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B L A N C
NOUVELLE
ÉDITION
Savoir
ÉCRIRE POUR
ÊTRE LU
CFPJ
INTRODUCTION
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À PROPOS
DES AUTEURS EXPERTS
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SOMMAIRE
1 L’écriture informative p.5
Décoder l’écriture informative
� Quels sont les ressorts du lecteur ?
(Habitudes de lecture et lois de proximité) p.6
� Comment formuler l’essentiel ? p.9
� Comment trouver son fil conducteur ? p.13
� Comment organiser l’information ? p.16
� Combien de genres journalistiques pour une information ? p.20
2 Le style
Soigner son style
p.23
NOUVEAU
CHAPITRE
4 Qu’est-ce qu’une bonne histoire p.48
Addendum par Simon Ruben
� Les parties et le tout p.49
� L’idée de progression p.51
� Jouer avec les émotions : La dynamite de cœur p.54
� Du particulier à l’universel p.56
1
L’ÉCRITURE
INFORMATIVE
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE
QUELS SONT
1
LES RESSORTS
DU LECTEUR ?
(Habitudes de lecture et lois de proximité)
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE
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A contrario, s’il ne lit pas tout, il n’aura pas perdu son temps.
Lire demande un effort que le lecteur consent parce qu’il assouvit une
motivation particulière. En lisant, en s’informant, les lecteurs cherchent à
satisfaire des besoins identifiés par le psychologue Abraham Maslow dès
les années 40. Des besoins organiques comme respirer, boire ou manger,
des besoins fondamentaux, comme l’envie de sécurité, de stabilité.
Des aspirations plus conformistes, comme le désir d’appartenir à un
groupe, et aussi une aspiration vers l’accomplissement personnel, vers
un idéal.
Que faire avec des enfants à Paris ce week-end ? Quel Smartphone
choisir ? Ces titres courus dans la presse font bien sûr écho aux
besoins fondamentaux ou conformistes de Maslow.
Les médias s’adressent à une audience, à un lectorat, en fait à un
groupe social. Chaque groupe social est constitué soit :
> par des frontières (la France et les Français)
> des passions (comme l’automobile),
> ou des valeurs (celles d’aujourd’hui ou passées)
Chaque groupe social a des attentes particulières vis à vis
de son média. Les lois de proximité aident à les identifier.
Il existe 4 lois principales :
L’axe géographique (un mort près de chez moi m’intéresse plus que
10 000 morts au Bengladesh.), l’axe du temps (maintenant est plus
intéressant que dans longtemps) l’axe social (mon argent m’intéresse
plus que la dette de la France)... l’axe affectif (mes enfants, ma famille
plus que ma communauté, que mon village).
Les lois de proximité définissent tout ce qui nous touche en somme,
de loin et surtout... de très très près !
Prenons le Brexit, par exemple : la conséquence c’est 40 000 banquiers
qui pourraient quitter la City pour un axe social, tandis qu’avec un axe
affectif, la conséquence est le retrait du prince Philip... Même sujet
mais des prismes différents. Tout ça, pour ramener l’information à
l’échelle du lecteur, dans une préoccupation donnée. ▼
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À RETENIR
f Écrire pour une multitude de lecteurs,
c’est écrire pour chacun d’entre eux.
COMMENT
1
FORMULER
L’ESSENTIEL ?
Maîtriser les éléments du
message essentiel : les 5 W.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE
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Le « Qui » peut -être l’auteur d’une action, un groupe, une entité, une
entreprise, une tendance... c’est Cromagnon, le fauve... la tribu. Ce
choix engage évidemment profondément la séquence d’information.
Le « Quoi » , c’est l’action bien sûr. Dans un message essentiel, elle
s’exprime par un verbe : Cromagnon se terre, le fauve attaque, l’humanité
survit... L’action aimante l’information, induit des circonstances, des
modalités, des descriptions.
Le « Comment » s’intéresse aux modalités de l’action. Par quels effets,
par quels moyens ? Comment se terre-t-on aux temps préhistoriques,
comment les ours attaquent-ils ?
Où et quand... Le lieu et la durée d’une action ne sont pas aussi
évidents qu’il y parait. L’homme a-til été poursuivi par l’ours un instant
ou pendant un millénaire ? Était-ce dans la grotte de Vallon-Pontd’Arc
ou dans le Sud-Ouest de l’Europe ? Les Où et les Qui sont eux aussi à
focales relatives. Leur prisme donne aussi un sens à l’information.
Quant aux « Pourquoi » , ils font souvent l’objet d’analyse ou de
conjectures lorsque les raisons ne sont pas connues. Et, il faut
l’admettre, ce ne sont pas eux qui intéressent en premier les lecteurs.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE
1
Cromagnon, lui, peut souhaiter prioritairement une information sur le
« quand » et sur le « quoi ». Ce qui donne, dans le bon ordre : « C’est à
la tombée de la nuit que l’ours sauvage est attendu aux abords de la
caverne ». A quelle heure exactement ? Naturellement, nous espérons
toujours plus de précisions. C’est pourquoi il n’est jamais inutile de
bien refermer les portes en précisant, ici, que : « l’heure exacte de la
tombée de la nuit n’est pas connue à cette époque de la préhistoire ».
