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« Il est sur une autoroute et ne regarde ni à droite s’impatientent toujours de voir les responsables de
ni à gauche ». leur misère répondre de leurs « crimes » devant la
La réflexion est de Noureddine Taboubi qui ré- justice.
sume ainsi et avec perspicacité, non sans un brin Noureddine Taboubi figure lui aussi dans la liste
d’humour, la doctrine de Kaïs Saïed en matière de des grosses têtes. Intransigeant, il ne badine pas
gestion des affaires de l’Etat. Entêtement, déter- avec le legs historique de la Centrale ouvrière et
mination, avidité pour le pouvoir ou exaltation de son statut international de Prix Nobel. Par consé-
l’ego ? Tout à la fois, sans doute. Mais Kaïs Saïed quent, rien ne se fera sans lui, les réformes poli-
n’est pas seul à se comporter avec autant de dé- tiques, économiques et sociales, cela doit passer
fiance, parfois d’arrogance. Rached Ghannouchi par lui avant tout le monde. Si bien que Kaïs Saïed
n’en fait pas moins. Il a fait la sourde oreille a franchi une ligne rouge et s’est mis le doigt dans
même avec ses compagnons de route qui l’ont l’œil en réservant un strapontin à l’Ugtt au sein de
quasiment imploré de céder la présidence de leur la commission à peine consultative chargée de ré-
parti Ennahdha, pour ne pas briguer une candida- fléchir sur l’avenir économique et social du pays.
ture à la présidence de l’ARP et même de se retirer Et sous la présidence de qui ? Du doyen de l’Ordre
de la vie politique par la grande porte. Non, il s’est national des avocats, l’autre organisation récipien-
évertué à narguer le président élu en marchant sur daire du Prix Nobel de 2013. Un juriste qui ne
ses platebandes diplomatiques, en concluant des connaît l’Economie ni d’Adam ni d’Eve. C’en est
accords avec des pays étrangers sans consulter les trop pour l’Organisation de Hached et la voilà qui
institutions nationales concernées, en présidant va le faire savoir à cor et à cri. La Centrale ouvrière
des réunions au sein même du Parlement avec des a mis en branle ses structures pour aller dans les
représentants de secteurs économiques en difficul- régions rencontrer ses adhérents. L’objectif : leur
rendre compte de la situation économique et so-
“
ciale chaotique du pays et s’entendre sur les ac-
L’attention nationale est plutôt braquée tions de protestation à programmer dans les pro-
sur les prochaines négociations avec le chains jours, comme la grève générale décrétée par
la commission administrative, pour contraindre
FMI et le crédit salvateur que la Tunisie Kaïs Saïed et Nejla Bouden à se plier aux exi-
s’attelle à obtenir. Mais est-ce que ce crédit gences de l’Ugtt. La centrale ouvrière sait qu’elle
a les moyens de tordre le cou au gouvernement
va nous sortir de la crise ? Nous devrions mais elle se garde de le faire pour ne pas tendre la
plutôt rechercher des solutions durables perche aux sinistrés du 25 juillet 2021, « la coali-
au niveau national, surtout que la guerre en
Ukraine annonce des pénuries et la famine
“ tion contre le coup d’Etat», qui combattent Kaïs
Saïed avec tous les moyens dont ils disposent.
« Nous ne voulons pas du retour au 24 juillet
2021, mais nous ne cautionnerons pas non plus
dans le monde dans les prochains mois.
une direction des affaires de l’Etat par une seule
personne de manière unilatérale », répètent tour à
tour les dirigeants de la Centrale syndicale. Kaïs
té…Et depuis le 25 juillet 2022, il mène une guerre Saïed finira-t-il par l’entendre, sachant que sans
médiatique et diplomatique sans merci en Tunisie Taboubi, il s’engage dans une voie sans issue ?
et à l’étranger, contre Kaïs Saïed dont l’objectif Kaïs Saïed ne doit pas ignorer qu’insérer l’Ugtt
non avoué serait la destitution de ce dernier et le dans une commission consultative consiste à dé-
retour des islamistes aux affaires. Le résultat est nigrer son historique militant et tous ses sacrifices
sans appel : une crise politique endémique s’est des dix dernières années. « Nous ne participerons
emparée du pays, bloquant tous les rouages de pas au dialogue national pour la photo », lance
l’Etat et les piliers de l’économie nationale. La Samir Cheffi dans une interview. Question d’ego,
classe politique et la société civile sont embour- alors ? « Non, rétorque-t-il, nous aurions aussi
bées dans un bras de fer sans fin entre pro et an- refusé la présidence de toutes les commissions
ti-Kaïs Saïed, tandis que les citoyens désabusés dans le cas où seraient exclus du dialogue natio-
par une conjoncture socio-économique chaotique nal les partis politiques et tous ceux qui ont milité
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Pourquoi
Sadok Belaïd ? Par Yasmine Arabi
E
au président. ou l’autre des Constitutions de 1959 et de 2014.
n mai 2020, deux ans auparavant, jour Malgré ses réserves et ses critiques envers le pré-
pour jour, le doyen Sadok Belaïd, un ju- sident, un de ses anciens étudiants en droit public
riste notoire spécialiste du droit public, dans le passé, le doyen Belaïd a donc été choisi,
publiait une tribune sur les colonnes d’Al Ikh- lui, pour cette mission pour laquelle, dit-il, « il
baria attounsia. II y dressait un diagnostic, po- a carte blanche » pour faire appel à toutes les
litique et juridique, de la situation qui prévalait compétences nationales qu’il jugera utiles pour
alors et terminait son texte avec des propositions l’enrichissement du texte de loi avec leurs idées,
pouvant aider la Tunisie à sortir de « l’impasse ». leurs propositions et leurs avis. « Carte blanche
Le doyen avait identifié trois tares : aussi pour proposer aux Tunisiens une constitu-
1- «La mainmise d’Ennahdha sur les rouages de tion qui réponde à leurs attentes en termes de
l’Etat et du pays». libertés, de droits de l’homme, de démocratie,
2- «L’absence d’une véritable démocratie ». d’égalité et de justice… toutes les valeurs de
3- «Le président de la République hors contexte ». modernité, d’authenticité et d’humanité dont ils
Sadok Belaïd pointe également le manque de ont toujours rêvé et qu’ils ont échoué à ancrer
sérieux des gouvernants depuis 2011 : aucun en 2011 ».
gouvernement n’a été formé sur la base de C’est ce Sadok Belaïd qui est aujourd’hui criti-
programmes et de projets de développement, qué, insulté, ridiculisé pour avoir accepté d’ac-
l’absence totale de vision et de réformes so- complir la mission qui lui a été confiée par Kaïs
cio-économiques, le non-parachèvement du pro- Saïed, le président qui déchaîne toutes les peurs
cessus démocratique sur fond de crises politiques et les haines. Belaïd, qui n’a plus bonne presse
constantes et le culte de l’impunité qui a répandu chez les détracteurs et opposants du président,
la corruption dans les institutions et dans la so- indignés par le fait qu’il cherche aujourd’hui à
ciété. Il précise aussi que la Constitution de 2014 réécrire la constitution après avoir participé à
a été conçue sur mesure par et pour Ennahdha et la rédaction de celle de 2014 –qu’il torpille au-
déplore le fait que le président de la République jourd’hui–, à la suspension de celle de 1959, a été
élu, Kaïs Saïed, a toujours avoué –avant et après membre de la Haute instance pour la réalisation
son élection– qu’il ne disposait d’aucun projet po- des objectifs de la révolution et un des insti-
litique et qu’il ne ferait aucune promesse aux Tu- gateurs de l’Assemblée constituante de 2011.
nisiens. Sadok Belaïd émet par ailleurs un doute D’autres ne lui pardonnent pas d’avoir permis
sur la capacité de Kaïs Saïed de pouvoir mener à avec Yadh Ben Achour, l’autre illustre juriste,
terme un projet politique s’il venait à en avoir au l’arrivée des islamistes au pouvoir. « Sadok Be-
cours de son mandat, expliquant cela par le refus laïd se cherche un poste», lui balancent ceux qui
de Saïed de composer avec les forces politiques tiennent à l’humilier.
ou de chercher à doter son projet d’une ceinture Le passé professionnel de l’illustre juriste est
politique qui lui servirait de soutien et de plate- vite oublié, bafoué. Devant les caméras, enfin !,
forme de lancement. Comment le doyen voit-il la il se défend d’être à la solde du président. « Je
sortie de crise ? « Il n’y a que deux processus et suis un technicien, je ne fais pas de politique, elle
pas trois : c’est soit le coup d’Etat hors Consti- ne m’intéresse pas », affirme-t-il, certifiant béné-
“
Le président est
un anticonformiste
qui veut bâtir
une démocratie
sans les partis
politiques, ou
avec des partis
fantômes, pour la
galerie. Critiqué
de plus en plus
par beaucoup de
ses partisans et
alliés, il poursuit
son bonhomme
de chemin, sans
se retourner,
dans le flou,
cultivant le fait Chargé par Kaïs Saïed de la mission de président coordinateur de l’instance nationale consultative
accompli, refusant pour une nouvelle république, Sadok Belaïd a affiché une grande motivation
le dialogue et
ficier de la totale liberté de ses mains et de son 2014 restera en vigueur jusqu’à son éventuelle
les pouvoirs.
“
s’accaparant tous
esprit pour l’élaboration de la nouvelle constitu- modification par un nouveau parlement élu ».
tion. « Le président ne m’a jamais demandé d’in- Autrement dit, le président devra convoquer des
sérer la moindre idée ni le moindre mot dans la élections législatives et œuvrer au rétablissement
nouvelle constitution, il ne m’a jamais parlé de de l’exercice du pouvoir parlementaire.
