouvrages, on se rend compte à quel point de tels documents
appartiennent complètement au siècle de Palestrina. Certaines de ses compositions les
plus célèbres font évidemment partie du répertoire des pièces les plus souvent dimi-
nuées, notamment dans les tablatures pour instruments polyphoniques. Notre annexe
« Élaborations ornées et adaptations d’œuvres de Palestrina » recense ainsi les élabora-
tions ornées d’œuvres de Palestrina dont nous disposons.

14 Adrian Petit Coclico, Compendium musices, Nuremberg, Berg et Neuber, 1552 (fac simile : Kassel et
Bâle, Bärenreiter, 1954, traduction anglaise : Carol MacClintock, éd., Readings in the History of Music
performance, Bloomington, Indiana University Press, 1979, p. 30-36 ; Hermann Finck, Practica musica,
Wittenberg, Rhau, 1556 (fac simile : Hildesheim, Olms, 1971, traduction anglaise partielle : Carol Mac-
Clintock, éd., Readings in the History of Music performance, op. cit.)
15 Giovanni Luca Conforti, Salmi passeggiati, op. cit.
16 Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali e motetti passeggiati, Venise, Giacomo
Vincenti, 1594 (fac simile : Nanie Bridgman, éd., Kassel, Bärenreiter, 1957).
17 Francesco Rognoni, Selva di varii passaggi secondo l’uso moderno, Milan, Filippo Lomazzo, 1620 (fac
simile : Guglielmo Barblan, éd., Bologne, Forni, 1978 ; traduction anglaise : Bruce Dickey, trad.,
Bologne, Forni, 2002, p. 39-43).
18 Voir à ce sujet la notice de Jean-Philippe Navarre : « Le texte de Ganassi et sa traduction », Sylvestro
Ganassi, Œuvres complètes, vol. 1. La Fontegara, op. cit., p. 11-13.

110
Introduction

Considérer la pédagogie de la diminution et de l’ornementation permet d’appré-


hender la polyphonie palestrinienne avec un regard différent, d’offrir une vision plus
vivante et expressive de cette musique, encore trop souvent prisonnière de l’image
réductrice d’un Palestrina, chantre docile du Concile de Trente. Ces mêmes notes,
qu’on entend parfois encore aujourd’hui chantées dans une tradition musicale héritée
des sociétés chorales du xixe siècle, pouvaient à l’époque être exécutées dans trois
formations de base : cappella (grand effectif vocal et souvent aussi instrumental), com-
pagnia (avec un chanteur ou un instrument par partie) et enfin en solo avec l’accompa-
gnement d’un instrument polyphonique. Chacune de ces possibilités incluait un degré
différent d’ornementation, improvisée voire écrite. Même si tout cela est relativement
connu en théorie, il reste encore des solutions suggérées chez certains auteurs, en par-
ticulier Lodovico Zacconi, Bovicelli et Zenobi, qui n’ont été jusqu’ici que peu mises
en pratique. Nous pensons, par exemple, à une exécution en petit ensemble où les voix
extrêmes seraient abondamment passaggiate, tandis que les parties intérieures incor-
poreraient les tremoli et accenti qui appartenaient alors à un mode de chant considéré
comme semplice ou schietto, ainsi que l’exprime si bien ce même Zenobi : « J’apprécie
cependant dans ces parties intermédiaires que [les chanteurs] diminuent rarement et
se contentent de savoir monter et descendre avec la voix ondulant gracieusement et en
utilisant de temps en temps quelque agréable trillo ou tremolo19. »

19 Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit., p. 28.

Semplice ou passeggiato 111


Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara, Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535

Chapitre 1

Silvestro Ganassi,
Opera intitulata Fontegara, Venise,
per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 15351

Silvestro Ganassi2 (Fontego près de Venise, 1492 – milieu du xvie siècle), instru-


mentiste virtuose (flûtiste, violiste, voire cornettiste) est l’auteur de deux traités sur
l’exécution musicale. Il fait partie des pifferi de la République de Venise dès 1517. En
tant que piffero du Doge, il était certainement responsable de la musique de cour et de
cérémonie pour les doges ainsi que de la musique instrumentale pour la basilique de
Saint-Marc.

Œuvres : Opera intitulata Fontegara (Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fon-
tego, 1535), traité sur le jeu de la flûte à bec, Regola rubertina (Venise, ad instantia de
l’autore, 1542) et Lettione seconda (Venise, Stampata per l’auttore proprio, 1543), traité
en deux parties sur le jeu de la viole.

Opera Intitulata Fontegara | La quale insegna a sonare di flauto chon [sic] tutta
l’arte opportuna a esso instrumento | massime il diminuire il quale sara utila ad ogni
instrumento di fiato et a chorde: et anchora a | chi si dileta di canto, composta per
Sylvestro di Ganassi dal Fontego sonator della illustrissima Signoria Di Venezia.
[Colophon final] : Impressum Venetiis per Sylvestro di Ganassi | dal Fontego
sonator della illustrissima Si- | gnoria di Venetia hautor [sic] proprio. mdxxxv. | [Col-
lation] | finis.

Œuvre intitulée Fontegara laquelle enseigne à jouer de la flûte avec tout l’art
opportun à cet instrument surtout la diminution, qui sera utile à chaque instrument à
vent et à cordes : et également à celui qui se plaît à chanter, composée par Sylvestro di
Ganassi dal Fontego, joueur de l’Illustrissime Seigneurie de Venise.
[Colphon final :] Imprimé à Venise par Sylvestro di Ganassi dal Fontego, joueur de
l’Illustrissime Seigneurie de Venise ; auteur lui-même. 1535. [Collation] | fin.

1 Fac simile : Bologne, Forni, 2002. Une traduction française intégrale a été publiée dans : Sylvestro
Ganassi, Œuvres complètes, Volume 1, La Fontegara (1535), op. cit.
2 Howard Mayer Brown et Giulio Ongaro, « Ganassi dal Fontego, Sylvestro di », Grove Music Online.
Oxford Music Online, Oxford, Oxford University Press, consulté le 4 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 113


Chapitre 1
Déclaration du but

Vous devez savoir que tous les instruments de musique sont moins dignes que la
voix humaine, pour cela nous nous efforceront d’apprendre d’elle et de l’imiter. Tu
pourrais dire à cela : « Comment une telle chose sera-t-elle possible, puisqu’elle [= la
voix] produit toutes les paroles ? Je ne crois donc pas que la flûte soit jamais semblable
à la voix humaine. » Et moi je te réponds que, de même que le digne et parfait peintre
imite toute chose créée par la nature avec la variété des couleurs, ainsi avec un tel
instrument à vent et à cordes, tu pourras imiter les paroles (el proferire) que produit la
voix humaine. Il est vrai que le peintre imite les effets de la nature, avec ses diverses
couleurs, parce que celle-ci produit diverses couleurs. De même la voix humaine varie
par son timbre (tuba), avec plus ou moins de force (audacia) et des paroles (proferire)
diverses. Si le peintre imite les effets de [la] nature avec ses couleurs, l’instrument
imitera les paroles de la voix humaine avec la [bonne] proportion du souffle, l’articula-
tion (offuscatione) de la langue et avec l’aide des doigts. De cela, j’en ai fait l’expérience
et [j’ai] entendu d’autres instrumentistes arriver à faire entendre grâce à leur jeu les
paroles, de sorte qu’on pouvait bien dire qu’il ne manquait à cet instrument que la
forme du corps humain, comme on dit d’une peinture bien faite, qu’il ne lui manque
que le souffle. Vous devez donc être certains que le but, pour lesdites raisons, est de
pouvoir imiter le parler.

Chapitre 2
Déclaration de la flûte

Cet instrument nommé flûte requiert trois choses : la première [est] le souffle,
la deuxième la main, la troisième la langue. Quant au souffle, la voix humaine, en
tant que maîtresse, nous enseigne qu’il doit être produit modérément, car lorsque
le chanteur chante une composition avec des paroles calmes (placabile), il adop-
tera une déclamation calme ; si elles sont joyeuses, il prendra un mode joyeux.
Si l’on veut imiter semblable effet, on procédera avec un souffle modéré, afin
de pouvoir augmenter et diminuer l’intensité aux endroits appropriés (ali sui
tempi).
[…]

Chapitre 9
Façon de faire la pratique de la main pour diminuer

D’abord il te sera connu qu’il y a deux effets qui provoquent (causeno) l’action (el
far) de la main : un [est] l’effet et la pratique de la langue, l’autre est la façon de dimi-
nuer. La main ne peut faire l’un sans l’autre, et, c’est la vérité, même avec le meilleur
[coup de] langue, si tu ne possèdes pas l’intelligence de la diminution, tu te fatigueras
en vain, et vice versa. Tu comprendras cependant que diminuer n’est rien d’autre que
varier la chose ou le procédé, qui, de nature, se montre constant (sodo) et simple. De
cette diminution en effet, des manières variées naissent, et on avertit que diminuer

114
Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara, Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535

consiste en diverses [sortes] de diminutions, c’est-à-dire certains genres de proportions


ou des tournures (vie) et progressions (processi) différentes l’une de l’autre, comme
minimes, semiminimes, croches, doubles-croches. À partir de cet ordre, les effets
variés seront divisés en quatre catégories (parte) : simple, composée, particulière et
générale3. Le premier ordre ou manière sera quand tu procéderas dans ta diminution
en une seule espèce [de valeurs] diminuée, par exemple tout en semibrèves, ou tout
en croches, ou en autres figures encore, pourvu qu’il s’agisse d’une seule espèce dimi-
nuée ; cela s’appelle diminutions simples. La proportion simple sera lorsque, [dans] ta
diminution tu procéderas avec une seule espèce de proportion, ou dans le seul signe
[de mesure] par lequel tu as commencé. La manière sera simple (semplice de vie), quand
un groupe de notes (gropetto) ressemblera à l’autre et que les mouvements [seront]
semblables, dans les cadences comme au milieu des [phrases].
[…]

Chapitre 13
Manière et pratique de la diminution

Auparavant nous avons montré la nature de toute sorte de diminution. À présent je


poursuivrai, partie par partie, à [en donner telle] connaissance, avec toute la clarté qui
m’est possible, depuis le saut ou mouvement de la seconde [jusqu’à celui] de la tierce,
de la quarte, de la quinte, ou de tout autre intervalle conjoint ou disjoint. Je procéderai
d’abord avec l’intervalle de seconde, qui te sera plus facile que tout autre intervalle
disjoint ; [cela] avec diverses manières de divisions en temps parfait et prolation impar-
faite, comme O, puis de même dans les signes imparfaits avec prolation imparfaite,
comme C. On avertit que le signe C requiert la battue à la brève et ceux-ci O O, [à]
la semibrève. Etant donné que la plupart des chanteurs et des instrumentistes ne font
rien d’autre que de s’accommoder à la battue, tu feras donc à la manière qui te plaira,
pourvu que tu aies compris leur différence. Suivront la tierce, la quarte, la quinte, avec
leurs notes de passage (mezzi) et leurs cadences, et, dans cet ordre, je procéderai dans
les diminutions avec diverses proportions et modes [selon] lesdits signes. Puisque je
t’enseigne ces signes avec des proportions variées, il est aussi nécessaire de t’enseigner
à diminuer la sesquialtère avec diverses proportions. Pour ne pas être trop long, j’ai
pensé à te reporter la même diminution, faite sous lesdits signes, que tu feras de même
sur la sesquialtère ; ce qui suscitera des proportions variées, que je démontrerai à la fin
des première, deuxième, troisième et quatrième règles. Cette répartition et cet ordre,
en de nombreuses manières te seront très commodes. Note [bien] comment je ferai
le mouvement ou le passage (moto) dans lesdits signes, et, la sesquialtère étant placée
avant lesdits, comme le démontrera l’exemple (figura). Avant de te montrer la pratique
de la diminution, je t’apprendrai quelques éléments nécessaires. Premièrement, il faut
considérer que dans les diminutions, il doit y avoir similitude entre la fin et le début ;
c’est-à-dire que lorsque tu voudras diminuer l’intervalle de tierce ou de toute autre
consonance disjointe, comme ut-mi, ut-fa, ut-sol ou encore ré-fa, mi-la, mi-mi ou fa-fa

3 Sur les différents types de diminutions, Ganassi précise aux chapitres 10, 11 et 12 (Opera intitulata Fontegara
…, op. cit.) ce qu’il appelle respectivement manière simple, manière simple en particulier et en général,
ainsi que manière composée en particulier et en général.

Semplice ou passeggiato 115


[octaves] de quelque manière que ce soit, tu commenceras ta diminution sur la même
note (loco), que ce soit ut ou ré ou mi ou fa ; cette note pourra se situer à l’octave supé-
rieure ou inférieure de la note initiale. Tu procéderas de même, s’il se trouve à la fin
un intervalle de tierce, ascendant ou descendant. Tu feras à la fin de tes diminutions
(minute) le même intervalle. De cela naîtra ainsi un contrepoint selon les règles (con
ragione essercitato). Mais, afin que tu puisses parfois être plus libre, je te veux concéder
deux ou trois conditions (ragione) pour pouvoir t’écarter de cette règle. En premier, il
faut que le contrepoint soit de telle sorte que, bien que sa finale monte ou descende
d’une seconde ou d’une autre consonance disjointe, comme ceci

le contrepoint pourra être très bon, comme s’il avait été de cette façon :

Cependant comme cette règle ou façon de diminuer n’est pas sûre et stable, sache
que tu pourrais bien, avec une telle diminution, tomber facilement dans ce que l’art
du contrepoint n’autorise pas. Sache aussi qu’un habile et bon chanteur, s’il est dans
une excellente disposition de vocalise (gorgia), même s’il sait que sa diminution peut
produire quelque faute, s’il veut ou prévoit un très beau discours, ne manquera pas de
poursuivre son intention. Pour autant que la vocalise soit très précise et très rapide,
même s’il a quelque erreur dans les notes intermédiaires (tali mezzi), en raison de leur
beauté, elles seront néanmoins tolérées et n’offenseront pas le sens [de l’ouïe], car cer-
tainement la diminution n’est autre qu’un ornement du contrepoint. Ainsi, tu pourras
utiliser aussi cette façon de diminuer, si tu entrevois un discours commode et plaisant.
Les deuxième et troisième possibilités (ragione) te permettent de rompre l’ordre du
début et de la fin par la syncope. Une telle syncope pourra en effet intervenir à propos
(con ragione), mais elle fera parfois pâtir le contrepoint, car il sera impossible que, dans
une diminution rapide, ne naisse pas [quelque] erreur. Néanmoins, pour les raisons ci-
dessus, je te concède cette liberté [arbitrio]. Note que la première règle sera le modèle
des autres en beaucoup de choses, dont je te dirai quelques-unes. Au commencement
des règles, les signes [de mesure] seront démontrés et ils seront à comprendre pour tous
les autres endroits, même si je ne les écris pas à nouveau. Je te propose aussi la sesquial-
tère de cette façon pour l’intervalle de seconde non brisée et cela est à appliquer à tous
les sauts de seconde sans notes intermédiaires (senza mezzo) de la même manière que
pour la seconde brisée, [la] tierce, [la] quarte et [la] quinte. Tu verras aussi quelques
exemples dans les marges, qui t’enseigneront à pouvoir t’approprier les passages (atti)
diminués pour des intervalles (moti) variés. Je fais cela pour que tu puisses te tirer de
toutes les situations (cavar costrutto di ogni cosa), même si elles ne sont pas conformes
au modèle (al suo sugietto). Ces exemples seront sur ladite première règle, mais, de la

116
Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara, Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535

même façon (ordine), tu pourras les adapter dans les autres règles. S’ensuit la pratique
de ce type de diminution.
[…]

Chapitre 23
Règle et ordre du jeu artistique

Dans le présent chapitre, on donnera quelques éléments nécessaires pour jouer


avec art, ainsi que je te l’ai promis auparavant dans le chapitre premier, qui expliquait
le but. Tu comprendras d’abord, si tu veux imiter, que la raison demande que tu imites
l’habile et bon chanteur, et qu’il te faut nécessairement procéder à un jeu composé de
trois espèces. La première est l’imitation, la deuxième la promptitude, la troisième
la galanterie. Sache que ces trois espèces sont unies, de sorte que l’on ne doit jamais
exercer l’une sans l’autre. La première des trois susdites, la principale, est l’imitation ;
quand on emploiera l’imitation, on emploiera également la promptitude et la galan-
terie. C’est pourquoi, je te donnerai connaissance de ce qu’est cette imitation, d’où elle
dérive et [la] façon de l’exercer, puis de même pour la promptitude et la galanterie,
comme tu comprendras en poursuivant.

Chapitre 24
Déclaration de l’imitation, de la promptitude
et de la galanterie

Sache que l’imitation dérive de l’art (l’artifitio), la promptitude du souffle et la


galanterie du tremblement (tremolo) des doigts. L’imitation, donc, doit imiter la voix
humaine. Parfois celle-ci croît et décroît afin d’imiter la nature des mots, comme je
l’ai expliqué au chapitre second, qui t’enseigne la manière de procéder avec le souffle.
Il en va ainsi de « l’imitation » lorsque tu seras sur une seule et même note avec art. Ces
effets variés, je [les] appelle doux et vifs, comme le fait la voix humaine. Il faut encore,
comme cela a été dit plus haut, qu’une telle imitation s’accompagne de la promptitude
et [de la] galanterie, car la promptitude dérive du souffle et, par conséquent, si l’imi-
tation est douce ou calme ou vive, semblables seront la promptitude et la galanterie.
Il serait difficile d’expliquer les divers effets de la promptitude, comme on l’a fait pour
l’imitation, par des mots (se non con il parlare), car la promptitude ne peut montrer ses
divers effets doux et vifs, semblables à l’imitation, que par l’expérience. Si tu voulais
procéder avec un souffle d’une promptitude extrême, il te serait nécessaire d’abord
de produire un souffle très calme, et ensuite un souffle très fort. Grâce à ce moyen,
tu sauras l’effet de la promptitude extrême. Si tu veux la tempérer un peu, tu procé-
deras avec un souffle modéré, puis tu augmenteras le souffle plus ou moins selon les
cas. Après une telle expérience, tu connaîtras clairement chaque effet nécessaire à
la promptitude ; on ne peut expliquer autrement lesdits effets. Il est cependant plus
important encore que tu sois guidé par un bon discernement. La galanterie montre
plus facilement ses effets, car non seulement on peut la démontrer par des mots, mais
encore avec une règle figurée, comme pour l’imitation. Premièrement, cette espèce
de galanterie dérive et naît du tremblement (tremolo) du doigt au-dessus [du trou]

Semplice ou passeggiato 117


de la note de la flûte. Pourtant, il se trouve quelques notes qui, lors du tremblement,
varient d’une tierce, plus ou moins ; d’autres varient d’un ton, d’autres d’un demi-
ton, et d’autres [encore] de plus ou moins qu’un ton, comme de plus ou moins qu’un
demi-ton (diesis). L’oreille ne sera pas capable de juger exactement la différence (le
quale parte), mais il y a un instrument à cordes ou à une seule corde qui le montre
exactement, grâce à une division faite au compas, etc. Par conséquent, la galanterie
vive et augmentée sera celle qui variera plus ou moins d’une tierce ; la modérée tiendra
la quantité de plus ou moins un ton ; la douce ou calme sera celle qui variera plus ou
moins d’un demi-ton. Par cet ordre et cette méthode (ordine), tu auras l’intelligence de
l’imitation, de la promptitude et de la galanterie. Dans ce qui suit, tu auras connais-
sance de ces manières au moyen d’une règle figurée.

Chapitre 25
Démonstration de la règle figurée

Le moyen qui sera adapté et nécessaire à l’art qui causera l’imitation, ainsi que tu
l’as compris plus haut, est semblable à la règle, qui se trouve au début de notre traité et
qui t’enseigne toutes les notes, lesquelles sont démontrées sur les flûtes en illustration
(figura). Ainsi, tu seras averti que pour l’imitation, vive et robuste, nous auront mis
la lettre suivante V sur la flûte, et que la note sur laquelle je te demande d’effectuer
un tremblement avec le doigt (che col dito tu tremoli), afin de créer une galanterie, sera
signalée par la présente lettre T. Cette lettre apparaîtra à côté de la note ou doigt qui
doit effectuer le tremblement (tremolare). Par ce même ordre et moyen, on produira
l’imitation calme et douce, et cette douceur harmonieuse sera marquée par la lettre
suivante S, qui sera en évidence sur la flûte ; il faudra alors effectuer le tremblement
sur cette note. Nous avons choisi ce T, plutôt qu’une autre [lettre], car tremblement
(tremolo) commence par T, [de même], vif (vivace) par V et doux (suave) par S. Par
conséquent, si l’imitation est vive, la galanterie sera vive, si elle est douce, le tremble-
ment ou galanterie sera doux. Toutefois, pour la promptitude – qui dérive du souffle –
tu veilleras à en produire les variétés de manière vive ou douce en considérant bien ton
expérience et en faisant intervenir ton bon discernement. Sache et note bien que j’ai
pensé cet ordre et moyen pour [des] flûtes [construites] seulement par un maître. Tou-
tefois si tu ne peux t’exercer en cela sur d’autres [flûtes], il faut que tu t’entraînes à cou-
vrir et découvrir un deux [trous de] note de plus ou de moins, comme tu l’as compris
au chapitre cinquième4, qui t’enseigne à faire sept notes de plus ; car où la nature fait
défaut, l’art a besoin d’être [le] maître. À ce propos, on en a assez dit, car si tu es apte
dans ce domaine, il n’y a pas de doute qu’avec ton bon discernement tu ne parviennes
au port désiré et à la maîtrise de cet instrument, comme le montre l’illustration. Note
que tu peux obtenir chaque note doucement en découvrant un peu [le trou de] la note
et en lui donnant moins de souffle, même si je ne le place pas sur toutes les notes.
[…]

4 Il s’agit en fait du chapitre 4.

118
Silvestro Ganassi, Opera intitulata Fontegara, Venise, per Sylvestro di Ganassi dal Fontego, 1535

[…]
Dans l’illustration présentée ci-dessus apparaissent quelques trous ou notes à demi
ouverts ou à demi fermés. Quant à cela, sache que je ne peux te présenter aucune règle
spéciale, car certains de ces demi-trous seront obtenus [en bouchant] plus ou moins
que la moitié, selon ce qui sonnera bien à ton oreille. Avec le discernement susdit en
pratiquant les deux tu trouveras. Tu pourrais cependant me dire : « Comment et par
quel moyen connaîtrai-je le moment et la manière de mettre en œuvre tout cela ; c’est-
à-dire à propos de l’imitation, de la promptitude et de la galanterie, et également des
notes vives ou douces ? » Sache que ton maître sera le chanteur habile et expérimenté ;
comme tu [le] sais, c’est celui qui, lorsqu’on lui met sous les yeux un chant, considère
d’abord objectivement (sanamente) la nature des paroles de la composition ! Si elles sont
de nature gaie, alors il adoptera une manière et une voix joyeuse ou vive, et si lesdites
paroles sont tristes et calmes, alors sa prononciation ira vers la manière douce et triste.
Tu procéderas ainsi : si les paroles sont douces et tristes, tu joueras aussi tristement,
et si elles sont joyeuses tu joueras joyeusement et vivement, et de là naîtra, comme tu
l’as compris plus haut l’imitation de la voix humaine. Je ne pense plus m’étendre plus
longuement, car ayant toujours procédé avec brièveté, je t’offre ce petit ouvrage, que, je
l’espère, et je prie Dieu omnipotent, tu accepteras favorablement avec ta bienveillance
et ton amour. Si en lui il y a quelque erreur, veuille par ta grâce m’excuser, en consi-
dérant combien je me suis volontiers, pour toi, donné de peine. Pour cela, aimable et
humanissime lecteur, ne m’inculpe pas si je ne t’ai pas satisfait, par la faute de mon
petit savoir, et accepte seulement ma bonne volonté. Porte-toi bien.
[…]

Semplice ou passeggiato 119


Adrian Petit Coclico, Compendium musices, Nuremberg, Berg et Neuber, 1552

Chapitre 2

Adrian Petit Coclico,


Compendium musices,
Nuremberg, Berg et Neuber, 15521

Adrian Petit Coclico2 (Flandres, 1499 ou 1500 – Copenhague, après 1562) est
un compositeur et théoricien flamand. Il prétend avoir servi les rois d’Angleterre et de
France, ainsi que le pape, de même qu’être un élève de Josquin. Aucun de ces faits n’a
pu être attesté. Né catholique, il se convertit au protestantisme et quitte les Flandres
pour l’Allemagne. Il enseigne la musique en privé à un groupe d’étudiants de l’uni-
verité de Wittenberg en 1545. En 1547, il entre au service de la chapelle du duc de
Prusse. En 1550, il se rend à Nuremberg où il publie son Compendium musicum ainsi
qu’une collection de motets. Il y fonde une école de musique où il enseigne également
le français et l’italien. À Schwerin, il entre au service du duc Johann Albrecht i de
Mecklenbourg en 1555. Il se rend ensuite à Copenhague, où il est engagé par le roi
Christian iii comme chanteur et musicien, jusqu’à sa mort, présumée en 1562.

Œuvres : Consolationes piæ (Nuremberg, 1552), Compendium musicum (Nuremberg,


1552).

Compendium | Musices Descriptum | Ab Adriano Petit Coclico. | Dis-


cipulo Iosquini De Pres. | In quo præter cætera tractantur hæc: | De modo ornate
canendi, | De regula contrapuncti, | De compositione. | Ad Lectorem. | Accentum
quicunque cupis novisse sonorum, | Quo nihil hic totus dulcius orbis habet: | Ad
nos accedas artis perculsus amore, | Pandet Adriani Musa canora viam. | Impressum
Norimbergæ in officina Ioan- |nis Montani, & Ulrici Neuberi. | Cum privilegio ad
quinquennium. | m. d. lii.

Abrégé de musique rédigé par Adrien Petit Coclico. Disciple de


Josquin Desprez. Dans lequel parmi d’autres matières on traite : De la manière ornée
de chanter, De la règle du contrepoint, De la composition. Au Lecteur. Quiconque
désire apprendre les accents sonores, rien n’étant plus doux au monde, animé par
l’amour de l’art, qu’il vienne à moi, que la muse chantante d’Adrien [Willaert] lui
montre la voie. Imprimé à Nuremberg dans l’atelier de Joannes Berg et Ulrich Neuber.
Avec un privilège de cinq ans. 1552.
[…]
1 Fac simile : Kassel et Bâle, Bärenreiter, 1954. On trouve une traduction anglaise et une transcription
moderne des exemples musicaux dans : Carol MacClintock, éd., Readings in the History of Music
performance, op. cit., p. 30-36.
2 Albert Dunning, « Coclico, Adrianus Petit », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford
University Press, consulté le 4 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 121


De l’élégance et de l’ornementation,
ou prononciation3, dans le chant

À l’enfant désireux d’apprendre l’art de chanter bien et élégamment, je conseille


d’abord de choisir un maître, qui chante, de par son instinct naturel, avec plaisir et
douceur, et qui rende la musique plaisante par la séduction de clausules, éloignées des
crachats confidentiels, des cris ou autres niaiseries, qui suscitent l’aversion des hommes
pour la très noble musique. Chacun a en effet rencontré un maître dans sa jeunesse,
qui soit tel chanteur qu’on en trouve parmi les Belges, les habitants du Hainaut et les
Français ; lesquels possèdent un don singulier pour le chant, bien au-dessus des autres
nations.
Parmi eux ont vécu les plus nombreux princes des musiciens, Josquin Desprez,
Pierre de la Rue, Jacques Champion et autres, qui ont utilisé des ornementations (ele-
gantiis) de clausules admirables et très douces. La réputation durable de ces hommes
est demeurée jusqu’à aujourd’hui dans les écoles de ces régions et est entretenue auprès
des amateurs (studiosis) de musique, tandis que les disciples imitent fidèlement ces
maîtres.
Que le garçon allemand s’applique avec soin à imiter son docte maître, tant qu’il a
sa voix d’enfant, parce qu’après la mue, il est difficile ou rare de parvenir à l’art de bien
chanter et que la chose ayant été acquise jeune ne s’oubliera jamais.
Puisqu’ils sont toutefois peu nombreux dans nos régions ceux qui sont versés
dans la douceur de chant des anciens musiciens, j’ai pris la décision d’écrire quelques
exemples, qui puissent être appliqués à toutes les clausules. [Je l’ai fait] en omettant les
syllabes ou les paroles placées sous les notes.
De prime abord il est difficile pour l’enfant de les articuler (pronunciare), si ce n’est
sans sueur et sans se faire d’une certaine façon violence. Il répétera donc souvent seul
durant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’il atteigne la connaissance et la pratique de cet art,
afin de ne mouvoir la langue en aucune façon, mais d’articuler (pronunciet) de la gorge
avec précision et élégance (ornate).

3 Le terme pronunciatio est utilisé ici dans son acception rhétorique et non au sens de solmisation.

122
Adrian Petit Coclico, Compendium musices, Nuremberg, Berg et Neuber, 1552

Voici la première clausule4 que Josquin enseignait à ces élèves :


On peut chanter ainsi dans d’autres clausules cadentielles :

Ill. 5

4 Les termes clausula ou cadence sont compris comme un mouvement mélodique caractéristique, n’ayant pas
forcément une fonction cadentielle au sens moderne.

Semplice ou passeggiato 123


[...]5
En vérité [ces ornementations] ne peuvent s’appliquer à la basse, si ce n’est en
temps ou lieu, où il arrive que le ténor descende plus bas que la basse ; en effet, comme
la basse est le fondement de toutes les autres parties, si elle ne reste intacte, il apparaît
dans le chant des manifestations qui offensent les oreilles. Cela se produit de même en
contrepoint [écrit], quand la basse n’est pas bien chantée ou articulée (pronunciatur),
ou alors si elle l’est avec une mauvaise intonation.

5 Suivent d’autres exemples musicaux :  Élégance sur la chanson Languir me fault (chanson de Claudin
de Sermisy connue aussi avec ce texte : Languir me fais), Duo C’est à grant tort (chanson également de
Sermisy), Fugue à 4 voix à partir d’une seule. Les transcriptions modernes des autres exemples se trouvent
dans : Carol MacClintock, Readings in the History of Music performance, op. cit., p. 33-36.

124
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Chapitre 3

Diego Ortiz,
Trattado de glosas,
Rome, Dorico, 15531

Diego Ortiz2 (Tolède, env. 1510 – Naples ?, env. 1570) est un compositeur et violiste
espagnol établi à Naples dès 1553. De 1556 à 1558, il est maître de la chapelle du
vice-roi de Naples, au service de Fernando Alvarez de Toledo, duc d’Albe et vice-
roi de Naples. En 1565 il reste au service de son successeur, le duc d’Alcalá, le très
conservateur Pedro Afán de Rivera, vice-roi de 1559-1571, auquel il dédie son Musices
liber primus. Un livre de messes qu’il promet dans la préface de cette œuvre n’a jamais
été publié.

Œuvres : Trattado de glosas (Rome, Dorico, 1553), dédié au pape Jules iii3 et publié
également en traduction italienne, Musices liber primus (Venise, Antonio Gardano, 1565).

Première partie

El Primo | Libro | De | Diego | Ortiz | Tolle- | tano | Nel qual si tratta


| delle glose sopra | le cadenze et al- | tre sorte de punti | in la musica del | violone
nuovamen- |te posta in luce.
[Colophon final :] [marque typographique] En Roma por Valerío Dorico, y Luís |
su hermano a x. de Dezemb. | 1553.

Le premier libre de Diego Ortiz de Tolède dans lequel on traite des gloses
sur les cadences et autres sortes de notes dans la musique de la viole nouvellement mis
au jour.
[Colphon final :] [marque typographique] À Rome par Valerío Dorico et Luís son
frère, le 10 décembre 1553.4
1 La même année et chez le même éditeur paraissait une version italienne de l’ouvrage. C’est cette dernière
édition que nous avons décidé de traduire puisqu’elle était alors davantage accessible aux musiciens
italiens. On trouve une traduction française synthétisant les deux versions dans : Diego Ortiz, Œuvres
complètes, Volume 1, Trattado de glosas (Rome, 1553), Jean-Philippe Navarre, trad., Sprimont, Mardaga,
2002.
2 Robert Stevenson, « Ortiz, Diego », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford University
Press, consulté le 4 juin 2014.
3 Il s’agit du fameux Giovanni Maria de’ Ciocchi del Monte, ex-évêque de Palestrina et protecteur de
Giovanni Pierluigi. Le privilège accordé à Ortiz pour son traité, et imprimé à la première page de ce
dernier, émane de Jules iii. C’est à lui que sera également dédié le premier livre de messes de Palestrina
l’année suivante en 1554.
4 Titre de la version italienne. 

Semplice ou passeggiato 125


Aux lecteurs

Comme l’auteur susnommé pense combien la musique fleurit en ces temps, non
seulement celle qui consiste en l’harmonie des voix, mais aussi celle qui comporte des
instruments, voyant aussi que, dans toute leur diversité, on trouve des traités sur les
instruments, dans lesquels les curieux de [ce qui concerne] ladite Musique, peuvent
se prévaloir, en étudiant les bases et les principes (li precetti et ordini) pour jouer ces
instruments, je donne à leur admiration la Viole à archet, qui, étant un instrument
si important et tellement en usage, bien qu’aucun des si nombreux hommes habiles,
exercés sur cet instrument, n’ait encore donné une méthode (principio), où les [gens]
studieux puissent entrevoir une voie ou manière pour s’exercer sur elle [= la viole]. Ne
voulant pas commettre la même faute, il est déterminé (determinossi) à donner quelques
principes à cette étude, en fournissant des conseils (precetti), grâce auxquels chaque
étudiant puisse procéder en bon ordre, et jouer avec raison et non au hasard.
Puisque cet instrument [= la viole à archet] se joue de deux manières, soit en
ensemble de violes (esp. concierto / it. concetto [sic]), soit en faisant contrepoint (esp.
discantando / it. contrapuntando) avec un autre instrument, il [= Diego Ortiz) a divisé
le traité en deux parties. Dans la première, il enseigne la méthode (ordine) à avoir pour
jouer, avec des exemples de toutes les gloses que l’on peut faire dans les cadences, avec
toute sorte et manière de notes qu’on y trouve. Dans la deuxième partie, il enseigne la
manière à avoir lorsqu’on fait contrepoint avec une autre sorte d’instrument, avec les
exemples nécessaires. Ainsi, ceux qui souhaitent s’exercer dans l’une et l’autre partie
auront, sur la viole à archet, quelque principe, qu’ils pourront prendre dans la présente
œuvre, où ils trouveront facilement tout ce qu’on peut désirer.

De la manière à observer pour gloser

Celui qui veut tirer profit de ce livre doit premièrement considérer la propre habi-
leté qu’il a, puis, conformément à celle-ci, choisir les gloses qui conviennent le mieux.
Car même si une glose est bonne, si la main ne parvient pas à la jouer, le résultat (il
sono) ne peut pas paraître bon, et le défaut ne proviendra pas de la glose.
On avertit que ce livre montre la voie dans la manière à avoir pour gloser les notes,
mais la grâce (esp. et it. gratia) et les effets qu’il y a à donner à la main proviennent seuls
de l’instrumentiste qui doit jouer en touchant doucement la note, afin que le son sorte
tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, en y mêlant quelques agréments amortis (esp.
quiebros amortiguados / it. tratti ammortiti) et quelques [passages] posés (esp. algunos
passos /it. alcuni posati) en sorte que la main de l’archet ne donne pas d’à-coups, mais
qu’elle le tire calmement, et que la main gauche (mancha) tienne l’harmonie, surtout
lorsqu’arrivent deux ou trois semiminimes en un trait, dont on ne doit percevoir que la
première, et faire passer les autres sans que la main de l’archet ne frappe, comme je l’ai
dit. Comme on ne peut [pas] montrer cela mieux par la théorie, je le laisse au bon juge-
ment du musicien, et je traiterai des manières de gloser, qui sont [au nombre de] trois.

126
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Manière de gloser sur le livre

La principale et la plus parfaite manière de gloser est, après avoir fait le passage
ou glose sur n’importe quelle note et passé à la suivante, que la dernière note de la
glose doive rester la même que celle qu’on a glosée, comme le montrent les exemples 
suivants :

Ainsi que je l’ai dit, cette manière est la plus parfaite, parce que la glose commence
et finit sur la note glosée elle-même ; et la chute ou la cadence s’y fait comme celle du
chant donné (esp. canto llano / it. canto piano), de sorte qu’il ne peut y survenir en elle
aucune imperfection5.
La deuxième manière prend un peu plus de liberté (licenzia), car, au moment où
l’on change d’une note à l’autre, elle [= cette manière] ne fait pas les enchaînements
(cadenze) comme notes données (punti piani), mais au contraire, comme on le montre
dans ces exemples :

Cette manière est nécessaire car, en prenant cette licence, on fait de très bonnes
choses et d’aimables fioritures (fiorizare), que l’on ne pourrait faire avec la première
manière seule. C’est pourquoi je l’utilise en quelques parties de ce livre, et la faute que
l’on peut lui reprocher est qu’au moment de passer d’une semibrève (esp. et it. quarto
punto) à l’autre, puisqu’il ne se produit pas le même enchaînement (cadenza) que font
les notes que l’on glose, les autres voix peuvent arriver de sorte qu’avec l’une d’elle, il
se fasse deux consonances parfaites successives, ce qui importe peu, car, à cause de la
vitesse, on ne peut les entendre6.
La troisième est de sortir de la composition et d’aller à l’oreille, plus ou moins ,
sans avoir certitude de ce qui se joue. Certains l’utilisent, parce que, possédant un peu
d’habileté, ils veulent en faire la démonstration (essercitare). Ils sortent alors sans but
et sans mesure de la composition, et aboutissent sur quelque cadence ou notes qu’ils
connaissent déjà. C’est une chose réprouvée en musique, car, n’étant pas conforme à
la composition, elle ne peut avoir aucune perfection. Puisque la raison de tout ceci
provient de ce qu’on ne comprend pas la composition, j’ai fait ce travail dans ce livre,
afin que même celui qui ne connaît pas la musique figurée (canto figurato), avec peu
d'effort, joue parfaitement, car on trouvera ici toutes les manières de notes nécessaires
pour gloser sur chaque sorte de cadence, [et] toutes conformes aux règles (ragione) de
la composition.

5 L’emploi des expressions « sur le livre » et « canto llano » ou « piano » indiquent clairement le lien entre les
pratiques instrumentales que décrit Ortiz et l’art du contrepoint vocal improvisé.
6 Diego Ortiz est, avec Hermann Finck, un des seuls auteurs à tolérer les consonances parfaites consécutives
dans la diminution, cf. le glossaire : « Fautes de quintes et d’octaves » et « Licences, tolérées en raison de la
rapidité ».

Semplice ou passeggiato 127


Règle pour gloser une voix, en jouant ou en chantant

Bien que la manière de gloser une voix, en jouant ou en chantant s’apprenne faci-
lement dans ce livre, je veux toutefois dire comment l’on doit faire, car il se pourrait
que certains ne l’aient pas compris. Il faut prendre la note (voce) que l’on veut gloser
et l’écrire de nouveau, et, arrivé [à l’endroit] où l’on veut gloser, recourir au livre et y
retrouver la sorte de notes [désirée], si c’est une cadence, dans les cadences, et, sinon,
dans les autres, puis regarder toutes les variantes (differentie) qui sont écrites sur ces
notes, prendre celle qui paraît la meilleure, et la mettre à la place des notes données.
On fera de cette manière à tous les endroits que l’on veut gloser.
[Les] cadences en G sol ré ut aigu qui arrivent, sur le soprano [de viole], sur la troi-
sième corde, dans la troisième case, se trouvent être les mêmes, sur la contrebasse [de
viole] à l’octave grave, parce que le soprano doit s’accorder à l’octave de la basse, mais
le ténor et le contralto [de viole] à la quinte.
Il faut avertir que, quand dans la cadence donnée (piana), il y aura marqué le dièse,
qui sera [noté] avec le signe X, comme dans la première [cadence], toutes les notes qui
passent, dans le contrepoint, par ces [mêmes] notes, devront être élevées (sostenir), et si,
dans la cadence donnée, il n’y a pas ce signe, il ne faudra faire aucun dièse.

[…]

128
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Cadences en G sol ré ut aigu

Semplice ou passeggiato 129


130
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Déclaration pour faire les dites cadences

Les cadences ou clausules mentionnées se font d’une autre manière, soit lorsqu’on
descend de la septième à l’octave, [les valeurs] sont deux fois plus lentes que les autres,
comme on le verra dans l’exemple ci-après.

Cadences ou clausules en G sol ré ut

[...]

[Déclaration pour faire des cadences au ténor]

Il serait très long et très ennuyeux d’écrire tout ce qui peut se faire de bonne qua-
lité sur les cadences ou autre procédés et diminutions de chaque excellent musicien. Il
m’a semblé bon de réduire ici les diminutions les plus générales et les plus nécessaires,
en les laissant à la diligence d’autrui et au bon jugement de chaque étudiant et profes-
seur avisé de musique. Il me suffit à présent d’avoir montré la voie et d’avoir mis au jour
ces documents, pour celui qui désire y passer plus [de temps] en aidant son talent avec
cette nouvelle œuvre. Et j’avertis ici particulièrement que les cadences suivantes sont
plus usuelles pour le ténor et le contralto plutôt qu’aux autres voix et parties et elles
sont intitulées ainsi dans la table des matières.

Semplice ou passeggiato 131


132
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

[Déclaration pour gloser toutes les notes]

Dans les exemples qui sont placés jusqu’ici, il me paraît avoir mis et inclus tout
ce qui est principal et d’importance majeure, et qui convient le plus aux diminutions
(diminutioni) des cadences. Dans la partie suivante, on traitera de la manière qui doit
servir dans les diminutions des passages (passaggi) ou progressions de notes ascen-
dantes et descendantes. Il n’y aura pas de clefs, car les mêmes passages et progressions
de notes peuvent s’accommoder et se dire dans toutes les suites (termini) et mouve-
ments (segni) de notes.

Semplice ou passeggiato 133


134
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Semplice ou passeggiato 135


136
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Semplice ou passeggiato 137


Seconde partie

De Diego | Ortiz | Toledano | Libro Secondo


[Colophon final :][marque typographique] En Roma por Valerío Dorico, y Luís |
su hermano a x. de Dezemb. | 1553.

De Diego Ortiz de Tolède Livre second


[Colphon final :] [marque typographique] À Rome par Valerío Dorico et Luís
son frère, le 10 décembre 1553.

Déclaration sur les différentes manières


de jouer de la Viole avec le Clavecin ensemble

Dans ce second livre, on traite des diverses manières de jouer avec la Viole et
avec le Clavecin ensemble. Il y a trois manières de jouer. La première est appelée la
fantaisie. La deuxième est sur un chant Donné (esp. sobre canto llano / it. sopra canto
piano). La troisième sur une composition à plusieurs voix. On ne peut pas montrer ici
la fantaisie, car chaque bon instrumentiste la joue selon sa tête, son assiduité (studio)
et [son] usage. Je dirai plutôt ce qu’on requiert pour la jouer. La fantaisie que jouera le
clavecin sera constituée de consonances bien ordonnées, où ensuite on pourra entrer en
jouant de la Viole avec quelques diminutions gracieuses (leggiadri passaggi) et quand la
Viole restera sur des mouvements ou coups d’archets longs (in alcune tirate ouero archate
piane), alors le Clavecin qui lui répondra à propos et ils feront ensemble quelques
belles imitations (fughe), en prêtant attention et respect l’un à l’autre, comme on le
fait habituellement dans les Contrepoints de concert (Contraponti di consierto). Ainsi,
l’un connaîtra l’autre, et, avec la pratique, ils découvriront les très excellents et dignes
secrets contenus dans cette manière de jouer en fantaisie. Des deux autres manières je
ferai mention en leurs lieux convenables et appropriés.
[…]

De la deuxième manière de jouer


la Viole ensemble avec le Clavecin, qui est sur un chant donné

De cette manière de jouer, j’ai composé et écrit ci-dessous six recherches sur le
chant donné qui suit, que l’on doit placer sur le Clavecin [à la hauteur] où il est noté
à la basse (per Contrabasso), en accompagnant les consonances avec quelque contre-
point conforme à la recherche, parmi les six, qui se joue à la Viole. Ainsi, la recherche
réussira bien, car son contrepoint est libre (sciolto). Le lecteur remarquera que, de cette
manière de jouer, se trouveront, à la fin de ce livre, d’autres exemples sur des ténors7.
Je les ai faits pour satisfaire aux différents goûts et désirs des instrumentistes, de sorte
que chacun puisse prendre celui qui lui paraîtra [le] meilleur et [le] plus beau.

7 C’est-à-dire des basses obstinées, telles que les passamezzi, la romanesca, l’aria di ruggiero, entre autres.

138
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Recercata prima

Semplice ou passeggiato 139


[...]

La troisième manière de jouer la Viole avec le Clavecin,


qui sera sur les compositions à plusieurs voix

Il faut prendre d’abord le madrigal, ou [le] motet, ou une autre œuvre que l’on veut
jouer, et ensuite le mettre sur le Clavecin, comme on le porte d’ordinaire. Celui qui joue
de la viole peut, sur une telle composition, jouer, deux [ou] trois, variations (esp. diffe-
rentias / it. varietadi), ou plus. Ici, j’en place quatre sur un madrigal, à titre d’exemple
(per essempi). La première sera sur la même basse (contrabasso) que le madrigal, avec
quelques ajouts et quelques larges diminutions (larghi passaggi). La deuxième [varia-
tion] avec le soprano fleuri et diminué ; cette manière de jouer sera plus agréable et
gracieuse quand on ne joue pas sur le Clavecin ledit soprano. La troisième manière sera
le complément (accompagnamento) de la première, bien qu’elle soit plus difficile à jouer,
car elle requiert une main plus souple. La quatrième sera avec une cinquième voix ou
partie ajoutée, [manière] à laquelle n’est pas contraint l’instrumentiste qui n’a pas une
bonne pratique et habileté à composer.

140
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Recercata prima sur le madrigal O felici occhi miei de Jacques Arcadelt

Semplice ou passeggiato 141


142
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Semplice ou passeggiato 143


144
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553


[Avertissement pour jouer sur des compositions]

Celui qui se destine à cette manière de jouer sera averti de ce qu’elle est diffé-
rente de celle dont on traite dans le présent [premier livre], qui consiste à jouer en
ensemble (consierto) avec quatre ou cinq Violes. Il sera nécessaire, dans celle-là [= nou-
velle manière], pour qu’elle soit bien faite, que le contrepoint y soit toujours conforme
à la voix qui joue. Il faut toujours être assujetti à elle (le deue gir obligato), afin d’éviter
l’erreur, dans laquelle tombera celui qui s’en détournerait et jouerait ce qu’il lui plaît,
laissant le sujet principal, qui est la voix composée. Dans cette [nouvelle] manière, il
n’est pas nécessaire de s’attacher (gir adatto) toujours à une [seule et même] voix, car si
la basse (contrabasso) doit être le sujet principal, on n’en peut pas moins l’abandonner et
jouer sur le ténor, ou l’alto, ou le soprano, comme il semble [le] mieux, en prenant de
chaque partie, ce qui viendra de plus commode. Je dis que la raison en est que, avec le
Clavecin, on joue l’œuvre parfaitement, c’est-à-dire, avec toutes ses voix, et que celui
qui sur la Viole est seul à accompagner et à donner plus de grâce et de charme à ce
que joue le Clavecin, en délectant davantage les auditeurs par le son varié des cordes
(della corda).

[Exemples musicaux : Recherches 1-4 sur O felici occhi miei]



Le même principe (ordine) que j’ai montré dans le précédent madrigal, je [l’]ai
suivi dans cette chanson française, et, pour cela, il ne sera pas nécessaire de déclarer
davantage mon intention, car, par [ces] deux exemples, on pourra voir ce qu’on peut
faire dans tous les autres [cas].

[Exemples musicaux : Doulce memoire à quatre voix de Pierre Regnault dit San-
drin, puis quatre recercadas sur cette chanson]
[…]

[Déclaration sur les ténors]

Pour un plus grand achèvement de cet ouvrage, il m’est paru [bon] de proposer
ici ces recherches [ci-dessous] sur ces ténors8, à propos desquels il faut être averti que,
si on veut les jouer, comme les quatre parties sont notées, [ce sont] les recherches sur
celles-ci qui [sont] le principal but (effetto), pour lequel je les ai faites. Néanmoins, si
on veut jouer le contrepoint sur la basse seule, le contrepoint reste[ra] en perfection,
comme s’il avait été fait sur cette seule partie, et, si par hasard, le Clavecin manquait,
on peut jouer et étudier de cette manière.
[...]

8 La version espagnole précise : « sobre estos Cantos llanos que en Italia comunmente llaman Tenores ».

Semplice ou passeggiato 145


Recercata prima

146
Diego Ortiz, Trattado de glosas, Rome, Dorico, 1553

Semplice ou passeggiato 147


148
Nicola Vicentino, L’Antica musica ridotta alla moderna prattica, Rome, Antonio Barré, 1555

Chapitre 4

Nicola Vicentino,
L’Antica musica ridotta alla moderna prattica,
Rome, Antonio Barré, 15551

Nicola Vicentino2 (Vicence, 1511 – Milan, env. 1576) est compositeur et théoricien.
Après son enfance à Vicence, il étudie à Venise où il est élève d’Adrien Willaert ; puis
il entre au service d’Hercule ii de Ferrare et de sa famille. En 1539, il est à Rome dans
la suite du cardinal Hippolyte ii d’Este, au service duquel il travaille pendant une
vingtaine d’années. En 1551, il s’oppose, dans une célèbre controverse, au chanteur
pontifical et compositeur Vicente Lusitano, soutenant que la musique de leur époque
contient les fameux trois genera de la musique antique (le diatonique, le chromatique
et l’enharmonique). Les deux juges, Ghiselin Dankaerts et Bartolomeo Escobedo,
également chanteurs pontificaux, donnent raison à Lusitano, qui prétend que seul
le genre diatonique est praticable actuellement. En 1555, en prolongement à cette
dispute, Vicentino publie L’Antica musica ridotta alla moderna prattica, qui expose ses
propres recherches, de même que la teneur et la sentence de la controverse. Afin de
rendre possibles les genres chromatique et enharmonique, Vicentino y présente un
instrument de son invention, l’arcicembalo à deux claviers et à 31 touches par octave.
Le traité de Vicentino est divisé en deux parties : la première – Della theorica musicale
– est basée principalement sur Boèce ; la deuxième – Della prattica musicale – comporte
5 livres. Dans le quatrième livre, un manuel de composition, on perçoit bien la pensée
humaniste de l’auteur. Il se termine par les Regole da concertare et l’exposé de la Dif-
ferentia musicale, avuta fra Don Vincentio Lusitanio et io Nicola Vicentino. Les « règles
pour concerter », outre les passages traduits ci-dessous concernant la diminution, sont
un jalon important en direction du style récitatif et contient des comparaisons entre
le chanteur et l’orateur, notamment la nécessité de « muovere la misura », qui agit sur
l’âme de l’auditeur, et celle de chanter par cœur, qui permet d’imiter les « accenti et
effetti delle parti dell’oratione ». De 1563 à 1565, Vicentino est en fonction à la tête de la
chapelle de la cathédrale de Vicence. Dès 1570, on trouve sa trace à Milan où il meurt
peut-être de la peste en 1576.