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À RETENIR
COMMENT
1
TROUVER LE FIL
CONDUCTEUR ?
Découvrir les éléments sur
lesquels s’appuyer pour
dégager un angle aiguisé dans
son article.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE
1
Nombreux sont les bénéfices d’avoir
un angle serré :
Côté rédacteur, il sait plus aisément ce qu’il doit fournir comme
information, où et comment les trouver ; et côté lecteurs, tous
comprennent immédiatement leur intérêt à lire l’article, le contrat de
lecture. Voilà le paradoxe : au moment de la conception d’un sujet, il y
a toujours une hésitation à en réduire l’angle.
Et pourtant, ce que nous réduisons
sont autant de chances d’être
Lorsque la proposition singulier, d’être intéressant...
n’est pas anglée, les et efficace ! Une vague liste de
idées convenues s’invitent car cadeaux de Noël a peu de chance
l’article est difficile à justifier. d’être lue. Et c’est bien plus
difficile à faire !
Le rédacteur craint
toujours d’affûter ses
angles trop loin. Aurai-je
assez à dire ? Qu’il se fasse
confiance :
si l’angle est trop étroit, il le
verra par lui-même. Et c’est
lorsque la proposition n’est
pas anglée, que les idées
convenues s’invitent car
l’article est difficile
à justifier.
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À RETENIR
f L’angle est une question que le lecteur
peut se poser et à laquelle l’article
répond.
COMMENT
1
ORGANISER
L’INFORMATION ?
Apprendre à structurer ses
textes en utilisant le plan en
pyramide inversée.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE
1
Le cerveau aime suivre un ordre logique
d’acquisition de l’information.
Pour lui faciliter la tâche, le mieux est donc de poser le message essen-
tiel du texte en entier. Puis de développer les informations posées par ce
message, une à une par ordre d’apparition. Et si tout va bien et que votre
message essentiel a été bien pensé, vous développez vos informa-
tions comme vous les avez données en premier : de la plus impor-
tante à la moins importante. Ce plan se nomme la pyramide inversée.
Il efface toute tentative de suspense puisqu’il délivre l’information en
entier au plus vite et d’un seul coup.
Si mademoiselle Rose a tué le
Colonel Moutarde à coup de
tisonnier hier soir dans le salon, le
Plus le cerveau en
lecteur s’attend à une description
sait, plus il a envie de l’action, puis à un portrait de
d’en savoir mademoiselle Rose et ainsi de
suite. C’est un exemple de pyramide
inversée.
D’autres voies sont bien sûr possibles. Mais la logique du plan
pyramidal inversé est qu’une fois le message essentiel posé,
il déploie les informations de ce message essentiel. Son
application rigoriste serait de consacrer un paragraphe à
chaque membre du message essentiel. Paragraphe 1 : le
message essentiel. Paragraphe 2, le qui : le portrait de
mademoiselle Rose. Paragraphe 3, le quoi : le déroulé
des événements et ainsi de suite. ▼
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE
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De paragraphe en paragraphe, le plan pyramidal inversé épuise le sujet
mais pas le lecteur. Chaque paragraphe est l’occasion de proposer un
nouveau point de vue, une nouvelle approche dans un sujet déjà très
bien balisé par le message essentiel. Il permet aussi de soutenir le
rythme de l’article en ramassant le propos en début de paragraphe et
de surprendre, sans jamais désarçonner le lecteur.
Le plan pyramidal inversé est un véritable « 4 X 4 » du plan journalistique.
Il sert pour les portraits, les analyses... Il est pratique. La preuve : le
premier paragraphe figure la brève d’actu qui reste et tient. Même si
on est obligé de couper tout le reste, il reste, par définition, l’essentiel.
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À RETENIR
f L’information délivrée dans les 15 pre-
mières lignes du texte rassure le lecteur.
COMBIEN
1
DE GENRES
JOURNALISTIQUES
POUR UNE
INFORMATION ?
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - L’ÉCRITURE INFORMATIVE
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L’interview suit les règles universelles : elle porte un angle et un
message essentiel. Et ce, avec une contrainte supplémentaire : il
s’agit de respecter le verbatim de l’interlocuteur. Autant dire que c’est
tout sauf une conversation libre.
L’interview se conçoit et s’écrit
comme tout article, mais elle se L’interview suit les
prépare, s’anticipe et se motive car, règles universelles :
une fois l’entretien passé, c’est trop elle porte un angle et un
tard. message essentiel.
«Tirer le portrait» de quelqu’un, c’est
délivrer une somme d’informations
sur une personne. Mais surtout dire ce qui, chez cette personne, est
nouveau et intéressant. Car si vous avez choisi cette personne à
ce moment de sa vie, c’est que son expérience est intéressante ou
exemplaire pour les lecteurs. Et cela, quand bien même elle n’est pas
à l’affiche de l’Olympia !
Troisième genre évoqué ici, le reportage. L’objectif est de restituer un
spectacle vivant : la vie, ici et maintenant. L’œil du reporter fait office
de caméra. Au moment d’écrire, il s’agit de faire avec des mots ce que
font une caméra et un micro. Le résultat est bien plus fort car c’est
l’imaginaire du lecteur qui se met au travail lorsqu’il lit des mots. Aussi
faut-il user de toutes les armes de l’écriture et mobiliser les ressources
de l’imaginaire du lecteur.