démocratie de base ni de comités populaires ». Kaïs Saïed entendra-t-il tous ces conseils et les
Et pour réhabiliter sa crédibilité, il promet de pu- appels des partis politiques et de l’Ugtt en vue
blier la copie de l’avant-projet de la constitution de garantir la légitimité indispensable au proces-
qui sera remis au président Kaïs Saïed et de dé- sus politique qu’il a engagé ? Rien ne permet de
noncer tout changement abusif qui serait apporté répondre par l’affirmative. Le président est un
par Saïed au texte sans consultation. anticonformiste qui veut bâtir une démocratie
sans les partis politiques, ou avec des partis fan-
Un Prix Nobel récalcitrant tômes, pour la galerie. Critiqué de plus en plus
Le doyen va malgré tout avoir la tâche difficile. par beaucoup de ses partisans et alliés, il pour-
Ni les doyens de facultés de droit, conviés à par- suit son bonhomme de chemin, sans se retourner,
ticiper à la rédaction de la nouvelle constitution, dans le flou, cultivant le fait accompli, refusant
ni l’Ugtt, désignée comme membre de la com- le dialogue et s’accaparant tous les pouvoirs. Il
mission consultative des affaires économiques et n’a peur de rien, ne semble pas faire le moindre
“C’est ce Sadok
sociales, n’ont répondu favorablement à l’invi-
tation de Kaïs Saïed. Il est clair que la Centrale
calcul, il attend que tout le monde le suive, mais
il ne suit personne. Sont-ce son incontestable
Belaïd qui est ouvrière qui a été gratifiée du Prix Nobel – avec intégrité et sa loyauté envers son pays qui lui
aujourd’hui l’Utica, l’Ordre des avocats et la LTDH- pour donnent tant d’assurance ? Il faut le croire. Kaïs
critiqué, insulté, le dialogue national de 2013, ne tolèrera pas Saïed sait où il va. Nouvelle constitution, nou-
ridiculisé pour d’être chapeautée et reléguée au statut de simple veau parlement sans Ennahdha, Al Karama, Qalb
avoir accepté « membre » et dont l’avis ne sera pris en compte Tounes ni le PDL. Une nouvelle République qui
qu’à titre consultatif. Kaïs Saïed a, visiblement, lancera la lutte contre la corruption, dès le nou-
d’accomplir la
volontairement ou non, dépassé toutes les bornes veau parlement installé, contre tous ceux qui ont
mission qui lui
et il devra s’attendre lui aussi à des surprises, nui à la Tunisie économiquement, socialement
a été confiée et politiquement, tous ceux d’avant le 25 juillet
telles que le boycott du référendum du 25 juillet
par Kaïs Saïed, 2022. Finalement, c’est ce que veulent les Tuni-
prochain par les syndicalistes, s’il ne daigne pas
le président s’asseoir autour de la table des négociations aux siens, hormis ceux qui étaient au pouvoir et qui
qui déchaîne côtés de Noureddine Taboubi. En cas de boycott, ont été évincés par Kaïs Saïed : tourner la page
toutes les peurs c’est le sort de Saïed lui-même qui sera dans le du RCD et des islamistes d’Ennahdha qui ont
et les haines. “ flou. Dans le cas échéant, selon le dernier rapport œuvré contre la prospérité de la Tunisie et des
de la Commission de Venise, « la constitution de Tunisiens. g
Politique
Que reste-t-il
de la transition démocra
14 - RÉALITÉS - N°1900 - Du 3 au 9 juin 2022
A
Les réactions se sont lors que le Tribunal de première instance de l’Ariana a décrété une interdic-
multipliées après le décret tion de voyage à l’encontre de plusieurs membres du parti Ennahdha dont
de convocation des électeurs Rached Ghannouchi, les islamistes crient à l’instrumentalisation de la jus-
tice. Tout en soulignant, avec un zeste d’ironie, que leur président n’avait aucune
pour le référendum. intention de voyager malgré les nombreuses invitations qu’il reçoit, ils ajoutent qu’il
En majorité négatifs, ces reste à la disposition de la justice dont ils attendent équité et indépendance.
rebonds s’inquiètent aussi Le référendum est devant une équation à plusieurs inconnues.
bien de la propension Cette interdiction de voyage qui intervient en pleine tempête politique à propos du
autoritaire du président de référendum et du dialogue national, est-elle un écran de fumée pour détourner l’at-
la République que de la tention de l’opinion ? Est-ce plutôt une démarche populiste destinée à polariser les
contradictions et désigner des boucs émissaires ? Plusieurs analystes se posent ces
faisabilité du scrutin. questions tout en constatant que désormais, plusieurs inconnues pèsent sur le proces-
À l’international, la sus politique devant mener au référendum du 25 juillet.
commission de Venise a Alors que les organisations nationales se rebiffent face à Kaïs Saïed et que certaines
pour sa part émis un avis d’entre elles sont traversées par des débats de légitimité, rien ne semble assuré en
urgent sur le contexte perspective du référendum de juillet prochain. Du côté des juristes et des politiques,
constitutionnel et législatif le son de cloche est le même : il n’est pas possible ni logique de rédiger une nouvelle
constitution en moins d’un mois. En ce sens, les soupçons sont alimentés par l’exis-
du référendum, recadrant tence d’un texte constitutionnel qui serait déjà rédigé, ce que réfute avec vigueur le
sévèrement le processus en collège d’experts nommé par le président de la République.
cours. Les doyens des facultés de droit convoqués par le président Saïed ont pour leur part,
Entre-temps, Kaïs Saïed fait faux bond et invoqué pour cela, la neutralité qui sied à l’université.
semble se retrouver dans la Quant aux organisations nationales, elles avancent en ordre dispersé. L’Ordre des
situation de l’arroseur arrosé, avocats ne semble pas enclin à suivre comme un seul homme, son président Bra-
him Bouderbala qui, pour sa part, est quasiment aligné sur Kaïs Saïed. Après avoir
se retrouvant quasiment dos accepté sous condition de siéger au sein du dialogue national, la Ligue tunisienne
au mur après avoir cru mettre de défense des Droits de l’Homme souligne qu’elle s’en retirerait s’il s’avérait que
tous ses interlocuteurs au les résultats seraient biaisés.
pied du mur. L’Union générale tunisienne du travail affirme pour sa part qu’elle ne s’engage jamais
La transition démocratique dans l’inconnu, conteste la démarche de Saïed pour le dialogue national et s’inscrit en
tunisienne vit des heures faux par rapport au gouvernement Bouden, en annonçant avoir préparé un programme
complet de réformes économiques, sociales et politiques. Enfin, la Centrale patronale a
cruciales entre crise pour le moment choisi de temporiser en attendant que la situation se décante.
économique, regain du Dans cette situation générale où prédominent incertitudes et confusions, c’est surtout
populisme, incertitude la méthode «unilatérale et autoritaire», pour citer les soutiens critiques de Kaïs Saïed,
électorale et espérances qui fait toujours couler de l’encre. De plus en plus contesté, y compris par ses appuis,
fragilisées. le président de la République semble perdre progressivement la main et pourrait avoir
des difficultés aussi bien pour l’organisation que les conséquences du référendum.
atique ?
existait, Kaïs Saïed n’aurait pas pu activer l’article 80 de la Constitution.
De plus, c’est la légitimité électorale du président de la République qui est discutée
par plusieurs analystes qui considèrent qu’elle est en fin de compte relativement faible.
En effet, elle ne dépasserait pas les 600 mille voix qui l’ont soutenu au premier tour de
l’élection présidentielle. De fait, le report des voix lors du second tour ne reflète pas
Par Hatem Bourial réellement sa légitimité. Cet écart a d’ailleurs été constaté à travers le nombre plutôt
faible des participants à la consultation électronique. Pire, les mêmes experts sou-
tiennent que la légitimité populaire dont bénéficiait le président Saïed s’est progres-
sivement volatilisée depuis le 22 septembre 2021 lorsqu’il s’est approprié les pleins
pouvoirs. Si les soutiens de Kaïs Saied sont de toute évidence moins nombreux, il
“
n›en reste pas moins qu›il continue à dominer les sondages. Même fondées,
ces critiques font-elles du président de la République, un homme acculé, qui En attente de solutions
aurait le dos au mur alors que lui-même essaie de pousser ses adversaires
et aussi ses soutiens au pied du mur? Cette question est cruciale et pose à pragmatiques, la Tunisie
rebours l›efficacité des passages en force successifs de Kaïs Saïed. est aujourd’hui comme
suspendue aux décisions
Les deux versants contrastés du processus du 25 juillet 2021
Si elles créent une situation de fait, ces offensives du chef de l’État peuvent aussi ne
du seul Kaïs Saïed qui,
donner que des résultats volatils, contestés et ensuite battus en brèche. Quelle sera la intransigeant, refuse un
durabilité de l’ensemble du processus piloté par Kaïs Saïed depuis le 25 juillet der- dialogue national inclusif
nier ? La réponse à cette question permet de dégager deux étapes fondamentalement
différentes. La première a été unanimement saluée par l’opinion publique, les organi-
qui défricherait l’avenir.
sations nationales, la société civile et l’opposition à Ennahdha et ses alliés. C’était au Ne se fiant qu’à sa bonne
lendemain du coup de force de Kaïs Saïed qui mettait fin à la dérive islamiste et son étoile, le chef de l’État
cortège de prévarications. Ne l’oublions pas, la veille du basculement, les nahdhaouis
menaçants réclamaient des compensations à l’État lors d’une manifestation indigne
est aujourd’hui au mi-
qui allait enclencher l’effet domino. lieu du gué après avoir
La deuxième période a commencé lorsque s’octroyant tous les pouvoirs, le président entamé il y a presque
Saïed a choisi une stratégie conquérante à l’image d’un bulldozer détruisant sur son
passage, une décennie d’errements. Seulement, ce bulldozer ressemblait également
un an, son franchis- “
à un président en campagne qui tentait de créer les conditions objectives pour sement du Rubicon.
que sa stratégie réussisse coûte que coûte. Sans détricoter les institutions,
aussi de nombreux pays amis, restent logiques et marquées du sceau de la lucidité. Rédacteur en chef adjoint
Car qu’adviendrait-il par exemple si le «non» au projet présidentiel s’imposait dans Secrétaire général de la rédaction :
les urnes? Il s’agit d’une hypothèse plausible et non pas d’une simple vue de l’esprit. Mohamed Ali Ben Sghaïer
bensghaiermohamedali@gmail.com
Aujourd’hui, cette possibilité doit être pleinement prise en considération, car ne pas le
faire reviendrait à faire l’impasse sur une potentielle nouvelle crise constitutionnelle. Editorialistes :
Si le «non» l’emportait, quels seraient les choix de Kaïs Saïed et comment se ferait le Sami Mahbouli - Hakim Ben Hammouda -
Adel Ben Youssef - Mustapha Attia
retour à la Constitution de 2014? Ces points restent obscurs mais le scénario nécessite
d’être pleinement étudié pour ne pas ouvrir la voie à une autre crise qui pourrait être REDACTION
fatale à l’ensemble du processus démocratique. * Politique
Yasmine Arabi - Hatem Bourial -
Fayçal Chérif - Hajer Ben Hassen
Un cavalier seul et solitaire
“
* Société
au point de tourner le dos Khalil Zamiti - Yasser Maârouf
Alors que les organisa- à tout appui critique * Economie et entreprises :
tions nationales se re- Plus d’une décennie plus tard, que reste- Khadija Taboubi- Mohamed Ben Naceur -
biffent face à Kaïs Saïed t-il de la transition démocratique tuni- Alaya Becheikh - Samy Chambeh -
sienne? À vrai dire, les assauts du popu- Nizar Mouelhi
et que certaines d’entre lisme conjugués aux jeux malsains des * Magazine :
elles sont traversées par partis politiques ont mené la vie politique
Nadia Ayadi - Alix Martin - Tarek Gharbi
des débats de légitimité, au carrefour des impasses. Après le délite- Iconographie : Lamine Farhat - Ryadh sahli
ment des institutions, les connivences ina- Suppléments : Amel Ben Naceur
rien ne semble assuré en vouées, la violence politique, la montée du
perspective du référen- radicalisme islamiste et le spectacle affli-
SERVICE TECHNIQUE :
Responsable Technique : Issam Gharsalli
dum de juillet prochain. geant des députés, le 25 juillet 2021 avait Infographistes : Houda Rezgui -
eu l’effet d’un coup de tonnerre. Par son Hajer Charchoufi- Fatma Soltani
Du côté des juristes et geste courageux, Kaïs Saïed remettait les “REALITES”
des politiques, le son pendules à l’heure de la Révolution et de est édité par
de cloche est le même : l›éthique. Toutefois, dix mois plus tard, MAGHREB MEDIA
le bilan reste mitigé et marqué par un au capital de 140.000 DT
il n’est pas possible ni cavalier seul et solitaire, au point de Président-directeur général :
logique de rédiger une tourner le dos à tout soutien critique. Taïeb Zahar
s’impatiente et que l’économie s’enfonce, les réalisations sont en pointillés ou en sus- Commercial : Sami Ouni
Tél.: 71 805 082 / 71 8050 81
pens. Elles restent incertaines au niveau politique et plutôt vagues en ce qui concerne Relations publiques : Khouloud Chebbi
l’économie ou la lutte contre la corruption. Reportages régionaux :
En attente de solutions pragmatiques, la Tunisie est aujourd’hui comme suspendue Mohamed Larbi Ben Othman
aux décisions du seul Kaïs Saïed qui, intransigeant, refuse un dialogue national in- Recouvrement : Hamdi Sebaï
clusif qui défricherait l’avenir. Ne se fiant qu’à sa bonne étoile, le chef de l’État est Tél.: 71 805 078
Service Abonnements : Sarra Znegui
aujourd’hui au milieu du gué après avoir entamé il y a presque un an, son franchis- Tél.: 71 805 082 / 71 8050 81
sement du Rubicon. De plus en plus contestée, sa méthode ne diminue en rien sa Secrétariat : Mounira N’hidi
popularité mais cela sera-t-il suffisant pour parachever sans accrocs, le calendrier Diffusion: Noureddine Madfaï
politique qui devrait nous mener aux élections législatives ? g Pré-presse : MAGHREB MEDIA-Tél.: 71 805 078
La force syndicale,
un drame national ? Par Samy Chambeh
C
omment peut-on qualifier ce nouveau bras
de force de la part de la Centrale syndicale,
sinon que c’est une attitude en contraven-
tion formelle avec la tradition syndicale et loin des
objectifs du syndicalisme qui restent la représenta-
tion et la défense des intérêts moraux et matériels et
des droits des salariés ?
