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LE TOTALITARISME PERVERS

D’une multinationale au pouvoir

ALAIN DENEAULT
Ce tiré à part du texte Le totalitarisme pervers, ici revu, enrichi et introduit, est précédé d’une synthèse de la
volumineuse recherche parue sous le titre De quoi Total est-elle la somme? (Rue de l’échiquier/Écosociété,
2017), à partir de la revue de presse 2017.

Assistant à la rédaction
Simon Paré-Poupart

Revue de presse
Mariama Keita

Révision linguistique
Claire Gauthier

Édition
Thomas Bout, Rue de l’échiquier
David Murray, Écosociété

Coordination éditoriale: Thomas Bout et David Murray


Maquette de la couverture: Catherine d’Amours, Nouvelle Administration
Typographie et mise en pages: Yolande Martel
Adaptation numérique : Studio C1C4

© Les Éditions Écosociété, 2018, pour l’édition nord-américaine

ISBN ePub 978-2-89719-406-2

Dépôt légal: 1er trimestre 2018


Les Éditions Écosociété reconnaissent l’appui financier du gouvernement du Canada et remercient la
Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) et le Conseil des arts du Canada de leur
soutien.
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.
«Total:
qui affecte toutes les parties,

tous les éléments.»

Le Petit Robert
Le totalitarisme pervers

Total
On erre en définissant Total comme une société pétrolière
française. Tous les termes de cette assertion portent à
confusion: «une», «société», «pétrolière» et «française».
D’abord, les groupes multinationaux ne font pas un par
définition, mais se composent juridiquement de plusieurs
centaines d’entités. Filiales, trusts, fonds d’investissement,
fondations, cabinets spécialisés… ces structures se révèlent
indépendantes les unes des autres du point de vue du droit,
quoiqu’elles constituent par leur maillage la multinationale
comme telle. C’est comme si le droit commercial ne
reconnaissait pas une image, mais seulement les pixels qui la
forment. Ces différentes structures autonomes répondent
exclusivement de la loi de l’État où elles sont respectivement
créées, se facturent les unes les autres et peuvent aussi
mutuellement se prêter de l’argent. Toutes servent la même
communauté d’investisseurs de fait, mais non de droit: un
«Groupe» ne constitue pas encore une notion juridique. En
cela, Total n’a en rien le statut d’une boutique de quartier
valant pour elle-même: la composent, dans 130 pays, 934
sociétés consolidées que son conseil d’administration
coordonne au nom de son actionnariat1. S’il s’agit de se la
figurer telle une pieuvre de taille mondiale, les différents États
où se trouvent à agir ses tentacules ne légifèrent que sur ceux-
ci pris isolément, feignant de penser que leur mouvement
n’obéit juridiquement à aucun cerveau, ni à rien d’autre
qu’eux-mêmes. Quant à Total, les filiales du Qatar, du
Myanmar, de la Bolivie, des États-Unis, des Bermudes, de la
Grande-Bretagne et d’Algérie n’entretiendraient officiellement
aucun lien avec la maison mère de La Défense, laquelle en
organise pourtant les opérations de fait. Tout au plus, de rares
lois, telles que celle édentée sur le «devoir de vigilance» votée
en 2017 par l’Assemblée nationale française, forcent-elles ce
lien de solidarité en cas de violation extrême des droits
fondamentaux2. Pour le reste, Total pèse de tout son poids à
travers ses filiales dans chacun des États où elle en crée, bien
qu’aucun d’eux, en revanche, ne sache légiférer à l’échelle
mondiale où la firme étend effectivement son empire. Chaque
filiale s’ancre dans son territoire à la manière d’un acteur
local3, tout en relevant d’intérêts financiers supérieurs. La bien
nommée «multi-nationale» trouve ainsi toute latitude dans une
mondialisation financière qui lui permet d’échapper à la portée
des législations et des juridictions. Se liguant aux autres
multinationales pour développer avec les pouvoirs publics un
rapport de domination, elle se fait forte d’une maîtrise
exclusive de l’accès aux richesses.

Ensuite, «Française», Total ne l’est plus qu’à hauteur de


28%4. Et seuls 16% des titres que détiennent les investisseurs
institutionnels – ceux qui contrôlent en réalité la firme – sont
en France5. On se partage à l’extérieur de l’Hexagone 72% du
capital de Total. La République française n’en possède plus du
tout directement. Seuls quelques fonds publics disposaient
encore de 0,31% de ses titres en 2015. À la fin du XXe siècle,
des vagues de privatisation successives ont amené la France à
se départir de ses titres boursiers dans la Compagnie française
des pétroles (CFP, titulaire de la marque «Total») ainsi que
dans la Société nationale Elf Aquitaine (dépositaire de la
marque «Elf»), lesquelles, au terme de tractations serrées, ont
formé, avec PetroFina, la Total que nous connaissons
maintenant (voir la généalogie et la vue synoptique en fin
d’ouvrage). Les autorités politiques chinoises, le pouvoir
qatari, le fonds souverain norvégien, pour leur part, en sont
devenus depuis d’importants actionnaires, sans parler de
familles agissant officieusement comme des gouverneurs dans
leurs pays, par exemple les Frère de Belgique ou les
Desmarais du Canada, ces derniers ayant occupé un siège au
conseil d’administration de Total de 2000 à 2017.
Aujourd’hui, la puissante société de gestion d’actifs
Blackrock, aux États-Unis, est la première actionnaire de
Total6. Les principaux détenteurs de titres proviennent sinon
du Royaume-Uni, de Belgique, de Suède ou encore de
différents paradis fiscaux7. La firme a émis à ce jour 2,5
milliards de titres, qui ne sont détenus par aucun actionnaire de
référence8, et a versé, en 2017, 6,1 milliards d’euros de
dividendes pour satisfaire la soif de ses investisseurs9. Total
étant dégagée de tout lien actionnarial avec l’État, son
caractère «français» ressort peu, hormis dans ses stratégies de
communication. «En 2012, 65% de ses capitaux dans le
raffinage et la pétrochimie étaient concentrés en Europe, mais
le pétrolier français souhaite inverser la tendance en portant la
part de ces capitaux en Asie et au Moyen-Orient à 70% d’ici
201710», lisait-on récemment dans la presse spécialisée. La
firme a beaucoup misé sur des superstructures de raffinage
comme celle de Jubail, en Arabie saoudite: quelque 4 milliards
d’euros en investissements lui assureront une production de
400 000 barils par jour11. Par euphémisme en dira-t-on que les
exigences sociales et fiscales y sont moindres qu’en France.
Dans cette perspective mondiale où Total conçoit ses stratégies
indépendamment de toute appartenance nationale, la France
fait figure de pays comme un autre. Seuls comptent les enjeux
d’affaires. Ainsi, «un peu plus de trois ans après avoir fermé
son vapocraqueur de Carling, en Moselle, Total réinvestit dans
la pétrochimie… aux États-Unis», constate Anne Feitz du
quotidien financier Les Échos12. Suave, le maire de Pau,
François Bayrou, a choisi pour sa part d’évoquer en mars 2017
un «ressenti d’éloignement entre la multinationale et la société
française13». De huit raffineries, la firme est passée à cinq sur
le territoire de la métropole, six si l’on considère aussi les sites
de pétrochimie. Il s’agit désormais de pôles souvent
déficitaires ou d’installations converties en niches. Le site de
La Mède en Provence se spécialise dans les agrocarburants et
celui de Donges dans l’estuaire de la Loire produit du gazole
en fonction des normes européennes, tandis que les
plateformes de Feyzin près de Lyon et de Grandpuits en Seine-
et-Marne ne fonctionnent pas à plein régime14. Même le site
normand de Gonfreville-l’Orcher, pratiquant tant le raffinage
que la pétrochimie, fait l’objet de mises à pied15. En ce qui
regarde le domaine strictement pétrochimique, les
infrastructures Carling Saint-Avold en Moselle se consacrent
désormais aux polymères et résines d’hydrocarbures16, tandis
qu’on destine à terme celles maintenant fermées de Dunkerque
au traitement de biomasse de deuxième génération17. En
Europe, le site d’Anvers est le plus important du groupe18.

D’un point de vue fiscal, l’éclatement des entités de la


firme dans des législations qui se comptent par dizaines se
révèle fort avantageux. Officiellement, le groupe s’engage en
2015 à faire disparaître ses filiales aux Bermudes, aux îles
Caïmans et aux îles Vierges britanniques, soit des législations
«considérées comme des paradis fiscaux19» ou «réputées être
des paradis fiscaux20», selon la déclaration alambiquée de son
PDG. Deux ans plus tard, la série de révélations dites des
Paradise Papers, soit une banque de données relevant du
cabinet d’avocats bermudien Appleby obtenue et analysée par
le Consortium international de journalistes d’investigation,
permettra de comprendre l’utilité de ces filiales aux Bermudes,
soit de faire remonter en France des fonds en franchise
d’impôts. «Sont par exemple concernées toutes les activités
non extractives implantées aux Émirats arabes unis. Sur ce
territoire, il n’existe d’impôts ni sur les sociétés ni sur les
dividendes. Les bénéfices remontent donc vers leur
actionnaire, souvent une filiale de Total aux Bermudes avant
d’arriver en France. […] On ne sait pas aujourd’hui pour
combien de projets Total bénéficie de cette double exonération
d’impôts.» Le PDG de Total s’est contenté d’y voir de
l’«histoire ancienne», plaidant la légalité pour le reste, sans
qu’on puisse aller y voir. «J’ai signé une charte qui veut que
nous n’avons pas de politique fiscale agressive» restera la
déclaration du PDG sur la foi de quoi toute considération
devrait stopper net21. Mais une fois de tels effets d’annonce
passés, on apprend que les composantes offshore des
consortiums que Total ne contrôle pas majoritairement
resteront actives, la pétrolière disant ne pas avoir les moyens
de les faire fermer. Les associations Oxfam, Solidaires,
Sherpa, Survie, Secours catholique et CCFD-Terre Solidaire
ont signalé en outre que Total fait preuve de quelques libertés
dans sa façon de définir ces législations ultrapermissives. Dans
un communiqué conjoint, les associations notent, en se
référant à la liste des paradis fiscaux de l’organisation Tax
Justice Network, que «Total comptabilise en réalité 178 filiales
dans des territoires opaques, soit près de 20% de l’ensemble de
ses filiales22»! Avec un manque flagrant de rigueur, la
multinationale n’a pas jugé bon de compter parmi les
législations «considérées» ou «réputées être» des paradis
fiscaux des pays aussi controversés en matière de passe-droit
que le Luxembourg, les Pays-Bas ou la Suisse! Elle a retenu
uniquement les législations de complaisance stéréotypées,
celles des dépendances de la Couronne britannique. Selon
Olivier Petitjean de l’Observatoire des multinationales, c’est
près d’une filiale de Total sur cinq liée à la gestion de
l’exploration et de la production énergétiques qui était
enregistrée offshore en 201523. La firme ne paie toujours pas
d’impôt sur les sociétés en France, traîne devant les
mécanismes opaques de règlements de différends un pays
comme l’Ouganda dès lors qu’il tente de faire valoir son
système de taxation auprès d’elle24 et se trouve citée, en plus
des Paradise Papers, dans les «MaltaFiles» portant sur
l’évitement fiscal pratiqué par les multinationales dans l’île de
Malte25. Il ne semble pas que le nouveau cadre fiscal de
l’OCDE suivi par une soixantaine de pays empêche
complètement ce type de manœuvre; la notion de «groupe»
n’est toujours pas considérée en droit; et les multinationales
cèdent à loisir à leurs filiales offshore les lucratifs droits de
propriété intellectuelle qui amènent les autres entités du
groupe à lui transférer des fonds qui ne seront pas imposés26…
De guerre lasse, les associations continuent de jeter une
lumière crue sur les acrobaties administratives de la firme.
Oxfam, ONE et Sherpa ont relevé en 2017 que les paiements
effectués par Total à la compagnie pétrolière étatique en
Angola diffèrent de l’ordre de 100 millions de dollars avec ce
que cette dernière prétend avoir perçu. Ces fonds se sont-ils
retrouvés dans de mauvaises poches? Cet écart pourrait
notamment s’expliquer par «un détournement de la part de la
compagnie pétrolière angolaise, ou par la mise en place par
Total d’un système destiné à payer moins d’impôt en
Angola27». Pour apaiser les esprits, le ministre de l’Économie,
Michel Sapin, a rapidement amené le parlement français à
voter une loi prévoyant la création de l’Agence française
anticorruption, exclusivement destinée à surveiller le
comportement en la matière de grands groupes tels que
Total28. L’entreprise a finalement dédommagé le pays pour
enterrer la question29, et pouvoir y relancer ses activités30.
Du reste, Total «la pétrolière» se consacre de moins en
moins au pétrole et à la pétrochimie: elle diversifie
radicalement ses activités afin de se positionner comme
énergéticienne dans les secteurs qui seront en vogue
lorsqu’elle et ses semblables auront épuisé les derniers sites
pétroliers accessibles. Certes, Total compte exploiter ses puits
jusqu’à la moindre goutte et même risquer le développement
de nombreux gisements31, dont plusieurs au large, voire en
eaux profondes, comme en Angola, au Brésil, au Congo, aux
États-Unis, en Grèce, en Guyane et au Royaume-Uni32. Elle
continue en outre d’exploiter les très polluants sables
bitumineux canadiens33. Sa spectaculaire acquisition à l’été
2017 de la puissante firme pétrolière danoise Maersk Oil, pour
7,45 milliards de dollars, s’est révélée la plus grande opération
du groupe depuis la fusion entre Elf et l’ex-Compagnie
française des pétroles34. Elle poursuit avec le même
déchaînement ses activités de raffinage: en plus de ses
installations déjà opérationnelles à Anvers (Belgique),
Gonfreville-l’Orcher (France), Jubail (Arabie saoudite), Port
Arthur (États-Unis) et Ras Laffan (Qatar), parmi les 19
raffineries et 26 sites pétrochimiques dans lesquels elle a des
participations dans le monde35, Total s’est dotée en Corée du
Sud d’une nouvelle plateforme intégrée de raffinage et de
pétrochimie et projette la construction d’usines pétrochimiques
en Iran36. Et en faisant entrer le président du directoire de
PSA, Carlos Tavares, à son conseil d’administration en 2017,
la firme a semblé vouloir s’engager réciproquement dans le
secteur français de l’automobile37. Mais repousser les
frontières de l’extractivisme reste aussi une façon de signaler
la fin de l’époque où l’on exploitait facilement la richesse. Un
analyste de la Banque UBS dira même de l’achat de Maersk
Oil par Total: «Dans le contexte d’un marché mondial des
cessions dominé par le pétrole non conventionnel américain et
les sables bitumineux canadiens, une opération sur des actifs
offshore conventionnels apparaît comme une anomalie38.» À
l’aube des années 2040, sa production se constituera seulement
de 35% de pétrole, contre 50% de gaz et 15% d’énergies bas
carbone telles que la biomasse, le solaire et le stockage39.
Aujourd’hui, la production de gaz naturel de Total est déjà à
peine inférieure à celle du pétrole (un peu plus de 48% contre
moins de 52%), alors qu’elle n’en représentait qu’un tiers au
milieu de la décennie 200040. En fait, Total est devenue en
2017 la deuxième gazière mondiale, raflant 10% du marché
planétaire41. S’avouant, à des fins tactiques, responsable du
réchauffement climatique en tant que pétrolière, voilà Total
qui se métamorphose en gazière pour passer auprès des esprits
faibles telle une «solution» écologique42. Si le réchauffement
climatique n’a pas raison de l’humanité après que tout ce
carburant aura été brûlé parce qu’on aura jugé nécessaire de le
commercialiser, Total aura su orienter ses distingués clients
vers ses nouveaux marchés de l’énergie. Elle vise déjà à
produire 15 millions de tonnes par an de gaz naturel liquéfié
en 202043. Le PDG du groupe milite à cette fin pour
l’établissement d’une taxe sur le carbone, soit un prix de
référence qui intègre les coûts d’émission de CO2, car le prix
du charbon et du pétrole doit servir de repoussoir vers la filière
du gaz44. Or, produire moins de pétrole à terme pour favoriser
l’extraction de gaz de shale (appelé à tort gaz de schiste), c’est
prétendre polluer moins l’atmosphère (en faisant fi de la
problématique émission de méthane45) pour plutôt exposer les
nappes phréatiques à de graves risques. Total compte parmi les
firmes à même de recourir à la technique hautement
problématique de la fracturation hydraulique46 au Danemark,
en Grande-Bretagne ou encore en Australie47. La voici déjà
aux États-Unis, en Argentine ou en Algérie arrivant ou
revenant en force pour extraire ainsi le gaz enfoui dans des
roches, en provoquant des remous souterrains qui mettent
potentiellement en péril des nappes phréatiques entières48.
Total se lance sinon dans des projets d’exploitation ou
d’exploration gazières en eaux profondes, comme en Écosse
ou en Grèce49. Elle est la première major à revenir en Iran
pour y exploiter, à hauteur de 50,1%, un prolifique champ
gazier conventionnel en mer représentant des investissements
globaux de 4,8 milliards de dollars, dont près de deux
milliards de dollars pour Total en ce qui concerne la première
étape50. La voici sinon en Bolivie51. La major s’est aussi dotée
d’un méthanier capable de transporter le gaz depuis la zone
arctique52.

