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Caroline Sägesser
2016/2 N° 87 | pages 9 à 71
ISSN 2736-2280
ISBN 9782870751428
DOI 10.3917/dscrisp.087.0009
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-dossiers-du-crisp-2016-2-page-9.htm
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Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
I. Aux origines de la séparation des pouvoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
II. L’organisation des trois pouvoirs dans le régime constitutionnel belge . . . . . . . . . . . . . . 13
La Constitution du 7 février 1831 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Le pouvoir législatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Le pouvoir exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Le pouvoir judiciaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
Les réformes de l’État . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
III. Les acteurs des trois pouvoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
L’Autorité fédérale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Le pouvoir législatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
Le pouvoir exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Le pouvoir judiciaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Les entités fédérées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Le pouvoir législatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
Le pouvoir exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
Le pouvoir judiciaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
Les pouvoirs locaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
IV. Les rapports entre les pouvoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
Les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
L’élaboration des lois. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
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Dans un régime démocratique, on distingue abstraites et impersonnelles qui président aux rap-
classiquement trois pouvoirs : les pouvoirs légis- ports entre les personnes (physiques et morales),
latif, exécutif et judiciaire. Ce Dossier est consa- d’une part, entre les pouvoirs publics et les
cré à l’exercice de ces pouvoirs en Belgique et aux citoyens, d’autre part. Le pouvoir législatif établit
relations qu’ils entretiennent entre eux. C’est en des normes juridiques ;
effet à l’intersection de ces pouvoirs qu’ont pu être – le pouvoir exécutif, qui est celui auquel il
observés ces dernières années des événements inté- appartient de mettre en œuvre les moyens néces-
ressants, voire des évolutions notables, par exemple saires à l’application de ces normes. Il agit par
en ce qui concerne l’exercice des affaires courantes * la voie de réglementations qui précisent les
ou les contours de l’immunité parlementaire *. Ces conditions dans lesquelles ces normes sont mises
événements interrogent les règles et les équilibres en pratique. Il dispose des moyens, budgets et
fondamentaux sur lesquels repose notre système administrations nécessaires pour remplir cette
démocratique. mission ;
Mettant l’accent sur les rapports qu’entre- – le pouvoir judiciaire, qui est chargé de tran-
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*
Les termes suivis par un astérisque sont définis dans le glossaire placé en fin de volume.
La théorie de la séparation des pouvoirs repose sur l’idée qu’il La séparation des pouvoirs vise à
faut empêcher qu’un seul organe, ou un même groupe d’organes, éviter que l’ensemble des compé-
exerce l’ensemble des compétences de la puissance publique. Sous tences de la puissance publique
soient exercées par la même
l’Ancien Régime, la confusion des pouvoirs entre les mains du
institution.
monarque est la règle ; si d’autres institutions exercent un pouvoir,
c’est par délégation du souverain.
Dans l’Antiquité déjà, l’idée qu’il est préférable de ne pas
cumuler l’ensemble des pouvoirs de la fonction étatique dans les
mêmes mains est bien présente. Dans les Lois, Platon (environ 428 à
348 avant J.-C.) estime que « le législateur ne doit pas constituer
de pouvoirs qui ne s’équilibrent pas du fait de leur mélange » 2.
Aristote (384 à 322 avant J.-C.) donne une première définition de La théorie de la séparation des
trois pouvoirs, délibératif, exécutif et de justice : « Dans tout État, pouvoirs trouve ses racines dans
il est trois parties, dont le législateur, s’il est sage, s’occupera, par- l’Antiquité,
dessus tout, à bien régler les intérêts. Ces trois parties une fois bien
organisées, l’État tout entier est nécessairement bien organisé lui-
même ; et les États ne peuvent différer réellement que par l’orga-
nisation différente de ces trois éléments » 3. Aristote distingue
ainsi trois parties de l’État : l’assemblée générale délibérant sur les
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La Belgique naît d’une révolution, à l’été 1830. Cette révolution Sous le régime hollandais, l’auto-
unit dans un même élan des factions diverses opposées à la poli- ritarisme dont le roi fait preuve
tique autoritaire du souverain, Guillaume d’Orange. Si parmi eux est critiqué.