Œuvres : L’Antica musica ridotta alla moderna prattica (Rome, Antonio Barré,
1555, deuxième édition en 1577) ; cinq livres de madrigaux à 5 voix, dont ne restent
que le premier (Venise, [s. n.], 1546) et le cinquième (Milan, Paolo Gottardo Pontio,
1572) ; quatre livres de motets à 5 voix, dont ne reste que le Quintus du quatrième livre

1 Fac simile : Edward E. Lowinsky, éd., Kassel, Bärenreiter, 1959.


2 Henry W. Kaufmann et Robert L. Kendrick, « Vincentino, Nicola », Grove Music Online. Oxford Music
Online, Oxford, Oxford University Press, consulté le 4 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 149


(Milan, 1571) ; deux madrigaux et deux motets à 6 voix, conservés en manuscrit et
dans des recueils collectifs.

L’Antica musica | ridotta alla moderna | prattica, con la dichia- |


ratione, et con gli essempi | de i tre generi, con le | loro spetie. | Et con
l’inventione di uno | nuovo stromento, nel quale | si contiene tutta la |
perfetta musica, con | molti segreti | musicali. | Nuovamente mess’in luce, |
Dal Reverendo M. Don Nicola Vicentino. | [marque typographique] | In Roma
appresso | Antonio Barré, | m d lv.

La musique antique réduite à la pratique moderne, avec la déclaration


et avec les exemples des trois genres et de leurs espèces. Et avec l’inven-
tion d’un nouvel instrument, dans lequel est contenue toute la musique
parfaite, avec de nombreux secrets musicaux. Nouvellement publié, par le
Révérend M. Don Nicola Vicentino. À Rome chez Antonio Barré, 1555.

Livre quatrième
De la pratique musicale
Chapitre xxxxii
Règle pour concerter en chantant toute sorte de composition

Les compositions sont différentes selon les sujets sur lesquels elles sont élaborées,
et, quelques chanteurs souvent ne s’aperçoivent pas, en chantant, sur quel propos la
pièce est faite. Ils chantent sans considération aucune, toujours selon leur certaine
façon, leur nature et leur habitude. Pourtant les compositions construites sur des sujets
variés et des fantaisies différentes portent en elles diverses manières de composer,
de sorte que le chanteur doit considérer l’esprit du poète-musicien, de même que du
poète italien (volgare) ou latin, imiter avec la voix la composition et utiliser diverses
manières, comme sont les diverses manières de compositions. Quand il utilisera de
telles aptitudes (modi), il sera estimé des auditeurs comme un homme de jugement et
possédant de nombreuses manières de chanter. Il démontrera qu’il est abondamment
pourvu de styles (modi) de chant, par la disposition à la vocalise ou à diminuer, cela en
accompagnant les compositions bien à propos selon les passages (con la dispositione della
gorga, o di diminuire accompagnata con le compositioni, secondo li passaggi, in suo proposito). 
Il y a cependant quelques chanteurs, qui démontrent aux auditeurs leur peu de
jugement et de considération lorsqu’ils chantent. Lorsqu’ils rencontrent un passage
triste, ils le chantent joyeusement et, inversement, quand le passage est joyeux, ils le
chantent tristement. Ceux-ci doivent observer que les diminutions, quand elles sont
faites en lieu et temps appropriés paraissent bonnes.
Celles-ci doivent être utilisées à plus de quatre voix, parce que la diminution fait
toujours perdre beaucoup les consonances, et ajoute beaucoup de dissonances, même
si elle paraît bonne à l’auditeur non connaisseur (prattico) de musique. Comme elle
cause une perte d’harmonie, et dans cette crainte, afin que le chanteur puisse démon-
trer sa belle disposition à diminuer dans les compositions, une telle diminution sera
très bonne si elle est accompagnée d’instruments, lesquels joueront la pièce juste, sans
diminuer et comme elle sera notée. Ainsi on ne perdra pas l’harmonie à cause de la

150
Nicola Vicentino, L’Antica musica ridotta alla moderna prattica, Rome, Antonio Barré, 1555

diminution, puisque l’instrument tiendra les consonances dans les règles (termini). En
revanche, quand l’instrumentiste diminuera la composition et que le chanteur voudra
la diminuer simultanément, le résultat, si tous deux diminuent en ne faisant pas un
même passage ensemble, ne donnera pas un bon accord ; mais, s’ils [se] sont bien
concertés, cela sera agréable à écouter.
Dans les compositions chantées sans instruments, les diminutions seront bonnes,
si elles sont à plus que quatre voix, parce que, aux endroits où il manquera une conso-
nance, une autre partie la rétablira, soit à l’octave, soit à l’unisson, et, l’harmonie ne
sera pas appauvrie. En effet, le chanteur voyage à travers les parties, avec des unissons,
secondes, tierces, quartes, quintes, sixtes ou octaves, touchant tantôt une partie, tantôt
une autre, avec des consonances et des dissonances variées, qui, en raison de la vitesse
du chant semblent bonnes, même si elles ne le sont pas.
Chaque chanteur sera attentif, en chantant des lamentations et autres composi-
tions tristes, à ne faire aucune diminution, parce que ces pièces paraîtront joyeuses,
et, inversement, on ne chantera pas tristement dans les pièces joyeuses, tant italiennes
(volgari) que latines […].

Semplice ou passeggiato 151


Hermann Finck, Practica musica, Wittenberg, Georg Rhau, 1556

Chapitre 5

Hermann Finck,
Practica musica, Wittenberg,
Georg Rhau, 15561

Hermann Finck 2 (Pirna, 1527 – Wittenberg, 1558) est un théoricien, compositeur,


professeur et organiste allemand. Dans sa jeunesse, il fait probablement partie de la
chapelle de Ferdinand ier, roi de Hongrie et Bohême. En 1545, il étudie à l’université
de Wittenberg où il deviendra professeur de musique en 1554. Il est nommé organiste
de la même ville en 1557. Impliqué dans la vie intellectuelle de Wittenberg, un centre
humaniste du luthéranisme, il est soutenu par Mélanchton dont il met en musique les
poèmes. Son traité, Practica musica, tout comme l’ouvrage de Vicentino, reflète une
vision humaniste de la musique. La doctrine des affects y est abordée dès la dédicace :
« Le cerveau, l’esprit et le cœur sont doucement affectés par les consonances des voix
et sont transportés en divers affects, les passions tranquilles et turbulentes, la joie et
la tristesse3. » Dans l’introduction (De l’utilité de la musique : « […] qui gouverne les
affects4 »), la musique est définie comme pilote des sentiments. Le lien avec la rhéto-
rique y est donc important. Le traité est divisé en 5 livres qui traitent des éléments du
plain-chant, la théorie de la musique mensuraliste, les canons, le système modal et les
pratiques d’exécution (dans le 5e livre intitulé De arte eleganter et suaviter cantandi). Le
volume comporte 83 compositions non attribuées dont la majeure partie est écrite par
les musiciens importants de l’époque, en particulier Josquin Desprez.

Œuvres : Practica musica (Wittenberg, 1556) et des motets.


Practica | Musica Hermanni Finckii, | exempla variorum signorum, |
proportionum et canonum, iudi- | cium de tonis, ac quædam de | arte sua-
viter et artifici- | ose cantandi con- | tinens. | [gravure d’un concert] | Vite-
bergæ excusa typis. | Hæredum georgii | rhauu, | anno m. d. lvi.
Musique Pratique d’Hermann Finck, contenant des exemples des divers
signes de proportions et de canons, un jugement sur les tons, et certains
[exemples] sur l’art de chanter élégamment et ingénieusement [gravure d’un
concert]. À Wittenberg, imprimé par les héritiers de Georg Rhau, l’an 1556.
[…]

1 Fac simile : Hildesheim, Olms, 1971 ; traduction anglaise partielle et transcription partielle des premiers
exemples musicaux : Carol MacClintock, éd., Readings in the History of Music performance, op.
cit., p. 61-68.
2 Frank E. Kirby, « Finck, Hermann », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford University
Press, consulté le 4 juin 2014.
3 « Cerebrum, mens, cor, suaviter adficiuntur vocum consonantiis, et ad varios adfectus traduncuntur, ad
placidos et turbulentos motus, ad læticiam et mœsticiam », p. non-numérotée, dédicace recto et verso.
4 « quo ea est gubernatrix affectuum », page non numérotée, fasc. aiii.

Semplice ou passeggiato 153


Livre cinq :
De l’art de chanter élégamment et ingénieusement

Tu ne rempliras également la pièce (cantui) d’aucune clausule étrangère par l’ajout


de coloratures, si tu ne considères pas la chose comme sûre, de crainte qu’il en découle
de la cacophonie, comme le sont les quintes [et] les octaves [parallèles] ou les quartes
nues. Tu ne te permettras pas et ne t’autoriseras pas non plus de vouloir utiliser sans
discernement (promiscue) une clausule que tu as entendue faite par un excellent chan-
teur. Je pourrais ainsi tout autant expliquer ce défaut sur le papier que le mettre sous tes
yeux, tant sont observables, hélas partout, ces manières de chanter, qui transpercent si
hideusement et monstrueusement quotidiennement nos oreilles.
Beaucoup sont du nombre de ceux qui, en autodidactes n’ayant eu aucun professeur,
jouent quasiment d’un instrument (fidibus utcunque canunt) et n’ont aucun scrupule à
recourir au milieu des chanteurs à ces coloratures instrumentales (coloraturis organicis),
qui sont de plus pleines de défauts. Certains d’entre eux déchirent misérablement les
meilleures compositions, comme des chiots des vêtements. L’utilisation des colora-
tures est personnelle, quant à l’habileté, leur nature ou leur spécificité. Chacun pos-
sède sa manière propre. Nombreux sont d’avis qu’il faut diminuer la basse, d’autres le
dessus. Selon moi, les coloratures peuvent et doivent être disséminées (aspergi) dans
toutes les voix, mais pas continuellement (non semper), [et] en des endroits propices.
Toutes les voix ne doivent pas être ornées simultanément, mais, selon la place qui leur
convient (sede convenienti), intervenir chacune à son tour (reliquæ in suis locis), de façon
que chaque colorature puisse être entendue et perçue clairement et distinctement, et
que la composition demeure entière et préservée. Je divise les coloratures en deux caté-
gories, et distingue celles de la gorge de celles de la langue (alias gutturis, alias linguæ).
Les coloratures de la langue sont employées en solmisation sans texte, de façon que
les notes ut, ré, mi, fa, sol, la ne soient pas estropiées à pleine bouche, mais puissent
s’écouler avec une grande douceur et pourtant nettement (lenissime et velut abrupte).
Les coloratures de la gorge sont en usage lorsqu’un texte intervient. Toutefois
quelques-uns produisent des coloratures de la gorge peu différentes des bêlements
d’une chèvre, commettant une erreur peu légère, car aucune suavité, distinction ou
qualité ne peut être distinguée dans ces coloratures, mais on n’y remarque qu’agitation,
et sons informes et monstrueux. La loi et la nature des coloratures exigent en revanche
que toutes les notes formées et émises dans la gorge puissent être perçues distincte-
ment et nettement. Pour cette raison, je proposerai des exemples de presque toutes les
clausules usitées et de la manière de les colorer.
Il faut noter ensuite que, lorsqu’on arrive à la fin de la pièce, personne ne doit
ajouter quelque chose de lui-même – celle-ci restant à liberté des maîtres, qui peuvent
corriger la pièce – (artificibus fit liberum qui cantionem corrigere possunt), de crainte que
la mélodie de la composition ne soit perturbée par de la cacophonie.
On veillera aussi à ce que, la pièce terminée, toutes les voix se taisent en même
temps. La basse peut cependant être prolongée un peu plus longtemps, jusqu’à une
mesure d’une longue (longiuscule protrahi potest ad longæ mensuram), ce qui met parti-
culièrement en valeur les instrumentistes (quod symphoniacos maxime commendat).
Ce qu’ont besoin de faire ceux qui dirigent des chœurs ou des groupes de chan-
teurs et le genre de voix prescrites, je le dirai dans le prochain livre, qui traite de la
recherche et de l’invention des fugues, ainsi que de la composition. On traitera plus

154
Hermann Finck, Practica musica, Wittenberg, Georg Rhau, 1556

clairement et plus abondamment du nombre de voix à utiliser, mais pour le moment


il suffit d’avertir que les coloratures ne se répandent pas sans dommage au sein d’un
chœur, car lorsqu’une partie vocale est attribuée à plusieurs [personnes], il est inévi-
table que des coloratures différentes surviennent, obscurcissant ainsi la suavité et la
nature des sons.
Il [me] reste à présent à transmettre les clausules5, qui sont les plus en usage auprès
des meilleurs musiciens et dont l’usage est particulièrement indispensable. J’[y] ai
ajouté leur vraie nature et propriété (bien que cela paraîtra étrange aux novices et
même aux adultes). Tu pourras utiliser ces clausules selon ton jugement, non seulement
dans les contextes où elles sont écrites, mais très largement, [car] leur usage est ouvert,
par seconde, tierce, [ou] quarte, ascendantes ou descendantes. Tu veilleras vraiment
à ce que tes yeux et ton esprit considèrent les notes mi et fa conformément à leur but,
de crainte que l’une soit employée pour l’autre indifféremment ; car la musique toute
entière dépend de ces deux notes. Je traiterais la chose plus savamment et avec plus
de rapidité, si cela n’était pas, à mon avis, superflu, car celui qui a progressé jusqu’au
point de pouvoir utiliser ces [notions] à bon escient et avec goût, (s’il n’est pas privé de
raison), pourra sans doute atteindre une rapidité plus grande et proche de l’habitude
par un exercice régulier. Je mettrai donc sous vos yeux quelques coloratures de clau-
sules typiques :

5 Ici aussi, il faut remarquer le sens large du terme clausula.

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Hermann Finck, Practica musica, Wittenberg, Georg Rhau, 1556

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Hermann Finck, Practica musica, Wittenberg, Georg Rhau, 1556

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Afin de montrer l’utilisation de ces coloratures (comme on les appelle) dans les
compositions elles-mêmes, je présenterai, comme exemple, un motet accommodé à
cette suavité et euphonie, que quelqu’un peut rechercher, et j’espère simplement que
cet essai (studium) sera agréable à ceux qui le jugeront. Il y aura peut-être quelqu’un,
tel Lyncée6, voulant pourchasser les choses une à une avec un zèle superstitieux et
tout retrancher en taillant dans le vif, qui pourra arracher, dans ces coloratures gref-
fées, quelque chose qu’il blâme ; puisque rien ne peut être dit si adroitement et si à
propos, qu’il ne puisse être raillé. De moi-même, sans l’avertissement de personne je
vois bien cela d’avance, mais je hasarde néanmoins cet [essai] volontairement. En effet,
lorsqu’une colorature s’écoule comme doucement de la bouche et que chaque note est
liée à l’autre sans coupure ni séparation, il n’y a personne qui puisse observer une erreur
(si on en commet une), ou qui puisse la juger suffisamment grave, pour ne pouvoir
la laver d’une eau lustrale. Il ne doit pas non plus sembler étonnant qu’il se produise
quelquefois un heurt dans une quinte ou une octave, car la rapidité extrême répare
facilement la dissonance. Cela arrive néanmoins rarement7 et j’aurais pu le changer,
si j’avais suffisamment jugé ne pas commettre en cela un péché (si c’en est un) en
employant des intervalles à ce point fautifs, qu’il était impossible de les exprimer par la
langue humaine, aussi volubile soit-elle. Je suis certain que les aimables lecteurs rece-
vront favorablement ces [exemples] ou les amélioreront (hæc qua dexteritate accepturos
aut meliora tradituros).

6 Lyncée était le pilote du navire des Argonautes ; ses yeux pouvaient traverser les murailles et traverser les
nuages noirs, cf. l’expression « yeux de lynx ».
7 On est cependant surpris du nombre très élevé de fautes de contrepoint dans ce motet.

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Hermann Finck, Practica musica, Wittenberg, Georg Rhau, 1556

Hermann Finck, Te maneat semper

Semplice ou passeggiato 161


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Hermann Finck, Practica musica, Wittenberg, Georg Rhau, 1556

Semplice ou passeggiato 163


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Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere, libri due, Naples, Raymundo Amato, 1562

Chapitre 6

Giovanni Camillo Maffei,


Delle lettere, libri due,
Naples, Raymundo Amato, 15621

Giovanni Camillo Maffei2 (Solofra, près de Salerno, début du xvie siècle – actif
entre 1562 et 1573), médecin, philosophe, chanteur et luthiste, a vécu à Naples au ser-
vice du comte d’Altavilla. Ses deux livres contiennent trois lettres de correspondants
adressées à Maffei lui-même ainsi que quarante-quatre lettres de Maffei à des nobles
napolitains. La première (Discorso della voce e del modo d’apparare di cantar di Garganta),
de 74 pages, est la plus importante.

Giovanni Camillo | Maffei da Solofra. | Libri due. | Dove tra gli altri bel-
lissimi pensieri di filosofia, | e di medicina, v’è un discorso della voce | e del modo,
d’apparare di cantar di | garganta, senza maestro, non | più veduto, n’istam- | pato.
| Raccolte per don Valerio de Paoli | da Limosano. | [cul-de-lampe] | In Napoli |
Appresso Raymundo Amato. Anno Domini. 1562.

Giovanni Camillo Maffei de Solofra. Deux livres. Où parmi d’autres très


belles pensées sur la mhilosophie, et la Médecine, on a un discours sur la voix et la
manière d’apprendre à chanter de [la] gorge, sans maître, jamais plus vu, ni réimprimé.
Recueillies pour Don Valerio de Paoli da Limosano. À Naples, Chez Raymundo
Amato. Anno Domini 1562.

Des lettres du seigneur Giovanni Camillo Maffei


Livre premier
À l’Illustrissime Seigneur le comte d’Altavilla

[…]
J’en viens maintenant devant Votre Seigneurie aux règles à tenir concernant le
chant avec vocalises (cantar di gorga).

1 Traduction anglaise et transcription moderne des exemples musicaux dans : Carol MacClintock, éd.,
Readings in the History of Music performance, op. cit., p. 37-61 ; introduction au texte italien et transcription
des exemples musicaux dans : Nanie Bridgman, « Giovanni Camillo Maffei et sa lettre sur le chant »,
Revue de musicologie, t. xxxviii, no 113, 1956, p. 3-34.
2 Nanie Bridgman, « Giovanni Camillo Maffei... », op. cit., p. 3-10.

Semplice ou passeggiato 165


Que la première règle pour celui qui veut embrasser cette vertu soit de fuir, comme
ennemi capital, l’affectation3. Etant de plus grande laideur en musique que dans les
autres sciences, la musique doit la cultiver avec d’autant moins d’ostentation. Il me faut
surtout y ajouter une autre raison, qui est l’expérience-même, comme nous le voyons
chaque jour, puisque beaucoup, sachant chanter quatre pauvres notes avec un peu de
grâce (gratia) pendant qu’ils chantent, s’enorgueillissent tellement que les circons-
tances les tournent en ridicule. Après avoir chanté, ils ne s’en promènent pas moins
par la ville avec l’attitude de ceux qui ont chanté avec des vocalises et sont si hautains
et prétentieux qu’ils sont plutôt évités que respectés de tous. Qu’on fuie donc la com-
plaisance envers soi-même, sans faire entendre qu’on fasse ou veuille faire profession
de cela [chanter avec vocalises] !
La deuxième règle est que l’heure pour s’exercer soit le matin, ou quatre ou cinq
heures après avoir mangé, parce que, pendant la période où l’estomac est plein, le
canal de la gorge ne peut être aussi propre (forbito) et net que le demande la production
d’une voix claire et sereine, laquelle, plus que toute chose est nécessaire au chant avec
vocalises (cantar di gorga).
[…]
La quatrième règle est qu’aucune partie du corps ne fasse quelque mouvement,
excepté le larynx (la detta cartilagine cimbalare), parce que, s’ils nous semblent laids
ceux qui, en faisant des vocalises, hochent la tête, tremblent des lèvres, bougent les
mains ou les pieds, nous devons nous persuader que, si nous faisions la même chose,
nous paraîtrions également laids aux autres. Parmi eux, nous en voyons beaucoup qui,
soit pour éviter un peu de fatigue au commencement, soit parce qu’ils ne se sont pas
avisés du défaut, ne peuvent en aucune façon rester fermes quand ils chantent. Qu’on
soit averti de cela !
[…]
La neuvième est de converser avec ceux qui avec beaucoup de grâce (leggiadria)
chantent avec vocalises, parce que le fait d’écouter laisse dans la mémoire une certaine
image et idée qui apporte une aide non négligeable.
La dixième est de devoir faire cet exercice à de très nombreuses reprises, au
contraire de certains qui, n’atteignant pas leur but en une ou deux fois, abandonnent
subitement et se plaignent de ce que la Nature ne leur a pas donné l’aptitude et la
disposition requises. En lui attribuant ce qu’on doit attribuer à leur paresse, ils font,
à mon jugement, grande erreur. Je suis tout à fait certain que l’élève attentif à sa voix
grâce à l’Écho, avisé de ses expressions grâce au miroir, aidé par un exercice assidu et
également en écoutant ceux qui chantent avec grâce, acquerra une disposition telle,
qu’il pourra facilement appliquer des diminutions dans toute sorte de madrigaux et de
motets.
Mais puisque ces règles nécessitent quelques exemples en notes, grâce auxquels on
puisse, en diminuant, acquérir peu à peu la disposition à la vocalise, j’ai fait imprimer
pour cette raison les notes ci-dessous et j’ai réduit à un très bref inventaire (ordine) les
règles mentionnées.
[…]

3 Reprise presque textuelle de : Baldassare Castiglione, Il Libro del cortegiano (édition moderne : Giulio
Carnazzi, éd., Milan, BUR, 2006 ; traduction française : Le Livre du courtisan, Alain Pons, trad., Paris,
Flammarion, 1991) ; cf. le glossaire : « Affectation chez le courtisan et le musicien ».

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Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere, libri due, Naples, Raymundo Amato, 1562

[Exemples musicaux : diminution par degrés sur quintes ascendante


et descendante, puis par degrés sur octave ascendante et ascendante4.]
Ces notes ont été composées de façon à offrir un début facile à cette entreprise. Il
me faut encore dire que l’on ne doit en aucune façon passer d’une diminution à l’autre
sans avoir bien compris et bien appris la première. Je dois également préciser que, si je
n’ai pas placé de clef à ces exemples, je l’ai fait, afin qu’on puisse commencer sur chaque
nom de note (c’est-à-dire ut, ré mi, fa, sol, la), en montant comme en descendant, dans
un interligne comme sur une ligne.
À toutes ces remarques, j’ajoute cette autre ; bien que la quinte et l’octave, dans
lesquelles toutes les diminutions sont comprises, soient ainsi variées, on n’en peut pas
moins les mélanger entre elles, en prenant le début ou le milieu d’une diminution avec
la fin d’une autre, et vice-versa.
J’ai présenté d’abord les notes en valeurs simples (le note dirette), puis les notes
redoublées, sans dire encore à quel endroit et sur quelle syllabe du madrigal on doit
faire la diminution, parce que, jusqu’ici, je ne décris rien d’autre que la manière d’ac-
quérir la disposition et l’aptitude à la vocalise. Cependant, l’élève se sentirait peu ou
pas satisfait si, après avoir acquis la disposition à la diminution avec zèle (industria)
et selon la méthode (ordine) décrite, il ne savait pas appliquer les diminutions à un
madrigal ou à une autre pièce qu’il chanterait. Pour cette raison, après avoir présenté
ce madrigal, je parlerai des nombreuses règles nécessaires à ce propos.

[Madrigal Lasciare il velo]5


Je sais également que ce madrigal est ancien, mais j’ai voulu le présenter seulement
comme exemple, afin que le bon chanteur observe, dans n’importe quelle pièce qu’il se
prépare à chanter, les directives (ordini) et règles que l’on peut observer. Afin qu’elles
puissent être comprises plus clairement, voici comment je peux les décrire6.
La première règle est de ne pas faire de diminutions en d’autres endroits que dans
les cadences, parce que, comme elles ponctuent l’harmonie dans leur conclusion,
on peut s’amuser (scherzare) de manière très plaisante (con molta piacevolezza) sans
perturber les autres partenaires (compagni). Cela n’empêche pas, qu’avant d’atteindre
la cadence, on ne puisse passer d’une note à l’autre avec quelque grâce ou fioriture
(vaghezza o fiorito), comme çà et là on peut l’observer dans le madrigal imprimé ci-
dessus, en des endroits où on peut l’admettre et où cela paraît approprié.
La deuxième règle est que, dans un madrigal, on ne fasse pas plus de quatre ou
cinq diminutions, afin que l’oreille, goûtant la douceur de par sa rareté, soit toujours
plus désireuse d’écouter. Cela n’arriverait pas, si on chantait en diminuant continuelle-
ment. Les diminutions en effet, de plaisantes, deviendraient ennuyeuses, si l’oreille en
était remplie à satiété. Nous avons ce fait tous les jours devant les yeux, car beaucoup,
sans observer les demi-tons et les bémols, ni la nature des paroles, ne visent à rien
d’autre qu’à diminuer, en se persuadant que l’oreille s’habitue de cette manière ; d’où,
devenant fastidieux, ils sont blâmés de tout le monde.

4 Transcription moderne dans : Carol MacClintock, éd., Readings in the History of Music performance, op.
cit., p. 46-47 ; ainsi que dans : Nanie Bridgman, « Giovanni Camillo Maffei... », op. cit., p. 20-21.
5 Lasciare il velo de Francesco de Layolle [dell’Aiolle, dell’Aiuola, dell’Ajolle, dell’Aiolli, etc.], transcription
moderne dans : Carol MacClintock, éd., Readings in the History of Music performance, op. cit., p. 48-52 ;
ou dans : Nanie Bridgman, « Giovanni Camillo Maffei... », op. cit, p. 22-27.
6 On comparera ces fameuses règles avec celle de Ludovico Zacconi et d’Aurelio Virgiliano sur la diminution
en groupe ; cf. le glossaire, rubriques « Compagnia et concerto » et « Règles et conseils ».

Semplice ou passeggiato 167


La troisième règle est de devoir faire la diminution sur l’avant-dernière syllabe du
mot, afin qu’avec la fin du mot se termine aussi la diminution.
La quatrième est de faire plus volontiers la diminution sur la parole ou la syllabe
portant le son « o » que sur les autres. Pour que cette règle soit mieux comprise, je
l’explique. Les voyelles (comme chacun sait) sont au nombre de cinq ; l’une d’elles, le
« u » donne un son effroyable pour l’oreille. De ce fait en diminuant sur elle, on semble
représenter un loup qui hurle. Pour cela je ne peux que m’étonner de ceux qui font
une diminution sur la première syllabe du madrigal qui commence [par les paroles]
« Ultimi miei sospiri »7. Je ne peux (je le redis) que m’en étonner, parce qu’on ne doit en
aucune façon entrer en diminuant et, de plus, parce que cette voyelle augmente encore
[le sentiment de] frayeur et l’ombre du son. Une autre [voyelle], le « i », si on lui place
une diminution, évoque un petit animal qui s’en va en gémissant d’avoir perdu sa mère.
On ne peut cependant concéder qu’au soprano, qu’il est moins laid de diminuer sur
le « i » qu’aux autres voix. On peut employer les autres voyelles restantes sans scrupule
(sempolo [ ?]). Toutefois, si on les compare, je dirais que le « o » est la meilleure, parce
qu’elle rend la voix plus ronde et que le souffle ne s’unit pas aussi bien avec les autres
[voyelles]. De ce fait, on forme [avec elles] des diminutions, qui ressemblent au rire.
Je n’impose cependant pas cette règle et m’en remets au bon jugement du chanteur.
La cinquième règle est, lorsqu’on se retrouve à quatre ou cinq de concert, tandis
qu’on chante, que l’un laisse place à l’autre. Si deux ou trois, en effet, diminuaient en
même temps, ils rendraient l’harmonie confuse. En ce qui concerne ces règles, on voit
un exemple manifeste dans le madrigal présenté ci-dessus.
Je pense jusqu’ici avoir accompli ce que V. S. m’a commandé. À présent que tous
les musiciens, après avoir obéi à mes recommandations, sauront former les diminutions
par eux-mêmes, je voudrais, ci-dessous, pour leur satisfaction et la mienne, en montrer
quelques-unes, qui réussissent avec quelque grâce dans le chant. Pour cela, j’observerai
l’ordre suivant : d’abord je placerai les cadences, ensuite les diminutions – je dirais les
plus belles, parce que, si on voulait présenter toutes celles avec lesquelles on peut varier
une cadence, je remplirais la page, plutôt de diminution à jouer qu’à chanter – et enfin
Vago augelletto diminué sur son air.

[Suivent des cadences8 et le soprano diminué du madrigal Vago augelletto9.]

7 Madrigal à 6 voix de Philippe Verdelot.


8 La première cadence de Giovanni Camillo Maffei est la même que la première donnée par Diego Ortiz,
également actif à Naples.
9 Autre pièce de Francesco de Layolle ; transcription moderne dans : Carol MacClintock, éd., Readings
in the History of Music performance, op. cit., p.  53-59 ; ou dans Nanie Bridgman, « Giovanni Camillo
Maffei... », op. cit, p. 29-33.

168
Giovanni Camillo Maffei, Delle lettere, libri due, Naples, Raymundo Amato, 1562

Je sais bien que très certainement de nombreux envieux jugeront ma nouvelle


invention, non seulement vaine mais encore édifiée sur le faux. Vaine, diront-ils, parce
que diminuer vient de la Nature, fausse, parce que, lorsqu’on fait des diminutions, on
commet de nombreuses fautes. À cela je réponds qu’il est bien vrai que la disposition
à la vocalise provient de la Nature, mais que sans mes règles apprendre la manière
de diminuer peut paraître chose impossible. Si la nature, en effet, donne l’aptitude,
l’art en étend la manière, sans laquelle on ne ferait rien de bon. Je dirais même que la
Nature, en tant que mère libéralissime, a donné à tous la capacité de mener à bien cette
entreprise (je ne parle pas de quelque bègue infortuné et abâtardi, lequel n’a pas été
digne de ce don). Cependant s’ils [= les envieux] ne veulent pas travailler et s’efforcer
autant qu’il est nécessaire, ils font injure à eux-mêmes et se montrent indignes d’une
telle faculté (virtù).
De ce que c’est la vérité, je voudrais que ces envieux en fassent l’expérience et suis
certain que s’ils faisaient l’effort nécessaire à mes recommandations, ils atteindraient
ce qu’ils blâment en raison de leur paresse ; à moins qu’ils ne soient si prétérités d’être
venus au monde pour rien d’autre que de dire du mal.
Je réponds encore brièvement qu’il est bien vrai qu’en diminuant on fait quelque
erreur, mais que la diminution, du fait de sa rapidité et de sa douceur, couvre ce défaut,
de façon que, ni âpreté, ni faute ne transparaissent. Je ne saurais donc que conseiller
à ces envieux de se taire et d’apprendre, parce que, en conclusion, la vraie manière de
chanter noblement (cantar cavaleresco) et de plaire à l’oreille est le chant en vocalises
(cantar di gorga).
De cet avis sont encore Messieurs Giovanni Domenico da Nola, Giovanni Antonio
Filodo, Stefano Lanno, Rocco [Rodio] et finalement Giovanni Tomasso Cimello, qui,
outre qu’ils pourraient réinventer la musique si elle avait été perdue, font profession
de modestie, de bonté, de talent et de toute autre qualité, qui appartient à un esprit
angélique et divin. Voilà et que qui ne le sait pas l’apprenne !

Semplice ou passeggiato 169


Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584

Chapitre 7

Girolamo Dalla Casa,


Il vero modo di diminuir,
Venise, Angelo Gardano, 15841

Girolamo Dalla Casa2 [Girolamo da Udine, da Udene] (Udine, env. 1530 – Venise,
1601), cornettiste3 et compositeur, est probablement formé à la musique au sein des
réputés piffari municipaux d’Udine. De 1554 à 1566, avec ses deux frères, Giovanni
(aussi cornettiste) et Nicolò (tromboniste), il est en poste à Munich à la cour d’Albert v
(lieu d’excellence musicale, grâce à la présence, entre autres, de musiciens tels Roland
de Lassus ou Andrea Gabrieli). En 1566, les frères Dalla Casa quittent leur service
pour Prague. Ils sont de retour en Italie en 1567. On sait que les Dalla Casa sont
membres des « pifferi » du doge en 1568 et forment le premier ensemble instrumental
attaché à Saint-Marc de Venise. Le groupe s’élargit et Girolamo est nommé « Capo de’
concerti delli stromenti di fiato della Illustrissima Signoria di Venetia ». En 1585, Giro-
lamo participe aux manifestations de l’inauguration du Teatro Olimpico de Vicence. En
plus de sa charge à Saint-Marc et auprès du doge, l’ensemble de vents de la seigneurie
vénitienne joue également pour les scuole de Saint-Marc et de la Charité (1588). En
1589, à la suite de problèmes de santé, Girolamo est déplacé à la scuola de Saint-Jean
Évangéliste. Le 23 août 1601, Girolamo meurt à Venise.

Œuvres : Il Vero modo di diminuir, livres I et II, (Venise, 1584, dédiés au comte
Mario Bevilacqua), Il Primo libro de madrigali a cinque et a sei voci, insieme un dialogo
a otto (Venise, 1574, dédié à Ferdinand, deuxième fils d’Albert V), Il Secondo libro de
madrigali a cinque voci con i passaggi, (Venise, 1590), Il Primo libro de motetti, (6 voix)
(Venise, 1597).

1 Fac simile : Bologne, Forni, 1996 ; traduction anglaise : Jesse Rosenberg, « Il vero modo di diminuir »,
Historic Brass Society Journal, vol. 1, 1989, p. 109-114.
2 Franco Colussi, David Bryant et Elena Quaranta, éd, Girolamo Dalla Casa detto da Udene e l’ambiente
musicale veneziano, Udine, Spocietà filologica friulana, 2000, p.  12-13 ; Denis Arnold et Andrea
Maricalis, « Dalla Casa, Girolamo », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford
University Press, consulté le 10 juin 2014.
3 Dalla Casa était considéré comme l’un des grands maîtres de son instrument : « Et a moderni tempi son
celebrati per ottimi suonatori di diversi instromenti […] : nel cornetto Hieronimo da Udine, e Ascanio
[Trombetti] da Bologna » (Tomaso Garzoni, La Piazza universale di tutte le professioni del mondo, Venise,
Giovanni Battista Somasco, 1589, 2e éd., p. 440). Artusi dit de lui : « Quando pero il sonatore ha qualche
eccellenza, come havea il Cavaliero del Cornetto, ne’ buoni tempi ; et Maestro Girolamo da Udine nella
Città di Venetia, insieme con tanti altri che in questa nostra Italia sono fioriti. » (Giovanni Maria Artusi,
L’Artusi, overo velle imperfettioni della moderna musica, Venise, Giacomo Vincenti, 1600, fol. 4v-6r ; fac
simile : Bologna, Forni, 2000). Par ailleurs, celui-ci reprend presque textuellement les préceptes de
Girolamo Dalla Casa concernant l’articulation et le jeu du cornet (ibid.).

Semplice ou passeggiato 171


Première partie

Il vero modo | di diminuir, con tutte | le sorti di stromenti | Di fiato, e


corda, e di voce humana. | Di Girolamo Dalla Casa | detto da Udene | Capo
de concerti delli stromenti di fiato, | della Illustrissima Signoria di Venetia. | libro
primo. | al molto illustre | Signor Conte Mario Bevilacqua. | [cul-de-lampe] |
con privileggio. | [marque typographique] | In Venetia appresso Angelo Gardano
| m d lxxxiiii.

La vraie manière de diminuer avec toutes les sortes d’instruments à


vent, [à] cordes, et avec la voix humaine. De Girolamo Dalla Casa dit d’Udine
chef des concerts des instruments à vent, de l’Illustrissime Seigneurie de Venise. livre
premier. au très illustre Monsieur le Comte Mario Bevilacqua. [cul-de-lampe]
avec privilège. [marque typographique] À Venise chez Angelo Gardano 1584.

Aux lecteurs

J’ai décidé il y a longtemps déjà de prendre la plume et de montrer la vraie manière


de diminuer, au profit de chaque personne qui en éprouve plaisir. Ayant écrit ces deux
livres de diminutions, j’ai voulu les donner à l’impression, afin que chacun puisse s’en
servir pour tous les instruments, à vent et à clavier, ainsi que pour toutes sortes de
violes.
Dans le premier livre, on traite des coups de langue (lingue) et de la diminution
simple (diminuir semplice) en croches, sur la semibrève et la minime, en commençant
par degré conjoint (à nota per nota), puis par tierce, quarte, quinte, sixte, septième
et octave. On suivra avec la diminution (minuta) en doubles-croches sur les mêmes
exemples. On aura ensuite les exemples de tremolo gropizato sur la semibrève et sur la
minime. On terminera enfin avec les groppi battuti sur les notes semblables, lesquels
on adoptera dans les cadences.
Suivront quelques madrigaux à quatre voix de Cipriano [de Rore], en simples
croches, avec l’exemple [du passage original] avant la diminution, pour [le] présenter
note par note, afin que l’on puisse s’en servir en d’autres endroits. Ces madrigaux
pourront être joués en ensemble (in compagnia).
Suivront encore d’autres madrigaux à 4 du même auteur, en doubles-croches, selon
le même principe que les premiers.
On verra ensuite des passages (passi) et des cadences, tirés de divers madrigaux
et chansons françaises. Dans ces extraits (passi), on démontrera la diminution, en
croches et en doubles-coches sur chaque passage (passo).
Suivront ensuite les doubles-croches et les sextolets de doubles-croches
(treplicate) , qui sont 24 par battue, sur les passages et cadences. Après cela, suivra

172
Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584

un autre exemple sur les passages et cadences, en sextolets et triples-croches (qua-


druplicate) , qui sont 32 par battue. Ensuite suivront les triples-croches seules, qui
sont 32 par battue, sur les passages et cadences.
On traitera enfin de la diminution mixte, avec les quatre figures ensemble, c’est-à-
dire croches, doubles-croches, sextolets et triples-croches, sur passages et cadences de
divers madrigaux et chansons françaises.
Je me suis beaucoup étonné, et, de toute façon, il me reste [toujours] une grande
stupéfaction à l’esprit, de ce que tant d’excellents musiciens, qui ont écrit [des diminu-
tions], n’ont jamais traité que de la croche et de la double-croche, mais pas des deux
autres figures : les sextolets, 24 par battue, et les triples-croches, 32 par battue. Elles
sont [pourtant] si nécessaires dans la diminution, qu’on ne peut faire sans elles, car la
diminution mixte, c’est-à-dire avec les quatre figures (croche, double-croche, sextolet
et triple-croche), est la vraie diminution.

Des trois coups de langue principaux

Comme le coup de langue renversé (lingua riversa) est le principal des trois coups
de langue, nous le mettrons en premier lieu, car il a, plus que les autres, la ressem-
blance avec la vocalise (gorgia). On le nomme donc « langue de vocalise » (lingua di
gorgia). Ce coup de langue est très rapide et difficile à refréner. Son articulation est au
palais (lo batter suo è al palato) et on le prononce de trois façons : Ler, ler, ler, ler ; Der,
ler ; Ter, ler, ter, ler.
[…]

Du cornet à bouquin

Parmi les instruments à vent, le plus excellent est le cornet à bouquin, en ce qu’il
imite la voix humaine plus que les autres instruments. On jouera de cet instrument
doucement et fort, ainsi que dans toutes sortes de ton[s], comme le fait la voix.
[…]
Le coup de langue ne sera, ni trop mort, ni trop articulé (battuta), mais devra être
semblable à la vocalise (gorgia). Dans la diminution, [il faudra] faire peu de substance
(robba), mais de la bonne. Que chacun s’efforce ainsi à [avoir] une bonne sonorité,
une belle articulation (lingua), une belle [maîtrise de la] diminution et à imiter la voix
humaine le plus qu’il soit possible.
[…]

Semplice ou passeggiato 173


Exemple de tremoli groppizati des trois sortes de figures par degrés de semibrèves

[20] Exemple de tremoli groppizati de minimes

[21] Exemple du groppo battuto de semibrèves

[22] Exemple du groppo battuto de minimes

Seconde partie

Il vero modo | di diminuir, con tutte | le sorti di stromenti | Di fiato, e


corda, e di voce humana. | Di Girolamo Dalla Casa | detto da Udene | Capo
de concerti delli stromenti di fiato, | della Illustrissima Signoria di Venetia. | libro
secondo. | al molto illustre | Signor Conte Mario Bevilacqua. | [cul-de-lampe] |
con privileggio. | [marque typographique] | In Venetia appresso Angelo Gardano.
| m d lxxxiiii.

La vraie manière de diminuer avec toutes les sortes d’instruments à


vent, et [à] cordes, et avec la voix humaine. De Girolamo Dalla Casa dit d’Udine
Chef des concerts des instruments à vent, de l’Illustrissime Seigneurie de Venise.
livre second. au très illustre Monsieur le Comte Mario Bevilacqua. [cul-de-
lampe] avec privilège. [marque typographique] À Venise chez Angelo Gardano.
1584.

Aux lecteurs

Dans le Second Livre, on traite de la diminution courante sur divers chansons


françaises et madrigaux, pour toutes les sortes d’instruments. Chacun dans la profes-
sion pourra ainsi s’exercer et les [= les diminutions] utiliser en compagnie des instru-
ments à vent, à clavier et aussi à cordes ; avec les violes de gambe et avec les viole da
brazzo. Vous trouverez sur toutes les chansons la diminution mixte des quatre figures

174
Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584

– croche, double-croche, sextolet et triple-croche –, dont j’ai parlé dans le Premier


Livre. En cela, je crois que celui qui a le désir d’apprendre en tirera quelque fruit, sur
toutes les sortes d’instruments, parce qu’en vérité j’ai fait ce petit effort pour être utile
aux autres.

De l’exécution de la diminution en mesure

J’affirme que c’est chose difficile que d’exécuter la diminution en mesure (à tempo),
et [pourtant], que c’est [de] la plus grande importance pour chacun faisant profes-
sion de diminuer sur toutes les sortes d’instruments. Que chacun prenne donc garde,
lorsqu’il étudie, à battre la mesure, à ne jamais étudier sans cette discipline (ordine) et à
s’habituer à la battue. En procédant autrement, on ne ferait pas [un] exercice profitable
(cosa buona). S’agissant des quatre figures, [il faut] que la double-croche (comme on le
sait), soit [précisément] portée au double de la croche, [donc] de huit à seize [notes] ;
que les sextolets soient portés de seize à vingt-quatre, ce qui est un tiers de plus que
la double-croche ; enfin que les triples-croches soient également portées [à] une fois
de plus, à savoir de vingt-quatre à trente-deux [notes]. Chacun veillera à se conformer
au tempo et à battre [en mesure] la diminution note pour note, [cela] tant pour les
instrumentistes à vent, que pour ceux qui jouent des instruments à clavier, et de ne
pas courir sur elle [=la diminution], comme [le] font beaucoup, qui jouent des instru-
ments à vent, en courant avec la langue morte, sans articuler la diminution avec la
langue (battere la lingua con la minuta), en vue d’une plus grande facilité et parce qu’ils
ne peuvent refréner leur langue, comme [c’est le cas avec] le coup de langue renversé
(lingua roversa), qui est difficile à refréner. Que chacun batte donc la mesure note pour
note et exécute les quatre figures, chacune selon sa durée (con il suo tempo), s’il désire
faire bon profit !

De la viola bastarda

J’ai encore voulu accomplir ce petit effort de diminuer quelques chansons et madri-
gaux à quatre voix, pour [les] jouer à la viola bastarda. Dans cette profession, on joue en
touchant toutes les parties, ainsi que le savent les [musiciens] intelligents, qui en font
profession. Pour la compréhension de ceux qui veulent s’exercer dans ladite profession,
j’ai diminué deux pièces (canti) entièrement en croches. Afin que l’on puisse voir com-
ment fonctionne ce mode de jeu, et, après [ces pièces], vous aurez les doubles-croches
et les deux autres figures. Chacun pourra ainsi s’exercer et apprendre cette façon de
jouer. À la fin, j’ai diminué deux autres pièces, l’une toute en sextolets, et l’autre en
triples-croches, pour présenter un exemple à quiconque se plaît à cette [manière, dans
laquelle] les autres n’ont pas écrit. Elle est pourtant si nécessaire dans la diminution,
qu’on ne peut pas faire aussi peu qu’eux, car la diminution mixte, employant les quatre
figures, est la vraie diminution. Sur cela je ne m’étendrai plus, par brièveté, puisque
j’en ai parlé suffisamment, mais je traiterai un peu de la voix humaine.

Semplice ou passeggiato 175


De la voix humaine

Voyant que beaucoup d’aimables esprits auraient à cœur d’être dirigés, pour
faire quelques diminutions en vocalises (con la gorgia), j’ai donc voulu faire encore le
petit effort de diminuer quelques madrigaux et [de les] présenter à tous ceux qui en
éprouvent plaisir, au moyen des exemples avec diminutions. Ils pourront ainsi voir que
faire et s’en servir en d’autres endroits. J’ai diminué le soprano, car c’est la partie la plus
fréquente dans la diminution, et, de plus, pour ceux qui se plaisent au chant au luth.
J’ai voulu enfin donner [également] satisfaction à ceux qui chantent les autres parties.
Vous aurez donc, diminuée, A la dolc’ombra de Cipriano4, la Canzone entière, avec ces
quatre parties diminuées, pour la commodité de chacun.

4 Madrigal en 6 sections de Cipriano de Rore, sur l’ensemble des stances du chant 302 de Pétrarque.

176
Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584

Girolamo Dalla Casa, A la dolce ombra, Canzona de Cipriano [de Rore] a 4.


Toutes les quatres parties diminuées.

Semplice ou passeggiato 177


178
Girolamo Dalla Casa, Il vero modo di diminuir, Venise, Angelo Gardano, 1584

Semplice ou passeggiato 179


Giovanni Bassano, Ricercate, passaggi et cadentie per potersi essercitar nel diminuir, Venise,
Giacomo Vincenti et Riccardo Amadino, 1585

Chapitre 8

Giovanni Bassano, Ricercate, passaggi et


cadentie per potersi essercitar nel diminuir, Venise,
Giacomo Vincenti et Riccardo Amadino, 15851

Giovanni Bassano2 [Bassan, Bassani, Zuan(n)e da Bassan] (Venise [?], 1560/1561 –


Venise 1617), instrumentiste à vent, est chanteur et compositeur. Il est probablement le
Zanetto mentionné en 1572 comme enfant de chœur à Saint-Marc. En 1576, il appar-
tient au groupe des six pifferi du doge. Il est appointé professeur de chant en 1583 au
séminaire de Saint-Marc. Il est recruté en 1586 par les frères augustins de Saint-Sté-
phane pour procurer les instrumentistes nécessaire à l’église du monastère. Il succède
en 1601 à Dalla Casa comme capo de’ concerti, directeur de l’ensemble instrumental de la
basilique, un poste qu’il conservera jusqu’à sa mort. Bassano est, en outre, mentionné
régulièrement comme directeur des ensembles instrumentaux, engagé pour les célé-
brations importantes des diverses paroisses et églises de Venise.

Œuvres : Fantasie a tre voci per cantar e sonar (Venise, 1585), Ricercate, passaggi et
cadentie per potersi essercitar nel diminuir (Venise, 1585, réédition en 1598), Canzonette,
4 voix (Venise, 1587), Motetti, madrigali et canzoni francese (Venise, 1591), Motetti per
concerti ecclesiastici, (5-8, 12 voix, Venise, 1598), Concerti ecclesiastici, libro secondo, (5-8,
12 voix, Venise, 1599), Il Fiore dei capricci per sonar (4 voix, Venise, 1588), Madrigali
et canzonette per potersi cantare con il basso e soprano nel liuto e instrumento da penna,
con passaggi a ciascuna parte. Libro primo (Venise, 1602), nombreuses œuvres dans des
recueils collectifs, en particulier hors d’Italie, et notamment celui de Thomas Morley :
Canzonets or Little Short Songs to Foure Voyces : Selected out of the best and approved Italian
authors (Londres, 1597).

Ricercate | passaggi et | cadentie. | Per potersi essercitar nel diminuir ter-


minatamente con ogni sorte | d’istrumento : et anco diversi passagi per | la semplice
voce. | Di Giovanni Bassano | Musico dell’Illustrissima Signoria di Venetia, |
novamente composte, e date in luce. | [cul-de-lampe] | con privileggio. | [marque
typographique] | In Venetia | Appresso Giacomo Vincenzi, e Ricciardo Amadino,
compagni. | m d lxxxv.

Recherches, diminutions et cadences, Pour pouvoir s’exercer à diminuer à


la perfection sur toutes sortes d’instruments : et également diverses diminutions pour

1 Édition moderne : Richard Erig, éd., Zurich, Pelikan, 1977.


2 David Lasocki, Denis Arnold et Fabio Ferraccioli, « Bassano, Giovanni », Grove Music Online. Oxford
Music Online, Oxford, Oxford University Press, consulté le 10 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 181


la simple voix. De Giovanni Bassano, Musicien de l’Illustrissime Seigneurie de
Venise, nouvellement composées, et publiés. [cul-de-lampe] avec privilège. [marque
typographique] À Venise Chez Giacomo Vincenzi et Ricciardo Amadino, 1585.

Aux lecteurs, Giovanni Bassano

Désireux, autant que je le peux, d’être utile aux Musiciens virtuoses qui, avec la
simple voix ou avec les instruments, ou de l’une ou l’autre façon, se plaisent à dimi-
nuer, j’ai voulu leur faire part de mes efforts. Grâce à ces derniers et guidés par mes
quelques ricercari3, ils verront comment on peut s’exercer aux diminutions, avec n’im-
porte quel instrument à vent et avec la Viole. J’ai diminué ensuite divers motifs (moti)
ou passages (passaggi) et des cadences, dont ils pourront se servir ainsi, selon les règles
(termini) que je leur décris, de même que de la façon qui leur paraîtra la meilleure, en
proportionnant la valeur de la diminution à la note entière qu’ils voudront diminuer,
de la manière qu’il leur semblera la plus commode. [Ils pourront aussi procéder] en
diminuant selon ce principe (ordine) également n’importe quelle composition, presque
entièrement, comme je l’ai démontré avec l’exemple d’un madrigal 4 à la fin de cet
ouvrage. S’ils me sont redevables de beaucoup d’autres efforts, [en raison] des plus
importants que j’ai faits concernant les diminutions, lesquels leur sont épargnés grâce
à cet ouvrage, je n’ai néanmoins pas voulu refuser aux débutants cette facilité, afin
que chacun sache que, de même qu’il m’a toujours été cher (et cela m’est plus cher que
jamais) de recevoir les fruits des doctes compositions d’autres [musiciens], ainsi il me
plaît grandement de faciliter, autant que je le peux, le chemin à ceux qui se plaisent à
apprendre.
Vous comprendrez cette note dans mon ouvrage comme une triple-croche,
c’est-à-dire [valant] trente-deux notes pour la valeur d’une semibrève.