À travers le gaz, c’est le marché de l’électricité produite à


partir de cette énergie première que vise Total, notamment par
des investissements massifs au Maroc53. Pour faire valoir ses
intérêts, elle a un temps compté sur Jean-Louis Borloo, ex-
ministre de l’Écologie de Nicolas Sarkozy devenu ensuite
«super-lobbyiste de l’électricité en Afrique», selon
l’expression du quotidien Le Monde54. Ce personnage a jeté
les bases de relations entre des responsables de fonds d’aide au
développement, des dirigeants africains et des sociétés
françaises telles que Bolloré, Dassault, EDF, Total ou Veolia,
favorables à l’essor d’un vaste marché continental de
l’électricité. En outre, Total voit déjà le jour où elle vendra
directement du gaz au détail, y compris en tant que carburant
dans ses stations-service, de même que l’électricité55.
Outre le pétrole et le gaz, une part importante de la
production énergétique de la multinationale passera par les
énergies dites nouvelles. D’ici 2035, le PDG de Total se fixe
pour objectif de dégager grâce à elles au moins 20% de ses
bénéfices et de son chiffre d’affaires56. Ce pourcentage est
certes dérisoire s’il s’agit de plaider sous ce prétexte la
«transition énergétique57», mais il témoigne du contrôle
considérable que s’octroie cette firme dans des secteurs
alternatifs, pour qu’ils ne lui paraissent en rien menaçants. À
l’instar des groupes chimiques BASF, Bayer et Monsanto qui
imposent leur hégémonie jusque dans le domaine de
l’agriculture biologique58, Total récupère les marchés
concurrentiels au pétrole et s’emploie à faire de son
épuisement le marché de demain. La filière «Gas,
Renewables & Power» (en anglais dans le texte) constitue
désormais son quatrième grand secteur d’activité, en marge de
l’Exploration-Production, du Raffinage-Chimie et du
Marketing & Services59. «Le secteur Gas, Renewables &
Power est destiné à porter l’ambition du Groupe dans les
énergies bas carbone à travers le développement dans l’aval
gaz et dans les énergies renouvelables», déclare-t-on dans le
style inimitable de l’entreprise, en confondant dans une même
catégorie des filières aussi variées que le gaz, le solaire et les
agrocarburants. Vouant se faire de cette manière le chantre de
l’économie propre, Total produit donc en masse des panneaux
photovoltaïques ainsi que des centrales solaires60, pourtant
exigeants en métaux lourds61. La multinationale, déjà en
contrôle de Sunzil (ex-Total Énergie), s’est hissée parmi les
premières productrices mondiales d’énergie solaire après avoir
acquis en 2011 l’états-unienne SunPower. Elle a fait de même
avec Saft en 2016, pour régner dans le secteur de la batterie de
pointe et du stockage d’énergie, avec le concours financier en
France d’acteurs secondaires tels que la société d’État Hydro-
Québec62.
Total poursuit par ailleurs ses recherches dans la filière du
captage et stockage du CO2 avec le soutien de l’État
norvégien63. Cette nouvelle pratique table sur des solvants
capables dans certaines conditions de convergence avec le
CO2 et sur le stockage sous terre de dioxyde de carbone64. Il
s’agit d’enfouir ces déchets à 4 500 mètres de profondeur dans
le sol ou, d’un point de vue écologiste, de mettre la poussière
sous le tapis. Total se positionne ainsi de manière
précompétitive dans ce domaine en vue d’une demande
technique sur le marché du carbone qui viendra de la Chine à
court terme.

L’intéressent ensuite les agrocarburants, nonobstant le


tort qu’ils représentent en matière de souveraineté alimentaire
des peuples du Sud. Son site de La Mède (Bouches-du-Rhône)
importe massivement de l’huile de palme, notamment d’Asie
du Sud-Est – il en faut 450 000 tonnes pour produire quelque
500 000 tonnes d’agrocarburant par année65 –, quoique cette
exploitation soit elle-même coûteuse en matière de production,
de transport et de transformation, donc d’énergie. Très peu
d’huiles recyclées entreront dans la composition de ce
carburant66. «Tout ceci a un impact carbone bien plus
important que si on faisait directement du gazole! En somme,
pour faire de l’énergie dite verte, on va polluer le reste du
monde», résume Fabien Cros, délégué CGT sur le site de
Total67. Les «enveloppes juridiques» qu’ont constituées dans
le cadre de la Françafrique les États satellites de Paris, tels que
le Gabon, suivent elles aussi la marche et comptent se
convertir progressivement à l’économie des agrocarburants68,
plutôt qu’à toute politique agricole en vue de leur autonomie
alimentaire.
La firme est aussi présente dans l’exploitation des boues
pétrolières, la régénération de résidus maritimes, la
nanopoudre et les granulés de bois69. Elle s’est également
engagée dans la filière de l’hydrogène: bien que la production
chimique de cette énergie puisse provoquer des perturbations
écosystémiques, un lobby est déjà en place pour la favoriser70.
À l’essence qu’écoule au détail le vaste réseau mondial de
stations-service de Total s’ajoute non seulement le gaz naturel
carburant71, mais aussi des bornes de recharge pour les
voitures électriques le long des routes72 et des haltes routières
adaptées aux conducteurs de poids lourds73.
Les déclarations écologistes de Total servent de cache-
sexes aux pratiques écocides qu’elle met en œuvre par ailleurs.
Ils portent les noms «énergie renouvelable», «engagement
sociétal», «développement durable»74. Le but: faire passer le
régime mondial de l’exploitation à tous crins et de la
surconsommation pour un vecteur de solutions75. Cela
s’achète, et porte le nom de GreenFlex, l’entreprise qu’a
acquise Total pour l’aider à passer pour verte à la marge, et
vendre ensuite à autrui cette expertise. «Éco-conception,
dépollution de l’eau, perturbateurs endocriniens… Sur ces
sujets d’actualité, nombreux sont les industriels du CAC 40 ou
du SBF 120 à faire appel à GreenFlex. Une société de
“solutions sur la transition environnementale et sociétale”
dotée d’avocats, sociologues, agronomes, chimistes,
ingénieurs ou encore data financiers76.» Total sera donc
désormais autorisée à dispenser des conseils aux autres
multinationales pour qu’elles paraissent à leur tour écologistes.
Le modèle consiste à lutter contre la pollution pour maintenir
comme tel le régime de production à l’occidentale. Par
exemple, Total transformera en biogaz le lisier de bétail en
Inde pour compenser exactement ce que représentent les vols
en avion de ses propres dirigeants et collaborateurs77. On
cherche tant bien que mal à apaiser les esprits78, bien que les
représentants de la firme peinent à dissimuler leur mauvaise
foi79. La firme reste tournée vers le pétrole et le gaz, ce que la
communication tout en vert de Total ne fait jamais perdre de
vue aux observateurs financiers80.

Total investit du reste dans l’Internet des objets, un


secteur qui n’échappe pas au vocabulaire infantile qui prévaut
dans le milieu des affaires. Il passe ainsi pour «un accélérateur
de la relation client», dans la mesure où il favorise le
développement de services associés à la vente de produits81.
On retrouve également la firme dans des voitures connectées,
ainsi que dans l’exploration par les drones, le covoiturage en
ligne, la mise en partage de voitures, le transport de colis, les
plateformes d’optimisation du fret et celui du paiement à
distance, entre autres domaines liés à la recherche
informatique et robotique de pointe82.
Ce n’est pas seulement à la production de cette logistique
et de ces sources d’énergie que s’affaire Total, mais également
au courtage et à la spéculation marchande qui s’ensuit,
investissant dans des structures dédiées au développement de
modes complexes de commercialisation de ces biens, réalisant
même des coups fumants aux États-Unis ou au Japon83. Sa
filiale Total Marine Fuels Global Solutions s’est aussi
positionnée au Royaume-Uni et à Singapour en 2017 pour
commercialiser massivement du carburant marin développé à
partir du gaz naturel liquéfié84. Elle a acquis la belge Lampiris
en 2016, rebaptisée Total Spring, laquelle achète 78% de
l’électricité qu’elle revend85. Ses clients, de même que ses
concurrents, goûtent peu la manière particulièrement agressive
par laquelle elle pratique le commerce86. Total est également
entrée à hauteur de 23% dans le capital d’Eren RE, laquelle
produit dans le monde de l’électricité à partir de l’énergie
éolienne, solaire et hydraulique87. Nonobstant la cession de
certains actifs gaziers et pétroliers88, Total poursuit sa
diversification tous azimuts; la seule revue de presse de
l’année 2017 regorge d’annonces allant en ce sens.
Donc, considérant l’ampleur de son rayon d’action et le
haut degré de diversité de ses multiples opérations, Total
l’énergéticienne, comme ses semblables, ne saurait passer
simplement pour une «société» au sens d’une rencontre
d’associés d’affaires dûment identifiés, ni même une
«entreprise» au sens d’une structure engagée dans une filière
d’activité particulière. Elle est bien davantage devenue un
pouvoir, une autorité souveraine qui se distingue des États, les
domine, les investit ou les instrumentalise, pour arriver à ses
fins: régner. Constituée en oligopole avec ses pairs, Total
contribue à façonner activement le marché et la subjectivité
économique qui rendent tantôt désirables, tantôt
indispensables les biens énergétiques dont elle contrôle la
disponibilité. L’idéologie qu’elle élabore le commande: il faut
coûte que coûte pousser à bout ce régime extractiviste. Son
président-directeur général, Patrick Pouyanné, le déclare sur le
ton de l’évidence: «Pourquoi on doit investir? Parce que la
demande en pétrole augmente89», parce que l’ordre
productiviste dont profitent les grands investisseurs ne doit
s’arrêter sous aucun prétexte, parce que les firmes sont
parvenues à intégrer massivement autrui à leur implacable
logique.