La liste des genres n’est pas close,
encore moins figée. Internet,
notamment, s’est emparé des
dénominations des genres
« enquête » ou « portrait », mais
pour mieux les déployer.
Autour des textes, des
diaporamas, des vidéos et des
sons viennent étayer la lecture.
En fin de compte, l’important n’est
pas le respect d’une norme mais
que ça marche.
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À RETENIR
f Un genre, comme un angle, porte une
intention qui doit être lisible et assumée.
QUEL STYLE
2
D’ÉCRITURE
CHOISIR ?
Identifier les points sur lesquels
porter son attention et
à retravailler pour donner du
relief à son texte.
L equel d’entre vous n’a pas été surpris de lire un texte avec
un plaisir que sa longueur n’émoussait pas ? Absorbé à en
ignorer votre voisinage. C’est ce qui arrive quand le contenu
est rédigé avec style.
Le lecteur dévore l’article ou le document rédigé avec un supplément
d’écriture. Dans ce cas-là, la longueur importe peu. L’auteur qui
fignole le style installe le destinataire dans une position de confort.
Le style ? C’est un cadeau, une surprise faite au lecteur. La règle ?
Le surprendre. Quasiment à chaque mot. Pour cela, trois recettes
efficaces.
D’abord, supprimer le langage appauvri.
Ensuite, chasser les tics d’écriture.
Enfin, faire marcher ses 5 sens. ▼
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE
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Première recette :
Supprimer le langage appauvri, prévisible, sans originalité.
Échapper à la dictature du stéréotype. En un mot : traquer le cliché.
Comment les repérer ? Les clichés, c’est la facilité : les termes qui
viennent immédiatement à l’esprit. Dans le monde des clichés, les
abîmes sont toujours insondables ; les manques, cruels ; les attentats,
lâches (comme s’il en existait des courageux) ; les chemins, semés
d’embûches ; les marches, triomphales ; les plaies béantes et les
leaders droits dans leurs bottes. Le cliché donne
l’assurance d’un texte figé, immobile, immuable,
éteint. Voire ridicule. Exemple : le candidat
« caracole » dans les sondages.
Sait-on que le sens exact de caracole signifie :
sautiller comme un cheval ? Pourquoi ne pas
choisir : les sondages donnent le candidat
gagnant ? Plutôt que notre candidat tire les
marrons du feu, l’on choisira qu’il tire les
marrons du scrutin.
Deuxième recette,
chasser les tics d’écriture.
Un tic, c’est un mouvement qui revient
presque automatiquement sous la
plume. L’auteur ne peut empêcher,
au risque de caler, la récurrence de
Chasser les tics
verbes (surtout les verbes passe- d’écriture, faire marcher
partout comme mettre, faire ou les ses 5 sens.
auxiliaires) ; d’adjectifs (marquant,
beau) ; d’adverbes (pauvres en
informations) ; de formules (c’est
ainsi que) ; de conjonctions (mais, et, car, etc.) ; de démonstratifs ou
de possessifs. La solution pour éclaircir le texte : passer le brouillon au
crible à plusieurs reprises. La copie ainsi allégée prendra de la hauteur.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE
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Troisième recette, écrire avec les 5 sens.
Lorsque l’on recueille des informations, se contenter de glaner un texte,
un document, un compte rendu, ne suffit pas. Il convient d’activer les
sens, d’observer les couleurs, les formes, les mouvements, les bruits et
de les consigner en des termes exacts.
Un pantalon vert, voilà un bon début de description ; mais un pantalon
vert olive présente nettement plus de charme. Le lecteur est sensible à
la précision. Pour les odeurs, idem. On en relève si peu dans les textes
que l’on croit que les rédacteurs travaillent le nez bouché. Pourtant,
que d’odeurs ! Un marché, la rue, le métro, un restaurant, ne sentent pas
inévitablement un arôme de sous-bois ou la fragrance du lilas.
Les bruits, aussi. Le martèlement des pas, un brouhaha de cour d’école,
le murmure d’une rigole, le vrombissement d’un insecte, le claquement
d’une porte : pourquoi ne pas les pointer ?
Le toucher (âpre, soyeux) et le goût (amer, poivré, etc.) apportent
beaucoup à un texte. Le moyen de s’assurer du meilleur recueil
d’informations ? Pratiquer une prise de notes obsessionnelle sur le
terrain (ou « en situation », car les sensations volatiles par essence
s’évaporent très vite de notre esprit.)
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À RETENIR
f Un contenu rédigé avec style capte le
lecteur, lui offre de belles surprises de
lecture.
COMMENT
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DÉCRIRE
DES FAITS ?
Découvrir les différentes étapes
à dérouler pour livrer un texte
complet et accrocheur.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE
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Deuxième étape, entamer le premier jet de l’écriture :
Le brouillon. C’est le moment d’organiser les informations
autour d’un propos, de se poser la question : qu’est-ce
que je veux exprimer ? Et de le dire en captant son lecteur.
Le récit se construit autour d’un fil directeur. La manière idéale ?