se trouvent de nombreux catholiques qui s’opposent à la politique
de centralisation, de laïcisation et de subordination de l’Église à
l’État de Guillaume, il s’y trouve également de nombreux libéraux
qui s’opposent à l’interventionnisme de l’État et à l’exercice d’un
pouvoir personnel étendu par le souverain. En effet, la Constitu-
tion de 1815 ne fait guère de distinction entre pouvoir législatif
et exécutif, mais bien entre pouvoir législatif et pouvoir du Roi.
À ce dernier appartient le droit de gouverner par arrêtés, dans des
matières importantes comme les affaires étrangères, l’armée, les
finances publiques ou les cultes, si bien que son gouvernement a
été qualifié de besluitenregering (« gouvernement par arrêtés ») 10.
Aussi le nouveau régime a-t-il à cœur d’instaurer la séparation Le régime installé en Belgique
des pouvoirs, d’équilibrer le contrôle de leur exercice et de limiter après la Révolution de 1830
le pouvoir du Roi. À ce sujet, on rapporte que le futur Léopold Ier, veille à établir la séparation des
pouvoirs.
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La Constitution du 7 février 1831 établit une monarchie parle- La Constitution belge de 1831
mentaire fondée sur la souveraineté nationale : « Tous les pouvoirs établit une monarchie parlemen-
émanent de la Nation. Ils sont exercés de la manière établie par la taire fondée sur la souveraineté
nationale.
Constitution », proclame alors l’article 25 de la Constitution.
Celle-ci met en œuvre le principe de séparation des pouvoirs, Les six réformes de l’État n’ont
pas remis en cause le principe de
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Le pouvoir législatif
« Le pouvoir législatif s’exerce collectivement par le Roi, la
Chambre des représentants et le Sénat » (article 26 de la Constitu-
tion du 7 février 1831).
Chacune de ces trois branches du pouvoir législatif dispose du La Constitution prévoit que le
droit d’initiative ; les deux assemblées, Chambre et Sénat, doivent Parlement vote les lois, mais
voter les lois, et le Roi – en pratique, les membres du gouverne- donne au gouvernement la pos-
sibilité d’introduire des projets
ment – peut présenter un projet indifféremment à l’une ou à l’autre
de loi.
de ces deux assemblées, à l’exception toutefois des projets de budget
Le pouvoir exécutif
« Au Roi appartient le pouvoir exécutif, tel qu’il est réglé par
la Constitution » (article 29 de la Constitution du 7 février 1831).
Le pouvoir exécutif est confié au Roi, et surtout à ses ministres : Le pouvoir exécutif appartient
la Constitution dit en effet qu’« aucun acte du Roi ne peut avoir au Roi et est exercé concrètement
d’effet s’il n’est contresigné par un ministre qui, par cela seul, s’en par le gouvernement.
rend responsable » (article 64). Le Congrès national prévoit égale-
ment l’irresponsabilité * du Roi : « La personne du Roi est invio-
lable ; ses ministres sont responsables » (article 63). L’essentiel du
pouvoir exécutif est donc confié aux ministres ; aucun arrêté royal ne
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Le Congrès national prévoit la responsabilité des ministres devant les chambres, mais confie
également au Roi le droit (moyennant contreseing * ministériel) de dissoudre les chambres : ce
double mécanisme assure l’équilibre du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif puisqu’il confère
à chacun des deux pouvoirs un moyen de contrôle sur l’autre. À noter que depuis la révision de
la Constitution de 1993, la dissolution * des chambres doit être motivée et ne peut s’opérer que
dans des circonstances bien définies (voir ci-dessous).