Un pouvoir
Forte d’une activité diversifiée et du contrôle de toute la
chaîne des secteurs pétrolier, gazier et «renouvelable» –
exploration, exploitation, transport, raffinage, traitement,
stockage, distribution, courtage… –, Total parvient à tirer
profit de la baisse des cours pétroliers en diversifiant ou en
intensifiant ses activités là où un tel état de choses se révèle
avantageux. Patrick Pouyanné se situe explicitement au-dessus
des conjonctures: «Le prix du pétrole n’est pas déterminant
pour nous. C’est une matière première dont le cours monte et
descend régulièrement. Nous devons être rentables, quel que
soit son prix. Mais Total n’est pas seulement producteur: nous
avons aussi des activités de raffinage, de pétrochimie, etc., qui
nous permettent, quand le prix du pétrole est bas, de
compenser les pertes90.» La matière première se présente alors
dans ces secteurs comme une aubaine, la production
continuant d’être écoulée à prix cher au détail. Les cours
peuvent encore chuter en 2016 de l’ordre de 17%, la firme
n’en dégage pas moins 8,29 milliards de dollars de
bénéfices91. «Dans les industries de matière première comme
la nôtre, la bonne stratégie, c’est d’investir à contre-cycle de
manière à profiter de la baisse des prix actuelle pour, d’ici
quelques années, disposer des productions nouvelles au
moment où les prix pourraient repartir à la hausse92», expose
simplement le maître du jeu.
Total, du reste, fait preuve d’austérité dans la gestion de
ses postes de dépense93, notamment en réduisant son nombre
d’employés du fait d’investissements dans la technique, de
façon à compenser la baisse des cours rendant l’étape de
l’extraction moins rentable. Patrick Pouyanné indique que
«l’évolution des coûts de développement des projets suit celle
des cours du pétrole. En deux ans, ces coûts ont baissé
d’environ 30%94». Misère salariale, conditions de travail
exigeantes, disparité des traitements entre artisans locaux et
expatriés95… ces méthodes ont tout pour plaire aux plus
puissants actionnaires de la firme. L’agence de notation
financière Fitch a récompensé Total explicitement en lien avec
ses politiques de rigueur managériale, en stabilisant sa note à
«AA-»96. Total pourra ainsi verser entièrement en numéraire
les dividendes à ses actionnaires à partir de 201997.
Anticipant une hausse de la valeur marchande et
constatant la baisse de ses stocks, la firme a toute latitude
ensuite pour relancer sa production: c’est une dizaine de
nouveaux projets pétroliers et gaziers qu’elle annonce au
printemps 2017 pour l’année et demie à venir. Les 350 000
barils supplémentaires par jour rendront cette relance rentable
dès lors que le prix du baril excédera les cinquante dollars. La
conjoncture devrait favoriser ce scénario: l’OPEP a décidé
cette saison-là de serrer les robinets pour encourager une
augmentation des cours et le peu d’investissement par les
pétrolières dans de nouveaux gisements, en raison des prix
bas, entraînera une crise de l’offre à l’horizon de 202098. On
peut d’ores et déjà prévoir pour cette période des rentrées
financières massives dans les coffres de la firme, du simple
fait de l’effet prix, comme Total l’avait expérimenté il y a dix
ans: «En 2008, Total a fait un bénéfice de 13,9 milliards
d’euros, soit une hausse par rapport à l’année précédente de
14%. Les prix du pétrole avaient augmenté de 34% pour se
situer en moyenne à 97 dollars le baril. Total devient alors la
première entreprise de France99», constatait à ce moment-là
l’économiste Thomas Porcher. Ce sera à nouveau le cas100.
Pudique, Patrick Pouyanné préfère pour sa part parler du
«point mort» qu’il cherche à dépasser, c’est-à-dire le seuil à
partir duquel le prix du brut, à savoir plus ou moins 40 dollars,
permet de compenser les investissements industriels et le
versement des dividendes aux détenteurs d’actions101.
Pour atteindre ses cibles, Total se montre capable de la
plus folle témérité. En 2017, elle acquiert auprès de la firme
nationale brésilienne Petrobras des actifs en matière
d’exploration et d’exploitation pour 2,2 milliards de dollars102.
Malgré certaines restrictions législatives et juridictionnelles103,
l’exploitation de gisements en eaux profondes à laquelle elle
se consacrera au large du Brésil, à 28 kilomètres de
l’écosystème du récif de l’Amazonie104, s’inscrit dans une
stratégie industrielle potentiellement polluante, consistant à
repousser en mer les limites de l’extractivisme105. Elle se
lance dans d’autres chantiers pétroliers ou gaziers tout aussi
aventureux dans les eaux azerbaïdjanaises, birmanes,
chypriotes, congolaises, grecques, mauritaniennes, mexicaines,
ougandaises, qataries ou sénégalaises106. Ces projets s’ajoutent
aux infrastructures monumentales déjà développées par Total
au large de l’Afrique du Sud, d’Aruba, de l’Angola, du Brunei,
de la Côte d’Ivoire, des États-Unis, d’Égypte, des Émirats
arabes unis, de l’Indonésie, du Kenya, de la Libye, du Maroc,
du Mozambique, de la Malaisie, du Myanmar, du Nigeria,
d’Oman, de la Papouasie–Nouvelle-Guinée, des Pays-Bas, des
Philippines, de la Thaïlande, d’Uruguay ou encore du
Venezuela107. Qui cherche donc à rassurer Total en
écrivant que «depuis 2014, des équipements de fermeture de
puits en fond de mer (subsea capping) et de captage de fuite
(subsea containment) sont positionnés en différents points du
monde (Afrique du Sud, Brésil, Singapour, Norvège) pour
disposer de solutions mobilisables rapidement en cas
d’éruption de pétrole ou de gaz lors de forages en eaux
profondes108»? Ou en développant un drone censé «évaluer
l’ampleur d’une pollution accidentelle109»? Elle laissera vite
en plan ces questions de séminaristes.

L’autorité souveraine de nature privée se sait évoluer dans


les vicissitudes de marchés mondialisés. Il lui importe donc
moins de commander à la manière des puissances publiques de
type étatique, que de se savoir capable d’adaptation à toute
conjoncture, quelle qu’elle soit. Dans ce contexte, régner
signifie moins dicter ses ordres que de se savoir exclusivement
capable de composer, contrairement à la majorité des
concurrents, avec tous les scénarios. La méthode: peser autant
que possible sur l’évolution des conjonctures tout en
diversifiant suffisamment ses opérations pour que celles-ci se
trouvent fatalement à favoriser certaines d’entre elles. Il s’agit
par exemple de profiter de son influence sur toutes les étapes
de la production pétrolière, en même temps qu’on se trouve à
la délaisser. Les sociétés d’État qui ont cru s’émanciper des
multinationales en développant un savoir-faire dans la filière
pétrolière déchanteront tandis que Total leur fournira l’énergie
d’un genre nouveau qu’elle a maintenant le loisir de
développer.