Raconter une histoire. Avec une
situation initiale, une perturbation,
Il est plus facile des péripéties, une résolution
de décrire les faits et une situation finale. C’est le
quand un récit, une trame, schéma classique, en 5 points.
un rail, se présente. Une Exemple : Le Petit Poucet. Vous
histoire, tout le monde veut vous rappelez ? Une famille
en découvrir la fin, non ? heureuse, surviennent la pauvreté,
l’abandon dans la forêt, la
suppression de l’ogre et le retour
de la fortune grâce aux bottes de sept lieues. Il est plus facile de décrire
les faits quand un récit, une trame, un rail, se présente. Une histoire,
tout le monde veut en découvrir la fin, non ? Hélas, tous les discours
ne peuvent pas se dérouler comme un récit. En tout cas, on rédige la
première mouture. Et l’on revient dessus, pour la copie définitive.
Troisième étape, l’enrichissement
Une fois passé le travail de lisibilité, s’offre
la possibilité de rendre les informations
plus claires. Il existe une formule de style idéale :
la comparaison. Ainsi, plutôt que d’écrire : « le Costa
Concordia est un paquebot gigantesque ». Préciser :
« la hauteur du Costa Concordia atteint celle d’un
immeuble de onze étages ». La comparaison aide
à restituer une vérité. Quand le journaliste Albert
Londres arrive au bagne, il note : il y fait chaud
comme dans un four de boulanger. Le texte change
de dimension.
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À RETENIR
f Raconter les faits, c’est recueillir les
informations, rédiger un premier jet et
enrichir son texte.
COMMENT
2
MARQUER
LES ESPRITS ?
Se familiariser avec différentes
formes de rhétorique pour
surprendre ses lecteurs et leur
offrir un plaisir de lecture.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE
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Pour frapper un grand coup, commencer dès le titre. Celui-ci comprend
impérativement l’information principale. Sans mot superflu. Exemple :
« La qualité de l’air se dégrade à Paris ». La rédaction de l’énoncé est
à l’actif, au présent, sous forme de phrase-choc. Le procédé vaut tout
aussi bien pour les mails ou les tweets. Plus les mots retenus pour
le titre sont riches de sens, plus ils marqueront. Le vocabulaire de la
langue française recèle des trésors de mots courts. Vie, mort, ciel,
terre, homme, femme, etc. Exer-
cez-vous à chercher des mots
Plus les mots retenus courts riches de sens. En vous
pour le titre sont riches rappelant par exemple la sen-
de sens, plus ils marqueront tence de Racine, « le jour n’est
pas plus pur que le fond de mon
cœur » (Phèdre, 1677). Les mots
concrets marquent davantage que les généralités. C’est ainsi que la liste
de 100 mots simples - mais non simplistes - à fort pouvoir associatif, éta-
blie par les chercheurs Kent et Rosanoff (table, nourriture, mains, etc.) a
permis de déclencher des séquences de réveil chez des malades autistes.
Il s’agit de mots-ressorts qui ébranlent le lecteur.
L’ensemble du texte doit majoritairement être composé de phrases
courtes, si possible : sujet verbe-complément (déjà dit 10 lignes
au-dessus), car la structure présente une unité de signification perçue
immédiatement. Cette structure est aussi un gage de densité du texte.
En effet, un sujet, un verbe, un complément : un acteur - une action - un
objet. C’est dire l’univers de sens qui apparaît entre deux points.
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À RETENIR
f Pour marquer les esprits, il faut tenir
compte de son lecteur et choisir un
message fort.
QUELLE
2
CHECK-LIST POUR
SE RELIRE ?
Découvrir et appliquer
une méthodologie
pour améliorer ses écrits.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - SOIGNER SON STYLE
2
Au deuxième passage, surveillez les verbes et rien que les verbes.
Le verbe soutient la phrase comme un os, il dessine le squelette d’un
texte. Les auxiliaires être, avoir ou faire, les verbes d’état comme
sembler, ressembler, paraître sont proscrits. La raison en est que ces
verbes ne portent pas d’action. En optant pour un verbe mou, vous ratez
une bonne occasion d’apporter du souffle, du nerf, d’ébouriffer vos
phrases. Echangez
vos verbes, tentez
plus d’effet ou plus
Faire de la marque elle-même un de nuances.
influenceur crédible et entendu !
Autour du verbe,
deux ou trois
choses à vérifier.
Le sujet et le verbe adorent se frotter. Le chat mange la souris. Le
chat, qui souffre d’embonpoint, mange la souris mais, forcément,
c’est beaucoup moins digeste. Autour du verbe, encore, gravitent les
adverbes. A côté du verbe, ils béquillent le verbe, pour en corriger l’effet.
Je marche rapidement, je marche très rapidement, autant dire que
je presse le pas, ou alors, est-ce que je ne suis pas en train de courir ?
Dites-le avec des verbes ! Et ne les mettez pas dans le coma. Le participe
présent et le passif éteignent l’action. J’arrive en me hâtant. J’arrive, je
me hâte, c’est déjà mieux. Réveillez vos verbes : tous à l’actif !
Le troisième passage de l’œil se fait à l’envers.
Attrapez votre texte phrase à phrase en commençant par la fin.
Enlevez tous les mots inutiles : les mots concepts qui ne portent aucun
sens concret, (analyse, problème,
signification...), les adjectifs sans
relief, les précisions imprécises
(petit, grand, gros) et tous les affreux
modérateurs de discour : (assez,
plutôt, un peu, vraiment...) : comme
les adverbes, ils jouent à moduler
des propos flous au lieu de fixer de
belles idées, des images précises,
des odeurs fines.