Le pouvoir judiciaire
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L’Autorité fédérale
Bien que les compétences de l’Autorité fédérale doivent être défi- L’Autorité fédérale exerce les
nies par la Constitution et la loi (article 35 de la Constitution), actuel- compétences qui demeurent
nationales.
lement elles consistent toujours en compétences résiduelles : sont de
la compétence de l’Autorité fédérale toutes les matières qui n’ont pas
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Le pouvoir législatif
Le pouvoir législatif est souvent considéré comme le premier
des pouvoirs, parce qu’il est à l’origine des lois, parce qu’il contrôle
davantage le pouvoir exécutif que l’inverse, et parce qu’il détient
le pouvoir de voter le budget, indispensable au fonctionnement de
l’État, donc de l’ensemble des pouvoirs.
L’article 36 de la Constitution indique les institutions qui exer-
cent le pouvoir législatif au niveau fédéral : « Le pouvoir législatif
fédéral s’exerce collectivement par le Roi, la Chambre des représen-
tants et le Sénat ». Il s’agit de l’article 26 de la Constitution de 1831,
auquel a été adjoint le mot « fédéral ».
La Chambre des représentants se compose de 150 membres, élus au Désormais, la grande majorité
suffrage universel tous les 5 ans, dans 11 circonscriptions corres- des lois sont adoptées par la
pondant aux 10 provinces et à la Région de Bruxelles-Capitale. Les Chambre seule.
150 députés fédéraux sont répartis en deux groupes linguistiques,
l’un néerlandais, l’autre français. Ils peuvent également former des
groupes politiques. La Chambre est l’organe-clé du pouvoir législatif :
Parlementaire Ministre/gouvernement
Conseil d’État
Proposition Projet
Prise en considération
Sanction et promulgation
1
Cour Cour
Conseil d’État de cassation constitutionnelle
5 11 5
cours cours cours
d’appel du
d’assises
travail
9 13 9
tribunaux tribunaux tribunaux
de commerce de première du travail
instance
Les délits politiques et les délits de presse sont de la compé- Une cour d’assises est organi-
tence exclusive de la cour d’assises, à l’exception des délits de presse sée au niveau des provinces et à
inspirés par le racisme et la xénophobie, qui sont désormais pour- Bruxelles.
suivis devant le tribunal correctionnel. C’est également cette cour,
composée de magistrats professionnels et d’un jury populaire dont
les membres sont tirés au sort, qui, en principe, juge les crimes,
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Le pouvoir exécutif
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Le pouvoir judiciaire
La justice est demeurée tout entière compétence fédérale. Il faut L’organisation de la justice est
noter cependant que les entités fédérées peuvent prévoir les peines une compétence fédérale. Les
à infliger en cas d’infraction à leur propre législation. Elles sont en entités fédérées sont associées à
la détermination de la politique
outre associées à la détermination de la politique criminelle de la
criminelle.
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La Belgique compte également des provinces et des communes. Le principe de la séparation des
La législation organique de ces institutions est de compétence régio- pouvoirs prévaut grosso modo
nale. Tant les provinces que les communes disposent d’institutions au niveau des communes et des
provinces.
qui rappellent la répartition des pouvoirs entre une assemblée
législative et un gouvernement exécutif. C’est ainsi que la province
Les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire sont indépendants Il n’existe pas de hiérarchie entre
chacun vis-à-vis des deux autres ; il n’existe entre eux aucune hié- les pouvoirs législatif, exécutif et
rarchie. La hiérarchie des pouvoirs « ne peut s’exercer par un des judiciaire, mais il doit y avoir
équilibre entre eux.
pouvoirs constitutionnels de l’État sur un autre pouvoir, ni par les
chefs d’un pouvoir sur les chefs d’un autre ; il peut simplement y
avoir préséance ou priorité de rang entre les différents pouvoirs de
l’État » 28.