3 On notera le terme de ricercari, à comparer avec les recercadas ou ricercate (recherches) d’Ortiz et d’autres
auteurs, non dans le sens habituel du genre musical polyphonique mais dans celui d’exercices ; cet aspect
constitue la particularité didactique du petit ouvrage de Bassano.
4 Signor mio caro de Cipriano de Rore, présenté en deux versions.

182
Giovanni Bassano, Motetti, madrigali et canzoni francese, Venise, Giacomo Vincenti, 1591

Chapitre 9

Giovanni Bassano,
Motetti, madrigali et canzoni francese,
Venise, Giacomo Vincenti, 15911

La contribution pédagogique de Bassano dans le domaine de la diminution doit


également s’étendre à sa monumentale édition d’élaborations ornées d’œuvres célèbres
d’autres musiciens, parue en 1591, qui, bien que dépourvue d’explications ou de décou-
page didactique, constitue néanmoins une suite au traité de 1585. Pour cette raison, il
semble indispensable d’en faire figurer ici l’avertissement aux lecteurs.

Motetti, madrigali | et canzoni | francese, | Di diversi eccellentissimi


authori | a quattro, cinque, e sei voci. | diminuiti per sonar con ogni sorte | di
stromenti, et anco per cantar con semplice voce | Da Giovanni Bassano | musico
della Serenissima | Signoria di Venetia. | Novamente dati in luce. | [proba-
blement marque typographique et privilège] | In Venetia, | Appresso Giacomo
Vincenti. | m. d. xci.

Motets, madrigaux et chansons françaises de divers très excellents auteurs


à quatre, cinq et six voix, diminués pour jouer sur toutes sortes d’instruments,
et aussi pour chanter avec la simple voix. De Giovanni Bassano Musicien de la
Sérénissime Seigneurie de Venise. Nouvellement publiés. [probablement marque
typographique et privilège], À Venise, Chez Giacomo Vincenti. 1591.

Giovanni Bassano, aux lecteurs

Mon nouvel ouvrage, qui a consisté à diminuer des compositions musicales (non
à autre fin de gloire), [a été] fait sinon pour plaire à ceux à qui, grâce à une étude plus
facile, pourraient en avoir quelque utilité ; j’ai divisé toutefois cette œuvre en trois
parties, à quatre, cinq, et six voix, en avertissant que les motets ou madrigaux dimi-
nués avec des paroles ne serviront pas seulement pour la simple voix en vocalises (per
la semplice voce di gorgia), mais ils pourront aussi servir pour quelque instrument qu’il
plaise, comme le seront ceux diminués sans paroles. On trouvera quelques madrigaux

1 L’unique exemplaire répertorié a disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Par chance, une copie
manuscrite en avait été effectuée par Friedrich Chrysander en 1890 (D-Hs [mb/2488]). La table des
matières est citée dans : Claudio Sartori, Bibliografia della musica strumentale italiana, op. cit., vol. 2,
p. 26-27 ; et dans : Howard Mayer Brown, Instrumental Music Printed Before 1600, op. cit., p. 366-367.

Semplice ou passeggiato 183


à quatre, cinq et six voix, diminués seulement à la basse ; mais quelquefois laissant
[de côté] la basse, on chante le ténor, bien que cela soit chantable par une seule voix.
En prenant soin de toujours faire jouer la basse de ces pièces comme fondamentale
de cette Musique, ces pièces diminuées de cette manière pourront servir en ensemble
(in concerto), en ne chantant que cette seule voix parmi les instruments (fra altri istru-
menti), ou [en la chantant] seulement [avec] un instrument à plumes, la basse étant
jouée avec la seule simple voix. Certains motets, diminués au soprano et à la basse,
lorsqu’on chante ces deux parties ensemble, se donnent la réplique (se danno loco) en
diminutions. Profitez-en volontiers du cœur (animo) sincère avec lequel que je vous le
[= cet ouvrage] tends et, pendant que je m’en vais préparer mes nouveaux ouvrages,
conservez-moi le vôtre [= le cœur] : et vivez heureux.

184
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Chapitre 10

Lodovico Zacconi,
Prattica musica,
Venise, Girolamo Polo, 15921

Lodovico Zacconi2 (Pesaro, 1555 – Fiorenzuola di Focara, 1627) est un théoricien de


la musique et un chanteur (peut-être falsettiste, en tout cas ténor). En 1568, il est novice
augustinien et l’on sait qu’il apprend le plain-chant. Il est sous-diacre en 1573 et prend
des leçons d’orgue. Ordonné prêtre en 1575, on le trouve à Ancone en 1577, chanteur
des difficiles madrigaux de Guglielmo Intrico, le prieur du couvent. Il apprend à jouer
des balli au clavecin, au luth et à la viole. Dès 1577, il est installé au couvent augusti-
nien Saint-Stéphane de Venise où il suit des études littéraires, apprend à chanter des
ornements et prend des cours de contrepoint chez Andrea Gabrieli. Zacconi réussi
l’audition de chanteur à Saint-Marc en 1584 mais n’est pas engagé. Il rencontre Gio-
seffo Zarlino, puis étudie la théologie à Padoue. En 1585, il est chanteur de l’archiduc
Charles d’Autriche à Graz  et en 1590 chanteur au service du duc Guillaume  v de
Bavière sous la direction de Lassus. Dès 1596, Zacconi est prêcheur en Italie et en
Crète, puis prieur à Pesaro. En 1612, il prend sa retraite mais demeure à Pesaro. Prat-
tica musica est un traité complet de l’art du chanteur polyphonique. La première partie
(1592) détaille notamment les ornements indispensables à la musique écrite du vivant
de Palestrina (accenti et gorgie). La seconde (1622) aborde essentiellement le contrepoint
improvisé.

Œuvres : Prattica musica (Venise, 1592), Prattica musica, parte seconda (Venise,
1622), Vita con le cose avvenute (I-PESo ms [563], autobiographie avec liste des œuvres),
Canoni musicali proprii e di diversi autori (I-PESo ms [559]).

Prattica | di musica | utile et necessaria si al composi- | tore per com-


porre i canti suoi regolatamente, si anco al | cantore per assicurarsi in tutte le cose
cantabili. | divisa in quattro libri. | ne i quali si tratta delle can- | tilene
ordinarie, de tempi de prolationi, de proportioni, de tuo- | ni, et della convenienza
de tutti gli istrumenti musicali. | s’insegna a cantar tutte le compositioni |
antiche, si dichiara tutta la Messa del Palest[r]ina titolo Lomè Armè [sic], | con altre
cose d’importanza e dilettevole. | Ultimamente s’insegna il modo di fiorir una parte

1 Fac simile : Bologne, Forni, 1983. Une traduction allemande partielle figure dans : Friedrich Chrysander,
« Ludovico Zacconi als Lehrer des Kunstgesangs », Vierteljahrsschrift für Musikwissenschaft, vol. 7, 1891,
p. 337-396, vol. 9, 1893, p. 249-310, vol. 10, 1894, p. 531-567. Nous utilisons ici la seconde édition, parue à
Venise, chez Bartolomeo Carampello en 1596.
2 Gerhard Singer, « Zacconi, Lodovico », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford
University Press, consulté le 10 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 185


con vaghi e moderni accenti. | composta dal R everendo Padre Fr a Lodovico
Zacconi | da Pesaro, del Ordine di Santo Agostino, | Musico del Serenissimo Duca
di Baviera, etc. | con privilegio. | [marque typographique] | In Venetia, m d xcvi.
| Appresso Bartolomeo Carampello.

Pratique de [la] musique utile et nécessaire tant au compositeur pour


composer ses œuvres selon les règles, qu’au chanteur pour chanter avec assurance
toutes les pièces chantables. divisée en quatre livres. dans lesquels on traite
des cantilènes ordinaires, des temps[,] des prolations, des proportions, des tons, et de
la convenance à tous les instruments musicaux. on [y] enseigne à chanter toutes
les compositions anciennes, on [y] explique toute la Messe de Palest[r]ina intitulée
L’Homme Armé, avec d’autres choses importantes et plaisantes. Enfin on enseigne la
manière de fleurir une partie avec des accents beaux et modernes. composée par le
révérend père frère Lodovico Zacconi de Pesaro, de l’ordre de Saint-Augustin,
Musicien du Sérénissime Duc de Bavière, etc. avec privilège. [marque typogra-
phique] À Venise, 1596. Chez Bartolomeo Carampello.

Livre i
De quelle manière on peut chanter les notes
de musique avec grâce
Chapitre lxiii

Dans toutes les actions humaines, de quelque sorte qu’elles soient, ou par qui
qu’elles soient accomplies, on recherche grâce et [belle] attitude. Je ne dis pas grâce
pour entendre cette grâce qu’ont les particuliers devant les rois et les empereurs, mais
celle qu’ont les hommes quand, en accomplissant une action, ils démontrent le faire
sans effort. À l’aisance, ils ajoutent les charmes (vaghezze) et la délicatesse (garbo).
En cela, on reconnaît la différence qu’il y a à observer à cheval un chevalier, un
capitaine ou alors un paysan (zappa terra) ou un rustre (facchino) ; avec quelle élégance
(leggiadria) un porte-drapeau expérimenté tient en main, déploie ou manie l’étendard.
[…]
[Ce sujet] n’est donc pas hors de propos, puisque le chanteur se retrouve parfois
parmi des gens divers et doit faire la démonstration publique d’agir avec grâce (fare una
publica attione di mostrarli come le si facciano con gratia). Il ne suffit pas, en effet, d’être
correct et modéré en tous les gestes que l’on pourrait rendre laids, mais il faut recher-
cher à accompagner ses faits et ses actions de délicatesse (garbo) et d’élégance (leggia-
dria). Il ajoute de la grâce à ses actes, le chanteur qui, en plus des conseils donnés au
chapitre précédent, accompagne les notes avec des accents charmants (vaghi accenti)3.
Qu’il soit averti en premier de prononcer les paroles simplement, intelligiblement
et clairement, afin que chacun puisse facilement le comprendre, et de ne pas en retenir
la moitié entre ses dents, car il n’est pas de si belle chose que d’entendre de la musique,
pour autant qu’on en perçoive les paroles !
[…]

3 Voir les citations de Castiglione ; cf. aussi le glossaire, rubriques « Accento » et « Grâce par les tremoli et
accenti ».

186
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Les compositions ne cheminent pas toujours par degré conjoint, mais contiennent
parfois des intervalles de tierce, de quarte, de quinte, d’octave, etc. Ainsi, il sera bien,
pour se concilier des auditeurs bienveillants de s’efforcer à donner quelque charmant
agrément (vago accento) aux notes. En effet, le compositeur qui les écrit n’est attentif
à rien d’autre qu’à ordonner ces notes selon la convenance des règles de l’harmonie
(dell’harmonice dipositioni). En revanche le chanteur, dans leur exécution, est obligé
de les accompagner de la voix 4, et de les faire résonner selon la nature et la propriété
des paroles. Il doit donc savoir que certaines notes s’accompagnent de quelques accenti,
causés par certains retards et soutiens de la voix (alcune rittardanze e sustentamenti di
voce), qui se font en enlevant une petite partie d’une note et en l’attribuant à une autre.
Pour commencer à faire comprendre de quelle manière les rendre charmantes (se
invaghiscono), je dis que, quand on a émis une note et que la suivante est distante
d’une tierce, on doit s’attarder quelque peu sur la première (ce retard ne devant pas
excéder une semiminime). On doit alors non seulement enlever cette semiminime de
la seconde note et l’attribuer à l’autre [= la première note], mais encore, en traînant et
en montant à la suivante, on doit faire sentir discrètement (fuggendo) au milieu comme
une double-croche, [cela] en prenant garde à ne pas faire un agrément (vaghezza)
semblable ailleurs que sur ré-fa, mi-sol, fa-la, sol-fa, surtout sur les tierces, comme on
le voit.

On a placé une croche pointée et une double-croche, afin que les chanteurs voient
comment on monte. Comme ces agréments sont presque naturels, certains les exé-
cutent si lentement et tardivement que, par cet alanguissement, ils provoquent un effet
étrange et ne donnent aucunement une bonne satisfaction à l’oreille. Ce sont [là] des
observations que l’on peut difficilement faire comprendre et démontrer par écrit. Il
est donc nécessaire que le chanteur avisé et diligent se les approprie de façon que ses
oreilles lui démontrent s’il les exécute bien ou mal.
Comme ce mode de chant est plaisant et doux et que la douceur, bien qu’amie de
la nature, rassasie et suscite souvent nausée et ennui, il n’est pas louable de les [= ces
agréments] utiliser constamment, de crainte de causer dégoût et insatisfaction aux
auditeurs.
Cet agrément peut pareillement être utilisé sur la seconde, c’est-à-dire sur les
figures ascendantes et descendantes par degré [conjoint], en effectuant le même motif
(passo), mais sur mi et ut, comme si on descendait fa-mi et ré-ut. [Cela se fait], pre-
mièrement parce que sa nature (= de l’intervalle ?) est de ne pas avoir de douceur,
deuxièmement parce qu’on ne peut avoir d’appui si on n’a pas en-dessous de soi une
autre figure qui suit. En effet toutes les notes s’appuient sur lui (= ce motif), puisqu’il
les régit, les soutient et les maintient, comme on le voit.

4 Sur l’ornementation vue comme une obligation pour le chanteur, voir : Luigi Zenobi, The Perfect Musician,
op. cit., § 13, à propos du soprano.

Semplice ou passeggiato 187


Lorsqu’on exécute la quarte et la quinte, on a besoin d’adopter un autre style, parce
qu’on devrait corriger par un saut la double-croche qui court au milieu de cette tierce.
Comme ce saut est difficile pour la voix humaine et manque de douceur, la croche
pointée et la double-croche se prononcent toujours sur [la hauteur de] la première note,
en prenant garde d’enlever toujours à la seconde [note] la quantité que l’on voit et, de
la prononcer sur la première note, de telle manière de n’avoir, du début à la fin, pas
plus de durée qu’il y en aurait par nature. [Il faut donc] exécuter ces agréments bien
au milieu avec la voix, sans les faire résonner entre les notes. Pour qu’on voie comment
procéder avec de tels ornements (vaghezze), on présente l’exemple ci-dessous.

Chacun pourra ainsi s’en accommoder et s’en rendre maître. Puisque, comme je
l’ai dit, ces procédés sont difficilement compréhensibles sans l’exemple de la voix, je
laisserai [de côté] de nombreuses observations sur cette question. Je dirai seulement
ceci : de même que, si nous trouvons sur notre chemin de l’or, de l’argent ou un autre
bien précieux, heureux nous nous plions volontiers pour le ramasser, de même, si le
chanteur entend ces agréments [chantés] par quelqu’un – je ne dis pas les vocalises
(gorgie) et ces diminutions (passaggi) que nous ne pouvons pas saisir comme cela à la
première [audition] – [il] doit chercher, autant qu’il le peut, à les imiter, afin que le
plaisir qu’il prend [à l’écoute] des autres, il le rende également lui-même.
En cela, un chanteur doit être averti que, lorsqu’on chante quelques sortes de
fugues ou autres fantaisies, de crainte de rompre et de gâter ces beaux agencements
d’imitations, de ne retarder aucune note, mais de les chanter égales, selon ce qu’elles
vaudraient sans aucun ornement (adornamento), afin que ces fugues gardent leur rôle
(abbino suo dovere).
Il y a également des notes qui, de par les paroles, n’ont besoin d’aucun accento, mais
[de conserver] leur force naturelle et vivante, comme lorsqu’on doit chanter : « Intonuit
de Celo Dominus », « Clamavit », « Fuor fuori Cavaglieri uscite », « All’arme, all’arme » et
beaucoup d’autres choses que le chanteur raisonnable et sensé doit discerner. D’autres
[paroles] en revanche demandent d’elles-mêmes les agréments (vaghezze) et les char-
mants (vaghi) accenti, comme si on a à dire : « dolorem meum », « misericordia mea »,
« affanni e morte », qui, sans qu’elles soient indiquées aux chanteurs, les renseignent sur
la manière de les chanter.
On a encore usage de briser certaines figures avec quelque [une] vivacité et
[une] force, qui font un excellent effet. Pour en donner connaissance, on présente les
exemples suivants :

188
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Grâce à ces quelques [exemples] parmi beaucoup d’autres, on en aura [des] indica-
tions et [des] éclaircissements, car j’aurais suffisamment à faire si je voulais les rassem-
bler tous dans un épilogue. Il n’y a pas à s’étonner si je me suis efforcé, autant qu’on
peut le voir, à présenter des exemples de ces choses que la nature elle-même enseigne et
offre, paraissant dans ce cas vouloir faire comme celui qui, pour montrer aux ignorants
qu’il sait quelque chose, met aux mains des savants l’Abcd. Cependant, d’avoir vu cer-
tains élèves sortir des écoles modernes sans ces agréments et accenti, je me suis résolu
à mettre sur papier ces quelques considérations, qui demeurent [utiles] pour ceux qui
n’ont aucune délicatesse (garbo) ou aucune bonne manière (buona maniera) de chanter.
On notera que ces derniers accenti ci-dessus ne se présentent pas tels quels dans la
notation, mais ils correspondent seulement aux possibilités vocales d’agrémenter les
notes (non si pongano perché così in scrittura possino stare: ma solamente per quello che si
concede alla voce per accentuar le figure).
Je dirai ici pour terminer que les maîtres doivent être avertis, en enseignant les
accenti et agréments, de modérer l’élève, de crainte qu’il les exécute trop souvent, voire
toujours. En effet, comme le trop doux gâte les mets précieux et délicats, ainsi trop
de douceurs et de délicatesses (dolcezze e vaghezze) mises ensemble provoquent ennui
et nausée. Ce n’est pas tellement parce qu’elles apportent trop de dissonances dans la
musique, mais seulement parce qu’elles rehaussent [trop] la douceur des consonances.
[…]

Semplice ou passeggiato 189


Quel style observer dans l’exécution de la vocalise
(gorgia) et de l’usage des diminutions (passaggi) modernes.
Chapitre lxvi

[…]
Pour ne pas m’étendre sur des sujets peu à propos, je laisserai de côté les embel-
lissements particuliers apportés aux opérations de l’art et de la nature, mais je dirai
seulement que la Musique a toujours été belle et que chaque heure, par la diligence et
le zèle qu’y apportent les chanteurs, elle s’embellit encore. Elle ne se renouvelle pas,
ou ne se change pas, au moyen des notes, qui y sont toujours d’une [même] sorte, mais
par les ornements et les agréments (le gratie, e gl’accenti), [qui] la font paraître toujours
plus belle.
Les ornements (vaghezze) et les agréments (accenti) se font en brisant et rompant
les notes, chaque fois que, dans une mesure (tatto), ou une demi[-mesure], on ajoute
une quantité de notes qui ont nature d’être plus rapidement exécutées. Ils donnent tant
de plaisir et de délectation, qu’on dirait entendre un grand nombre d’oiseaux dressés,
qui, de leur chant, nous ravissent le cœur et nous font demeurer tout émus. Ceux
qui ont une telle promptitude et faculté d’exécuter en mesure une grande quantité de
notes articulées avec cette vélocité, ont rendu et rendent les mélodies si charmantes,
que celui qui, à présent, ne les chante pas comme eux donne peu de satisfaction aux
auditeurs et est peu estimé des chanteurs.
Cette façon de chanter, [avec] ces ornements (vaghezze), est appelée communé-
ment par le vulgaire vocalise. Elle n’est autre qu’un agrégat et une collection de nom-
breuses croches et doubles-croches rassemblées sous n’importe quelle petite partie de
battue. Elle est de telle nature, qu’en raison de la vélocité à laquelle sont réduites tant
de notes,on l’apprend mieux en l’écoutant que par des exemples [écrits], car, dans les
exemples, on ne peut représenter la mesure et la battue, avec lesquelles elles doivent
être exécutées, sans défaut.
Elle [= la vocalise] consiste [donc] plus dans la battue et la mesure que dans le [fait
de] courir rapidement, parce que, si on arrive [trop] tôt ou [trop] tard à la fin fixée,
toute cette entreprise ne vaut rien de bon.
Deux conditions sont nécessaires à qui veut faire cette profession : poitrine et
gorge ; poitrine pour pouvoir mener à son juste terme une telle quantité et un si grand
nombre de notes, gorge pour pouvoir les exécuter habilement. Beaucoup, en effet,
n’ayant ni respiration ni souffle, doivent interrompre leur dessein, après quatre ou six
notes ou en plein milieu, et, si toutefois ils finissent, sont si occupés par l’obligation de
prendre leur souffle qu’ils ne peuvent être en mesure où cela est nécessaire. D’autres,
par défaut de la gorge, n’articulent (non spiccano) pas fortement les notes, c’est-à-dire,
ne les prononcent pas assez bien pour qu’elles puissent être reconnues comme [étant]
une vocalise (si bene che per gorgia conosciuta sia).
Certains l’(= la gorgia) ont facilement : ce sont ceux à qui la nature l’enseigne et
l’offre. D’autres l’ont après des efforts : ce sont ceux qui en ont fait l’acquisition grâce
à un grand travail. Les premiers seront plus charmants (vaghi) et plairont plus que les
seconds, mais ceux à qui la nature l'offre [= la gorgia] et l'art [= le travail] l'adapte [à
leurs possibilités] seront plus heureux que tous les autres dans la profession. Dans tout
art particulier, celui qui s’y consacre entièrement peut en faire une large acquisition,
mais dans cette profession, celui qui fait des efforts, il en fait de si durs en vain, si

190
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

toutefois la nature ne l’aide pas quelque peu. Nous voyons, il est vrai, expressément que
celui envers qui la nature a été bienveillante et libérale, pour peu qu’il sache chanter,
prend la place du premier chanteur, qui court à travers les cercles honorables, parce
qu’elle (= la gorgia) est l’une des qualités au-dessus de toutes les autres excellences
du chanteur. Comme chacun écoute volontiers ces ornements, [le chanteur] prendra
garde, de crainte de faire rire les gens à ses dépens, de se corriger de tous les défauts
ci-dessus5, de toutes les choses abominables énumérées plus haut, car, si une mauvaise
habitude ne sied jamais à un chanteur, elle sied encore moins au chanteur qui fait des
vocalises ; cela, du fait qu’il est le plus observé et le plus admiré par les auditeurs, en
tant que celui qui plaît le plus, puisqu’il chante bien et avec des manières charmantes.
Que celui qui veut faire de la vocalise soit averti de la faire aussi bien que possible
ou de la laisser de côté, s’il ne peut la faire parfaitement, parce qu’il n’y a pas de chose
qui ait plus besoin de juste terminaison et de parfaite mesure que celle-ci. En effet,
chaque petit défaut ou manquement, qu’on y distingue ou remarque, gâte et ruine ce
qu’il y a de beau en soi. Cette privation de plaisir et de satisfaction, non seulement
écœure et étouffe, mais encore ennuie et offense. Ainsi, quand, par devoir ou par
raison, on veut conserver son honneur, il ne faut pas tendre la main, si on ne le fait pas
avec grâce et correctement, ou alors on se fait railler et ridiculiser.
Chaque fois que le chanteur veut éprouver si les vocalises apprises, dites commu-
nément diminutions (passaggi), réussissent, qu’il essaie d’abord quand il chante avec
d’autres « en compagnie »6 et que ceux qui n’ont personne dans leur partie essaient
quand toutes les voix offrent une harmonie pleine. C’est en s’exerçant ainsi qu’on
pourra parfois se faire entendre. Comme celui qui ferait comme je dis admettrait être
juge de lui-même – et l’homme se jugeant lui-même se trompant souvent, si ce n’est
toujours, – afin d’avoir un avis sincère et juste, il est bien de rechercher, auprès des amis
fidèles, si ce qu’on fait procure du plaisir et sonne bien. Beaucoup, en effet, croient en
(= des passaggi) faire et en font si peu que ce n’est presque rien.
J’ai aussi vu certains, en faisant trembler la voix et bouger la tête, croire en faire
et n’en font pas et, en s’efforçant de faire mieux, faire pire [encore]. Les auditeurs
les écouteraient plus volontiers s’ils chantaient les pièces comme auparavant [= sans
diminutions] que si affreusement. C’est pourquoi je dis que faire juger par d’autres et
écouter volontiers l’avis d’autrui évite à l’homme des difficultés et lui épargne beau-
coup d’abus et d’erreurs.
La plus belle et parfaite chose à rechercher dans la vocalise est la battue et la
mesure, qui orne et assaisonne tout ce groupe et agrégat de notes. Celui qui les guide
ou les mène hors de cette mesure et battue perd à la fin, sans aucune reconnaissance,
tout ce qu’il sème de beau avec elle. C’est donc la chose la plus difficile qui soit dans la
vocalise et elle demande plus de diligence et d’étude que la volonté de réduire tant de
notes ensemble. Le chanteur qui, grâce à peu de vocalises faites en mesure, s’éloigne
peu, sera d’avantage loué que celui qui s’éloigne beaucoup, mais arrive trop tard et
hors de la mesure. Ceux qui écoutent et entendent donnent d’infinies louanges à celui
qui fait peu mais bien et, en l’observant toujours attendent le meilleur. Il est donc pré-
férable qu’ils [= les auditeurs] s’en aillent satisfaits de peu de bonnes choses, [plutôt]
qu’ils repartent [remplis] de dégoût et d’ennui, du fait de l’abondance de mauvaises
5 Zacconi fait ici allusion à son chapitre lxi : Chi e quale debba essere il cantore (Lodovico Zacconi, Prattica
di musica, op. cit., p. 53v-54r).
6 Zacconi entend clairement ici un ensemble constitué de plusieurs chanteurs par voix.

Semplice ou passeggiato 191


choses. Que celui qui se lance dans cette entreprise prenne garde à bien la faire et à
l’exécuter bien en mesure, de façon à contenter et à satisfaire chacun !
Qu’on considère comme la première règle7, au début de n’importe quelle pièce,
lorsque les autres se taisent, de ne pas commencer avec une vocalise ! De même, immé-
diatement après le début, alors que les autres ne chantent pas, de se faire entendre avec
certains ornements (vaghezze). On dit en effet d’habitude que l’aigu plaît par l’oppo-
sition du grave et qu’une voix seule ne procure pas autant de plaisir que toutes, mais
bien, que beaucoup de voix ensemble rendent une douce et suave harmonie. Pour cette
raison, on voit que le contrepoint dans le grave ou dans l’aigu, sans l’autre partie, ne
plaît pas, car c’est la partie opposée qui le rend plaisant. Ainsi, la douceur de la vocalise
naît de cet agréable et succinct mouvement que font les parties, tandis que l’une d’elles
se meut plus rapidement.
Les commencements, s’ils ne sont pas habituels et par mouvement conjoint
(sequenti), doivent être exécutés avec les agréments simples et purs (con gl’accenti semplici
e schietti), pour mieux entendre entrer les parties. Une chose, en effet, est plus chère si
on l’attend moins, et d’autant plus, si elle survient à l’improviste. Pour mieux expliquer
combien il est inconvenant de commencer à chanter une partie avec vocalise quand
les autres voix se taisent, je dis que chacun est capable de vocaliser (gorgheggiare) en
chantant seul, mais que les hommes ne prendront pas tout le plaisir qu’ils prendraient
à ces vocalises, si elles étaient accompagnées des autres voix. Elles ont néanmoins ceci,
qu’elles ne dissonent avec personne ; mais la beauté et la difficulté consistent à donner
du plaisir à autrui, sans laideur et dissonance. Le joueur, dans n’importe quel domaine,
n’est pas loué de jouer seul, mais de bien jouer et vivre en étant accompagné.
De plus, le chanteur qui s’encombre de vocalises avant l’entrée de chanteurs
inconnus de lui, non seulement est digne de réprimande parce qu’il s’efforce de faire
croire qu’il sait quelque chose, mais encore accomplit une action qui apporte honte et
déshonneur. En effet, si, où il se trouve, se rencontre quelqu’un de meilleur que lui,
au milieu de ses tentatives, ce dernier peut entrer avec une nouvelle manière et lui
enlever ainsi tout ce qu’il avait gagné jusqu’alors. Ils agissent donc bien et sagement,
ceux qui, dans les cercles où l’on chante, lorsqu’ils doivent chanter, ne révèlent jamais
au premier trait ce qu’ils sont, mais, avec prudence et art, avancent peu à peu, en écou-
tant les autres, pour entendre ce qu’ils font, puisqu’en tout lieu et en tout temps on
peut apprendre. Qu’on écoute donc un peu et, après avoir écouté, que l’on commence
progressivement à [re]sortir avec ses ornements et ainsi, en éveillant les auditeurs à un
nouveau plaisir, on s’acquerra une renommée immortelle.
En outre, le chanteur veillera, à la fin de n’importe quelle pièce, de ne pas faire ce
que font beaucoup [de gens] peu avisés et peu expérimentés dans cette profession, à
savoir [exécuter] une si grande abondance d’ornements, pour montrer toutes les choses
à la fin, alors qu’ils ont laissé tout le milieu vide et sec. Les enfants courent, en effet,
sans vrai danger et difficulté sur une poutre droite, quand elle gît par terre et s’étend
sur le sol libre, parce qu’ils voient la terre en-dessous toute proche et savent que, s’ils
tombent, ils ne pourront pas se faire mal. En revanche, quand cette poutre est élevée
en l’air et que, de l’extrémité, ils voient les dangers et les risques de tomber facile-
ment, non seulement ils s’inquiètent et craignent de cheminer sur elle, mais même les
hommes faits redoutent et appréhendent la menace d’une mauvaise chute. Ainsi, celui

7 Cf. le glossaire, rubrique « Compagnia et concerto ». 

192
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

qui exécute des vocalises, ne doit pas uniquement montrer sa valeur à la fin, mais au
milieu également il doit, avec audace, montrer un cœur courageux.
Ils sont pareillement répréhensibles, ceux qui, en cette même fin, ne se rassasient
jamais de vocaliser et obligent tous leurs partenaires à attendre en terminant leurs
chants. Si cela est bien, on le laisse juger à toute personne qui ait quelque jugement. Il
est, bien [sûr], licite parfois de courir à la fin et d’orner (vaghare), quand on a aussi orné
et couru au milieu [de la pièce] ; autrement on n’y est pas autorisé, et, ceux qui le font
sont dignes d’un grand blâme, car, incapables de faire une bonne chose, ils dérangent
ceux qui en sont capables.
Il ne faut pas non plus mettre de côté les défauts de ceux qui, ayant la vocalise
aisée (fatta amica), veulent faire sur chaque note un petit quelque chose et, de ce fait,
même si elle [= la formule] est bonne, ils gâtent les syllabes et les paroles. Pour leur
éviter beaucoup d’erreurs, outre les autres règles, je veux leur donner l’avertissement
de se garder de faire des diminutions sur les semiminimes, surtout lorsqu’elles sont
accompagnées de syllabes, car la nature de leur rapidité ne leur permet pas une longue
diminution (diminutione) et ne supporte pas d’ornementation (rottura), excepté sur ces
occasions et d’autres similaires.

Si on les [= les suites de semiminimes] trouve toutefois accompagnées d’une seule


syllabe, on peut absolument les orner (invaghire), car elles paraîtront toujours plus
belles grâce à l’ornementation. Sur les minimes, qui, par nature, sont plus longues et
demandent plus de temps, on peut facilement faire ce qu’on veut, pour autant qu’on
ne gâte pas lesdites syllabes ou les paroles. De plus, si on trouve plusieurs minimes
ensemble, on peut toutes les fleurir, chaque fois que les fioritures (il fiorirlo) seront
commodes pour le chanteur et que les paroles n’en seront pas occultées.
Sur les semibrèves, les brèves et les autres notes longues, qui offrent naturellement
beaucoup de temps, quand on en voit, [on peut] faire des recherches (ricercare). On
peut, en effet, réunir sur elles de nombreux ornements ensemble et, en les rassemblant,
les orner comme il paraît ou plaît à chacun, ou alors s’en servir dans les endroits les plus
nécessaires et opportuns, tant distinctement sur une syllabe, que sur un mot. Afin que
celui qui a le désir d’apprendre à vocaliser puisse voir les endroits, et les manières de
les fleurir, on propose les quelques exemples ci-dessous.

Semplice ou passeggiato 193


En les examinant et en s’entraînant à les chanter, on s’exercera de sorte qu’avec le
temps on s’en rende maître. On peut accommoder ces exemples dans n’importe voix,
tant la naturelle et l’aiguë, que la grave et la suraiguë.
[…]
Que ceux donc qui veulent posséder mes petites trouvailles, et les suivantes, et
s’en rendre maîtres, s’arment d’abord de patience, puis, les étudient souvent, de façon
qu’avec un long travail, ils puissent facilement maîtriser les présents exercices ! Pour
leur faciliter la voie encore d’avantage que je ne l’ai fait précédemment, je dis que si,
tout comme lorsqu’on chante un duo facile, ainsi qu’on le nomme communément, on
s’efforce de dire et d’exécuter (pronuntiar) les notes en mesure, de façon que les croches
particulièrement n’aient de défaut ou de manquement, on doit ainsi avoir à l’idée de les
articuler (pronuntiar) dans la vocalise. Si en cela on veut acquérir un bon style, qu’on
prenne un de ces duos, où il y ait suffisamment de croches, et, après l’avoir bien maî-
trisé, qu’on essaie de le chanter sur quelque parole, et, où on trouve un grand nombre
de celles-ci [= de croches], de chanter sur une syllabe ! Cela fera rapidement voir en
quoi consiste la difficulté. Qu’on essaie une, deux, trois ou plusieurs fois, jusqu’à ce
qu’on s’aperçoive en faire bon profit ! Lorsqu’en articulant ces syllabes on éprouve de
la peine ou de la difficulté, il faut s’efforcer de les chanter autant de fois qu’il est
nécessaire pour bien les chanter. Qu’on veille à les chanter avec des syllabes vivantes
et charnues, comme si on les solfiait ou qu’on chantait une succession de paroles ! On
les rendra ainsi si communes et familières que, non seulement on saura facilement les
prononcer (puisqu’on les aura si souvent étudié) avec les syllabes, mais encore (si besoin
est) utiliser n’importe quelles autres [syllabes].

194
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

De cet exercice naît le principe de mouvoir la voix avec rapidité, lequel peut intro-
duire chacun, par lui-même, selon ses commodités naturelles, et, sans maître, dans les
vocalises et les diminutions. Pareillement, afin de faciliter la voie et de le [= chacun]
mettre sur le chemin de devenir véritablement son propre professeur et maître, je dis
que, pour bien agir, il faut chanter, sur n’importe quel exemple ou démonstration, les
cinq voyelles, qui sont : A E I O U. Comme certaines d’entre elles doivent être pro-
noncées fermées, comme I et U, d’autres mi-ouvertes, comme E et O, et une largement
ouverte, le A, on verra qu’on prononce facilement I et U, avec un peu plus de peine
E et O, mais que A, qui demande plus de souffle que toutes les autres, donne plus de
difficulté à prononcer. En s’exerçant ainsi avec elles [= les voyelles], il ne pourra arriver
aucun obstacle, car toutes les paroles en vulgaire, et même une grande partie de celles
en latin, se terminent par une voyelle.
Pour ne rien oublier sur le sujet, du fait du grand zèle et désir que j’ai d’être utile au
chanteur, je dis encore que le tremolo, c’est-à-dire la voix tremblante, est la vraie porte
pour entrer dans les diminutions et pour maîtriser les vocalises, car le navire se déplace
avec plus de facilité s’il a d’abord été poussé, que si l’on doit le mouvoir au début, et,
que le sauteur saute mieux si, avant le saut, il se donne de l’élan.
Le tremolo doit être bref et gracieux (succinto, e vago), car s’il est gourd et forcé
(ingordo, e forzato), il ennuie et dérange. Il est de nature tel que, si on l’utilise il faut
l’utiliser toujours, afin que l’usage devienne habitude, car ce mouvement continu de la
voix aide et pousse volontiers le geste de la vocalise et facilite admirablement le début
des diminutions. Ce mouvement, dont je parle, doit se faire avec une juste vélocité,
mais pas vigoureusement ou violemment.
Sa terminaison doit être juste et accomplie ; son milieu égal et dans la continuité,
afin que l’on n’entende pas plus le début, le milieu ou la fin ; ni plus la fin et le début que
le milieu. Chaque occultation faite, en effet, outre qu’elle démontre une crainte, enlève
le bon plaisir. Si quelqu’un, par l’étude assidue et particulière, de même qu’en prenant
plaisir et satisfaction de mes premiers exemples, s’en est rendu maître, pour lui donner
de passer des simples à quelques-uns plus grands, je présente cette autre succession,
que l’on voit ci-dessous.

Semplice ou passeggiato 195


[…]
On peut ainsi élargir et s’étendre à plus que huit croches. Il faut cependant noter
que la voix humaine peut difficilement, en ces valeurs rapides et sa vitesse, procéder
par sauts, du fait de ce que notre voix n’a pas la facilité qu’ont les mains de toucher
le clavier des instruments. Si je montre les notes conjointes avec ces quelques dimi-
nutions (rotture), pour qu’il [= le chanteur] voie comment les diminuer (in che modo si
rompano) en procédant par sauts, on ne manquera pas, dans la progression des dimi-
nutions (passaggi), de montrer la manière de sauter ; [cela] afin de rendre le chanteur
souple (sciolto) et libre. Les endroits qui invitent les chanteurs à faire des fioritures et
des diminutions sont les cadences, car de par leur nature, si on ne les fait pas bien, on
leur enlève et gâte toute leur beauté, et, on les rend pleines de difformité à nos oreilles.
Pour en montrer quelques-unes, on en présente les exemples particuliers ci-dessous.

196
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Semplice ou passeggiato 197


[…]
Ainsi, de loin ou de près les chanteurs peuvent les prendre et s’en servir habile-
ment, tant dans une partie que dans une autre. Il se trouve, en outre, une manière de
fleurir une cadence, laquelle rend heureux le chanteur qui l’exécute bien et la conduit
parfaitement. Elle ne se place que sur la, fa, la, comme on le voit8 :

Non seulement dans la manière présentée ici, mais également pour la faire tomber
correctement, il est nécessaire de la précéder du fa accidentel, pour qu’elle [= cette for-
mule cadentielle] sonne selon sa nature. Comme je doute d’être ainsi compris de tous
et pour que chacun me saisisse, et, qu’une si belle manière ne se perde, nonobstant le
fait qu’ait été donné et présenté l’exemple ci-dessus, on en donne cet autre, dans son
propre mode et le propre endroit où on l’utilise d’habitude.

Il y a encore d’autres passages, dont on peut dire qu’ils sont comme les cadences
communes, parce qu’on les retrouve presque dans chaque pièce. Les chanteurs qui n’en
savent pas beaucoup en matière de vocalise se sentent invités à y faire quelque chose de
beau, mais s’en accommodent mal par maladresse.
Afin de leur épargner des choses mauvaises et laides, de leur apporter quelque
aide et lumière, et que, grâce à cette aide et à cette lumière ils puissent se corriger,
se modérer ou apprendre une bonne manière, je présente cette autre succession
ci-dessous.

8 Cadence en mi (phrygienne).

198
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Semplice ou passeggiato 199


[…]
S’il arrive, ce que je désire le plus et voudrais définitivement le plus, que quelqu’un
se soit rendu maître et possesseur de mes ornements, fioritures et diminutions, je lui
rappelle qu’il n’est pas toujours bien de les utiliser ; qu’il plaît parfois à une dame une
parure (adornamento) simple.
Si l’on veut toutefois les entremêler et en rendre certains plus gracieux (vaghe), on
trouvera encore ces quelques simples diminutions (rotture), dont on pourra encore se
prévaloir en lieu et en temps [appropriés] et s’en servir selon sa commodité.
[…]

Toutes ces choses demandent aptitude, agilité et [sens de la] mesure, sans quoi on
ne fait rien. En les utilisant et s’en servant, le chanteur doit avoir le souci de prendre
en une respiration le nombre de notes qu’il peut commodément exécuter. Ceci est dit,
parce que beaucoup, lorsqu’ils font des vocalises, dépassent le nombre de huit notes par
mesure, mais, en les arrangeant et en les adaptant bien, rendent un plaisir délicieux et
chacun (même un bon chanteur ou un compositeur) peut se rendre compte qu’on peut
en exécuter davantage. Plutôt donc que d’établir un nombre fixe [de notes] par battue,
et que ce nombre ne tombe pas en mesure, il sera toujours préférable pour eux [= les
chanteurs], qu’il n’y en ait ni de trop ni de pas assez. J’avertis donc les élèves que, si
dans leurs vocalises, le nombre de notes ne correspond pas au nombre de notes [habi-
tuel] de la battue, cela n’est pas grave ; pourvu qu’ils tombent sans faute en mesure et
sur le temps, et, quand ils les exécutent, qu’on ne remarque pas de défaut et de disso-
nance. Dans cette faculté et profession, en effet, beaucoup font des vocalises gracieuses
et de belles diminutions qui, si on les mettait par écrit, comporteraient un nombre
excessif ou insuffisant de notes, bien que néanmoins on ne remarque pas le moindre
défaut ou manquement.

200
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Pareillement, dans les cadences, la répétition de sol, fa, sol ; la, sol, la ; fa, mi, fa9
et autres, peut être maintenue aussi longtemps que dure le temps dont on a besoin.
Certains les répètent [= ces notes] en figures de doubles-croches, car répétées ainsi sur
ces valeurs, elles ne sont autres que multipliées. Pour cette raison, je n’en donne pas
d’exemple supplémentaire, croyant être compris par mes simples paroles. Pour s’en
servir, on pourra en prendre autant qu’il est nécessaire.
Je dois avertir qu’il faut veiller à ne pas exécuter les fins de cadences10 faibles et
mortes (languide e morte), comme certains qui, croyant les faire charmantes et belles, les
font difformes, laides et dégoûtantes (difforme, brutte, e disconcie). Elles obligent presque
les auditeurs à se boucher les oreilles pour ne pas les entendre, car les rendre défec-
tueuses dans leur partie inférieure les font paraître si grossières, qu’elles deviennent
sauvages et campagnardes. Je crois être bien compris et, si par hasard quelqu’un ne
me suit pas, pour qu’il me saisisse, je dis que, [dans] la dernière partie de la cadence,
celle qui est la plus proche de la fin, si on veut lui donner un accent double ou simple
(accentuare di doppio accento o semplice), on ne doit jamais exécuter sa tierce inférieure
si faiblement, qu’en montant, on paraisse être tiré de force ou être entraîné. On ne
peut pas démontrer cela au moyen d’un exemple, puisque cette difficulté réside en une
mauvaise exécution des notes. Que tous ceux qui ne me comprennent pas m’excusent,
car je ne sais comment me faire mieux comprendre, ni mieux le démontrer par des
paroles ! Parmi les chanteurs on la nomme habituellement cadence faible, traînée ou à
demi-morte (cadenza languida, strascinata, o semiviva), en raison du peu de vivacité et
de vigueur, que lui donnent les chanteurs11.
Il ne manque plus que la manière de pouvoir embellir, dans la basse ou dans les
parties les plus graves, quelques notes avec des accents ordinaires (accenti ordinarii), qui
servent dans tous les endroits, où lesdites parties graves soutiennent les [voix] aiguës.
Pour en avoir quelque illustration, on se reportera aux exemples suivants.

9 C’est-à-dire le groppo.
10 Cf. le glossaire, rubrique « Groppo » ; Zacconi décrit ici un groppo défectueux (voir aussi les citations des
autres auteurs cités à cette même rubrique).
11 Ce groppo mal exécuté devait être fréquent puisqu’il porte même un nom.

Semplice ou passeggiato 201


Pour le reste, afin de permettre aux élèves de posséder mes diminutions et de s’en
rendre maîtres, j’ai formé l’exemple ci-dessous, qui est un motet entièrement achevé.
Grâce à celui-ci, en effet, ils pourront mieux avoir lumière sur la manière de fleurir
des pièces. Pour une meilleure intelligence, je n’ai pas seulement voulu fleurir une
partie, mais encore, avec cette partie fleurie, j’ai voulu offrir la partie, naturellement
telle quelle (come sta naturale). La première ligne de notes, en effet, démontre toujours
« l’habillement » (l’acconciatura), et, la seconde la partie nue.

202
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Semplice ou passeggiato 203


204
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Semplice ou passeggiato 205


Ces quelques ornements et agréments (ornamenti, & vaghezze) peuvent servir en
toute occasion et le chanteur qui s’en servira bien, pourra se dire satisfait, car les nom-
breux agréments, pour agréables qu’ils soient à nos oreilles, ne plaisent pas toujours
pour autant. J’ai même trouvé parfois des compositeurs, ayant fui l’occasion de faire
chanter certaines de leurs œuvres, pour ne pas les faire chanter et les mettre dans les
mains de tels chanteurs ; ceci, pour aucune autre raison que d’avoir plaisir à les entendre
avec les agréments purs et simples (accenti schietti, e semplici), afin que s’entendent les
artifices, avec lesquels elles ont été composées et écrites (tessute, e fatte).
Si quelqu’un s’étonne, et, après s’être étonné cherche la cause de ce que j’ai choisi
plutôt un motet qu’un madrigal, pour le fleurir et montrer des exemples fleuris, qu’il
sache que j’ai choisi celui-là, parce qu’ordinairement les madrigaux sont plus difficiles
que les motets. J’ai donc jugé, eu égard aux débutants et à ceux qui ne savent pas, que
le premier est meilleur que le second, et que, exercé par ces quelques [exemples], on
pourra se prévaloir de ce qu’on en veut. Afin que l’on puisse faire encore mieux, j’ai
décidé d’offrir tous les exemples ci-dessous.

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Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

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Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

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Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Semplice ou passeggiato 211


Parmi ces exemples, qui en prendra un, qui un autre, jusqu’à ce que tous aient été
pris, car tel gant, qui ne va pas à quelqu’un, va bien à un autre, et, à la fin, tous seront
vendus et distribués. Cependant, comme il pourrait y en avoir certains, qui plaisent
plus que d’autres et, que ceux à qui ils plaisent, pourraient [les trouver] inadaptés à leur
voix ou partie, pour leur montrer de quelle manière une seule chose peut être accom-
modée à toutes les situations, j’ai pris le premier exemple, placé dans des diminutions
universelles, et je l’ai transposé partout où il peut convenir, démontrant de la sorte ce
qu’on peut faire avec d’autres [formules] et dans quelles parties de la main [guido-
nienne] une seule chose peut être transposable, comme on le voit.

212
Lodovico Zacconi, Prattica musica, Venise, Girolamo Polo, 1592

Je n’ai pas voulu démontrer en combien d’endroits une seule chose peut être
déplacée pour une autre raison : si quelqu’un, par inclination de la nature ou par zèle
particulier, avait mieux maîtrisé une formule qu’une autre, qu’il voie que l’on peut s’en
servir dans différents contextes et qu’on peut s’en faire honneur dans un grand nombre
de situations.
La vocalise, en effet, ne consiste pas tant dans la variété (variatione) ou la diversité
des diminutions, qu’en une juste et parfaite quantité de notes, puisque, vu la grande
rapidité réclamée, on ne peut pas remarquer, si ce qui a été dit avant se répète ou
revient. On peut même redire et reprendre plusieurs fois un petit nombre de figures,
à la façon d’un cercle ou d’une couronne, car l’auditeur éprouve un si grand plaisir à
écouter et à entendre ce suave et rapide mouvement de la voix et ne s’aperçoit pas, du
fait de leur douceur et de leur vivacité, du faible nombre de notes, répétées plusieurs
fois sans interruption. Il est sans comparaison meilleur que quelqu’un fasse une chose
souvent et bien (surtout en matière de fioritures et de diminutions), que d’en faire des
différentes et différemment mal. Cela n’est pas du tout blâmable, et pas même du fait
qu’il ne se trouve pas toujours un grand nombre d’auditeurs, qui sachent et s’aper-
çoivent, si on répète une même chose, ou si on en produit de nouvelles. En outre, ceux
qui, par leur connaissance de la composition ou par profession, s’en aperçoivent, n’ont
pas, en présence d’auditeurs séduits par une bonne trouvaille répétée plusieurs fois, à
critiquer le chanteur et à révéler cette fraude honorable, car, s’il est une de nos actions
qu’on peut excuser la tête haute, celle de la vocalise en est une des principales et la plus
méritante, puisque la voix n’a pas l’aptitude des mains, à toucher n’importe quel cla-
vier, et, qui sont si rapides que quelquefois elles nous stupéfient et nous émerveillent.
Si nous désirons voir l’effort nécessaire à la voix humaine pour exécuter des notes
si prestement et si rapidement, et observer, si elle est capable d’accomplir tout ce que
l’homme veut particulièrement, considérons un peu, combien de chanteurs vont par
le monde, avec grâce et une voix suffisamment agréable, et à même de chanter avec
sûreté toutes les pièces qui leur sont présentées, mais néanmoins, du fait d’une certaine
inaptitude naturelle, ne possèdent pas diminutions et vocalise ! Croyons-nous, que
s’ils pouvaient prendre aux heureux virtuoses (gorgheggianti) leurs fioritures et dimi-
nutions, ils ne le feraient volontiers ? Certes si, puisque s’ils pouvaient les leur prendre,
nombreux, qui vivent médiocrement de par leur voix médiocre, avec l’accompagne-
ment de la vocalise vivraient en seigneurs.
Lorsque de la part d’un chanteur on n’entend pas les choses, selon notre goût et en
toute perfection, ou, simplement [toujours] la même chose, il faut [seulement] juger,
s’il a l’intention de les faire parfaites et belles, chacun s’efforçant de faire du mieux
qu’il peut. J’ai ainsi cherché à orner (rompere) au moyen de toutes les diminutions
et fioritures ci-dessus, de mon mieux, afin de ne pas proposer aux élèves des choses
pénibles et presque impossibles pour eux, cherchant à ce que mes efforts ne soient pas
inutiles et vains, car si je les croyais tels, je serais, comme on dit, leur propre meurtrier
et destructeur.
Si j’ai bien dit que les diminutions pour la voix humaine doivent être conjointes
(sequenti) et non disjointes (spezzati), j’en ai néanmoins brisé quelques-unes, me
contredisant moi-même de ce fait, parce qu’il paraîtrait qu’aucune voix ne pourrait le
faire et cependant, beaucoup de chanteurs les brisent. C’est pourquoi j’en ai brisé, non
seulement de sorte qu’on voie de quelle manière on peut faire ces ruptures, mais encore
pour que chacun ne croie pas qu’il est indispensable de cheminer conjointement.

Semplice ou passeggiato 213


[…]
Je n’oublierai pas de dire ici que si quelqu’un recherche la raison pour laquelle,
dans les exemples ci-dessus, je n’ai placé aucun exemple en doubles-croches, qu’il sache
que, comme j’avais cette intention particulière de montrer les premières accélérations
rapides aux voix paresseuses, j’ai seulement proposé celles en croches, afin que les
débutants les apprennent avec plus de facilité. Ces exercices ne sont, en effet, pas
destinés à qui est savant en la profession, mais à ceux qui n’en savent pas tant et ont la
volonté d’apprendre.
Si quelqu’un, les exécutant bien, devenait si bon maître qu’il ait besoin de diminu-
tions (rotture) plus rapides, qu’il change les exemples de croches en doubles-croches,
et, qui sait s’il en formera lui-même d’autres exemples et portera aide à qui en a plus
besoin.