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À RETENIR
f Une relecture thématique en trois temps
est la plus efficace pour améliorer son
style.
QU’EST-CE
3
QU’ÉCRIRE
MULTICANAL ?
Penser son sujet en amont
afin de le concevoir en tenant
compte des différents supports
sur lesquels il sera diffusé.
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX
3
Le message essentiel définit et précise l’information à traiter. L’angle
adapte le message essentiel à un média en particulier, à un public en
particulier, en l’appliquant à une histoire en particulier.
Ainsi, si un journaliste apprend que mademoiselle Rose a tué le colonel
Moutarde à coups de tisonnier, il va d’abord décider par quel média
commencer, comment adresser cette histoire à chaque canal de
diffusion : Twitter, Facebook, le papier, les vidéos. Un seul message
essentiel pour tous les médias mais un angle distinct pour chacun.
Par quel média commencer ?
Le premier train qui part est le bon. Ne pas se précipiter, vérifier
l’information avant publication fait loi, bien sûr. Mais la prime à
l’équipe ou au média qui s’empare d’un sujet en premier est réelle.
C’est elle que Google favorisera sur ce sujet par la suite. Un seul
message essentiel est répété, et même martelé d’un article à l’autre,
afin que le lecteur vous repère dans la forêt des fenêtres ouvertes sur
son écran - une moyenne de sept sur l’écran d’un cadre. Ce message
essentiel est un marqueur important dans un univers multicanal.
Les angles, eux, s’appliquent à des temps et des moments de lecture
différents. Dans l’urgence de la découverte des faits : 140 signes,
une brève sur un fil d’actu. Les jours suivants, des angles de plus
en plus affinés à mesure que l’information sort de l’urgence (qui
était la victime, qui était la coupable ? Puis plus tard : comment la
relation victime/coupable a-t-elle déclenché un passage à l’acte) ?
Et à un moment, le jeu se retourne : c’est l’article « somme » dans
le journal qui crée l’événement : par exemple, le portrait fouillé de la
coupable, l’analyse finale.
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À RETENIR
f Même s’il existe plusieurs canaux de
diffusion, l’information traitée reste
inchangée.
COMMENT
3
METTRE SES
TEXTES EN
VALEUR
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX
3
Deux tactiques s’appliquent pour attirer le lecteur vers les textes :
la tactique incitative et la tactique informative. Dans la tactique
incitative, le rédacteur intrigue, joue avec les mots, recherche la
connivence avec le lecteur. Avec la tactique informative, le rédacteur
veut se faire comprendre vite, tout dire explicitement. Quand Le Monde
titre « Simenon est mort », Libération répond par un « Maigret casse sa
pipe ». L’incitatif de Libé frappe juste ceux qui connaissent Simenon et
son personnage fétiche. Les autres repasseront. Par temps de lecture
zapping, place à l’explicite, l’informatif, au pédagogique.
Le hors texte assure une forme de service minimum. Il dit l’essentiel.
Au pire, votre lecteur zappeur aura l’impression que vous avez assuré
le job, même s’il n’a pas lu votre texte, et c’est déjà beaucoup. Au
moment de rédiger votre hors texte, veillez à ce que l’essentiel de
l’information existe autour de l’article. Par exemple, les informations
sur le protagoniste de l’action sous la photo qui le présente, une
relance dans le texte pour donner le contexte et bien sûr, l’information
synthétisée dans votre chapo... Ne craignez surtout pas de déflorer
votre information ! C’est un mantra : plus le lecteur en sait et plus il a
en envie d’en savoir plus.
Faites clignoter l’information en allant
au plus simple et direct, sans
fioriture. « Les incendies se
multiplient dans la région »
peut donner : « c’est le
septième départ de feu près
de Vannes en trois mois ».
Là arrive la belle surprise :
l’exercice pousse à la
précision et à la pertinence.
Et ces informations-repères
(les nombres, les lieux précis)
sont autant de bons mots clés
pour le référencement naturel
qui font monter vos articles dans le
classement de Google.
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À RETENIR
f L’existence de multiples canaux de dif-
fusion donne différentes temporalités à
l’information.
3
Tout un sujet peut ainsi jouer les poupées gigognes. Par exemple, le
compte-rendu d’un match de tennis peut pointer vers la biographie du
vainqueur qui peut pointer vers le classement des meilleurs gauchers
de tous les temps qui pointe vers les pires esclandres de John McEnroe.
Sujet gigogne ? Mais le plus petit des sujets gigognes, ici John McEnroe,
possède aussi des mots clés et des bons, qui peuvent le faire sortir très
haut dans le classement de Google. Et dans ce cas, c’est lui qui pourra
servir de porte d’entrée à la navigation. Car les liens hypertextes marchent
dans les deux sens. L’une des conséquences, c’est qu’un article doit être
relié à d’autres mais surtout il doit pouvoir se lire indépendamment de
tous les autres.
Attention à varier les formats. Derrière un lien hypertexte, un autre texte
ne s’impose pas. Au rédacteur de proposer peut-être une vidéo, un son,
ou, un diaporama. Ce travail demande plus de temps de production.