Lobbyisme, mécénat; ingérence, idéologie


Les tenants de la souveraineté d’État résistent à reconnaître la
signification troublante de ces nouvelles démonstrations de
force. En tant que dépositaire de la violence légitime et
législateur exclusif, l’État serait en théorie le seul à même de
faire valoir ses prérogatives sur les organisations et les sujets
soumis à ses décisions. Or, une forme inédite de souveraineté
se développe, et les services de marketing et de
communication de Total attestent à l’infini que rien ne lui
échappe. La France entend-elle interdire sur son sol
l’exploration et l’exploitation pétrolière, qu’aussitôt claque la
réplique du PDG de Total: «Si je ne peux pas explorer en
France, j’explore ailleurs110.» Patrick Pouyanné – comme
avant lui Christophe de Margerie – commente du reste tout
sujet auprès de la presse, qui en redemande, et des télévisions
lui consacrent de manière empressée des éditions entières de
leurs émissions d’affaires publiques. Le voici qui applaudit
l’élection du nouveau président français111; accueille des
réfugiés politiques112; dénonce l’embargo commercial imposé
à la Russie113; finance à sa convenance des programmes de
recherche universitaires114; investit dans les entreprises
régionales en France115 et fonde même un plan de relance des
industries locales des régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et
d’Occitanie116, puis crée les entités Usine 4.0 et Total Energy
Inventure pour épauler financièrement des firmes engagées
dans des recherches techniques de pointe117; se mêle de la
lutte contre le diabète118 ou contre le sida en Afrique119; tance
les grévistes opposés au projet de réforme du Code du travail
du gouvernement français120; subventionne des expositions au
Louvre121 ainsi que la restauration du monastère fortifié de
Lérins dans le sud de la France, ou du fort de la Conchée122 et
de la petite maison de gardien de parc de l’île du Nohic en
Bretagne123, quand la Fondation Total ne réserve pas pour elle
seule le Centre Pompidou afin d’y fêter ses vingt ans124. C’est
Total encore qui, finalement reconnue par les États comme une
puissance souveraine elle-même, signe la déclaration de Paris
à l’occasion de la COP21, s’engageant sous les projecteurs à
œuvrer au maintien du réchauffement climatique à 2 °C, bien
que Patrick Pouyanné parlait peu avant en privé de 3 à
3,5 degrés125… Sa marque est déposée partout: du forum
«Migrants, la solidarité au travail», organisé par le journal
Libération en décembre 2016126, à l’aide apportée à des
enfants togolais127, à la remise d’un prix du livre politique au
Sénat français128, en passant par de vastes panneaux
publicitaires sur les terrains de baseball américains, la
commandite du rugby à Pau129 et la désignation même d’un
championnat de football africain130.
Par le biais de la Fondation Total ou de manière directe,
les investissements dans les commandites de prestige de la part
de la firme excédaient les 18 millions d’euros en 2015, sans
parler du financement d’un sanctuaire institué à sa gloire131.
Laurent de Soultrait, responsable du pôle culture et patrimoine
de la Fondation Total, trahit de profondes intentions lorsqu’il
affirme qu’«en tant que grande entreprise, nous sommes
perçus comme un acteur essentiel de la société. […] Et notre
efficacité économique dépend aussi de la qualité du climat
social. Il est donc légitime de contribuer à cette harmonie132»,
c’est-à-dire de créer ce «climat». Dans une troublante
confusion des genres, la Fondation Total affirme s’engager
dans «la diversité marine, la culture, la santé et la
solidarité133», adoptant les allures d’un ministère de la
Culture, de l’Emploi et de la Solidarité, de l’Écologie et de la
Santé réunis. Avec un tel programme, plus besoin d’État.
Ou: prenant le pas sur les affaires gouvernementales, les
multinationales positionnent leurs lobbyistes au sein de
l’appareil d’État et influencent directement le législateur dans
la conception de la loi. Tout contre-pouvoir tend alors à
disparaître. Officiellement, les dépenses directes de lobbying
engagées par le bureau de Total auprès de l’Union européenne
en 2013 et 2014 oscillent entre 2,5 et 3 millions d’euros134.
Dans les faits, ses investissements dans l’achat de décisions
publiques sont probablement supérieurs. Le PDG de Total est
toujours membre de l’European Round Table of Industrialists,
qui regroupe les PDG de 50 multinationales à Bruxelles ainsi
que dans les différentes capitales d’Europe. Leurs revenus
combinés représentent plus de 2 135 milliards d’euros135.
Total est aussi partie prenante de forums composés de députés
européens et de représentants de la grande industrie, comme
l’European Energy Forum (EEF)136. La société pétrolière met
ainsi Bruxelles sous pression, que ce soit pour contrer toute
réforme à la directive sur les agrocarburants137 ou pour
empêcher toute mesure entravant les projets d’exploitation du
gaz de schiste dans les pays membres de l’Union138. Total fait
sinon partie des grands groupes qui cherchent des façons de
valoriser auprès des décideurs de l’Union ainsi que du grand
public le concept de «capture et stockage du carbone», bien
que ce dernier soit davantage voué à faire du droit à polluer un
instrument du marché que d’amener à penser scientifiquement
les effets de l’activité industrielle sur les écosystèmes139. Des
représentants de Total et de sa filiale SunPower occupent en
outre les postes de président et d’administrateur au conseil
d’administration du principal lobby en énergie solaire
d’Europe, l’European Photovoltaic Industry Association
(EPIA). Total occupe également un siège au conseil
d’administration du lobby européen en lien avec l’énergie
éolienne, l’European Wind Energy Association (EWEA)140.
Elle se dit elle-même présente dans pas moins de 751
associations de tout genre dans le monde141.
Le lobbying des multinationales ne se satisfait pas de
représentations auprès de tel ou tel décideur, mais il s’emploie
à mettre sous pression tous les citoyens, en pesant sur la réalité
elle-même. C’est toute la société qui se trouve soumise aux
lobbyistes. Leur art consiste à élaborer des univers de
références mentalement coercitifs ainsi que d’arbitraires
modalités culturelles. Les cabinets de spécialistes se
composent de dizaines d’intervenants issus des entreprises
médiatiques, de la fonction publique, des partis politiques ainsi
que de différentes autorités locales, régionales, nationales ou
internationales142. Ils font souvent montre d’un doigté
chirurgical, sachant identifier finement le processus collectif
de gestation de la décision publique. Des détectives et
documentalistes contribuent à établir la stratégie de façon à
permettre au lobbyiste de «fondre sur sa proie au moment
opportun143», le plus souvent en amont des processus144. Les
lobbies s’assurent généralement de ne pas perturber l’ordre
dans lequel les décisions de nature publique doivent être
prises. Il leur faut faire comme si ces mesures dont ils
soufflent la teneur aux décideurs découlaient de la stricte
délibération de ces derniers, voire de la volonté de la
population elle-même, s’il ne s’agit pas de laisser entendre que
la décision découle d’une logique supérieure, d’une raison
transcendante au nom de laquelle des «experts» appointés
viendront se prononcer145. Les journalistes comptent alors au
nombre de leurs atouts: ils présentent les «experts» qu’on fait
intervenir auprès d’eux pour infléchir le discours public dans
le sens voulu en fonction de leurs titres universitaires plutôt
que ceux, pourtant plus représentatifs, de consultants146. Aux
fins du «camouflage» des pratiques d’influence, on fait parfois
publier un rapport de think tank, sinon on compte sur le
concours d’associations d’anciens élèves de grandes écoles, on
mobilise des syndicats professionnels, on sonde
l’administration publique, on s’allie des organisations diverses
et on investit bien sûr certains partis politiques147. À l’échelle
française par exemple, Olivier Le Picard de Communication &
Institutions s’est entouré de parlementaires, de chefs
d’entreprise, de journalistes et d’anciens condisciples de
Sciences Po pour se spécialiser dans le lobbying auprès des
gouvernements étiquetés à gauche148. La filiale pétrochimique
de Total, Total Petrochemicals France, a déjà requis ses
services149. Ce travail d’équipe permet ainsi de mettre sous
pression le décideur public sans nécessairement passer par des
modes directs. Benoît Hamon, appelé à devenir candidat
socialiste à l’élection présidentielle de 2017, témoignait sans
détour du phénomène après avoir quitté l’année précédente le
ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche: «Ce qui est beaucoup plus
sournois, c’est que beaucoup de vos interlocuteurs dans
l’administration, voire les cabinets, sont des gens qui baignent
dans cet univers-là, se fréquentent, et finalement, sans même
que le Medef ne soit là, ou des fédérations patronales, relaient
les positions qui sont celles de ces lobbies privés150.»
Il arrive des moments où la presse ne fait même plus
semblant de résister à son intégration à de telles stratégies
relationnelles. «Total a payé en 2012 un voyage de presse aux
États-Unis à des journalistes français, y compris trois
journalistes du Monde. Cet investissement a été rentabilisé,
puisque les journaux ont appelé à repenser l’interdiction de la
fracturation hydraulique en vigueur en France. Le fait que
Jean-Michel Bezat [journaliste au Monde] oublia de
mentionner que le voyage de ce reportage avait été payé par
Total provoqua un petit scandale», écrit Laura Weis de
l’association Corporate Europe Observatory dans un rapport
intitulé «Plein Gaz!»151. Le 25 juillet 2012, Le Monde coiffait
donc du titre «N’enterrons pas le débat sur les gaz de
schiste152» un éditorial bien senti, tandis que Challenges, dans
la même situation, annonçait «l’indépendance énergétique
grâce aux gaz de schiste153» en toute… indépendance d’esprit.
Idem au Bangladesh. La radio RTL s’est rendue sur place pour
découvrir que, si les eaux du Brahmapoutre montent de
manière inquiétante, «ce n’est pas de la faute du
réchauffement, mais parce que la terre s’affaisse». Le
géologue et ex-ministre socialiste Claude Allègre était appelé
en renfort pour l’affirmer. La chaîne avait cependant omis de
mentionner le nom de son partenaire dans l’organisation du
voyage: Total. Incidemment, la firme cultive quelques desseins
d’exploitation dans ce pays154… Le 12 avril 2016, Mediapart
révélait enfin que Thierry Guerrier, présentateur occasionnel
de l’émission C dans l’air de la chaîne télévisée France 5, est
également un salarié de Total155. En réalité, la firme se rit
ouvertement des journalistes: dans un stupéfiant dessin animé
produit par son service de presse à la fin de l’année 2013156 –
un pastiche de Star Wars intitulé Very Press Trip –, elle se met
elle-même en scène manipulant les journalistes. On voit ces
derniers satisfaits de se faire offrir des sandwiches dans le
cadre d’une tournée médiatique, laquelle suppose la présence
d’une «machine à enfumer» et de «sacs à bla-bla». La moindre
lapalissade est glissée «off the record» et le dossier de presse
doit être avalisé par une ténébreuse autorité au sein de la
firme. Communiquer au sens intransitif passe pour une fin en
soi dans ce document se révélant bien plus significatif que ne
voudraient le suggérer ses concepteurs157.
Les formations universitaires ou techniques que suivent
les étudiants sont elles aussi directement soumises à
l’influence des grandes entreprises, lesquelles financent
abondamment les centres de recherche et les cursus d’études.
Avantage non négligeable, «grâce aux déductions fiscales de
60%, ce sont les contribuables qui financent en majorité les
dons de ces entreprises nocives et destructrices», écrivent les
animateurs d’une campagne enjoignant l’Institut d’études
politiques de Paris (Sciences Po) de rompre ses liens avec
Total158. La firme s’impose partout: Philippe Tanguy a été
nommé à la tête de la prestigieuse École Polytechnique de
Montréal, alors qu’il était toujours en poste chez Total
American Services. Comme vice-président aux programmes
de partenariats en recherche et développement de cette filiale
du groupe, il était dûment référencé dans son répertoire «Total
Professeurs associés159», une association de professeurs dans
le giron de Total dont l’objectif est de «promouvoir les
relations entre le monde pétrolier et les universités ou les
grandes écoles grâce à des présentations techniques ou
économiques par des professeurs ou experts160». Au même
moment, le président du Sénégal Macky Sall discutait avec
son homologue français de la possibilité de fonder à Dakar
l’Institut sénégalais du pétrole et du gaz, avec le soutien du
groupe Total161.
Le pneumologue Michel Aubier s’est érigé en exemple de
ce type de conflit d’intérêts. Chef du service de pneumologie-
allergologie de l’hôpital Bichat de Paris et professeur à
l’Université Paris Diderot, il a multiplié les interventions pour
minimiser l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé
publique. S’il reconnaissait, sur la chaîne France 5 en mars
2016, que «le fait d’être exposé à une pollution ambiante, dans
des villes comme Paris, prédispose au cancer du poumon…»,
c’était toutefois pour nuancer doctement ce jugement: «… sauf
si on a un autre facteur favorisant, comme le tabagisme». Il
tenait des propos similaires l’année précédente auprès d’une
commission d’enquête sénatoriale sur le coût économique et
financier de la pollution de l’air, en jurant sous serment
n’entretenir aucun lien avec l’industrie162. En mars 2014, il
cultivait le même scepticisme philosophique, cette fois à
propos du diesel, sur la station de radio RTL: «En ce qui
concerne le cancer des poumons, le sujet reste débattu. Oui, le
diesel est cancérigène, mais si risque il y a, il n’est pas encore
totalement démontré163.» Un doute raisonnable, comme en
droit, empêche de conclure et de passer à l’étape suivante: les
contraintes publiques. Rien, non plus, sur le principe de
précaution. Ses déclarations ont soulevé l’ire de membres de
sa corporation, stupéfaits qu’on puisse revenir sur des
conclusions aussi fermement étayées164. Surtout, ils se sont
indignés que l’intéressé ne se soit pas présenté pour qui il était:
un médecin-conseil auprès des dirigeants de Total et un
membre du conseil d’administration de sa fondation, au
service de la firme depuis alors dix-huit ans. Parce qu’il est
«naïf ou distrait», il ne lui est «pas venu à l’esprit165» d’en
faire cas… Cela n’était pas sans rappeler un autre grand
médecin, pour sa part un ancien ministre de la Santé, Bernard
Kouchner. Dans un rapport que Total lui avait commandé, il
avait innocenté la firme alors qu’elle faisait face à des
allégations de travail forcé au Myanmar pour la construction
d’un gazoduc166. Le 5 juillet 2017, la 31e chambre
correctionnelle de Paris a infligé au Docteur Aubier une peine
de six mois de prison avec sursis et une amende de
50 000 euros pour cette omission face aux sénateurs français.
Sans surprise, celui-ci a fait appel167.

La symbiose entre Total et la République


L’appareil d’État français se trouve avalé à son sommet par la
firme. De compatibles employés passent en permanence des
pouvoirs publics à Total, et vice versa. Quand ce n’est pas le
conseiller à l’Économie, à l’Industrie et au Numérique de
l’Élysée, Julien Pouget, qui va occuper chez Total «un poste à
haute responsabilité168» en 2017, c’est au tour de Romaric
Roignan, le directeur de cabinet de la secrétaire d’État au
Développement et à la Francophonie, de «retourner» chez
Total comme directeur de projet dans le secteur de
l’exploration et de la production. Ce dernier est l’incarnation
parfaite des allées et venues d’administrateurs de talent entre
la firme et l’appareil d’État: adjoint au porte-parole du
ministère français des Affaires extérieures en 2006, il quitte
son poste pour travailler chez Total en tant qu’adjoint des
relations internationales, avant de devenir conseiller à
Washington de l’ambassadeur de France, puis auprès du
premier ministre Jean-Marc Ayrault en 2012169. L’actuel
président-directeur général de Total, Patrick Pouyanné, a été
lui-même conseiller technique d’Édouard Balladur, premier
ministre de 1993 à 1995, puis directeur de cabinet de François
Fillon, alors ministre des Technologies, de l’Information et de
la Poste170. La liste est sans fin: Ahlem Friga-Noy était la
porte-parole de Total en Ouganda en 2012, après avoir été la
première conseillère de l’ambassade de France au Tchad;
Dominique Renaux, ambassadeur de France au Gabon, fut de
1993 à 1997 le directeur adjoint des relations internationales
chez Elf; le lobbyiste de Total entre les continents européens et
africains, Jean-Marc Simon, fut ambassadeur de France en
Centrafrique, en Côte d’Ivoire, au Gabon ainsi qu’au
Nigeria171. Dans le domaine de la sécurité, on apprenait à
l’été 2016 que le directeur général de la gendarmerie nationale
française, Denis Favier – «héros de l’assaut du GIGN en 1994
sur l’aéroport de Marignane, et “patron” des
125 000 gendarmes et réservistes du pays depuis 3 ans» –,
devenait responsable de la sécurité au sein de Total172. À
l’automne 2016, c’est au tour de Philippe Ebanga de la Marine
française de prendre la direction du département de la sécurité
maritime, fluviale et aérienne de Total173. Quant au député
François Fillon, il a agi comme entremetteur à la demande de
l’investisseur milliardaire Fouad Makhzoumi, afin de
rencontrer Patrick Pouyanné et Vladimir Poutine, alors qu’il
siégeait toujours à l’Assemblée nationale174. Le président de la
République française élu en 2017, Emmanuel Macron, compte
pour sa part Ahlem Gharbi parmi ses 45 principaux
collaborateurs, elle qui fut vice-présidente adjointe aux
«affaires internationales» de Total175. Sa ministre de
l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, faisait pendant ce
temps de Philippe Baptiste son directeur de cabinet; il était
depuis un an directeur scientifique et vice-président du
développement scientifique chez Total176. Quant à la nouvelle
carrière de l’ex-président français, le mal-aimé François
Hollande, elle consistera à diriger une fondation soutenant des
jeunes dans l’entrepreneuriat et l’innovation sociale: La France
s’engage. Cette dernière, associée au ministère de la Ville, de
la Jeunesse et des Sports, se trouve principalement financée
par Total177. Les portes tournantes tournoyant sans arrêt, il
arrive aux autorités politiques de s’y perdre et de déléguer
carrément un employé de Total pour représenter le pays au
sein d’une instance des Nations unies, en l’occurrence
spécialisée dans l’énergie et l’écologie178. Les investisseurs
sont au fait du pouvoir d’influence de la firme. La valeur de
l’action de l’entreprise chimique Metabolic Explorer explose
lorsque Total l’accueille sur son site de Carling et s’engage à
l’aider «à obtenir des aides publiques et à l’épauler dans ses
discussions avec l’ensemble des parties prenantes179». Cela
revenait à annoncer la décision.
Une fois dans l’entre-soi, les échanges entre ces autorités
respectivement publique et privée se font directement.
Lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, de 1997 à
2002, Hubert Védrine s’assurait de rencontrer le PDG de Total
une dizaine de fois par an180. Au milieu de la décennie 2000,
Christophe de Margerie se livrait «à un lobbying intensif
auprès de l’Élysée pour éviter que le dossier du nucléaire
iranien n’aboutisse à des sanctions européennes181». Cette
même proximité peut être aussi l’occasion pour Total de
compter sur le bras armé de la France quand vient le temps de
sécuriser ses investissements à l’étranger. C’est après s’être
rendu sur un site d’exploitation de Total au Nigeria que le
premier ministre français, François Fillon, propose en 2009 à
Abuja de lui apporter une assistance militaire, manifestement
pour que soient protégées les concessions dans lesquelles Total
possède des parts, en dépit de l’écocide en cours dans le delta
du Niger182. La question de ces accointances se pose de
manière encore plus préoccupante en janvier 2013, lorsque le
président Hollande lance l’opération Serval au Mali. S’il s’agit
pour la France de chasser les terroristes islamistes et d’installer
près de 5 000 militaires afin de sécuriser la région, on ne peut
exclure que les visées d’exploration de Total dans cette partie
du Sahel y soient liées: la firme possède un permis
d’exploitation sur 12 500 km2 du bassin de Taoudéni en
Mauritanie, sans parler d’une autre licence d’exploration-
exploitation obtenue là en 2012, puis en 2017, sur
d’importants gisements en eaux profondes183. Sont en jeu
d’abondantes sources de pétrole, situées parfois aux frontières
du Mali, de l’Algérie, de la Mauritanie et du Niger184.
Prétendre dans un tel contexte à la «lutte contre le terrorisme»
comporte l’avantage de «dépolitiser le débat» autour de la
seule action militaire, écrit alors Christophe Boisbouvier de
RFI185.
Deux ans auparavant, les bombardements franco-
britanniques en Libye avaient eu les allures d’une guerre de
conquête pour que Total accède à un marché dont elle était
absente. Dans une lettre révélée par le quotidien Libération, le
Conseil national de transition (CNT) libyen avait écrit en avril
2011 à des correspondants qataris afin qu’ils négocient un
«accord attribuant 35% du total du pétrole brut aux Français
en échange du soutien total et permanent à [leur] Conseil186».
Le ministre français des Affaires étrangères d’alors, Alain
Juppé, avait trouvé cette entente tout à fait sensée187, de même
que son collègue Éric Besson, ministre de l’Industrie, de
l’Énergie et de l’Économie numérique: «Il ne serait pas
choquant que la France soit récompensée, que 35% des acquis
pétroliers puissent être versés à la France188.»
La perspective d’un droit mondial primant sur l’activité
des multinationales reste illusoire dans le contexte de telles
collusions. Le ministère français des Affaires étrangères faisait
tout en 2017 pour que la moindre initiative, onusienne par
exemple, reste une vue de l’esprit. Traitant d’un projet de traité
international discuté à l’ONU sur les obligations des
multinationales concernant les droits de la personne, le Quai
d’Orsay a semblé se réjouir de pouvoir officiellement évoquer
les «nombreuses difficultés que soulèvent ce projet et sa mise
en œuvre, notamment du point de vue juridique189».
À la mort de Christophe de Margerie, un observateur
anonyme du secteur pétrolier laissa tomber: «Margerie, ça va
bien au-delà de Total. Dans certains pays, l’entreprise est un
poste avancé de la diplomatie française. Au Qatar par
exemple, il a fait des choses que personne n’avait faites
auparavant. C’est quelqu’un que tout le monde respectait. Il
suscitait l’admiration. Il était aussi puissant que le Quai
d’Orsay190.» Ses positionnements publics pouvaient exercer
une influence sur les affaires du monde infiniment plus grande
que ceux de n’importe quel ministre français. Ses tensions
diplomatiques deviennent alors le signe de divergences entre
multinationales. Au moment où Total se lance en Iran dans les
années 1990, c’est une guerre des nerfs que font subir à ce
personnage les autorités états-uniennes, elles qui interdisaient
à leurs entreprises d’y être présentes: Christophe de Margerie
se trouvera alors poursuivi en justice pour corruption d’agents
étrangers aux États-Unis, ce que d’aucuns voient surtout
comme une manœuvre tactique de la part de Washington191.
Allant plus loin, la journaliste Muriel Boselli subodore
l’existence d’un crime prémédité par des concurrents dans
l’«accident» qui lui a valu la mort à la fin de l’année 2014:
«Christophe de Margerie a également beaucoup critiqué
l’hégémonie du dollar dans le monde, notamment dans le
secteur pétrolier. Le pétrodollar pèse sur l’économie
européenne: il a ouvertement évoqué l’idée d’acheter le
pétrole dans une autre devise192», indique-t-elle, suggestive.
Peut-on douter de l’influence des pétrolières dans ce type de
réflexions, dès lors qu’elles concernent un État dont,
aujourd’hui, le titulaire des Affaires étrangères se révèle
l’ancien PDG d’ExxonMobil?
Subsumant tellement l’État sous son poids, Total se
donne elle-même en maintes circonstances les allures d’un
gouvernement et en vient à parler à l’étranger au nom de la
France. Se rendant à Moscou pour la première fois après la
mort de son prédécesseur, Patrick Pouyanné déclarera au
terme d’une rencontre avec le président russe Vladimir
Poutine, qui plus est dans un communiqué officiel émis par le
Kremlin: «Même si Total est une société privée, c’est la plus
grande entreprise française et elle représente d’une certaine
manière le pays lui-même193.»
Patrick Pouyanné ne se cache pas de la capacité du
groupe à disposer des atouts de la République française, en
même temps qu’il l’excède: «Lorsque Total négocie des
contrats internationaux, dans ce métier où nous négocions
l’accès à des droits d’exploitation du sous-sol qui relèvent de
la souveraineté des États, la marque “France” compte. La
France, c’est un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, une
capacité de projection internationale, une voix écoutée, une
histoire connue, une tradition d’excellence industrielle, une
réputation en termes de formation… La France n’est pas toute
l’identité de Total, mais est au cœur de cette identité. Nous
avons conscience des atouts de notre pays, et de la chance de
pouvoir nous y adosser194.»

