Vous êtes sur la page 1sur 62

L I V R E 2e ÉDITION

B L A N C

NOUVELLE
ÉDITION

Savoir
ÉCRIRE POUR
ÊTRE LU

CFPJ
INTRODUCTION

On n’a jamais autant écrit qu’aujourd’hui : Facebook, SMS, Snap,


newsletters, médias, communication des entreprises, blogs…
C’est naturel de s’exprimer et contre-intuitif d’écrire pour être lu.
Il est nécessaire de professionnaliser ses écrits car le niveau
d’exigence du lecteur a augmenté, contrairement à ce que l’on
croit  : beaucoup d’écrits impliquent pour le rédacteur d’aller à
l’essentiel pour que le lecteur comprenne tout de suite ce qui est
important. Ecrire en allant à l’essentiel permet de faire gagner du
temps à son lecteur et de se démarquer en tant qu’auteur.
Aujourd’hui, beaucoup de formats d’écriture sont imposés : Twitter,
Snapchat, etc. Ces plateformes exigent des formats extrêmement
courts. Si le rédacteur ne maitrise pas les fondamentaux de l’écrit,
il peut rater sa communication.
Le public est aujourd’hui noyé sous des quantités importantes
d’informations. On parle d’info-bésité. Tout l’enjeu pour un
rédacteur est de savoir comment porter un message simple à des
cerveaux saturés d’informations.
Ce livre blanc vous aidera à vous sentir plus à l’aise pour diffuser
vos messages à l’écrit, tout en étant efficace.
À l’issue de ce livre blanc, vous serez en mesure de rédiger des
textes précis et vivants, centrés sur vos lecteurs.
Dans cette nouvelle édition, découvrez un nouveau chapitre
«  Qu’est-ce qu’une bonne histoire  », expliqué par Simon Ruben.
À vous les astuces pour jouer avec les émotions, comprendre le
concept « du particulier à l’universel »…

www.cfpj.com -2- 01 44 82 20 00
À PROPOS
DES AUTEURS EXPERTS

Anne Pichon exerce aujourd’hui comme


journaliste indépendante après avoir travaillé
dans différentes rédactions magazines, soit
comme rédactrice, soit comme manager de
l’équipe éditoriale.
Elle a développé des activités de conseil pour
accompagner des journaux en mutation,
soit dans leur organisation, soit dans la
refonte de leur contenu. Anne Pichon anime
également des formations à l’écriture au CFPJ
depuis plusieurs années, aussi bien pour
des rédacteurs professionnels que pour des
contrats de professionnalisation.

Journaliste en presse écrite en presse


nationale, régionale, magazine, animateur
d’un blog jazz sur www.liberation.fr,
Bruno Pfeiffer anime des stages de
créativité rédactionnelle au CFPJ.

Simon Ruben, Journaliste et responsable


de l’offre CFPJ - ABILWAYS

www.cfpj.com -3- 01 44 82 20 00
SOMMAIRE
1 L’écriture informative p.5
Décoder l’écriture informative
� Quels sont les ressorts du lecteur ?
(Habitudes de lecture et lois de proximité) p.6
� Comment formuler l’essentiel ? p.9
� Comment trouver son fil conducteur ? p.13
� Comment organiser l’information ? p.16
� Combien de genres journalistiques pour une information ? p.20

2 Le style
Soigner son style
p.23

� Quel style d’écriture choisir ? p.24


� Comment décrire des faits ? p.28
� Comment marquer les esprits ? p.31
� Quelle check-list pour se relire ? p.34

Les nouveaux formats éditoriaux


3 (ou Quoi de neuf dans les formats éditoriaux ?)  p.37
Jouer avec les nouveaux formats éditoriaux
� Qu’est-ce qu’écrire multicanal ? p.38
� Comment mettre ses textes en valeur ? p.41
� Comment devenir l’architecte de ses écrits ? p.45

NOUVEAU
CHAPITRE
4 Qu’est-ce qu’une bonne histoire p.48
Addendum par Simon Ruben
� Les parties et le tout p.49
� L’idée de progression p.51
� Jouer avec les émotions : La dynamite de cœur p.54
� Du particulier à l’universel p.56
1
L’ÉCRITURE
INFORMATIVE
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

QUELS SONT
1
LES RESSORTS
DU LECTEUR ?
(Habitudes de lecture et lois de proximité)

Comprendre les centres d’intérêt des lecteurs,


découvrir les lois de proximité et leur impact
sur la rédaction d’un texte.

C onnaissez-vous le principe du broadcast : un seul point


d’émission, des milliers de point de réception. C’est un
principe issu de la radio qui gouverne tous les médias :
télévision, journaux et sites d’information.
Les articles ont eux aussi un seul émetteur, le rédacteur, et
d’innombrables lecteurs. Et ce n’est pas parce que le rédacteur ne
sait pas qui va le lire qu’il doit pour autant renoncer à s’adresser à
ses lecteurs. Ils ont leurs propres
attentes et les connaître, aide à
Dans la moitié des activer leur intérêt dans ses écrits.
cas, la lecture d’un
Tout d’abord, les lecteurs sont des
article s’interrompt avant la zappeurs. Dans la moitié des cas,
fin de la première colonne. la lecture d’un article s’interrompt
avant la fin de la première colonne.
Sur internet, c’est encore pire.
15 % seulement des lecteurs lisent mot à mot sur le web. Ce qui
veut dire que 85 % des internautes se contentent d’une lecture en
diagonale. Il vaut donc mieux organiser un fil de lecture rapide via
le hors texte : légende, intertitre, exergue pour donner l’information
principale et inviter le lecteur à passer en lecture profonde. ▼

www.cfpj.com -6- 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

1
A contrario, s’il ne lit pas tout, il n’aura pas perdu son temps.
Lire demande un effort que le lecteur consent parce qu’il assouvit une
motivation particulière. En lisant, en s’informant, les lecteurs cherchent à
satisfaire des besoins identifiés par le psychologue Abraham Maslow dès
les années 40. Des besoins organiques comme respirer, boire ou manger,
des besoins fondamentaux, comme l’envie de sécurité, de stabilité.
Des aspirations plus conformistes, comme le désir d’appartenir à un
groupe, et aussi une aspiration vers l’accomplissement personnel, vers
un idéal.
Que faire avec des enfants à Paris ce week-end  ? Quel Smartphone
choisir  ? Ces titres courus dans la presse font bien sûr écho aux
besoins fondamentaux ou conformistes de Maslow.
Les médias s’adressent à une audience, à un lectorat, en fait à un
groupe social. Chaque groupe social est constitué soit :
> par des frontières (la France et les Français)
> des passions (comme l’automobile),
> ou des valeurs (celles d’aujourd’hui ou passées)
Chaque groupe social a des attentes particulières vis à vis
de son média. Les lois de proximité aident à les identifier.
Il existe 4 lois principales :
L’axe géographique (un mort près de chez moi m’intéresse plus que
10 000 morts au Bengladesh.), l’axe du temps (maintenant est plus
intéressant que dans longtemps) l’axe social (mon argent m’intéresse
plus que la dette de la France)... l’axe affectif (mes enfants, ma famille
plus que ma communauté, que mon village).
Les lois de proximité définissent tout ce qui nous touche en somme,
de loin et surtout... de très très près !
Prenons le Brexit, par exemple : la conséquence c’est 40 000 banquiers
qui pourraient quitter la City pour un axe social, tandis qu’avec un axe
affectif, la conséquence est le retrait du prince Philip... Même sujet
mais des prismes différents. Tout ça, pour ramener l’information à
l’échelle du lecteur, dans une préoccupation donnée. ▼

www.cfpj.com -7- 01 44 82 20 00
À RETENIR
f Écrire pour une multitude de lecteurs,
c’est écrire pour chacun d’entre eux.

f Les lecteurs ont des exigences


identifiées, sociales et individuelles.

f Les « lois de proximité́ » donnent priorité


aux préoccupations du lecteur.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

COMMENT
1
FORMULER
L’ESSENTIEL ?
Maîtriser les éléments du
message essentiel : les 5 W.

C romagnon, au fond de sa caverne, a peur. Il a peur qu’un


ours déboule pour le dévorer tout cru, lui et sa tribu. En
matière d’information, son besoin est très bien identifié... Il
veut savoir s’il y a un ours dans les parages. Inutile de le
baratiner.