214
Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare nel diminuire, Venise, Giacomo Vincenti, 1592

Chapitre 11

Riccardo Rognoni,
Passaggi per potersi essercitare nel diminuire,
Venise, Giacomo Vincenti, 15921

Riccardo Rognoni2 [Rognone, Rogniono ou Rognono] (Val Taleggio, env. 1550 –


Milan, avant 1620), instrumentiste (viole, violon, instruments à vent) et compositeur,
père de Giovanni Domenico et de Francesco. Appartenant à une famille gibeline,
il est expulsé du Val Taleggio probablement pour des raisons politiques. En 1586, il
imprime des Canzonette alla napolitana à Venise (recueil perdu). Par la suite, il se
consacre presque uniquement à la musique instrumentale. Le frontispice de ses Pas-
saggi, publié en 1592, mentionne qu’il est au service du duc de Terranova et gouverneur
de Milan. De 1592 à sa mort, il vit à Milan où il est considéré comme l’un des meilleurs
violistes. Les sources contemporaines le mentionnent également comme virtuose du
violon et autres instruments à cordes et à vent. En 1603, il imprime à Milan un livre de
musique instrumentale à quatre et cinq voix (perdu).
Le traité Passaggi per potersi essercitare nel diminuire con ogni sorte d’instrumento
(1592) contient douze pages d’exercices systématiques sur des gammes et des motifs
en séquences, typiques du langage de la diminution. C’est le seul traité dans lequel
le souci pédagogique de construire le bagage technique, la disposizione, est présenté
clairement et au commencement de l’ouvrage : « Primo esempio di far prattica sopra
l’Instromenti ». C’est dans ce même traité que le terme violino da brazzo est mentionné
pour la première fois. Les exercices sont avant tout dédiés aux instrumentistes bien que
la page de titre mentionne la possibilité de les pratiquer avec la voix. La préface dis-
tingue les techniques des instruments à cordes et à vent, en particulier du point de vue
de l’articulation de l’archet pour les premiers et des coups de langues pour les seconds.

Œuvres : Passaggi per potersi essercitare nel diminuire et sa seconde partie Il vero
modo di diminuire (Venise, 1592), deux canons à deux voix dans le recueil de Giovanni
Giacomo Gastoldi (Milan, 1598), un madrigal spirituel dans le premier livre de madri-
gaux de Francesco Rognoni (Venise, 1613), recueils de musique vocale et instrumentale
perdus.

1 Traduction anglaise et facsimilé : Bruce Dickey, trad., Bologne, Forni, 2002.


2 Sergio Lattes et Marina Toffetti, « Rognoni, Riccardo », Grove Music Online. Oxford Music Online,
Oxford, Oxford University Press, consulté le 15 juin 2014 ; voir aussi la contribution de Bruce Dickey dans :
Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare…, Bologne, Forni, 2001, p. 6 et p. 22 ; ainsi que celle de
Guglielmo Barblan dans : Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, op. cit., Bologne, Forni, 2001, p. 7
et p. 13.

Semplice ou passeggiato 215


Première partie

Passaggi | per potersi | essercitare | Nel diminuire terminatamente con ogni


sorte | d’instromenti. | et anco diversi passaggi | Per la semplice voce humana. |
di Richardo Rogniono | espulso di val tavegia, | Musico dell’Eccellentissimo
Duca di Terranova Governator Generale | nello Stato di Milano per Sua Maestà
Cattolica. | con privilegio. | [marque typographique] | In Venetia. | Appresso
Giacomo Vincenti. m. d. xcii.

Diminutions pour pouvoir s’exercer À diminuer à la perfection sur toutes


sortes d’instruments. et encore diverses diminutions Pour la simple voix humaine.
De Richardo Rogniono expulsé du val Taleggio, Musicien du Très Excellent
Duc de Terranova Gouverneur Général de l’État de Milan pour Sa Majesté Catho-
lique. Avec privlège. [marque typographique] À Venise. Chez Giacomo Vincenti.
m. d. xcii.3

Aux vertueux lecteurs

Si, au désir que j’ai toujours eu de servir le bien public, obligé que je suis envers la
Patrie et très obligé, par grande politesse, envers les citoyens, avait répondu la com-
modité du compositeur, cet ouvrage n’aurait certainement pas paru si tardivement. Les
occupations ne m’ont cependant pas enlevé ce bénéfice de le revoir et de l’améliorer
plusieurs fois, afin qu’il paraisse, sinon entièrement du moins en partie, conforme à
l’idée conçue dès son commencement. Ce sera le premier témoignage de la bonne
volonté que j’ai toujours eue. Ainsi les forces d’aider autrui, dans la faible mesure que
Dieu m’a si bienveillamment concédée, ont-elles été toujours égales, de même ce sera
le signe de l’amour que je porte à qui se délecte de cette vertu. Il sera également utile
à toutes sortes de personnes qui se plaisent dans la musique, à voix seule, ou accompa-
gnée de l’harmonie des instruments. Mon but a donc été de leur donner ces « Règles
ou Passages de diminution », qu’elles parcourront, soit avec la voix seule, soit avec
l’instrument 4.
Il est bien vrai que celui qui n’aura pas, ou de la nature ou de par l’exercice, la
voix agile pour diminuer, ce que nous appelons vocalise (gorgia), éprouvera quelque
difficulté, mais on en verra pas moins certainement qu’il acquerra ainsi quelque belle
manière ou grâce dans le chant (bella maniera, e gratia nel cantare). Après qu’il aura
[acquis] le don de la vocalise, il trouvera des diminutions diverses, les unes pour la
voix, les autres pour l’instrument, proportionnées de sorte qu’il pourra certainement
arriver souvent à une telle vélocité et si aisément, avec la voix, au niveau de la diminu-
tion instrumentale (alla compita diminutione dell’instromento).
Quant aux instruments, ils ont ceci de commun, qu’on puisse en jouer si adroite-
ment qu’il en découle, contrairement à la voix, un effet par trop dur et confus ; ce qui

3 L’ouvrage est dédié à Guillaume v, duc de Bavière de 1579 à 1597, fils d’Albert v et patron de Lassus. On
peut y voir un lien entre la diminution des Vénitiens et la cour de Munich.
4 Riccardo Rognoni pense donc en premier lieu à une exécution en soliste de ses diminutions.

216
Riccardo Rognoni, Passaggi per potersi essercitare nel diminuire, Venise, Giacomo Vincenti, 1592

arrive à qui, par ostentation, se préoccupe plus de jouer une grande masse de choses
difficiles, plutôt que, par plaisir, des [diminutions] peu nombreuses et bonnes. Il évi-
tera cependant facilement cet abus celui qui, avant que de jouer de lui-même sans
exemple, maîtrisera (si farà prattico) ma première partie et ainsi se rendra compte de
ce que l’effort sera toujours vain, s’il ne parvient pas à rendre ses recherches (ricercate)
distinctes et claires. Je ne dépasse pas six ou huit lignes notées pour la commodité de
l’ouvrage, mais l’instrumentiste devra s’astreindre à ne pas parcourir ces degrés, sans
rechercher la qualité de son jeu (dell’instromento). J’ai noté partout deux clefs, afin que
le musicien choisisse de jouer la partie qui lui plaira le plus, que ce soit soprano, alto,
ténor ou basse, [et] qui lui convienne pour monter ou descendre sur son instrument.
Finalement, [je souhaite] qu’il [= cet ouvrage] plaise à N[otre] S[eigneurie] et
que ce ne soit, ni pour moi un traité (regola), ni pour eux [les musiciens] un exercice
[qui soit] vain, mais qui nous donne le courage (animo) [d’accomplir] des choses plus
grandes.

[Suivent des explications sur les coups d’archet et les coups de langue]
[…]

Seconde partie

Il vero modo | di diminuire | Con tutte le sorte di stromenti da corde, da fiato,


] et anco per la voce humana. | di Richardo Rogniono | espulso di val tavegia,
| Musico dell’Eccellentissimo Duca di Terranova Governator Generale | nello Stato
di Milano per Sua Maestà Cattolica. | Parte Seconda. | [cul-de-lampe] | con pri-
vilegio. | [marque typographique] | In Venetia, | Appresso Giacomo Vincenti. m.
d. xcii.

La vraie manière de diminuer5 Avec toutes sortes d’instruments à cordes,


à vent, et aussi pour la voix humaine. De Richardo Rogniono expulsé du Val
Taleggio, Musicien du Très Excellent Duc de Terranova Gouverneur Général de
l’État de Milan pour Sa Majesté Catholique. Seconde Partie. [cul-de-lampe] avec
privilège. [marque typographique] À venise, Chez Giacomo Vincenti. m. d. xcii.

Aux vertueux lecteurs

Voilà donc dans la première partie un recueil des recherches (ricercate) sur les ins-
truments, dont on peut dire raisonnablement qu’elles sont l’assaisonnement du jeu
(del suono) et l’ornement de la musique. Sans cette variété de diminutions, de ce fait et
pour toute autre raison, les répétitions fréquentes seraient regrettables (rincrescevoli) à
l’oreille. C’est pourquoi, si, en diminuant, les mêmes cadences arrivent souvent, elles
devront être rendues praticables (prattichi) par cette diversité de diminutions ou autres
passages (que nous avons présentée à cette fin), du fait également qu’elles s’accom-

5 Le titre reprend presque mot à mot celui de l’ouvrage de Girolamo Dalla Casa : Il Vero modo di diminuir…,
op. cit. 

Semplice ou passeggiato 217


pagnent de recherches différentes. Que la rencontre incongrue de deux quintes ou de
deux octaves [consécutives] ne survienne néanmoins chez personne ! Une telle diver-
sité ne la [= la rencontre] rend nullement nécessaire. Il est évidemment bien de les
éviter autant qu’on le pourra : Cela, le fera facilement quiconque est attentif au tempo
et à la mesure, [fait important pour], à dire vrai, que la recherche soit également rapide,
ingénieuse (artificiosa) et distincte, [puisque,] si d’aventure elle ne réussit pas a tempo,
elle perd toute sa grâce (leggiadria). Je conseillerais donc à chacun de la mesurer avec le
battement du pied, [parce que] l’esprit étant attentif à une autre préoccupation, s’il se
soucie encore de cela, il se trompe souvent. Sans ce guide, il s’apercevra souvent que,
transporté par la vitesse de la diminution, à la fin il se trouvera perdu. Voilà ce dont j’ai
voulu les [= les lecteurs] avertir en accomplissement à mon ouvrage. S’il ne réussit pas
selon leur attente et mon désir, je suis au moins sûr qu’il donne assez celui qui donne
ce qu’il peut. Vivez heureux !
[...]
On pourra se servir de ces quatre temps [= une longa finale] pour terminer madri-
gaux ou motets, si la basse finit à l’octave. Si le soprano finit à la treizième ou à la
douzième, on pourra facilement diminuer pour faire une belle fin.
[...]
Si tu veux diminuer n’importe quel passage, tu le retrouveras dans mon ouvrage.
Si, par exemple, tu veux diminuer deux, trois, quatre ou cinq temps, ou [même] la
pièce (cantilena) entière, avec facilité, tu pourras t’en servir, comme je l’ai fait dans les
présents exemples diminués de madrigaux, de chansons et d’un motet, que j’ai réalisés
entièrement avec les diminutions de cet ouvrage. Cependant n’oublies pas de [te] les
mettre en mémoire !

218
Giovanni Luca Conforti, Breve et facile maniera, Rome, [s. n.], 1593

Chapitre 12

Giovanni Luca Conforti,


Breve et facile maniera,
Rome, [s. n.], 15931

Giovanni Luca Conforti2 [Conforto] (Mileto, Calabre env. 1560 – Rome, 1608),
chanteur (altiste et sopraniste) est aussi compositeur et théoricien. De 1580 à 1585, il est
contralto à la chapelle pontificale. En 1585, il est renvoyé avec trois autres musiciens,
pour être devenu membre de la Congregazione dei musici di Roma, interdite aux chan-
teurs pontificaux. En 1586, il est au service du duc de Sessa. Étant considéré comme
l’un des meilleurs falsettistes romains, il est recommandé par le cardinal Scipione
Gonzaga pour entrer au service du duc Guillaume Gonzague à la cour de Mantoue
mais les négociations n’aboutiront pas. Il est nommé à Saint-Louis-des-Français sous
la direction de Ruggiero Giovanelli de 1587 à 1588. Dès 1591, Conforti réintègre la
chapelle pontificale en tant que contralto sous le pontificat d’Innocent xi, où il reste
jusqu’à sa mort. Son traité de diminution comprend, en outre les figures suivantes :
groppo, mezzo groppo et trillo3, désignés aussi avec les signes g. et t. dans ses psaumes.
D’après le cardinal Scipione Gonzaga, il chantait contralto dans la chapelle pontificale
mais soprano in camera et dans les oratoires4. Pietro della Valle, quant à lui, déclarait
se souvenir de Conforti comme « grand chanteur de vocalises et de diminutions, qui
montait jusqu’aux étoiles »5.

Œuvres : Breve et facile maniera d’essercitarsi… a far passaggi (Rome, 1593), Salmi
passaggiati, trois livres (Rome, 1601-1603), Passaggi sopra tutti li salmi (Venise, 1607),
une canzonetta à 3 voix dans un recueil collectif (RISM 158826).

Breve et facile maniera d’essercitarsi ad ogni scolaro, non | solamente a far pas-
saggi sopra tutte le note che si desidera | per cantare, et far la dispositione leggiadra,
et in diversi | modi nel loro valore con le cadenze, ma ancora per potere | da se senza
maestri scrivere ogni opera et aria passeggiata | che vorranno, et come si notano et
questo ancora serve per quei che | sonano di viola, o d’altri instromenti da fiato per

1 Fac simile : New York, Broude Brothers Limited, 1978.


2 David Nutter, « Conforti, Giovanni Luca », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford
University Press, consulté le 15 juin 2014 ; Mauro Macedonio, « Conforti (Conforto), Giovanni
Luca », Dizionario Biografico degli italiani, Roma, Istituto della Enciclopedia italiana, 1982.
3 Giovanni Luca Conforti est le premier à décrire cet agrément ; cf. le glossaire, rubrique « Trillo ».
4 Iain Fenlon, Music and Patronage in Sixteenth-Century Mantua, Cambridge, Cambridge University
Press, 1980, vol. 1, p. 190-191.
5 « Gran cantore di gorge e di passaggi, che andava alto alle stelle » (Pietro della Valle, « Della musica
dell’età nostra [1640] », Angelo Solerti, Le Origini del melodramma. Testimonianze dei contemporanei,
Turin, Fratelli Bocca, 1903, vol. 2, p. 143-179.

Semplice ou passeggiato 219


sciogliere la mano | et la lingua et per diventar posessori delli soggetti et far altre in- |
ventioni da se fatte da Giovanni Luca Conforto. || In Roma con licentia de Superiori,
et Privileggio. 1593

Brève et facile manière pour [apprendre à] chaque élève à s’exercer, non seulement
à faire des diminutions sur toutes les notes que l’on désire chanter et obtenir une dis-
position gracieuse et de façons diverses selon les valeurs [des notes] sur les cadences,
mais encore pour pouvoir, par soi-même sans maître, écrire chaque œuvre et air que
l’on veut diminuer et comment les noter. Elle servira aussi à ceux qui jouent de la viole
ou d’autres instruments à vent, pour assouplir la main et la langue, et pour maîtriser
les sujets et faire par soi-même d’autres inventions. Faite par Giovanni Luca Conforti.
À Rome avec licence des Supérieurs et privilège. 1593.

[…]6

Déclaration sur les diminutions


par Giovanni Luca Conforti
Aux lecteurs

M’étant rendu compte que seulement dans les grandes cités et les cours des princes,
on use de l’art (modo) de chanter avec grâce (vaghezza) et disposition, et, que ceux qui
en cela ont obtenu des louanges [et] ont été particulièrement valeureux (virtuosi), ne
sont pas nés dans ce style mais [sont des] étrangers à lui, l’ayant acquis par la pratique,
uniquement en l’appréhendant progressivement au fil du temps (per sentire in progresso
di molto tempo) et sans règle.

6 L’ouvrage ne contient pas de table des matières. Pour un résumé succinct du traité, voir : Howard Mayer
Brown, Instrumental Music Printed Before 1600, op. cit., p. 387.

220
Giovanni Luca Conforti, Breve et facile maniera, Rome, [s. n.], 1593

Ayant [également] observé que tous ceux qui chantent et jouent n’ont aucun espoir
de l’acquérir [= le chant orné], si ce n’est au prix de beaucoup de difficultés et de temps,
j’ai pensé plusieurs fois à la manière de trouver, pour l’utilité commune, un moyen
(modo) de réduire cet effort. Il m’est enfin venu à l’esprit que, peut-être, cela pourrait
être accompli par une brève méthode (maniera), grâce à laquelle tous ceux qui chantent
pourraient, en moins de deux mois faire l’acquisition d’une bonne et gracieuse dispo-
sition.
Je me suis [donc] décidé à élaborer la présente règle et à mettre ensemble les dimi-
nutions qu’on pourra utiliser de multiples et diverses manières, pour acquérir la dispo-
sition sur toutes les notes longues (note ferme). Afin de satisfaire mes amis, d’être utile
à qui désire bien chanter, et pour m’épargner la peine d’en faire de nombreuses copies,
il m’a paru [judicieux] de les [= les diminutions] faire imprimer. Pour limiter l’ampleur
du volume, j’ai pris seulement celles qui, selon mon jugement, sont les plus gracieuses
et plaisantes, et j’ai cherché à les réduire à la plus grande facilité et brièveté possible,
comme on le voit, [en plaçant les variantes] à côté et à l’intérieur l’une de l’autre, dans
une même case.
J’avertis aussi que toutes les clefs que l’on voit sur les lignes de la première portée
font transposer [variare di nome] le sujet et la diminution. Elles [= les clefs] restent en
blanc sur les autres portées, permettant ainsi, selon la volonté de ceux qui s’exercent,
de les placer sur les notes qui leur sont les plus commodes. Il faut être attentif au fait
que, si en clef de G sol re ut on prononce mi fa, au même endroit on pourra perdre cette
différence d’avec les autres [degrés] et dire ut re, fa sol, [ou] sol la7, et de manière sem-
blable en descendant, [ainsi qu’en procédant] par tierce, quarte ou quinte.
Quant aux notes des diminutions, si quelques-unes sont [écrites] sans queue, elles
valent comme les autres qui sont à côté d’elles et le placement de l’une sur l’autre
montre de combien de façons on peut varier le passage. Dans la première case, par
exemple, sont superposées trois notes, qui, en clef de Gesolreut sur le premier sujet, se
prononcent mi la sol mi fa ; c’est la première manière, la deuxième étant mi fa sol mi fa,
la troisième mi fa re mi fa, la cinquième [sic] mi la re mi fa. Cette règle s’observera dans
les autres cases, tant en croches qu’en doubles-croches.
Le mot Salve, et les autres qu’on trouve, peuvent être exercés à la place de pro-
noncer les notes pour habituer ses voyelles à faire la disposition.
Le signe du 3, où se trouvent trois semiminimes, [ce] qui entraîne ensuite six
croches et douze doubles-croches à la battue, est appelé généralement hémiole mineure
et porte en lui la valeur des [proportions] triples, conformément à leur genre de trois
notes à la battue.
L’autre 3, que l’on voit sous deux croches ou à la fin des cadences, ne veut dire [rien
d’] autre que trillo, lequel, en portant au double le nombre de [notes], embellit le chant
et couvre beaucoup de défauts8.
[…]
La présentation de la diminution sous plusieurs formes dans la même case est
faite pour ceux qui auraient des difficultés pour monter ou descendre avec leur voix
avec aisance (con la voce, e con la dispositione) ; en effet, pour commencer la diminution,
certains préfèrent aller vers l’aigu que vers le grave, ou vers le grave que vers l’aigu.

7 S’il y a un demi-ton en clef de sol, l’intervalle peut passer à un ton si on lit les notes dans une autre clef.
8 On peut donc déduire que le trillo était mesuré et qu’il pouvait servir à masquer des imperfections.

Semplice ou passeggiato 221


Pour ne pas être fastidieux, j’ai présenté peu de cadences parmi les plus ordinaires
avec une basse. Leur diversité étant nombreuse, il n’y a pas besoin de les écrire, car
j’ai déjà diminué toutes les notes qui pourraient former, non seulement des formules
(passaggi) pour diminuer des madrigaux et des arie, mais également les cadences, que
l’on chante seul ou accompagné. J’ai présenté le fa sol d’une demi-mesure, qui sert pour
la fin des cadences, mais également pour les autres notes qui concluent comme fa sol,
[à savoir] sol la, mi fa et autres. Bien que la note, formant le sujet sur lequel on diminue,
soit une semibrève, elle [= la formule] peut aussi servir pour la brève, la minime et la
semiminime.
Si l’on veut diminuer la brève, quelques [exemples en] sont déjà notés, mais si l’on
veut disposer [de formules] pour chaque sujet, on prendra les seize doubles-croches
[prévues] pour la semibrève et on les transformera en croches. Celles [= les formules]
pour la semibrève, [on les prendra] telles quelles, en exceptant les semiminimes écrites
déjà dans les cases des semiminimes, pour les [utiliser] sur les minimes et les semimi-
nimes, car elles feront un effet gracieux et une sonorité non moindre que celles pour
les valeurs prévues (con non minore sonorità delle gradate). Pour diminuer les minimes,
on prendra les quatre semiminimes, qui deviendront des croches, pour les doubles-
croches, les huit croches des semibrèves et pour les semiminimes, les mêmes semimi-
nimes deviendront des doubles-croches.
Au cas où quelqu’un aurait peut-être des difficultés à savoir quelles diminutions
sont bonnes pour telle consonance ou pour telle autre, et, pour cette raison, devrait
s’arrêter de s’exercer à chanter, à jouer ou à écrire des œuvres diminuées, afin d’aider
ceux qui auraient quelque doute, j’ai marqué et signalé d’une petite croix trois varia-
tions seulement, en laissant [de côté] d’autres, qu’on aurait pu marquer, pour ne pas
générer de confusion. La première [croix] se trouve dans la case des semiminimes, la
seconde dans celle des croches et la troisième dans celle des doubles-croches. Où qu’on
les écrive ou qu’on les chante, elles [= ces formules signalées] formeront des conso-
nances avec l’octave, la dixième ou la douzième et pourront être exécutées sur la brève,
la semibrève, la minime et la semiminime de la manière mentionnée, en prenant celle
[= la formule] du bas, du haut ou du milieu, où la croix l’indiquera.
Si l’on se contente au début de diminuer seulement en croches, je dis que les mou-
vements principaux et ordinaires que fait le sujet pour diminuer ne sont pas plus que
neuf : deux par degré [conjoint], à savoir mi fa et fa mi, deux par tierce, deux par quarte,
deux par quinte et un sur la tenue (una ferma). En neuf jours ils peuvent être appris et
retenus, et en vingt ou un peu plus, si on les exerce, ils peuvent être exécutés avec sûreté
en chantant à l’improviste sur chaque livre.
Pour diminuer n’importe quelle œuvre, il suffira seulement de considérer la durée
(qualità) des notes et l’endroit apte à être diminué et puis, selon la valeur, d’en prendre
copie. Ainsi, si la note que vous voulez diminuer est une brève, une semibrève, une
minime ou une semiminime, ou si elle se prononce mi fa, vous irez aux [notes] sem-
blables de cet ouvrage et rechercherez parmi elles les passages marqués, qui seront,
comme je l’ai dit, consonants, sinon vous en prendrez d’autres, qui peut-être seront
plus charmants (vaghi) étant prévus pour des consonances particulières. En vous ser-
vant du plaisir des oreilles, qui, amies de l’harmonie (del concento), seront maîtresses
pour différencier le bon du mauvais et pour varier, accroître ou réduire la diminution
selon la facilité et la disposition (secondo la facilità della dispositione).

222
Giovanni Luca Conforti, Breve et facile maniera, Rome, [s. n.], 1593

Si ceux qui enseignent, exercent leurs élèves à chanter avec eux les premiers sujets
en mesure, ou en leur donnant à chanter un [passage] à la fois de mémoire, parmi
ceux qui sont marqués, qui sont peu nombreux, ou parmi les autres, [les élèves] seront
facilement et en peu de temps initiés à chanter et à choisir les diminutions avec goût
et, peu à peu, deviendront familiers, agiles, sûrs et maîtres selon les règles (con regola)
de tous les sujets proposés, et aptes à diminuer toutes les notes. En devenant agile de
sa voix, l’élève pourra acquérir par lui-même la grâce, et, en entendant d’autres [chan-
teurs], il pourra plus facilement les imiter que celui qui, pendant plusieurs années, a
chanté avec sûreté tel qu’écrit dans le livre.
Ceux qui se plaisent à diminuer peuvent également prendre quatre notes ou plus à
la fois, parmi celles qui composent le sujet, et les placer l’une après l’autre. En formant
avec elles les diminutions en croches, en doubles-croches ou en valeurs pointées, en
les unissant et en s’exerçant à les chanter de mémoire, ils deviendront rapidement de
disposition agile.
[Ces exemples] serviront aussi à ceux qui veulent s’exercer à la viole ou à d’autres
instruments à vent, en les jouant souvent ou en les écrivant de la manière déjà dite. Si
on les utilise, on obtiendra la main gracieuse, le coup d’archet doux, la connaissance
du genre de diminution [approprié] ainsi que la manière de l’écrire, et leur diversité
restera en mémoire. Lorsqu’on se sera bien exercé à cela, on pourra en faire la démons-
tration en jouant en ensemble (in compagnia) à l’improviste.
Si l’on ne trouve pas l’ut re mi fa sol, le sol fa mi re ut ou d’autres [exemples] où on
le souhaiterait, puisque pour ne pas offrir un livre trop grand je me suis limité au mi
fa, par le principe des clefs (comme je l’ai dit), chacun pourra, selon sa commodité, les
écrire en les étendant et dans les clefs qu’il désirera.

Semplice ou passeggiato 223


Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi, et istromenti da penna, Venise,
Giacomo Vincenti, 1593 et 1609

Chapitre 13

Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il


vero modo di sonar organi, et istromenti da penna,
Venise, Giacomo Vincenti, 1593 et 16091

Girolamo Diruta 2 (Deruta, près de Pérouse, env. 1554 – après 1610) est organiste,
professeur et théoricien. Il est frère minorite au monastère franciscain de Correggio
en 1574. Vers 1580, on le trouve à Venise où il aurait étudié avec Gioseffo Zarlino,
Costanzo Porta et Claudio Merulo, selon les information qu’il donne lui-même
dans son traité, Il Transilvano. Merulo fait l’éloge de son élève dans une lettre qui
sert de préface au traité. Diruta est organiste à la cathédrale de Chioggia de 1593 à
1602, puis organiste à la cathédrale de Gubbio en 1609. Son traité, dédié au prince de
Transylvanie Sigismond Bathory, donne des indications sur les doigtés, explique
les cinq types d’ornements utilisés dans le jeu des claviers (minuta, groppi, tremoli,
clamationi et accenti) et fournit des exemples musicaux, tirés d’œuvres notamment
de Claudio Merulo, Andrea et Giovanni Gabrieli, Luzzasco Luzzaschi ou Adriano
Banchieri.

Œuvres : Il Transilvano, dialogo sopra il vero modo di sonar organi, et istromenti da


penna, (Venise, 1593), Seconda Parte del Transilvano (Venise, 1609), Il Primo Libro dei
Contrapunti sopra il canto fermo delle antifone delle feste principali de tutto l’anno, 5 voix
(Venise, 1580) et un livre de motets

Première partie

Il | Transilvano | dialogo | sopra il vero modo di sonar | Organi, et istro-


menti da penna. | Del R everendo Padre Girolamo Diruta | perugino, | Dell’Or-
dine de’ Frati Minori Conventuale di San Francesco. | organista del Duomo | di
Chioggia. | Nel quale facilmente, e presto s’impara di conoscere sopra la tasta- | tura
il luogo di ciascuna parte, e come nel diminuire si deveno [sic] | portar le mani, et il
modo d’intender la intavolatura ; provando | la verità, e necessità delle sue regole, con
le Toccate di diversi | eccellenti organisti, poste nel fine del libro. | Opera nuovamente
ritrovata, utilissima, e necessaria | a Professori d’organo. | al Serenissimo Prencipe

1 Fac simile : Bologne, Forni, 1969 ; Lucien Poirier, Il Transilvano de Girolamo Diruta. Édition critique du
texte original, traduction française, transcription musicale et commentaire de la première partie (1593), thèse de
doctorat, Université de Strasbourg ii, 1980 ; traduction anglaise : The Transylvanian, Murray C. Bradshaw
et Edward J. Soehnlen, Henryville, Institute of Medieval Music, 1984.
2 Claude V. Palisca, « Diruta, Girolamo », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford
University Press, consulté le 17 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 225


| di Transilvania. | con privilegio. | [marque typographique] | In Venetia, Appresso
Giacomo Vincenti. m.d.xcvii.

Le Transylvain dialogue sur la vraie manière de jouer des orgues, et des


instruments à plumes. Du révérend Père Girolamo diruta de Pérouse, De
l’ordre des Frères Mineurs conventuels de Saint-François. organiste du dôme de
Chioggia. Dans lequel on apprend facilement et rapidement à connaître la position de
chaque partie sur le clavier, et comment il faut porter les mains dans les diminutions,
et la manière de comprendre la mise en tablature ; prouvant la vérité, et nécessité de ses
règles, avec les Toccate de divers excellents organistes, placées à la fin du livre. Œuvre
nouvellement composée, très utile, et nécessaire aux Professeurs d’orgue. Au Prince
Sérénissime de Transylvanie. avec privilège. [marque typographique] À Venise,
Chez Giacomo Vincenti. 1593.

Règle pour jouer des orgues selon les règles


(regolatamente), avec gravité et grâce (leggiadria)

[…]
Plus d’une fois j’ai été confronté à de telles personnes, qui prétendaient [des pièces]
difficiles, alors que je les déclarais très faciles. Une fois instruites par cette règle et ces
avertissements, elles se sont aperçues que le fait de ne pas pouvoir les jouer provenait
de l’ignorance de la bonne manière (dall’ignoranza di non sapere ritrovare il modo) et
non de leur difficulté.
Tr. : Donc les œuvres des autres hommes de valeur réussiront de la même manière
que celle du Seigneur Claudio [Merulo] ?
Dir. : Il n’y a aucun doute et ma règle n’obtiendrait pas le nom de règle générale
si avec elle on ne pouvait pas jouer les œuvres de n’importe qui. Je dirais même que
celles qui sont conçues pour d’autres instruments – comme les œuvres et les règles
composées par messire Girolamo da Udine [Dalla Casa], maître de concerts de la
Sérénissime Seigneurie de Venise, ou celles du très vertueux et très respecté (gentile)
messire Giovanni Bassano, dans lesquelles vous verrez toutes sortes de diminutions
pour cornets, pour violons et également des passages à chanter, lesquelles diminutions
sont très difficiles – ne sembleront jamais adaptées aux orgues, si on n’observait pas
cette règle.
[…]

226
Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi, et istromenti da penna, Venise,
Giacomo Vincenti, 1593 et 1609

Manière de jouer avec musicalité des instruments à plumes

Tr. : La belle différence entre [le fait de] jouer de la musique et des bals me plaît,
mais j’aimerais encore comprendre cette autre : d’où provient que beaucoup d’orga-
nistes ne réussissent pas autant dans le jeu musical sur les instruments à plumes qu’à
l’orgue ?
Dir. : Je pourrais vous donner de nombreuses raisons, mais je dirai seulement
les plus importantes. Pour commencer par la première, je dis que l’instrument doit
être « emplumé » de façon égale, pour qu’il attaque (spicca) avec facilité et soit joué de
manière vivante, qu’il ne perde pas l’harmonie et que [son jeu] soit orné de tremoli
et d’accenti gracieux (leggiadri). Ce même effet que produit le souffle dans l’orgue en
tenant l’harmonie, vous avez besoin de le faire faire à l’instrument à plumes. Par
exemple, quand vous jouez à l’orgue une brève ou une semibrève, on entend toute
l’harmonie sans que l’on doive battre plus d’une fois la touche, mais, quand vous jouez
sur l’instrument à plumes une telle note, il lui manquera plus de la moitié de l’har-
monie. Il y a donc besoin, par la vivacité et la dextérité de la main, de suppléer à un
tel manque, en battant plusieurs fois la touche gracieusement (leggiadramente). En
somme, que celui qui veut jouer avec élégance (politezza) et grâce (leggiadria), étudie
les œuvres du Seigneur Claudio, car en celles-ci il trouvera ce dont il a besoin en cela !
[…]

Comment jouer les groppi

Dir. : Concernant les groppi et les tremoli, je donnerai divers exemples. Je com-
mence d’abord avec les groppi, qui se font mixtes, c’est-à-dire avec des semiminimes,
des croches et des doubles-croches, et même avec des doubles-croches et des triples-
croches. On les trouve de diverses manières, tant en montant qu’en descendant, ainsi
qu’en [formule de] cadence, comme on le voit dans les exemples.

Semplice ou passeggiato 227


La manière de faire les groppi

Tr. : Avec quels doigts doit-on exécuter les groppi de cadence3 ?


Dir. : A la main droite on les fait avec le quatrième et le troisième doigt. De
la main gauche avec le deuxième et le troisième et également avec le premier et le
deuxième, comme il plaira et paraîtra [le plus] commode.

3 Zacconi utilisait simplement le terme cadenza pour désigner le groppo (Lodovico Zacconi, Prattica di
musica, op. cit., f. 62v, cf. le glossaire, rubrique « Groppo ».

228
Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi, et istromenti da penna, Venise,
Giacomo Vincenti, 1593 et 1609

Manière de jouer les tremoli

Concernant les tremoli, il faut veiller à faire les notes avec grâce et agilité, et ne
pas faire comme beaucoup, qui font le contraire, car ils les accompagnent avec la
touche d’en-dessous, où ils devraient le faire avec celle d’en-dessus. S’ils avaient jamais
observé des joueurs de viole, de violon, de luth et d’autres instruments, tant à cordes
qu’à vent, ils devraient avoir vu qu’ils accompagnent la note avec le tremolo d’en-dessus
et non d’en-dessous4, comme l’exemple vous le démontre, sur la valeur de [la] minime.

Tremolo avec la main droite

Tr. : Avec quel doigt doit-on exécuter le tremolo ci-dessus ?


Dir. : Avec le deuxième et le troisième doigt. L’autre tremolo qui suit, avec le
cinquième et le quatrième, car ce sont les doigts qui doivent exécuter les tremoli de
la main droite. Je vous avertis que dans ce cas le mauvais doigt peut faire la première
bonne note du tremolo.
Tr. : À cet endroit, dans l’exemple, il y a huit doubles-croches, comment le com-
prendre et comment faire ce tremolo.
Dir. : Il faut le comprendre ainsi : quand on doit faire un tremolo sur la durée
d’une minime, le tremolo doit durer une demi-minime, comme le montre l’exemple ci-
dessus. Cela est à observer sur toutes les [valeurs de] notes ; c’est-à-dire [qu’il faut faire]
trembler la moitié de la valeur, ainsi que vous le verrez dans divers exemples. Pour
bien réussir les tremoli, deux choses sont à considérer : premièrement la rapidité [de
la valeur] des notes sur lesquelles ils se font, deuxièmement le nom-même de tremolo
[tremblement]. Quand les doigts seront maintenus détendus et souples (lenti e molli),
alors ils [= les tremoli] s’exécuteront bien et vite.
Tremolo avec la main gauche

Tr. : Avec quel doigt doit-on faire le premier tremolo ?


Dir. : Avec le troisième et le deuxième, le suivant avec le deuxième et le premier.
Tr. : Mais dites-moi, pour me combler d’obligeance à ce propos, quand doit-on
faire les tremoli ?

4 Francesco Rognoni citera pourtant des mauvais exécutants ne connaissant pas la vraie nature du tremolo
(Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, op. cit., avertissements aux lecteurs).

Semplice ou passeggiato 229


À quel moment les tremoli doivent se faire

Dir. : on doit les faire au début de quelque ricercare ou canzone, ou de n’importe


quelle autre [pièce], et également quand une main joue plusieurs parties et l’autre main
une seule. [C’est] dans cette partie seule, [que] doivent se faire les tremoli5. Et puis
[aussi] selon ce qui paraît commode et à la convenance des organistes, en les avertis-
sant que le tremolo, fait avec grâce et à propos, orne tout le jeu (adorna tutto il sonare) et
rend l’harmonie vivante et gracieuse (viva e leggiadra). Mais comme je vous ai promis
de vous donner quelques exemples à ce sujet, je veux m’y employer. Le premier sera
sur la minime, le second sur la semiminime et le troisième sur la croche. On ne peut
pas l’exécuter [= le tremolo] sur la double-croche, en raison de sa grande rapidité. Je
vous présenterai d’abord les minimes sur un sujet, puis les tremoli de deux façons, et de
même pour la semiminime et la croche, pour l’une et l’autre main.

5 La contradiction avec Zacconi n’est qu’apparente. Ce dernier déconseillait de diminuer une partie quand
les autres ne sont pas encore entrées : « Les commencements […] doivent être exécutés avec les agréments
simples et purs » (Lodovico Zacconi, Prattica di musica, op. cit., f. 59r). En fait, les tremoli sont des accenti
semplici e schietti.

230
Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi, et istromenti da penna, Venise,
Giacomo Vincenti, 1593 et 1609

Certains (et en particulier le Seigneur Claudio) ont l’habitude d’utiliser certains


tremoletti, [et] quand les notes descendent par degré, d’entamer [à l’avance] la note qui
suit, comme on le voit dans ces exemples.

Tr. : Ces derniers tremoletti me paraissent plus difficiles que les autres.
Dir. : Vous avez raison, ils ne sont pas pour le débutant. Mais comme nous parlons
des tremoletti, et en particulier de ceux dont use le Seigneur Claudio en exécutant les
tirate dans ses canzoni alla francese, [ceux-ci] vous paraîtront difficiles au premier abord,
mais si vous observez la règle [suivante] des tremoletti, vous les trouverez très faciles.
Quand vous trouverez sur n’importe quelle note le tremoletto, vous devrez le faire avec
le doigt qui vient, qu’il soit bon ou mauvais, car, dans le cas des tremoli, on ne doit pas
observer la règle du bon et du mauvais doigt, comme on l’observe déjà dans le sujet
(suggetto), ainsi que vous trouverez dans les divers exemples.

Tr. : Dans le premier exemple, je remarque que le premier tremoletto tombe sur
la bonne note et est joué avec le deuxième et le troisième doigt de la main droite. Le
deuxième tremoletto tombe sur la mauvaise [note] et est joué avec le troisième et le
quatrième doigt. Le troisième tremoletto tombe pareillement sur la mauvaise note et
est joué avec les mêmes doigts. Puis, dans le second exemple, j’observe la même chose,
[à savoir] que le tremoletto de quatre doubles-croches tombe sur la mauvaise note et le
deuxième tremoletto tombe sur la bonne note.
Dir. : Vous avez très bien compris, mais là-dessus je veux vous donner un autre
avertissement. Ce sera celui-ci : quand vous trouverez certains tremoletti sur des notes
syncopées, ou s’il y a deux notes de même valeur sur la même ligne ou dans le même
espace, vous ne devrez pas prendre le doigt qui vient, car on ne peut pas enchaîner la
tirata avec le [bon] ordre des doigts. Vous devez donc choisir les doigts qui vous paraî-
tront les plus commodes pour exécuter la tirata, comme on le montre dans cet exemple
pour [en faire l’]expérience.

Semplice ou passeggiato 231


Tr. : Le premier tremoletto tombe sur la bonne note et est joué avec le deuxième et
le premier doigt de la main gauche. Le second tremolo de quatre triples-croches tombe
sur la mauvaise note, et, si on le joue avec le troisième et le deuxième doigt, on ne peut
pas enchaîner la tirata avec le [bon] ordre des doigts. En raison de la syncope, qui
intercale une mauvaise et une bonne note (che vi entra la nota cattiva e la bona), il est
nécessaire de le faire [= le tremolo] avec le deuxième et le premier doigt.
[…]

[Suivent des toccates de Diruta, Claudio Merulo, Andrea Gabrieli, Giovanni


Gabrieli, Luzzasco Luzzaschi, Antonio Romanini, Paolo Quagliati, Vincenzo
Bell’haver et Gioseffo Guami.]

[…]
Tr. : […] M’étant exercé sur toutes les toccate, j’y ai trouvé très bon profit (mi sono
riuscite benissimo) et lorsque toutefois j’avais un doute, je prenais la règle et me trouvais
réconforté. J’ai cependant éprouvé quelques difficultés en particulier (mais sur tout le
reste je n’en ai pas eu) dans votre Toccata du Onzième et Douzième Ton, placée à la fin
des autres toccate.
Dir. : Je suis heureux qu’il ne vous reste pas d’embarras, et d’autant plus si vous êtes
sûr quant à la Toccata du Onzième et Douzième Ton, qui elle est plus variée. Comme je
vous avais donné des toccate par degré, ainsi que par saut, bon et mauvais, je ne voulais
pas mettre de côté une chose plus importante, comme les tremoletti et les groppetti,
puisqu’ils sont ce qui rend l’harmonie plus vivante et plus gracieuse.
Tr. : Tout cela [est dit] avec jugement, mais je désire encore savoir pourquoi l’on
n’observe pas la règle des notes bonnes et mauvaises dans les diminutions, comme on le
fait dans le contrepoint et la composition, car il m’a été nécessaire parfois de battre les
notes mauvaises au début ou au milieu de la battue et également [parce qu’] il y avait
des notes mauvaises qui sautaient.
Dir. : À cela je vous réponds qu’il est vrai que dans la diminution on n’observe pas
cette règle, mais lorsqu’on peut [quand même] l’observer cela sera meilleur. Les toccate
sont entièrement des diminutions (son tutte diminutioni) et il est vrai qu’il y rentre
plus de notes mauvaises que de bonnes, mais leur rapidité fait ainsi qu’on n’y entend
pas de chose mauvaise, et même que les [notes] mauvaises donnent bien souvent de la
grâce (gratia) aux bonnes, car dans la diminution on s’emploie plus à faire des passaggi
charmants (vaghi) et gracieux (leggiadri) qu’à l’observance [des règles] que vous dites.
[…]
S’il se trouve un homme de valeur, qui ait une très bonne fantaisie, mais qui
souffre de difficultés pour jouer, en raison d’un mauvais usage de la main, il pourra,
avec cette méthode, facilement remettre ses mains en ordre et ne pas perdre cette
fantaisie ; ce qui arrive bien souvent du fait d’un mauvais usage de la main, au point
qu’on ne peut faire une tirata, un groppo ou un tremolo qui soit bien, et que ce que [de
telles personnes] ont dans l’intellect, elles ne peuvent pas le montrer avec leurs mains.
Comme je le disais au commencement, si un homme bien proportionné n’a pas la
langue déliée, il ne peut exprimer ses idées (non sia ispedito di lingua, in guisa, che non
può esprimere il suo concetto).

232
Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi, et istromenti da penna, Venise,
Giacomo Vincenti, 1593 et 1609

Seconde partie

Seconda parte | del Transilvano | dialogo | diviso in quattro libri |


Del R everendo Padre Giromamo Diruta | perugino, | Minor Conventuale di
San Francesco, | organista nel Duomo | d’Agobbio, | Nel quale si contiene il vero
modo, e la vera regola d’intavolar | ciascun canto, semplice, e diminuito con ogni sorte
di diminu- | tioni ; e nel fin dell’ultimo libro v’è la regola, la quale scopre con | brevità e
facilità il modo d’imparar presto a cantare. | Opera nuovamente dall’istesso composta,
utilissima, e | necessaria a’ Professori d’organo. | con privilegio. | [marque typogra-
phique] | In Venetia, Appresso Alessandro Vincenti mdcix.

Seconde partie du Transylvain dialogue divisé en quatre livres du


Révérend Père Girolamo Diruta de Pérouse, Mineur conventuel de Saint Fran-
çois. organiste du Dôme de Gobbio Dans lequel est contenue la vraie manière, et
la vraie règle pour mettre en tablature chaque pièce, simple, et diminuée avec chaque
sorte de diminution ; et à la fin du dernier livre se trouve la règle, laquelle explique avec
brièveté et facilité la manière d’apprendre rapidement à chanter. Œuvre nouvellement
composée par le même, très utile, et nécessaire aux Professeurs d’orgue. avec privi-
lège. [marque typographique] À Venise, Chez Alessandro Vincenti 1609.

[Livre 1]

D. : La mise en tablature diminuée est un art qui nécessite un bon jugement (giu-
diciosissima) et demande d’être bon chanteur, ainsi que bon contrapuntiste.
T. : En me la dépeignant si difficile, vous m’en faites passer l’envie !
D. : À votre bel esprit toutes les choses sont faciles ! Ne vous rappelez-vous pas que
lorsque, dans le premier livre, on traitait de questions difficiles et obscures, grâce aux
exemples, on les rendait très claires et très faciles ? La tablature diminuée vous sera
plus facile si vous examinez les divers exemples et les tablatures des différents hommes
de valeur, et en particulier celles de Claudio Merulo qui, plus que tout autre, a travaillé
dans ce bel art de la mise en tablature diminuée, comme on le voit dans ses diverses
œuvres imprimées : messes, ricercari, canzon alla francese et toccate. Outre cela, je vous
donnerai une autre règle de tablature diminuée avec quelques lettres, si faciles qu’elles
vous inviteront à cette belle et honorable entreprise.
T. : À présent, puisque votre amabilité m’incite à prendre courage et que vous
réduisez les aspects difficiles à une telle facilité, comme j’en ai déjà fait l’expérience
précédemment, je veux en cela encore, me prévaloir de toutes mes forces.
D. : Vous devez savoir premièrement que la tablature diminuée doit se faire dans
les parties qui ne jouent pas en imitation (che non fanno la fuga) et que, si vous voulez
[néanmoins] diminuer les imitations, vous devez être averti de faire cette diminution
dans toutes les voix qui jouent en imitation, que ce soit en semiminimes, en croches,
en doubles-croches ou en triples-croches. Il y a cinq sortes de [formules de] diminu-
tions. La première, nous l’appelleront minuta6, la deuxième groppi, la troisième tremoli,
la quatrième accenti et la cinquième clamationi, Pour chacune de ces [formules de]

6 C’est la diminution proprement dite.

Semplice ou passeggiato 233


diminutions, je vous donnerai ci-dessous des exemples variés et, j’ai diminué toutes les
voix d’une pièce à quatre voix qui comporte peu de notes, afin que vous puissiez bien
comprendre le tout rapidement et avec facilité.
[…]

234
Girolamo Diruta, Il Transilvano. Dialogo sopra il vero modo di sonar organi, et istromenti da penna, Venise,
Giacomo Vincenti, 1593 et 1609

Semplice ou passeggiato 235


T. : La tablature diminuée est sensiblement plus difficile que je le pensais. S’il vous
plaît, éclairez-moi, [car] ces diminutions, faites sur la voix de soprano et également
dans les autres voix qui entrent l’une sur l’autre, font perdre une partie de l’harmonie,
et [même] parfois [la font perdre] toute !
D. : Ne vous troublez pas ainsi dès le début ! Ayez la patience de comprendre ce
que je dis et de bien examiner les exemples ! La diminution peut entrer dans les autres
voix [que le soprano], si l’on prend garde de frapper le début des consonances le plus
possible, pour faire entendre toutes les voix. Faites ensuite toutes les sortes de diminu-
tions qu’il vous plaît ! La diminution stricte (il diminuire osservato)7 demande, d’après
ce que vous avez vu dans les exemples ci-dessus, que la première et la dernière note
de la diminution soient sur la note[-même] qui est diminuée, afin que la minuta aille
trouver la note suivante par degré ou par saut [identiques]. Quand ce sera par degré,
la dernière note de la minuta pourra également terminer à l’octave supérieure ou infé-
rieure, pourvu qu’elle aille trouver la note suivante. Si on observe cette règle, il ne
naîtra jamais l’inconvénient de deux octaves ou de deux quintes et on ne gâtera pas
la composition, ni même un peu de son harmonie. J’ai entendu quelquefois [en effet]
des pièces mises en tablature qui, en raison de tant de diminutions, ont perdu leur
harmonie et leur grâce (vaghezza).
T. : On pourra donc faire les diminutions sans gâter les propriétés de la composi-
tion et de son harmonie (la propria compositione, e la sua propria Armonia) ?
D. : En effet, si vous faites les diminutions seulement à un endroit où il n’y a pas
d’imitation (fuga) en notes noires et [où] quelques voix ou toutes ne procèdent pas
ensemble pour produire quelque grâce, la composition ne se gâtera pas et vous ne
lui enlèverez pas son harmonie propre. Les diminutions seront [donc] faites sur les
notes qui ne forment pas une imitation (fuga) ou un sujet (soggetto). Si vous voulez
[néanmoins] diminuer l’imitation, faites [en sorte] que toutes les voix fassent la même
diminution, comme je l’ai indiqué plus haut ! Vous pourrez [cependant] diminuer éga-
lement quelques notes qui accompagnent la fuga. Pour vous rendre capable de [jouer]
tout [cela], je mets en votre présence en tablature deux canzoni ; une de Giovanni
Gabrieli et l’autre d’Antonio Mortaro. La première canzon étant en notes noires et
comportant des imitations serrées (fughe strette), celui qui veut la diminuer lui enlèvera
de sa grâce. On ne pourra [donc] pas lui ajouter d’autres diminutions que des tremoli et
des groppi. L’autre canzon, je vous la mettrai en partition et je la présenterai en tabla-
ture avec toutes les sortes de diminutions, afin que vous puissiez voir sur quelles notes
sont faites les diminutions. La minuta sera signalée par un M., le groppo par un G., le
tremolo par un T., l’accento par un A. et la clamatione par un C. Grâce à ces canzone vous
apprendrez la manière de mettre en tablature simple et [en tablature] diminuée, sans
gâter les propriétés des compositions et de leur harmonie.
[…]
T. : La mise en tablature diminuée sans la connaissance et la pratique du contre-
point me semble vraiment chose impossible, et ils se trouvent en grande et étrange
erreur ceux qui prétendent le contraire.
D. : Vous dites vrai ! À celui qui voudra mettre en tablature diminuée avec quelque
fondement une telle connaissance sera nécessaire.
[…]

7 Cf. le glossaire, rubrique « Conservation de la même note ».

236
Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali et motetti passeggiati,
Venise, Giacomo Vincenti, 1594

Chapitre 14

Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi


di musica, madrigali et motetti passeggiati,
Venise, Giacomo Vincenti, 15941

Giovanni Battista Bovicelli2 (Assise, env. 1550 – après 1597) est un chanteur et
un théoricien de la musique. Avant 1584, il est frère mineur à Rome et chanteur au
service du cardinal Sirleto. En 1584, il est chanteur au dôme de Milan. Une lettre de
cette même année, adressée à ce cardinal, nous apprend que ce prélat l’a recommandé
au cardinal Charles Borromée et qu’il a reçu plusieurs invitations de la part du duc de
Mantoue Guillaume de Gonzague, en vue de faire partie de la chapelle de ce dernier.
En 1592, les talents de compositeur et d’improvisateur de passaggi de Bovicelli sont
attestés par Damiano Scarabelli, vice-maître de chapelle à la cathédrale de Milan,
dans son premier livre de motets. En 1594, Bovicelli publie ses Regole où figurent des
avertissements intéressants, des formules de diminutions assez personnelles, différents
agréments (accento, tremolo, groppetto), de même que des versions ornées de compo-
sitions de Palestrina, de Rore, Victoria, Merulo, Giovanelli et Bovicelli lui-même.
Les œuvres sont si densément ornementées qu’il est difficile de reconnaître les pièces
originales. Caccini cherchera à réformer ce type d’ornementations extravagantes
dans ses Nuove musiche (Florence, 1602), mais le style d’ornementation pratiqué par
Bovicelli continuera à être utilisé dans de nombreuses pièces monodiques du début du
xviie siècle.