Une Françafrique privatisée


Total a achevé d’investir l’appareil d’État français au moment
où ce dernier se désengageait financièrement de toute structure
pétrolière. Ce n’est plus l’État qui administre en tout ou en
partie les monumentales sociétés destinées à ce secteur
névralgique qu’est l’énergie fossile, mais ce sont ces entités
qui motivent désormais les carrières politiques. En 1998, du
fait d’une privatisation par à-coups voulue par les
gouvernements Chirac, Balladur et Jospin depuis 1986, l’État
n’a désormais de parts ni dans Elf ni dans l’ex-Compagnie
française des pétroles (CFP), toutes deux ancêtres de Total. Le
paradoxe: la France lance ainsi dans l’économie mondiale une
major du pétrole qui, comme multinationale, cesse de fait
d’être française. Cette mondialisation coûte cher à la France.
Pour l’historien de l’industrie pétrolière André Nouschi, «un
des effets pervers de la restructuration de la société est de
transférer aux États-Unis et en Grande-Bretagne une part
importante des bénéfices réalisés par Total195», sans parler
aujourd’hui de la Chine et du Qatar, et surtout des paradis
fiscaux où la majorité de ces fonds aboutissent
inexorablement. «L’hémorragie de ressources» pèse à deux
titres sur les finances publiques, puisque ces fonds quittant le
pays ne sont même pas techniquement imposables en France.
Précieux instruments nationaux à leur création, Elf et la CFP
deviennent dans les années 1990 des causes en elles-mêmes,
des fins au service desquelles l’État accepte de se placer, quitte
à se sacrifier lui-même au profit des seuls investisseurs privés
ou publics étrangers. Les firmes «françaises» passent alors aux
mains du marché.
Le capital des composantes historiques de Total se
trouvant privatisé, ce ne sont pas uniquement les brevets,
contrats, infrastructures et actifs financiers qui y passent, mais
tout ce qui relève du savoir-faire, des compétences, des
services de renseignement, des réseaux, des petits et grands
secrets… En fait partie la somme de trafics d’influence
résumée sous l’appellation de la «Françafrique» – cet
ensemble de liaisons sourdes développées depuis les
années 1950 autour de diplomates, militaires, professionnels
du renseignement et acteurs pétroliers, et ce, pour permettre à
une oligarchie française de régner en Afrique sur un mode
officieux, violent et impérialiste. Le documentaire Mafia et
République196 de Christophe Bouquet a rappelé en 2017 la
nature des liens historiques entre le plénipotentiaire d’Elf en
Afrique, André Tarallo, en bonne intelligence avec la mafia
corse, et le président congolais Denis Sassou-Nguesso ainsi
que son homologue gabonais Omar Bongo, au sein de la
French Intercontinental Bank (Fiba). Sous l’opacité du secret
bancaire suisse d’alors, d’abondantes commissions,
rétrocommissions et rentes pétrolières s’y trouvaient partagées
entre despotes africains, parrains politiques des partis de
gouvernement en France et intermédiaires de la société
pétrolière. Si Jacques Foccart a été un architecte et un pionnier
de ces pratiques néocoloniales, dirigeant le premier la
tristement célèbre cellule africaine de l’Élysée, un autre acteur
proche de la mafia corse, Charles Pasqua, a plus tard tenu les
rênes de nombreux réseaux françafricains, cette fois au profit
des ambitions politiques de Jacques Chirac dans les
années 1970 et 1980, puis de celles du premier ministre
Édouard Balladur au milieu des années 1990. Balladur,
soutenu par Pasqua, nomma président d’Elf Laurent Jaffré
pour «assécher les financements occultes de leurs rivaux197».
Autarciques dans les décennies 1950 et 1960 au Gabon,
au Congo-Brazzaville, au Tchad et au Cameroun, ces réseaux
organisés autour d’Elf se butent rapidement à leur incapacité
d’étendre leur emprise sur le continent au-delà des ex-
frontières coloniales. Leur tentative infructueuse d’annexer le
Biafra nigérian à la fin des années 1960, dans le contexte
d’une guerre terrible, se révèle un échec décisif. Les acteurs
politiques et pétroliers français apprennent alors
progressivement à pactiser avec leurs homologues de la sphère
anglophone, au Nigeria et en Angola principalement, avant
d’établir de nouveaux partenariats ailleurs dans le monde.
Interconnectée à d’autres majors dans différents cartels et
consortiums, Elf change progressivement de statut et se
développe sur le mode de ce que l’économiste François-Xavier
Verschave appelle la Mafiafrique. «Ces analyses, notamment
le lien que nous établissons entre la Françafrique et la
Mafiafrique, ont rejoint un mouvement mondial beaucoup plus
global de dénonciation d’un monde sans lois, articulé aux
paradis fiscaux et dont la Françafrique n’est qu’un sous-
ensemble198», affirme-t-il dans Au mépris des peuples.

Au tournant du siècle, à la faveur de la privatisation des


structures d’État et de leur fusion dans l’actuelle Total, toutes
ces connexions passent aux mains d’investisseurs
internationaux. C’est la fin d’une certaine Françafrique, mais
pas sa disparition. Certes, ce tissu de relations occultes ne
fonctionne plus en circuit fermé comme auparavant et des
représentants de l’État cessent de le contrôler complètement,
car il s’embranche alors sur d’autres réseaux qu’une
multinationale fusionnée et présente dans plus de 130 pays sait
relier et activer. La Françafrique se présente donc dans
l’univers oligarchique mondial comme un tronçon d’autoroute
que les dépositaires de Total rendent accessible, en retour de
nouveaux accès à des sites convoités ailleurs dans le monde.
Total introduit par exemple la Qatar Petroleum International
(QPI) au Congo-Brazzaville199 tandis qu’elle fait son entrée
dans cette monarchie de droit divin200. On la découvre sinon
tablant sur des capitaux chinois pour exploiter en Russie la
manne gazière soumise à un embargo commercial
occidental201, après qu’une société chinoise eut été invitée par
Total à l’accompagner dans un de ses chantiers nigérians202.
Le patrimoine impérialiste de la Françafrique demeure, mais
connecté à un réseau plus vaste, dont la cartographie s’étend à
l’infini.
Du moment que fut scellé le processus de privatisation
des deux grandes pétrolières françaises, les légataires de la
Françafrique, de Lionel Jospin à Nicolas Sarkozy, en passant
par Laurent Fabius, Jean-Marc Ayrault, Alain Juppé ou
François Loncle, se sont empressés d’en annoncer la
disparition203. Voilà «terminée», au tournant du XXIe siècle,
cette Françafrique qu’élus français reléguaient pourtant eux-
mêmes jusque-là à des lubies paranoïaques conçues par de
fantasques militants204. Mais cette rhétorique doit rester
creuse. Ceux qui en usent en lui attribuant un peu de
substance, tel Jean-Marie Bockel – le ministre de la
Coopération de droite qui déclare en 2008 vouloir «signer
l’acte de décès de la Françafrique» en visant nommément les
«pays qui ont d’importantes ressources pétrolières205» – voient
Bongo et Sassou-Nguesso obtenir leur éviction dans les
semaines qui suivent. Cela n’est pas sans rappeler le sort
réservé au ministre de la Coopération, Jean-Pierre Cot,
brièvement ministre délégué chargé de la Coopération et du
Développement, remercié par François Mitterrand parce qu’il
prenait ses prérogatives ministérielles trop au sérieux.
Officiellement, la cellule africaine de l’Élysée a disparu.
D’une part, elle s’est trouvée dissoute dans un ensemble plus
large, et elle s’est transformée, d’autre part, en une structure
intégrant le secteur privé au pourtour de l’organisation
traditionnelle de la Françafrique: AfricaFrance. Cette dernière,
une fondation lancée par le président français François
Hollande en 2013, est l’œuvre conjointe de l’Élysée, du
ministère des Finances et du patronat via le Mouvement des
entreprises de France (Medef), à la manière d’un partenariat
public-privé. Les pratiques françafricaines y sont en pleine
croissance: Lionel Zinsou, banquier d’affaires, neveu d’un
ancien président du Bénin et proche de Laurent Fabius, en est
nommé coprésident. AfricaFrance se présente comme un
«réseau» et conçoit donc les relations entre la France et
l’Afrique comme le faisait Jacques Foccart, mais sur un mode
largement privatisé206. Ces nouveaux réseaux françafricains
mis en place sous Nicolas Sarkozy207 ou François Hollande208
se trouvent ainsi à perpétuer les relations que la France
entretient avec les régimes violents des Biya, Bongo, Déby et
autres Sassou, tout en suivant les logiques transétatiques de
firmes industrielles devenues souveraines.
Il appert que ces pratiques françafricaines perdurent
maintenant au profit des multinationales. Le député sénégalais
Cheikh Oumar Sy estime par exemple que Thierno Alassane
Sall, ministre de l’Énergie de son pays, a dû quitter ses
fonctions en 2017 en raison des pressions exercées par Total
sur le mode d’une «nouvelle colonisation économique209». La
firme négociait alors l’acquisition de 90% des parts du
prolifique gisement Rufisque Offshore Profond210.
Confondant la République et Total, le premier ministre
français Manuel Valls avait éloquemment déclaré en
septembre 2016 à Dakar: «Le pétrole découvert au Sénégal
intéresse la France211.» Six sociétés concurrentes, dont les
offres étaient meilleures, auraient été doublées par Total,
encore maître du jeu dans l’Afrique francophone212. Son PDG
dément213.
Le rapport de Total à l’Afrique peut redevenir colonial en
un tour de main. Au début de l’année 2017, une pénurie
d’essence paralyse la Guinée équatoriale. Chaque jour, ce sont
pourtant quelque 250 000 barils de pétrole qui quittent ce pays
d’un million d’habitants. Aucune raison officielle n’est
donnée. L’Agence France-Presse rappelle alors à bon escient
que «la Guinée équatoriale est dirigée depuis 1979 par
Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, dont le fils, au train de vie
extravagant, est poursuivi en France dans l’affaire des “biens
mal acquis” et en Suisse pour “blanchiment d’argent”. Il s’est
notamment fait connaître pour une collection inouïe de
voitures de luxe, saisie dans les deux pays214». C’est
manifestement là que passent la rente pétrolière et les
préfinancements. Pour expliquer la situation de blocage,
Ernesto Ondo, ancien responsable technique chez Total
Malabo, se risque à affirmer que «Total réduit souvent la
quantité de carburant quand le gouvernement lui doit de
l’argent». À défaut de réduire le caractère dictatorial des
régimes qu’elle conforte. Total conduit 30% de ses opérations
en Afrique et s’est maintenant implantée bien au-delà du giron
traditionnel des ex-colonies françaises; elle se donne les
moyens de régner comme «le leader du pétrole en Afrique215».