Davantage que la séparation stricte, c’est aujourd’hui la question
de l’équilibre des pouvoirs qui domine, dans une organisation qui
prévoit un système de freins et de contrepoids 29.
L’équilibre entre ces deux pouvoirs a parfois pu apparaître dif- Cet équilibre varie avec le temps.
ficile à maintenir. Selon les mots de John Gillissen, « le législatif
a eu tendance à gouverner, l’exécutif à légiférer » 30. Si, dans un
premier temps, l’importance du pouvoir législatif s’est affirmée,
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Les lois-cadres
La loi-cadre est une autre technique de délégation de pouvoirs Les lois-cadres offrent au pouvoir
du législatif à l’exécutif. Elle a été utilisée pour la première fois en exécutif une marge de manœuvre
1937 par le gouvernement Van Zeeland II et avait pour objet la assez large.
régulation des institutions de crédit. Une loi-cadre fixe, dans une
matière déterminée, les principes qu’un ou plusieurs arrêtés royaux
viendront mettre en œuvre.
Les gouvernements Dehaene y ont abondamment eu recours
dans les années 1990, pour assainir les finances publiques et
répondre aux exigences de l’Union économique et monétaire. Dans
le domaine de la gestion des entreprises publiques, des lois accordent
également des délégations de pouvoir législatif au gouvernement 41.
Le contrôle politique
Les assemblées parlementaires exercent une fonction de contrôle Le contrôle du pouvoir exécutif
sur l’action des gouvernements. Au niveau fédéral, depuis 1993, c’est par l’assemblée parlementaire
la Chambre seule qui est chargée de ce contrôle. Celui-ci s’exerce à correspondante peut prendre
plusieurs formes et intervient à
différents moments de la vie d’une équipe gouvernementale.
différents moments :
L’investiture
Tout nouveau gouvernement se présente devant l’assemblée lors de la mise sur pied du
parlementaire correspondant à son niveau de pouvoir afin de lui gouvernement,
présenter son programme et de solliciter sa confiance. La déclaration
gouvernementale, véritable « plan de route » pour la législature, est
Le contrôle courant
À l’origine, les fonctions de ministre et de parlementaire étaient ou durant la législature,
frappées d’incompatibilité. Cependant, entre 1893 et 1994, le cumul
entre une fonction de parlementaire (législative) et de ministre (exé-
cutive) a été autorisé. En 1995, est entrée en vigueur une incompati-
bilité entre les deux fonctions, tant au niveau fédéral qu’à celui des
entités fédérées. Néanmoins, les membres de chaque gouvernement
ont le droit de s’adresser à l’assemblée parlementaire correspondante,
et celle-ci peut requérir leur présence.
En cours de législature, le contrôle de l’exécutif se réalise essen- sous forme de questions ou
tiellement par le biais des questions et des interpellations. Les par- d’interpellations.
lementaires ont la faculté d’adresser des questions aux membres du
gouvernement. Les questions rédigées sont adressées au président
de l’assemblée qui juge de leur recevabilité. Le ministre répond, en
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L’élaboration du budget
La perte de confiance
La durée normale d’une législature – c’est-à-dire le laps de temps Le Parlement peut également
qui sépare en principe deux élections – est de cinq ans tant au retirer sa confiance au gouver-
niveau fédéral qu’au niveau des entités fédérées : la sixième réforme nement et en provoquer la chute.
de l’État a fait passer la durée de la législature au niveau fédéral à
cinq ans au lieu de quatre (article 65 de la Constitution) afin d’assu-
rer la concomitance des scrutins au niveau fédéral et européen et
leur coïncidence avec les élections régionales et communautaires.