Force est de constater que depuis 2011 et dès la
chute de l’ancien régime totalitaire à laquelle ses
militants ont grandement contribué, l’UGTT s’est
érigée en acteur économique et social de premier
plan en imposant des majorations salariales succes-
sives qui, sans améliorer d’une manière significative
le pouvoir d’achat des salariés, a plutôt embourbé
l’économie nationale dans une spirale inflationniste
persistante vu que lesdites augmentations n’ont pas
été accompagnées d’un surcroît de productivité.
Certes, son action revendicatrice entrait dans le
cadre de sa préoccupation de l’amélioration des
conditions matérielles des salariés pour davantage
de dignité, mais son intransigeance face à l’excès de
libéralisme économique et d’intérêts corporatistes a
participé, avec les effets collatéraux de la Révolu-
tion et la gouvernance calamiteuse de la Troïka, au
marasme économique, ce qui n’a pas permis à notre
tissu d’entreprises économiques de se redresser.
Conséquence inéluctable : notre économie s’est
embourbée dans une stagflation persistante dont il
est toujours difficile de se sortir.
Plus grave encore, c’est le poids politique de cette
organisation qui pose question. Bien qu’à maintes
reprises ses dirigeants aient toujours nié toutes vi-
sées politiques, le constat est tout autre : déjà en
2013 et avec l’impasse politique, l’UGTT à la tête
du quartette des organisations nationales majeures a
organisé et dirigé un dialogue social en ce temps-là
qui a permis de désamorcer la grave crise et « sau-
ver » ainsi la transition démocratique, ce qui a d’ail-
leurs permis à notre pays d’entrer dans le panthéon
des pays qui ont obtenu le Prix Nobel de la paix.
Et depuis, le rôle politique de la Centrale syndi-
cale ne s’est jamais démenti : l’UGTT est devenue
ainsi un acteur central et incontournable dont tout
le reste des acteurs recherche à tout prix le sou-
Le niet apposé par l’UGTT (Union
tien. C’est que cette organisation ne manque ni de
générale tunisienne du travail) à la lucidité ni de justesse de vue ni de corps ou de
participation au dialogue national coffre. De plus, elle a acquis une expérience dans
version Kaïs Saïed et le décrètement les négociations et s’érige en tant que force de pro-
d’une grève générale dans tout le positions incontournable.
secteur public sont autant de moyens Dernier acte : son refus de participer au dialogue
national format Kaïs Saïed. Sans renier l’effet 25
de pression qui illustrent le poids
juillet 2021, la Centrale syndicale se refuse ce-
sans cesse envahissant de la Centrale pendant à toute contribution de façade, sans peser,
syndicale depuis 2011, non seulement voire imposer ses prises de vue dans le cadre d’un
dans la sphère économique et sociale dialogue équilibré et qui devrait déboucher sur
mais également dans la vie politique. des engagements fermes mais conformes à ses
principes, à sa ligne directrice et aux aspirations de
ses adhérents.
“
Le rôle politique
de la Centrale
syndicale ne
s’est jamais
démenti : l’UGTT
est devenue ainsi
un acteur central
et incontournable
dont tout le reste
des acteurs
recherche à tout
prix le soutien.
C’est que cette
organisation
Mais à bien y voir, ce qui fait la force de l’UGTT, régulation en vertu d’accords professionnels sur
ne manque ni c’est qu’elle a toujours su le mieux anticiper la ré- notamment l’amélioration des conditions et bien-
de lucidité ni action de ses adversaires et du reste des acteurs être du travail, tout en favorisant l’émergence de
de justesse de politiques, économiques et sociaux. nouvelles règles sociales pour de meilleures rela-
vue ni de corps “ De plus, son pouvoir de mobilisation et de négo- tions de travail.
ou de coffre. ciation est devenu phénoménal et par conséquent, En tant que « consolideur » du tissu social, la Cen-
sa marge de manœuvre est devenue de plus en plus trale pourrait par le biais de ses cadres « fonction-
grande pour imposer ses vues et être un vrai por- naires du social » contribuer à l’encadrement, la
teur d’un projet de société. formation, la participation aux fonctions écono-
Chômage de masse, baisse de ses effectifs et de miques et sociales et la stimulation des élans de
ses adhérents, déclin du militantisme, montée de solidarité. Ainsi, on pourrait évoquer un syndica-
l’individualisme, mutation et difficultés grandis- lisme porteur des espoirs des plus défavorisés.
santes de l’appareil productif et particulièrement Autre cheval de bataille : diffuser la culture syndi-
des industries classiques à forte implantation syn- cale. Il s’agit d’une question de survie, surtout que
dicale, etc., rien n’y fit : l’audience syndicale est les bénéfices de l’action syndicale restent collec-
toujours à son paroxysme et l’influence politique tifs, c’est-à-dire que tous les salariés concernés du
de l’UGTT semble devenir carrément hégémo- secteur public ou privé percevront la majoration
nique. salariale et ce, qu’ils soient syndiqués ou non et
Ses positions sur la dégradation du pouvoir qu’ils aient fait grève ou non. Ce qui est de na-
d’achat des salariés des secteurs public et privé re- ture à décourager l’individu à participer à l’action
quièrent l’ouverture imminente des négociations collective : l’adhésion au syndicat ou la participa-
sociales et le respect des accords antérieurs dans tion à un mouvement social a un coût financier et
différents secteurs d’activité, et ce, sur la question peut-être sur sa carrière suivant l’appréciation de
de la préservation du système de compensation ou la hiérarchie.
“
de subvention, sur la non-privatisation des entre- Enfin, mis à part les actifs, la Centrale syndicale
prises publiques qui contraindra le gouvernement pourrait chercher à encadrer les sans-emploi ainsi
À bien y voir, Bouden à réviser la copie présentée au Fonds mo- que les retraités pour un rôle social plus inclusif.
ce qui fait la nétaire international et à étudier certaines conces- Ses ambitions n’ont cessé de grandir depuis
force de l’UGTT, sions potentielles. 2011, surtout compte tenu de l’affaiblissement
c’est qu’elle a de ses adversaires et du reste des acteurs écono-
toujours su le Ne pas contribuer à la politique du pire miques, sociaux et politiques même, et surtout
mieux anticiper A vrai dire, plutôt que de s’investir dans des vi- compte tenu de l’effacement de l’Etat, étant donné
la réaction de sées politiques loin de ses prérogatives et mis à que tous les régimes de l’islamisme politique (En-
ses adversaires part son rôle en tant que partenaire social soumis nahdha et ses acolytes en font partie) prônent le
et du reste des à l’obligation de la paix sociale et sa capacité à Califat.
acteurs politiques, contrôler le niveau des salaires (qu’il faudrait En définitive, la force de la Centrale syndicale est
“ d’ailleurs réviser en l’absence de fruits de crois- devenue vraisemblablement une tare pour notre
économiques
sance à répartir), la Centrale syndicale devrait pays, ce qui risque de prolonger l’atonie écono-
et sociaux.
exploiter son enracinement dans le terrain social mique et bloquer à jamais toute réforme structu-
pour focaliser ses actions sur la gestion du social : relle. n
La politique monétaire
ne peut rien faire de plus Par Mohamed Ben Naceur
C
onsciente des enjeux et des défis de l’éco- phoser en crise sociale. Les taux d’intérêt réels de-
nomie tunisienne, la Banque centrale de meurent encore en zone négative et les opérateurs
Tunisie (BCT) tente tant que faire se peut vont continuer à cumuler des devises plutôt que
d’atténuer l’ampleur de la crise qui sévit dans le de garder des dinars dont la valeur baisse de jour
pays. La BCT a relevé le 17 mai dernier son taux en jour. Augmenter encore le taux d’intérêt serait
d’intérêt directeur de 75 points de base, le faisant
passer de 6,25% à 7%, pour lutter contre l’in-
une décision trop risquée et certainement impopu-
laire, mais que faire ? La BCT a essayé à travers
“
Plus les jours
passent, plus
flation élevée. La BCT est bien convaincue que son communiqué d’attirer l’attention du gouver-
cette décision demeure très insuffisante face à la nement sur la gravité de la situation et surtout sur la situation se
gravité de la crise et surtout en l’absence d’autres la nécessité d’entamer des réformes économiques complique.
réformes économiques. D’ailleurs, la BCT s’est profondes. Malheureusement, les ministres char- L’objectif n’est
déclarée profondément préoccupée par la forte gés des dossiers économiques ignorent totalement pas de semer
hausse de l’inflation et a appelé à des réformes l’appel de la BCT et font comme si de rien n’était. la panique,
économiques dans les plus brefs délais pour res- Pis encore, au moment où le gouvernement dit loin de là, mais
taurer la croissance économique afin d’assurer avoir bien avancé dans le programme de réformes plutôt de tirer
la stabilité macroéconomique et la viabilité de la avec le FMI, le président de la République lance la sonnette
dette publique. Rappelons que l’inflation a atteint un dialogue économique et social. Une telle confi- d’alarme sur
7,5% en avril, contre 7,2% en mars et 7% en fé- guration met toutes les institutions financières “
cette dure
vrier (voir graphique). nationales (y compris la BCT) et internationale
réalité.