Être informé vite fait, bien fait. Et si possible, de la manière la plus


synthétique. C’est ce que nous voulons tous, depuis des millénaires.
Les journalistes ont mis au point un outil pour cela : ils parlent de
message essentiel. Le message essentiel définit une information
en répondant à des questions basiques : Qui ? Quoi ? Comment ?
Pourquoi  ? Où  ? Quand  ? Bien sûr, nous connaissons la version
angloaméricaine des célèbres 5 W - Who?, what?, why?, where? et
when?. Auxquels on ajoute le H de How. Mais ne faisons pas trop
les malins.
Mais quelle que soit la langue utilisée, une seule question l’emporte.
Quoi de neuf ? Cette question justifie à elle seule l’achat d’un journal,
la consultation d’un site. Qu’ est-ce qui s’est passé ? Qui a provoqué
cette action ? C’est le quoi et le qui d’une information. ▼

www.cfpj.com -9- 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

1
Le « Qui » peut -être l’auteur d’une action, un groupe, une entité, une
entreprise, une tendance... c’est Cromagnon, le fauve... la tribu. Ce
choix engage évidemment profondément la séquence d’information.
Le « Quoi » , c’est l’action bien sûr. Dans un message essentiel, elle
s’exprime par un verbe : Cromagnon se terre, le fauve attaque, l’humanité
survit... L’action aimante l’information, induit des circonstances, des
modalités, des descriptions.
Le « Comment » s’intéresse aux modalités de l’action. Par quels effets,
par quels moyens ? Comment se terre-t-on aux temps préhistoriques,
comment les ours attaquent-ils ?
Où et quand... Le lieu et la durée d’une action ne sont pas aussi
évidents qu’il y parait. L’homme a-til été poursuivi par l’ours un instant
ou pendant un millénaire ? Était-ce dans la grotte de Vallon-Pontd’Arc
ou dans le Sud-Ouest de l’Europe ? Les Où et les Qui sont eux aussi à
focales relatives. Leur prisme donne aussi un sens à l’information.
Quant aux « Pourquoi » , ils font souvent l’objet d’analyse ou de
conjectures lorsque les raisons ne sont pas connues. Et, il faut
l’admettre, ce ne sont pas eux qui intéressent en premier les lecteurs.

Mais quelle que soit


la langue utilisée, une
seule question l’emporte.
Quoi de neuf ?

www.cfpj.com - 10 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

1
Cromagnon, lui, peut souhaiter prioritairement une information sur le
« quand » et sur le « quoi ». Ce qui donne, dans le bon ordre : « C’est à
la tombée de la nuit que l’ours sauvage est attendu aux abords de la
caverne ». A quelle heure exactement ? Naturellement, nous espérons
toujours plus de précisions. C’est pourquoi il n’est jamais inutile de
bien refermer les portes en précisant, ici, que : « l’heure exacte de la
tombée de la nuit n’est pas connue à cette époque de la préhistoire ».

www.cfpj.com - 11 - 01 44 82 20 00
À RETENIR

f Le message essentiel donne des limites


à une information.

f Le « qui » et le « quoi » déterminent les


protagonistes et l’action.

f Les informations les plus importantes


sont placées en premier.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

COMMENT
1
TROUVER LE FIL
CONDUCTEUR ?
Découvrir les éléments sur
lesquels s’appuyer pour
dégager un angle aiguisé dans
son article.

L ’aventurier et écrivain Gaston Rebuffat, disait que «


l’alpiniste est un homme qui conduit son corps là où, un
jour, ses yeux ont regardé... » Face à un sommet à gravir, un
alpiniste se dit rarement : je vais monter tout droit jusqu’en
haut. Face à un sujet, la tentation existe de foncer sans
regarder où l’on va. Ça marche rarement.
Regarder, voir un sujet, imaginer un chemin à parcourir et montrer
la voie au lecteur afin qu’il le suive, c’est le travail de l’angle. L’angle
permet de choisir une voie, même tortueuse, pour arriver au résultat
espéré.
Si l’angle peut se formuler en question, c’est mieux. Le rédacteur
peut ainsi vérifier qu’elle intéresse les lecteurs. Et aussi si l’article
apporte une réponse à la question posée.
Prenons un exemple rebattu : les fêtes de Noël. Ce sujet paraît
simple mais concrètement, il est impossible à traiter. De quoi
parler  ? Par quoi commencer ? Quelle source interroger ? Tentons
une piste connue, sous forme de question : quels cadeaux de Noël
au pied du sapin ? Piste connue, mais très glissante : un parfum ?
Un livre  ? Un voyage  ? Des cadeaux pour des enfants  ? Pour des
adultes ? Ce qui est constaté dans cet exemple, c’est que derrière
une question trop vaste, surgissent beaucoup de petites questions.
Et c’est tant mieux  : ce sont autant de sous-angles, qui portent
la promesse d’articles plus tendus, d’informations encore plus
précises, encore plus concrètes. ▼

www.cfpj.com - 13 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

1
Nombreux sont les bénéfices d’avoir
un angle serré :
Côté rédacteur, il sait plus aisément ce qu’il doit fournir comme
information, où et comment les trouver ; et côté lecteurs, tous
comprennent immédiatement leur intérêt à lire l’article, le contrat de
lecture. Voilà le paradoxe : au moment de la conception d’un sujet, il y
a toujours une hésitation à en réduire l’angle.
Et pourtant, ce que nous réduisons
sont autant de chances d’être
Lorsque la proposition singulier, d’être intéressant...
n’est pas anglée, les et efficace ! Une vague liste de
idées convenues s’invitent car cadeaux de Noël a peu de chance
l’article est difficile à justifier. d’être lue. Et c’est bien plus
difficile à faire !

Le rédacteur craint
toujours d’affûter ses
angles trop loin. Aurai-je
assez à dire ? Qu’il se fasse
confiance :
si l’angle est trop étroit, il le
verra par lui-même. Et c’est
lorsque la proposition n’est
pas anglée, que les idées
convenues s’invitent car
l’article est difficile
à justifier.

www.cfpj.com - 14 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f L’angle est une question que le lecteur
peut se poser et à laquelle l’article
répond.

f Plus l’angle est précis et plus la promesse


de l’article est facile à formuler.

f Les sujets peu anglés invitent aux


propos creux.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

COMMENT
1
ORGANISER
L’INFORMATION ?
Apprendre à structurer ses
textes en utilisant le plan en
pyramide inversée.

J ’ai une nouvelle à vous annoncer : « Mademoiselle Rose a


tué le Colonel Moutarde à coup de tisonnier hier soir dans
le salon ». Ce message essentiel est donné ici sous forme
de brève, très laconique (concise) : qui, quoi, où, quand,
comment. Vous voyez ?
Le lecteur sait déjà tout. Mais il y a encore bien d’autres informations
à lui prodiguer. Comment s’y prendre sans le perdre, sachant que
plus de la moitié des lecteurs ne lisent pas la première colonne d’un
article jusqu’au bout ?
Eh bien, justement, pour ne pas le perdre, il vaut mieux lui délivrer
l’information, toute l’information et rien que l’information dans les
15 premières lignes du texte. Mais alors, s’il sait tout, pourquoi
poursuivrait-il la lecture ? Parce que plus le cerveau en sait, plus il
a envie d’en savoir. Croyez-le ou non : le suspense est un frein de
lecture. ▼

www.cfpj.com - 16 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

1
Le cerveau aime suivre un ordre logique
d’acquisition de l’information.
Pour lui faciliter la tâche, le mieux est donc de poser le message essen-
tiel du texte en entier. Puis de développer les informations posées par ce
message, une à une par ordre d’apparition. Et si tout va bien et que votre
message essentiel a été bien pensé, vous développez vos informa-
tions comme vous les avez données en premier : de la plus impor-
tante à la moins importante. Ce plan se nomme la pyramide inversée.
Il efface toute tentative de suspense puisqu’il délivre l’information en
entier au plus vite et d’un seul coup.
Si mademoiselle Rose a tué le
Colonel Moutarde à coup de
tisonnier hier soir dans le salon, le
Plus le cerveau en
lecteur s’attend à une description
sait, plus il a envie de l’action, puis à un portrait de
d’en savoir mademoiselle Rose et ainsi de
suite. C’est un exemple de pyramide
inversée.
D’autres voies sont bien sûr possibles. Mais la logique du plan
pyramidal inversé est qu’une fois le message essentiel posé,
il déploie les informations de ce message essentiel. Son
application rigoriste serait de consacrer un paragraphe à
chaque membre du message essentiel. Paragraphe 1 : le
message essentiel. Paragraphe 2, le qui  : le portrait de
mademoiselle Rose. Paragraphe 3, le quoi : le déroulé
des événements et ainsi de suite. ▼

www.cfpj.com - 17 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

1
De paragraphe en paragraphe, le plan pyramidal inversé épuise le sujet
mais pas le lecteur. Chaque paragraphe est l’occasion de proposer un
nouveau point de vue, une nouvelle approche dans un sujet déjà très
bien balisé par le message essentiel. Il permet aussi de soutenir le
rythme de l’article en ramassant le propos en début de paragraphe et
de surprendre, sans jamais désarçonner le lecteur.
Le plan pyramidal inversé est un véritable « 4 X 4 » du plan journalistique.
Il sert pour les portraits, les analyses... Il est pratique. La preuve : le
premier paragraphe figure la brève d’actu qui reste et tient. Même si
on est obligé de couper tout le reste, il reste, par définition, l’essentiel.

www.cfpj.com - 18 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f L’information délivrée dans les 15 pre-
mières lignes du texte rassure le lecteur.

f Les informations sont installées


dans un texte par ordre d’importance
décroissante.

f Le plan pyramidal inversé permet d’orga-


niser rapidement ses informations.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

COMBIEN
1
DE GENRES
JOURNALISTIQUES
POUR UNE
INFORMATION ?