Regole, | passaggi | di musica, | madrigali, e motetti | passaggiati : | I


Giovanni Battista Bovicelli | d’Assisi, | Musico nel Duomo di Milano. | All’Il-
lustrissimo et Eccellentissimo Signor | Il Signor Giacomo Buoncompagni,
| Duca di Sora, etc. | con privilegio. [marque typographique] | In Venetia, |
appresso Giacomo Vincenti. | m. d. xciiii. | A instantia delli heredi di Francesco,
e Simon Tini, librari in Milano.

Règles, diminutions de musique, madrigaux, et motets diminués : I Gio-


vanni Battista Bovicelli d’Assise, Musicien du Dôme de Milan. À l’Illustris-
sime et Très Excellent Monsieur | Monsieur Giacomo Buoncompagni, Duc
de Sora, etc. avec privilège. [marque typographique] À Venise, chez Giacomo
Vincenti. 1594. À l’instance des héritiers de Francesco, et Simon Tini, libraires à
Milan.
1 Fac simile : Nanie Bridgman, éd., Kassel, Bärenreiter, 1957. Nous remercions par ailleurs Julie Hassler qui
a bien voulu mettre à notre disposition son excellente traduction non publiée.
2 Imogene Horsley, « Bovicelli, Giovanni Battista », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford,
Oxford University Press, consulté le 17 juin 2014 ; Carlo Frajese, « Bovicelli, Giovanni Battista »,
Dizionario Biografico degli Italiani, Roma, Istituto della Enciclopedia italiana, 1971.

Semplice ou passeggiato 237


Aux lecteurs
L’auteur

On ne peut sans stupeur et émerveillement contempler l’art s’amusant avec la


nature : car (tel le singe avec l’homme) il semble qu’il se soit toujours ingénié à l’imiter,
à imprimer et à graver de la façon la plus merveilleuse tout ce qu’il a vu en elle. Mais
si jamais on vit un art merveilleux dans cette imitation, c’est dans la Musique qu’il fut
le plus merveilleux. En effet, c’est en observant le très bel ordre de ce monde qui est
le nôtre, la manière dont une chose succède à une autre alternativement, et la manière
dont toutes ces choses ensemble forment presque une harmonie muette, que certains,
en raison du grand ordre qu’ils distinguaient dans le mouvement des Cieux, imagi-
nèrent un concert de douces voix. L’art, je [le] dis, voyant cela, voulut, dans ce domaine
aussi, rivaliser avec la nature. Cet ordre, cette harmonie, que seul l’intellect percevait
à travers un discours subtil, se disposa, et se transforma aussi, pour être représenté de
manière vivante au sens ; et comme, selon le proverbe, il est facile d’ajouter à ce qui est
déjà trouvé3, les voix ayant été déjà accordées harmonieusement, nombreux furent ceux
qui s’ingénièrent ensuite à donner à ce qui était brut au début une grande perfection et
[le degré d]’accomplissement que nous offre désormais la musique.
À mon tour, il m’est entré dans l’esprit d’écrire quelque chose au sujet de la manière
d’exécuter les diminutions. Je fus effrayé, dans un premier temps, de considérer la
grande différence qu’il y a entre moi et ceux qui ont déjà écrit à ce sujet. Mais je me
rassurai ensuite à la pensée que je ne peux pas me comparer à ces artisans ou à ces
marchands qui s’éloignent de leur pratique et cessent de vendre parce qu’ils sont trop
nombreux à exercer la même profession. Il me semble même que dans notre domaine,
la diversité des choses et des opinions soit un charme (vaghezza) et un embellissement
(ornamento) pour le monde. Mais en découvrant plus précisément mon esprit concer-
nant ces quelques Règles et Diminutions, que chacun soit assuré que mon intention
n’a été que d’être utile dès que je le pouvais, et que jamais il ne m’est venu à l’esprit
d’extorquer (tassare) ou de mordre quiconque ! Je dis ceci à l’intention de ceux qui m’ont
reproché d’avoir, peut-être librement, réprimandé certains défauts. Et, si d’autres, par
hasard, prétendaient que j’ai écrit des diminutions impossibles à exécuter de vive voix,
je leur répondrais que s’ils étaient dotés par la nature d’une bonne disposition vocale,
ils en feraient d’encore beaucoup plus difficiles, ainsi que me le concède tout bon
connaisseur de cette profession.
Il m’a semblé aussi nécessaire, avant d’écrire les diminutions, d’énoncer quelques
règles à partir desquelles on apprend à éviter certains défauts courants dans le chant,
et qui enseignent la manière dont chacun peut facilement se servir des diminutions et
bien les exécuter. Pour plus de brièveté et de clarté, j’ai rassemblé ces règles dans deux
chapitres principaux : les notes et les paroles.

3 L’expression latine « inventis addere facile est » se retrouve dans la postface de Francesco Lomazzo au
traité de Francesco Rognoni (Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, op. cit., p. [76]).

238
Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali et motetti passeggiati,
Venise, Giacomo Vincenti, 1594

Avertissements pour les diminutions


Giovanni Battista Bovicelli d’Assise,
musicien du Dôme de Milan
Avertissements concernant les paroles.

Si dans l’écriture on doit avoir l’œil sur la phrase, en faisant en sorte que les mots
ne s’annulent pas, et également, en accordant bien les paroles, à ne pas rendre la phrase
défectueuse et vide, de même dans le chant, et particulièrement dans l’exécution des
diminutions, on doit, non seulement avoir l’esprit aux notes, mais aussi aux paroles.
C’est pourquoi il faut un grand jugement pour bien les répartir.
On doit donc avoir avant tout une grande circonspection en brisant les notes pour
faire des accenti (per accentuare) et des diminutions, et cela pour ne pas accomplir un
barbarisme, en rendant longues les syllabes courtes et courtes les longues. Cela ne
serait pas moins malséant et disproportionné que des étriers courts pour un cavalier
aux jambes longues ou l’inverse.
Chaque fois que les diminutions sont [composées] de notes qui se suivent, ou,
disons plutôt, d’une même valeur, on ne doit rarement, voire jamais, prononcer une
nouvelle syllabe, mais continuer jusqu’à la fin sur la première syllabe commencée, par
meilleure commodité4 :

Ceci d’autant plus qu’avec une si grande fureur et rapidité de notes, on peut à
peine entendre la parole, à moins de se trouver à côté du chanteur ; d’autant plus égale-
ment que souvent les syllabes elles-mêmes aident à réaliser une diminution, certaines
plus que d’autres ; comme A, E, O par rapport à I et U, lesquelles ne sont pas aussi
commodes pour la voix que les premières en raison de leur différence de prononcia-
tion. Certains pensent que, pour la commodité d’exécution des diminutions, [il faut]
retarder plusieurs syllabes sur une seule note, en la brisant en un nombre d’autres notes
de valeur moindre, qui correspond à celui des syllabes. Je dis également, bien que
cela semble malséant à beaucoup, peut-être parce que, comme nous l’avons dit, on est
obligé de briser cette note, que de toute façon (et ceci dit avec la bonne grâce de tous) je
n’ai jamais estimé cela inconvenant, chaque fois que cela ne génère aucun barbarisme,
[ou] que les notes ne sont pas toutes à la même hauteur et qu’elles ne sont pas articulées
trop précipitamment (non si dichino con furia).

4 La particularité qui consiste à diviser la dernière note pour éviter de placer la dernière syllabe directement
après une série de valeurs rapides n’est mentionnée que par Giovanni Battista Bovicelli.

Semplice ou passeggiato 239


On pourra alors, sans aucune des difficultés mentionnées plus haut, varier les
paroles et les notes, pour autant que les notes ne soient pas toutes de même valeur.

Où il y a des diminutions comportant beaucoup de notes, et particulièrement à


la fin des groppetti, qui se terminent toujours par des doubles ou des triples-croches,
on doit le plus possible éviter de prononcer une nouvelle syllabe sur la note qui suit
immédiatement le groppetto5 ; on doit même agir avec modération avec les notes de
valeur un peu plus grande.

J’ai dit de l’éviter le plus possible, parce que quelquefois on ne le peut pas. Dans ce
cas, il faut terminer le mot avec une voix modérée et douce, de manière que la suavité
de la voix tempère l’âpreté qui naît de la rapidité des notes.

Ce qui a été dit des groppetti doit également être observé après le tremolo ; c’est-
à-dire de ne pas commencer une autre syllabe. On pourra néanmoins placer celle-ci
quand les deux dernières notes du tremolo, ou de n’importe quelle diminution seront
sur la même [hauteur de] note.

5 La remarque déjà formulée ci-dessus concernant la dernière note vaut ici aussi.

240
Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali et motetti passeggiati,
Venise, Giacomo Vincenti, 1594

Quant à la disposition des paroles sous les notes, il faut particulièrement être
attentif à les associer ensemble de manière que, comme nous l’avons dit au début, il
ne s’ensuive aucun barbarisme, mais également qu’elles produisent le meilleur effet
possible ; car souvent une syllabe aura une grâce (gratia) plus grande, si elle est placée
sous une note, plutôt que sous une autre, comme on pourra le voir très clairement dans
les exemples.

Finalement le plus grand défaut est celui de ceux qui ne savent jamais terminer
un mot et répètent les deux ou trois premières syllabes, en disant par exemple Benedi,
Benedictus. Ils ressemblent à ceux qui, ayant des dents abimées, doivent mâcher plu-
sieurs fois la même nourriture avant de l’avaler.

Avertissements concernant les notes

Quant aux notes (et ici nous incluons les diminutions, les groppetti, les sauts et tout
ce qui de quelque façon peut se rapporter aux notes), il faut faire preuve de discerne-
ment en premier lieu concernant la diminution ou la réalisation d’accenti (accentuare)
sur les notes de valeur. En cela il faut avoir l’oreille [attentive] au mouvement de toutes
les autres parties, car jamais, hormis à la fin, on ne voit toutes les parties s’arrêter en
même temps dans une même continuité d’harmonie. Je donnerai deux exemples, afin
que l’on voie la manière de tenir sur la variation susdite [= sur les notes de valeur].
En effet, tantôt, par exemple, on ira de C sol fa ut à G sol re ut et C sol fa, comme
dans le premier [exemple], tantôt de D la sol re à A la mi re et D la sol, comme dans le
second.

Semplice ou passeggiato 241


Pour ne pas toujours avoir, comme le dit le proverbe, à répéter la même cantilène,
souvent au grand ennui de qui écoute, il semble qu’il soit d’un très grand enrichisse-
ment (ornamento) de procéder en variant avec des diminutions [constituées] des mêmes
notes, mais réparties différemment. Il y a, en effet, que ce soit dans l’écriture ou dans la
parole, un ennui très grand pour celui qui lit ou qui écoute, si le discours, sans aucune
coloration de figures, procède en languissant de lui-même. Ainsi, si les diminutions
dans le chant ne sont pas ravivées de diverses manières presque comme des couleurs,
au lieu de plaisir, elles procureront de l’ennui. Je veux dire que les diminutions doivent
être, parfois de notes conjointes et de même valeur, [mais] parfois celles-ci variées
d’une autre façon ; de sorte que même si ce sont toujours les mêmes notes, elles n’en
paraîtront pas moins différentes, de par la manière différente de les disposer.

En particulier lorsqu’on chante, pour donner de la grâce (gratia), que ce soit au


début, ou n’importe où (mais en cela comme dans le reste, il faut du jugement), on
commence une tierce ou une quarte plus bas, selon la consonance des autres parties,
et particulièrement du contralto, où facilement le soprano peut toucher l’unisson (et
ce qu’on dit du soprano à partir du contralto, peut valoir aussi dans toutes les autres
parties). Il faut en cela observer que l’on donne d’autant plus de grâce à la voix que
l’on tient plus la première note et que la seconde est plus rapide ; cette grâce ne peut
apparaître dès lors que les notes sont de même valeur. L’élégance (leggiadria) dans le
chant, en effet, comme nous l’avons dit plus haut, n’est autre que la variété de la valeur
des notes, comme on le voit également ci-dessous.

Ceci s’observe très bien dans les groppetti, que l’on peut terminer de deux manières ;
la première [avec] des notes de même valeur, la seconde de façon que la fin du grop-
petto soit, pour ainsi dire, refrénée. Cette dernière réussit nettement mieux, parce
qu’elle donne d’avantage de grâce à la voix et qu’elle est également plus commode pour
terminer le mot. On n’en vient donc pas à finir avec cette précipitation (furia), dont
on a parlé, laquelle doit être évitée le plus possible. Néanmoins pour varier, on doit
quelquefois utiliser la [méthode] des notes égales, surtout lorsqu’on n’est pas soumis à
la contrainte des paroles.

242
Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali et motetti passeggiati,
Venise, Giacomo Vincenti, 1594

Si l’on ne parle pas de la voix mais des notes, on peut faire ces mêmes groppetti de
plusieurs manières, même sur une seule note ; je veux dire que, sur une unique note,
on peut en faire plus qu’un [seul], que ce soit en notes égales (seguenti) ou refrénées, ou
[même] les deux ensemble.

Ce que nous avons dit des groppetti, à savoir qu’ils se terminent par des notes d’une
valeur un peu plus grande, on le dit également à propos des diminutions. Cette valeur
ne doit pourtant pas atteindre les notes blanches, car l’effet [en] serait contraire et laid.
[Il faut en revanche le faire] à la manière dont on monte à cheval ; puisque les cavaliers
n’ont pas l’habitude, après une longue course à cheval de tirer soudainement, à mi-
parcours sur la bride, mais procèdent peu à peu en retenant le frein et en ralentissant
les pas.

Le tremolo cependant, qui n’est autre qu’un tremblement de la voix sur la même
note6, demande que les notes cheminent par degré [conjoint] et le tremolo ne peut être

6 Cf. le glossaire, rubrique « Tremolo » ; comparer cette définition à celle de Zacconi : « il tremolo, cioè
la voce tremante » (Lodovico Zacconi, Prattica di musica, op. cit., p. 60), à celle de Zenobi : « Tremolo
è quello, che tocca della riga, e dello spatio in qual si voglia, ch’ei si faccia » (Luigi Zenobi, The Perfect
Musician, op. cit.) et à celle de Caccini concernant le trillo : « ribattere ciascuna nota con la gola » (Giulio
Caccini, Le Nuove Musiche, op. cit., [p. 7]).

Semplice ou passeggiato 243


formé d’une autre manière que d’une voix vive. On doit le faire sur la note signalée, en
veillant à ce qu’au moins jusqu’à la troisième note on n’ajoute pas de nouvelle syllabe,
comme on l’a déjà dit plus haut en parlant des paroles.

Au nombre des notes qui procèdent par degré [conjoint], appartiennent les accenti,
qui se font sur les minimes. On doit pourtant les varier avec jugement quant à la valeur
des notes, [cela] de plusieurs manières, qui, bien qu’elles paraissent de peu de diffé-
rence, font néanmoins un effet autre. On ne peut obtenir cela sur les accenti formés sur
les semiminimes, car, comme ces accenti sont tous en doubles et en triples-croches,
[valeurs] qui sont très rapides, ils ne peuvent être exécutés que d’une seule manière,
bien qu’on puisse y faire un tremolo, mais rapide, et pas aussi formé.

Pour qu’il soit plus clair, et bien que [le tremolo] ait été présenté comme dans les
exemples placés plus haut, il faut l’écrire de la manière suivante, si l’on parle toujours
du tremolo formé.

244
Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali et motetti passeggiati,
Venise, Giacomo Vincenti, 1594

Quant aux croches, elles ne doivent pas être nombreuses dans une tirata, à moins
qu’elles cheminent par degrés [conjoints]. En effet, lorsqu’on chante, non dans une cha-
pelle (da cappella)7 mais en un concert (da concerto)8, où la battue doit être posée (grave),
le fait de vouloir exécuter des croches non conjointes donne l’impression d’étudier une
leçon. On pourra néanmoins y remédier, en faisant des points (ponti) à telle croche, et
en en faisant pas à telle autre (facendo i ponti ad una croma sì, e l’altra no), car de cette
variété d’exécution (da quel variar di tempo) s’ensuit un effet varié d’une [note] à l’autre.
Les doubles-croches enfin, outre la disposition de la voix [nécessaire] doivent être
bien articulées (spiccate) et n’être pas, elles aussi, utilisées trop abondamment, si elles
ne procèdent pas, comme nous l’avons dit des croches, par mouvement conjoint. En
doubles-croches, un très bel effet est produit quand, dans une tirata de nombreuses
notes conjointes, on tient plus la première que les suivantes ; comme par exemple :

Il faut remarquer que toutes les notes ne se prononcent pas de la même manière.
En effet, quelquefois elles doivent être articulées une à une, de sorte qu’on entende la
séparation (differenza) de l’une à l’autre même dans la voix ; ceci sert dans les tirate.
Au contraire, quand elles servent à faciliter un saut de tierce, ce qui est leur seule
utilité au milieu d’une tirata, où on trouvera deux seules notes de valeur plus courte,
elles ne devront pas se faire entendre avec autant de force, car elles procureront ainsi
plus de grâce ; les deux triples-croches sont celles de l’exemple du bas.

7 Cf. le glossaire, rubrique « Cappella ».


8 Cf. le glossaire, rubrique « Compagnia et concerto »

Semplice ou passeggiato 245


Pareillement dans les sauts il est parfois bien de leur donner une certaine vivacité,
en prononçant la note la plus haute avec, comme on dit, plus d’emphase ; quand la
première note est de la même valeur que les suivantes, elles doivent être prononcées de
manière égale, sans aucune différence de voix.
En ce qui concerne ces mêmes accenti, il faut noter que dans les sauts, chaque fois
que la note qui précède celle du saut est de valeur plus grande, celle du saut ne doit pas
être exprimée avec beaucoup de force, mais être touchée avec grâce.

Bien que la succession de nombreux sauts consécutifs soit plus appropriée aux
instruments qu’à la voix, elle peut réussir de toute façon également à la voix, si on
s’accommode bien des paroles. On veillera pourtant, comme plus haut, à atteindre les
notes les plus aiguës du saut avec grâce et sans force, laquelle disconvient tout à fait.

De la même façon, il serait très inconvenant pour un compositeur, si les paroles


sont tristes (molte [sic]) de les accompagner de notes joyeuses, ou de [placer] des notes
tristes sous des paroles joyeuses ; ainsi en chantant, on doit imiter le plus possible les
paroles : c’est-à-dire ne pas orner des paroles tristes avec des diminutions, mais les
accompagner, pour ainsi dire avec des accenti et une voix faible ; si les paroles sont
joyeuses, [il faut] user de diminutions et leur donner encore de la vivacité en variant les
notes, comme on le voit ci-dessous.

246
Giovanni Battista Bovicelli, Regole, passaggi di musica, madrigali et motetti passeggiati,
Venise, Giacomo Vincenti, 1594

De toute manière, comme on le dit par proverbe, chaque règle souffre quelque
exception ; d’où il sera licite parfois, même sous des paroles tristes (si de la sorte tu
recherches la consonance et l’harmonie des parties), de faire quelques diminutions,
bien qu’elles n’exprimeront pas toute cette tristesse que requièrent les paroles. On ne
doit pas pour autant les faire sans jugement et seulement quand l’occasion invite aux
diminutions.
Certains ont l’habitude pour rendre les diminutions plus accommodées à leur
manière, de tenir une note qui vaut une battue [pendant] deux ou trois, pour je ne sais
quelle raison. Ce que je sais, c’est qu’il est plus louable en diminuant de rester soumis
au temps juste, qui est écrit dans la pièce (canto), hormis à la fin, c’est-à-dire sur l’avant-
dernière note.
On doit encore éviter cette manière de finir les cadences: plus elle est utilisée, plus
elle sied mal.

Pour terminer ; dans toutes les diminutions, les cadences, les accenti, et toute autre
manière de chanter, il faut reprendre son souffle à temps et avec jugement. Il faut
surtout ne pas le reprendre entre les notes qui forment un ornement (che servono per
accenti), tant que l’on a pas atteint au moins une partie de la dernière note, ou [le
reprendre] au milieu de la diminution, quand les notes sont de la même valeur. Cela
est valable aussi à la fin de toute diminution et cadence.
Je ne peux pas rester, en ultime conclusion à ces quelques règles, sans parler de
ceux qui, je ne sais si [c’est] par faiblesse des poumons (di fianco) ou par crainte de
manquer d’air, reprennent leur souffle toutes les quelques notes, en s’arrêtant comme
des chevaux peureux à chaque petite ombre ; avec eux [= ces chanteurs], je voudrais,
comme avec les chevaux, que cette petite mise en garde serve et fasse office d’éperons.
Il est clair que ceci ne provient en premier lieu que du manque d’expérience, qui incite
particulièrement ceux qui commencent le chant à couper parfois même les notes ; c’est-
à-dire à abandonner la note après laquelle on prend sa respiration (lasciando quella nota
nella quale si piglia il fiato), avec une telle précipitation, qu’ils font à peine entendre son
intonation et font en revanche plus de bruit en reprenant leur souffle qu’avec la voix.

Semplice ou passeggiato 247


Certains encore, pour passer rapidement sur certains défauts en général, car on ne
peut pas [ici] donner de règle de chant à propos de tous [les défauts], serrent les dents
comme si à l’instant ils allaient expirer ; d’autres envoient la voix dans le nez, d’autres
dans la gorge9 ; d’autres finalement depuis le début de la pièce (canto) et dès la première
note commencent, (comme on dit) comme des forcenés (alla disperata), à faire des
diminutions et, ce qui est pire, souvent en [les] faisant, comme on dit aujourd’hui en
vocalises (di gorga), renoncent à prononcer toutes les paroles, chose très inconvenante
et très grand défaut, lorsqu’on désire, en quelque manière que ce soit, bien chanter.
Il faut donc au commencement d’une pièce10, pendant une durée de trois ou quatre
temps, s’[en] abstenir, à moins que, je ne dis pas sur le premier temps, mais sur le
deuxième ou le troisième, une diminution ne réussisse si opportunément qu’elle mérite
d’être admise.

Erreurs qui se sont glissées dans l’impression

Je vous avertis, aimables lecteurs, qu’en certains endroits les paroles ont été mal
placées ; on a donc indiqué d’un signe de plume où elles doivent aller, afin que l’ou-
vrage reste parfait. Les autres erreurs, une lettre pour une autre [par exemple], pour
être choses de peu d’importance, s’en remettent à votre jugement.

Aux vertueux lecteurs


L’auteur

Il m’est apparu [bon], après avoir donné presque, comme on dit, dans l’abstrait,
les diminutions écrites plus haut, qu’on peut adapter à toutes sortes de pièce (canto),
de mettre aussi quelques motets, madrigaux et faux-bourdons diminués, afin qu’on
voie plus clairement l’effet des précédents, et que plus rapidement quiconque, même
novice en cette profession, puisse connaître la manière dont on doit les utiliser. Il m’est
également apparu [judicieux] de me servir de compositions connues de chacun, de
façon que tout le monde puisse voir facilement l’effet qu’elles [= les diminutions] font
avec les autres parties ; [cela] également parce que toute dette veut que je me serve des
compositions des auteurs qui sont, en la profession de la Musique, tenues à juste titre
en grande estime.

9 Giovanni Battista Bovicelli évoque ici les deux défauts principaux dans l’histoire du chant italien relevés
par tous les auteurs de traités de chant jusqu’aux xviiie et xixe siècles.
10 Cf. le glossaire, rubrique « Règles et conseils », et en particulier les propos de Giovanni Camillo Maffei,
Lodovico Zacconi et Aurelio Virgiliano.

248
Aurelio Virgiliano, Il Dolcimelo, manuscrit inachevé, I-Bc Ms [c. 33], env. 1600

Chapitre 15

Aurelio Virgiliano,
Il Dolcimelo, manuscrit inachevé,
I-Bc Ms [c. 33], env. 16001

Aurelio Virgiliano2 est probablement un pseudonyme d’académicien. En admet-


tant qu’il ait conservé son nom de baptême, il pourrait s’agir d’Aurelio Averoldi (env.
1540-1600), musicien originaire de Brescia et auteur du motet Virgo prudentissima, paru
dans une anthologie de Costanza Antegnati en 1603. L’autre candidat, plus probable,
serait Aurelio Bonelli3 (env. 1569-après 1620), compositeur, organiste et peintre, actif
à Milan, puis à Bologne. Ce dernier est l’auteur du Primo libro delle villanelle a tre voci
(Venise, 1596), du Primo libro de ricercari et canzoni a quatto voci, con due toccate et doi
dialoghi a otto (Venise, 1602) et des Messe e mottetti a quattro voci da capella e da concerto
(Venise, 1620). Il est membre de l’Accademia dei Floridi, fondée en 1615 par Adriano
Banchieri à Bologne. Quel qu’il soit, l’auteur est originaire du nord de l’Italie, au vu
de son intérêt pour les instruments à vent. On peut toutefois exclure une provenance
vénitienne pour des raisons lexicales : l’auteur du traité utilise les termes traversa et
dolciana, au lieu des termes vénitiens fiffaro et fagotto. La datation du traité est égale-
ment problématique mais l’usage de valeurs de notes rapides (triplicate : 24 notes par
semibrève et quadruplicate : 32 notes par semibrève) qui apparaissent pour la première
fois dans le traité de Dalla Casa (Il vero modo di diminuir) en 1584, permet d’établir un
terminus post quem. L’utilisation du terme tiorbo, qui figure chez Virgiliano, n’est pas
attestée avant 1600.

Il Dolcimelo | D’Aurelio Virgiliano : | Dove | Si contengono variati pas-


saggi, e diminuti- | onie così per voci, come per | tutte sorte d’instrumen- | ti musicali,
con loro | accordi, e mo- | di di sonare : || All’Illustrissimo et... [sic4] | Del | Dol-
cimelo | D’Aurelio Virgilia- | no. libro primo. | dove si contengono i passaggi da
far- | si con la voce, e con | ogni sorte d’instrumen- | to musicale :

1 Fac simile : Florence, SPES, 1979 ; édition moderne : « Il Dolcimelo von Aurelio Virgiliano. Eine
handschriftliche Quelle zur musikalischen Praxis um 1600 », Veronika Gutmann, éd., Basler Studien zur
Interpretation der Alten Musik, 1980, p. 107-139.
2 Marcello Castellani, Introduction au fac simile, Il Dolcimelo, op. cit.
3 Colin Timms, « Bonelli, Aurelio », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford University
Press, consulté le 17 juin 2014.
4 Le volume était certainement destiné à la publication et le dédicataire n’avait pas encore été choisi.

Semplice ou passeggiato 249


Le Tympanon5 D’aurelio Virgiliano : où sont contenus passages, et diminu-
tions variés tant pour voix, que pour toutes sortes d’instruments de musique, avec leurs
accords, et modes de jeu :

À l’Illustrissime et... Du tympanon D’Aurelio Virgiliano. livre premier.


Où sont contenues les diminutions à faire avec la voix, et avec toute sorte d’instrument
de musique :

Règles de la diminution6

1. La diminution doit le plus possible cheminer par degré [conjoint].


2. Toutes les notes de la diminution (minute) doivent être [alternativement] l’une
bonne et l’autre mauvaise7.
3. Les notes de la diminution (minute) qui effectuent un saut doivent toutes être
bonnes.
4. La note du sujet doit toujours être touchée au début, au milieu et à la fin8 de la
battue. Quand, au milieu, cela n’est pas commode, on doit au moins toucher à sa place
un son voisin, qui soit consonant et jamais dissonant, excepté la quarte au-dessus.
5. Quand le sujet chemine vers le haut, la dernière note de la diminution doit éga-
lement cheminer de bas en haut, et ainsi pour l’inverse.
6. Ce sera une belle manière que de parcourir l’étendue d’une octave vers le bas ou
vers le haut, selon ce qui sera commode.
7. Quand on saute à l’octave, on doit le faire à celle du haut, et non à celle du bas,
pour ne pas aller à l’encontre des autres parties.
8. La diminution ne doit jamais s’éloigner du sujet de plus d’une quinte, au-des-
sous ou au-dessus
9. Seulement dans [le cas de] ces deux SOL du milieu :

la diminution peut s’éloigner du sujet de sept notes au-dessus et de sept au-des-


sous : mais on l’admettra seulement dans une succession rapide (furia) de doubles-
croches.
10. Quand on trouve une succession de deux tierces vers le haut, comme :

5 L’ancien italien dolcimelo correspond au latin dulce melos et à l’ancien français doulce melle. Il désigne
l’instrument appelé (hammered) dulcimer en anglais. Il s’agit d’une cithare sur table de forme trapézoïdale,
jouée en frappant les cordes (comme le santur persan) et non en les pinçant, comme dans le cas du
psaltérion ou de l’(Appalachian) dulcimer. Par ailleurs, Aurelio Virgiliano avait prévu de traiter de ce type
d’instruments puisqu’à la page 43r on lit le titre : « come si accordi il salterio ».
6 Cf. le glossaire, rubrique « Règles et conseils ».
7 Bonne et mauvaise signifient ici consonante et dissonante. Diruta utilisait abondamment les notions de
note buone et cattive.
8 Cf. le glossaire, rubrique « Conservation de la même note ».

250
Aurelio Virgiliano, Il Dolcimelo, manuscrit inachevé, I-Bc Ms [c. 33], env. 1600

on admettra que l’on peut servir de la quarte inférieure [de la première note], parce
qu’elle sera l’octave de la dernière note, comme :

Pareillement, à l’inverse, quand on trouvera deux tierces vers le bas, on pourra


faire de même, comme :

Semplice ou passeggiato 251


Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie, I-Rv ms [r. 45], ff. 199r-204v, manuscrit non daté, env. 1600

Chapitre 16

Luigi Zenobi,
Raccolta di lettere varie, I-Rv ms [r. 45],
ff. 199r-204v, manuscrit non daté, env. 16001

Luigi Zenobi2 (Ancône 1547/8 – Naples après 1602), l’illustre « Cavaliere Luigi del Cor-
netto », est un parfait représentant de l’homme aux talents multiples de la Renaissance.
Instrumentiste virtuose du cornet à bouquin, professeur de chant, écrivain, il est aussi
peintre et miniaturiste. De 1569 à 1573, il est « musico unnd zinckhenplaser » à la cour de
l’empereur Maximilien ii à Vienne. Résidant à Vienne depuis 1569, Zenobi effectue
cependant des séjours à Munich et à Rome. En 1583, il est fait chevalier, probablement
par l’empereur Rodolphe ii. La même année, il est engagé à la cour d’Alphonse ii
de Ferrare (il y est le musicien le mieux payé) et se rend plusieurs fois à Rome pour y
recruter des chanteurs. En 1587, il dirige à Rome la musique de l’Oratoire de Philippe
Neri. Zenobi séjourne ensuite de nouveau à Vienne, avant la mort d’Alphonse ii d’Este
(1597). Il termine probablement sa vie à Naples, à la cour du vice-roi. On possède
dix-huit lettres de Zenobi dont une longue missive écrite à un prince anonyme qui
énumère les qualités du parfait musicien (chanteur, directeur, compositeur et instru-
mentiste). Ce document est particulièrement précieux puiqu’il émane d’une person-
nalité ayant été active dans de nombreuses cours réputées pour leur niveau musical
élevé. Cette lettre décrit précisément les exigences requises de la part des chanteurs et
des instrumentistes de la fin du xvie siècle pour l’exécution, entre autres, des œuvres
des compositeurs jugés par Zenobi comme étant des modèles, soit Adrien Willaert,
Gioseffo Zarlino et Paolo Animuccia, Cipriano de Rore et Luzzasco Luzzaschi.

[…]

2. [Les questions du prince]

Votre Altesse désire et demande que je parle en somme de six questions, qui sont
les suivantes :
– Quelles qualités doit-on avoir pour chanter avec sûreté sa partie ?
– Que doit-on rechercher pour bien diriger (rimetter), ou pourquoi ne dirige-t-on
pas bien ?

1 Édition moderne : The Perfect Musician, a letter to N. N., Bonnie J. Blackburn et Leofranc Holford-
Strevens, éd. et trad., Cracovie, Musica Jagellonica, 1995 (édition bilingue italien-anglais).
2 Bonnie J. Blackburn, « Zenobi, Luigi », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford, Oxford
University Press, consulté le 17 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 253


– Qui doit-on appeler un musicien, et l’est vraiment, de même que la différence
entre un musicien et un chanteur ?
– Que doit avoir un chanteur, pour chanter avec art, avec grâce et avec jugement ?
– Quelle différence y a-t-il entre composer en maître musicien ou simplement (alla
buona) ; et pareillement pour ce qui est de jouer ?
– En quoi enfin pèchent ordinairement les musiciens, chanteurs et instrumen-
tistes, s’ils ne connaissent et n’ont rien d’autre que la musique ?

3. [Considérations sur ces questions]

Ce sont six questions, en vérité chacune en soi malaisée, et qu’il conviendrait de


digérer avec la plus grande réflexion de ma part. Toutefois, comme Votre Altesse écrit
qu’elle a déjà en mains l’avis de beaucoup de personnes et qu’il lui manque seulement
le mien, pour la servir je commence en disant que ce sont sept qualités que, selon moi,
doit avoir un chanteur sûr et, s’il avait la huitième, il donnerait une grande preuve de
sûreté.

4. [Qualités du chanteur pour chanter avec assurance]

La première est de ne pas être ignorant en contrepoint.


La deuxième de chanter avec sûreté les mélodies composées en croches et en
doubles-croches.
La troisième de chanter avec sûreté celles qui sont composées avec des sauts,
comme des sixtes, des septièmes, des neuvièmes, des onzièmes, tantôt rapides, tantôt
lentes.
La quatrième de chanter avec sûreté celles qui sont composées de syncopes (contra-
tempi), mêlées de dissonances savantes (artifitiose durezze).
La cinquième de chanter avec sûreté celles qui sont composées chromatiquement3.
La sixième de chanter et de connaître avec sûreté toutes, ou la majeure partie des
proportions (propositioni [sic]) et des sesquialtere, qui sont disséminées dans les œuvres
anciennes et modernes.
La septième de connaître parfaitement les signes musicaux [de mensuration] et de
tempi, ainsi que la valeur des notes d’après ceux-ci.
La huitième serait que, si on trouve une erreur de composition ou de copie, on
sache remédier à la faute à l’improviste tout en chantant et retourner à sa partie sans
aide des autres.
Pour ce qui est du fait de chanter avec sûreté, c’est facile à dire mais très difficile,
voire miraculeux, à trouver, parce que dans ce filet sont pris les chanteurs âgés par
centaines et les compositeurs par douzaines, et, si son Altesse en voit la preuve, elle
le verra avec son résultat.
[…]

3 Les 4e et 5e exigences concernent, bien entendu, plus spécifiquement le répertoire du madrigal moderne,
tel qu’il est pratiqué en particulier à la cour de Ferrare.

254
Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie, I-Rv ms [r. 45], ff. 199r-204v, manuscrit non daté, env. 1600

9. [Qualités du musicien et différence entre musicien


et chanteur]
[…]

En effet entre le chanteur et le musicien il y a la même différence, ou une sem-


blable, qu’entre quelqu’un qui vit selon les lois reçues bien grossières de la nature et
celui, qui a passé de nombreuses années dans les universités les plus célèbres du monde
à étudier les lois et est devenu docteur, pouvant monter en chaire, faire lecture aux
autres, interpréter, commenter et diriger peuples et états.
On doit donc appeler musicien [et] musiciens, ceux qui comprennent excellem-
ment le contrepoint, soit en le chantant, soit en l’écrivant et qui, n’ayant pas de lacunes
à ce sujet (non havendo mancamento per sua colpa), chantent avec sûreté, dirigent bien et
composent avec art (da maestro). On appelle chantres ou chanteurs ceux qui chantent
les parties aiguës, intermédiaires ou graves ; s’ils le font respectivement :
– avec sûreté, grâce et jugement, [ils sont] excellents
– moyennement, [ils sont] moyens
– de manière ordinaire, [ils sont] ordinaires
– médiocrement, [ils sont] médiocres
– avec de la pratique, [ils sont des chanteurs] expérimentés (pratici)
– naturellement, [ils sont des chanteurs] naturels.

10. [Qualités des chanteurs des différentes


tessitures – la basse]

Il est temps à présent que je dise à Votre Altesse quelles conditions doit remplir
quelqu’un pour chanter avec grâce, avec jugement, avec des diminutions (passaggi)
nobles et avec art, ou comme on dit communément, pour chanter tout à fait bien sa
partie ; et cela de même pour celui qui joue sur son instrument une seule partie. On
parlera en effet plus tard des instrumentistes qui peuvent jouer les parties ensemble et
faire harmonie par eux-mêmes.
Votre Altesse doit savoir principalement que les parties ordinaires sont au nombre
de quatre, à savoir basse, ténor, contralto et soprano, auxquelles et avec lesquelles
s’ajoutent la cinquième et la sixième partie ou la septième et la huitième qu’on peut
chanter. Cependant habituellement les parties sont les quatre premières nommées.
Celui qui chante la basse, s’il chante en ensemble (in compagnia), est obligé de
savoir tenir sa partie ferme (salda), juste quant à l’intonation (voce) et sûre quant à la
précision (sapere). Si on veut parfois diminuer (passaggiare), on doit choisir le moment
ou les trois [autres] parties tiennent ferme et connaître les endroits où on peut faire
la diminution. En effet diminuer la basse selon son humeur, sans bien connaître le
moment ou l’endroit adaptés, est sans doute une preuve d’ignorance crasse. On doit
ensuite connaître et savoir quelles sont les diminutions propres à la basse, parce qu’en
faire de ténor, de contralto et de soprano est une preuve de ce qui a déjà été dit très
clairement.
On doit aussi avoir le trillo et le tremolo net[s], ainsi qu’une voix, dans l’aigu et dans
le grave, égale de timbre (tuba). Sans quoi on ne pourra pas appeler basse celui qui ne

Semplice ou passeggiato 255


parcourt pas vingt-deux notes de l’aigu au grave avec une égale rondeur de timbre4. On
l’appellera plutôt ténor forcé, susceptible d’obtenir en chantant et en criant perpétuel-
lement une égalité de force (polso) dans l’aigu et dans le grave. Il porte alors toujours
avec lui une certaine résonance crue, laquelle paraît belle et bonne à un ignorant, mais
laide et défectueuse au connaisseur.

11. [Qualité de la basse – suite]

Quand la basse chante seule, on ne peut pas juger son chant s’il est accompagné
d’un luth, d’un clavecin ou d’instruments semblables, parce que de tels instruments
ont à peine attaqué la note qu’ils l’abandonnent déjà. Ainsi, que ce soit une basse ou
autre partie, on peut chanter d’infinies fausses notes, qui passent inaperçues puisque
l’harmonie évanouie de cet instrument imparfait ne les laisse pas remarquer, excepté
par le connaisseur, qui les remarque comme fausses et mal à propos et par conséquent
tient le chanteur pour ignorant. Cependant avec l’orgue, on peut évaluer aisément
celui qui chante et qui joue avec jugement et art, si l’auditeur maintient son attention.
[…]

12. [Ténor et voix intermédiaires]

Le ténor doit diminuer quand la basse et les autres parties (parti compagne) restent
tranquilles, utiliser les diminutions propres à sa partie et ne pas toucher celles de la
basse, si ce n’est quand la composition le laisse à sa place ; et alors même le faire avec
jugement et discrétion. Le contralto peut et doit faire de même.
J’apprécie cependant, dans ces parties intermédiaires, que [les chanteurs] dimi-
nuent rarement et se contentent de savoir monter et descendre avec la voix ondulant
gracieusement (gratiosamente ondeggiando) et en utilisant de temps en temps quelque
agréable trillo ou tremolo. Sans doute cela leur apporterait-il plus de louange de la part
de quelqu’un qui sait ce qu’est le chant. En revanche, lorsqu’ils chantent seul avec
quelque instrument jouant toutes les parties, dans ce cas, ils peuvent s’autoriser plus de
diminutions. Toutefois pas au point qu’elles suscitent le désagrément et l’impression
que tout leur travail est placé sur cet aspect.
Il faut avertir le ténor que ses diminutions soient telles qu’elles ne touchent pas la
partie de basse ou de contralto et le contralto que les siennes ne touchent pas celles du
soprano et du ténor. C’est ainsi que l’on chante avec jugement et avec art, et non au
hasard et en casse-cou, comme font aujourd’hui quelques incapables (meschinissimi), en
prétendant connaître le chant à fond (toccare il fondo all’orciuol in materia di sapere can-
tare) et en flattant doucement leur orgueil (beccandosi dolcemente l’horloggio). Afin que
Votre Altesse me comprenne mieux : les mouvements (passi) des voix intermédiaires
doivent peu s’étendre et plutôt s’entrelacer avec art, pour prendre peu de place et être
plaisantes à écouter. Ainsi reconnaît-on grandement l’art et le jugement du chanteur.

4 Luigi Zenobi pense ici surtout à la technique du basso alla bastarda, pratiquée entre autres par Giulio
Cesare Brancaccio et Alessandro Merlo, deux basses à l’étendue extraordinaire (cf. Richard Wistreich,
Warrior, Courtier, Singer, op. cit., p. 129-217 ; ainsi que : Richard Wistreich, « La voce è grata assai », Early
Music, vol. 22, no 1, 1994, p. 7-19).

256
Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie, I-Rv ms [r. 45], ff. 199r-204v, manuscrit non daté, env. 1600

13. [Soprano – les différents agréments]

Il reste le soprano, qui est vraiment l’ornement de toutes les parties. Tout comme
la basse en est le fondement.
Le soprano a l’obligation et le champ libre pour diminuer, rendre plaisant (scher-
zare] et embellir un corps musical. Si cependant cela ne se fait pas avec légèreté et
jugement, c’est fastidieux à entendre, dur à digérer et pesant (stomacoso) à supporter.
Pour être beau à entendre, [le soprano] doit être naturel ou d’enfant (puerile), sans
défaut du nez. Il ne doit pas rejeter la tête, renverser les épaules et être sans mouve-
ments d’yeux, de mâchoires, de menton ou de sa personne. Il doit aller haut et bas avec
égalité de timbre (tuba) et ne pas avoir un registre dans l’aigu et un autre dans le grave.
Il doit bien maîtriser le contrepoint, parce que sans cela, il chante au hasard et fait
mille imperfections (cosaccie). En chantant il doit faire comprendre distinctement les
paroles et non les embrouiller de diminutions, ni les couvrir d’une résonance vocale de
cloche, rauque ou grossière.
Il doit avoir [groppo, trillo et tremolo:]5
– le groppo grenu (granito) est celui qui touche deux notes, comme sol et fa ou la et
sol, en doubles-croches détachées
– le groppo posé (posato) est celui qui se fait en croches simples, en touchant égale-
ment clairement les deux notes
– le trillo est celui qui ne s’arrête pas, ni sur une ligne ni sur un espace [mais se
meut toujours] avec vélocité
– le tremolo est celui qui touche la ligne et l’espace, de quelque manière qu’on
veuille le faire.

14. [Autres qualités du soprano : musicalité,


diminutions, …]

Le soprano doit avoir de plus l’ondoiement (ondeggier)6 de la voix, connaître les


endroits [où placer] des esclamationi et ne pas les faire indifféremment, ni grossière-
ment, comme beaucoup font.
Il doit savoir monter avec la voix et descendre avec grâce, retenant tantôt une
partie de la note précédente (passata) et la réattaquant (ritoccandola) un peu si la conso-
nance le demande ou le supporte. Il doit savoir faire naître les dissonances (le durezze,
o le farse [sic]), où le compositeur ne les a ni touchées ni faites, mais laissées au jugement
du chanteur. Il doit s’unir et s’accorder avec les autres parties.
Il doit tantôt porter les notes avec mépris (disprezzo), tantôt de manière à les traîner
(strascinarle), tantôt avec un tour galant (con galanteria di motivo).
Il doit posséder un riche bagage de diminutions (Deve esser ricco di passaggi), tant
en savoir, qu’en jugement et en mise en valeur. Il doit connaître quelles sont les bonnes
formules (passi), en commençant par celles qui se font avec un grand savoir-faire (arti-
fitio) : d’une note, de deux, de trois, de quatre, de cinq, de six, de sept et de huit. Il

5 Cf. le glossaire, rubriques : « Groppo », « Trillo » et « Tremolo ».


6 Ce terme, qui n’apparaît dans aucune autre source du xvie siècle, semble véritablement désigner le vibrato
(cf. Bruce Dickey, « Untersuchungen zur historischen Auffassung des Vibratos auf Blasinstrumenten »,
Basler Jahrbuch zur historische Musikpraxis, vol. 2, 1978, p. 77-142).

Semplice ou passeggiato 257


doit savoir les entrelacer, les grouper et les redoubler. Il doit savoir jouer plaisamment
(scherzar) avec des noires (semiminime) disjointes et conjointes. Il doit savoir com-
mencer une formule en croches et la finir en doubles-croches, ainsi que la commencer
en doubles et la finir en croches. Il doit toujours varier les bonnes formules sur les
mêmes motifs. Il doit savoir diminuer toutes sortes de mélodies, tant rapides, que
chromatiques ou en longues notes (ferme). Il doit connaître les œuvres qui demandent
des diminutions et celles qui n’en requièrent pas. Il doit, en chantant un même passage
plusieurs fois, varier toujours les formules.
Il doit savoir chanter la phrase simplement (il canto schietto), c’est-à-dire sans aucune
diminution, mais seulement avec grâce, trillo, tremolo, ondeggiamento et esclamatione.
Il doit connaître la force des paroles, tant temporelles que spirituelles, quelles
qu’elles soient ; et où l’on parle de voler, de trembler, de pleurer, de rire, de sauter, de
crier, de quelque chose de faux et de notions semblables, il doit savoir les [ces paroles]
accompagner de la voix.
Il doit avoir les formules d’échos, tantôt immédiats (continui) et tantôt après une
interruption (separati). Il doit savoir parfois commencer à voix forte et la laisser peu à
peu mourir ; parfois commencer ou finir à voix douce et peu à peu la raviver.
Il doit savoir diminuer en sauts d’intervalles, en syncopes (a contratempi) et en
sesquialtere. Il doit reconnaître très bien les endroits qui nécessitent des diminutions.
Il doit démarrer avec jugement et terminer en même temps que celui qui chante ou
joue avec lui.
Il doit chanter différemment à l’Église, à la chambre, à l’extérieur, de jour comme
de nuit ; différemment un motet, une villanelle, une lamentation, un chant joyeux,
une messe, un faux-bourdon ou un air, et avoir, pour chacune des compositions dites,
un tour (motivo), des diminutions et un style, de façon que l’on reconnaisse l’art et le
savoir du chanteur.

16. [Généralités sur les instrumentistes]

À présent, il doit avoir toutes ou la majeure partie des conditions décrites précé-
demment l’instrumentiste qui joue du cornet, de la viole de gambe, du violon, de la
flûte à bec ou traversière, et d’instruments semblables, à une seule voix.
En ce qui concerne les instrumentistes qui jouent toutes les parties, je parlerai
ensuite à Votre Altesse, avec vérité et brièveté, de ce que j’en pense et de ce que j’en
connais, sans pensée de nuire à personne. Etant d’accord et entendu que, comme dans
le reste de ce que j’ai dit, à ce qu’il me semble, c’est ce que réclame votre demande, ainsi
que modestie et vertueuse sincérité de ma part.

258
Luigi Zenobi, Raccolta di lettere varie, I-Rv ms [r. 45], ff. 199r-204v, manuscrit non daté, env. 1600

17. [Qualités des instrumentistes à vent]

Il est vrai que les instrumentistes à vent doivent en plus connaître la qualité, la
quantité et la variété des coups de langue, la maîtrise de l’instrument, ainsi que le forte
et le piano selon le besoin. Ils doivent cependant soigner davantage le piano, comme
étant ce qui sert pour les chambres des princes et dans les lieux respectables, et qui font
en premier lieu découvrir les défauts ou l’excellence de celui qui joue ; ce qui n’advient
pas sur les tribunes, dans les chapelles et où on joue en force, parce que là se trouve tout
homme de peu de connaissance et de maîtrise en quelque chose7.
Il arrive de même dans les grands concerts, qui font beaucoup de bruit et font
passer toutes les erreurs (spropositi), les fausses notes (falsità), les problèmes d’intona-
tion (stonamenti) et l’ignorance de celui qui joue d’un instrument à vent et à cordes.
Cependant quand on chante et on joue avec manière et avec une seule personne, dès
les premières notes (al primo motivo) on peut juger du savoir ou de l’absence de savoir
de quelqu’un.

18. [Qualités des instrumentistes à cordes]

Les joueurs d’instruments à cordes, comme les violes, tant la viole de gambe que le
violon, ont à se faire reconnaître par leur maîtrise des coups d’archet (arcata), la qualité
de leur tenue (polso) d’instrument, la variété de leurs cordes, la richesse dans le choix
(proprietà) et le raffinement des diminutions, ainsi que dans le tremolo, le jeu de l’archet
(striscio), tout comme la facilité et la sûreté du lié (lirare).
Les joueurs de luth, de clavecin et de harpe se dévoilent dans la douceur, la rapi-
dité, la propreté et l’agilité de la main, ainsi que par l’excellence dans l’imagination
(fantasia) en jouant sur pièce choisie et par un contrepoint savant (da Maestro) sur un
passamezzo (Basso e mezzo), une gaillarde, une fugue, un cantus firmus et des pièces
semblables.

19. [Qualités particulières des joueurs de trombone,


de cornet et d’instruments polyphoniques]

Les joueurs de trombone se découvrent dans la justesse d’intonation (tirar giusto),


la douceur de jeu, le souci d’éviter un son de meuglement (buino) et dans l’aptitude à
imiter une voix humaine grave, tout comme le cornet une voix aiguë.
[Les cornettistes] dans leur capacité à jouer les demi-tons et les notes hors du ton,
si nécessaire8, dans [le mot manque] de l’instrument, la grâce, l’imitation d’une voix
humaine d’enfant, le raffinement et la variété des diminutions, dans la tenue avec grâce
de l’instrument et non dans un mauvais comportement (non comporsi punto) en jouant
et quantité d’autres choses.
Parmi les exigences qui font reconnaître le savoir ou l’ignorance de celui qui joue
du clavecin, du luth et de la harpe est le fait de jouer avec un art accompli une œuvre en

7 Cf. le glossaire, rubriques « Cappella » et « Compagnia et Concerto ».


8 Zenobi se réfère ici à la musica ficta et aux notes chromatiques.

Semplice ou passeggiato 259


partition (partita) d’un excellent compositeur et cela tout particulièrement en lecture
à vue (all’improviso). C’est là que l’on remarque la douceur, la rapidité, la propreté et
l’agilité de la main, la qualité et la variété des diminutions et le jugement avec lequel,
sans offense à la composition, le musicien ajoute ses pensées et ses intentions (cap-
pricci), et, avec manière et grâce, les trilli, les tremoli, la délicatesse de son attitude (il
garbo della vita) et autre. En effet, pour dire vrai, on y voit plutôt davantage de défauts
que d’effets, [et ceux-ci] laids, fautifs et tout à fait insupportables, comme j’en parlerai
sous peu à Votre Altesse.