Entre les lignes du communiqué de la BCT, on (y compris le FMI) dans une situation totalement
comprend qu’elle ne veut pas assumer toute seule confuse.
l’échec du gouvernement qui pourrait se métamor- A cela s’ajoute le nouveau plan de développement
2023-2025 que le ministère de l’Economie et de une part de responsabilité mais c’est plutôt au
la planification est en train de préparer. En effet, gouvernement et plus particulièrement aux char-
d’ici quelques mois, nous aurons affaire à trois gés des dossiers économiques d’assumer leur
documents stratégiques pour une petite économie pleine responsabilité. Les prochains mois seront
dont le PIB ne dépasse pas 30 milliards de dollars. certes très difficiles et les mines sociales peuvent
La ministre des Finances indique que le gouverne- exploser de toutes parts. Bien qu’étant économi-
ment est en train de formuler une réforme fiscale. quement nécessaire, une nouvelle hausse du taux
Cependant, le gouvernement, à court d’idées et d’intérêt pourrait avoir des conséquences non
de ressources, vient d’annoncer que certaines for- maîtrisables.
mules administratives doivent être acquittées d’un Les difficultés financières et budgétaires que subit
timbre fiscal. Encore du replâtrage ! l’économie tunisienne ont contraint la Banque
L’économie tunisienne a besoin de stimulus mo- centrale de monétiser, d’une manière indirecte,
nétaire et budgétaire. Malheureusement, face à une large partie du déficit budgétaire. Faute d’ac-
une inflation galopante, la BCT ne peut que mener cord avec le FMI et à cause de la réticence des
une politique monétaire restrictive. Du côté bud- bailleurs de fonds, ce type de financement devrait
gétaire, l’incapacité de mobiliser des fonds exige- se poursuivre dans les prochains mois et même les
ra des coupes budgétaires défavorisant la crois- prochaines années. La gestion actuelle des affaires
sance. De ce point de vue, il est urgent de trouver économiques ne semble pas rassurante, ni aux
des alternatives audacieuses et innovantes pour yeux des acteurs étrangers (bailleurs de fonds et
relancer une économie à genoux. Ce n’est plus investisseurs institutionnels), ni auprès des acteurs
un mythe mais désormais une triste réalité. La locaux (les investisseurs nationaux, les acteurs so-
crise économique a presque atteint un sommet ciaux, etc.). Cette situation d’attentisme est alar-
et la Tunisie rencontre de grandes difficultés à ho- mante. Dans une telle configuration, l’inflation ne
norer ses engagements. Il y a quelques jours, les peut qu’augmenter et les Tunisiens doivent s’at-
fonctionnaires se sont félicités d’avoir reçu leurs tendre à des temps où remplir son panier devient
salaires. En effet, les conséquences de la crise de plus en plus cher.
économique sont ressenties au quotidien par les Malheureusement, nous continuons à prendre du
citoyens du fait que le pays n’est plus en mesure plaisir à perdre un temps précieux dans des débats
de garantir un service public non pas de qualité inutiles alors que la pauvreté s’étend partout dans
mais de base. le pays avec toutes les conséquences que l’on peut
Plus les jours passent, plus la situation se com- imaginer. Aujourd’hui, le temps presse et nous de-
plique. L’objectif n’est pas de semer la panique, vons surtout nous unir pour sauver une économie
loin de là, mais plutôt de tirer la sonnette d’alarme à la dérive. Ceci conditionne notre avenir et celui
sur cette dure réalité. La BCT semble assumer de nos enfants.n
Économie
S
elon les informations dont nous disposons, la
production est actuellement d’environ 4 millions
de tonnes contre 2,7 millions de tonnes, de jan-
vier à octobre 2021 et 8 millions de tonnes en 2010.
Bien qu’étant en deçà des prévisions et des estima-
tions, ce chiffre (4 millions de tonnes) demeure pro-
metteur surtout avec la progression de 90% du rythme
de la production des phosphates et la reprise de l’ex- questions comme les recrutements massifs, notamment
portation, pour la première fois depuis 2011, vers bon ceux qui ont eu lieu dans les sociétés de l’environne-
nombre de pays. ment qui ont fortement impacté le coût de la produc-
Au cours des cinq premiers mois de l’année 2022, la tion. Il faut trouver un accord permettant de négocier
production journalière de la CPG a atteint près de 15 les recrutements superflus et qui n’ont pour objectif
mille tonnes et au total, le rythme de la production a re- que d’instaurer le calme et éviter une fragmentation
pris à 90% et ce, malgré l’interruption de l’activité dans de la société. Aujourd’hui, nous avons besoin, plus que
les régions de Om Laârayes et Redeyef. La reprise de jamais, d’un recrutement basé sur la compétence et la
la production a été, en effet, constatée depuis le début rentabilité afin de permettre à l’entreprise de continuer
de l’année en cours lorsque d’importantes quantités de ses activités même en période de crise », a-t-il assuré.
phosphate commercial ont été exportées vers la France Dans une intervention récente sur une radio privée,
et la Turquie et que la CPG s’apprêtait à exporter près l’expert économique Houcine Rhili, a souligné que
de 50 mille tonnes, avant la fin du mois de mai dernier, l’accélération du rythme de production de la CPG a
vers des clients en France, au Brésil et en Turquie. De permis de couvrir tous les besoins du Groupe chimique,
nouveaux marchés s’ouvriront bientôt tels la Belgique, qui dispose d’une réserve de 9 mois et ne sera pas obli-
le Pakistan, la Lituanie et l’Indonésie. La bonne nou- gé d’importer du phosphate.
velle est que la reprise de l’exportation du phosphate et Rhili a souligné que la reprise de la ligne ferroviaire
l’augmentation des demandes provenant de plusieurs reliant Redayef et Om Laaârayes, suspendue depuis
pays du monde coïncident avec la hausse des prix en la 2017, a permis de transporter de grandes quantités de
matière à l’échelle internationale, ce qui pourra chan- phosphate. « Tous ces facteurs ont permis de constituer
ger la donne et réajuster les équilibres d’un secteur pé- une réserve considérable pour la CPG et de relancer
nalisé depuis longtemps. l’exportation du phosphate commercial, après une
rupture de 10 ans, notamment vers la France, l’Alle-
« Il faut en profiter » magne, le Canada et vers d’autres marchés asiatiques,
Wissem Heni, directeur de l’Institut de gouvernance dans la mesure où le phosphate tunisien peut être di-
des ressources naturelles en Tunisie a fait remarquer rectement exploité sans avoir besoin d’être transfor-
dans son entretien avec Réalités que l’accélération du mé», a-t-il encore dit.
rythme de la production et de l’exportation du phos-
phate est un bon indicateur de l’amélioration du climat Des enjeux importants et multidimensionnels
des affaires en Tunisie, notamment à la CPG et au bas- Dans son rapport publié à la fin du mois de mai 2022,
sin minier, appelant ainsi à profiter de cette reprise pour l’Institut de gouvernance des ressources naturelles en
réaliser des bénéfices et un résultat comptable positif. Tunisie (NRGI) a noté que le secteur du phosphate et
Selon ses déclarations, la région de Gafsa doit collabo- dérivés connaît une grave crise qui a touché la région
rer avec la société civile pour diversifier ses sources de
revenus et ne pas se concentrer seulement sur le phos-
phate et le bassin minier. Il faut aussi, selon lui, accor- Houcine Rhili :
der de l’importance aux idées de projets portées par les
jeunes chômeurs de la région. « Ces projets peuvent
changer la donne et contribuer à la diversification des
activités économiques dans cette région. Il est vrai
qu’il y a le problème du financement, mais la CPG
pourrait participer à cet effort en collaboration avec
“ L’accélération
du rythme de
la société civile. Il faut aussi profiter de cette reprise production de
afin d’alléger la charge sur la CPG qui ne pourra plus
supporter le fardeau des recrutements anarchiques et la CPG a permis
non étudiés qui ont eu lieu », a-t-il encore dit. de couvrir tous
Le directeur du NRGI a par ailleurs appelé à priori-
ser l’amélioration du climat social dans la région afin
d’éviter l’arrêt de la production et trouver des solutions
les besoins du
Groupe chimique.
“
aux sit-ins dans les sites de production : « La société ci-
vile pourra avoir un rôle très important dans plusieurs
“
plus de 50 ans, faisant toutefois remarquer que la situa-
tion s’est encore détériorée au cours des 12 dernières
années et que ses conséquences seront très lourdes sur « La région de Gafsa
l’économie nationale, le développement de la région et doit collaborer avec
la vie du citoyen.
Cette situation, selon le NRGI, est liée aux choix poli- la société civile pour
tiques, à la gouvernance et aux plans de développement diversifier ses sources
du pays.
L’étude a en outre souligné que malgré la crise et les de revenus et ne
perturbations, le secteur des phosphates recèle des en- pas se concentrer
jeux importants et multidimensionnels qui ont des ré-
percussions inévitables sur la sécurité, la stabilité, l’en- seulement sur le
vironnement, la santé, le développement économique
et humain, les citoyens, les travailleurs et les zones de
phosphate et le
“
production. « C’est un secteur mondialisé et confronté bassin minier ».
à des enjeux liés à ses usages dépassant l’échelle natio-
nale pour s’étendre au niveau international. Aussi, la gouvernance dans le secteur, basée sur une vision glo-
bonne gestion et la rationalisation de la gouvernance bale pour le développement du secteur des phosphates
ont une répercussion directe sur l’amélioration de la et de la région en général.
rentabilité, la pérennité des institutions et le dévelop-
pement du pays », souligne l’étude. Appel à une révision totale du code minier
Dans le même ordre d’idées, le NRGI a relevé que le Cette vision doit s’articuler autour de la restructuration
secteur des phosphates, avec la contribution du Groupe du secteur du phosphate qui donne plus d’importance
chimique et de la CPG, joue un rôle important dans aux centres de production et tout en développant le
le développement économique du pays et le dévelop- contrôle interne et externe et la promotion de la forma-
pement régional, notamment à Gabès, Gafsa et Sfax. tion qui garantira un bon suivi des projets.