Découvrir les principaux genres journalistiques


et repérer lequel choisir selon l’information
que l’on veut diffuser.

I maginons. Imaginons que vous êtes invités à un dîner très


mondain en ville. Les convives se connaissent tous, sauf
un. Comment le maître de maison va-t-il s’y prendre pour
introduire cet inconnu ?
Plusieurs solutions : il procède à une présentation rapide, un bref
compte-rendu. Ou alors, il pose quelques questions bien ciblées  ;
il interviewe, en somme. Ou bien encore, il se lance dans un
monologue, un portrait. Un seul sujet, un même public et plusieurs
genres. Le choix fait par le maître de maison donne surtout des
indications sur ses intentions.
Parmi les grands classiques du genre, citons-en trois :
l’interview, le portrait, le reportage.
L’interview ressemble au niveau 0 du traitement journalistique.
Tendre un micro, faire parler l’interlocuteur et hop, c’est dans la
boîte. Tous ceux qui ont essayé savent que ce n’est pas ainsi que
cela marche. ▼

www.cfpj.com - 20 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE

1
L’interview suit les règles universelles : elle porte un angle et un
message essentiel. Et ce, avec une contrainte supplémentaire  : il
s’agit de respecter le verbatim de l’interlocuteur. Autant dire que c’est
tout sauf une conversation libre.
L’interview se conçoit et s’écrit
comme tout article, mais elle se L’interview suit les
prépare, s’anticipe et se motive car, règles universelles  :
une fois l’entretien passé, c’est trop elle porte un angle et un
tard. message essentiel.
«Tirer le portrait» de quelqu’un, c’est
délivrer une somme d’informations
sur une personne. Mais surtout dire ce qui, chez cette personne, est
nouveau et intéressant. Car si vous avez choisi cette personne à
ce moment de sa vie, c’est que son expérience est intéressante ou
exemplaire pour les lecteurs. Et cela, quand bien même elle n’est pas
à l’affiche de l’Olympia !
Troisième genre évoqué ici, le reportage. L’objectif est de restituer un
spectacle vivant : la vie, ici et maintenant. L’œil du reporter fait office
de caméra. Au moment d’écrire, il s’agit de faire avec des mots ce que
font une caméra et un micro. Le résultat est bien plus fort car c’est
l’imaginaire du lecteur qui se met au travail lorsqu’il lit des mots. Aussi
faut-il user de toutes les armes de l’écriture et mobiliser les ressources
de l’imaginaire du lecteur.
La liste des genres n’est pas close,
encore moins figée. Internet,
notamment, s’est emparé des
dénominations des genres
«  enquête  » ou «  portrait  », mais
pour mieux les déployer.
Autour des textes, des
diaporamas, des vidéos et des
sons viennent étayer la lecture.
En fin de compte, l’important n’est
pas le respect d’une norme mais
que ça marche.

www.cfpj.com - 21 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f Un genre, comme un angle, porte une
intention qui doit être lisible et assumée.

f Un genre commande un traitement en


tenant compte des techniques de l’angle
et du message essentiel.

f Internet et ses nouveaux outils ont créé


de nouveaux genres journalistiques dits
hybrides.
2
SOIGNER
SON STYLE
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

QUEL STYLE
2
D’ÉCRITURE
CHOISIR ?
Identifier les points sur lesquels
porter son attention et
à retravailler pour donner du
relief à son texte.

L equel d’entre vous n’a pas été surpris de lire un texte avec
un plaisir que sa longueur n’émoussait pas ? Absorbé à en
ignorer votre voisinage. C’est ce qui arrive quand le contenu
est rédigé avec style.
Le lecteur dévore l’article ou le document rédigé avec un supplément
d’écriture. Dans ce cas-là, la longueur importe peu. L’auteur qui
fignole le style installe le destinataire dans une position de confort.
Le style ? C’est un cadeau, une surprise faite au lecteur. La règle ?
Le surprendre. Quasiment à chaque mot. Pour cela, trois recettes
efficaces.
D’abord, supprimer le langage appauvri.
Ensuite, chasser les tics d’écriture.
Enfin, faire marcher ses 5 sens. ▼

www.cfpj.com - 24 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

2
Première recette :
Supprimer le langage appauvri, prévisible, sans originalité.
Échapper à la dictature du stéréotype. En un mot : traquer le cliché.
Comment les repérer  ? Les clichés, c’est la facilité  : les termes qui
viennent immédiatement à l’esprit. Dans le monde des clichés, les
abîmes sont toujours insondables ; les manques, cruels ; les attentats,
lâches (comme s’il en existait des courageux) ; les chemins, semés
d’embûches ; les marches, triomphales ; les plaies béantes et les
leaders droits dans leurs bottes. Le cliché donne
l’assurance d’un texte figé, immobile, immuable,
éteint. Voire ridicule. Exemple : le candidat
« caracole » dans les sondages.
Sait-on que le sens exact de caracole signifie :
sautiller comme un cheval  ? Pourquoi ne pas
choisir  : les sondages donnent le candidat
gagnant ? Plutôt que notre candidat tire les
marrons du feu, l’on choisira qu’il tire les
marrons du scrutin.
Deuxième recette,
chasser les tics d’écriture.
Un tic, c’est un mouvement qui revient
presque automatiquement sous la
plume. L’auteur ne peut empêcher,
au risque de caler, la récurrence de
Chasser les tics
verbes (surtout les verbes passe- d’écriture, faire marcher
partout comme mettre, faire ou les ses 5 sens.
auxiliaires) ; d’adjectifs (marquant,
beau)  ; d’adverbes (pauvres en
informations) ; de formules (c’est
ainsi que) ; de conjonctions (mais, et, car, etc.) ; de démonstratifs ou
de possessifs. La solution pour éclaircir le texte : passer le brouillon au
crible à plusieurs reprises. La copie ainsi allégée prendra de la hauteur.

www.cfpj.com - 25 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

2
Troisième recette, écrire avec les 5 sens.
Lorsque l’on recueille des informations, se contenter de glaner un texte,
un document, un compte rendu, ne suffit pas. Il convient d’activer les
sens, d’observer les couleurs, les formes, les mouvements, les bruits et
de les consigner en des termes exacts.
Un pantalon vert, voilà un bon début de description ; mais un pantalon
vert olive présente nettement plus de charme. Le lecteur est sensible à
la précision. Pour les odeurs, idem. On en relève si peu dans les textes
que l’on croit que les rédacteurs travaillent le nez bouché. Pourtant,
que d’odeurs ! Un marché, la rue, le métro, un restaurant, ne sentent pas
inévitablement un arôme de sous-bois ou la fragrance du lilas.
Les bruits, aussi. Le martèlement des pas, un brouhaha de cour d’école,
le murmure d’une rigole, le vrombissement d’un insecte, le claquement
d’une porte : pourquoi ne pas les pointer ?
Le toucher (âpre, soyeux) et le goût (amer, poivré, etc.) apportent
beaucoup à un texte. Le moyen de s’assurer du meilleur recueil
d’informations ? Pratiquer une prise de notes obsessionnelle sur le
terrain (ou « en situation », car les sensations volatiles par essence
s’évaporent très vite de notre esprit.)

www.cfpj.com - 26 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f Un contenu rédigé avec style capte le
lecteur, lui offre de belles surprises de
lecture.

f Le style s’allège en supprimant les


tics d’écriture : verbes passe-partout,
adjectifs, conjonctions…

f En plus des mains, un texte s’écrit avec ses


yeux, son nez, sa bouche et ses oreilles.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

COMMENT
2
DÉCRIRE
DES FAITS ?
Découvrir les différentes étapes
à dérouler pour livrer un texte
complet et accrocheur.

R aconter ce qui s’est passé se déroule en trois étapes.