Mais c’est surtout le temps de conception qui compte, pour imaginer
toutes les ramifications possibles dans
une temporalité donnée. Que se passera-
t-il trois semaines, trois mois après la
En France, 90%
publication première ? C’est bien de
l’imaginer dès le départ pour augmenter
des navigations
la durée de vie des informations, leur effet se font depuis Google.
longue traine. Ainsi, la fête des brodeuses
de Pont l’abbé est un événement local qui
peut être traité de mille manières. Mais se concentrer sur les motifs
des broderies qui ornent la célèbre coiffe en forme de tube, dérouler
le diaporama de ces motifs en expliquant leur signification est un petit
travail d’ethnographie qui résistera aux années.
En France, 90 % des navigations se font depuis Google. Dans 90 %
des cas, l’internaute a tapé un mot clé dans Google pour arriver à un
article. L’internaute ne connait pas forcément votre média et ce n’est
pas sa préoccupation : il attend une réponse directe à une question
qu’il se pose. Il est indispensable de lui donner le contexte de votre
information, d’en faire la synthèse de votre info au début de l’article.
Mais vous commencez à comprendre ! ▼
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - LES NOUVEAUX FORMATS ÉDITORIAUX
COMMENT
3
DEVENIR
L’ARCHITECTE
DE SES ÉCRITS
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À RETENIR
f Sur Internet, chaque article est une porte
d’entrée vers d’autres articles.
QU’EST-CE QU’UNE
BONNE HISTOIRE ?
Addendum par Simon Ruben
SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?
ADDENDUM PAR
4
SIMON RUBEN
Journaliste et responsable de l’offre CFPJ
ABILWAYS
NOUVEAU
CHAPITRE
Après avoir lu les pages de ce livre blanc, vous connaissez les lois de
proximité, vous saisissez l’idée d’un fil conducteur comme colonne
vertébrale du récit, vous savez comment vous adresser à telle ou
telle cible. Bien. Vous pouvez choisir entre divers styles ? Vous avez
commencé à intégrer la notion d’accroche, et vous utilisez une check-
list pour relire vos productions et les corriger ? Excellent. Pourtant,
tout cela ne garantit pas que vous serez lu·e·s. Et, en toute logique,
que votre écrit sera apprécié. Et c’est parfaitement normal, dans
la mesure où une bonne histoire est autant fonction des gens qui
l’écrivent que des gens qui la lisent.
En somme, une histoire ne peut être
Une histoire ne peut bonne que si elle est jugée comme
être bonne que si telle par un public extérieur. On ne
elle est jugée comme telle peut pas écrire une bonne histoire
par un public extérieur. en se disant « je vais écrire une
bonne histoire ». Tout ce que l’on
peut faire, c’est écrire et espérer
que le récit sera lu et apprécié. La nuance est importante. Toutefois,
la question « qu’est-ce qu’une bonne histoire ? » est pertinente et
nous devons toutes et tous nous la poser constamment. C’est ce que
nous allons étudier dans cet ultime chapitre qui vise autant à donner
quelques clefs techniques qu’à dessiner un horizon à atteindre. Notre
objectif : comprendre ce qui fait une bonne histoire, c’est-à-dire une
histoire qui mérite d’être lue. ▼
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SAVOIR ÉCRIRE POUR ÊTRE LU - QU’EST-CE QU’UNE BONNE HISTOIRE ?
LES PARTIES
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ET LE TOUT
Nombreux sont les auteurs à avoir disserté sur cette question. Qu’est-
ce qu’une bonne histoire ? Aristote apporte une réponse à mon sens
décisive dans La Poétique, ouvrage qui traite de l’art poétique, de l’art
du récit, de la fabrication de la tragédie, notamment. Que nous dit
Aristote ? Qu’une bonne histoire est d’abord affaire de complétude. Une
histoire est un tout, avec un début, un milieu et une fin. Et, mieux que
cela, chaque partie du récit sert l’intrigue principale. Une histoire est
un tout composé de ses parties. Et si vous enlevez ne serait-ce qu’une
partie, ne serait-ce qu’une phrase, alors tout s’effondre. La cohérence
du récit est ici totale. Voilà un premier enseignement à travailler.
Écrivez une histoire avec un début, un milieu et une fin. Deux phrases
pour le début, deux phrases pour le milieu, deux phrases pour la fin.
Puis retranchez-en une. Si l’histoire tient, alors cette partie n’était pas
utile. Si l’histoire ne tient plus, vous comprenez alors que votre histoire
était cohérente et que tout ce qu’elle contenait lui était nécessaire. ▼
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Essayez d’enlever une phrase de ce court récit. Vous verrez que le sens
en sera obscurci ou que l’histoire n’aura même plus de sens du tout.
C’est ça, la cohérence. Tout se tient et chaque partie est à sa place.
Pensez aussi aux romans que vous lisez. Qu’est-ce qu’un bon roman ?
C’est d’abord un récit cohérent. Rien n’est superflu. Même s’il peut
arriver que l’auteur ou l’autrice jette des fausses pistes, la plupart du
temps chaque scène éclaire l’histoire d’une manière nouvelle et vous
apporte un nouvel élément de compréhension.