Au nom de quelle loi?


Une constante dans l’argumentaire de Total: elle agit
légalement. C’est légalement que sa filiale ainsi que celle de
Shell au Niger, dans laquelle elle détient 10% des parts,
alimentent dans la région du Delta du Niger un spaghetti
d’oléoducs fuyant au point de provoquer l’équivalent d’une
vaste marée noire chaque année216. C’est légalement qu’une
de ses composantes historiques, Elf, a financé en 1997 la
sanglante guerre civile opposant les troupes de Pascal
Lissouba, président sortant, et du président défait cinq années
auparavant, Denis Sassou-Nguesso217. C’est légalement que le
Gabon a été transformé depuis Paris en une enveloppe
juridique au profit d’Elf-Erap218. C’est légalement que Total a
versé des «commissions» à tout détenteur de sésames dans les
États où elle entend décrocher des concessions219. C’est
légalement qu’elle profite d’investissements opportuns de la
part de la Caisse de dépôt et placement du Québec pour
saccager le Nord canadien, en exploitant le pétrole sale des
sables bitumineux au détriment des Cris du lac Lubicon220.
C’est légalement qu’elle parvient à tourner en dérision les
processus de consultation des peuples touchés par
l’exploitation gazière en Bolivie, en se référant à des experts
dans l’art «de maximiser au maximum [sic] l’impact positif
des sites industriels de Total d’un point de vue social, sociétal
et environnemental221».
Tout tient alors dans la compréhension d’une telle
«légalité». La complicité des États, la passivité du parquet, les
vides juridiques, l’absence de portée à l’échelle mondiale des
législations et juridictions, l’opacité des ententes amiables, la
réglementation permissive de dirigeants politiques tout aussi
sensibles à la séduction dont est capable l’entreprise que
terrifiés devant sa puissance de feu… sont autant de facteurs
qu’il convient d’étudier pour comprendre le caractère dit
«légal» de tant d’opérations choquantes.

Comment en effet contester devant les tribunaux l’arrivée


en trombe de Total sur le marché libyen à la faveur d’une
guerre d’invasion, alors que cette intervention a été décidée
par les autorités françaises et britanniques elles-mêmes, sous
couvert de l’OTAN et à partir de textes onusiens222? Il en va
de même du retour de la firme en Algérie dans les
années 1990: c’est largement pour financer une dette
contractée auprès du ministère français de l’Économie et des
Finances qu’une oligarchie algéroise corrompue a cédé
d’importants gisements aux ancêtres de l’actuelle Total223. Cet
endettement odieux n’a rien permis d’autre que le train de vie
obscène que mène cette caste parasitaire au passif de tout un
peuple. Mais auprès de quelle instance contester tous ces
transferts, quand les pays qui pourraient conduire la
contestation sont eux-mêmes à l’origine des opérations de
blanchiment qui font passer pour transactions relevant de
l’économie réelle des manœuvres corruptrices? Des problèmes
de cet ordre se sont aussi posés en France: on a découvert dans
les années 1970 que, depuis des décennies, les pétrolières
françaises comme étrangères s’alliaient dans un cartel, avec
l’aval de l’État, pour déterminer les prix au détail, tout en se
partageant sur un mode concerté les clients de gros224. Illégale
la manœuvre? Non, d’un point de vue technique, puisqu’on a
invoqué, en le détournant de son sens, un article de loi
établissant des seuils de marché entre raffineurs pour éviter la
spirale infernale du dumping. L’État prévoyant un tel
paramétrage, pourquoi les entreprises n’en feraient-elles pas
autant? Pour seule réaction, le gouvernement de Pierre
Bérégovoy a mis fin à ces seuils prévus par l’État en 1992,
sans plus de garanties en ce qui concerne les tractations entre
grandes firmes. Sauf exception225, il est rare désormais que ce
type d’alliance fasse l’objet de négociations aussi formelles.
Total bénéficie aussi du fait que les filiales passent pour
indépendantes, de sorte que c’est principalement dans les pays
où elles sont créées que le droit peut être rendu, au Nigeria,
aux Bermudes ou en Argentine, selon les cas, plus que dans les
États où les institutions de justice sont encore quelque peu
susceptibles de sévir.
Sinon, lorsque Total voit se tendre les rets de la justice
dans un pays de la Common Law ou aux États-Unis, elle peut
toujours espérer procéder à un règlement hors cour, sous le
sceau de la confidentialité, et mettre ainsi fin à tout procès226.
La légalité dont traite Total s’acquiert souvent par défaut:
«Tant que ce n’est pas interdit, c’est permis227», affirmait sans
fard Christophe de Margerie.
La lourdeur des procédures pèsera en revanche sur les
humbles justiciables qui tentent d’obtenir réparation, comme
les Toulousains qui ont vu en 2001 l’usine AZF leur exploser
au visage, entraînant la mort de 31 personnes et des milliers de
blessés graves, sans parler de quartiers dévastés. Il a fallu seize
ans de tractations, à certains égards plus éprouvantes que la
conflagration elle-même, pour voir la Cour d’appel de Paris
condamner à 225 000 euros d’amende – de l’argent de poche –
la société Grande Paroisse, filiale de Total responsable de
l’usine, à la fin du mois d’octobre 2017. Celle-ci s’est aussitôt
pourvue en cassation, faisant ainsi durer le feuilleton228. On
n’a toutefois pas encore abordé par la voie tortueuse des
tribunaux le dossier des 460 000 m3 de déchets que Total a
enfouis sur le dernier bout de terre qu’il lui reste sur son site
toulousain229. Quant aux personnes gravement brûlées lors de
l’explosion survenue dans la raffinerie de Total à Dunkerque le
29 janvier 2009, elles ont attendu huit ans pour se faire
entendre par un tribunal. On avait aussi déploré un décès causé
par la détonation230. La famille de Maximilien Lemerre attend
toujours réparation dans le cas d’une autre explosion survenue
en 2009, cette fois sur le site de Carling231. Dans cet ordre
d’idée, il est difficile de savoir quel sort on réservera aux
familles de six employés coréens morts sur le chantier d’une
plateforme Total232. Ou aux ouvriers infortunés à qui on a fait
dépolluer les sols du site français de Lacq sans toujours
chercher à les protéger233, ou à la population de la région elle-
même, chez qui on constate un taux de surmortalité attribué à
l’air chargé de dioxyde de soufre corrosif, sans qu’on ait les
moyens d’apporter juridiquement la preuve234.
Dans une multitude de différends de moindre envergure,
que peuvent encore la famille d’un employé s’étant suicidé
après avoir subi de lourdes pressions au travail235, un pompiste
qui se fait congédier après avoir travaillé à un taux horaire
qu’il estime à 2,50 euros de l’heure236, la victime d’un grave
accident de travail à Charleville-Mézières237 ou un créateur de
techniques de surveillance qui considère s’être fait piller sa
méthode par Total et sa sous-traitante238?
Si ces démarches impossibles ou ces procédures usantes
témoignent du peu d’accès qu’ont les petites gens à la justice
dès lors qu’elles sont confrontées aux études et contentieux de
grands groupes industriels, ces derniers savent, en revanche,
utiliser la justice pour neutraliser ces mêmes petites gens.
Qu’intellectuels critiques et membres d’organisations non
gouvernementales se manifestent à propos des abus des firmes
multinationales, et les voilà menacés de poursuites-bâillons239.
Pour ces firmes, en ces circonstances, gagner ou perdre
importe moins que d’embarrasser et d’intimider les défendeurs
dans des procédures qui consistent à utiliser l’appareil
judiciaire comme une arme envers ceux qui ont peu de moyens
financiers, matériels et physiques pour y évoluer. Hormis le
rituel électoral, il ne reste aux populations qu’à manifester
dans les lieux publics lorsque Total fait sentir quelque part sa
présence240.

Une vie sans histoire


Mais de l’histoire, il ne faut pas parler. «C’est bien déjà que
vous commenciez à poser des questions de dates», dit un jour,
provocateur, Christophe de Margerie, à un journaliste qui
l’interrogeait à propos de commissions suspectes que Total a
versées au régime iranien en retour de concessions, dans les
années 1990. Et de poursuivre: «Parce qu’on peut aussi parler
du massacre de la Saint-Barthélemy241.» Autre idéologème
soutenu par la firme: le passé appartient au passé. Rien de ce
qui concerne «l’histoire ancienne» ne saurait interférer avec
les dossiers enfermés dans leur quotidien. Les éléments qu’au
titre de l’histoire la multinationale ou ses composantes
antérieures ont dispensés par la voix de leurs intellectuels
organiques242 sont soit triés sur le volet, soit résolument
techniques243. Du reste, l’accent est mis sur le présent, comme
il se doit, dans ses rapports annuels et communiqués de presse,
tout comme sur la trousse d’informations Planète Énergie, une
«marque pédagogique244» en ligne que la firme finance.
Or, ce passé n’est pas encore passé. De sombres
initiatives ont permis à Total d’accumuler le capital dont elle
dispose massivement et «légalement» aujourd’hui. À ce
capital financier hors du commun, qui traduit à lui seul, de
manière aiguë, des décennies de violence et de controverses,
s’ajoutent un capital culturel d’égale envergure – soit
l’appartenance à d’importants réseaux de relations
commerciales, industrielles, mercenaires et politiques –, ainsi
qu’un savoir-faire en matière d’intervention et d’influence qui
se révèle tout à fait redoutable. Le trésor financier de Total, les
méthodes auxquelles elle est toujours à même de recourir en
les adaptant au gré des circonstances, les brevets dont elle s’est
dotée, ses pratiques dans des régions où seuls de vifs rapports
de force prévalent sont la résultante d’opérations illégitimes
qu’elle a menées et de compétences sinistres qu’elle s’est
données dans son histoire chargée.
Son capital est ce passé, le fruit d’abus passés, ce qu’il
reste en matière de concentration de pouvoir et de moyens
d’opérations passées aujourd’hui sur le plan de la légalité. Se
pencher sur les antécédents de Total et de ses composantes
d’origine (la Compagnie française des pétroles, Elf, PetroFina,
la SN-Repal, l’Erap, etc.) revient à exposer les ressorts de son
pouvoir d’action bien contemporain, à montrer comment l’état
du droit et la complicité des États ont permis à une firme,
souvent légalement, aux quatre coins du monde, de comploter
sur la fixation des cours du pétrole ou le partage des marchés,
de coloniser l’Afrique à des fins d’exploitation, de collaborer
avec des régimes politiques officiellement racistes, de
corrompre des dictateurs et représentants politiques, de
conquérir des territoires à la faveur d’interventions militaires,
de délocaliser des actifs dans des paradis fiscaux ainsi que des
infrastructures dans des zones franches, de pressurer des
régimes oligarchiques en tirant profit de dettes odieuses, de
polluer de vastes territoires au point de menacer la santé
publique, de vassaliser des régimes politiques pourtant en
théorie souverains, de nier des assertions avec pour effet
d’épuiser de simples justiciables, d’asservir indirectement des
populations ou de régir des processus de consultation tout en
expropriant de leur terre des titulaires de droits fonciers
coutumiers. L’ordre politique actuel ou récent a permis à des
multinationales de mener de telles actions en toute impunité, et
ce, indépendamment des textes législatifs et des institutions
judiciaires, ou grâce à eux245.
En matière de droit, ces abus sont prescrits, quand encore
on peut imaginer une façon de les faire sanctionner. Paraîtrait
ainsi frivole la plainte qui, par exemple, contesterait
aujourd’hui devant les tribunaux la légalité et la légitimité des
contrats passés entre Total et l’Afrique du Sud pour
l’exploitation de gisements en eaux profondes, le déploiement
d’un important réseau de distribution, la participation aux
travaux d’une raffinerie et la production de lubrifiants. Total se
vante pourtant elle-même d’être au pays depuis 1954 et
d’avoir contribué au développement de son «mix
énergétique246»… à défaut de son mix communautaire. On en
déduit que Total a tiré profit de sa collaboration avec le régime
ségrégationniste de l’apartheid, en fournissant en pétrole
l’armée et la police qui discriminaient la majorité noire et
torturaient ses résistants247. Le contexte de sanctions, de
représailles et de dénonciations internationales lui a permis de
développer sans grande concurrence des infrastructures, un
savoir-faire et des réseaux d’influence dont elle profite encore
aujourd’hui. Rien toutefois ne l’oblige à dédommager les
populations lésées au moment de ses sombres phases
ascensionnelles, dites de «croissance» dans le vocabulaire
autorisé, ni de rendre les actifs qui trouvent en elles leur
explication.
Dans le même ordre d’idées, c’est parce que Total a
pactisé avec la junte militaire birmane dans les années 1990,
en lui permettant grâce à la rente gazière de garantir ses
emprunts sur les marchés financiers, que l’entreprise est à
même aujourd’hui de relancer intensément son activité au
Myanmar248. Dans le cadre des travaux menés par un
consortium dans lequel Total était majoritaire, sa partenaire
birmane a employé de force enfants, femmes et hommes pour
la construction d’un gazoduc249. Dès 1993, la Commission des
droits de l’homme de l’ONU s’est élevée contre ses projets
d’exploitation gazier en mer de Yadana et de construction
d’infrastructures de transport250: «La pose du gazoduc qui
relie le golfe de Martaban à la Thaïlande s’est accompagnée de
la réinstallation forcée, en décembre 1993, de villages situés
dans le district de Mergui-Tavoy: des villageois des localités
situées autour de B’saw Law auraient été déplacés de force à
Kaleingung; d’autres venant de zones situées près de Shwetapi
auraient été transférés à Huan Gui; et d’autres, de la région de
Baw Law Gui, auraient été transportés à YeByu251.» Pour sa
part, le syndicat Sud-Chimie Pharma n’hésitait pas en 2005,
durant la campagne lancée par un collectif d’ONG, à parler
d’«une série de violations de droits de l’homme que Total ne
pouvait ignorer, auxquels s’ajoutent les exactions des soudards
de l’armée birmane, exécutions, viols252…» La firme a mis un
terme aux démarches juridiques qui avaient été intentées
contre elle, en dédommageant personnellement quelques
victimes et en débloquant un fonds de 5,2 millions de dollars
destiné à la communauté253.