25. [Qualités des joueurs d’instruments polyphoniques]

À présent je dis à Votre Altesse que les instrumentistes, qui jouent toutes les par-
ties, comme [les joueurs de] clavecin, luth, harpe, théorbe, cistre, guitare espagnole,
ou pour mieux dire Viola (= vihuela), ont à prendre la fondation [de leur jeu] sur la
douceur, l’aisance et la force (terribilità) de la main, sur la galanterie du doigt et du
tremolo, sur la qualité de l’imagination (fantasia), sur la richesse et la variété des bonnes
diminutions, sur la bonne grâce dans l’attitude du corps (tener la vita) et la tenue de
l’instrument, dans le raffinement du style, ainsi que la rapidité dans leur maîtrise de
l’instrument qu’ils jouent.
Cependant au-dessus des nombreuses qualités, [ils doivent avoir] du jugement, en
sachant jouer de concert avec quelqu’un qui joue d’un instrument à une seule partie
ou quelqu’un qui chante avec eux. Dans tel cas en effet, il n’est si grand maître, qui
ne mérite louange s’il sait faire office d’élève, en jouant toutes les parties non ornées
(schiette) et proprement, tandis que l’autre joue ou chante avec lui ; et, lorsque celui-ci
se tait, en évoluant d’une manière aimable, en quelque sorte plutôt agréable (vaga) que
pleine d’artifices (artifitiosa) pour l’accompagner.

260
Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614

Chapitre 17

Adriano Banchieri,
Cartella musicale,
Venise, Giacomo Vincenti, 16141

Adriano Banchieri2 [né Tommaso] (Bologne, 1568 – Bologne, 1634) est compositeur,
organiste, théoricien et écrivain. En 1587, il entre dans l’ordre bénédictin des moines
olivétains sous le nom d’Adriano. En 1592, il est élève de Gioseffo Guami à Lucques.
On le trouve ensuite à Sienne (1593), au monastère de San Michele in Bosco, près de
Bologne (1594), dont il devient l’organiste (1596). Il est organiste à Imola en 1600 puis
envoyé à Gubbio (1604) où il rencontre Diruta. Il est mentionné à Santa Elena de
Venise (1605), à Vérone (1606) et à Milan (1607). De retour à San Michele in Bosco en
1609, il y reste jusqu’à sa mort. En 1615, il avait été membre fondateur de l’Accademia
dei Floridi à Bologne au sein de laquelle il était surnommé il Dissonante. Banchieri
avait rencontré Monteverdi en 1620. Esprit autant facétieux qu’érudit, il contribue
tant à la théorie musicale (ses nombreux écrits pédagogiques sont très précieux pour
les musiciens d’aujourd’hui) qu’au développement des concerti ecclesiastici, de la musique
instrumentale et surtout de la comédie madrigalesque dont il est, avec Orazio Vecchi,
un des plus grands maîtres.

Œuvres de musique religieuse : psaumes, messes, motets, Concerti ecclesiastici à


8 voix (Venise, 1595) ; musique vocale profane : Canzonette à 3 voix, comédies madri-
galesques : Il studio dilettevole (élaboration à 3 voix de l’Amfiparnaso de Vecchi, Milan,
1600), la Pazzia senile (Venise, 1598), Il Zabaione musicale (Milan, 1604), La Barca di
Venezia per Padova (Venise, 1605), Festino della sera del giovedi grasso (Venise, 1608) ;
musique instrumentale : Canzoni alla francese de 1 à 8 voix (Venise, 1596) ; œuvres théo-
riques : Cartella, overo Regole (Venise, 1601), révisée et publiée sous le titre Cartella
musicale (Venise, 1615), L’Organo suonarino (Venise, 1605), Conclusioni nel suono dell’or-
gano, op. 20 (Bologne, 1609), Lettere armoniche (Bologne, 1628).

Cartella | musicale | nel canto figurato | Fermo, e contrapunto. | del |


Padre Don Adriano Banchieri | Bolognese monaco olivetano. | Novamente in
questa terza impressione ridotta dall’an- | tica alla moderna pratica, e dedicata | alla
Santissima Madonna | di Loretto | con privilegio. | [marque typographique] |
In Venetia, | Appresso Giacomo Vincenti | mdcxiv.
1 Il s’agit de la troisième édition de cet ouvrage qui contient une version plus complète des deux précédentes,
toutes deux publiées à Venise chez Giacomo Vincenti, respectivement en 1601 et 1614. Fac simile : Bologne,
Forni, 1968.
2 Willian S. May et Frans Wiering, « Banchieri, Adriano », Grove Music Online. Oxford Music Online,
Oxford, Oxford University Press, consulté le 19 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 261


Dossier musical sur le chant figuré, [le cantus] firmus et le contrepoint. du
Père Don Adriano Banchieri de Bologne moine olivétain. Dans cette troisième
impression, nouvellement réduit de la pratique ancienne à la pratique moderne, et
dédié à la Très saine Madonne de Lorette avec privilège. [marque typogra-
phique] À Venise, chez Giacomo Vincenti 1615.

De la vocalise (gorga), [des] fioritures [fioretti],


et [des] ornements (accenti)
Vingt-quatrième document

Comme cette vocalise (gorga) ne se trouve pas dans la notation musicale (sopra
gli scritti musicali), je ne devrais pas en faire mention. Toutefois, pour ma satisfaction,
je dis que le chanteur, qui fait des vocalises en compagnie, prive le concert de l’art et
de l’harmonie (cantando il gorgeggiante in compagnia priva il concento dell’artificio, et
armonia) composés par l’illustre compositeur. Je loue cependant celui qui a la dispo-
sition vocale (dispostezza di voce) pour pratiquer en chantant seul avec orgue, clavecin,
luth, chittarone, arpittarone, ou autres instruments semblables, de faire faire une adap-
tation (facendosi accomodare) des pièces par des compositeurs intelligents (s’ils ne sont
pas capables de la faire eux-mêmes).
On ne donnera pas d’exemple de cette vocalise, puisque c’est plutôt une chose
naturelle qu’autrement. On montrera néanmoins quelques fioritures dans les cadences
et, avec elles, certains ornements (accenti), qu’on peut utiliser dans les cadences, sauts
de tierces et [de] quartes, comme on l’aperçoit dans les lignes suivantes, au verso.

262
Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614

[…]
Cent diminutions variées[,] ornées (accentuati) à la moderne, [en] latin, et [en
langue] vulgaire ; déduites des célèbres compositeurs de notre temps, et avec les notes
simples, au bénéfice de celui qui compose, appliquées en vue de la mémorisation de
l’exemple. Du Padre Don Adriano Banchieri […], et séparées en quatre séries, à savoir
[:] vingt-cinq à la voix de soprano, vingt-cinq à la voix de contralto, vingt-cinq à celle
de ténor, et vingt-cinq à la partie grave.

Semplice ou passeggiato 263


À la voix de soprano

264
Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614

Semplice ou passeggiato 265


À la voix de contralto, en latin

266
Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614

Semplice ou passeggiato 267


268
Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614

Semplice ou passeggiato 269


À la voix de basse, en latin et en langue vulgaire

270
Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614

Semplice ou passeggiato 271


À propos de la manière de chanter les liaisons variées, qui apparaissent dans les
susdites cent diminutions, voir la Cartella à la p. 48, document 23, qui est la matière
concernant cette pratique moderne.

Remarques sur les cent diminutions

1. Les cent diminutions susdites ont été imprimées de manière éparse dans [les
œuvres des] auteurs modernes, recueillies avec grand zèle et diligence. Ils [= les
auteurs] ne sont pas nommés pour deux raisons : premièrement, pour ne pas agrandir
le volume ; secondairement, vu que chacun en a fait une semblable, chaque virtuose
qui y trouvera [des formules déjà] imprimées par lui-même, pourra dire : celles-ci sont
les miennes, les paroles ayant été changées.
2. La version simple (memoria), je ne l’ai pas trouvée écrite, mais je l’ai composée
moi-même d’après la diminution, pour servir d’étude, de façon que les débutants
apprennent la manière de faire chanter les parties diminuées (passaggiate) et ornées
(accentuate) selon l’usage moderne.
3. Celles [= les diminutions] de soprano, d’alto et de ténor peuvent être appli-
quées en les échangeant. Par exemples les sopranos à l’octave inférieure se changent
en ténors, et pareillement, les ténors à l’octave supérieure se changent en sopranos. De
même, les contraltos à l’octave inférieure seront des basses, et à la quarte supérieure
des sopranos. Enfin les basses à la quinte ou quarte supérieure seront des ténors. On
pourra aussi transposer sur différentes notes.
4. En les [= les diminutions] ayant à l’esprit, un chanteur avisé se retrouvant à avoir
en main une partie [à chanter] avec l’orgue ou ailleurs, et trouvant des notes simples,
semblables à l’exemple (memoria) vu, pourra faire la diminution, ce qui fera bon effet,
et, le gracieux chanteur en acquerra réputation.
5. En les chantant à deux voix pour s’exercer et se faire l’oreille, ils [= ces exemples]
feront bon effet ; ainsi, pour étudier, le maître chantera l’exemple simple (memoria) et
l’élève la diminution ; tous les deux ensemble et en même temps3.
6. Le nouveau compositeur, pour terminer, pourra changer les paroles latines en
[langue] vulgaire et les vulgaires en latin, et aussi, en mettre d’autres à la lumière de
ces exemples.

3 Cette remarque pédagogique est intéressante : on peut chanter en même temps la version simple et la
version diminuée.

272
Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, Milan, Filippo Lomazzo, 1620

Chapitre 18

Francesco Rognoni,
Selva de varii passaggi,
Milan, Filippo Lomazzo, 16201

Francesco Rognoni2 [Rognone] (Milan ? deuxième moitié du xvie siècle – avant


1626), le fils de Riccardo Rognoni, est compositeur, théoricien et instrumentiste
(violon, viole, flûte traversière). Actif à Milan dès 1608, il est directeur de la musique
du prince de Masserano en 1610. Il a également des contacts avec l’archiduc Charles
d’Autriche et le roi de Pologne Sigismond iii Vasa. De 1613 à 1624, il est directeur
de la musique instrumentale du gouverneur de Milan puis maître de chapelle à San
Ambrogio (1620). Il est chevalier papal et comte palatin. La Selva de varii passaggi,
divisée en deux parties (voix et instruments), contient notamment de nombreux et
précieux détails d’exécution (agréments vocaux, coups de langue pour les vents, « lireg-
giare » et « archeggiare » pour les cordes).

Œuvres : Canzoni francese per sonar… a 4, 5, 8 (Milan, 1608), Il primo libro de madri-
gali, 5 voix, bc (Venise, 1613), Missarum et motectorum, 4, 5 voix (Venise, 1624), œuvres
dans des recueils collectifs3, Selva de varii passaggi (Milan, 1620).

Selva | de varii passaggi | secondo l’uso moderno, | per cantare, e suonare


con ogni sorte de stromenti, | divisa in due parti. | Nella prima de quali si
dimostra il modo di cantar polito, | e con gratia ; e la maniera di portar la voce
accentata, con tremoli, groppi, trilli, esclama- | tioni, e passaggiare di grado in grado,
salti di terza, quarta, quinta, sesta, ottava, | e cadenze finali per tutte le parti, con
diversi altri essempi, e motetti passeggiati : | cosa ancora utile a’ suonatori per imi-
tare la voce humana. | Nella seconda poi si tratta de passaggi difficili per gl’instro-
menti, del dar l’arcata, o lireggiare, portar | della lingua, diminuire di grado in grado,
cadenze finali, essempi con canti | diminuiti, con la maniera di suonare alla bastarda.
| nuovamente datta [sic] in luce | di Francesco Rognoni Taegio, capo musico
d’instromenti | nella Regia Ducal Corte, e maestro di capella in Santo Ambrosio
Maggiore di Milano. | Alla Sacra Maestà del Re di Polonia. | [emblème de Sigismond
Vasa, roi de Pologne] | In Milano, Appresso Filippo Lomazzo, m. dc. xx.
1 Fac simile : Guglielmo Barblan, éd., Bologne, Forni, 2001 ; édition moderne : Richard Erig, Zürich,
Pelikan, 1987.
2 Sergio Lattes et Marina Toffetti, « Rognoni, Francesco », Grove Music Online. Oxford Music Online,
Oxford, Oxford University Press, consulté le 19 juin 2014.
3 Notamment RISM 16129, 16199, 16265.

Semplice ou passeggiato 273


Forêt de diminutions variées selon l’usage moderne, pour chanter, et jouer
avec toutes sortes d’instruments, divisée en deux parties. Dans la première des-
quelles est démontrée la façon de chanter proprement, et avec grâce ; et la
manière de porter la voix avec des ornements, avec des tremoli, groppi, trilli, escla-
mationi, de même que de diminuer de degré en degré, [par] sauts de tierce, quarte,
quinte, sixte et octave, et des cadences finales pour toutes les parties, avec divers autres
exemples et des motets diminués : chose également utile aux instrumentistes pour
imiter la voix humaine. Dans la seconde, on traite ensuite des diminutions difficiles
pour les instruments, du coup d’archet [simple] ou lié, des coups de langue, de la dimi-
nution de degré en degré, des cadences finales, exemples avec pièces diminuées, avec
la manière de jouer à la bastarda. nouvellement publiée de Francesco Rognoni
Taeggio, chef musicien des instruments de la cour royale ducale et maître de
chapelle à Saint-Ambroise-Majeur de Milan. À la Majesté Sacrée du Roi de Pologne.
[emblème de Sigismond Vasa, roi de Pologne] À Milan, Chez Filippo Lomazzo,
1620.

Première partie

Avertissements
Aux bienveillants lecteurs

1. Le porter de la voix doit se faire avec grâce (gratia) ; ce qui se fait en renforçant
la voix sur la première note peu à peu, et ensuite en faisant le tremolo sur la noire.
2. L’accento doit être plutôt lent (tardo) qu’autrement ; le vrai accento est celui qui se
fait en descendant, bien qu’aujourd’hui on use aussi d’un autre pour monter et parfois
selon son goût à l’oreille, toutefois les bons chanteurs le [= l’autre accento] font rare-
ment, car il deviendrait ennuyeux.
3. Le tremolo se fait souvent, mais néanmoins avec grâce (gratia). On doit se garder
de le faire sans but (termine), comme certains, qui paraissent des chevreaux. Le tremolo
se fait principalement sur la valeur du point de chaque note.
4. Le groppo, quant à moi, me paraît devoir s’écrire de cette manière, puisque la
majeure partie des hommes de valeur l’ont écrit ainsi ; et de même pour le trillo. Il
faut avertir chacun qui veut apprendre ledit trillo ou [le] gruppo de marquer (pigliare)
et de battre chaque note avec la gorge sur la voyelle « a », jusqu’à la dernière brève ou
semibrève4. Ce trillo ou ce gruppo se fait principalement sur l’avant-dernière note de
n’importe quelle cadence ou finale.
5. Le commencement en-dessous de la note doit être, soit de tierce, soit de quarte
(il faut donc du jugement), car l’attaque (cominciar) à la tierce n’étant pas toujours
bonne, [il faudra la faire] alors parfois à la quarte ; cela se fait selon l’oreille du chanteur
avisé, en raison de la dissonance qui peut naître. Ce commencement n’est autre qu’une
grâce donnée (un dar gratia) à la voix au début des notes.
6. Les esclamationi se font par mouvement descendant en diminuant peu à peu la
première note et en donnant ensuite de l’esprit et de la vivacité à la note qui suit par
un tremolino.
4 Il s’agit d’une citation presque littérale de Caccini (Giulio Caccini, « Ai lettori », Le Nuove Musiche,
op. cit., [p. 7]).

274
Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, Milan, Filippo Lomazzo, 1620

7. Lorsque l’on veut passer d’une note à l’autre, il est nécessaire de porter la voix
avec grâce, en tenant bien les notes pointées [et] en leur donnant un tremolo avec esprit
et vivacité. On veillera à ne pas faire deux quintes ou deux octaves [consécutives], qui
pourraient arriver, si l’on s’arrête un peu trop sur l’avant-dernière note de n’importe
quelle diminution, en particulier sur le trillo ou [le] gruppo, si on ne veut pas provoquer
brusquement l’âpreté de la dernière [note], ce qui serait désagréable pour les auditeurs.
8. Le bon chanteur prendra garde à effectuer ses diminutions sur les voyelles, et
non, comme font certains, qui diminuent sur des syllabes comme celles-ci : « gnu, gu,
bi, vi, si, tur, bar, bor » et d’autres semblables. Il faut [absolument] les éviter, car on ne
peut rien entendre de pire.
9. Certains chanteurs ont une manière particulière de vocaliser (gorgheggiare) à
la mauresque, battant la diminution d’une façon déplaisante pour tous, en chantant
« aaa », ce qui donne l’impression qu’ils rient. On peut les comparer à ces Éthiopiens
ou [à ces] Maures, dont parle le Voyage de Venise à Jérusalem, qui dit que ces gens
chantent de cette manière lors des sacrifices, paraissant rire en montrant combien de
dents ils ont dans la bouche. Pour cette raison, qu’ils [= les chanteurs qui ont ce défaut]
apprennent que la vocalise (gorga) doit venir de la poitrine et non de la gorge.
10. Si vous trouverez parfois, tant en montant qu’en descendant par degré, des
diminutions qui ne sont pas écrites [jusqu’]à l’endroit destiné, cela a été fait pour
abréger l’ouvrage, qui [sans cela] aurait trop de relief. Il va de soi qu’en étudiant de
telles diminutions on ira jusqu’à la totalité de son étendue (dispositione), et plus, selon
les instruments.

Semplice ou passeggiato 275


Les vrais principes pour chanter proprement et bien, où sont contenus la façon de porter la voix, d’ajouter
des grâces aux notes, des tremoli, du trillo, avec quelques esclamationi qui seront utiles à celui qui désire
chanter avec grâce et manière

276
Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, Milan, Filippo Lomazzo, 1620

Avertissements aux Chanteurs

Comme la grâce (vaghezza) du chant consiste principalement à exprimer bien et


distinctement le mot que l’on chante, j’ai voulu à cet endroit le rappeler aux chanteurs
désireux de suivre les traces des meilleurs et des plus expérimentés. En effet, la voix
articulée n’étant que l’instrument pour expliquer la pensée de l’âme qu’est la parole,
[il faut] qu’ils [= les chanteurs] voient si l’on doit avoir en plus haute considération
l’instrument avec lequel on fait quelque chose, ou la chose-même. De notre point de
vue, s’ils préfèrent faire entendre la voix, avec laquelle on chante le mot, que le mot
que l’on chante, qu’ils prennent toutefois garde aux diminutions sur les mots signi-
fiant douleur, malheurs, peines, tourments et semblables choses5, parce que au lieu de
diminutions, on y use d’ordinaire d’agréments (gratie), d’accenti et d’esclamationi, tantôt
en diminuant la voix, tantôt en l’augmentant, [ainsi que] par des gestes (movimenti)
doux et suaves, et parfois avec une voix triste et douloureuse, conformément au sens
du discours.
Il ne faut pas non plus louer les abus aujourd’hui de beaucoup de chanteurs ayant
un peu de disposition naturelle, qui, outre qu’ils fassent des diminutions sans but (ter-
mine) ni règles, ne font cependant rien d’autre que de vocaliser (gorgheggiare) sur toutes
les syllabes, conduisant de la sorte à la ruine complète de l’harmonie. De ce fait, on
s’aperçoit bien qu’ils n’ont pas appris les bonnes règles des bons maîtres. Cette erreur se
rencontre aussi chez les instrumentistes. L’erreur et le manquement de tels chanteurs
et instrumentistes vont si loin, que certains pensent avoir surpassé leur maître, [et] que
d’autres les renient, disant qu’ils ont appris chez des étrangers, ou bien qu’ils sont d’un
génie si élevé qu’ils ont appris tout seuls (signe d’ingratitude). Ils ne se rendent pas
compte à quel point leur pensée est vaine, parce que de la pratique élémentaire (puoca
prattica), acquise par une longue expérience, ils n’ont, ni les fondements, ni les règles,
et que l’incapacité d’arriver au savoir de leur maître les leur fait renier. Mieux vaudrait
à mon avis qu’ils s’appliquent à n’importe quel autre art plutôt qu’à celui-ci, si noble
et [si] sublime.
Que ceux qui, dans cette première forêt (selva), ne trouveront pas les fruits
conformes en tout [point] à leur désir, passent à la seconde [partie], car, plus ample et
dense, elle sera également abondante en fruits plus savoureux et de plus de goût. Soyez
en bonne santé !
[…]

Seconde partie

Selva | de varii pasaggi | parte seconda, ove si tratta | dei pasaggi difi-
cili, | per gl’instromenti | del dar l’archata, portar della lingua, | dimi-
nuire di grado in grado ; | Cadentie finali ; essempi, canti diminuiti, | con la
maniera di suonar la viola bastarda. | | di Francesco Rognoni, | Capo musico de

5 « D’autres [paroles] en revanche demandent d’elles-mêmes les vaghezze et les vaghi accenti, comme si on a
à dire : dolorem meum, misericordia mea, affanni e morte, qui, sans qu’elles soient indiquées aux chanteurs,
les renseignent sur la manière de les chanter » (Lodovico Zacconi, Prattica di musica, op. cit., p. 56v).

Semplice ou passeggiato 277


instrumenti della Regia e Ducal Corte, | Maestro di capella di Santo Ambrosio
Maggior di Milano. | [marque typographique] | In Milano, | Appresso Filippo
Lomazzo. m. dc. xx.

Forêt de diminutions variées seconde partie, où l’on traite des passages


difficiles, pour les instruments du coup d’archet, du coup de langue, de la
diminution de degré en degré ; des cadences finales ; exemples, pièces diminuées,
avec la manière de jouer la viola bastarda. de Francesco Rognoni, Chef musicien des
instruments de la cour royale et ducale, maître de chapelle à Saint-Ambroise-Majeur
de Milan. [marque typographique] À Milan, Chez Filippo Lomazzo. 1620.

De la nature des violes de gambe

La viole de gambe est un instrument délicat, en particulier si on la joue avec un


beau coup d’archet orné (bella archata acentata), avec ses tremoli, avec des diminutions
selon les règles (pasaggi regolati) qui soient bien réparties, [et] avec un archet bien
appliqué à la viole, discernant bien les cordes. La partie de basse, elle, ne fait pas
beaucoup de diminutions, mais les rares qui sont faites doivent être bien placées et
naturelles, parce que la partie de basse est le fondement des autres parties. Chacun
doit veiller à ne pas agir, comme beaucoup qui jouent la basse de quelque instrument
et ne font que diminuer, le plus souvent en faisant des passages non adaptés à la basse,
qui mènent à la ruine tout l’ensemble (concerto). Au dessus de viole (violino da gamba)
convient la diminution avec grâce, et surtout le beau coup d’archet.
[…]

De la viola bastarda

La viola bastarda, qui est la reine des instruments pour diminuer, étant un instru-
ment qui n’est, ni [un] ténor, ni [une] basse de viole, mais se situant entre l’un et l’autre,
se nomme bâtarde (bastarda) parce que, tantôt elle va dans l’aigu, tantôt dans le grave,
[et] tantôt dans le suraigu. Tantôt elle joue une partie, tantôt une autre, tantôt avec de
nouveaux contrepoints, tantôt avec des passages (pasaggi) en imitations.
Il faut toutefois veiller à ce que les imitations n’aient pas plus de six ou sept réponses,
car cela deviendrait ennuyeux et de mauvais goût. La même [observation] s’applique
aussi à toutes les sortes d’instruments, car les écoles d’instrumentistes de valeur ne
le permettent pas ; elles interdisent aussi, dans les diminutions, de faire deux octaves
et deux quintes avec une autre des parties, sauf si on y est plus que forcé pour suivre
quelque imitation. On voit aujourd’hui beaucoup de [musiciens], qui jouent du cornet
à bouquin, du violon, ou un autre instrument, ne faire [rien d’]autre que de diminuer,
bien ou mal, pourvu qu’ils fassent des diminutions, cassant la tête de celui qui sait le
métier [et] ruinant toute la pièce, pensant bien faire. Ceux-ci feraient mieux d’aller
jouer dans les tavernes (alla frascata) que dans les concerts, puisqu’ils ne savent pas qu’il
vaut mieux savoir tenir une note avec grâce, ou un coup d’archet doux et suave, que de
faire autant de diminutions hors de propos.

278
Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, Milan, Filippo Lomazzo, 1620

La manière de diminuer « alla bastarda » sert pour les orgues, luths, harpes et sem-
blables [instruments].

[Des viole da brazzo]

[…]
Ils [= les mauvais musiciens] font aussi certains tremoli avec le doigt qui fait la
note-même, jouant toujours faux. Ils ne savent pas que le tremolo, par sa nature, doit
élever la note et non l’abaisser. C’est pour cette raison que le tremolo se fait avec le doigt
supérieur à celui de la note.
Il est nécessaire que la diminution soit en notes égales, qui s’entendent toutes dis-
tinctement (e si senta à nota per nota), qu’elle ne soit, ni trop rapide, ni trop lente, mais
tienne le juste milieu, l’archet étant bien allongé sur la viole, et que les croches, les
doubles et les triple-croches soient bien réparties, autant nombreuses dans la battue de
la mesure que dans son lever (tante nel bater della batuta, quanto nel levar), car la plus
grande priorité pour l’instrumentiste, de quelque instrument que ce soit, est de jouer
en mesure (a tempo) la diminution qu’il exécute.
Il faut avoir l’oreille [attentive] lors des diminutions qui comportent des sauts, car
parfois c’est l’intervalle de tierce, ou de quarte, qui sera bon, parfois de quinte, ou de
sixte. Cela incombe au jugement de l’instrumentiste, car personne ne peut [le] deviner
à l’improviste si les notes procèdent de degré en degré.
[…]
Si [un] madrigal, [un] motet ou [une] chanson est diminué ou orné (diminuita,
over passeggiata) par quelqu’un qui ne sait pas le métier, il y aura toujours des passages
estropiés par l’archet, du fait du manque de connaissance de l’instrument. La même
[chose] arrivera aussi aux autres instruments : à vent, au luth, à la harpe, et autres sem-
blables. Pour les instruments à vent, parce qu’ils ne connaissent pas la bonne utilisa-
tion de la langue (la terminazione della lingua), pour le luth et la harpe, la position de la
main (l’acomodatione della mano), et d’autres mises en garde pour les autres instruments
(et altri avertimenti a simili instromenti).
Bien que les instrumentistes accomplis s’adaptent tout à fait, en accommodant
la diminution aux contraintes (al suo dovere), même au prix de grandes difficultés,
cependant, pour les pauvres débutants, cela les conduit à la ruine, car ils ne seront
jamais des instrumentistes [capables] d’aligner quatre croches selon la raison, et la
diminution ne sera jamais mélodieuse (arioso) ni pleine d’esprit (spiritoso), parce qu’elle
sera privée de ses règles (del suo dovere). À ce sujet, [il faut que] les étudiants prennent
garde, en jouant des œuvres diminuées par d’autres, [de ne prendre que celles] de ceux
qui connaissent l’instrument dont ils veulent faire profession, parce qu’à chacun son
métier, et que cela suffise !

Semplice ou passeggiato 279


Instructions pour donner des coups d’archet ou lier
(archeggiare o lireggiare) [sur] les instruments à archet

[…]

Manière de lier sur tous les instruments à archet

Avertissements pour les instruments à vent

[…]
On devra également jouer avec discrétion et délicatesse, en cherchant à imiter la
voix humaine, et le coup de langue devra être, ni trop mort, ni trop articulé (battuta),
semblable à la vocalise (gorgha) ; c’est cela qui s’appelle bien maîtriser l’instrument (far
buon’ instromento).

280
Francesco Rognoni, Selva de varii passaggi, Milan, Filippo Lomazzo, 1620

Manière de donner des coups de langue au cornet ou autres instruments à vent

[…]
Si vous trouverez parfois, tant en montant qu’en descendant par degré, des dimi-
nutions qui ne sont pas écrites [jusqu’]à l’endroit destiné, cela a été fait pour abréger
l’ouvrage. Il va de soi qu’en étudiant de telles diminutions on ira jusqu’à la totalité de
son étendue (dispositione), et plus, selon les instruments, afin que chacun puisse s’en
servir dans les cadences, également finales, avec ses imitations, ainsi qu’où [bon] il lui
semble et [lui] plaît. Vivez heureux !

Francesco Lomazzo aux virtuoses considérant le présent ouvrage6

[…]
Beaucoup donneront, comme on dit un coup d’œil, à cette œuvre, ainsi certains le
percevront d’une manière et d’autres d’une autre. Il ne suffira pas de la regarder comme
cela à la sauvette, mais [il faudra] bien la considérer page par page et ensuite donner
son avis. Alors à ceux qui, poussés par leur belle impulsion (ingegno), se résoudront à
dire qu’il suffit [seulement] de vouloir composer des diminutions semblables, et même
des plus belles, je rappelle l’expression commune « il est facile d’ajouter à ce qui a déjà

6 Francesco Lomazzo est le fils de l’éditeur du présent ouvrage et élève de Francesco Rognoni.

Semplice ou passeggiato 281


été trouvé »7 et que la première invention, même médiocre, est toujours plus louée.
À ce propos, l’auteur ne nie pas que quiconque est intelligent ne puisse pas se servir
de n’importe quelle diminution, contenue dans cet ouvrage ou chez d’autres auteurs,
pour faire une cadence, une finale, ou une pièce avec ses imitations, car il est louable
de savoir les [= les formules] combiner ensemble. Cependant il ne faut pas pour autant
s’en attribuer l’invention, mais [l’attribuer] aux auteurs.
Mon maître s’est efforcé, particulièrement dans la seconde partie, d’éviter ce que
beaucoup d’hommes talentueux ont déjà écrit en matière de diminutions, [musiciens]
dont la renommée est grande de par le monde, comme Riccardo Rognoni, père de
l’auteur, Geronimo d’Udine [Girolamo Dalla Casa] , Giovanni Bassano et d’autres
qui, s’ils avaient vécu à notre époque, l’auteur le confesse, feraient des choses encore
plus grandes que celles qu’ils ont faites jusqu’ici. Ils sont nombreux, ceux qui sauront
écrire des diminutions mais pas les mettre en pratique. Cette manière de diminuer,
avec autant d’inventions, est pratiquée quotidiennement par l’auteur. À mon maître
ont été dérobées une fois également (je ne sais si c’est par envie) deux ou trois feuilles
de cadences ou finales. S’il arrive un jour qu’elles soient éditées sous un autre nom,
chacun pourra argumenter, d’après leur manière et leurs inventions, [pour dire] si elles
sont de l’auteur ou d’autres.
[…]

7 « Inventis addere facile est », locution déjà utilisée par Bovicelli (Giovanni Battista Bovicelli,
« Ai Lettori », Regole, passaggi, op. cit.).

282
Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica, I-Las Fondo Orsucci ms. [48] (olim o.49), [1628]

Chapitre 19

Vincenzo Giustiniani,
Discorso sopra la musica, I-Las Fondo Orsucci
ms. [48] (olim o.49), [1628]1

Vincenzo Giustiniani2 (Chios, 1564 – Rome, 1637) est un théoricien de la musique.


Établi à Rome dès son enfance, il évolue notamment dans le cercle de la famille
Barberini et est un important mécène. Il est parmi les premiers à soutenir Caravage
et Poussin. Il est également l’un des premiers collectionneurs à rédiger un catalogue
illustré de sa collection d’art (Galleria Giustianini, 1631) qui contient des gravures des
œuvres qu’il possède dans sa villa de Bassano di Sutri, près de Viterbe. Son Discorso
sopra la musica décrit l’évolution de la composition et de l’exécution musicale entre 1575
et 1630 environ, en particulier les pratiques d’exécutions romaines, mais aussi celles
de Ferrare et Florence. Son texte a permis entre autres de réévaluer l’importance exa-
gérée accordée par les historiens de la musique aux pratiques florentines en mettant
en évidence la richesse de l’école romaine. Ses descriptions des concerti secreti com-
plètent avec son vocabulaire d’amateur éclairé la lettre de Zenobi ainsi que les écrits
sur le chant moderne, comme ceux de Caccini ou de Fr. Rognoni, par exemple. Il est
également l’un des premiers à prendre en compte la dimension historique de l’histoire
de la musique de même que l’évolution des goûts et publie plusieurs discours sur les
arts visuels de forme épistolaire, tous adressés à l’avocat flamand Theodor Amayden.

Œuvres : Discorso sopra la musica (Rome, 1628), Galleria Giustiniana (Rome, 1631),
Discorso sopra la pittura (lettre non-datée), Discorso sopra la scultura (lettre non-datée),
Discorso sopra l’architettura (lettre non-datée).

[…]

1. Dans mon enfance mon père bien aimé me confia à l’école de musique et j’observai
qu’étaient en usage les compositions d’Arcadelt, de Roland de Lassus, d’[Alessandro]
Striggio [père], de Cipriano de Rore et de Philippe de Monte, estimés comme les
meilleurs de ces temps, ainsi qu’ils l’étaient dans les faits. Pour chanter à voix seule sur
quelque instrument, prévalait le goût des villanelle napoletane, à l’imitation desquelles

1 Édition moderne : Angelo Solerti, éd., Le Origini del melodramma. Testimonianze dei contemporanei,
Turin, Fratelli Bocca, 1903, p. 98-128 ; traduction anglaise : Carol Macclintock, « Giustiniani’s Discorso
sopra la musica », Musica Disciplina, vol. 15, 1961, p. 209-225.
2 Carol MacClintock, « Giustinani, Vincenzo », Grove Music Online. Oxford Music Online, Oxford,
Oxford University Press, consulté le 19 juin 2014.

Semplice ou passeggiato 283


on composait aussi à Rome, et particulièrement un certain Pitio3, habile musicien et
noble bouffon.
2. En peu de temps le goût musical s’altéra et apparurent les compositions de Luca
Marenzio et de Ruggero Giovannelli, avec l’invention d’un nouveau plaisir, tant dans
les [pièces] à chanter à plusieurs voix, qu’à une seule sur quelque instrument. Leur
excellence consistait en un air nouveau et agréable aux oreilles, avec quelques fugues
faciles et sans artifices extraordinaires.
À cette même époque, Palestrina, [Francesco] Soriano et Giovanni Maria Nanino
composèrent des pièces à chanter à l’église, avec un contrepoint naturel, bon et solide,
un air agréable et un décorum approprié ; au point qu’aujourd’hui encore leurs compo-
sitions l’emportent sur celles des modernes, lesquels ont tous pris des premiers la disci-
pline, qu’ils présentaient, de varier plus avec des agréments agréables (ornamenti vaghi)
qu’avec une ornementation élaborée et conséquente (artificio fondato e di sostanza).
3. En la sainte année 1575 ou peu après, commença une nouvelle façon de chanter,
très différente de celle d’avant, et cela, pour toutes les années suivantes ; surtout dans la
manière de chanter à voix seule sur un instrument, à l’exemple d’un Giovanni Andrea
de Naples, de Monsieur Giulio Cesare Brancacci 4, ainsi que d’Alessandro Merlo de
Rome, qui chantaient la basse avec une étendue large de 22 notes et avec une variété
de passaggi nouveaux et agréables aux oreilles de tous, qui éveillèrent les compositeurs
à écrire des œuvres, tant à chanter à plusieurs voix, qu’à voix seule sur un instrument.
À l’imitation de ceux-ci et d’une certaine femme, nommée Femia, mais en procurant
davantage d’invention et d’artifice, il en vint à résulter quelques villanelle, à mi-chemin
entre les madrigaux en chant figuré et les villanelle [proprement dites], comme on
en voit aujourd’hui dans de nombreux livres des auteurs susdits, d’Orazio Vecchi et
d’autres.
De même que les villanelle acquirent une plus grande perfection par une compo-
sition plus élaborée, ainsi aussi chaque auteur, afin que ses compositions réussissent
au goût général, s’attela à avancer dans cette manière de composer à plusieurs voix,
et particulièrement Giachet Wert5 à Mantoue et Luzzasco [Luzzaschi] à Ferrare.
Ceux-ci étaient surintendants de toutes les musiques de leurs ducs, qui s’en délectaient
suprêmement, surtout du fait que de nombreuses dame et signore principales6[y] appa-
raissaient, jouant et chantant avec excellence ; à un point tel qu’ils demeuraient parfois
des jours entiers dans quelques salons, noblement ornés de tableaux et construits à ce
seul effet.
Il y avait une grande compétence parmi ces dames de Mantoue et de Ferrare, qui
rivalisaient, non seulement quant au timbre (metallo) et à l’agilité (disposizione) de leurs
voix, mais dans l’ornementation en passaggi exquis, effectués de manière opportune,
et non excessifs (ce en quoi avait l’habitude de pécher Giovanni Luca [Conforti], fal-
settiste de Rome, qui servit aussi à Ferrare), et de plus en modérant et augmentant
(moderare e crescere) la voix forte et piano, en l’amincissant ou en l’élargissant (sotti-

3 Basse romaine, recherchée par Alphonse ii de Ferrare en remplacement de Giulio Cesare Brancaccio (cf.
Anthony Newcomb, The Madrigal at Ferrara 1579-1597, Princeton, Princeton University Press, 1980, p. 47 ;
Richard Wistreich, « La voce è grata assai », op. cit., p. 11).
4 Cf. Richard Wistreich, Warrior, Courtier, Singer, op. cit.
5 Jaches ou Giaches de Wert.
6 Sur le Concerto delle Dame de Ferrare, cf. Anthony Newcomb, The Madrigal at Ferrara, op. cit. ; sur les
chanteuses de Mantoue, cf. Iain Fenlon, Music and Patronage in Sixteenth-Century Mantua, op. cit.,
p. 127-128.

284
Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica, I-Las Fondo Orsucci ms. [48] (olim o.49), [1628]

gliandola o ingrossandola) selon les endroits (secondo che veniva a’ tagli)7, tantôt en la
traînant (trasciandola), tantôt en l’entrecoupant (smezzarla) de l’interruption d’un doux
soupir (con l’accompagnamento d’un soave interotto sospiro), tantôt en exécutant de longs
passaggi, bien liés (bene seguiti) [ou] détachés (spiccati), tantôt [en] gruppi, tantôt en
sauts (a salti), avec des trilli, tantôt longs, tantôt brefs, tantôt avec des passaggi doux et
chantés avec retenue, auxquels on entendait parfois répondre en écho à l’improviste,
ainsi que principalement avec l’action du visage, des regards et des gestes, qui accom-
pagnaient judicieusement la musique et le sens des paroles (concetti). Par-dessus tout,
il n’y avait aucun mouvement déplaisant de la personne, de la bouche et des mains,
ou qui ne fût pas orienté vers la fin à laquelle on chantait, tout en articulant (con far
spiccar) bien les paroles, de façon qu’on comprenne même la dernière syllabe de chaque
mot, même interrompu par les passaggi, autres ornements et nombreux autres artifices
et particularités, qui sont à la connaissance de personnes plus expérimentées que moi.
Dans ces si nobles réunions, les excellents musiciens susdits faisaient tous leurs efforts
pour acquérir la renommée et la grâce des princes, leurs patrons. De là provenait aussi
leur utilité.
4. À l’exemple de ces cours et des deux Napolitains, qui chantaient la basse de la
manière décrite, on commença à Rome à varier la façon de composer, à plusieurs voix
sur le livre et en chant figuré, et également à une et plusieurs voix sur un instrument.
Le prince [Carlo] Gesualdo de Venosa, qui jouait aussi avec excellence du luth et
de la guitare napolitaine, commença à composer des madrigaux pleins d’artifices et
de contrepoint exquis, avec des fugues difficiles et charmantes dans chaque partie,
mêlées entre elles, prises en telles proportions, qu’il n’y ait de notes superflues et hors
de la fugue commencée, laquelle restait toujours, puis venait en renversement de la
première. Cependant cette subtilité de règle tendait parfois à rendre la composition
dure et pénible (scabrosa), car elle procurait, avec chaque effort et industrie à choisir
des fugues, qui bien qu’elles causent des difficultés à composer, sont [néanmoins]
mélodieuses (ariose) ou apparaissent douces et fluides (correnti) à point et semblant à
chacun, au moment de chanter, faciles à composer ; mais à la preuve, elles se trouvaient
difficiles et pas à la portée de chaque compositeur.
De cette façon composèrent [Scipione] Stella, [Pomponio] Nenna et Scipione de
Ritici [Dentice], de Naples, qui suivaient la manière susdite du prince de Venosa et du
comte Alfonso Fontanelli.
5. À cette époque, le cardinal Ferdinand de Médicis, qui fut ensuite grand-duc de
Toscane, fut poussé, par son propre goût et par l’exemple des autres princes mentionnés,
à avoir des musiciens excellents, et spécialement la fameuse Vittoria [Archilei], qui fut
quasiment à l’origine de la vraie façon de chanter chez les femmes, en cela qu’elle fut la
femme d’Antonio de Santa Fiore [Archilei], surnommé ainsi parce qu’il avait été dès
l’enfance musicien par excellence du cardinal de Santa Fiore.
Suivant cet exemple, beaucoup d’autres s’exercèrent à cette manière de chanter à
Rome, de telle façon qu’ils l’emportèrent sur tous les musiciens des lieux et princes
susdits. À la lumière vinrent Giulio Romano [Caccini], Giuseppino [Giuseppe Cenci],
Giovanni Domenico [Pugliaschi ?] et [Francesco] Rasi, qui apparurent à Florence

7 On trouve une description de la messa di voce dans : Giulio Caccini, « Ai lettori », Le Nuove Musiche,
op. cit., [p. 7] ; ainsi que dans : Luigi Zenobi, The Perfect Musician, op. cit.

Semplice ou passeggiato 285


auprès de Giulio Romano ; tous chantaient basse et ténor8 avec une étendue de beau-
coup de notes, des manières (modi) et des diminutions (passaggi) exquises, une expres-
sion (affetto) extraordinaire et un talent particulier à bien faire entendre les paroles.
En plus d’eux, il y avait de nombreux autres, sopranos, comme Giovanni Luca
Conforti, Ottavio Durante, Simoncino [Simone Papa ?], Ludovico [Gualtero], qui
chantaient en fausset et beaucoup d’eunuques de chapelle, comme Onofrio [Gualfre-
ducci] de Pistoia, l’espagnol Mathias [Mattia Lorenzo], Giovanni Gironimo [Rosini]
de Pérouse et beaucoup d’autres, que je laisse par brièveté.
Ensuite au cardinal Ferdinand de Médicis succéda le cardinal Montalto, et per-
sonne plus que lui ne se délectait de musique ; puisqu’il jouait en plus excellemment du
clavecin et chantait d’une manière douce et pleine de sentiment (affettuosa). Il entre-
tenait dans sa maison beaucoup [de personnes] de la profession qui dépassaient la
moyenne, parmi lesquels le chevalier du luth [Lorenzo Trajetti] et Scipione Dentice
du clavecin, exécutants et compositeurs excellents, de même qu’Orazio [Michi], joueur
rare de harpe double. Pour chanter il avait Onofrio Gualfreducci, eunuque, Ippolita
[Recupita] de Naples, Melchior [Palentrotti], basse, et beaucoup d’autres auxquels il
donnait de grosses rétributions.
À l’exemple de ceux-ci et de tous les autres susdits se raviva l’exercice de la musique,
au point que s’en sont délectés de nombreux neveux de papes, cardinaux et princes.
Mieux, tous les maîtres de chapelle ont entrepris d’instruire divers eunuques et autres
enfants à chanter avec passaggi et modi affuettuosi nouveaux. Parmi [ces maîtres de
chapelle], Giovanni Berardino Nanino, maître de chapelle à St-Louis-[des-Français]
et Ruggero Giovannelli ont formé des élèves avec une grande réussite, lesquels, pour
être vivants et en grand nombre, je m’abstiens de nommer pour l’instant.
6. Après cette époque, il y eut de nombreux compositeurs, comme Claudio
Monteverdi, Giovanni Bernardino Nanino, Felice Anerio et d’autres, qui, sans sortir
de la manière de composer du prince de Venosa [Carlo] Gesualdo, se sont appliqués
à adoucir et à faciliter le style et la manière de composer. En particulier, ils ont fait
de nombreuses œuvres à chanter dans les églises, avec diverses maniere et inventions
variées, pour plusieurs chœurs, jusqu’au nombre de 12. Ce style de chanter et de
composer pour un grand nombre de bons chanteurs et chanteuses s’utilise continuel-
lement au jour d’aujourd’hui.
[…]
Les instruments habituels9 sont les orgues, le luth ou pandore, la harpe, le cla-
vecin, le théorbe, la guitare ou la lira, [et] tous les instruments sur lesquels on peut
chanter à une ou plusieurs voix. Ce sont ensuite les flûtes à bec, les bombardes (piferi),
les violes d’ensemble (di concerto) et la viole double ou bastarda, le cornet à bouquin,
la flûte allemande (pifero tedesco), la sordellina, la cornemuse (piva), le colachon (colas-
cione), la guimbarde (sanfornia) et les autres, qui dérivent de ceux cités par quelque
invention. Par exemple je dirai qu’Alessandro Piccinini de Bologne a été l’inventeur de
la pandore, c’est-à-dire d’un luth théorbé avec l’adjonction de nombreuses cordes, dans
les basses comme dans les aigus, et, parmi elles, quelques-unes en cuivre et en argent,
grâce à l’étendue et la propriété desquelles, on est en mesure de jouer chaque compo-

8 Il s’agit de chanteurs maîtrisant la technique du basso alla bastarda.


9 La partie consacrée aux instruments a été traduite en anglais (Nigel Fortune, « Giustiniani on
Instruments », The Galpin Society Journal, vol. 5, 1952, p. 48-54).

286
Vincenzo Giustiniani, Discorso sopra la musica, I-Las Fondo Orsucci ms. [48] (olim o.49), [1628]

sition parfaite (= avec la totalité des voix) de manière exquise et avec avantage sur les
autres instruments pour ce qui est du trillo, du piano et du forte. De ces instruments
ont joué excellemment Geronimo, son frère, qui mourut en Flandre, et aujourd’hui
Filippo, le troisième frère, qui sert le Roi Catholique, comme je l’ai dit plus haut.
La harpe double s’est presque [uniquement] trouvée de nos jours à Naples et à
Rome. Elle a commencé [d’être utilisée] par un certain Giovanni Battista del Violino
[Fontana ?], appelé ainsi parce qu’il en (de cet instrument) jouait aussi excellemment.
,?

Aujourd’hui Oratio Michi joue de cette harpe double presque miraculeusement, non
seulement dans l’ornementation (nell’ artificio), mais d’une manière particulière d’atté-
nuer le son, lequel, s’il continuait, occasionnerait dissonance et cacophonie, ainsi que
[dans la maîtrise d’] un trillo difficile pour qui que ce soit d’autre [?].
Pour ce qui est de l’orgue et du clavecin, Girolamo Frescobaldi de Ferrare l’em-
porte sur tous, et dans l’ornementation (nell’ artificio), et dans l’agilité des mains.
Pour le théorbe, c’est le susdit Giovanni Gironimo [Kapsberger] d’Allemagne,
qui est aussi compositeur et sert dans les palais pour des musiques et concerts privés.
Ce dernier [= le théorbe] a été inventé à notre époque et ce même Gio. Geronimo l’a
beaucoup amélioré dans la façon de jouer.
Il y a également de nombreux joueurs d’autres instruments que je m’abstiendrai
de nommer, sauf le chevalier Luigi du cornet d’Ancône [Zenobi], qui le [= le cornet]
jouait miraculeusement et, parmi de nombreuses fois, le joua dans un petit cabinet à
moi, avec un clavecin bien fermé, qui s’entendait à peine. Il [= Luigi Zenobi] jouait
du cornet avec tant de modération et de justesse qu’il étonnait de nombreux gentils-
hommes, qui se délectaient de musique et qui étaient présents, parce que le cornet ne
dominait pas le son du clavecin.
[Jouer] de la viola bastarda j’ai entendu un Orazio della Viola [Bassani], qui servait
le duc de Parme, et enfin à Rome un Anglais [Alfonso Ferrabosco ii ?] qui jouait sans
pareil.
[…]
Le jeu de la guimbarde (sanfornia), qu’on nomme d’un mot grossier à Rome et
viabò en Lombardie, ne mériterait pas d’être mentionné. On le voyait ordinairement
dans les bouches de la populace, mais ayant été anoblie par le sig. Ottavio Vestrii, qui
en jouait en termes musicaux et avec justesse dans l’intonation des notes, je ne le lais-
serai pas de côté. Je l’ai entendue à plusieurs reprises jouer, parmi d’autres madrigaux,
celui de Luca Marenzio10 qui commence [par les paroles] Vestiva i colli etc. Ce même
madrigal, je l’ai entendu à Anvers, joué dans le clocher de l’église principale, par le
carillon. Celui qui jouait avait le livre devant lui et enfonçait les touches, comme on
le fait sur les orgues et, on m’a dit qu’on en usait de même à Bolduch [Bois-le-Duc =
s’Hertogenbosch] et autres lieux du Brabant et de Flandre.
[…]

10 Il s’agit certainement du célèbre madrigal de Palestrina.

Semplice ou passeggiato 287


Annexe – Élaborations ornées et adaptations d’œuvres de Palestrina1

Année Auteur Titre Pièces Notation

15682 V. Galilei Fronimo Vestiva i colli I Tab. luth it.


Così le chiome II
Se tra quest’erbe e’l fiore
Io son ferito
Se ben non veggion gl’occhi

15746 P. Virchi Primo libro … Io son ferito Tab. guit. it. +


not. mes.

15821 G. C. Barbetta Novæ tabulæ Dolce Fial mortir [=Soave fia il Tab. luth it.
morire]

15834 J. Paix Ein Schön Nutz … Angelus Domini Tab. clav. all.
Dum complerentur I
Dum ergo essent II
O beata et gloriosa Trinitas I
O vera summa sempiterna Trinitas
II
Hodie Christus natus est
Hæc Dies quam fecit Dominus
Lapidabant Stæphanum
Valde honorandus est
Senex puerum I
Hodie Beata virgo Maria II
Tribus miraculis
Cantantibus Organis
Pater noster

15842 G. Dalla Casa Il vero modo Vestiva i colli I Not. mes.


Così le chiome II

15845 V. Galilei Fronimo (2e éd.) Vestiva i colli I (=15682) Tab. luth it.
Così le chiome II I (=15682)
Se tra quest’erbe e’l fiore I (=15682)
Io son ferito I (=15682)

15846 E. Adriansen Pratum musicum Vestiva i colli I (SB) Tabl. luth franc.
Così le chiome II (SB) + not. mes.

15862 S. Verovio Diletto spirituale Jesu rex admirabilis Not. mes., (+)
Tua Jesu dilectio part. clav., tab.
Jesu flos matris Virginis luth it.
In te Domino lætabitur

15896 J. Paix Thesaurus motetarum O sacrum convivium Tab. clav. all.

15898 S. Verovio Ghirlanda di fioretti Ahi che quest’occhi miei Not. mes., (+)
musicali Da così dotta man part. clav., tab.
luth it.