Avoir recueilli suffisamment d’informations. Puis, rédiger
un premier jet de son texte. Enfin, enrichir son texte pour en
livrer la version définitive.
Raconter suppose un préalable :
Posséder suffisamment d’informations.
Pour décrire les faits, encore faut-il collecter suffisamment d’élé-
ments pour un récit dense et complet. Amasser les informations,
éclaircir les informations écrites, labourer le terrain, représentent
la première phase de l’opération. Phase d’autant plus nourrie que la
collecte ne se limite pas à lire des documentations, ou simplement
ouvrir les yeux.
Percevoir une réalité implique également de sentir les odeurs,
écouter les bruits, toucher les objets, éventuellement goûter. Rien
de plus volatile qu’une sensation. Ce qui n’est pas consigné est
perdu. Pendant le recueil des diverses informations, un conseil :
notez tout. Et exploitez ce matériel. Autre indication : le lecteur doit
relever que vous étiez bien au milieu
de la scène ou de l’action. Par exemple
: «  on est frappé par l’odeur de bière
en entrant dans le pub  ». En s’identi-
fiant aisément au rédacteur, dont les
antennes s’allongent dans le texte, le
lecteur ne perd rien du fil du texte. ▼

www.cfpj.com - 28 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

2
Deuxième étape, entamer le premier jet de l’écriture :
Le brouillon. C’est le moment d’organiser les informations
autour d’un propos, de se poser la question : qu’est-ce
que je veux exprimer  ? Et de le dire en captant son lecteur.
Le récit se construit autour d’un fil directeur. La manière idéale  ?
Raconter une histoire. Avec une
situation initiale, une perturbation,
Il est plus facile des péripéties, une résolution
de décrire les faits et une situation finale. C’est le
quand un récit, une trame, schéma classique, en 5 points.
un rail, se présente. Une Exemple : Le Petit Poucet. Vous
histoire, tout le monde veut vous rappelez  ? Une famille
en découvrir la fin, non ? heureuse, surviennent la pauvreté,
l’abandon dans la forêt, la
suppression de l’ogre et le retour
de la fortune grâce aux bottes de sept lieues. Il est plus facile de décrire
les faits quand un récit, une trame, un rail, se présente. Une histoire,
tout le monde veut en découvrir la fin, non ? Hélas, tous les discours
ne peuvent pas se dérouler comme un récit. En tout cas, on rédige la
première mouture. Et l’on revient dessus, pour la copie définitive.
Troisième étape, l’enrichissement
Une fois passé le travail de lisibilité, s’offre
la possibilité de rendre les informations
plus claires. Il existe une formule de style idéale :
la comparaison. Ainsi, plutôt que d’écrire : « le Costa
Concordia est un paquebot gigantesque ». Préciser :
«  la hauteur du Costa Concordia atteint celle d’un
immeuble de onze étages  ». La comparaison aide
à restituer une vérité. Quand le journaliste Albert
Londres arrive au bagne, il note  : il y fait chaud
comme dans un four de boulanger. Le texte change
de dimension.

www.cfpj.com - 29 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f Raconter les faits, c’est recueillir les
informations, rédiger un premier jet et
enrichir son texte.

f La collecte d’informations doit être


exhaustive et démontrer que vous êtes
au cœur de l’action.

f Un texte se construit à partir d’un brouil-


lon qui s’enrichit, rendant les informations
plus claires.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

COMMENT
2
MARQUER
LES ESPRITS ?
Se familiariser avec différentes
formes de rhétorique pour
surprendre ses lecteurs et leur
offrir un plaisir de lecture.

« Moi Président » ! Qui aura oublié la formule de style utilisée


par le candidat François Hollande pendant la campagne
présidentielle de 2012 ? La formule - il s’agit d’une anaphore
– consiste à répéter un mot en début de phrase à plusieurs
reprises. On peut en effet marquer les esprits par les mots,
comme certains passent par l’expression, le timbre de la voix,
ou l’apparence.
Lorsqu’il s’agit de mobiliser l’auditoire, pour éveiller les consciences,
et parce que le public croule sous les informations, il est nécessaire
de trouver la formule qui fait mouche. D’avoir conscience du
message à transmettre. Et de commencer par distinguer nettement
le profil des destinataires. Une fois le niveau de la cible connu, on
doit libeller le message de la manière la plus forts. Formuler un
message qui marque : un message dense, plein, fort. De la première
à la dernière ligne, du titre à la chute voire la signature de son écrit.
Sans forcément exploiter une formule de répétition… ▼

www.cfpj.com - 31 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

2
Pour frapper un grand coup, commencer dès le titre. Celui-ci comprend
impérativement l’information principale. Sans mot superflu. Exemple :
« La qualité de l’air se dégrade à Paris ». La rédaction de l’énoncé est
à l’actif, au présent, sous forme de phrase-choc. Le procédé vaut tout
aussi bien pour les mails ou les tweets. Plus les mots retenus pour
le titre sont riches de sens, plus ils marqueront. Le vocabulaire de la
langue française recèle des trésors de mots courts. Vie, mort, ciel,
terre, homme, femme, etc. Exer-
cez-vous à chercher des mots
Plus les mots retenus courts riches de sens. En vous
pour le titre sont riches rappelant par exemple la sen-
de sens, plus ils marqueront tence de Racine, «  le jour n’est
pas plus pur que le fond de mon
cœur » (Phèdre, 1677). Les mots
concrets marquent davantage que les généralités. C’est ainsi que la liste
de 100 mots simples - mais non simplistes - à fort pouvoir associatif, éta-
blie par les chercheurs Kent et Rosanoff (table, nourriture, mains, etc.) a
permis de déclencher des séquences de réveil chez des malades autistes.
Il s’agit de mots-ressorts qui ébranlent le lecteur.
L’ensemble du texte doit majoritairement être composé de phrases
courtes, si possible : sujet verbe-complément (déjà dit 10 lignes
au-dessus), car la structure présente une unité de signification perçue
immédiatement. Cette structure est aussi un gage de densité du texte.
En effet, un sujet, un verbe, un complément : un acteur - une action - un
objet. C’est dire l’univers de sens qui apparaît entre deux points.

Les formules de rhétorique enrichissent un texte… Et son impact !


On en revient aux bons vieux classiques. Jean Racine : « Pour qui
sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? ». Pareille phrase
imprime aussitôt l’esprit. La formule joue sur la sonorité. Elle se
dénomme une allitération. On peut aussi avoir recours à d’autres
figures. Ainsi Mme Thatcher, la Première ministre anglaise,
restera-t-elle comme «  La Dame de fer  ». Une métaphore… pour
le moins efficace. A vous d’en trouver d’autres, appropriées à
votre démonstration, qui marqueront les esprits, comme en Une
de l’hebdomadaire Le Point en 2015 sur Bachar el Assad (« Le
bourreau de Damas »).

www.cfpj.com - 32 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f Pour marquer les esprits, il faut tenir
compte de son lecteur et choisir un
message fort.

f Pour marquer les esprits, il faut utiliser


le présent et des mots riches de sens.

f Pour marquer les esprits, il faut privilégier


les phrases courtes et recourir à la
rhétorique.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

QUELLE
2
CHECK-LIST POUR
SE RELIRE ?
Découvrir et appliquer
une méthodologie
pour améliorer ses écrits.

S e relire avant envoi, c’est un peu comme vérifier qu’une


feuille de salade ne s’est pas coincée entre ses dents
avant de sortir de chez soi.
Devant nos textes, les petites pétouilles et grosses bévues nous
sautent moins aux yeux que nos défauts du miroir. Car, même si nous
sommes d’excellents correcteurs pour les autres, nous sommes
souvent incapables de mettre nos textes à la bonne distance.
Pour éviter ce biais, le mieux est de procéder à des relectures
thématiques. Elles conduisent l’œil en dehors des ornières d’une
relecture classique. La relecture mot à mot et de A à Z risque de
vous embarquer sur le fond et non sur la forme. Détaillons ensemble
une check-list de trois relectures thématiques en mode balayage
qui a fait ses preuves.
Pour le premier passage, concentrez-vous sur les signes de
ponctuation de votre texte.
Vous obtiendrez l’image du rythme de votre texte. Repérez les
phrases très longues, qui peuvent perturber la fluidité de lecture.
Coupez. Recréez une ou plusieurs phrases pour cette séquence
d’information en vous rapprochant le plus possible de la base :
sujet+verbe+complément. Une syntaxe plate permet de revenir à
l’information simple lorsque la phrase est alambiquée. ▼