Dans tous ces cas, il y aura parfois de vagues aveux de


responsabilité sans suite, beaucoup plus rarement de menues
compensations ou sanctions à assumer, mais le plus souvent
une brutale indifférence à l’égard d’un passé duquel la firme
sort pourtant toujours plus enrichie et puissante.

Légaliser le processus d’accumulation du capital


La scène originaire de la firme se produit elle-même dans un
contexte anomique. Elle apparaît en 1924 sous le nom de la
Compagnie française des pétroles quand, après la Grande
Guerre, la France victorieuse hérite des parts que détenait la
Deutsche Bank dans un cartel d’entreprises créé en 1914 en
vue d’une exploitation concertée des richesses du Moyen-
Orient. La Turkish Petroleum Company, dont il s’agit,
deviendra rapidement l’Iraq Petroleum Company. Ce forum de
pétrolières (Shell, la future BP, la Standard Oil et la future
Total) conviendra, à la manière d’un traité de Westphalie, du
rapport de force qui prévaut désormais entre les grandes du
pétrole. Il s’agit pour elles de contrôler artificiellement l’accès
aux gisements et le marché de la distribution de biens
pétroliers. Des accords de type oligopolistique («As Is» et
«Ligne rouge») signés ainsi contreviennent à l’esprit des lois
antitrust qu’ont fait voter chez eux les gouvernements qui les
parrainent. Vaille que vaille, les sociétés pétrolières apprennent
à cette époque à développer des formes de collusion qui les
amèneront à s’ériger pratiquement partout comme une
nouvelle souveraineté, non plus interlope et mafieuse, mais
plutôt méta- et multinationale. À l’époque, Paris est toujours à
la traîne des Britanniques et des États-Uniens. Londres,
actionnaire majoritaire de BP, a procédé au démantèlement de
l’Empire ottoman pour fonder de nouveaux «pays» qui se
révèlent en réalité essentiellement des «enveloppes juridiques»
au service des entreprises concernées. Les pétrolières ne sont
pas soumises à quelque autorité étatique, mais elles disposent
au contraire d’États conçus pour garantir la légalité de leur
présence254. Naissent alors des pays tels que l’Irak et le
Yémen, puis l’Iran et le Qatar de manière analogue. Après la
Seconde Guerre mondiale, quand la France souhaitera
diversifier son approvisionnement en pétrole, elle reproduira le
modèle: Elf, l’autre importante branche généalogique de
l’actuelle Total, ressemblera à bien des égards à BP, et le
démantèlement de l’empire français en Afrique, inspiré de
celui de l’Empire ottoman, débouchera lui aussi sur la création
de nouveaux «pays» se révélant des «enveloppes
juridiques»255. Mais comme les Britanniques, les Français
commettent l’erreur de se soucier essentiellement
d’approvisionnement et négligent de considérer ce qui advient
du Frankenstein auquel ils travaillent, une entité pétrolière qui
s’affranchira plus tard de ses créateurs pour agir à ses propres
fins.
Ce phénomène de la capitalisation originaire des groupes
multinationaux se produit de droit. Dans son discours sur
l’origine du fondement des inégalités sociales, déjà, Jean-
Jacques Rousseau établit nettement le lien entre
l’accumulation initiale du capital et le droit. Sa thèse: les lois
de convention, loin de pallier les inégalités de fait produites
par les contingences, les légitiment et les accentuent. À partir
du moment où le plus fort clôture un espace et génère dans le
temps un droit à la propriété foncière, et à partir du moment où
la mutualisation des efforts pour l’atteinte de certaines fins se
trouve codifiée sur un mode hiérarchique de façon à ce que les
uns bénéficient structurellement du travail des autres, on entre
dans une ère où les rapports de force se vivent moins sur un
mode sensible que sur un mode entendu. La loi les édicte. Et
les banalise. Étymologiquement, elle les «fait connaître» au
rang d’un savoir. Le fondement social par la loi entrave les
faibles et confère des forces aux riches, il inscrit durablement
la loi de la propriété comme loi de l’inégalité et transforme en
droit irrévocable «une adroite usurpation256».
Avant que philosophes et historiens définissent finement
le processus d’enrichissement occidental ayant permis aux uns
de disposer d’actifs excédentaires, dont dépendaient les autres,
soit les salariés, la conscience s’est trouvée obstruée par un
certain nombre de «lois» – cette fois à prétention scientifique –
développées par le philosophe Adam Smith257. Ce libéral a fait
un mal de toute activité échappant au processus capitalistique,
soit le travail domestique, les soins, les arts, sans parler de
toute forme d’oisiveté. Selon cette approche, les nations
dépendent tout entières des acteurs qui mettent en application
des méthodes permettant de tirer des travailleuses et
travailleurs non pas des biens appréciables pour eux-mêmes,
mais de la valeur marchande et monétaire. Selon cette «loi»,
plus une société parvient à faire une «économie» des coûts
relatifs au travail dit non productif – lire: le labeur domestique
comme toute forme d’activité étrangère aux règles du
commerce –, donc plus elle s’assure que le travail effectué
dans l’ordre social s’inscrit dans le processus de capitalisation,
plus elle s’enrichit. Le capital est ici ce au service de quoi se
place une communauté pour produire des biens qui génèrent
une rentabilité du point de vue comptable, plutôt qu’un coût du
point de vue des sensibilités communes. Cette «loi» se révèle
moins scientifique qu’idéologique au sens où elle constitue
une façon collective de penser qui satisfait structurellement la
minorité d’acteurs qui détient des capitaux.

Ce sont ces deux types de «lois», législative d’une part,


pseudo-scientifique d’autre part, qui permettront
progressivement l’érection d’instances privées dotées d’un
capital si abondant, à travers un réseau de structures de droit si
nombreuses et dispersées, qu’elles en deviendront comme
telles à leur tour des pouvoirs souverains.
En présentant une telle communauté comme moralement
méritante, Adam Smith tend à faire l’impasse sur les
conditions historiques ayant disposé les uns à faire construire
des usines et à aménager des aires massives d’exploitation
agricole, tandis que les autres en étaient réduits à les supplier
le matin de les y laisser entrer afin de souffrir douze heures au
milieu des machines ou sous un ardent soleil pour un maigre
salaire. Ce philosophe évoque en termes salutaires une
accumulation antérieure (previous accumulation) à la période
de prospérité, par laquelle le travail se trouve soudainement
soumis à une arithmétique à laquelle toute conscience doit
désormais se restreindre. Beaucoup ont appris à traiter, à cet
égard, de l’«accumulation primitive du capital». Karl Marx,
ayant contribué à la faire connaître en ces termes, la raillera
surtout, par le recours à une épithète cinglante: la soi-disant
accumulation primitive258.
C’est en réalité dans les termes du droit que se trouvent
enfermées, légitimées et prolongées les inégalités
exponentielles de statut et de richesse. Cette
instrumentalisation du droit a moins trait à un moment
«primitif» de l’histoire qu’à un processus qui a encore cours
de nos jours. Ce système juridique a donné lieu à un
phénomène qu’aucune expression française n’arrive aussi bien
à traduire que ce que Karl Marx a dénommé
l’«Akkumulationsprozeß» du capital, l’idée d’un processus
d’accumulation qui tourne surtout autour de la question de
procédures et de standards. C’est d’une manière formelle, au
nom d’une politique du projet national d’enrichissement,
récupérée dans l’ordre du discours et du droit, que se structure
en réalité la tendance à l’enrichissement des uns et à
l’appauvrissement conséquent des autres. Dans le domaine
agricole, la bourgeoisie s’attribue de vastes terres relevant de
la monarchie et usurpe violemment des propriétés communales
pour se récompenser d’avoir renversé la révolution
républicaine survenue au milieu du XVIIe siècle259. Ce qui
constitue un rapt à cette époque devient tout simplement
autorisé par la loi au siècle suivant. Ce processus d’acquisition
foncière et de transformation de l’exploitation sur un mode
privé se manifeste souvent sous une forme abusive, que le
législateur vient progressivement entériner. Les propriétaires
fonciers de ce nouveau type se voient alors autorisés à louer
aux paysans les terres sur lesquelles ils vivent260. Les formes
d’organisations sociales changent radicalement, donnant une
importance inouïe aux logiques de marché, lesquelles
concernaient principalement jusque-là le commerce de biens
de luxe. Le fermage apparaît, c’est-à-dire la logique de baux
fonciers mis aux enchères selon les lois du commerce. Les
proto-ingénieurs agricoles qui les signent doivent
conséquemment appliquer des modes rigoureux d’organisation
du travail, car il faut tirer de la terre une production maximale,
essentiellement tournée vers les marchés, seuls capables de
fournir en monnaies sonnantes et trébuchantes les fonds
permettant d’absorber les coûts du loyer et de la rente
commerciale. Parmi eux, les mieux organisés, mais aussi les
plus cruels, ont survécu. Le paysan ne sera plus cet acteur dont
le travail était certes l’objet de ponctions, mais dans lequel il
n’en était pas moins engagé à part entière, mais un salarié
soumis à des règles de production de plus en plus sévères. Il
est celui à partir duquel la richesse se dégage pour financer le
profit des architectes du marché.

La leçon: le processus d’accumulation du capital, une fois


soutenu idéologiquement par une «loi scientifique», dépend
tout entier des procédures législatives. Et une fois constitué, il
fait du marché et de ses «lois» une forme autonome
d’orchestration du réel qui règne au profit des ayants droit
tirant parti de son fonctionnement. Au XIXe siècle, le droit
anglais consolidera cette logique du marché. Dans le domaine
agricole d’abord, le gouvernement britannique vote les
politiques d’inclosure pour permettre aux propriétaires
fonciers d’améliorer leur production – improve voulant
littéralement dire à l’époque tirer de quelque chose un profit
monétaire. L’idée de «progrès» traduit l’avancée des règles du
capital. Les lois sur l’enclosure ou l’improvement prévoient
moins de perfectionner l’industrie agricole que de concevoir
autrement les modalités par lesquelles celle-ci sera
comptabilisée et administrée. Par exemple, les «Bills for
inclosures of commons» prévoiront la clôture soudaine des
propriétés foncières de façon à empêcher les glaneurs d’y
accéder. Ces lois conduisent à la dépossession complète du
producteur immédiat, qui se trouve réduit au rôle de salarié,
parmi une masse de prolétaires mis ainsi en concurrence les
uns avec les autres. Ces nouvelles dispositions ont créé une
génération de va-nu-pieds, que l’idéologie libérale pouvait
ensuite stigmatiser comme parasitaires, notamment en
interdisant par la loi le vagabondage261.