Mais ce rôle nécessite une révision radicale de la gou- L’étude a aussi appelé à une révision totale du code
vernance interne des institutions et de leur rôle écono- minier tout en intégrant les règles de la bonne gouver-
mique et social dans la région, notamment en ce qui nance et de la transparence.
concerne les entreprises environnementales. Il faut également publier les données et les contrats liés
au secteur minier pour garantir plus de transparence
480 MDT de pertes en 2019 dans le secteur, améliorer l’indice de gouvernance des
Parlant chiffres, l’étude a annoncé que les pertes finan- ressources naturelles, rejoindre l’Initiative mondiale
cières de la CPG pour l’année 2019 sont estimées à 480 pour la transparence dans les industries extractives et
MDT tandis que le coût de la production a été multiplié activer l’accord-cadre avec l’instance nationale de lutte
par 4,61 fois en 10 ans. contre la corruption. Il faut aussi faire preuve d’une plus
Les sept sociétés environnementales liées à l’extrac- grande efficacité dans le développement régional, une
tion et à la transformation des phosphates (Métlaoui, gouvernance plus efficace des projets économiques et
Om Laârayes, Redeyef, Mdhila, Gafsa, Gabès et Sfax) sociaux, une intégration des entreprises environnemen-
emploient 12200 ouvriers, avec une masse salariale es- tales dans le cycle économique et l’instauration d’un
timée à 87,460 MDT pour la CPG, 82,622 MDT pour environnement sain et propre.
le Groupe chimique et 28 601 MDT pour la Société Dépasser la crise dans la région de Gafsa exige aussi
tunisienne des activités pétrolières (ETAP). une vision globale pour chaque entité de production
Il a été en fait expliqué que la baisse de la production incluant toutes les délégations. Cette vision doit se
du phosphate est due à plusieurs raisons internes et reposer sur un équilibre de 3 dimensions : environne-
externes liées à l’environnement dans lequel opère la mentale (préserver la biodiversité, les ressources na-
société, notamment la gouvernance, la dégradation de turelles et les espaces agricoles, améliorer la qualité
l’état du matériel et de la flotte ferroviaire, les recru- de l’air et économiser l›eau), économique (créer de la
tements massifs et inutiles, la situation du développe- richesse et diversifier l’économie en développant des
ment dans la région et la détérioration des conditions partenariats, en assurant le transport et en améliorant
sociales, notamment celles liées aux services publics les conditions matérielles de vie) et sociale (répondre
de base ( manque d’eau potable dans certaines zones aux besoins en matière de santé, de développement,
du bassin minier, protestations et sit-ins) qui continuent d’éducation, d’offre de logements, de création
à exiger développement et emploi. d’emplois décents et de développement des activités
Comme solution, le NRGI a proposé une meilleure culturelles et artistiques). n
M
anifestement les informations statis- cile, marqué par une reprise encore balbutiante et
tiques relatives au chômage sont vrai- d’un appareil productif encore timoré des traces
semblablement les plus suivies par les de deux années de crise sanitaire due au corona-
différents acteurs économiques et sociaux, par les virus.
médias et par l’opinion publique d’une manière Comment dans ces conditions difficiles peut-on
générale. concevoir que le nombre des chômeurs sous nos
A leur tête vient le taux du chômage qui reste un cieux ait reculé à 653.200 personnes au terme du
indicateur de choix pour informer sur la situation mois de mars dernier, contre 673.500 à fin dé-
du marché du travail et surtout pour mettre en cembre dernier et 762.600 personnes à la fin du
relief les lacunes des politiques économiques. Il troisième trimestre de l’année écoulée alors que
traduit en fait l’incapacité de l’économie à créer nombre de PME croulent sous le fardeau des diffi-
suffisamment de postes d’emploi pour les indivi- cultés financières et commerciales et dont un bon
dus qui veulent bien travailler. nombre a été contraint de mettre la clef sous la
Ainsi, la récente diffusion par l’INS (Institut na- porte ?
tional de la statistique) du taux d’inclusion de la L’information statistique économique et sociale se
main d’œuvre dans nos contrées estimé à 16,1% doit donc d’être reconnue comme neutre et surtout
à la fin du premier trimestre de cette année, alors fiable par tous les récepteurs et utilisateurs et ce,
qu’il était à 18,4% au terme du troisième trimestre quels que soient leurs intérêts ou convictions, car
2021 n’est pas passé inaperçue et a suscité nombre si jamais elle est contestée ou qu’elle fasse l’objet
d’interrogations par les observateurs avertis, sur- d’un scepticisme alors elle pourrait perdre de sa
tout que le contexte économique est toujours diffi- valeur.
“
Il y a lieu de
souligner la
assez proche de la réalité, loin de là.
A titre d’illustration et d’après la définition du BIT
(Bureau international du travail), un chômeur se-
contraintes budgétaires serrées.
Il va sans dire qu’elle est loin de nous l’idée de
mettre en jeu la déontologie professionnelle des
nécessité de rait une personne en âge de travailler, sans emploi, statisticiens de notre institut national, ni de son
développer qui n’a pas travaillé ne serait-ce qu’une heure du- indépendance ni encore de la transparence de ses
les outils rant la semaine de référence précédant l’enquête, procédures, surtout que l’INS en tant qu’adminis-
statistiques qui reste disponible pour accepter un emploi dans tration publique riche d’une longue expérience et
pour un meilleur les jours suivants et qui cherche activement un d’un savoir-faire internationalement reconnu reste
emploi ou qui déclare en avoir trouvé un qui com- un pilier du système statistique national et une
traitement des
mence ultérieurement. référence incontournable dans la production des
données et donc
Cette définition assez complexe de l’organisme statistiques économique et sociale à l’échelle du
de meilleures international rend difficile l’interprétation dans les continent.
garanties “ faits du statut du chômeur et pourrait ainsi biaiser Parce que l’information statistique économique
visibles. les statistiques du chômage et ce, même d’une ma- et sociale joue un rôle majeur dans l’éclairage du
nière intentionnelle. débat public et dans les décisions des acteurs éco-
nomiques et sociaux publics et privés et vu son
Des efforts restent à faire pour booster utilisation croissante par les médias et par les dif-
la fiabilité des statistiques férents réseaux sociaux qu’il faudra lui accorder
Ensuite, la seconde question est comment mieux l’importance requise et surtout mettre les moyens
mesurer ce taux pour approcher la réalité écono- nécessaires pour en garantir la fiabilité, la neutra-
mique et sociale ? lité et la pertinence. n
Monoprix
Prolongation du délai
de dépôt des candidatures
Le délai de dépôt des candidatures au poste d’admi-
nistrateur représentant les actionnaires minoritaires au
Conseil d’administration de la Société nouvelle maison
de la ville de Tunis «SNMVT Monoprix», initialement
prévu pour le 30 mai 2022 est prolongé au jeudi 30 juin
2022 à 17 heures alors que les autres dispositions pré-
vues à l’annonce du 06/5/2022 restent inchangées.
SOTIPAPIER
Les actions nouvelles sont désormais
négociables en bourse
La société « SOTIPAPIER » a annoncé que l’augmentation de son capital en numé-
raire d’un montant de 264.243,250 dinars, réservée au management de la société,
telle que décidée par l’Assemblée générale extraordinaire (AGE) du 8 juin 2021 a été
réalisée et ce, par l’émission de 242.425 actions nouvelles souscrites en numéraire au
prix de 3,300 dinars chacune, dont 1,090 dinar de nominal et 2,210 dinars de prime
d’émission, et libérées intégralement à la souscription.
Le capital social de la société «SOTIPAPIER» est ainsi porté à 30.720.659,190 dinars
divisé en 28.184.091 actions de nominal 1,090 dinar chacune.
A partir du vendredi 27 mai 2022, les 242 425 actions nouvelles souscrites seront
admises et négociables en bourse sur la même ligne de cotation que les actions an-
ciennes auxquelles elles seront assimilées.
ARTES
Forte augmentation du RN
en 2021
Le Conseil d’administration de la Société automobile réseau tunisien et
services ARTES SA, réuni le mardi 10 mai 2022 a examiné le rapport
d’activité de la société et a arrêté les états financiers relatifs à l’exercice
clos au 31 décembre 2021 qui font ressortir un résultat net de 40.022
MDT en 2021 contre 22.754 MDT en 2020, soit une augmentation de
75.89%.
Lors de cette réunion, le Conseil d’Administration a ainsi décidé de
proposer à l’Assemblée générale ordinaire la distribution d’un divi-
dende de 0,800 dinar par action et de convoquer l’Assemblée générale
ordinaire à la date exacte ultérieurement.
SOTUVER
Augmentation de capital annoncée
Le Conseil d’administration de la Socié- nars, d’une partie des primes d’émissions
té tunisienne de verreries SOTUVER, d’un montant 17 115,933 dinars
réuni le mercredi 25 mai 2022 a déci- Les 6 039 150 actions nouvelles nomi-
dé de proposer à l’Assemblée générale natives gratuites d’une valeur nominale
ordinaire (AGO) l’augmentation du d’un dinar (1 DT) chacune seront répar-
capital d’un montant de 6039150 dinars ties entre les anciens actionnaires à raison
par incorporation des réserves spéciales de deux (2) actions nouvelles gratuites fixée à partir du 1er janvier 2023.
d’investissement qui ont été constituées en pour onze (11) actions anciennes. Le ca- Le Conseil d’administration a également
vertu des dispositions de l’article 24 de la pital social passe de 33215325 dinars à décidé de proposer à l’Assemblée géné-
loi de Finances pour la gestion de l’année 39254475 dinars. rale ordinaire la distribution d’un divi-
2019 d’un montant de 6022034,067 di- La jouissance des actions nouvelles est dende de 0,400 dinar par action.
C’
est aux urgences de l’hôpital La Rabta qu’a eu lieu té civile et plusieurs associations essaient de maintenir à flot
le 25 mai 2022 à 11h30 du matin une action visant un équilibre pour nos services de santé et ce, par leurs propres
à combler un vide et non des moindres. Non, c’est moyens. Dans un pays où un des piliers du développement bat
loin d’être une goutte dans la mer. Cette action, si bien menée de l’aile, les plus courageux ne reculent devant rien afin d’aider,
par Rotary Clubs La Marsa Plage dont la présidente est Mme de soutenir et de préserver un minimum de dignité à ceux qui
Zmerli avec l’initiative de Mme Raja Ben Amor, présidente de en ont besoin. Un invité de marque, Lamine Nahdi, parrain de
la commission Santé, est grandiose, car elle consiste en l’apport cette action assistera et soutiendra grâce à sa notoriété et à sa
d’un matériel essentiel à ce service, un matériel qui a bel et bien longue carrière d’artiste cette noble action. Sauver des vies est
été volé, car tout est de nos jours possible. Cet appareil si pré- plus qu’une vocation, un sacerdoce, car les oubliés du système
cieux n’est autre qu’un défibrillateur indispensable à la sauve- ont besoin de gestes qui peuvent paraître anodins mais qui sont
garde des vies dans ce service ô combien nécessiteux. Le constat en fait grandioses de par leur portée. D’autres actions suivront
est flagrant, plusieurs appareils sont défectueux voire inexistants car nous sommes présents et nous continuerons à l’être.
dans la plupart de nos services de santé. Chaque jour, la socié- M.B.S.
“ Men ”
6 juin cinéma Le Colisée
Le dernier long-métrage de science-fiction “Men” d’Alex Garland sera dans les salles à
partir du 8 juin. Le public du cinéma Le Colisée pourra assister à ce film d’1h40 inter-
prété par Jessie Buckley, Rory Kinnear et Paapa Essiedu.
Synopsis :
Après une tragédie personnelle, Harper (Jessie Buckley) se retire seule dans la belle
campagne anglaise, espérant trouver un endroit pour se rétablir. Mais quelqu’un ou
quelque chose dans les bois environnants semble la traquer. Ce qui n’est au départ
qu’une crainte latente devient un cauchemar total, hanté par ses souvenirs et ses peurs
les plus sombres.