La législature fédérale peut cependant être abrégée en cas de
dissolution anticipée de la Chambre des représentants, notamment
Depuis les années 1970, le contentieux communautaire et la négociation des différentes étapes
de la réforme de l’État ont considérablement allongé le temps de formation des gouvernements au
niveau national (puis fédéral). Plusieurs mois sont souvent nécessaires. Par la force des choses, la
notion d’affaires courantes s’est considérablement élargie. C’est ainsi qu’en 2007, le gouvernement
Verhofstadt II, resté en affaires courantes pendant sept mois, signera le Traité de Lisbonne. La crise
politique se prolongeant, un gouvernement de plein exercice (le gouvernement Verhofstadt III)
sera mis en place pour trois mois (et sera qualifié de gouvernement intérimaire). Il cédera la
place au gouvernement Leterme I, finalement constitué plus de neuf mois après les élections du
10 juin 2007. Cet intérim permettra notamment à un gouvernement de plein exercice de préparer
le budget qui sera voté par la Chambre. En revanche, après les élections fédérales du 13 juin 2010,
le gouvernement Leterme II restera en affaires courantes jusqu’à la constitution du gouverne-
ment Di Rupo le 5 décembre 2011, au terme de la plus longue crise de l’histoire politique belge,
541 jours. Durant cette période, le gouvernement outrepassera régulièrement le cadre de ce qu’il
avait été convenu précédemment d’appeler les affaires courantes : de juillet à décembre 2010, la
Belgique a assuré la présidence du Conseil de l’Union européenne et le gouvernement sortant a
décidé, moyennant l’aval de la Chambre, de la participation de la Belgique à la coalition interna-
tionale qui est intervenue militairement en 2011 en Libye. On a ainsi pu estimer qu’au cours de
cette crise politique une quatrième catégorie d’affaires courantes a émergé : celle dont le traitement
est rendu indispensable par le droit international. C’est également le gouvernement en affaires cou-
rantes qui a déposé le budget 2011 à la Chambre. Cette situation a été critiquée tant par des per-
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La gestion des affaires courantes est une question de moindre La période des affaires cou-
intérêt dans les entités fédérées, où la constitution des gouverne- rantes est moins longue dans les
ments est plus rapide : depuis les élections du 21 mai 1995, pre- Communautés et les Régions.
mières élections à désigner les membres du Parlement wallon et du
Parlement flamand de manière directe, il ne s’est jamais écoulé plus
de trois mois jusqu’à l’installation des nouveaux gouvernements.
Néanmoins, la limitation des pouvoirs du gouvernement durant
cette période a été questionnée. En 2011, le Conseil d’État a annulé
des licences accordées par le ministre-président Rudy Demotte à la
Les Comités P et R
Le Comité permanent de contrôle des services de police Des organes spécifiques per-
(Comité P) et le Comité permanent de contrôle des services de ren- mettent à la Chambre de contrôler
seignements (Comité R) ont été établis en 1991, à l’issue des tra- l’action des services de police et de
renseignement, qui dépendent du
vaux d’une commission d’enquête parlementaire consacrée à la lutte
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Le pouvoir législatif fait les lois qu’il appartient au pouvoir judi- Le pouvoir législatif détermine
ciaire d’appliquer. Le pouvoir législatif fédéral fait également les lois les conditions d’exercice du pou-
qui organisent la justice, et vote annuellement le budget qui permet voir judiciaire.
à la justice de fonctionner ; il détermine le cadre et le traitement du
personnel du pouvoir judiciaire.
En principe, le pouvoir judiciaire n’exerce pas ou peu d’influence Des décisions de justice peuvent
sur l’élaboration des normes législatives qui le concernent. Il faut pointer des carences du travail
cependant relever à cet égard l’arrêt * de la Cour de cassation du législatif.