Ce travail sur la longueur d’une histoire, sur la somme des parties
et l’importance de chaque partie au service du propos général est
essentiel puisque c’est ce travail qui va vous permettre de synthétiser
un propos, de résumer, d’aller droit au but sans perdre le sens ni la
richesse d’un récit. Nous pouvons également songer aux films et
séries. Lorsque la caméra s’attarde
sur un détail qui se révélera être un
élément clé de l’intrigue quelques
Une bonne histoire
minutes ou épisodes plus tard.
est garante d’une
Cette cohérence, nous pouvons
aussi l’appeler unité. Une bonne certaine unité
histoire est garante d’une certaine
unité. Tout se tient, rien n’est « à
côté », rien n’est « hors sujet ». Et, lorsque vous écrivez, vous devez
garder votre propos en tête. Quel est le cœur de votre propos ? Que
voulez-vous raconter fondamentalement avec cet écrit ? La réponse
doit tenir en une phrase. Et si chaque partie, chaque virgule de votre
récit répond à cette phrase, fait écho au cœur de votre trame, alors
vous devriez parvenir à tenir cette fameuse cohérence. ▼
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L’IDÉE DE
4
PROGRESSION
Une bonne histoire c’est aussi une progression, une évolution. Presque
comme si le récit était fait d’une matière vivante. Un héros apathique,
aboulique, inactif… ne ferait sans doute pas un personnage passionnant.
Du reste, on éprouverait des difficultés fort légitimes à écrire sur rien.
On ne peut écrire que sur une matière qui va bouger, évoluer dans le
temps ou autour de laquelle une vie va s’organiser.
La force d’une histoire se situe précisément ici : dans l’idée de
progression. A titre personnel, en tant que journaliste, j’ai souvent eu
du mal à rédiger mes reportages justement parce qu’ils ne proposaient
pas de progression. Chaque élément nouveau doit, justement, apporter
un nouvel éclairage sur le sujet. Prêtez attention aux reportages de
presse écrite : chaque nouvelle citation va permettre soit d’approfondir
une problématique soit d’en illustrer une nouvelle et d’aller un peu
plus loin que le paragraphe
précédent.
La force d’une histoire
Cela veut dire une première
chose : quand vous réunissez
se situe précisément
sous vos yeux votre matière, ici : dans l’idée de progression
vos interviews, vos chiffres, vos
citations, vos informations, vos
éléments centraux, il faut les trier et les hiérarchiser. Hiérarchiser pour
construire une progression. Libre à vous de démarrer par la fin. Mais
vous devrez construire néanmoins une progression. On voit cela dans
de nombreux romans et films : une scène d’introduction qui raconte
une partie du dénouement de l’intrigue, voire qui raconte sa fin ; ▼
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puis un retour en arrière pour reprendre depuis le début le récit qui
nous occupe. C’est un peu de cette manière là que nombre de tragédies
antiques sont façonnées : on sait – souvent par l’entremise d’un
augure, comment l’histoire va se terminer et on assiste à l’alignement
malheureux des planètes qui va mener à la tragédie.
Comment organiser ces parties ? En choisissant une progression qui
va coller au propos. Exemple avec la série de livres Harry Potter qui suit
l’apprentissage d’un jeune sorcier, année scolaire après année scolaire.
Chaque tome met en scène le héros, d’année en année. Et le lecteur
progresse avec lui, apprend
avec lui sur le monde, les
intrigues, les personnages,
La progression pose la les enjeux dramatiques.
condition d’une existence
On pourrait, par ailleurs,
tout à fait imaginer un récit
qui pourrait proposer une
progression renversée : imaginons un récit sur l’empire romain qui
partirait de sa dislocation pour remonter vers son âge d’or. C’est ici une
progression plus rare mais que l’on peut retrouver dans de nombreux
récit (c’est le cas dans certaines œuvres comme le film Memento dans
une certaine mesure, dans le roman Counter-clock World de Philip K.
Dick mais pensez aussi, plus prosaïquement à un CV).
Mais, fondamentalement, pourquoi un bon récit implique-t-il une
progression ? Je pose cette question que je laisserai ouverte car
il appartient à chacun d’y apporter une réponse. Pour moi, l’idée
de progression implique l’idée de vie, de mouvement et au-delà, la
progression pose la condition d’une existence. Tout ce qui existe a un
rapport au mouvement. Un rapport concret, métaphysique, ontologique,
etc. Et ce qui ne se meut pas ou n’est mu par rien ne peut pas être
raconté. L’idée de progression implique du mouvement et donc, en
toute logique, de la surprise, de l’inattendu, de l’action. La progression,
c’est ce qui va briser la routine, l’habitude, l’ennui et va donc relancer
l’intérêt du lecteur ou de la lectrice. ▼
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Cette idée de progression on la retrouve aussi dans la structure même
de l’écrit. Varier les rythmes des phrases, leurs longueurs, est un enjeu
essentiel pour raviver la flamme de l’attention. Même lorsque l’on écrit
un rapport ou une synthèse, cette
idée de progression est importante.
Faire progresser le récit, le garnir Varier les rythmes
de moments plus denses et plus des phrases, leurs
vifs puis de temps plus faibles, longueurs, est un enjeu
va faciliter la lecture. Imaginez essentiel pour raviver la
qu’en écrivant, vous soufflez sur flamme de l’attention
des braises. Parfois, il vous faudra
souffler fort pour raviver le feu qui
couve ; à d’autres moments, vous reprendrez votre souffle.