1 Clara Marvin, Giovanni Pierluigi da Palestrina. A Guide to Research, New York, Routledge, 2002, p. 70-75.
Les années avec chiffre en indice inférieur se réfèrent au répertoire suivant : Howard Mayer Brown,
Instrumental Music Printed before 1600, op. cit. ; celles avec chiffre en exposant aux entrées du RISM
(Recueils imprimés xvi e-xvii e siècles) ; enfin celles avec lettre en exposant au catalogue suivant : Claudio
Sartori, Bibliografia della musica strumentale italiana, Florence, Olschki, 1952-1968, 2 vol.

288
Annexe

Année Auteur Titre Pièces Notation


Not. mes.
15912 G. Bassano Motetti, madrigali et Benedicta sit sancta Trinitas
canzoni francese Ave Maria
Hodie beata virgo Maria
Fuit homo missus est a Dei
Benedicta sit sancta Trinitas
Vestiva i colli I
Così le chiome II
Io son ferito ahi lasso
Tota pulchra est amica mea
Introduxit me
Tota pulchra est amica mea
Veni dilecte mi
Not. mes., part.
159111 S. Verovio Canzonette Pose un gran foco
clav., tab. luth it.
Vedrassi prima senza luce
Not. mes. + tab.
159114 G. Vincenti (éditeur) Canzonette Da così dotta man (=15898)
luth it.
Ahi che quest’occhi miei (=15898)
Tabl. luth franc.
15926 E. Adriansen Novum pratum Ogni beltà (SB)
+ not. mes.
musicum Vestiva i colli I (SB)
Così le chiome II (SB)
Not. mes., part.
159211 S. Verovio Diletto spirituale Jesu Rex admirabilis
clav, tab. luth it.
Tua Jesu dilectio
Jesu flos matris
Not. Mes.
159210 R. Rognoni Il vero modo di Domine quando veneris
diminuire (Passaggi
per potersi …, II)
Tab. luth it.
15937 G. A. Terzi Intavolatura di liutto Tu es Pastor ovium
… libro primo Angelus ad pastores
Vestiva i colli I
Contraponto sopra Vestiva i colli
Così le chiome II
Contraponto sopra
Così le chiome II
Not. mes.,
15943 G. B. Bovicelli Regole, passagi … Io son ferito
Ave verum corpus
Tabl. orgue
15963 A. Banchieri Canzoni alla francese Canzon Sesta L’Alcenagina sopra
Vestiva i colli
Canzon nona sopra Veni dilecte mi
Tab. luth it.
159911 G. A. Terzi Il secondo libro O bella Ninfa mia
Tabl. clav.
16005a J. Rudenius Flores musicæ O bella Ninfa mia
Vestiva i colli I
Così le chiome II

1620c,d Fr. Rognoni Selva di varii Pulchra es amica mia


passaggi Quanti mercenarii (= Io son ferito)
Io son ferito
Vestiva i colli

1638c B. de Selva y Canzoni ,fantasie et Vestiva i colli


Salaverde correnti

Semplice ou passeggiato 289


Glossaire

Glossaire

De nombreux thèmes et idées concernant l’ornementation improvisée à la Renais-


sance se retrouvent, se complètent ou se contredisent dans les sources. Les principaux
sont répertoriés ici par ordre alphabétique. Nous ne les définissons que brièvement
mais renvoyons à l’abondante littérature sur le sujet. Parmi les études actuelles, deux
publications nous paraissent mériter l’attention du lecteur, celles d’Howard Mayer
Brown1 et de Bruce Dickey2. Des textes de référence, comme celui de Martha Bixler
ou de Lucas Harris, disponibles sur internet3, synthétisent agréablement les notions
nécessaires. Le bagage plus global peut aujourd’hui être aisément complété grâce à
deux excellents ouvrages en langue française4. Nous ne ferons qu’épisodiquement réfé-
rence à d’autres sources historiques sur notre sujet que celles que nous avons traduites,
et renvoyons le lecteur à la bibliographie sur le sujet, par exemple celle donnée par
Bruce Dickey dans son article : « Ornamentation in Sixteenth-Century Music »5.

Accento
Le terme accento, que l’on peut traduire simplement par accent, signifie d’abord
et dès l’Antiquité les appuis et inflexions de la voix dans les langues. Il désigne aussi
à la Renaissance un ornement vocal, d’abord indéterminé, associé à la notion de
grâce. Celui-ci trouve une résonance particulière à partir de Baldassar Castiglione.
Dans sa démonstration de la grâce, grâce à la sprezzatura, Castiglione donne en effet
l’exemple d’un chanteur exécutant un « suave accento in un groppetto duplicato ». La
plus ancienne traduction française en rend l’impression suivante : « & ung musicien si
en chantant il entonne une seule notte finissant par ung doulx accent en un passaige
decouppe en telle facilite quil semble quil le face ainsi davanture. Par ce seul poinct il
fait congnaistre quil scait beaucoup plus quil ne montre » (Le Livre du courtisan, Livre
i, chapitre xxviii, traduit en 1537 sous le titre : Les Quatre livres du Courtisan du Conte
Baltazar de Castillon. Reduyct de langue Ytalicque en Francoys). Le mot accento possède
donc plusieurs sens. Nous le traduisons selon le contexte tantôt par accent, tantôt, dans
un sens général, par agrément ou ornement. Enfin, lorsqu’il s’agit vraiment d’une figure
ornementale spécifique, nous gardons le terme italien original. Il peut, par ailleurs, se
confondre avec différentes formules comme la clamazione ou le cercar della nota, ainsi
que ce qu’on appellera coulé, port de voix, appoggiature, échappée, Schleifer, etc… Sur les

1 Howard Mayer Brown, Embellishing Sixteenth Century Music, Londres, Oxford University Press,
1976  (traduit en français par Jacques Gouelon : L’Ornementation dans la musique du xvi e siècle, Presses
Universitaires de Lyon, Département de Musique Ancienne du Conservatoire Supérieur de Musique de
Lyon, 1991).
2 Bruce Dickey, « Ornamentation in Sixteenth-Century Music », Jeffery T. Kite-Powell, dir.,
A Perfomer’s Guide to Renaissance Music, Bloomington, Indiana University Press, 2007 [2e éd.], p. 300-324.
3 Martha Bixler, « An Introduction to Renaissance Ornamentation », American Recorder, vol. 8, no 4, 1967,
p. 107-109 et vol. 9, no 4, 1968, p. 108-112 ; Lucas Harris, « Vocal Ornaments in the Seventeenth Century »,
septembre 2002, http://www.continuo.ca/files/Vocal%20ornamentation%20in%20Italy.pdf
4 Françoise Ferrand, dir., Guide de la musique de la Renaissance, Paris, Fayard, 2011 ; Allan W. Atlas,
La Musique de la Renaissance en Europe, Turnhout, Brepols, 2011.
5 Bruce Dickey, « Ornamentation in Sixteenth-Century Music », op. cit., p. 322-324.

Semplice ou passeggiato 291


différentes variantes de cette figure, voir l’article de Bruce Dickey consacré à l’accento6,
ainsi que son chapitre sur l’ornementation déjà cité7 ; parmi les sources historiques,
voir également la définition de Michael Praetorius : « Accentus ist : Wenn die Noten
folgender Gestalt im Halse gezogen werden8 ».

Affectation chez le courtisan et le musicien


L’affectation depuis Baldassar Castiglione est le contraire de la sprezzatura. Dans
le Livre du Courtisan, Castiglione dit que pour posséder la grâce « il faut fuir, autant
qu’il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l’affectation, et […] faire
preuve en toute chose d’une certaine désinvolture9. » Au chapitre suivant, Castiglione
offre un exemple musical d’affectation en disant qu’il vaut mieux faire une dissonance
de seconde ou de septième que deux consonances parfaites. On en déduit que dans
l’ornementation, il était perçu comme de mauvais goût de vouloir impressionner ou
plaire de manière artificielle et trop démonstrative (cf. infra les rubriques « Mauvaises
diminutions » et « Quantité de diminutions »).

Bastarda (diminution alla)


Cette forme d’improvisation consiste, non pas à diminuer une voix de la poly-
phonie mais à cheminer dans les différentes parties, donc à relire la composition en
tenant compte de sa texture horizontale et verticale. Cette pratique concerne autant
certains instruments10 que les voix de ténor et de basse. Selon Vincenzo Giustiniani,
le chant moderne découlerait du savoir-faire de basses à l’étendue immense ; voir à ce
sujet l’ouvrage déjà mentionné de Wistreich11. Luigi Zenobi et Vincenzo Giustinani
sont les plus diserts sur cette question. La viole était un des instruments bien adaptés
pour l’improvisation alla bastarda, d’autant qu’à la fin du xvie siècle est apparu un type
particulier de petite basse de viole, appelé précisément viola bastarda, correspondant
peut-être à la division viol anglaise.

Cappella
La pratique musicale au sein d’une (grande) chapelle ne semble pas avoir tou-
jours été appréciée par les connaisseurs. Gioseffo Zarlino constatait que l’on chantait
différemment dans les églises et chapelles publiques et dans les chambres privées12.
Dans les premières, on le faisait « a piena voce » et dans les secondes « con voce piu
sommessa & soave, senza fare alcun strepito ». Luigi Zenobi préférait nettement
évoluer seul ou en petit ensemble qu’en effectif important, formation qu’il critique
à de nombreuses reprises. Le nombre des exécutants, chanteurs et instrumentistes a
été un critère décisif sur la quantité et le type d’ornementation improvisée. La place
de cette ornementation au sein d’un ensemble à grand effectif est diversement jugée

6 Bruce Dickey, « L’Accento : in Search of a forgotten Ornament », Historic Brass Society Journal, vol. 3, 1991,
p. 98-121.
7 Bruce Dickey, « Ornamentation in Sixteenth-Century Music », op. cit., p. 318-319.
8 Michael Praetorius, Syntagma musicum, Wolfenbüttel, Elias Holwein, 1619, t. iii (Termini musici),
p. 232-234 ; le passage contient deux pages d’exemples.
9 Baldassar Castiglione, Le Livre du courtisan, Paris, Flammarion, 1987, livre i, chapitre xxvi, p. 54.
10 Dans la seconde partie de la Selva de varii passaggi de Francesco Rognoni, on trouve une version de
« Susana D’Orlando » « per il Violone Over Trombone alla bastarda » (op. cit., p. 61).
11 Richard Wistreich, Warrior, Courtier, Singer…, op.  cit., en particulier les chapitres : « Il basso del
Brancazio », « Per basso solo » et « Basso alla bastarda », p. 129-217.
12 Gioseffo Zarlino, Istitutioni harmoniche, Venise, chez l’auteur, 1558 (chapitre 46 dans l’édition de 1573),
p. 240.

292
Glossaire

dans les sources. Hermann Finck bannit les diminutions dans une œuvre exécutée
par plus d’un chanteur par partie. Cependant le problème n’est pas le même au sein
d’une chapelle constituée de chanteurs et d’instrumentistes en raison de la différence
des timbres. La diminution instrumentale a sans doute été un ingrédient souhaité et
organisé dans le grand concert avec des instrumentistes talentueux. Un témoignage
intéressant se trouve dans une note de 1586 des archives de la cathédrale de Séville,
dont les musiciens étaient placés sous la direction de Francisco Guerrero. Un Horden
que han de tener los Ministreles en el tañar y organise, en effet, soigneusement les inter-
ventions et les diminutions, notamment des joueurs de chalemie et de cornet 13. Une
motivation à diminuer peut être la volonté d’amplification du volume sonore (et/ou
la stimulation consécutive). Lodovico da Viadana, qui oblige son organiste à jouer
« pur » (schietto) quand ne chante que le coro favorito, l’invite à orner à sa guise dans
les tutti à plusieurs chœurs, parce que c’est alors le bon moment (« è il suo tempo ») ;
cela quand bien même Viadana souhaite que la grande cappella comprenne 20 ou 30
chanteurs et des instrumentistes14. Ce même souci de renforcement apparaît égale-
ment dans les fameux intermèdes florentins où une instrumentation d’un raffinement
extraordinaire amplifiait les parties vocales, à différentes octaves et, à n’en pas douter,
avec un riche « continuo » avant la lettre, improvisé par les nombreux luths et clavecins
simultanés attestés. L’hétérophonie résultant de la superposition d’une partie simple
et d’une partie ornée, qu’elle se produise en chapelle, in compagnia ou en solo accom-
pagné, a souvent été examinée par les auteurs anciens15. L’anarchie résultant d’une
improvisation tous azimuts en grand ensemble devait être jugulée par une gestion
clairvoyante et dirigiste du maître de chapelle. Particulièrement édifiante à cet égard
est la lecture du dialogue d’Ercole Bottrigari. En réaction à un concert vocal et ins-
trumental particulièrement raté, l’auteur en examine les différentes raisons (accord et
tempérament des instruments, abus des passaggi, etc.). L’auteur décrit alors les réussites
stupéfiantes obtenues par les chanteurs et instrumentistes de Ferrare, Gran Concerto
del Duca, Concerto della Dame, Concerto delle Monache di S. Vito. Les moniales excel-
laient, dit-il, dans le jeu des instruments à vent, cornets et saqueboutes, utilisés presque
toujours en doublure (duplicatamente) dans les musiques des jours de fête. Grâce à
l’autorité et aux compétences de leur directrice, « leurs passaggi ne gâtent jamais l’air
principal […], mais sont amenés en temps et en lieu avec une si légère vivacité, qu’ils
rendent à la composition ornement et esprit grandissime ». A contrario, Bottrigari
déplore des concerts , dans lesquels les instrumentistes « par leur continuelle agitation,
comme dans une course, à faire des passaggi en même temps, et cela principalement
pour montrer leur valeur, sont tant éloignés du contrepoint de la composition musicale
proposée et tellement empêtrés dans les dissonances, qu’il en résulte une insupportable
confusion ; laquelle augmente d’autant plus quand ceux qui […] jouent la partie grave
et basse ne se souviennent plus (pour ne pas dire ne savent pas) qu’elle est la base et le
fondement, sur lequel est fabriquée la pièce […]16. »

13 Robert M. Stevenson, Spanish Cathedral Music in the Golden Age, Berkeley, University of California
Press, 1961, p. 166-167, cité et traduit dans : Allan W. Atlas, La Musique de la renaissance en Europe, op.
cit., p. 798-799.
14 Lodovico da Viadana, [Avertissement :] « Modo di concertare i detti salmi a quattro voci », Salmi a
quattro chori, Venise, Giacomo Vincenti, 1612.
15 Howard Mayer Brown, L’Ornementation dans la musique du xvi e siècle, op. cit., p. 79-88.
16 Ercole Bottrigari, Il Desiderio overo de’ concerti di varii strumenti musicali, Venise, Ricciardo Ama-
dino, 1594, p. 49-51 – l’ouvrage avait été publié sous le nom d’Alemanno Benelli (anagramme d’Annibale
Melone, l’interlocuteur de Gratioso Desiderio dans le dialogue).

Semplice ou passeggiato 293


Clamazione (Esclamazione, exlamatio)
Cette figure, très expressive, qui est parfois considérée comme une variété d’accento
(Zacconi, Bovicelli, etc.), varie aussi, quant à son exécution, selon les auteurs17. Chez
les anciens, on peut en trouver une définition avec de nombreux exemples chez Giulo
Caccini (avertissement Ai lettori dans : Le Nuove Musiche, 1601) et particulièrement
chez Michael Praetorius qui écrit : « Exclamatio ist das rechte Mittel die affectus zu
moviren, so mit erhebung der Stimm geschehen muss : Und kan in allen Minimis und
Semiminimis mit dem Punct Descendendo angebracht unnd gebracht werden. Unnd
moviret sonderlich di folgende Nota, so etwas geschwinde fortgehet mehr affectus, als
die Semibrevis, welche in erhebung und verringerung der Stimm ohn Exclamation
mehr stadt findet auch bessere gratiam hat. Welches in vorgedachtem Tractat aus-
führich unnd mit Exempeln declarirt werden sol18. »

Compagnia et concerto
Par ces vocables, nous entendons la pratique musicale en petit ensemble, norma-
lement à un musicien par partie, certainement la plus favorable à une ornementation
improvisée de qualité19. À mi-chemin entre les contraintes du gran concerto et la trans-
formation radicale d’une pièce polyphonique en une pièce soliste hautement virtuose,
le petit groupe permet une réalisation collective et interactive des passaggi, respectant
et même sublimant la pièce écrite. Adriano Banchieri (cf. infra, rubrique « Semplice »)
est néanmoins de l’avis contraire et réserve l’ornementation au chant soliste afin de
respecter la composition polyphonique. Les descriptions enthousiastes d’exécutions
musicales par des ensembles choisis de musici secreti abondent dans les sources (on le
voit par exemple chez Vincenzo Giustiniani). Les termes utilisés pour nommer ces
groupes de virtuosi, permanents ou renforcés de vedettes de passage, sont également
musiche serate, segrete ou reservate. La musique, surtout profane, de Palestrina a dû
certainement faire partie du répertoire de ces ensembles. C’est à cette distribution
d’élite que pense principalement Luigi Zenobi mais aussi les auteurs auxquels nous
nous référons lorsque nous étudions la diminution. Pour cette raison, les conseils pra-
tiques, ainsi que les exemples musicaux sur l’ornementation improvisée in compagnia
apparaissent dans les traités de diminution20. Ces conseils simples et peu nombreux
se trouvent particulièrement chez Giovanni Camillo Maffei, Lodovico Zacconi ou
Aurelio Virgiliano.

Conservation de la même note 


La méthode de base de la diminution (ce que les sources nomment « manière
parfaite », première règle, règle principale, diminuire regolare, diminuire osservato, etc.)
demande que la dernière note de la figure ornementale soit la même que la note que
l’on remplace ou qui précède l’intervalle, afin d’éviter un contrepoint fautif (cf. infra,
rubrique « Fautes de quintes et d’octaves »).

17 Howard Mayer Brown, L’Ornementation dans la musique du xvi e siècle, op. cit., p. 30.
18 Michael Praetorius, Syntagma musicum, op. cit., t. iii, p. 231
19 Ibid., p. 79-88 ; voir aussi : Bruce Dickey, « Ornamentation in Sixteenth-Century Music », op. cit.,
p. 313-314.
20 Girolamo Dalla Casa notamment termine son traité avec les six sections du madrigal de Cipriano de Rore
– Alla dolc’ombra – avec des diminutions pour les quatre voix. En outre, son Secondo libro de madrigali a
cinque voci, con passaggi (1590) fournit directement l’ornementation des parties par le compositeur.

294
Glossaire

Définition de la diminution
La définition même et les procédés de la diminution n’étaient pas standardisés
au cinquecento21. Chez les anciens, Michael Praetorius déclare : « Diminutio aber ist
wenn eine grössere Nota in viel andere geschwinde und kleinere Noten resolviret und
gebrochen wird. Dieser sind nun unterschiedliche Arten und Modi : Deren etliche
Gradatim nacheinander folgende geschehen : als Accentus, Tremulo, Gruppi und Tirata »
(suivent des exemples)22. Notons, en outre, que la différence que nous opérons entre
diminutions et agréments (notamment depuis Johann Joachim Quantz23 et Robert
Donington24) n’existait pas si clairement à l’époque où, comme on vient de le voir avec
la citation ci-dessus de Praetorius, ceux-ci ne sont qu’une variété de celles-là.

Diminutions écrites
Notre connaissance de l’ornementation à la Renaissance se base entièrement sur
des sources écrites : les traités et les pièces ornées à l’époque. Ces élaborations écrites
ne peuvent que constituer un point de départ pour l’ornementation improvisée. Bien
qu’il existe des transcriptions effectuées à titre documentaire ou de souvenir d’une
exécution remarquable25, celles-ci ne peuvent être que des approximations. Dans le cas
de celles réalisées par les auteurs de traités, même si ces virtuoses avaient été capables
de se rappeler d’improvisations personnelles réalisées dans le feu de l’action, leurs
auteurs ont tout de même été contraints de les présenter sous une forme écrite la plus
correcte possible. Cependant la composition de versions diminuées (d’œuvres célèbres)
répondait à l’époque à une véritable demande, puisqu’on ne dénombre pas moins de
173 diminutions sur 126 pièces différentes26. Nous avons inventorié en annexe les éla-
borations ornées (entre 1568 et 1638) d’œuvres de Palestrina. Même si ces pièces avec
diminutions originales sont des élaborations composées à la table, elles sont tout de
même importantes. La création artistique à la Renaissance était, en effet, construite
autour des notions d’imitatio et d’aemulatio. Cela est aussi vrai dans une perspectice
pédagogique. On apprenait à diminuer en appliquant les formules à des situations
identiques. Ces formules étaient des paradigmes que l’on prenait beaucoup de soin
à mémoriser à une époque où la mémoire était la base même de l’enseignement. La
référence pour le maître et pour le disciple, dans tous les domaines de la connaissance
encore à l’époque de l’Humanisme, est l’auctoritas et sa glose. De nombreux auteurs

21 On consultera à ce sujet : Howard Mayer Brown, « Les passaggi au xvie siècle », L’Ornementation dans la
musique du xvi e siècle, op. cit., p. 39-54 ; ainsi que : Bruce Dickey, « Ornamentation in Sixteenth-Century
Music », op. cit., p. 302-303 (§ « Divisions »).
22 Michael Praetorius, Syntagma musicum, op. cit., t. iii, p. 232-240.
23 Johann Joachim Quantz distingue (en français) « les agréments essentiels » et « les changements arbitraires »
(Essai d’une méthode pour apprendre à jouer de la flûte traversière, Berlin, Chrétien Frédéric Voss, 1752).
24 Voir l’établissement des ornements sous la forme d’une liste A (diminutions) et d’une liste B (agréments)
réalisé par Robert Donington (The Interpretation of Early Music, Londres, Faber and Faber, 1989 [5e éd.],
p. 160).
25 Voir les passaggi de Dalle più alte stelle dans La Pellegrina (1589) ou l’air Possente spirto dans l’Orfeo de
C. Monteverdi (1607), probablement composés respectivement par Antonio Archilei et Francesco Rasi.
26 On trouvera une liste de ces pièces diminuées dans : Andrew Waldo, « So You Want to Blow the
Audience Away; Sixteenth-century Ornamentation : A Perspective on Goals and Techniques », The Ame-
rican Recorder, vol. 27, May 1986, p. 55-59 ; et dans : Ernest T. Ferand, « Didactic Embellishment Litera-
ture in the Late Renaissance : Aspects of Medieval and Renaissance Music », Jan La Rue, éd., A Birthday
Offering to Gustave Reese, New York, Clarendon Press, 1966, p. 154-172 ; les chiffres mentionnés ici sont
cités dans : Timothy A. Collins, « Reaction against the Virtuoso », International Review of Aestetics and
Sociology of Music, vol. 32, no 2, 2002, p. 138.

Semplice ou passeggiato 295


de traités de diminution en témoignent. Ainsi Giovanni Luca Conforti en tire même
un argument publicitaire en disant que grâce à sa regola, on pourra acquérir en moins
de deux mois « bona, & leggiadra dipositione27 » (cf. infra, rubrique « Disposizione et
travail »). L’exécution des passaggi écrits par d’autres était absolument normale, sinon
pourquoi aurait-on publié autant de pièces avec ornementation écrite ? Une explication
bien connue justifiant la publication d’une œuvre avec les diminutions déjà écrites est
donnée par Bartolomeo Barbarino28. Écrire l’ornementation pour ceux qui ne maî-
trisent pas les règles de contrepoint est donc une motivation des spécialistes réputés
du domaine, pour composer les diminutions. Le cas le plus patent est celui du volume
de Bassano consacré à l’écriture des diminutions (1591).

Disposizione et travail
La disposizione, terme difficilement traduisible, signifie l’aptitude ou les dons à
entreprendre n’importe quelle activité. Le mot possède aussi un sens dans le domaine
musical avec, à la Renaissance, une légère connotation rhétorique. Une fois encore,
on trouve une référence à cette qualité, nécessaire au courtisan, chez Baldassar
Castiglione (livre i, chapitre xx). L’aisance vocale29, l’agilité instrumentale, la virtuo-
sité, de même que la rapidité d’esprit sont des qualités indispensables à l’improvisation
de passaggi. Bartolomeo Barbarino utilise même l’expression dispositione di passag-
giare pour résumer toutes ces qualités30. Francesco Severi dit avoir veillé à ce que ses
passaggi soient uniti autant que possible, pensant qu’auront à les chanter « tanto quelli
che hanno buona dispositione, come quelli che l’hanno mediocre31. » Parfois, le terme
disposizione désigne simplement la voix. Curieusement, on trouve néanmoins dans
plusieurs sources l’expression « acquérir la disposition ». Le travail peut donc suppléer,
du moins en partie, au manque de disposizione. 

Doublure et colla parte


Sur la question de la doublure (en version simple) des voix diminuées, cf. égale-
ment supra, la rubrique Cappella. Nicola Vicentino32 se soucie de ce que l’harmonie
complète ne soit pas amoindrie par les diminutions. Pour ce faire, il recommande au
chanteur :
– de ne diminuer que dans des œuvres à plus que quatre parties,
– de ne diminuer une œuvre à quatre que lorsqu’un instrument polyphonique joue
la composition telle qu’elle est écrite,
– de faire des diminutions de manière alternée (ben concertati) si l’instrumentiste
veut lui-même diminuer.
Diego Ortiz, au contraire, invite le claveciniste à ne pas jouer la voix supérieure

27 Giovanni Luca Conforti, [postface :] « Dichiaratione sopra li passagi », Breve et facile maniera, op. cit.,
p. 1v.
28 Bartolomeo Barbarino, [Avertissement :] « Alli Sig. Lettori », Secondo libro delli motetti, Venise, Barto-
lomeo Magni, 1614.
29 Lire par exemple à ce sujet : Robert Greenlee, « Dispositione di voce : Passage to Floride Singing », Early
Music, vol. 15, 1987, p. 47-55.
30 Bartolomeo Barbarino, [Avertissement :] « Alli Sig. Lettori », Secondo libro delli motetti, op. cit.
31 Francesco Severi, [Averissement :] « Ai Lettori », Salmi passaggiati per tutte le voci nella maniera che si
cantano in Roma sopra falsi bordoni… con alcuni Versi di Miserere sopra il Falso Bordone del Dentice… Libro
primo, Rome, Nicolò Borboni, 1615.
32 Nicola Vicentino, L’Antica musica ridotta alla moderna prattica, op. cit., livre iv, chapitre xxxxii.

296
Glossaire

quand le soprano est orné mais fait jouer la basse quand cette partie est diminuée33.
De l’ouvrage d’Ortiz, on peut aussi déduire que toutes les voix de la polyphonie sont
également jouées simplement en cas de diminution alla bastarda.

Fautes de quintes et d’octaves


Cette faute de contrepoint est normalement proscrite dans les diminutions. Notons
cependant que dans sa préface à l’Euridice (1600), Giulio Caccini explique avoir écrit
sciemment des passaggi formant des rencontres de deux octaves et deux quintes avec
les voix intérieures dans le but de plaire par la nouveauté et du fait que, non diminuées,
les parties ne comportent pas ces erreurs : « Nè ho ancora fuggito il riscontro delle due
ottave e due quinte, quando due soprani cantando con l’altre parti di mezzo, fanno
passaggi ; pensando perciò, con la vaghezza e novità loro, maggioramente dilettare ; e
massimente poi che senza essi passaggi, tutte le parti sono senza tali errori. »

Gorgia
Nous traduisons par vocalise le terme gorgia pour bien rendre le caractère de la
réalisation au moyen d’une technique vocale particulière de ce que nous appelons
diminutions, coloratures, roulades, passaggi, minute, tirate, etc… Les auteurs anciens
évoquaient son imitation par les instruments par les coups de langue et d’archet, ou les
doigtés des instrumentistes à clavier. La gorgia était elle-même proche d’une articu-
lation de mots. On trouve souvent les termes prononcer, détacher, articuler, tant pour
les paroles que pour les diminutions.

Grâce, par les tremoli et agréments


Depuis Baldassar Castiglione, la grâce est la qualité suprême requise du courtisan.
Dès le chapitre xiv du livre i de son Livre du courtisan, Castiglione développe cette
notion, en particulier en introduisant le concept de sprezzatura (cf. supra, rubrique
« Affectation »). On se rappelle que, selon lui, la grâce se manifeste dans le chant par
des agréments, qu’il nomme accento et gruppetto. Concernant la distinction entre dimi-
nution et agréments, cf. supra, rubrique « Définition de la diminution ». Chez Ganassi,
le flûtiste est invité à rendre son jeu gracieux par les « tremoli suavi » ou « vivaci ». Ortiz
est encore plus clair : « ce livre montre la voie dans la manière à avoir pour gloser les
notes, mais la grâce et les effets qu’il y a à donner à la main proviennent seuls de l’ins-
trumentiste qui doit jouer […] en y mêlant quelques agréments amortis (esp. quiebros
amortiguados / it. tratti ammortiti) et quelques [passages] posés (esp. algunos passos /
it. alcuni posati) 34. » Quant à Zacconi35, il intitule le chapitre lxiii de son premier
livre : « In che modo si possano le figure Musicali cantar con gratia ». De nombreux
auteurs suggèrent donc l’obligation d’incorporer des agréments au chant et au jeu ins-
trumental36.

33 Trattado de glosas, op. cit., Libro secondo, La terza maniera di sonar il Violone col Cimbalo, Rome, Dorico, 1553,
p. 35.
34 Diego Ortiz, [avertissement :] « El modo che se ha da tener’ per glosare », Trattado de glosas, op. cit., El
primo libro.
35 Lodovico Zacconi, Prattica di musica, op. cit.
36 Sur cette idée et sur la typologie des agréments, voir : Howard Mayer Brown, « Les agréments au
xvie siècle », L’Ornementation dans la musique du xvi e siècle, op. cit., p. 19-38 ; ainsi que : Bruce Dickey,
« Ornamentation in Sixteenth-Century Music », op. cit., p. 315-321.

Semplice ou passeggiato 297


Groppo
Cette figure est un ornement caractéristique du langage musical de la Renais-
sance37 dont le nom apparaissait déjà chez Baldassar Castiglione (cf. supra, rubrique
« Affectation »). Notons que le groppo n’est rien d’autre qu’une formule de diminution
(très ancienne), employée sur les notes cadentielles et donc articulée et mesurée comme
n’importe quelle autre diminution. En le répétant de nombreuses fois ou en le mesu-
rant, comme Girolamo Dalla Casa le suggère, en croches, en doubles-croches, en
sextolets, voire en triples-croches, on pouvait en faire une formule de haute virtuosité.
Dalla Casa mentionne en outre, à côté du groppo battuto, le tremolo groppizato, qui
intègre la répétition (tremblée ?) de la même note (= tremolo) à l’intérieur d’une formule
de type groppo. Cette figure est également fréquente et ancienne dans la littérature
musicale. Pour sa part, Luigi Zenobi distingue le groppo posato, en croches, du groppo
granito, en doubles-croches. Giovanni Battista Bovicelli distingue les groppetti en
notes égales de ceux qu’il nomme groppetti raffrenati, dans lesquels la fin de la figure
est accélérée, brisée en accento, ou ralentie sur la note finale (pour y placer, selon sa
manière spéciale, plus confortablement la dernière syllabe du texte). Dès la fin du xvie
siècle, l’articulation a commencé à s’adoucir pour aboutir progressivement au trille
baroque avec terminaison. Du vivant de Palestrina, l’articulation des battements du
groppo devait être plus marquée que dans l’exécution du tremolo38 des joueurs de clavier.
En effet, dans la littérature didactique destinée aux instruments à vent, on rencontre
des syllabes d’articulation sous les notes du groppo. En revanche, dans les traités pour
clavier, on différencie plutôt le groppo, mesuré de plusieurs façons (ou accéléré ?), du
tremolo simplement battu rapidement39 et dont le degré d’articulation et de netteté
semble plus flou. Dans le chant, il semble toutefois que la différence d’articulation
entre ces deux agréments n’ait pas toujours été respectée. Pour cette raison Lodovico
Zacconi avertit très clairement de « ne pas prononcer les fins de cadences faibles et
mortes [c’est-à-dire non articulées et indistinctes], comme certains qui, croyant les
faire charmantes et belles, les font difformes et laides ». De fait cette différence dispa-
raîtra dans la première moitié du xviie siècle lorsque les interprètes cesseront d’arti-
culer le groppo soigneusement 40.

Imitation de la voix
Un des premiers devoirs de l’instrumentiste est d’imiter la voix humaine. Ce
souci, exprimé remarquablement et constamment dans le traité de Ganassi 41, est par-
tagé par presque tous les auteurs de méthodes de diminution. Il est clair que l’appren-
tissage d’un instrument se faisait sans doute depuis longtemps par appropriation de
la technique (prattica) spécifique en montant et descendant des gammes, en répétant
37 Voir : Howard Mayer Brown, L’Ornementation dans la musique du xvi e siècle, op. cit., p. 28-30 ; ainsi que :
Bruce Dickey, « Ornamentation in Sixteenth-Century Music », op. cit., p. 317-318.
38 « Werden in den Cadentiis und Clausulis formalibus gebraucht und müssen scherffer als die Tremoli ange-
schlagen werden » (Michael Praetorius, Syntagma musicum, op. cit., t. iii, p. 236).
39 Diruta décrit les différents groppi d’après leurs rythmes mais les tremoli simplement en disant qu’ils
doivent être joués avec charme et agilité (Girolamo Diruta, Il Transilvano, op. cit., fol. 9 et 10).
40 « L’on faisoit autrefois la Cadence auec les martelements, qui s’expriment par Tara tara, tara, ta […]. La
seconde Cadence se fait par un tremblement des doigts aux crochües, & aux doubles crochües par un
redoublement : mais ce tremblement se fait avec le simple vent, afin que la cadence soit plus douce & plus
amiable, & qu’elle imite la voix & la plus excellente methode de chanter » (Marin Mersenne, Harmonie
universelle, Paris, Sébastien Cramoisy, 1636, Livre Cinquiesme, Proposition xxiii, p. 275).
41 Ganassi termine la Fontegara en répétant : « Sache que ton maître sera le chanteur habile et expérimenté »
(Silvestro Ganassi, « Dimostratione della regola figurata », Opera intitulata Fontegara, op. cit., [p. 161]).

298
Glossaire

des formules sur chaque degré, puis par intervalles et enfin avec des ornements de
cadences, puis enfin par l’exécution de mélodies connues, enrichies d’ornementation
toujours plus élaborée42. Pourquoi fallait-il sans cesse rappeler l’importance d’imiter
la voix, que l’on comprend encore comme jouer cantabile ? Parce que l’instrumentiste
est appelé à jouer beaucoup de musique vocale. Du fait de la cohabitation des voix et
instruments dans les chapelles et concerti, l’instrumentiste, auparavant souvent musi-
calement analphabète (même s’il pouvait être un virtuose accompli) et intervenant
peu en contexte polyphonique complexe, est amené à jouer de la musique vocale poly-
phonique écrite avec un souci toujours plus grand du texte. Si on reprend le cas de
Ganassi, on ne peut qu’être frappé par le peu d’années qui séparent l’arrivée d’Adrien
Willaert en 1527 à la tête de la chapelle musicale de Saint-Marc et la publication de la
Fontegara. Certes Ganassi éblouit par la virtuosité et l’inventivité de ses passaggi pour
flûte à bec mais il soumet tout ce savoir-faire à l’impératif de la vocalité ; c’est-à-dire
à l’expression des affetti du texte et des « grâces » vocales. L’articulation de la langue
doit donner l’illusion de la gorgia dans les coloratures, les agréments spécifiques du
flûtiste (tremblements de demi-ton, de ton entier ou de tierce) doivent remplacer les
inflexions (les gratie ou le portar la voce accentata43) de la voix, absentes de la notation
musicale jusqu’à la dernière décennie du xviie siècle. Le concept d’imitar la voce ne
recouvre donc que partiellement l’imitation du timbre vocal (bien que Luigi Zenobi
la recommande encore pour le trombone et le cornet) et renvoie surtout à une sorte
d’illusion de la vocalité. La remarque sur le cornet de Girolamo Dalla Casa, plagiée
maintes fois par les auteurs anciens, ne laisse pas de doute quant à l’imitation surtout
de la technique de la gorgia.

Licences, tolérées en raison de la rapidité


Un chanteur de chapelle avancé était à même de créer à vue une ligne nouvelle
sur un cantus firmus. Ce contrepoint alla mente ou super librum, explicité en particulier
par Zacconi dans la Seconda parte de son traité (1622), était en relation directe avec le
contrepoint fleuri ou diminué (contrapunctus diminutus aut floridus) car dès que l’on ne
se satisfait plus de la réalisation note contre note, on se met à envisager la création de
notes de passage entre les consonances. La seule différence entre le contrepoint écrit et
le contrepoint improvisé est que le premier ne tolère pas de fautes. Le second peut en
contenir, excepté normalement les « fautes de quintes et d’octaves », cf. notre rubrique
supra, puisqu’elles passent plus ou moins inaperçues, du fait de leur caractère instan-
tané ou qu’il s’agit de notes rapides. Cette opinion apparaît souvent dans les traités à
propos des diminutions.

Mauvaises diminutions
Des diminutions peuvent être mauvaises, par leur excès, leur goût douteux ou
démonstratif (« affectation ») ou leur contexte. Baldassar Castiglione, au livre iii,
chapitre viii, le signalait déjà en recommandant aux dames de ne pas employer de
« diminutions fortes et répétées, qui démontrent plus d’habileté (arte) que de dou-
ceur (dolcezza)44. »

42 La méthode instrumentale la mieux structurée à cet égard est celle de Riccardo Rognioni qui débute
véritablement par un apprentissage technique (Passaggi per potersi essercitare nel diminuire, op. cit.).
43 Selon l’expression de Francesco Rognoni (Selva de varii passaggi, op. cit., page de titre).
44 Baldassar Castiglione, Le Livre du courtisan, Paris, Flammarion, op. cit., p. 239.

Semplice ou passeggiato 299


Mouvements disgracieux
Tout comme le courtisan de Baldassar Castiglione, le chanteur et l’instrumentiste
se devaient de conserver une posture noble et gracieuse. C’est pourquoi les traités, à
l’instar de Zarlino, invitent à « ne pas chanter avec des mouvements du corps ou des
gestes, qui induisent au rire les spectateurs » et recommandent aux auditeurs mais éga-
lement à certains instrumentistes, de ne pas bouger « de telle manière qu’ils semblent
véritablement danser45. »

Quantité de diminutions
« Poi nella Minuta far poca robba, ma buona 46. » L’excès de diminutions était perçu
comme un grave défaut. Reste à savoir ce qui était considéré comme un excès. Là
encore le contexte était primordial. Concernant l’ornementation excessive en chapelle,
on relira la critique de Bottrigari, cf. supra, rubrique « Cappella ». En solo par contre,
on pouvait aboutir à une œuvre vraiment nouvelle47.

Semplice
En utilisant le terme « simple », opposé à celui de « diminué », nous pensons à la
distinction faite par Bartolomeo Barbarino48. Dans de nombreuses situations, l’ab-
sence de diminutions ou une exécution peu diminuée mais expressive est considérée
comme nécessaire. Luigi Zenobi par exemple recommande au soprano de connaître
le « canto schietto »49, simplement agrémenté. Francesco Rognoni abonde dans ce sens
surtout en pensant aux mauvaises diminutions : « On voit aujourd’hui beaucoup de
[musiciens], qui jouent du cornet à bouquin, du violon, ou un autre instrument, ne
faire [rien d’] autre que de diminuer, bien ou mal, pourvu qu’ils fassent des dimi-
nutions, cassant la tête de celui qui sait le métier [et] ruinant toute la pièce, pensant
bien faire. […] ils ne savent pas qu’il vaut mieux savoir tenir une note avec grâce, ou
un coup d’archet doux et suave, que de faire autant de diminutions hors de propos50. »
L’exécution simple sera plus tard dans le stil moderno souvent souhaitée expressément
par le compositeur, comme on le voit dans les préfaces des mélodrames ou dans l’aver-
tissement du Combatimento di Tancredi e Clorinda, où Claudio Monteverdi interdit
les gorghe et même les trilli (sauf dans la partie qui commence par « Notte »). Adriano
Banchieri, théoricien et compositeur, exprime bien cette opinion : « le chanteur, qui
fait des vocalises en compagnie, prive le concert de l’art et de l’harmonie composés
par l’illustre compositeur51. »

45 Gioseffo Zarlino, Istitutioni armoniche, op. cit., [édition de 1573], chapitre 46, p. 240.


46 Girolamo Dalla Casa, [Avertissement :] « Del Cornetto », Il Vero modo, op. cit.
47 Sur ce sujet, voir : Howard Mayer Brown, « Réactions contre le virtuose », L’Ornementation dans la
musique du xvi e siècle, op. cit., p. 103-108.
48 Bartolomeo Barbarino, [Avertissement :] « Alli Sig. Lettori », Secondo libro delli motetti, op. cit.
49 Luigi Zenobi, op. cit., § 14.
50 Francesco Rognoni, « Della Viola Bastarda », Selva de varii passaggi, op. cit., Parte seconda.
51 Adriano Banchieri, Cartella musicale, Venise, Giacomo Vincenti, 1614 ; voir également sur la maniera
semplice : Howard Mayer Brown, « Réactions contre le virtuose », L’Ornementation dans la musique du
xvi e siècle, op. cit.

300
Glossaire

Solo
La musique du xvie siècle est trop souvent réduite à sa seule dimension polypho-
nique52. Si le processus compositionnel s’appuie essentiellement sur une superposi-
tion de lignes horizontales, l’exécution pouvait parfaitement faire passer cet aspect
au second plan. Nous avons donc distingué les trois grandes catégories d’exécution
(cappella, compagnia, solo). Le chant au luth s’imprime dès le début du xvie siècle dans
les deux livres d’adaptations de frottole par Francisco Bossinensis, édités en 1509 et 1511
chez Petrucci53. Baldassar Castiglione loue par-dessus tout le chant à la viole54. Les
premiers madrigaux (ceux de Philippe Verdelot et d’Andrea de Silva) sont transcrits
pour voix et luth par Adrien Willaert lui-même55. Parmi nos traités, nous voyons
Ortiz expliquer que la diminution avec clavecin est d’une autre manière que celle « qui
consiste à jouer en ensemble avec quatre ou cinq violes »56. Dans la musique sacrée,
l’exécution (ornée) en solo a pu paraître quelque peu licencieuse. Son côté expressif
pouvait par exemple rehausser le caractère érotique des textes du Cantique des Can-
tiques. Cet aspect a été condamné fermement par Lodovico Zacconi : « J’ai toujours
loué Palest[r]ina, qui s’est peu employé à écrire des madrigaux, car Dieu l’a créé afin
qu’il orne l’église de ses chants suaves, comme il l’a toujours fait. Mais si j’avais été près
de lui et si j’avais pu lui dire ma pensée, j’aurais mis toute ma conviction à le convaincre
à ne pas composer ses motets du Cantique comme il l’a fait ; car aujourd’hui beaucoup
de chanteurs se complaisent à chanter en solo Quam pulcra es amica mea, quam pulcra es.
Tota pulchra es amica mea, formosa mea. Fulcite me Floribus quia amore langueo, et autres
choses, avec Dieu sait quelle intention57. »

Tirata
Ce terme figure dans le Dictionnaire de musique de Sébastien de Brossard avec
la définition suivante : « en François tirade. C’est ainsi que les Italiens appellent en
general toutes ces suites de plusieurs Notes de même figure ou valeur, qui se suivent par
degrez conjoints, tant en montant, qu’en descendant58 . » Michael Praetorius en donne
l’explication suivante : « Tiratae : Sind lange geschwinde Läufflin so gradatim gemacht
werden und durchs Clavier hinauff oder herunter lauffen […] Je geschwinder und
schärffer nun diese Läufflein gemacht werden doch also das man eine jede Noten recht
rein hören und fast vernemen kann : Je besser und anmütiger es sein wird59. »

52 Sur l’exécution de la polyphonie en solo, voir : Howard Mayer Brown, « Solo et ensemble », L’Ornementa-
tion dans la musique du xvi e siècle, op. cit., p. 79-88.
53 Respectivement : Tenori e contrabassi intabulati col sopran in canto figurato figurato per cantar e sonar lauto
Libro primo, Venise, Ottaviano Petrucci, 1509 ; Tenori e contrabassi intabulati col sopran in canto figurato per
cantar e sonar lauto Libro secundo, Venise, Ottaviano Petrucci, 1511 (Brown 15091 et 1511 1).
54 Baldassar Castiglione, Le Livre du courtisan, op. cit., livre ii, chapitre xiii.
55 Intavolatura de li madrigali di verdelotto da cantare et sonare nel lauto (Brown 15368).
56 Diego Ortiz, [Avertissement pour jouer sur des compositions], Trattado de glosas, op. cit., Secondo libro,
p. 37v.
57 Lodovico Zacconi, Prattica di musica, Seconda parte, Venise, Alessandro Vincenti, 1622, livre i,
chapitre lxii, p. 53-24.
58 Sébastien de Brossard, Dictionnaire de musique, Amsterdam, Estienne Roger, 1701, p. 184-187.
59 Michael Praetorius, Syntagma musicum, op. cit., t. iii, p. 236.

Semplice ou passeggiato 301


Tremolo
Cet agrément est plus difficile à appréhender60. Si l’on s’en tient à l’acception du
terme en usage au xvie siècle et non à l’affetto du xviie siècle, il n’est rien d’autre qu’un
tremblement rapide, soit plutôt sur la même note (voix), soit entre une note princi-
pale et une note auxiliaire de préférence supérieure (instruments). Voix et instruments
pouvaient donc rendre ce tremblement selon leurs moyens propres61. Au xvie siècle,
le tremolo n’est normalement pas lié à un contexte mélodico-harmonique particulier.
Selon Lodovico Zacconi, le tremolo permet techniquement d’accéder ensuite à l’agilité
nécessaire aux diminutions62. Girolamo Dalla Casa l’associe à une figure ornemen-
tale extrêmement répandue aux xvie et xviie siècles, qu’il nomme tremolo groppizato63.
Quant à Bovicelli, il nous apprend que le tremolo peut être plus ou moins développé,
en distinguant tremolo formato et non formato dans la figure de l’accento64. En musique
instrumentale, les battements (simples ou répétés), toujours entre note principale et
auxiliaire supérieure (voire inférieure), sont attestés également dans la musique de
clavier. Le tremolo italien correspond alors au mordent des tablatures allemandes et aux
senzillos et quiebros espagnols65 (et au futur pincé français). Girolamo Diruta en donne
une description très soignée qui inspirera Michael Praetorius66 et qui est illustrée par
de nombreux exemples avec les doigtés à employer. Le tremolo est indiqué, en outre,
par des signes spécifiques dans les tablatures de clavier allemandes et dans les tabla-
tures de luth italiennes. Pour les instruments à vent, Silvestro Ganassi présente des
doigtés pour des tremoli allant de l’intervalle de demi-ton à celui de tierce. En ce qui
concerne les instruments à cordes, en parlant du travail de la main, Diego Ortiz nous
enseigne que les instrumentistes sont invités à mêler leurs « passos » de « quiebros amor-
tigados » (cf. supra rubrique « Grâce par les tremoli et agréments »). Notons enfin que le
tremolo du xviie siècle ne se différenciera pas du trillo du point de vue de la graphie tout
au moins, comme on peut le voir chez Francesco Rognoni.

60 Sur cet agrément et les différents types de tremoli, voir : Howard Mayer Brown, « Les agréments au
xvie siècle », L’Ornementation dans la musique du xvi e siècle, op. cit., et plus particulièrement, p. 20-28,
ainsi que : Bruce Dickey, § « Tremolo, Trillo and Tremoletto », « Ornamentation in Sixteenth-Century
Music », op. cit., p. 315-317.
61 « Tremolo è quello, che tocca della riga, e dello spatio in qual’si voglia modo, ch’ei si faccia » (Luigi
Zenobi, op. cit., § 13.
62 Lodovico Zacconi, Prattica di musica, 1592, op. cit., chapitre lxvi, p. 60r.
63 Girolamo Dalla Casa, Il Vero modo, op. cit., p. 5-6.
64 Giovanni Battista Bovicelli, « Avertimenti intorno alle note », Regole, passaggi, op. cit., p. 13.
65 Juan Bermudo, Declaración de instrumentos musicales, Osuna, Juan de Leon, 1555, livre iv, chapitre 43,
fol. 84-85 ; Tomás de Santa Maria, Arte de tañer fantasia, Valladolid, Francisco Fernandez, 1565, livre i,
chapitre 19, p. 46v-52r.
66 «  Tremolo, vel Tremulo : Ist nichts anders als ein Zittern der Stimme über einer Noten : die Organisten
nennen es Mordanten oder Moderanten [...] Und dieses ist mehr uff Orgeln und Instrumenta pennata
gerichtet als uff menschen Stimmen » (Michael Praetorius, Syntagma musicum, op. cit., t. iii, p. 235).

302
Glossaire

Trillo
Cet ornement67, à l’origine spécifiquement vocal, est cité pour la première fois par
Giovanni Luca Conforti en 1593. Mentionné ensuite par Luigi Zenobi, il deviendra
un des grands classiques du nouveau style monodique. Dans la musique, il est signalé
par la lettre t, ou écrit en toutes notes, voire encore des deux façons à la fois. Sa des-
cription la plus célèbre, donnée par Giulio Caccini68 et reprise par Francesco Rognoni,
nous apprend qu’il s’agit d’une répétition rapide de la même note, articulée dans la
gorge69. Bien que figuré en cadence de soprano par Conforti (et avec des terminaisons
descendant au 6e ou montant au 2e degré), il sera dans le stile rappresentativo plutôt
employé comme ornement cadentiel tenorizans. Il n’y a cependant pas de raison de
ne pas l’employer en polyphonie d’après les exemples de Conforti ou les explications
de Zenobi. Dans l’usage affettuoso des passaggi modernes, on l’observera écrit dans les
versions tardives pour solistes, par exemple dans le Pulchra es de Palestrina diminué par
Francesco Rognoni70. Le trillo est décrit également par Michael Praetorius : « Trillo :
Ist zweyerley : der eine geschiehet in Vnisono, entweder einer Linien oder im Spatio ;
Wann viel geschwinde Noten nacheinander repetiret werden. [...] Und dieser Art sind
im Claudio de Monte verde zufinden. Der Ander Trillo ist uff unterschieden Arten
gerichtet. Und ob zwar einen Trillo recht zu formieren, unmüglich ist aussm vorges-
chriebene zu lerne es sey dann es viva Praeceptoris voce & ope geschehe und einem
vorgesungen und vor gemacht werde darmit es einer vomandern gleich wie ein Vogel
vom andern observiren lerne. Dahero Ich auch noch zur zeit ausser vorgedachtem
Giulio Caccini, in keinem Italianischem Autore dieser Art Trillen beschriben sondern
allein über die Noten, so mit einem Trill formieret werden sollen ein t: oder tr: oder
tri: ¨bergesetzet befinde: Jedoch hab ich Arten alhier obiter mit bey zusetzen nötig
erachtet damit die noch zur zeit untwissende Tyrones, nur in etwas sehen und wissen
mögen was ohngefehr ein Trillo genennet werde71. » Marin Mersenne donne aussi une
transcription « suivant la methode de Caccini », en précisant : « Mais l’on use point en
France de ce Trillo ou tremblement sur une mesme chorde72. »


67 Sur cet agrément et les différents types de trilli, voir : Howard Mayer Brown, « Les agréments au
xvie siècle », L’Ornementation dans la musique du xvi e siècle, op. cit., plus particulièrement, p. 30 ;
Bruce Dickey, § « Tremolo, Trillo and Tremoletto », « Ornamentation in Sixteenth-Century Music »,
op. cit., p.  315-317 ; et également : Bruce Dickey, « Untersuchungen zur historischen Auffassung des
Vibratos auf Blasinstrumenten », Basler Jahrbuch zur historische Musikpraxis, vol. 2, 1978, p. 77-142.
68 Giulio Caccini, « Ai lettori », Le Nuove Musiche, op. cit., [p. 7].
69 « […] il comminciarsi dalla prima semiminima, e ribattere ciascuna nota con la gola sopra la vocale « a »
fino all’ultima breve » (Giulio Caccini, Le Nuove Musiche, op. cit., p. 7). Giulio Caccini démontre l’accé-
lération du trillo, explique son articulation et le compare ensuite au groppo. Voir à ce sujet la traduction
anglaise de ce passage de l’ouvrage de Caccini par John Playford et l’application, par Girolamo Fantini,
du trillo au jeu de la trompette dans : Howard Mayer Brown, Instrumental Music Printed Before 1600,
op. cit., p. 38, note 23.
70 Francesco Rognoni, Motteto del palestina [sic] passeggiato per il soprano overo Tenore, dans la Selva de varii
passaggi, op. cit., p. 45-46.
71 Michael Praetorius, Syntagma musicum, op. cit., t. iii, 1619, p. 237.
72 Marin Mersenne, Harmonie universelle, op. cit., Livre Cinquiesme, errata, p. 238.