Musique
“ Mega Fiesta Latina ”
Du 2 au 9 juin au Ribat de Monastir
A l’occasion du 5e anniversaire du festival “Cuba In Tu-
nisia” qui se déroule du 2 au 9 juin au Ribat de Monastir,
l’Association “Cuba In Tunisia” organise en partenariat avec
“Voyages 2000” deux concerts exclusifs de deux géants de la
musique latine des groupes “El Nino Y La Verdad et “Pupy
Y Los Que Son”.
Le premier groupe qui vient de sortir son 4e album qui sera
présenté lors du concert du 3 juin, est considéré comme un
pilier de la musique cubaine actuelle.
Quant au deuxième groupe qui se produire le 7 juin sous la
direction du chef d’orchestre et compositeur Cesar ‘Pupy’ Pe-
drodo qui se distingue par son talent inégalable au piano, il est
un des groupes les plus prestigieux de la musique latine.
Plus de 1000 visiteurs issus de plus de 32 pays seront pré-
sents à ce rendez-vous sous le signe de la “fiesta” cubaine.
Théâtre
“Evasion”
4 juin au Théâtre municipal de Tunis
Le jeune Aziz Jebali se produira le 4 Pour ce, un casting est lancé pour
juin sur les planches du Théâtre mu- meubler cette planète, sous la super-
nicipal de Tunis. Il présentera sa der- vision d’un «expert en développe-
nière pièce théâtrale “Evasion”, un ment humain » !
monodrame qui traite des concepts Ce dernier démontre (avec humour)
philosophiques en rapport avec les causes de l’échec de vie sur Terre,
l’homme. présentant des alternatives de mo-
Présentation : dèles humains terriennes ayant réussi
La planète 2.0 ressemble à la Terre leurs vies car ils en ont totalement
sans sa bêtise et son antipathie. Mais zappé toute pensée de bonheur, la
vide de toute vie humaine ! cause de tout malheur !
Exposition
D
du premier vol d’Air France au départ de Paris-Orly
Magazine
Aventures de vacances
A
Par Alix Martin
cette époque, nous louions une petite maison à La dans leur tête, à côté de leur cerveau, ils ont des concrétions
Chebba au pied du mausolée du marabout Sidi Ab- de nacre avec lesquelles on confectionnait de très beaux
dallah ; la plage et la mer étaient nos terrains de jeux boutons de manchettes, entre autres petits bijoux. Le soleil
et souvent des amis venaient nous rejoindre. était près de se coucher à l’horizon derrière les collines, il
régnait en mer une lumière faible et glauque quand, devant
I- La peur des Parisiens nous, une énorme ombre gris foncé nous barra la route. Je
Un été, un ami parisien et ses trois enfants sont venus par- m’immobilisais avec les trois Parisiens collés contre mes
tager un moment de nos vacances. Ayant débarqué au port flancs. L’ombre grossit rapidement et 3 gros thons défilèrent
de la Goulette, ils avaient mis un temps certain à récupé- devant nous, à quelques mètres. Dos gris foncé, ventre ar-
rer leur auto, puis à arriver à la Chebba. L’auto à peine ar- genté, à petits coups de queue, ils avançaient rapidement.
rêtée, les maillots enfilés, bien que l’après-midi soit bien Leurs yeux m’ont paru énormes : 7 à 8 cm de diamètre, bien
avancé, les enfants avaient exigé que je les emmène à la que je sache parfaitement que la mer grossit beaucoup les
pêche sous-marine, malgré mes protestations. Nous nous objets immergés. Le temps de récupérer et un gamin m’a
sommes mis à l’eau au pied de la tour : Borj Khedija. Le demandé sachant que j’avais un gros fusil à air comprimé,
port de la Chebba n’existait pas encore. Nous avons nagé « Pourquoi tu n’as pas tiré » ? « Parce qu’un thon pareil
une centaine de mètres vers le large, vers une zone de ro- aurait emmené la flèche, le fusil et même le pêcheur » ! Au
chers peuplée de sars et de corbs noirs et dorés. Nous tirions retour, les enfants ont raconté leur aventure en se glorifiant
volontiers les plus gros, d’abord parce qu’ils sont délicieux de quelques petits sars et d’un corb dont ils ont voulu à tout
frits ou cuits dans la « marka sfaxiya », ensuite parce que prix garder les concrétions cervicales.
II- La pêche aux oursins piqûre est très douloureuse et venimeuse. On peut les manger
D’autres fois, nous allions ramasser, plus que pêcher, des our- dans la journée ou en faire des ragoûts après les avoir fait
sins. Vers Salacta, au nord de la Chebba, une zone de rochers sécher. On entaille la chair. On loge dans les entailles pour
était littéralement tapissée d’oursins. Chaussés de sandales en les maintenir ouvertes un morceau de roseau et on les expose
plastique, avec de l’eau jusqu’à mi-cuisse, armés d’une so- au soleil. En trois ou quatre jours d’été, elles sont bonnes à
lide fourchette, on ramassait les oursins qu’on mettait dans un manger. Parfois aussi, mais très rarement, on découvre sur le
couffin soutenu par une petite boule, traînée derrière nous. Il fond, entre les rochers, une « araignée de mer » semblable
y en avait beaucoup souvent mêlés à des débris d’amphores à un gros crabe, mais à la carapace triangulaire vers l’avant
antiques. Nous avons d’ailleurs réussi à récupérer une clo- et aux longues pattes. Elles n’ont pas de pinces comme les
che de bord datée de 1600 dans l’épave d’un bateau coulé crabes et peuvent être saisies sans crainte. Leur chair est dé-
près du littoral, qu’on avait repérée en distinguant sur le fond licieuse et très prisée en Atlantique. Le long de toutes les
la forme très incrustée de quelques canons recouverts par plages de sable, il faut se chausser pour ne pas être « piqué
la chaîne de l’ancre. Impossible de les dégager tant ils » par les « Vives ». Leur première nageoire dorsale a 3 «
étaient « soudés » par les alluvions et les concrétions qui les épines » reliées à une glande à venin située à leur base. Leur
couvraient. La fourchette était destinée à décrocher les oursins venin est encore efficace même mortes à la cuisine. Elles
de leur logement creusé dans les rochers et à capturer de petits se recouvrent de sable pour se cacher et chassent à l’affût.
poulpes dissimulés dans les anfractuosités. Les petits graviers Malheur au baigneur pieds nus. Il faut souvent le conduire
accumulés devant leur repaire les dénonçaient autant que la à l’hôpital pour lui injecter un tonicardiaque ! La zone pi-
tentacule traînant devant leur trou. Pour les capturer, on enlevait quée restera douloureuse des mois durant, mais leur chair
les graviers puis on piquait violemment le poulpe caché dans le très ferme est délicieuse, surtout à la « Tahitienne » : les fi-
trou. Après avoir piqué plusieurs fois, agité la fourchette à diffé- lets sont immergés dans une sauce faite d’huile et de jus de
rentes reprises, le poulpe consentait à sortir. Nous le saisissions citron avec des rondelles d’oignon et de citron, salée et bien
aussitôt et lui retournions la « calotte » malgré ses tentacules poivrée. Presque tous les poissons, même les sardines et les
qui agrippaient nos bras. Il rejoignait les oursins dans le panier. maquereaux peuvent être préparés ainsi et « cuits », bons à
Le soir, ils étaient cuits et mangés en entrée, délicieux ! manger en quelques heures ou une journée.
Apprenez à vos enfants à prendre les petites « Soles » au bord
III- Les poissons de l’eau, dissimulées dans le sable à l’exception de leurs yeux.
D’autres fois, nous faisions la chasse aux « Saupes (Chel- Un petit flacon rempli d’huile pendu à la taille, avec une plume
ba) » généralement gris argent avec le dos et les flancs ornés dedans. Secouez la plume : la mer « se lisse » et vous voyez par-
de bandes dorées. Elles se déplacent en bandes nombreuses faitement le fond. Avec une tige de fer, vous piquez la sole en
et semblent très curieuses. Quand on a repéré une bande dans corrigeant l’erreur commise par la réfraction. On en fait des
80 cm à un mètre de profondeur, on remue le sable du fond fritures délicieuses en été !
avec la pointe de la flèche, puis on se laisse couler immobile, Vous voyez, on peut s’occuper et occuper sans risque les enfants
plaqué au fond. Les Saupes arrivent et tournent autour du au bord d’une plage avec un matériel peu onéreux. Non seu-
petit nuage de sable. Il n’est plus que de choisir l’une des lement ils sont occupés mais ils seront ravis, vous aussi, de
plus grosses. Le banc de Saupes s’enfuit à 30-40 m. On dé- faire cuire et de manger leurs prises et il n’est pratiquement pas
croche le poisson tué et on recommence à gratter le sable. nécessaire de les surveiller.
Les Saupes reviennent ! Même s’il est dit que leur chair est Après avoir constaté que l’avant de la voiture avait perdu
médiocre, fraîchement pêchées et frites, elles nous ont sa- sa peinture, « sablé » jusqu’au métal par le vent de sable et
tisfaits après une sortie qui aurait été bredouille. Les petits qu’il nous faudrait changer le pare-brise tout « piqueté » et
« Sars », avec une tache noire à la queue ou bien 2 taches: les verres des phares, nous sommes repartis par l’ancienne
une derrière la tête et une à la queue ou encore ceux qui ont 5 piste du Nord-Est menant d’abord à Ksar Tarcine, ancien
à 6 bandes gris foncé verticales sur le corps, sont souvent so- poste militaire romain, puis aux « ghorfa » de Béni Khe-
litaires sur les rochers. Ils vivent en bandes, mais sont beau- dache et à Medenine où nous avons retrouvé la grande
coup plus méfiants. Dès le premier coup de fusil, même s’il route N° l qui longe le littoral. Nous avions eu notre
n’a touché aucun poisson, ils disparaissent dans les fentes « compte » d’aventures dans le Sud ! Je dois avouer qu’à
des rochers à toute allure, et on ne les revoit plus pendant un Medenine, à l’hôtel, quand je me suis déshabillé pour me
grand moment. Ils restent méfiants plusieurs jours. doucher, j’ai laissé sur le carrelage deux minuscules tas de
Il arrive quelquefois qu’on capture une petite « raie Paste- sable rouge à mes pieds, alors que j’avais bien secoué mes
nague ». Attention à « l’aiguillon » au-dessus de sa queue. Sa vêtements à Ksar Ghilane ! n
Depuis plusieurs années, vous avez pris vos distances rique. Car, il faut préciser que durant la même saison, nous
par rapport à votre club de toujours, le SRS. Pourquoi ? ratons de peu le doublé. En finale de la coupe de Tunisie,
Les pratiques actuelles et l’état d’esprit ne sont plus ceux sur nous ne cédons qu’au bout des prolongations (3-2) face au
lesquels nous avons été éduqués au SRS. Mon club a été relé- grand CA. Nous aurons toutefois montré de la sorte la voie à
gué, en grande partie parce qu’on en a fait un tremplin. Il y a notre voisin, le Club Sportif Sfaxien qui sera sacré la saison
des valeurs sur lesquelles nous ne sommes pas prêts à céder, d’après, alors que nous avons pointé au quatrième rang.