www.cfpj.com - 34 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE

2
Au deuxième passage, surveillez les verbes et rien que les verbes.
Le verbe soutient la phrase comme un os, il dessine le squelette d’un
texte. Les auxiliaires être, avoir ou faire, les verbes d’état comme
sembler, ressembler, paraître sont proscrits. La raison en est que ces
verbes ne portent pas d’action. En optant pour un verbe mou, vous ratez
une bonne occasion d’apporter du souffle, du nerf, d’ébouriffer vos
phrases. Echangez
vos verbes, tentez
plus d’effet ou plus
Faire de la marque elle-même un de nuances.
influenceur crédible et entendu !
Autour du verbe,
deux ou trois
choses à vérifier.
Le sujet et le verbe adorent se frotter. Le chat mange la souris. Le
chat, qui souffre d’embonpoint, mange la souris mais, forcément,
c’est beaucoup moins digeste. Autour du verbe, encore, gravitent les
adverbes. A côté du verbe, ils béquillent le verbe, pour en corriger l’effet.
Je marche rapidement, je marche très rapidement, autant dire que
je presse le pas, ou alors, est-ce que je ne suis pas en train de courir ?
Dites-le avec des verbes ! Et ne les mettez pas dans le coma. Le participe
présent et le passif éteignent l’action. J’arrive en me hâtant. J’arrive, je
me hâte, c’est déjà mieux. Réveillez vos verbes : tous à l’actif !
Le troisième passage de l’œil se fait à l’envers.
Attrapez votre texte phrase à phrase en commençant par la fin.
Enlevez tous les mots inutiles : les mots concepts qui ne portent aucun
sens concret, (analyse, problème,
signification...), les adjectifs sans
relief, les précisions imprécises
(petit, grand, gros) et tous les affreux
modérateurs de discour  : (assez,
plutôt, un peu, vraiment...) : comme
les adverbes, ils jouent à moduler
des propos flous au lieu de fixer de
belles idées, des images précises,
des odeurs fines.

www.cfpj.com - 35 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f Une relecture thématique en trois temps
est la plus efficace pour améliorer son
style.

f Les verbes d’action dynamisent les


phrases, musclez-les !

f La dernière relecture traque le superflu  :


les concepts imprécis, adjectifs plats,
adverbes.
3
LES NOUVEAUX
FORMATS
ÉDITORIAUX
Jouer avec les nouveaux formats éditoriaux
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX

QU’EST-CE
3
QU’ÉCRIRE
MULTICANAL ?
Penser son sujet en amont
afin de le concevoir en tenant
compte des différents supports
sur lesquels il sera diffusé.

T ous les fleuves sont irrigués de la même eau. Ecrire pour


plusieurs canaux de diffusion  - le Web, le papier, les
réseaux sociaux - ne change en rien l’information, pas plus
qu’elle ne l’altère. Comme un réseau hydraulique, les divers
canaux de l’Internet acheminent l’information dans des
débits différents, vers des publics aux attentes différentes.
Une même personne peut avoir envie de lire l’article d’un journal
le matin et de suivre le déroulement de cette information toute la
journée sur son Smart- phone. C’est la même personne, mais elle
a des attentes différentes. À partir d’une même information, un
média s’efforce donc d’alimenter plusieurs canaux de diffusion
Web et papier. Il vise une seule et même audience mais dans des
moments de vie différents, des moyens et des temps de lecture
différents.
Le journaliste pourvoyeur de l’information devient un véritable
chef d’orchestre. À sa disposition, une palette d’outils éditoriaux  :
l’écrit, le fil d’actualité, le diaporama photo, la vidéo... À lui de
décider quand il doit activer quoi sur quel canal de diffusion. La
principale préoccupation est que
l’information reste cohérente Un seul message
partout, tout le temps. La clé, essentiel pour tous
c’est le couple message essentiel
les médias mais un angle
- angle. ▼
distinct pour chacun.

www.cfpj.com - 38 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX

3
Le message essentiel définit et précise l’information à traiter. L’angle
adapte le message essentiel à un média en particulier, à un public en
particulier, en l’appliquant à une histoire en particulier.
Ainsi, si un journaliste apprend que mademoiselle Rose a tué le colonel
Moutarde à coups de tisonnier, il va d’abord décider par quel média
commencer, comment adresser cette histoire à chaque canal de
diffusion : Twitter, Facebook, le papier, les vidéos. Un seul message
essentiel pour tous les médias mais un angle distinct pour chacun.
Par quel média commencer ?
Le premier train qui part est le bon. Ne pas se précipiter, vérifier
l’information avant publication fait loi, bien sûr. Mais la prime à
l’équipe ou au média qui s’empare d’un sujet en premier est réelle.
C’est elle que Google favorisera sur ce sujet par la suite. Un seul
message essentiel est répété, et même martelé d’un article à l’autre,
afin que le lecteur vous repère dans la forêt des fenêtres ouvertes sur
son écran - une moyenne de sept sur l’écran d’un cadre. Ce message
essentiel est un marqueur important dans un univers multicanal.
Les angles, eux, s’appliquent à des temps et des moments de lecture
différents. Dans l’urgence de la découverte des faits : 140 signes,
une brève sur un fil d’actu. Les jours suivants, des angles de plus
en plus affinés à mesure que l’information sort de l’urgence (qui
était la victime, qui était la coupable  ? Puis plus tard : comment la
relation victime/coupable a-t-elle déclenché un passage à l’acte) ?
Et à un moment, le jeu se retourne : c’est l’article « somme » dans
le journal qui crée l’événement : par exemple, le portrait fouillé de la
coupable, l’analyse finale.

www.cfpj.com - 39 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f Même s’il existe plusieurs canaux de
diffusion, l’information traitée reste
inchangée.

f Plus on met en cohérence les différents


canaux (en choisissant un seul message
essentiel pour tous les canaux) et plus
on gagne en visibilité sur l’ensemble du
travail.

f Le premier train qui


part est le bon. Ne
retardez la publication
d’une information que
pour une seule bonne
raison : la vérification
de l’information.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX

COMMENT
3
METTRE SES
TEXTES EN
VALEUR

Muscler l’editing de ses écrits pour inciter


le lecteur à poursuivre sa lecture jusqu’au bout.

V ous le savez, une immense majorité d’internautes, 85 %


précisément, déclarent ne pas lire mot à mot à l’écran.
Le regard glisse sur l’écran, l’œil suit un parcours en F. Il
recherche des mots clés, des repères de lecture. S’ajoutent à
cela les temps de mémorisation, jusqu’à sept fois plus longs
à l’écran.
Résultat : informer sur le Web, c’est donner un maximum
d’informations aux lecteurs zappeurs. Le hors texte sur le Web sert
à délivrer les informations les plus importantes de l’article. Mais
aussi peut être le lien vers d’autres articles. Et c’est surtout une
mine de mots clés pour le référencement naturel de votre article.
Le rôle du hors texte est en premier d’habiller l’article  : autour
du ruban de mots gris, des titres et sous-titres, relances,
éventuellement exergues, c’est tout un dispositif souvent écrit
en gros et en gras et parfois en
couleurs. La plupart du temps, Ne craignez
une synthèse de ce que l’article dit
surtout pas
de mieux existe sous le titre. Dans
le jargon journalistique, cela se nomme
de déflorer votre
un chapo. ▼ information !

www.cfpj.com - 41 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX

3
Deux tactiques s’appliquent pour attirer le lecteur vers les textes :
la tactique incitative et la tactique informative. Dans la tactique
incitative, le rédacteur intrigue, joue avec les mots, recherche la
connivence avec le lecteur. Avec la tactique informative, le rédacteur
veut se faire comprendre vite, tout dire explicitement. Quand Le Monde
titre « Simenon est mort », Libération répond par un « Maigret casse sa
pipe ». L’incitatif de Libé frappe juste ceux qui connaissent Simenon et
son personnage fétiche. Les autres repasseront. Par temps de lecture
zapping, place à l’explicite, l’informatif, au pédagogique.
Le hors texte assure une forme de service minimum. Il dit l’essentiel.
Au pire, votre lecteur zappeur aura l’impression que vous avez assuré
le job, même s’il n’a pas lu votre texte, et c’est déjà beaucoup. Au
moment de rédiger votre hors texte, veillez à ce que l’essentiel de
l’information existe autour de l’article. Par exemple, les informations
sur le protagoniste de l’action sous la photo qui le présente, une
relance dans le texte pour donner le contexte et bien sûr, l’information
synthétisée dans votre chapo... Ne craignez surtout pas de déflorer
votre information ! C’est un mantra : plus le lecteur en sait et plus il a
en envie d’en savoir plus.
Faites clignoter l’information en allant
au plus simple et direct, sans
fioriture. «  Les incendies se
multiplient dans la région  »
peut donner : «  c’est le
septième départ de feu près
de Vannes en trois mois  ».
Là arrive la belle surprise  :
l’exercice pousse à la
précision et à la pertinence.
Et ces informations-repères
(les nombres, les lieux précis)
sont autant de bons mots clés
pour le référencement naturel
qui font monter vos articles dans le
classement de Google.