28 septembre 2006 qui a condamné les carences du législateur qui
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La Cour constitutionnelle
Prévue par la Constitution lors de la révision de 1980, dans le Créée au début des années 1980,
cadre de la transformation de l’État unitaire belge, et organisée la Cour d’arbitrage devait arbi-
par la loi du 28 juin 1983, la Cour d’arbitrage avait reçu pour mis- trer les conflits entre les lois et
les décrets.
sion d’arbitrer les conflits éventuels entre la loi fédérale et le décret
(communautaire ou régional) ou entre deux décrets. En 1988,
son champ d’intervention a été étendu aux matières régies par les
articles 10, 11 et 24 (actuels) de la Constitution, qui garantissent
le principe d’égalité, la non-discrimination et les droits et libertés
en matière d’enseignement. L’évolution vers une Cour constitution- Son champ de compétence a
nelle était enclenchée : la loi spéciale du 9 mars 2003 élargit la ensuite été étendu au contrôle
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Les arrêts de la Cour constitutionnelle ont une large portée. À titre d’exemple, l’arrêt rendu
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L’immunité parlementaire
L’article 58 de la Constitution dispose : « Aucun membre de L’immunité parlementaire vise
l’une ou de l’autre Chambre ne peut être poursuivi ou recherché à garantir la liberté totale d’opi-
à l’occasion des opinions et votes émis par lui dans l’exercice de nion des élus.
ses fonctions ». Cet article garantit la liberté totale d’opinion (et
L’affaire Wesphael
En 2008, l’affaire Fortis se plaide devant les tribunaux, et va entraîner la démission d’un
Premier ministre et la mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire.
La banque Fortis, issue du regroupement de la Générale de Banque, de la Caisse générale
d’épargne et de retraite (CGER) et de la Société nationale de crédit à l’industrie (SNCI), connaît
de graves difficultés lors de la crise financière mondiale de 2008. Pour éviter la faillite, le gouver-
nement belge intervient et préside à la scission des activités dont il revend une partie à la banque
française BNP Paribas. Certains actionnaires, estimant que la transaction ne pouvait être faite
qu’avec l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires, saisissent la justice pour bloquer la
vente. Bien que l’avis du ministère public ait été de suspendre la vente, le tribunal de commerce
de Bruxelles rejette la demande. Les actionnaires interjettent appel. Alors que les débats auprès
de la cour d’appel sont clos et que l’affaire est mise en délibéré, le chef de cabinet du Premier
ministre Yves Leterme (CD&V) aurait appris par le mari d’un des trois magistrats qui composent
la cour que l’affaire allait prendre « une tournure dramatique ». L’arrêt de la cour d’appel du
12 décembre 2008 suspend les décisions du conseil d’administration de la NV/SA Fortis Holding,
prises les 3, 5 et 6 octobre 2008.
Alors que le gouvernement cherche un angle d’attaque pour faire annuler l’arrêt, des rumeurs
commencent à courir sur les circonstances dans lesquelles l’arrêt aurait été rendu, et en particulier
le fait que l’un des trois magistrats, en congé de maladie, ne l’a pas signé. C’est alors que le Premier
ministre rend publique l’existence de contacts entre son cabinet et la magistrature, et notamment
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Le constituant a distingué dès 1831 trois pou- publics, telle par exemple la commission bancaire
voirs étatiques distincts : le pouvoir législatif, le et financière (FSMA).
pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Cette Si la fonction législative exercée par le Par-
séparation des pouvoirs est, avec la garantie des lement s’est affaiblie, sa fonction de contrôle des
droits fondamentaux et l’organisation d’élections autres pouvoirs s’est, elle, renforcée. On songe en
libres au suffrage universel, l’un des trois piliers particulier à l’importance prise par les commissions
de la démocratie. d’enquête, essentiellement au niveau fédéral (les
Certains analystes estiment que le constituant parlements des entités fédérées ne remplissent pas
a donné la primauté au pouvoir législatif, seul cette fonction de contrôle avec autant d’intensité).