Une bonne histoire, en plus d’être sous-tendue par une unité, une
cohérence, garantirait donc une progression. Qu’il s’agisse d’un article
journalistique, d’un roman, d’une série, d’un rapport ou d’une synthèse.
Si vous voulez être lu-e, vous devez vous astreindre à garantir une
progression, un mouvement global à votre récit. Ulysse n’a pas vécu
l’Odyssée en restant vissé à Ithaque (peut-être aurait-il dû, me direz-
vous !).
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JOUER AVEC
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LES ÉMOTIONS :
LA DYNAMITE
DU CŒUR
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Non pas que les poètes n’étaient pas savants ou qu’ils étaient des
charlatans mais plutôt que leur art était comme inspiré par les dieux
et que les poètes étaient comme les instruments des dieux. Or, pour
Platon, la politique est l’affaire des hommes et non des dieux. Bref,
méfiance à l’égard du lyrisme. Cette idée-là, on la retrouve infusée dans
la culture populaire jusque dans Star Wars où le jedi doit se couper de
ses émotions sous peine de basculer du côté obscur.
Et pourtant, les émotions constituent
un matériau précieux lorsqu’il s’agit de
Une émotion
confectionner des récits. Même des
se ressent plus histoires vraies. Il faut, certes, faire
qu’elle ne se dit attention à ne pas trop jouer avec les
sentiments sous peine de rendre les
émotions qu’on veut susciter inopérante.
Évitons aussi l’écueil de dire au lecteur ce qu’il doit ressentir. Show,
don’t tell. Décrire, raconter sans forcément dire exactement ce que
l’on est censé ressentir. Voilà une première piste intéressante.
En tant que journaliste, il m’est arrivé d’avoir à couvrir en direct pour
la radio des événements très « émotionnels » variés : de finales de
coupe du monde de foot à des attentats. Double difficulté : gérer en
soi les motions qui se bousculent pour garder un discours audible
et clair (quand on est pris par l’émotion, on peut bafouiller, perdre ses
moyens ou ses mots) et faire ressentir ce qui se passe sans forcément
s’écrier « c’est horrible » ou « c’est extraordinaire ». Heureusement,
les émotions nous aident à faire cela : à transmettre sans forcément
nommer. Car une émotion se ressent plus qu’elle ne se dit. Et elle
peut aussi se ressentir sous votre plume. La frénésie d’une phrase,
l’ajout des virgules pour syncoper le récit, l’absence de verbes, les
énumérations sont autant de procédés pour traduire une excitation,
une peur, une urgence. Le style au service de l’émotion.
N’ayez pas peur de vos émotions et creusez-les, interrogez-les,
questionnez-les. Pourquoi mon personnage ressent de la jalousie ?
Comment cela se traduit-il ? Et moi, que pourrais-je ressentir dans
cette situation ? Faites fonctionner votre empathie en amont et laisser
là affleurer subtilement dans votre texte. ▼
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DU PARTICULIER
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À L’UNIVERSEL
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Le poète Aimé Césaire ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit « plus on est
nègre, plus on est universel ». Qu’entend-il par-là ? D’abord rappelons
que la négritude, chez Aimé Césaire est un concept politique. Son idée
est de dire qu’il ne faut pas étouffer les particularismes, les identités
mais bien les célébrer, les valoriser, les questionner, les faire exister
pour pouvoir exister au monde. Un récit universel n’est pas un récit
qui nie les identités, les particularités, mais au contraire qui les fait
rayonner. Un universel n’est riche que de tous les particuliers. Et c’est
en creusant les détails, en les soulignant, que l’on va pouvoir parler à
tout le monde et être compris de tout le monde.
Si je vous raconte que je suis allé sur le marché pour acheter des
fruits, il y a fort à parier que vous ne vous souviendrez plus de cette
histoire dans une semaine. Si, en revanche, je vous raconte que je suis
allé au marché, que je suis passé
devant l’étal de fruits et légumes
et que j’ai vu ces framboises qui, Un universel n’est
enfant, faisaient ma joie et m’ont
riche que de tous
rappelé mes après-midis de jeu
avec ma grand-mère qui m’achetait
les particuliers
ces mêmes framboises rouges
et sucrées, là, peut-être ai-je une
chance d’entrer dans votre mémoire. Car ce récit, plus détaillé va
peut-être faire écho avec votre propre expérience. Certains vous se
dire « moi je n’aime pas les framboises », d’autres « il m’est arrivé la
même chose ». Peu importe. Mais chacun va pouvoir se positionner
par rapport à ce récit, va pouvoir l’assimiler, le digérer.
On touche ici au secret d’une bonne histoire et à
l’importance des détails. Des détails qui ne sont pas
anecdotiques mais bien essentiels. Et ce sont ces
détails, ces particularismes et particularités qui vont
pouvoir générer des réactions, entrer dans les têtes et
les cœurs et, à terme, forger l’universel.
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À RETENIR
1. Construire un récit de telle sorte que
chaque partie serve le tout et que
chaque partie soit essentielle, vitale, à
l’ensemble.
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POUR ALLER PLUS LOIN
É C O U V R E Z N O S F ORMATIONS
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T E C H N IQ U E S D E RÉDACTION
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