www.cfpj.com - 42 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f L’existence de multiples canaux de dif-
fusion donne différentes temporalités à
l’information.

f L’information multicanale = un seul


message essentiel décliné en plusieurs
angles selon chaque canal.

f Les différentes temporalités de


l’information permettent d’aller des faits
à des angles plus affinés.
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX

3
Tout un sujet peut ainsi jouer les poupées gigognes. Par exemple, le
compte-rendu d’un match de tennis peut pointer vers la biographie du
vainqueur qui peut pointer vers le classement des meilleurs gauchers
de tous les temps qui pointe vers les pires esclandres de John McEnroe.
Sujet gigogne ? Mais le plus petit des sujets gigognes, ici John McEnroe,
possède aussi des mots clés et des bons, qui peuvent le faire sortir très
haut dans le classement de Google. Et dans ce cas, c’est lui qui pourra
servir de porte d’entrée à la navigation. Car les liens hypertextes marchent
dans les deux sens. L’une des conséquences, c’est qu’un article doit être
relié à d’autres mais surtout il doit pouvoir se lire indépendamment de
tous les autres.
Attention à varier les formats. Derrière un lien hypertexte, un autre texte
ne s’impose pas. Au rédacteur de proposer peut-être une vidéo, un son,
ou, un diaporama. Ce travail demande plus de temps de production.
Mais c’est surtout le temps de conception qui compte, pour imaginer
toutes les ramifications possibles dans
une temporalité donnée. Que se passera-
t-il trois semaines, trois mois après la
En France, 90%
publication première ? C’est bien de
l’imaginer dès le départ pour augmenter
des navigations
la durée de vie des informations, leur effet se font depuis Google.
longue traine. Ainsi, la fête des brodeuses
de Pont l’abbé est un événement local qui
peut être traité de mille manières. Mais se concentrer sur les motifs
des broderies qui ornent la célèbre coiffe en forme de tube, dérouler
le diaporama de ces motifs en expliquant leur signification est un petit
travail d’ethnographie qui résistera aux années.
En France, 90  % des navigations se font depuis Google. Dans 90 %
des cas, l’internaute a tapé un mot clé dans Google pour arriver à un
article. L’internaute ne connait pas forcément votre média et ce n’est
pas sa préoccupation : il attend une réponse directe à une question
qu’il se pose. Il est indispensable de lui donner le contexte de votre
information, d’en faire la synthèse de votre info au début de l’article.
Mais vous commencez à comprendre ! ▼

www.cfpj.com - 44 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX

COMMENT
3
DEVENIR
L’ARCHITECTE
DE SES ÉCRITS

Connaître les différents formats numériques


pour enrichir ses écrits sur les supports digitaux

S ur Internet, un article peut en cacher un autre. Derrière le


panneau de l’article, d’autres panneaux peuvent apparaître
et derrière, encore d’autres. Les liens hypertextes et des
médias (photos et vidéos) sont autant de chemins vers d’autres
textes. Aujourd’hui, les articles se lisent « en profondeur ». La
plupart des séquences de lecture se déclenchent depuis la
fenêtre de Google. Un mot clé conduisant à un article, ouvrant
à tout un ensemble d’éclairages, puis d’autres éclairages vers
d’autres sujets. On va du synthétique vers l’exhaustif.
Dans cette logique, tout article doit se présenter comme un mini site.
Du coup, au moment de la conception, c’est bien d’imaginer son sujet
comme un tronc commun avec tout ce qui pourra bourgeonner à
partir de ce tronc. Si un texte figure ce tronc, le principe pourrait être
qu’à la fin de chaque paragraphe il soit possible d’ouvrir un nouveau
volet, avec un nouveau titre cliquable et, derrière, un nouvel écran qui
donne un nouvel éclairage encore plus précis sur cet aspect de la
question. C’est un sujet à tiroirs. Une fois tous les tiroirs refermés,
le sujet se tient. La clé, c’est bien entendu le plan. Et le bonheur pour
architecturer des sujets à tiroir, c’est le plan pyramidal inversé.

www.cfpj.com - 45 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
f Sur Internet, chaque article est une porte
d’entrée vers d’autres articles.

f Un article doit pouvoir se lire


indépendamment de tous les autres.

f La longévité d’une information se pense


dès sa conception.
NOUVEAU
4
CHAPITRE

QU’EST-CE QU’UNE
BONNE HISTOIRE ?
Addendum par Simon Ruben
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

ADDENDUM PAR
4
SIMON RUBEN
Journaliste et responsable de l’offre CFPJ
ABILWAYS

NOUVEAU
CHAPITRE

Après avoir lu les pages de ce livre blanc, vous connaissez les lois de
proximité, vous saisissez l’idée d’un fil conducteur comme colonne
vertébrale du récit, vous savez comment vous adresser à telle ou
telle cible. Bien. Vous pouvez choisir entre divers styles ? Vous avez
commencé à intégrer la notion d’accroche, et vous utilisez une check-
list pour relire vos productions et les corriger ? Excellent. Pourtant,
tout cela ne garantit pas que vous serez lu·e·s. Et, en toute logique,
que votre écrit sera apprécié. Et c’est parfaitement normal, dans
la mesure où une bonne histoire est autant fonction des gens qui
l’écrivent que des gens qui la lisent.
En somme, une histoire ne peut être
Une histoire ne peut bonne que si elle est jugée comme
être bonne que si telle par un public extérieur. On ne
elle est jugée comme telle peut pas écrire une bonne histoire
par un public extérieur. en se disant « je vais écrire une
bonne histoire ». Tout ce que l’on
peut faire, c’est écrire et espérer
que le récit sera lu et apprécié. La nuance est importante. Toutefois,
la question « qu’est-ce qu’une bonne histoire ? » est pertinente et
nous devons toutes et tous nous la poser constamment. C’est ce que
nous allons étudier dans cet ultime chapitre qui vise autant à donner
quelques clefs techniques qu’à dessiner un horizon à atteindre. Notre
objectif : comprendre ce qui fait une bonne histoire, c’est-à-dire une
histoire qui mérite d’être lue. ▼

www.cfpj.com - 48 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

LES PARTIES
4
ET LE TOUT

Nombreux sont les auteurs à avoir disserté sur cette question. Qu’est-
ce qu’une bonne histoire ? Aristote apporte une réponse à mon sens
décisive dans La Poétique, ouvrage qui traite de l’art poétique, de l’art
du récit, de la fabrication de la tragédie, notamment. Que nous dit
Aristote ? Qu’une bonne histoire est d’abord affaire de complétude. Une
histoire est un tout, avec un début, un milieu et une fin. Et, mieux que
cela, chaque partie du récit sert l’intrigue principale. Une histoire est
un tout composé de ses parties. Et si vous enlevez ne serait-ce qu’une
partie, ne serait-ce qu’une phrase, alors tout s’effondre. La cohérence
du récit est ici totale. Voilà un premier enseignement à travailler.
Écrivez une histoire avec un début, un milieu et une fin. Deux phrases
pour le début, deux phrases pour le milieu, deux phrases pour la fin.
Puis retranchez-en une. Si l’histoire tient, alors cette partie n’était pas
utile. Si l’histoire ne tient plus, vous comprenez alors que votre histoire
était cohérente et que tout ce qu’elle contenait lui était nécessaire. ▼

Notre héros partit de chez lui pour voir le monde.