pouvoir à disposer de la plénitude des compé- Autre évolution récente notable, le déve-
tences, tandis que les pouvoirs de l’exécutif et du loppement des organes juridictionnels, tels la
judicaire sont précisément bornés par la Constitu- Cour constitutionnelle, la Cour des comptes ou
tion 68. Par ailleurs, le vote du budget lui confère le Conseil d’État. Bien que nous en ayons traité
un pouvoir sur tous les rouages de l’État. D’autres essentiellement dans les pages consacrées au pou-
contestent cette vision, mais les uns comme les voir judiciaire, eu égard à leur fonction de contrôle
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1 15
X. Mabille, Législatif, Exécutif, Judiciaire. Les rapports C. Sägesser, C. Istasse, « Le Sénat et ses réformes
entre les pouvoirs, Bruxelles, CRISP, Dossier n° 48, successives », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2219-
1998. 2220, 2014, p. 10.
2 16
Platon, Lois, III, 693b. J. Stengers, « La Constitution de 1831 et son appli-
3
Aristote, La Politique, livre VI, chapitre XI, § 1. cation », in V. Laureys et al., L’histoire du Sénat de
4
A. Lintott, The Constitution of the Roman Republic, Belgique de 1831 à 1995, Bruxelles, Racine, 1999,
Oxford, Oxford University Press, 1999. p. 32.
5 17
J. Locke, Essay on Civil Government, 1690. J. Stengers, J.-L. De Paepe, M. Gruman, Index
6
Montesquieu, De l’esprit des lois, 1748, livre XI, des éligibles au Sénat (1831-1893), Bruxelles, Palais
chapitre VI. des Académies, 1975, p. 66.
7 18
Ibidem. La primogéniture masculine a été abolie en 1991
8
J.-J. Rousseau, Du contrat social ou Principes du droit pour les descendants de celui qui deviendra par la
politique, 1762. suite Albert II. Depuis lors, les femmes peuvent
9
Alexander Hamilton (1757-1804), fondateur du parti également accéder au trône de Belgique.
19
fédéraliste, premier secrétaire au Trésor des États-Unis ; A. Molitor, La fonction royale en Belgique, Bruxelles,
James Madison (1751-1836), quatrième président des CRISP, 1994 (2e édition), p. 57-58.
20
États-Unis ; John Jay (1745-1829), premier président Article 77 de la Constitution.
21
de la Cour suprême des États-Unis. Voir C. Sägesser, C. Istasse, « Le Sénat et ses
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Batselé D., Initiation à la rédaction des textes législatifs, réglementaires et administratifs, Bruxelles, Bruylant,
2013 (3e édition).
Behrendt C., Bouhon F., Introduction à la théorie générale de l’État. Manuel, Bruxelles, Larcier, 2014
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Blaise P., Faniel J., Sägesser C., Introduction à la Belgique fédérale. La Belgique après la sixième réforme de
l’État, Bruxelles, CRISP, 2014.
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Gubin E., Nandrin J.-P., Gerard E., Witte E. (dir.), Histoire de la Chambre des représentants de Belgique,
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Affaires courantes : affaires traitées par un gouvernement démissionnaire. La période des affaires
courantes s’étend entre la démission du gouvernement et la nomination de son successeur.
Arrêt : décision judiciaire prononcée par une cour d’appel, une cour du travail, une cour d’assises ou la
Cour de cassation. La Cour constitutionnelle, la Cour des comptes et la section du contentieux admi-
nistratif du Conseil d’État, qui n’appartiennent pas à l’ordre judiciaire, rendent également des arrêts.
Autorité fédérale : pouvoir central, composé du Parlement fédéral, du gouvernement fédéral et du
Roi, qui exerce ses compétences sur tout le territoire belge.
Bicamérisme / Bicaméralisme : système dans lequel le Parlement est divisé en deux chambres dis-
tinctes, une chambre haute et une chambre basse.
Comité P : comité permanent de contrôle des services de police : institution de contrôle externe des
services de police relevant du Parlement fédéral.
Comité R : comité permanent de contrôle des services de renseignements : institution de contrôle
externe des services de renseignements relevant du Parlement fédéral.
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