mon frère Nouri et moi. Je me rappelle qu’en 1978, alors
que je figurais en tant qu’assistant dans le staff technique, Justement, cette finale passée à la postérité continue,
nous avons effectué un stage à Sousse où nous avons livré un plus d’un demi-siècle plus tard, d’alimenter la polé-
match amical à l’Etoile. Nous étions 18 personnes en tout et mique...
pour tout, entre joueurs, dirigeants, staff technique... En par- Au cinéma, dans les actualités de l’époque, on montrait le
tant, un de nos responsables a demandé aux gens de l’hôtel premier but clubiste sur corner direct, oeuvre du défunt Be-
de «facturer» nos dépenses pour 25 personnes. J’étais en co- chir Kekli «Gattous» accompagné de ce commentaire: «But
lère et j’ai demandé à partir. Dans l’état de déliquescence où ou pas but ? A vous de juger!». Le regretté Abdelmajid Ka-
il était tombé, avec qui pourrais-je travailler au SRS, surtout roui, notre gardien, tenait le cuir devant la ligne de but, pas
qu’on refuse nos conseils ? Ou tout simplement un avis, un derrière. Ensuite, un but a été refusé en pleines prolongations
autre son de cloche ? à notre attaquant international Ezeddine Chakroun, celui du
3-2. Le ballon était passé entre Attouga et le poteau pour
Parlez-nous de votre ascension fulgurante en 1967-68 heurter la barre métallique de l’intérieur de la cage avant
au firmament du football national d’en ressortir. Bousarsar, qui était juste devant Attouga, au-
Tout commence en 1963-1964 lorsque le SRS accède parmi rait d’ailleurs pu rabattre le cuir dans les filets, mais, fou de
l’élite. De suite, sous la conduite du Hongrois André Nagy, il joie, il criait déjà: «Il y est». Il ne pensait pas un seul instant
témoigne d’une rare régularité: cinquième, deux fois septième, qu’il lui était nécessaire de pousser le ballon dans les filets, et
puis, en 1966-1967, deuxième ex aequo avec le ST et l’ESS. ne croyait pas que l’arbitre, Haj Hedi Zarrouk, allait deman-
L’année suivante, dans le droit fil de cette progression inarrê- der de continuer à jouer. Après l’heure de jeu, nous avons
table, le Hongrois Laszlo Balogh, qui relève Nagy, remporte mieux joué malgré notre infériorité numérique suite à l’ex-
le championnat avec la meilleure attaque (29 buts) et la meil- pulsion de Nafzaoui, réussissant à revenir au score de (2-0)
leure défense (11 buts encaissés). Le SRS devance le CA de 4 à (2-2) grâce à notre forte personnalité. Mais il faut croire
longueurs, mettant le ST à 9 points, et l’ESS et le CSS à 10 ! qu’en face, il y avait un très bel ensemble composé de grands
champions: Attouga, Chaibi, Rahmouni, Jedidi, Chaâoua...
Le match de la dernière journée a été décisif... Le SRS sortait la tête haute malgré les décisions de Zarrouk.
Oui, il nous opposait à notre dauphin et principal rival, le
Club Africain que nous avons battu (2-1) grâce à un doublé Et sur un plan personnel, comment avez-vous vécu
d’Amor Madhi. L’arbitre était Hamadi Barka dont je garde cette finale ?
un souvenir impérissable. En effet, il aurait dû ce jour-là Je crois avoir livré mon meilleur match. Je m’étais démultiplié
m’expulser, moi et Ahmed Bouajila qui m’a craché à la fi- pour parer à la blessure de deux joueurs de notre milieu de ter-
gure. Ma réaction a été spontanée, je l’ai giflé. Barka est venu rain. Sans m’en rendre compte, Habib Bousarsar, dont l’arcade
vers moi: «Hafsi, attention, vous avez la finale de la coupe de a été ouverte dans un rude contact, a été transporté à l’hôpital
Tunisie la semaine prochaine», me lança-t-il. Sans sa magna- afin qu’on lui mette trois points de suture. En ce temps-là, il
nimité, je n’aurais sans doute pas pu jouer cette finale histo- n’ y avait pas de médecin avec chaque équipe, tout juste un
En suivant une carrière de footballeur, n’avez-vous ce club. La clé de sa stratégie, c’est le poste de pivot, juste-
pas été contrarié par l’hostilité de votre famille ? ment celui que j’occupais. Malheureusement, mon père m’a
Non. Tout simplement parce que je descends d’une famille interdit d’y aller. Il disait que les EU, c’est le bout du monde,
sportive. D’abord, mon père Hassen a joué à la Jeunesse que si c’était en France, en Italie ou en Espagne, il m’aurait
Olympique de Sfax, tout comme mon oncle. Je dois signaler laissé partir. De plus, j’étais l’aîné de la famille, et j’aidais
que Mohamed Najjar et Taoufik Ben Slama ont également financièrement mon père. Dans la famille, nous étions cinq
porté les couleurs de ce petit club, la JOS. De son côté, ma garçons et six filles. Après l’enseignement moyen, j’ai été
mère Jamila poussait des «youyous» de joie chaque fois que orienté vers la filière technique, à Metlaoui où j’ai fait trois
le SRS l’emportait. Il ne faut pas oublier non plus que je ans. La Compagnie des phosphates et des chemins de fer de
compte un frère cadet, Nouri, qui a joué au SRS, et a même Sfax-Gafsa a ouvert un concours. Je l’ai passé par curiosité,
été convoqué en sélection nationale. sans en parler à mes parents, et je l’ai réussi. Et c’est par
l’intermédiaire de Si Kraïem, chef du service central et
Quel genre de rapport entreteniez-vous avec lui ? collègue de mon père à la Compagnie que mon paternel allait
J’ai entamé mon parcours de footballeur seniors alors que le découvrir le pot aux roses. Il m’a administré une correction
SRS végétait encore en D2. Le SRS représentait une école du que je n’oublierai jamais. «Vous êtes admis à la SNCFT, et
football. J’ai emmené Nouri à Ceccaldi pour qu’il signe sa li- hésitez encore à rejoindre votre poste, hein ?», m’a-t-il lancé,
cence alors qu’il n’avait que 11 ans. J’ai sept ans de plus que furieux. Je lui ai répondu que je voulais continuer mes études.
lui. De 1969 à 1974, nous avons joué ensemble au SRS. Il Il m’a fermement ordonné d’intégrer la compagnie. Pourtant,
m’a même offert une fois la passe de mon but face au grand au SRS, nous faisions figure de professionnels avant l’heure.
ST d’Abdallah Trabelsi. Je l’ai couvé, lui servant de conseil-
ler et de petit entraîneur. D’ailleurs, Nouri était un grand Comment cela ?
passionné de foot comme en témoigne sa belle carrière. Il Elégamment habillés par notre club, nous disposions de notre
aurait même mérité d’aller plus loin encore tellement il était propre cantine, de notre dortoir, de notre moyen de trans-
en avance dans son registre de latéral offensif moderne. port particulier et de nos propres installations au Ceccaldi, y
compris une salle de projection pour l’observation et l’ana-
A quel poste avez-vous joué ? lyse des adversaires. Ailleurs, on nous enviait parce que nos
Au début, j’étais aligné par André Nagy comme défenseur moyens étaient quasiment ceux d’un club européen. En fait,
central. Constatant comment je réussissais mes sorties chaque nous devions cela au parrainage qui apportait au SRS tous les
fois où j’étais convoqué en sélection militaire au poste de fonds dont il avait besoin, ce qui le protégeait contre la fuite
pivot avec notre coach Lieutenant Slim, il a fini par se lais- des talents que l’on constate dans les associations dému-
ser convaincre que le mieux serait de m’aligner juste devant nies. Notre président légendaire Mokhtar Mhiri (1963-1984)
la défense. J’étais balayeur, couvrant toute l’arrière-garde. n’hésitait jamais à répondre aux sollicitations des joueurs.
Nagy était grand adepte du pressing, et il me fallait des ef- Ceux-ci étaient d’ailleurs systématiquement embauchés à la
forts surhumains pour me tirer d’affaire. SNCFT et à la société de transport du phosphate Sfax-Gaf-
sa. C’est ainsi que j’ai appartenu à la «Compagnie» à partir
Le joueur le plus dangereux auquel vous avez eu af-
de 1961 jusqu’en 2001 lorsque j’ai pris ma retraite. J’étais
faire ?
ajusteur-mécanicien, terminant mon parcours professionnel
Incontestablement, l’attaquant du Club Tunisien (actuel
comme contremaître.
CSS), Mongi Dalhoum.
Vous avez fait partie de la sélection militaire, celle de
la Police, des Cheminots et de la sélection régionale de
Sfax, mais jamais de l’équipe nationale «A»...
Je demeure convaincu que l’on ne m’a jamais donné une
chance. Certes, Mohamed Zouaoui (ESS), Ali Graja (CSS)
ou Ferid Laâroussi (US Maghrébine) étaient de grands
joueurs. Je ne me considérais pas pour autant inférieur à ces
titulaires du poste en sélection. En sélection militaire, j’ai
joué en couverture de Mghirbi et Ajel, les deux grosses poin-
tures du Stade Tunisien.
N’avez-vous jamais été tenté par une carrière profes-
sionnelle ?
En 1968, Nagy était rentré des Etats-Unis où il entraînait les H.H. (premier à droite accroupi) en capitaine du SRS
Detroit Cougars. Il m’a proposé d’aller aux States renforcer mythique des années 1960-70
B
ourguiba et Kateb Yacine prennent appui sur la culture française pour lutter contre le cy-
nisme du colonialisme. De même, des pays subsahariens perçoivent la guerre ukrainienne
à travers leur position prise contre l’impérialisme.
D’ici, je les vois emboîter le pas à la Tunisie et à l’Algérie pour dire ceci : Dans la foulée de « La
Reproduction », ouvrage percutant, Bourdieu et Passeron convieraient les « héritiers » des colons
à décoder leurs grimaces face à une glace. Ils y découvriraient le rictus arboré maintenant, par les
donneurs de leçons « qui fait le dégoûté montre qu’il se croit beau » écrivait Boileau.
En effet, sous le couvert de l’impératif parlementaire, la mise en œuvre de la manœuvre délétère
camperait la mafia et sa haine de Bourguiba au sommet de l’Etat, malgré ses dix années de sinistres
méfaits. Quant à Erdogan, le nostalgique de l’hégémonie ottomane, il réduit le peuple de Tunisie
à la communauté nahdhaouie.
Par cet abus de langage, antichambre du bavardage, l’adversaire de Kemal Ataturk tombe sous la
férule conceptuelle de Bourdieu lorsqu’il analyse « les usages du peuple ». Interviewé le 8 mars,
Tawfik Garfi, le buraliste, perçoit la façon dont Erdogan joue hors piste : « Il a rendu la Turquie
mère des jama3as chez lui, chez nous et partout ». Mais le coup de grâce viendra de Bourguiba par
sa distinction du mouhim et du aham, l’important et le plus important. La polysémie de l’énoncia-
tion surplombe l’espace et le temps. Appliquée à l’actualité, la formulation guide l’investigation.
Al mouhim désigne la forme parlementaire et Al aham cligne vers son contenu à refaire.
Le mot du leader exprime la dialectique du code et du codifié, entre autres problématiques à re-
pérer.