Son chien et un baluchon pour seuls compagnons.
En chemin, il rencontra un lion qui lui offrit l’hospitalité.
Alors qu’ils dormaient paisiblement, le lion dévora le chien
en guise d’entrée.
Au lever du soleil, ne restait qu’un baluchon dans la maison
du lion.

www.cfpj.com - 49 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

4
Essayez d’enlever une phrase de ce court récit. Vous verrez que le sens
en sera obscurci ou que l’histoire n’aura même plus de sens du tout.
C’est ça, la cohérence. Tout se tient et chaque partie est à sa place.
Pensez aussi aux romans que vous lisez. Qu’est-ce qu’un bon roman ?
C’est d’abord un récit cohérent. Rien n’est superflu. Même s’il peut
arriver que l’auteur ou l’autrice jette des fausses pistes, la plupart du
temps chaque scène éclaire l’histoire d’une manière nouvelle et vous
apporte un nouvel élément de compréhension.
Ce travail sur la longueur d’une histoire, sur la somme des parties
et l’importance de chaque partie au service du propos général est
essentiel puisque c’est ce travail qui va vous permettre de synthétiser
un propos, de résumer, d’aller droit au but sans perdre le sens ni la
richesse d’un récit. Nous pouvons également songer aux films et
séries. Lorsque la caméra s’attarde
sur un détail qui se révélera être un
élément clé de l’intrigue quelques
Une bonne histoire
minutes ou épisodes plus tard.
est garante d’une
Cette cohérence, nous pouvons
aussi l’appeler unité. Une bonne certaine unité
histoire est garante d’une certaine
unité. Tout se tient, rien n’est « à
côté », rien n’est « hors sujet ». Et, lorsque vous écrivez, vous devez
garder votre propos en tête. Quel est le cœur de votre propos ? Que
voulez-vous raconter fondamentalement avec cet écrit ? La réponse
doit tenir en une phrase. Et si chaque partie, chaque virgule de votre
récit répond à cette phrase, fait écho au cœur de votre trame, alors
vous devriez parvenir à tenir cette fameuse cohérence. ▼

www.cfpj.com - 50 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

L’IDÉE DE
4
PROGRESSION

Une bonne histoire c’est aussi une progression, une évolution. Presque
comme si le récit était fait d’une matière vivante. Un héros apathique,
aboulique, inactif… ne ferait sans doute pas un personnage passionnant.
Du reste, on éprouverait des difficultés fort légitimes à écrire sur rien.
On ne peut écrire que sur une matière qui va bouger, évoluer dans le
temps ou autour de laquelle une vie va s’organiser.
La force d’une histoire se situe précisément ici : dans l’idée de
progression. A titre personnel, en tant que journaliste, j’ai souvent eu
du mal à rédiger mes reportages justement parce qu’ils ne proposaient
pas de progression. Chaque élément nouveau doit, justement, apporter
un nouvel éclairage sur le sujet. Prêtez attention aux reportages de
presse écrite : chaque nouvelle citation va permettre soit d’approfondir
une problématique soit d’en illustrer une nouvelle et d’aller un peu
plus loin que le paragraphe
précédent.
La force d’une histoire
Cela veut dire une première
chose : quand vous réunissez
se situe précisément
sous vos yeux votre matière, ici : dans l’idée de progression
vos interviews, vos chiffres, vos
citations, vos informations, vos
éléments centraux, il faut les trier et les hiérarchiser. Hiérarchiser pour
construire une progression. Libre à vous de démarrer par la fin. Mais
vous devrez construire néanmoins une progression. On voit cela dans
de nombreux romans et films : une scène d’introduction qui raconte
une partie du dénouement de l’intrigue, voire qui raconte sa fin ; ▼

www.cfpj.com - 51 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

4
puis un retour en arrière pour reprendre depuis le début le récit qui
nous occupe. C’est un peu de cette manière là que nombre de tragédies
antiques sont façonnées : on sait – souvent par l’entremise d’un
augure, comment l’histoire va se terminer et on assiste à l’alignement
malheureux des planètes qui va mener à la tragédie.
Comment organiser ces parties ? En choisissant une progression qui
va coller au propos. Exemple avec la série de livres Harry Potter qui suit
l’apprentissage d’un jeune sorcier, année scolaire après année scolaire.
Chaque tome met en scène le héros, d’année en année. Et le lecteur
progresse avec lui, apprend
avec lui sur le monde, les
intrigues, les personnages,
La progression pose la les enjeux dramatiques.
condition d’une existence
On pourrait, par ailleurs,
tout à fait imaginer un récit
qui pourrait proposer une
progression renversée : imaginons un récit sur l’empire romain qui
partirait de sa dislocation pour remonter vers son âge d’or. C’est ici une
progression plus rare mais que l’on peut retrouver dans de nombreux
récit (c’est le cas dans certaines œuvres comme le film Memento dans
une certaine mesure, dans le roman Counter-clock World de Philip K.
Dick mais pensez aussi, plus prosaïquement à un CV).
Mais, fondamentalement, pourquoi un bon récit implique-t-il une
progression ? Je pose cette question que je laisserai ouverte car
il appartient à chacun d’y apporter une réponse. Pour moi, l’idée
de progression implique l’idée de vie, de mouvement et au-delà, la
progression pose la condition d’une existence. Tout ce qui existe a un
rapport au mouvement. Un rapport concret, métaphysique, ontologique,
etc. Et ce qui ne se meut pas ou n’est mu par rien ne peut pas être
raconté. L’idée de progression implique du mouvement et donc, en
toute logique, de la surprise, de l’inattendu, de l’action. La progression,
c’est ce qui va briser la routine, l’habitude, l’ennui et va donc relancer
l’intérêt du lecteur ou de la lectrice. ▼

www.cfpj.com - 52 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

4
Cette idée de progression on la retrouve aussi dans la structure même
de l’écrit. Varier les rythmes des phrases, leurs longueurs, est un enjeu
essentiel pour raviver la flamme de l’attention. Même lorsque l’on écrit
un rapport ou une synthèse, cette
idée de progression est importante.
Faire progresser le récit, le garnir Varier les rythmes
de moments plus denses et plus des phrases, leurs
vifs puis de temps plus faibles, longueurs, est un enjeu
va faciliter la lecture. Imaginez essentiel pour raviver la
qu’en écrivant, vous soufflez sur flamme de l’attention
des braises. Parfois, il vous faudra
souffler fort pour raviver le feu qui
couve ; à d’autres moments, vous reprendrez votre souffle.
Une bonne histoire, en plus d’être sous-tendue par une unité, une
cohérence, garantirait donc une progression. Qu’il s’agisse d’un article
journalistique, d’un roman, d’une série, d’un rapport ou d’une synthèse.
Si vous voulez être lu-e, vous devez vous astreindre à garantir une
progression, un mouvement global à votre récit. Ulysse n’a pas vécu
l’Odyssée en restant vissé à Ithaque (peut-être aurait-il dû, me direz-
vous !).

www.cfpj.com - 53 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

JOUER AVEC
4
LES ÉMOTIONS :
LA DYNAMITE
DU CŒUR

J’ai parfois, en tant qu’enseignant, réalisé un exercice très utile pour


découvrir ce qu’est une émotion. Je demandais aux participants de se
tenir en cercle et, pour ceux que cela ne dérangeait pas, de se tenir par la
main ou les épaules. Le cercle formé, je demandais à chacun et chacune,
à tour de rôle, de raconter une histoire chargée émotionnellement, qu’elle
soit réelle ou fictive. Et plus on avançait, plus les participants parlaient,
plus les interventions étaient chargées émotionnellement. Il arrivait
que les derniers à passer aient du mal à raconter leur histoire. Non pas
que leurs histoires étaient plus émouvantes que les précédentes mais
parce que ces personnes étaient chargées des émotions des autres.
Les émotions sont comme un courant électrique qui se transmet de
personne en personne. Et celui ou celle qui est en bout de chaîne prend
souvent tout le coup de jus. Voilà ce qu’est une émotion, un matériau
un peu instable, qui déborde
vite et se transmet facilement.
Les émotions sont
Méfiance, donc, vis-à-vis des comme un courant
émotions ? On a souvent électrique qui se transmet de
coutume de dire que les personne en personne.
journalistes doivent les éviter,
raconter les faits, ne pas se
laisser déborder par les sentiments. Et en cela, on se retrouve dans
la droite ligne d’une culture occidentale qui remonte à l’Antiquité.
Platon voulait chasser les poètes de la cité, estimant que leurs récits
n’apportaient rien à la gestion publique de celle-ci. ▼