Semplice ou passeggiato 303


Index des notions abordées dans les sources traduites

Index des notions abordées dans les sources traduites

Accento (voir glossaire) Zacconi : 196-198, 200-201


Zacconi : 186-190, 192, 201, 206 R. Rognoni : 217
Diruta : 227, 230, 233, 236 Conforti : 219-222
Bovicelli : 239, 241, 244, 246-247 Diruta : 227-228
Banchieri : 262-263, 272 Bovicelli : 240, 246-247
Fr. Rognoni : 273-274, 277 Banchieri : 262-263
Fr. Rognoni : 273-274, 277-278, 281-282
Affectation chez le courtisan et le musicien
(voir glossaire) Cantus firmus
Maffei : 166 Ortiz : 127, 138
Zenobi : 259
Affetti (expression des affetti du texte) Banchieri : 269
Ganassi : 119
Vicentino : 150 Cappella (voir glossaire)
Zacconi : 188 Finck : 155
Bovicelli : 246-247 Bovicelli : 245
Zenobi : 258 Zenobi : 259
Fr. Rognoni : 277
Chant (voir voix humaine)
Alto
Ortiz : 131, 145 Clamazione (Esclamazione, exlamatio) (voir glossaire)
R. Rognoni : 217 Diruta : 233, 235-236
Zenobi : 255-256 Zenobi : 257-258
Banchieri : 263, 266-267, 272 Fr. Rognoni : 273-274, 276-277

Basse (voir également infra la rubrique Bastarda) Combinaison de formules


Coclico : 124 Maffei : 167
Ortiz : 145 Zacconi : 193, 200-201, 213-214
Finck : 154 Conforti : 222-223
Bassano : 184 Bovicelli : 243
Zacconi : 201 Zenobi : 258
R. Rognoni : 217 Fr. Rognoni : 282
Zenobi : 255- 257
Banchieri : 263, 270, 272 Compagnia et concerto (voir glossaire)
Fr. Rognoni : 278 Ortiz : 126, 145
Giustiniani : 284-286 Vicentino : 150-151
Finck : 154
Basses obstinées Maffei : 167-168
Ortiz : 138-139 Dalla Casa : 172, 174, 176-179
Zenobi : 259 Bassano : 184
Zacconi : 192
Bastarda (diminution alla, voir glossaire) Conforti : 223
Ortiz : 138-139 Bovicelli : 238-239
Dalla Casa : 175 Zenobi : 255, 258-259
Bassano : 184 Banchieri : 262
Zenobi : 256 Fr. Rognoni : 278
Fr. Rognoni : 273-274, 277- 279 Giustiniani : 287
Giustiniani : 286-287
Conservation de la même note (voir glossaire)
Cadences Ganassi : 115-116
Ganassi : 115 Ortiz : 127
Coclico : 122-123 Diruta : 236
Ortiz : 125- 129, 131-133 Virgiliano : 250
Finck : 154-159
Maffei : 167-169 Définition de la diminution (voir glossaire)
Dalla Casa : 172-173 Ganassi : 114-116
Bassano : 181-182 Vicentino : 130-131

Semplice ou passeggiato 305


Finck : 154 Genres musicaux (diminutions spécifiques
Dalla Casa : 173, 175 aux chansons, madrigaux, motets, …)
Zacconi : 190-191, 213 Ortiz : 140-145
R. Rognoni : 217 Finck : 160-164
Diruta : 232-233 Maffei : 166-169
Bovicelli : 238, 242 Dalla Casa : 172-179
Banchieri : 262 Bassano : 182-184
Fr. Rognoni : 277 Zacconi : 202-206
R. Rognoni : 218
Diminutions écrites (voir glossaire) Diruta : 225-226, 230-233, 236
Coclico : 122 Bovicelli : 237-248
Ortiz : 128, 131, 138 Zenobi : 258
Finck : 155, 160 Fr. Rognoni : 273-274, 279
Dalla Casa : 172-173, 175 Giustiniani : 283-285, 287
Bassano : 183-184
Zacconi : 187, 190, 200 Gorgia (voir glossaire)
R. Rognoni : 218 Ganassi : 116
Conforti : 219-220, 222-223 Coclico : 122
Bovicelli : 238, 244-245, 248 Vicentino : 150
Banchieri : 262, 272 Finck : 154
Fr. Rognoni : 274, 282 Maffei : 165-167, 169
Dalla Casa : 173, 176
Disposizione et travail (voir glossaire) Bassano : 183
Ganassi : 116 Zacconi : 188-195, 198, 200, 213
Coclico : 122 R. Rognoni : 216
Ortiz : 126-127, 140 Bovicelli : 248
Vicentino : 150 Banchieri : 262
Finck : 154 Fr. Rognoni : 275, 277, 280
Maffei : 166-167, 169
Zacconi : 190-191, 193-194, Grâce, par les tremoli et agréments (voir glossaire)
200, 213-214 Ganassi : 117-119
R. Rognoni : 216 Ortiz : 126
Conforti : 219-223 Maffei : 166-168
Bovicelli : 238, 245 Zacconi : 186, 213, 216
Zenobi : 255-260 Conforti : 220, 223
Banchieri : 262 Diruta : 226-227, 229-230, 232, 236
Fr. Rognoni : 277 Bovicelli : 241-242, 245-246
Giustiniani : 284-287 Zenobi : 254-255, 257-260
Fr. Rognoni : 273-276, 278-279
Doublure et colla parte (voir glossaire)
Ortiz : 140 Groppo (voir glossaire)
Vicentino : 150-151 Ortiz : 130
Finck : 154 Dalla Casa : 172, 174
Zacconi : 191 Zacconi : 196-199, 201, 203
Banchieri : 272 Conforti : 220
Diruta : 227-228, 232-233, 235-236
Fautes de quintes et d’octaves (voir glossaire) Bovicelli : 240-243, 246
Ortiz : 127 Zenobi : 257
Finck : 154, 160 Fr. Rognoni : 273-276
R. Rognoni : 218 Giustiniani : 285
Diruta : 239
F. Rognioni : 275, 278 Imitation de la voix (voir glossaire)
Finales Ganassi : 114, 117-119
Finck : 154 Dalla Casa : 173
Zacconi : 192-193 Zenobi : 259
R. Rognoni : 218
Bovicelli : 241, 247 Instruments (diminutions spécifiques aux instruments)
Fr. Rognoni : 273-274, 277-278, 281-282 Ganassi : 113-115, 117-119
Ortiz : 125-126, 128, 138, 140, 145
Vicentino : 150-151
Finck : 154

306
Index des notions abordées dans les sources traduites

Dalla Casa : 172-175 Règles et conseils


Bassano : 181-184 Ganassi : 115-116, 119
Zacconi : 185-186, 196 Coclico : 122, 124
R. Rognoni : 216-217 Ortiz : 127-128
Conforti : 219-220, 223 Vicentino : 150-151
Diruta : 225-236 Finck : 154-155
Bovicelli : 246 Maffei : 165-168
Virgiliano : 249-250 Zacconi : 186-189, 191-193
Zenobi : 254-255, 258-260 Diruta : 233, 236
Fr. Rognoni : 273-275, 277-281 Bovicelli : 237, 239-248
Giustiniani : 286-287 Virgiliano : 250-251
Zenobi : 254-258, 260
Licences, tolérées en raison de la rapidité (voir glossaire) Fr. Rognoni : 274-275, 277-280
Ganassi : 116
Ortiz : 127 Semplice (voir glossaire)
Vicentino : 151 Ganassi : 114
Finck : 160 Coclico : 123
Maffei : 169 Ortiz : 140
Zacconi : 213 Vicentino : 150-151
Diruta : 232 Finck : 155
Virgiliano : 250 Zacconi : 188, 191-192, 206
Diruta : 233, 236
Mauvaises diminutions (voir glossaire) Zenobi : 255-256, 258, 260
Ortiz : 127 Banchieri : 262
Finck : 154-155 Fr. Rognoni : 278-279
Maffei : 166,168
Dalla Casa : 175 Solo (voir glossaire)
Zacconi : 190-193, 201 Ortiz : 138-147
Bovicelli : 239, 242-245, 247-248 Dalla Casa : 176
Zenobi : 254-257, 259 Bassano : 184
Banchieri : 262 R. Rognoni : 216
Fr. Rognoni : 274-276, 278-279 Conforti : 222
Zenobi : 256, 259-260
Mesure (nécessité de la respecter en diminuant) Banchieri : 262
Ganassi : 115 Giustiniani : 283-284, 287
Ortiz : 127
Dalla Casa : 175 Soprano
Zacconi : 190-192, 194, 200, 218 Ortiz : 140-145
R. Rognoni : 218 Finck : 154
Conforti : 223 Maffei : 168-169
Bovicelli : 247 Dalla Casa : 176
Zenobi : 254 Bassano : 184
Fr. Rognoni : 279 R. Rognoni : 217-218
Diruta : 234-235
Mouvements disgracieux (voir glossaire) Bovicelli : 242
Maffei : 166 Zenobi : 255-258
Zacconi : 191 Banchieri : 263-265
Zenobi : 257 Giustinani : 284-286
Giustiniani : 285
Ténor
Quantité de diminutions (voir glossaire) Coclico : 124
Finck : 154 Ortiz : 131, 145
Maffei : 167-168 Bassano : 184
Dalla Casa : 173 R. Rognoni : 217
Zacconi : 187-189, 191, 193, 200 Zenobi : 255-256
R. Rognoni : 217 Banchieri : 266, 268-269, 272
Bovicelli : 245, 248 Giustiniani : 286
Zenobi : 256, 258, 260
Fr. Rognoni : 277-278 Tirata (voir glossaire)
Giustiniani : 284 Diruta : 231-232
Bovicelli : 245

Semplice ou passeggiato 307


Tremolo (voir glossaire)
Ganassi : 117-118
Ortiz : 126
Dalla Casa : 172, 174
Zacconi : 195
Diruta : 229-232, 235-236
Bovicelli : 240, 243-245
Zenobi : 255-260
Fr. Rognoni : 273-276, 279-280

Trillo (voir glossaire)


Conforti : 220-221
Zenobi : 255-258, 260
Fr. Rognoni : 273-276
Giustiniani : 285-287

Types de diminutions
Ganassi : 114-116
Ortiz : 126-127, 138, 140, 145
Dalla Casa : 172-175
Diruta : 233-236

Voix humaine (et chant)


Ganassi : 113-114, 117, 119
Coclico : 122-124
Ortiz : 128
Vicentino : 150-151
Finck : 153-155, (156-159), (161-164)
Maffei : 165-169
Dalla Casa : 172, 174, 176, (177-179)
Bassano : 181-184
Zacconi : 185-196, (197-200),
201, (202-211), 212-214
R. Rognoni : 216-217
Conforti : 219-223
Diruta : 226, 233
Bovicelli : 238-239, (240),
241-242, (243), 244-248
Virgiliano :  250
Zenobi : 253-257
Banchieri : 261-263, (264-271), 272
Fr. Rognoni : 273-277
V. Giustiniani : 283-286

Voyelles
Maffei : 168
Zacconi : 195
Conforti : 221
Bovicelli : 239
Fr. Rognoni : 274-275

308
Bibliographie

Bibliographie

Semplice ou passeggiato 311


Bibliographie

Sources musicales

Canzon di diversi per sonare con ogni sorte di stromenti a quatro, cinque e sei voci. Libro primo, Venise,
Giacomo Vincenti, 1588.
Édition moderne : Helmut Mönkmeyer, éd., Celle, Moeck, 1985.
The Fitzwilliam Virginal Book, John Alexander Fuller Maitland, William Barclay Squire et
Blanche Winogron, éd., New York, Dover, 1979-1980.
Flores Praestantissimorum Vivorum, Milan, Filippo Lomazzo, 1626.
Ghirlanda sacra scielta da diversi eccellentissimi compositori de vari mottetti a voce sola. Libro primo,
opera seconda, Venise, Stampa del Gardano, 1625.
Dei madrigali di Verdelotto et de altri eccellentissimi autori a cinque voci. Libro secondo, Venise,
Ottaviano Scotto, 1538.
Musica de diversi autori. La battaglia francese et canzon delli uccelli insieme alcune canzoni francese,
partite in caselle per sonar d’instromento perfetto, novamente ristampate, Venise, Angelo Gardano,
1577.
Musici excellentissimi cum quinque vocibus. Liber Primus. Venise, Antonio Gardano, 1552.
Parnassus Musicus, Venise, Giacomo Vincenti, 1615.
Jacques Arcadelt, Primo cinquanta et sei madrigalia a quatro voci. Libro primo. Venise,
Antonio Gardano, 1539.
Édition moderne : Opera omnia. Vol. 2 Madrigali. Libro primo, Albert Seay, éd., Rome,
American Institute of Musicology, 1970 (Corpus mensurabilis musicae, vol. 31, no 2).
Pierre Attaignant, Transcription of Chansons for Keyboard, Albert Seay, éd., Rome,
American Institute of Musicology, 1961 (Corpus Mensurabilis Musicae, vol. 20).
Adriano Banchieri, Concerti ecclesiastici a otto voci, Venise, Giacomo Vincenti, 1595.
Adriano Banchieri, Canzonette a tre voci, sotto diversi capricci. Ora prima di ricreatione, Venise,
Riccardo Amadino, 1597.
Adriano Banchieri, Il Studio dilettevole. Libro terzo delle canzonette a tre voci, novamente con vaghi
argomenti et spassevoli intermedii fiorito dall’Amfiparnaso comedia musicale dell’Orazio Vecchi,
Milan, Giovanni Francesco Besozzi et compagno, 1600.
Adriano Banchieri, La Pazzia senile. Ragionamenti vaghi et dilettevoli, Venise, Riccardo Amadino,
1598.
Adriano Banchieri, Il Zabaione musicale inventione boscareccia, et primo libro di madrigali a cinque
voci, Milan, apud haeredis Simonis Tini et Philippum Lomatium, 1604.
Adriano Banchieri, La Barca di Venezia per Padova dentrovi la Nuova Mescolanza. Libro secondo de
madrigali a cinque voci, Venise, Riccardo Amadino, 1605.
Adriano Banchieri, Festino della sera del giovedì grasso avanti cena, genio al terzo libro madrigalesco
con cinque voci et opera a diverse deciottesima, Venise, Riccardo Amadino, 1608.
Adriano Banchieri, Canzoni alla francese a quattro voci per sonare dentrovi un echo, et in fine una
battaglia a otto, e dui concerti fatti sopra « Lieto godea ». Libro secondo, Venise, Riccardo Amadino,
1596.
Bartolomeo Barbarino, Secondo libro delli motetti, Venise, Bartolomeo Magni, 1614.

Semplice ou passeggiato 313


Giovanni Bassano, Fantasie a tre voci, per cantar e sonar con ogni sorte d’istrumenti, Venise,
Giacomo Vincenti et Ricciardo Amadino, 1585.
Édition moderne : Fantasie a tre voci, per cantar et sonar con ogni sorte d’istrumenti, Venice 1585,
Giovanni Bassano. Ricercars from Madrigali et ricercari a quattro voci, Venice 1589, Andrea Gabrieli
and Tercetti from Il secondo libro delle canzonette a tre voci con l’aggionta di dodeci tercetti a note,
Venice, 1592, Valerio Bona, Robert Judd, éd., New York et Londres, Garland, 1995 (Italian
instrumental music of the sixteenth and early seventeenth centuries, vol. 8).
Giovanni Bassano, Canzonette a quattro voci, Venise, presso Giacomo Vincenti, 1587.
Giovanni Bassano, Concerti ecclesiastici, libro secondo (5-8, 12 voix, Venise, 1599), Il fiore dei capricci per
sonar, 4 voix, Venise, 1588.
Giovanni Bassano, Motetti, madrigali et canzoni francese, Venise, Giacomo Vincenti, 1591.
Volume perdu, copie manuscrite de Karl Franz Friedrich Chrysander, D-Hs [mb/2488].
Giovanni Bassano, Motetti per concerti ecclesiastici a cinque, sei, sette, otto, et dodici voci, Venise,
Giacomo Vincenti, 1598.
Édition moderne : Opera Omnia, vol. 1. The Sacred Vocal Works I. Motetti per concerti ecclesiastici a 5. 6. 7.
8. e 12. voci (Venice, 1598), Richard Charteris, éd., Rome et Holzgerlingen, American Institute
of Musicology, Hänssler Verlag, 1999 (Corpus mensurabilis musicae, vol. 101).
Giovanni Bassano, Concerti ecclesiastici a cinque, sei, sette, otto, et dodici voci. Libro secondo, Venise,
Giacomo Vincenti, 1599.
Édition moderne : Opera Omnia. Vol. 2. The Sacred Vocal Works II. Concerti ecclesiastici a cinque, sei,
sette, otto, e dodeci voci (Venise, 1599), Richard Charteris, éd., Middleton et Holzgerlingen,
American Institute of Musicology, A-R Editions, 2003 (Corpus mensurabilis musicae, vol. 101,
no 2).
Giovanni Bassano, Madrigali et canzonette concertate per potersi cantare con il basso et soprano nel liuto
et istrumento da penna, con passaggi a ciascuna parte, libro primo, Venise, Giacomo Vincenti, 1602.
Aurelio Bonelli, Il Primo delle villanelle a tre voci, Venise, Angelo Gardano, 1596.
Aurelio Bonelli, Primo libro de ricercari et canzoni a quatto voci, con due toccate et doi dialoghi a otto,
Venise, Angelo Gardano, 1602.
Édition moderne : Candida Felici, éd., Padoue, Armelin, 2003.
Aurelio Bonelli, Messe e mottetti a quattro voci da capella e da concerto, Venise, Alessandro Vincenti,
1620.
Antonio Brunelli, Parte prima delli fioretti spirituali, op. 15. Venise, Bartolomeo Magni, 1621
(1e éd. perdue : rééd. 1626).
William Byrd, My Ladye Nevells Booke, Hilda Andrews, Sir Richard R. Terry et Blanche
Winogron, éd., New York, Dover, 1969. 
Antonio Cabezón, Obras de musica para tecla, arpa y vihuela, Madrid, Francisco Sánchez, 1578.
Édition moderne : The Collected Works of Antonio de Cabezón, Charles Jacobs, éd., New York, Institute
of Medieval Music, 1967-1986.
Dario Castello, Sonate concertate in stil moderno, libro primo, Venise, Stampa di Gardano, apresso
Bartolomeo Magni, 1621.
Édition moderne : Selected Ensemble Sonatas 1. Sonatas from Sonate concertante, Book I (1621),
Eleanor Selfridge-Field, éd., Madison, A-R Editions, 1977 (Recent researches in the music of
the Baroque era, vol. 23).
Dario Castello, Sonate concertate in stil moderno, libro secondo, Venise, Stampa del Gardano apresso
Bartolomeo Magni, 1629.
Édition moderne : Selected Ensemble Sonatas 2. Sonatas from Sonate concertante, Book II (1629),
Eleanor Selfridge-Field, éd., Madison, A-R Editions, 1977 (Recent researches in the music of
the Baroque era, vol. 24).

314
Bibliographie

Antonio Cifra, Li diversi scherzi a una, a due et tre voci, libro primo, op. 12, Rome, Giovanni Battista
Robletti, 1613.
Antonio Cifra, Li diversi scherzi, a una, due et tre voci, libro secondo, op. 14, Rome, Giovanni Battista
Robletti, 1613. 
Antonio Cifra, Li diversi scherzi, a due, a tre et quattro voci, libro quinto, op. 23, Rome, Giovanni
Battista Robletti, 1617.
Giovanni Paolo Cima, Concerti ecclesiastici, a una, due, tre, quattro voci con doi a cinque, et uno a otto,
Milan, erede di Simone Tini e Filippo Lomazzo, 1610.
Fac simile : Florence, SPES, 1986 (Archivum musicum. collana di testi rari. La cantata barocca, vol. 24).
Giovanni Luca Conforti, Salmi passeggiati, Rome, eredi di Nicolò Muti, 1601-1603, 3 vol.
Édition moderne : Murray C. Bradshaw, éd., Rome, American Institute of Musicology /
Neuhausen, Hänssler, 1985.
Giovanni Luca Conforti, Passaggi sopra tutti li salmi, Venise, Angelo Gardano et fratelli, 1607.
Francisco Correa de Arauxo, Libro de tientos y discursos de música practica y theorica de organo,
Alcalá, Antonio Arnao, 1626.
Fac simile : Genève, Minkoff, 1981.
Édition moderne : Guy Bovet, éd., Bologne, Ut Orpheus, 2007.
Girolamo Dalla Casa, Il Primo libro de madrigali a cinque et a sei voci, insieme un dialogo a otto,
Venise, appresso li figliuoli di Antonio Gardano, 1574.
Girolamo Dalla Casa, Il Secondo libro de madrigali a cinque voci con i passaggi, Venise, Ricciardo
Amadino, 1590.
Girolamo Dalla Casa, Il Primo libro de mottetti a sei voci, Venise, Riccardo Amadino, 1597.
Cipriano De Rore, I Madrigali a cinque voci, Venise, Girolamo Scotto, 1542, réédité et augmenté : Il
primo libro de madrigali cromatici a cinque voci con un agionta del medesmo autore, Venise, Antonio
Gardano, 1544.
Version instrumentale : Tutti i madrigali di Cipriano di Rore a quattro voci spartiti et accommodati per
sonar d’ogni sorte d’istrumento perfetto, e per qualunque studioso di contrapunti, Venise, Gardano,
1577.
Édition moderne : Opera omnia 2. Madrigalia 5 vocum, Bernhard Meier, éd., Rome, American
Institute of Musicology, 1963 (Corpus mensurabilis musicae, vol. 14, no 2).
Girolamo Diruta, Sacri motetti a gloria di Giesu et ad honori di Maria a una, et due voci, Venise,
Alessandro Vincenti, 1630.
Francesco Dognazzi, Il primo libro de varii concenti a una et a due voci, per cantar nel chitarrone o altri
simili istrumenti, Venise, Stampa del Gardano aere Bartholomaei Magni, 1614.
Heinrich Finck et Hermann Finck, « Ausgewählte Kompositionen », Robert Eitner, éd.,
Publikation älterer praktischer und theoretischer Musikwerke, vol. 8, no 7, 1879, reprint : New York,
Broude Brothers, 1966.
Giovanni Battista Fontana, Sonate a 1, 2, 3 per il violino o cornetto, fagotto, chitarrone, violoncino o
simile altri strumenti, Venise, Bartolomeo Magni, 1641.
Fac simile : Florence, SPES, 1981 (Archivum musicum. Collana di testi rari. Strumentalismo italiano,
vol. 5).
Orlando Gibbons, Keyboard music, Gerald Hendrie, éd., Londres, Stainer and Bell, 1974 (Musica
Britannica, vol. 20).
Annibale Gregori, Ariosi concenti cioè Ciaccona, Ruggieri, Romanesca, più arie a una et a 2 voci da
cantarsi nel gravicembalo o tiorba, op. 9, Venise, Bartolomeo Magni, 1635.
Johann Andreas Herbst, Musica practica sive instructio pro symphoniacis, Nuremberg,
Jeremias Dümler, 1642.

Semplice ou passeggiato 315


Johann Andreas Herbst, Musica moderna prattica ovvero maniera del buon canto, Frankfurt,
Anton Humm, Georg Müller, 1653 [2e éd.].
Biagio Marini, Sonate, symphonie, canzoni, passemezzi, baletti, corenti, gagliarde e retornelli per ogni
sorte d’instrumenti, op. 8, Venise, Bartolomeo Magni, 1626.
Fac simile : Florence, SPES, 1984 (Archivum musicum. Collana di testi rari, vol. 89).
Claudio Monteverdi, Scherzi musicali a tre voci, Venise, Riccardo Amadino, 1607.
Édition moderne : Canzonette e scherzi musicali, Gian Francesco Malipiero, éd., Vienne,
Universal Edition, [1929] (Tutte le opere di Monteverdi, vol. 10).
Claudio Monteverdi, L’Orfeo. Favola in musica, Venise, Riccardo Amadino, 1609.
Édition moderne : L’Orfeo. Favola in musica, Gian Francesco Malipiero, éd., Vienne,
Universal Edition, [1926] (Tutte le opere di Monteverdi, vol. 11).
Claudio Monteverdi, Vespro della Beata Vergine, Venise, Riccardo, 1610.
Édition moderne : Sacrae cantiunculae, Gian Francesco Malipiero, éd., Vienne, Universal Edition,
[1920] (Tutte le opere di Monteverdi, vol. 14, no 1).
Claudio Monteverdi, Madrigali guerrieri et amorosi. Libro ottavo, Venise, Giacomo Vincenti, 1638.
Édition moderne : Gian Francesco Malipiero, Vienne, Universal Edition, 1967 (Tutte le opere di
Monteverdi, vol. 8).
Claudio Monteverdi, Selva morale e spirituale, Venise, Bartolomeo Magni, 1640.
Édition moderne : Gian Francesco Malipiero, Vienne, Universal Edition, 1967 (Tutte le opere di
Monteverdi, vol. 15).
Giovanni Pierluigi da Palestrina, Motettorum quinque vocibus liber quartus ex Canticis Canticorum,
Rome, Alessandro Gardano, 1583-1584.
Giovanni Antonio Pandolfi Mealli, Sonate a violino solo per chiesa e camera. Opera terza,
Innsbruck, Michele Wagner, 1660.
Édition moderne : 6 sonate per violino e basso continuo, op. 3, Alessandro Bares, éd., Albese con
Cassano, Musedita, 2001.
Jakob Paix, Ein schön Nutz unnd Gebreüchlich Orgel Tablaturbuch, Laugingen, Georg Willers,
Leonhart Reinmichel, 1583.
Fac simile : Stuttgart, Cornetto Verlag, 2001 (Faksimile-Edition Rara, vol. 26).
Giovanni Battista Riccio, Il Primo libro delle divine lodi, Venise, Riccardo Amadino, 1612.
Giovanni Battista Riccio, Il Terzo libro delle divine lodi, Venise, Bartolomeo Magni, 1620.
Fac simile : Florence, SPES, 1979 (Archivum musicum. Collana di testi rari. Strumentalismo italiano,
vol. 23).
Francesco Rognoni, Canzoni francese per sonar con ogni sorte de instromenti a quattro, cinque, et otto,
Milan, Heredi di Agostino Tradate, 1608.
Francesco Rognoni, Il Primo libro de madrigali a cinque voci con il basso per sonar con il clavicembalo, o
ghitarrone [sic], Venise, Giacomo Vincenti, 1613.
Francesco Rognoni, Missarum, et motectorum quatuor, et quinque vocum cum partitura ad organum.
Liber primus, opus 9, Venise, apud Alexandrum Vincentium, 1624.
Heinrich Scheidemann, Die Lüneburger Orgeltabulatur KN 2081, Margarete Reimann, éd.,
Francfort, Litolff, 1957 (Das Erbe deutscher Musik. Erste Reihe, vol. 34).
Éditions modernes : Orgelwerke, Fock, Gustav et Breig, Werner, éd., Kassel, Bärenreiter, 1967-1971 ;
12 Orgelintavolierungen, Cleveland Johnson, éd., Wilhelmshaven, Heinrichshofen, 1990-1993 ;
Sämtliche Motettenkolorierungen, Klaus Beckmann, éd., Wiesbaden, Breitkopf und Härtel,
1992 ; Sämtliche Werke für Clavier, Pieter Dirksen, éd., Wiesbaden, Breitkopf und Härtel,
1999.

316
Bibliographie

Samuel Scheidt, Tabulatura nova, Hambourg, Michael Hering, 1624.


Édition moderne : Max Seiffert, éd., Leipzig, Breitkopf & Härtel, 1892 (Denkmäler deutschen
Tonkunst. Erste Folge, vol. 1).
Bernhard Schmid, Tabulatur Buch, Strasbourg, Lazarus Zetzner, 1607.
Fac simile : Bologne, Forni, 1969.
Édition moderne : Maarssen, Interlude Music Production, 2008-2009, 5 vol.
Bartolomé de Selma y Salaverde, Canzoni fantasie et correnti da suonar, Venise, Bartolomeo
Magni, 1638 [2e éd.].
Fac simile : Florence, SPES, 1980.
Édition moderne : Robert Ischer, éd., Albese con Cassano, Musedita, 2004.
Francesco Severi, Salmi passeggiati per tutte le voci, Rome, Nicolò Borboni, 1615.
Édition moderne : Murray C. Bradshaw, éd., Madison, A-R, 1981.
Jan Pieterszoon Sweelinck, Lied- und Tanzvariationen, Harald Vogel et Pieter Dirksen, éd.,
Leipzig, Breitkopf, 2004 (Sämtliche Werke für Tasteninstrument, vol. 4).
Giovanni Antonio Terzi, Intavolatura per liuto accomodata con diversi passaggi per suonar in concerti
a duoi liutti et solo : libro primo il quale contiene motetti,contraponti,canzoni italiane et francesi,
madrigali,fantasie e balli di diversi sorti,italiani,francesi et alemani, Venise, Ricciardo Amadino,
1593.
Fac simile : Firenze, SPES, 1981.
Giovanni Antonio Terzi, Il secondo libro da intavolatura di liuto di Gio. Antonio Terzi da Bergamo,
nella quale si contengono fantasie, motetti, canzoni, madrigali, pass’e mezi et balli di varie et diverse
sorti, Venise, Giacomo Vincenti, 1599.
Fac simile des deux volumes : Firenze, SPES, 1981.
Thomas Tomkins, Pièces pour virginal, 1646-1654. Facsimilé du manuscrit F-Pn Rés. 1122, Genève,
Minkoff, 1982.
Édition moderne : Keyboard Music, Stephen Tuttle, éd., Londres, Stainer and Bell, 1973 (Musica
Britannica, vol. 5).
Ascanio Trombetti, Il Primo libro de motetti accomodati per cantare e far concerti a 5-8, 10, 12, Venise,
Antonio Gardano, 1589.
Antonio Valente, Intavolatura de cimbalo. Libro primo, Naples, Giuseppe Cacchio, 1576.
Édition moderne : Charles Jacobs, éd., Oxford, Clarendon, 1973.
Lodovico Viadana, Cento concerti ecclesiastici, op. 12, Venise, Giacomo Vincenti, 1602.
Édition moderne partielle : Claudio Gallico, éd., Mantoue et Kassel, Istituto Carlo d’Arco et
Bärenreiter, 1964.
Nicola Vicentino, Del unico Adrian Willaert discipulo Don Nicola Vicentino, madrigali a cinque voci
per theorica et pratica de lui composti al nuovo modo dal celeberrimo suo maestro ritrovato. Libro
primo, Venise, [s. n.], 1546.
Nicola Vicentino, Madrigali a cinque voci di L’Arcimusico don Nicola Vicentino pratico et theorico
et inventore delle nuove armonie. Nuovamente posti in luce da Ottavio Resino suo discepolo. Libro
quinto. Milan, Gottardo Pontio, 1572.
Adrian Willaert, Musica nova. Venise, Antonio Gardano, 1539.
Éditions modernes : Opera omnia V. Musica nova. Motetta, Hermann Zenck et Walter
Gerstenberg, éd., Rome, American Institute of Musicology, 1959 (Corpus mensurabilis
musicae, vol. 3, no 5) ; Opera omnia VI. Musica nova. Madrigalia, Hermann Zenck et Walter
Gerstenberg, éd., Rome, American Institute of musicology, 1966 (Corpus mensurabilis musicae,
vol. 3, no 13).

Semplice ou passeggiato 317


Johann Woltz, Nova musices organicae tabulatura, Bâle, Johann Jacob Genath, 1617.
Fac simile : Bologne, Forni, 1970.
Éditions modernes : Orgeltabulatur von Johann Woltz, Heft 1. Intavolierung italienischer Canzonen,
Mandre Hug, éd., Stuttgart, Cornetto, 1995 (Heilbronner Musikschatz, vol. 15) ; Orgel-Tabulatur
von Johann Woltz, Heft 2. Intavolierung geitlischer Werke von Hans Leo Hassler, Manfred Hug,
éd., Stuttgart, Cornetto, 1994 (Heilbronner Musikschatz, vol. 3) ; Orgel-Tabulatur von Johann
Woltz, Heft 3. Sämtliche Werke von Adam Steigleder, Manfred Hug, éd., Stuttgart, Cornetto,
1994 (Heilbronner Musikschatz, vol. 5) ; Orgel-Tabulatur von Johann Woltz, Heft 4. Sämtliche
Werke für Tasteninstrumente von Simon Lohe, Manfred Hug, éd., Stuttgart, Cornetto, 1994
(Heilbronner Musikschatz, vol. 6) ; Orgel-Tabulatur von Johann Woltz, Heft 5. Intavolierungen
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326
Index
des noms

327
Index des noms

L’index suivant porte sur les textes des chapitres à l’exclusion des notes de bas de page et des légendes des illustrations.

A Brancaccio, Giulio Cesare : 109, 284


Bridgman, Nanie : 18
Afán de Rivera, Pedro, Brossard, Sébastien de : 301
duc d’Alcalá : 125 Brunelli, Antonio : 54, 76
Agricola, Alexander : 93 Buoncompagni, Giacomo : 237
Albert V de Bavière : 108, 171 Burney, Charles : 82
Alembert, Jean Le Rond d’ : 93 Buxtehude, Dietrich : 95
Allegri, Gregorio : 95, 107 Buzzino, Giovanni Iacopo : 49
Alphonse II d’Este : 253 Byrd, William : 92
Alphonse II de Ferrare : 108, 109, 253
Altavilla, Comte d’ : 165
Alvarez de Toledo, Fernando, C
duc d’Albe : 125
Amadino, Riccardo : 181-182 Cabezón, Antonio de : 93
Amato, Raymundo : 165 Caccini, Giulio : 16, 61, 65-66, 91, 94,
Amayden, Theodor : 283 108-109, 237, 283, 285-286,
Andrea, Giovanni : 284 294, 297, 303
Anerio, Felice : 286 Campagnolo, Francesco : 18
Animuccia, Paolo : 253 Carampello, Bartolomeo : 186
Antegnati, Costanza : 249 Caravaggio, Michelangelo Merisi
Arcadelt, Jacques : 93, 283 da (dit « Le Caravage ») : 283
Archilei, Antonio : 285 Castello, Dario : 98
Archilei, Vittoria : 285 Castiglione, Baldassare : 12, 13, 109, 291, 292, 296,
Aristote : 100 297, 298, 299, 300, 301
Attaignant, Pierre : 83 Cavalieri, Emilio de’ : 108
Averoldi, Aurelio : 249 Cenci, Giuseppe : 285
Cerone, Pietro : 91
Champion, Jacques : 122
B Charles d’Autriche : 185, 273
Christian III de Danemark : 121
Bach, Jean-Sébastien : 95 Chrysander, Friedrich : 66
Bacilly, Bénigne de : 92 Cifra, Antonio : 55
Banchieri, Adriano : 225, 249, 261-263, Cima, Giovanni Paolo : 55, 98
294, 300 Cimello, Giovanni Tomasso : 169
Barbarino, Bartolomeo : 45, 47, 54, 63, 71, 296, 300 Clemens non Papa, Jacobus : 84
Barré, Antonio : 149-150 Conforti, Giovanni Luca : 107, 110, 219-220, 284, 286,
Bassani, Orazio : 287 296, 303
Bassano, Giovanni : 28, 32, 36, 40, 42, 45, 47-48, Corelli, Arcangelo : 95
51-52, 54, 66-67, 71, 77, Correa de Arauxo, Francisco : 35, 73-74, 76, 89, 92
84-85, 87, 88-89, 92, 109, Collins, Thimothy A. : 17-18
181-182, 183, 226, 282, 296 Courtois, Jean : 84
Bathory, Sigismond, Crecquillon, Thomas : 84-87
prince de Transylvanie : 225-226 Crivelli, Ginepra Ottavia : 70, 78
Bell’haver, Vincenzo : 232
Bembo, Pietro : 109
Berg, Joannes : 121 D
Bevilacqua, Mario : 171-172, 174
Billeter, Jean-François : 28 Dalla Casa, Giovanni : 171
Bixler, Martha : 291 Dalla Casa, Girolamo : 16-17, 31, 42, 48, 52, 54, 62,
Boèce : 149 66-67, 75, 77, 84-85, 87, 89,
Bonelli, Aurelio : 249 109, 171-172, 174, 181, 226,
Borromée, Charles : 237 249, 282, 298, 299, 302
Bossinensis, Francisco : 301 Dalla Casa, Nicolò : 171
Bottrigari, Ercole : 48, 61, 70, 99, 101, 293, 300 Dankaerts, Ghiselin : 149
Bovicelli, Giovanni Battista : 12, 31, 33, 40, 42, 48, 51, 53, Decio, Giovanni Battista : 107-108
65-66, 71, 75-78, 84-85, Dentice, Scipione : 285-286
88-89, 110-111, 237, 239, 294, Des Prez, Josquin : 93, 121-123, 153
298, 302 Dickey, Bruce : 291-292

Semplice ou passeggiato 329


Diderot, Denis : 93 Guarini, Giovanni : 108
Diruta, Girolamo : 16, 89, 225-226, 232, 233, Guarini, Tullio : 108
261, 302 Guarini, Vincenzo : 108
Dixon, Graham : 21 Guerrero, Francisco : 293
Dognazzi, Francesco : 55 Guillaume V de Bavière : 185-186
Donat, Ignace : 91
Dongois, William : 11
Donington, Robert : 295 H
Dorico, Luís : 125, 138
Dorico, Valerío : 125, 138 Harris, Lucas : 291
Durante, Ottavio : 286 Hercule II de Ferrare : 149
Horsley, Imogene : 18
Hippolyte II d’Este, cardinal : 107, 149
E

Emery, Liselotte : 11, 15 I


Escobedo, Bartolomeo : 149
Innocent XI,
pape (Odescalchi, Benedetto) : 219
F Intrico, Guglielmo : 185

Femia : 284
Ferdinand Ier de Habsbourg : 153 J
Ferdinand de Bavière : 171
Ferrabosco, Alfonso : 287 Janequin, Clément : 84
Ferrabosco, Domenico Maria : 107 Jules III, pape (Ciocchi del Monte,
Filodo, Giovanni Antonio : 169 Giovanni Maria de’) : 125
Finck, Hermann : 110, 153, 293
Fontana, Giovanni Battista : 55, 98, 287
Fontanelli, Alfonso : 285 K
Fornarino, Stefano : 82
Francesco, Savino de : 108 Kapsberger, Giovanni Gironimo : 287
Frescobaldi, Girolamo : 89, 287

L
G
Label, Fermino : 82
Gabrieli, Andrea : 84, 171, 185, 225, 232 Lanno, Stefano : 169
Gabrieli, Giovanni : 30, 67, 86, 225, 232, 236 Lassus, Roland de : 70, 84, 92, 109, 171, 185, 283
Ganassi, Silvestro : 12, 16, 30-31, 42, 51, 64, 91, Lomazzo, Filippo : 273-274, 278
93-94, 109, 110, 113, 297, Lomazzo, Francesco : 281
298 – 299, 302 Lorenzo, Mattia : 286
Gardano, Angelo : 171-172, 174 Lusitano, Vicente : 107, 149
Gardano, Antonio : 125 Luzzaschi, Luzzasco : 225, 232, 253, 284
Gastoldi, Giovanni Giacomo : 215
Gesualdo, Carlo,
prince de Venosa : 285-286 M
Ghiselin, Johannes : 93
Gibbons, Orlando : 92 Maffei, Giovanni Camillo : 17, 18, 28, 40, 48, 101, 109,
Giovannelli, Ruggiero : 84, 219, 237, 284, 286 165, 294
Giustiniani, Vincenzo : 17, 54, 76, 91, 109, 283, Manlius, Johannes : 93
292, 294 Marenzio, Luca : 84, 284, 287
Gombert, Nicolas : 87, 93 Marini, Biagio : 55
Gonzaga, Scipione : 219 Masserano, prince de : 273
Gonzague, Guillaume de, Maximilien II, empereur : 253
duc de Mantoue : 108, 219, 237 Mayer Brown, Howard : 291
Gottardo Pontio, Paolo : 149 Mecklenbourg,
Gregori, Annibale : 55 Johann Albrecht I de : 121
Gualfreducci, Onofrio : 107, 286 Médicis, Ferdinand de : 285-286
Gualtero, Ludovico : 286 Mélanchton, Philippe : 153
Guami, Gioseffo : 86, 232, 261 Merlo, Alessandro : 107, 284

330
Index des noms

Mersenne, Marin : 12, 51, 64-65, 91, 303 Q


Merulo, Claudio : 84, 86, 225-227, 231-232,
233, 237 Quagliati, Paolo : 232
Michi, Orazio : 286-287 Quantz, Johann Joachim : 295
Millet, Jean : 92
Montalto, cardinal : 286
Monte, Philippe de : 283 R
Monteverdi, Claudio : 54-55, 63, 71, 94, 261,
286, 300 Ramer, Giovanni Battista : 107
Monteverdi, Giulio Cesare : 18 Rasi, Francesco : 18, 285
Morley, Thomas : 181 Recupita, Ippolita : 286
Mortaro, Antonio : 70, 236 Regnault, Pierre : 145
Renaldi, Giulio : 84
Rhau, Georg : 153
N Riccio, Giovanni Battista : 98
Rodio, Rocco : 169
Nanino, Giovanni Maria : 84, 284, 286 Rodolphe II de Habsbourg : 253
Nenna, Pomponio : 285 Rogier, Philippe : 84
Neri, Philippe : 253 Rognoni, Francesco : 12, 16, 28, 31, 41-42, 45,
Neuber, Ulrich : 121 47-48, 51, 53-54, 62, 66, 69,
Nola, Giovanni Domenico da : 169 71, 75-78, 84-85, 88-89, 94,
98, 110, 215, 273-274,
277-278, 283, 300, 302, 303
O Rognoni, Giovanni Domenico : 54, 215
Rognoni, Riccardo : 16, 32, 42, 48, 62, 66, 68,
O’Reagan, Noel : 19-20 75-77, 84-85, 88-89,
Ortiz, Diego : 12, 30, 41, 45, 51, 84, 109, 215-217, 273, 282
125-126, 138, 296-297, 301, Romanini, Antonio : 232
302 Rore, Cipriano de : 17, 48, 84-85, 172, 176,
237, 253, 283
Rosini, Giovanni Gironimo : 286
P Rosselli, Stefano : 107
Rue, Pierre de la : 122
Pagani, Bernardino : 107
Paix, Jakob : 85, 88-89, 92
Palentrotti, Melchior : 286 S
Palestrina, Giovanni
Pierluigi da : 11, 13, 15, 18, 26, 28, 41, 45, Selma y Salaverde,
47-48, 53-54, 63, 67, 70, Bartolomé de : 53
76-78, 83-85, 88-89, 92, 94, Senfl, Ludwig : 93
95, 101, 107-108, 110-111, Scarabelli, Damiano : 237
125, 185-186, 237, 284, 294, Scheidemann, Heinrich : 92, 95
295, 298, 301, 303 Scheidt, Samuel : 85, 92
Paoli da Limosano, Valerio de : 165 Schütz, Heinrich : 63
Papa, Simone : 286 Sessa, duc de : 219
Parrott, Andrew : 12, 83, 95 Severi, Francesco : 107, 296
Peri, Jacopo : 108 Severini, Giovanni Antonio : 107
Pérotin : 92 Sherr, Richard : 19-20
Petit Coclico, Adrian : 110, 121 Sigismond III de Pologne : 273-274
Piccinini, Alessandro : 286 Silva, Andrea de : 301
Piccinini, Filippo : 287 Sirleto, cardinal : 237
Piccinini, Geronimo : 287 Soriano, Francesco : 284
Pitio : 284 Soto de Langa, Francisco : 107
Pointet, Christian : 12, 13, 103 Spadi, Giovanni Battista : 84-85
Polo, Girolamo : 185 Stainhaufer, Paolo : 70
Poussin, Nicolas : 283 Stella, Scipione : 285
Porta, Costanzo : 225 Striggio, Alessandro : 84-85, 283
Praetorius, Michael : 292, 294, 295, 301, 302, 303 Sweelinck, Jan Pieterszoon : 92
Pugliaschi, Giovanni Domenico : 285

Semplice ou passeggiato 331


T

Tallis, Thomas : 92
Tartini, Giuseppe : 95
Terranova, duc de : 215-217
Terzi, Giovanni Antonio : 89
Tini, Francesco : 237
Tini, Simon : 237
Trajetti, Lorenzo : 286

Valeria, Ottavio : 70
Valle, Pietro della : 219
Vecchi, Orazio : 261, 284
Venezia, Domenico da : 107
Verdelot, Philippe : 93, 301
Vestrii, Ottavio : 287
Viadana, Lodovico : 29, 293
Vicentino, Nicola : 149-150, 153, 296
Victoria, Tomás Luis de : 84, 237
Vincenti, Alessandro : 233
Vincenti, Giacomo : 181-182, 183, 215-217,
225-226, 237, 261-262
Virgiliano, Aurelio : 85, 249-250, 294

Weelkes, Thomas : 92
Wert, Giaches de : 284
Willaert, Adrien : 84-87, 121, 149, 253, 299, 301
Wistreich, Richard : 292
Woltz, Johann : 86

Zacconi, Lodovico : 12, 75, 91, 111, 185-186, 294,


297, 298, 299, 301, 302
Zarlino, Gioseffo : 185, 225, 253, 292, 300
Zenobi, Luigi : 17, 28, 51, 54, 65, 68, 75-76,
91, 96, 101, 109, 111, 253,
283, 287, 292, 294, 298, 299,
300, 303

332
Remerciements

Ce livre aurait dû commencer par le captatio benevolentiae d’un cornettiste, ni historien,


ni musicologue et encore moins écrivain s’excusant de présenter au public son modeste
travail. En lieu et place, je préfère remercier ceux qui m’ont aidé à le produire car il a vu
le jour grâce à un important travail collectif.

Un grand merci donc à Rémy Campos (et au département recherche de la HEM) qui a
saisi la balle au bond quand je lui ai parlé d’un projet touchant le délicat sujet de la place
de la diminution dans la musique polyphonique puis l’a accompagné jusqu’au bout.

Merci à Christian Pointet, co-auteur, collègue et ami, sans qui ce projet n’aurait jamais
pris une telle dimension.

Merci aussi à Aurore Fontannaz pour sa réalisation des exemples musicaux et de l’index
du livre ainsi qu’à Christine Jeanneret pour son patient travail de relecture critique ainsi
que pour les riches échanges que celui-ci a permis.

Merci aux amis musiciens presque innombrables qui ont fourni références et idées depuis
des années et dont la contradiction a été si bénéfique.
W. D.

L'équipe éditoriale adresse ses chaleureux remerciements à toutes celles et ceux qui, à la
Haute école de musique de Genève, ont contribué à la réalisation de ce projet et tout
particulièrement, Philippe Dinkel, Ana Gandara, Toni Dell’Acqua et Bryan Gonzales.

L'équipe éditoriale remercie également la HES-SO et tout particulièrement Stéphanie


Godet-Landry pour ses conseils et sa bienveillance.

333
Biographies

William Dongois
Après des études de trompette au CNR de Reims et au CNSM de Paris, William
Dongois s’est initié au cornet à bouquin auprès de Jean-Pierre Canihac puis a poursuivi
sa formation avec Bruce Dickey à la Schola Cantorum Basiliensis. Il a joué et enre-
gistré pour de nombreuses formations. Les disques du Concert Brisé (www.concert-brise.
eu), l’ensemble qu’il dirige, ont reçu depuis 1998 de nombreuses récompenses. William
Dongois enseigne le cornet à bouquin à la Haute école de musique de Genève. Réguliè-
rement invité à donner des cours de maître sur l’improvisation dans des établissements
d’enseignement supérieur (Brême, Vienne, Münster, Bruxelles, Barcelone, Lyon), il est
l’auteur d’une méthodologie de l’improvisation : Apprendre à improviser avec la musique
ancienne (éd. Color & Talea, distrib. Symétrie).

Liselotte Emery
Liselotte Emery a étudié la musique ancienne, la flûte à bec et le cornet à bouquin à
Strasbourg puis à la Haute école de musique de Genève. Musicienne indépendante,
c’est animée par le goût de la musique vivante qu’elle aborde le répertoire ancien et
les pratiques historiques. Parallèlement à son activité de cornettiste, elle a travaillé
régulièrement comme bibliothécaire dans plusieurs bibliothèques musicales en France
et en Suisse.

Christian Pointet
Christian Pointet est enseignant, musicien et chercheur. Après ses études à l’université
de Fribourg (musicologie, philologie classique et histoire), il se consacre principalement
à l’enseignement. Il est actuellement professeur de disciplines musicales au Lycée Denis-
de-Rougemont à Neuchâtel. À ce titre, il est l’auteur de plusieurs moyens d’enseigne-
ment, destinés aux professeurs, en particulier en histoire de la musique. Comme ins-
trumentiste, il dédie une partie de son temps à des engagements en tant que cornettiste.
En musicologie, depuis vingt-cinq ans, il étudie, entre autres, la littérature musicale et
musicographique de la Renaissance, qu’il réunit, traduit et transcrit. Il établit notam-
ment un corpus de données, à l’intention surtout des cornettistes.

335
Secrétariat d’édition : Jessica Mischler & Aurélien Poidevin
Réalisation de l’index et des gravures musicales : Aurore Fontannaz
Graphisme et mise en page : Olivier Umecker

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