Ici et maintenant, à quoi sert un Parlement devenu le repère de truands ?
Cette vision bourguibienne, « sahl momtana3 », balaye d’un revers de main, l’impertinence de
l’arrogance européo-américaine d’allure hautaine et au plus haut point malsaine.
De quoi je me mêle ? !
A l’horizon de la juste indignation gravite l’étoile inaperçue du grand combattant. L’envergure de
Bourguiba provient de ce côté sous-analysé tant « il n’y a de science que de ce qui caché ». Cet
aspect crucial de sa personnalité récapitule et surplombe le champ événementiel souvent cité, où
figurent l’éducation généralisée, le contrôle des naissances ou le CSP. Cet homme d’exception in-
carne une conviction où fleure le marqueur d’une colossale mutation culturelle et civilisationnelle.
L’astre symbolisé par l’impressionnant militant éclaire le moment où un monde social passe la
main à un autre.
Je m’explique. Il s’agit de « la Grande Transformation » théorisée par Polanyi. Ce procès uni-
versel passe de l’amalgame des champs sociaux à leur distinction. Avant cet immense boulever-
sement, les multiples secteurs, fussent-ils politique, économique ou religieux, tous amalgamés,
forment un tout. Après, chacun de ces différents aspects tend à s’autonomiser. De là surgira la
séparation de l’Exécutif, du Législatif et du Judiciaire.
Par métaphore, disons que Bourguiba eut à voir avec le passage de l’ombre à la lumière. Un
exemple suffit à mieux faire comprendre ceci. De nos jours, les désœuvrés des villes et des cam-
pagnes tendent la main à l’Etat pour mendier le pain et l’emploi. Auparavant, autrement dit avant
la césure anthropologique, le monde nomadise, le paysan consomme sa production et l’oasien
escalade le palmier dattier. Après envers ce rapport structurel-conjoncturel où délibère le parle-
mentaire, Américains et Européens adoptent une attitude seigneuriale.
Mais à la barbe de l’islamisme arrimé à l’impérialisme, Bourguiba demeure le messager de la
modernité. n
L
es prix littéraires et artistiques provoquent problèmes des prix ne résident pas seulement dans
toujours une vague de réflexions, d’at- leur crédibilité, mais aussi dans leur nature. Plus
titudes et de réactions tellement contra- d’un prix a été dévié de son contexte et s’est trou-
dictoires et passionnelles qu’ils finissent par vé doté d’un miroir concave à dilater son volume.
être détournés de leurs objectifs essentiels et par Plus d’un prix a été également mal compris dans
être noyés dans des considérations personnelles son contenu et sa signification.
et subjectives. Lorsqu’il s’agit de sélectionner, Au début des années soixante-dix, le président
d’évaluer, d’émettre un jugement et de trancher, Bourguiba avait réuni l’élite de son équipe gou-
il n’est pas aisé de satisfaire tout le monde et de vernementale dont notamment le ministre de la
se mettre à l’abri d’éventuelles contestations. Culture et le grand écrivain Mahmoud Messaâ-
Pourtant, la logique inhérente à l’octroi des prix di. Il leur demanda de proposer l’un des écrivains
est bien claire : soit on joue le jeu et on y adhère, tunisiens pour le grand prix littéraire de l’État.
soit on la refuse complètement et on l’évacue de Ils étaient tous unanimes sur le grand roman-
notre horizon d’attente et de nos convoitises. cier Béchir Khrayef avec l’accord de Bourguiba
Les prix ne sont pas programmés dans les par- qui disait : «Cest le plus grand écrivain de son
cours des créateurs et il est impossible de prévoir époque». Mais très intelligent qu’il était, il se
le temps de leur obtention par ceux qui les mé- rendit compte de la gêne de Mahmoud Messaâ-
ritent ou ceux qui ne les méritent pas. Il est insen- di. Il prit, alors, soin de nuancer : «Je veux dire
sé, donc, de courir derrière les prix, d’en faire une précisément qu’il est l’un des grands écrivains de
fixation et d’accuser en même temps ceux qui en son époque et non pas le plus grand». Toutefois,
fixent le règlement et l’organisation de partialité Mahmoud Messaâdi ne se suffit pas de cette rec-
et d’arbitraire. Je me souviens, à cet égard, d’une tification présidentielle et dit : «Monsieur le pré-
remarque fort intelligente et subtile faite par le sident, ce prix honore l’ensemble des œuvres de
grand réalisateur Youssef Chahine à une journa- l’année d’un écrivain et non le parcours de toute
liste tunisienne, devenue récemment une person- sa vie. Et pour cette année, Béchir Khrayef le mé-
nalité politique, à propos de sa participation à une rite amplement» !
édition des Journées cinématographiques de Car- Mahmoud Messaâdi avait voulu par cette clarifi-
thage : «J’attendrai les résultats, si j’obtiens un cation satisfaire, tout d’abord, son narcissisme,
prix, le festival sera sans aucun doute une réussite ensuite mettre ce prix dans son vrai contexte. Le
et dans le cas contraire, un fiasco» (éclat de rire). prix de toute une carrière littéraire, c’est à lui qu’il
Plusieurs écrivains arabes rêvent d’obtenir le prix revenait de droit, alors que l’annuel pourrait reve-
Nobel qu’ils accusent ostensiblement d’être sous nir à Béchir Khrayef qui s’était illustré au cours de
l’emprise du lobby sioniste et de ses alliés occi- l’année en question !
dentaux. Je me demande toujours quelle serait leur En ce qui me concerne, je ne fais aucune différence
attitude au cas où ils l’obtiendraient. Pourront-ils entre un prix d’encouragement et un prix de cou-
assumer les conséquences de leurs accusations? ronnement, un prix national et un autre internatio-
S’ils étaient récompensés, ne deviendraient-ils nal, un prix de création et un satisfecit de stimula-
pas eux aussi, selon leur propre logique, sympa- tion, un prix important et un prix de second plan.
thisants, pour ne pas dire collaborateurs, des mi- Nous avons l’habitude d’envisager les prix comme
lieux sionistes et atlantistes? Pourront-ils continuer des certificats de reconnaissance de notre génie
à contester la crédibilité du Nobel après en avoir intégral alors qu’ils ne visent qu’à nous inciter à
joui pécuniairement et moralement ? Reste que les préserver dans la création. n
La souveraineté nationale
dans le monde post-global (2)
N
Hakim Ben Hammouda
otre monde va connaître à partir des années 1970 des concepts et des grandes visions du monde. Le concept
une série de grandes transformations qui vont af- de la souveraineté nationale a hérité d’une partie des cri-
fecter la conception classique de la souveraineté. tiques de la part des philosophes et des faiseurs d’opinion.
La première de ces transformations est relative à la globa- Pour beaucoup, il s’agit d’une conception archaïque du
lisation, à son accélération et à ses tentatives pour dépasser monde qui appartient au monde dépassé de la modernité
les frontières de l’Etat-nation et organiser l’économie à une et de son univers philosophique et intellectuel qui n’est pas
échelle globale. Les grands conglomérats ne se limitent pas en mesure de comprendre les transformations du monde et
à la production à l’échelle pour exporter l’excédent de pro- d’ouvrir de nouvelles perspectives à notre expérience poli-
duction sur les marchés internationaux mais sont passés à tique. Ces nouveaux intellectuels ont appelé à la construc-
de nouvelles stratégies d’investissement et de production tion d’un nouveau monde qui dépasserait les frontières et
basées sur la définition et la mise en place de chaînes de va- les différences, caractérisé par l’ouverture et la pluralité
leur globales qui ne s’arrêtent pas aux frontières nationales. dans le cadre d’un nouvel univers philosophique qui est
La deuxième grande transition qui aura des effets impor- celui de la postmodernité.
tants sur la conception classique de la souveraineté nationale Cette grande effervescence philosophique et intellectuelle
concerne son plus important acteur politique qui est l’Etat sera à l’origine d’un recul du concept de souveraineté natio-
et qui a connu d’importantes crises après la Seconde Guerre nale. De nouveaux concepts et de nouveaux principes vont
mondiale et les succès de l’Etat-providence à initier une longue se mettre en place dont ceux de l’interdépendance et de l’in-
période de prospérité et de consommation de masse. Mais, tégration qui vont construire le nouveau cadre des relations
l’Etat-nation va entrer en crise à partir du début des années entre les nations.
70 avec l’essoufflement du modèle fordiste, l’augmentation du Cette effervescence ne se limitera pas au niveau intellectuel,
chômage et l’inflation dans les grandes économies. à la critique des vieux concepts et à l’élaboration de nou-
Il faut également mentionner le développement rapide des velles constructions, mais se poursuivra dans le domaine
expériences d’intégration régionale qui a enlevé à l’Etat-na- des politiques. Ainsi, ce concept a été accompagné de nou-
tion une partie de ses prérogatives, et a donc diminué la velles conceptions dans les différents domaines politiques,
conception classique de l’Etat-nation. Dans certaines ex- économiques, sociaux et culturels. Ainsi, au niveau poli-
périences d’intégration comme c’est le cas en Europe, en tique, un grand nombre d’acteurs politiques et d’institutions
Asie ou même en Afrique, les politiques monétaires sont internationales ont cherché à revenir sur la souveraineté
devenues des prérogatives de banques centrales régionales nationale et le principe de l’indépendance des décisions na-
et non plus des banques centrales nationales. Par ailleurs, tionales en cherchant à imposer le nouveau principe du droit
les groupements régionaux ont cherché à créer des systèmes d’ingérence par différentes justifications dont la défense des
politiques, des pouvoirs législatifs, des lois et des règles qui Droits de l’Homme.
ont commencé à se substituer progressivement au principe Au niveau économique, la globalisation a offert un cadre
de la souveraineté nationale dans beaucoup de domaines. pour dépasser les frontières de l’Etat-nation et la construc-
On peut également mentionner parmi ces transformations à tion d’un nouveau modèle économique interconnecté par
l’origine du recul du principe de la souveraineté nationale, les flux commerciaux et les investissements internationaux
l’apparition de certains grands dangers globaux comme le des grandes firmes internationales. Ces grands desseins ont
réchauffement climatique, et plus récemment les pandémies été favorisés par les politiques néolibérales mises en place
sanitaires, qui ont commencé à dépasser les frontières de par les grands pays qui ont cherché à ouvrir les marchés et
l’Etat-nation et qui ont exigé la mobilisation des efforts à à libéraliser les flux de capitaux et d’investissements et la
une échelle globale pour leur faire face. construction de nouvelles stratégies économiques globales.
Ces grandes transformations sont à l’origine d’importantes La globalisation et le recul du principe de souveraineté
critiques à l’égard du principe de la souveraineté nationale nationale ont contribué à la création d’une phase de crois-
et son recul depuis le début des années 1970. sance, de prospérité économique et de transformation tech-
nologique. Mais, elle a été à l’origine de l’apparition d’une
La globalisation et la fin de la souveraineté grande fragilité à différents niveaux qui a fini par la remettre
nationale en cause et entraîner un retour du principe de souveraineté
La globalisation a été à l’origine de grandes révolutions non nationale pour faire face aux grandes peurs globales et aux
seulement dans les politiques, mais aussi dans le domaine grands dangers. n