www.cfpj.com - 54 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

4
Non pas que les poètes n’étaient pas savants ou qu’ils étaient des
charlatans mais plutôt que leur art était comme inspiré par les dieux
et que les poètes étaient comme les instruments des dieux. Or, pour
Platon, la politique est l’affaire des hommes et non des dieux. Bref,
méfiance à l’égard du lyrisme. Cette idée-là, on la retrouve infusée dans
la culture populaire jusque dans Star Wars où le jedi doit se couper de
ses émotions sous peine de basculer du côté obscur.
Et pourtant, les émotions constituent
un matériau précieux lorsqu’il s’agit de
Une émotion
confectionner des récits. Même des
se ressent plus histoires vraies. Il faut, certes, faire
qu’elle ne se dit attention à ne pas trop jouer avec les
sentiments sous peine de rendre les
émotions qu’on veut susciter inopérante.
Évitons aussi l’écueil de dire au lecteur ce qu’il doit ressentir. Show,
don’t tell. Décrire, raconter sans forcément dire exactement ce que
l’on est censé ressentir. Voilà une première piste intéressante.
En tant que journaliste, il m’est arrivé d’avoir à couvrir en direct pour
la radio des événements très « émotionnels » variés : de finales de
coupe du monde de foot à des attentats. Double difficulté : gérer en
soi les motions qui se bousculent pour garder un discours audible
et clair (quand on est pris par l’émotion, on peut bafouiller, perdre ses
moyens ou ses mots) et faire ressentir ce qui se passe sans forcément
s’écrier « c’est horrible » ou « c’est extraordinaire ». Heureusement,
les émotions nous aident à faire cela : à transmettre sans forcément
nommer. Car une émotion se ressent plus qu’elle ne se dit. Et elle
peut aussi se ressentir sous votre plume. La frénésie d’une phrase,
l’ajout des virgules pour syncoper le récit, l’absence de verbes, les
énumérations sont autant de procédés pour traduire une excitation,
une peur, une urgence. Le style au service de l’émotion.
N’ayez pas peur de vos émotions et creusez-les, interrogez-les,
questionnez-les. Pourquoi mon personnage ressent de la jalousie  ?
Comment cela se traduit-il ? Et moi, que pourrais-je ressentir dans
cette situation ? Faites fonctionner votre empathie en amont et laisser
là affleurer subtilement dans votre texte. ▼

www.cfpj.com - 55 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

DU PARTICULIER
4
À L’UNIVERSEL

Écrire des propos généralistes pour toucher le plus grand


nombre. Voilà bien une erreur que j’ai souvent constatée
dans mes cours de journalisme. Erreur que j’ai commise de
nombreuses fois en tant que journaliste. Après tout, c’est
logique : plus je généralise mon propos, plus il peut être
compris par le plus grand nombre.
Raté ! Ce qui semblait être une évidence logique s’avère être
une illusion d’optique. Plus vous généraliserez votre propos
et plus il sera, littéralement, anonyme. Voilà pourquoi de
nombreux reportages de presse écrite, en radio
comme en télévision, commencent souvent
par un plan serré, une description détaillée ou
une citation précise au cœur du sujet. Parce
Le détail, la
qu’ainsi, on entre dans le vif du sujet. Double description,
avantage de démarrer pied au plancher pour la précision seront
capter le lecteur et de se placer immédiatement toujours essentiels
au cœur du sujet, sans perdre de temps. dans une bonne
histoire
Le public s’attache à une histoire par ses
détails. Le détail, c’est cet élément saillant qui
va rester en mémoire. C’est cet élément qui
va entrer en nous et avec lequel nous allons nous lier. Voilà pourquoi
le détail, la description, la précision seront toujours essentiels dans
une bonne histoire. Et, à rebours de ce que l’on peut attendre, plus on
va creuser les détails, plus on va pouvoir se lier avec son audience.

www.cfpj.com - 56 - 01 44 82 20 00
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?

4
Le poète Aimé Césaire ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit « plus on est
nègre, plus on est universel ». Qu’entend-il par-là ? D’abord rappelons
que la négritude, chez Aimé Césaire est un concept politique. Son idée
est de dire qu’il ne faut pas étouffer les particularismes, les identités
mais bien les célébrer, les valoriser, les questionner, les faire exister
pour pouvoir exister au monde. Un récit universel n’est pas un récit
qui nie les identités, les particularités, mais au contraire qui les fait
rayonner. Un universel n’est riche que de tous les particuliers. Et c’est
en creusant les détails, en les soulignant, que l’on va pouvoir parler à
tout le monde et être compris de tout le monde.
Si je vous raconte que je suis allé sur le marché pour acheter des
fruits, il y a fort à parier que vous ne vous souviendrez plus de cette
histoire dans une semaine. Si, en revanche, je vous raconte que je suis
allé au marché, que je suis passé
devant l’étal de fruits et légumes
et que j’ai vu ces framboises qui, Un universel n’est
enfant, faisaient ma joie et m’ont
riche que de tous
rappelé mes après-midis de jeu
avec ma grand-mère qui m’achetait
les particuliers
ces mêmes framboises rouges
et sucrées, là, peut-être ai-je une
chance d’entrer dans votre mémoire. Car ce récit, plus détaillé va
peut-être faire écho avec votre propre expérience. Certains vous se
dire « moi je n’aime pas les framboises », d’autres « il m’est arrivé la
même chose  ». Peu importe. Mais chacun va pouvoir se positionner
par rapport à ce récit, va pouvoir l’assimiler, le digérer.
On touche ici au secret d’une bonne histoire et à
l’importance des détails. Des détails qui ne sont pas
anecdotiques mais bien essentiels. Et ce sont ces
détails, ces particularismes et particularités qui vont
pouvoir générer des réactions, entrer dans les têtes et
les cœurs et, à terme, forger l’universel.

www.cfpj.com - 57 - 01 44 82 20 00
À RETENIR
1. Construire un récit de telle sorte que
chaque partie serve le tout et que
chaque partie soit essentielle, vitale, à
l’ensemble.

2. Faire progresser, évoluer son histoire, ses


personnages, apporter un supplément
d’information à chaque paragraphe.

3. Utiliser les émotions non comme une


fin mais comme un moyen, un carburant
pour toucher les gens et faire passer
votre message.

4. Soigner l’art du détail et creuser le


singulier pour toucher à l’universel.
CONCLUSION

V oilà les quatre grands points balayés ensemble. Et alors ? Alors


vous devriez pouvoir écrire pour être lu, et apprécié  ! Enfin…
Vous devriez. Mais comme je le disais en introduction, lorsqu’on
écrit pour les autres, on s’en remet, en définitive, à leur jugement et
à leur regard. Et ce n’est plus vous mais bien le public, l’audience,
qui décidera si votre récit est digne d’intérêt. Et c’est peut-être là le
plus difficile : faire le deuil de son écrit car on sait que sitôt publié,
il ne vous appartiendra plus totalement. A l’image de ces œuvres
de street art, recouvertes par d’autres dessins et modifiées par la
pluie, le vent et la vie autour. Ecrire pour être lu demande donc du
courage. Le courage de tout faire, tout donner pour son lecteur et…
de tout lâcher, pour lui.

www.cfpj.com - 59 - 01 44 82 20 00
POUR ALLER PLUS LOIN

É C O U V R E Z N O S F ORMATIONS
D
T E C H N IQ U E S D E RÉDACTION
EN
Écriture journalistique
Écrire pour être lu
Libérer son écriture

Programmes
EN SAVOIR PLUS
disponible ici

by CFPJ
DIGITAL LEARNING CFPJ

Découvrez nos parcours vidéo en ligne,


formez-vous à votre rythme, en tout lieu,
à tout moment, sur tous supports !

JE ME FORME
EN LIGNE

www.cfpj.com - 60 - 01 44 82 20 00
À PROPOS DU CFPJ
Émanation du CFJ, le CFPJ a été lancé en 1969 pour proposer une
offre de formation professionnelle aux journalistes déjà en poste dans les
rédactions. Puis, le CFPJ s'est étoffé d'une seconde filière, dédiée aux
spécialistes de la communication.
Le CFPJ est aujourd'hui l'expert de référence dans le domaine des
médias et de la communication. Il conseille, forme et accompagne pour
vous aider à construire votre avenir dans un monde en pleine mutation.
Nouveaux métiers, nouvelles modalités d'apprentissage, nouveaux
dispositifs, le CFPJ se veut précurseur afin d'anticiper vos besoins et de
vous offrir le meilleur service.
Le CFPJ, une marque du groupe ABILWAYS.

RETROUVEZ TOUTES NOS FORMATIONS SUR NOTRE SITE

WWW.CFPJ.COM

35 RUE DU LOUVRE - 75002 PARIS


SERVICECLIENT@CFPJ.COM
01 44 82 20 00
ABILWAYS EST UN ACTEUR EUROPÉEN DE L’ÉDUCATION AU SERVICE DE LA TRANSFORMATION
DES ORGANISATIONS ET DE LA MONTÉE EN COMPÉTENCES DES INDIVIDUS
EN FORMATION INITIALE & CONTINUE.

FORMATION INITIALE & CONTINUE

EFE

PYRAMYD
Droit, fiscalité, finances,
RH, secteur public CFPJ
& soft skills

Design, création Journalisme &


graphique & communication
communication
visuelle

ACP ISM
Achats & Marketing, commercial,
marchés publics relation client
& soft skills

L’école des métiers


de la communication
& du journalisme

NOTRE PRÉSENCE EUROPÉENNE

BELGIQUE LUXEMBOURG PORTUGAL

35 rue du Louvre 75002 Paris


www.abilways.com

Vous aimerez peut-être aussi