Ce sera ainsi par la transformation de «la loi en un


instrument de spoliation262» qu’il y aura «progrès» dans de
nouveaux secteurs industriels jusqu’à aujourd’hui. La loi est
au centre de ce «processus». Et la pauvreté matérielle qu’elle
génère structurellement force l’indigent à signer des contrats
qui lui permettent de survivre comme s’il était, dans ce cadre,
lui-même un acteur libéral maître de ses choix. Un plan formel
de lecture, proprement juridique, prend alors le dessus sur une
compréhension sociohistorique. C’est à coups d’iniques lois
sur le travail et de byzantins détours de l’esprit que la
modernité en viendra à concevoir ainsi «la liberté» et «la
rationalité». À grand renfort de productions idéologiques, ces
lois passeront ensuite pour valables partout dans le monde où
des prétendants au capital chercheront à prendre part au
processus productif et trouveront leur légitimité dans une
procédure formelle voulue par des États complices. La
colonisation comme mode procédural de spoliation des biens
d’autrui à une échelle massive sera un facteur prédominant
d’accumulation du capital. Peu importe le domaine –
caoutchouc, céréales, épices, fourrure, minerais, pétrole, gaz…
–, les méthodes impérialistes ne passent pas, en droit, pour du
banditisme, mais pour des affaires dûment approuvées par
l’État. C’est lui qui finance des expéditions, attribue des
concessions, crée des monopoles, rallonge des crédits, garantit
des emprunts, alimente les marchés financiers et légitime un
processus qui, pour les ayants droit, suppose des conditions
initiales d’enrichissement que nul individu ne peut générer à
lui seul. La science le lui ordonne. On pourra alors, fort de la
suprématie militaire occidentale263, soumettre des peuples
entiers aux travaux forcés et, au besoin, y recourir davantage
encore comme du carburant que comme des prolétaires.

Tout se passe aujourd’hui comme si les grandes


entreprises n’avaient pas été tributaires de cette torsion du
droit pour se constituer d’immenses richesses et leur
impérieux capital. Exemplaire en cela, Total considère ne rien
devoir, même sur un plan historique, à l’État. Pour Christophe
de Margerie, le gouvernement français qui a hérité des parts
allemandes après la Première Guerre mondiale dans un
terrifiant cartel pétrolier mondial s’est tourné vers le secteur
privé non pas pour des motifs idéologiques, mais parce qu’il
n’avait pas les moyens d’en tirer profit lui-même. Ce serait
donc à Total et à elle seule qu’on devrait tout. Christophe de
Margerie le déclare net à une commission d’enquête
sénatoriale en 2012: «Je suis désolé de devoir le souligner,
mais l’histoire est terrible sur ce point, et les chiffres sont
parfaitement clairs: nous avons payé toute notre dette. Il est
trop facile de prétendre que nous aurions une pseudo-dette
morale [envers l’État]: outre que ce n’est absolument pas
quantifiable, cela ne veut rien dire264.» Du Adam Smith dans
le texte: n’est pertinent que ce qui est quantifiable, n’est
quantifiable que ce qui est produit dans l’intérêt de ceux qui
ont les moyens de compter. Dans sa version de l’histoire,
l’intéressé met complètement de côté le volet «Elf» de la Total
actuelle, réduit le citoyen français et ses institutions à une
simple quantité, relègue tout sujet au simple rang d’un petit ou
grand investisseur, et table sur les redevances qu’a versées
l’ancienne CFP à l’État dans le passé pour solder tout compte.
Le reste «ne veut rien dire».

Naissance du signifiant «Total»


«Total». C’est le nom improbable que s’est donné la firme. En
1953, en Algérie, la Compagnie française des pétroles (CFP)
met au monde sa marque, «Total265», et fait ainsi profession de
foi. Son logo n’identifie pas seulement les produits que
distribue au détail une de ses filiales, il témoigne d’une
ambition: compter pleinement parmi les majors du pétrole
alors réunies dans de vastes cartels. L’heure est à l’émulation
et c’est explicitement «à l’américaine266» que le PDG Victor
de Metz lance les couleurs de la marque. Le nom aura un tel
écho qu’il désignera progressivement dans les consciences la
CFP elle-même; c’est par raccourci, donc, qu’on en viendra à
parler de la société «Total». Pour suivre le rythme de ses
concurrentes/partenaires, la firme française se devait de «sortir
de l’Hexagone pour conquérir d’autres marchés267». Le
surnom «Total» qu’elle se donne correspond alors à une
politique de conquête. À l’époque où, «devenue Total […], la
CFP étend ses participations en France et à l’étranger»,
l’entreprise achète ou crée en six ans pas moins de 24 entités
relatives à l’activité pétrolière dans le monde268. La CFP
acquiert ensuite l’Omnium français des pétroles, propriétaire
des stations-service Ozo, puis la Société française des
carburants à la fin des années 1950, jusqu’à ce que cette série
d’acquisitions trouve en 1965 son apogée avec l’intégration à
la CFP des stations-service Azur du puissant groupe
Desmarais Frères, lequel avait déjà des parts dans la société
acquéreuse dès sa création en 1924269.
Total fait désormais honneur à son nom. En 1966, elle
détient des actifs dans 127 sociétés réparties à travers le
monde, et ce, dans des secteurs aussi variés que ceux de
l’exploration, de la production, du raffinage, de la pétrochimie,
du transport, de la commercialisation, des études-conseils, du
nucléaire, de la finance et de l’immobilier270. L’entreprise
distribue alors ses produits dans plus de 50 pays, tout en
jouissant de partenariats importants avec des acheteurs de
gros, notamment les compagnies aériennes271. «C’est devenu
une holding internationale272», écrira André Nouschi, tandis
que l’historien officiel de la firme hissera le nom de la marque
au rang de signifiant: «Ces rapprochements, étroit avec
Desmarais Frères, ébauché avec l’Omnium français des
pétroles, n’empêchèrent pas la CFP de rechercher d’autres
partenaires ou d’organiser elle-même ses débouchés. La
création d’une marque commerciale – TOTAL – pour les
produits du groupe fut à cet égard un préalable décisif273.»
Total ne se laisse donc pas réduire à une appellation
superficielle qu’on aurait choisie simplement parce que le
terme se prononce dans la langue de toutes les clientèles de la
firme. Il ne s’agit pas non plus seulement de proclamer sa
présence active à toutes les étapes de la chaîne industrielle, de
la recherche à la commercialisation en passant par la
production. Être «Total» structure la pensée et les affects en
profondeur. Déclarer ainsi ses ambitions internationales, c’est
militer à l’époque pour que le pétrole soit un objet
d’exception, une ressource stratégique relevant de la gestion
monopolistique d’intérêts privés, éventuellement couverts au
nom d’enjeux militaires et stratégiques par la raison d’État.
C’est donc soustraire cette filière au questionnement politique
et public274. La CFP pose en cela, comme elle le disait elle-
même, telle la «huitième des Sept Sœurs275», en référence aux
sept entreprises pétrolières hégémoniques de l’époque – BP,
Chevron, Gulf, Exxon/Esso, Mobil, Shell et Texaco – dont elle
a longtemps été l’émule. Il s’agit pour la société française
d’adhérer pleinement à la dynamique transnationale de
laquelle elle participe, de signifier par le nom des produits
qu’elle distribue à travers le monde son appartenance moins à
la France qu’à ce cartel, et d’annoncer qu’elle vise elle-même
une place de choix dans ce pouvoir qui règne sans partage sur
la géopolitique mondiale, en lui imposant dans des termes
neufs et subtils un cadre totalisant difficile à percevoir.

«Pour déjouer le contrôle des parlements qui


commençaient à représenter des partis politiques de masse, les
firmes pétrolières et leurs alliées des sphères financière et
étatique ont appris à présenter leurs intérêts comme étant
indispensables aux besoins des États impérialistes276», écrit en
ce sens l’historien Timothy Mitchell. Pour le journaliste
François Roche, ces années-là, «la CFP s’installe comme une
“major” française, s’initiant progressivement aux difficiles
négociations avec les pays producteurs du Moyen-Orient, et
surtout rompue aux discussions “viriles” avec les compagnies
britanniques et américaines dont elle est à la fois concurrente
et partenaire277». Ce nom, et ce nom seul, l’actuelle
administration de la firme l’aura finalement conservé au
tournant des années 2000, lorsque s’est opérée la fusion entre
Elf, Fina et l’ex-CFP déjà devenue officiellement Total. De
façon plus laconique, le site Internet de l’entreprise indique
aujourd’hui confusément que Total «évoque la globalité et
l’engagement», et que son logo affiche la sérénité radieuse des
conquérants: «une sphère composée d’une bande de couleurs
censée représenter la Terre, dans toute sa complexité et
diversité278».

«Total»… On croirait l’entité sortie directement d’un film


de série B, tout en hyperboles. Voici l’histoire d’une firme qui
s’appelle «Total»… On n’en rit pas parce qu’on s’y est
habitué. L’insigne membre des cinq majors mondiales est
aujourd’hui présente dans 130 pays279 et elle se trouve
désormais dans «les petits papiers» de Goldman Sachs280,
celle dont le président dit faire le travail de Dieu281. Total, qui
dispute la première place boursière en France au groupe
LVMH, arrive 52e au palmarès mondial des capitalisations
boursières établi par le Financial Times en juin 2017282.

Le totalitarisme psychotique
À quelle totalisation ou à quel totalitarisme aspire Total? Telle
est la question que son nom soulève, lequel mérite d’être pris
au sérieux. Plusieurs sont tentés de réserver l’appellation
totalitarisme à une période historique particulière, à savoir la
première moitié du XXe siècle. Or, d’autres époques subissent
également les effets totalisants de régimes coercitifs. Le
politologue états-unien Benjamin Barber, par exemple,
présente l’Occident du début du XXIe siècle comme étant
«totalisant et homogénéisant» parce qu’il «vole à la liberté sa
signification civique et menace la vitalité citoyenne du
pluralisme283». La citoyenneté, juge-t-il, s’y trouve dissoute
dans un fantasme infantilisant, celui d’une subjectivité
délirante où les consciences se bornent aux vains produits
offerts en abondance à la consommation. Dans cette
configuration idéologique, les grandes entreprises assimilent
confusément à des actes de liberté et à des droits individuels la
mise sous contrôle d’organisations privées, le détournement de
services publics, la subordination de centres de recherche et la
capitalisation de la valeur du travail. De polluants et
destructeurs processus d’«externalisation» des coûts, c’est-à-
dire le fait de ne pas assumer les conséquences écologiques et
les investissements sociaux relatifs à des chantiers
d’exploitation à grande échelle, sont aussi appliqués. Le
diagnostic est tranchant: «Des choses bizarres et même
perverses arrivent au processus de prise de décision et à la
démocratie, ainsi qu’à l’attachement de la démocratie à la
diversité284.»
Or, l’auteur s’escrime avec le terme «totalitarisme» quand
vient le moment de qualifier cet ordre de domination. Il
reproche notamment au philosophe Herbert Marcuse son usage
du mot «totalitarisme» pour décrire cette réalité capitaliste de
l’après-guerre, faisant implicitement référence à un passage tel
que celui-ci, tiré de L’Homme unidimensionnel: «De la
manière qu’elle a organisé sa base technologique, la société
industrielle contemporaine tend au totalitarisme. Le
totalitarisme n’est pas seulement une uniformisation politique
terroriste, c’est aussi une uniformisation économico-technique
non terroriste qui fonctionne en manipulant les besoins au nom
d’un faux intérêt général. Une opposition efficace au système
ne peut pas se produire dans ces conditions. Le totalitarisme
n’est pas seulement le fait d’une forme spécifique de
gouvernement ou de parti, il découle plutôt d’un système
spécifique de production et de distribution, parfaitement
compatible avec un “pluralisme” de partis, de journaux, avec
la “séparation des pouvoirs”, etc.285.»
Au sème strict de totalitarisme, Benjamin Barber préfère
une adjonction gracieuse – le «totalitarisme soft» – ou encore
l’euphémisme de «totalisation» – entre guillemets dans le
texte. L’abandon du suffixe -isme au profit de celui en -ation
ne relève pas seulement des fétiches propres à l’écriture
universitaire286, il consiste à restreindre le recours à une
catégorie conceptuelle à un faible nombre d’occurrences – les
régimes ultra-autoritaires du XXe siècle –, en retenant pour seul
critère le fait de la cruauté systémique dont ils ont sciemment
fait montre287, plutôt que de s’intéresser à la portée étendue
d’un pouvoir institué. Or, le totalitarisme désigne tout régime
soumettant à ses modes de pensée, d’organisation et de
fonctionnement – formels comme informels – les acteurs de
tous les domaines d’activité ou presque, et ce, de manière à
empêcher la concurrence de tout autre mode d’organisation,
fut-ce mentalement.
Le totalitarisme s’oppose aux fondements de l’État de
droit moderne, à savoir le principe voulant qu’on obéisse aux
lois, non aux puissants. Dans cette perspective, le droit a
cherché à permettre l’établissement d’un cadre structurant
l’organisation sociale. Il régissait ainsi les rapports de pouvoir
entre membres d’une même communauté. Dans La
gouvernance par les nombres, Alain Supiot rappelle à cet
égard cette phrase de Jean-Jacques Rousseau: «Un peuple est
libre, quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand dans
celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’Organe
de la loi288.» Le règne de la loi suppose cette fois que les
sujets n’obéissent plus à d’autres sujets hiérarchiquement
supérieurs, mais à des lois dont ils ont mutuellement convenu
du bien-fondé.

Il est vrai, comme le signale Benjamin Barber, que le


totalitarisme qu’on peut aujourd’hui appréhender a peu à voir
dans ses formes avec celui du siècle dernier. Hannah Arendt
dit de l’hitlérisme et du stalinisme qu’ils ont fait du
mouvement historique qu’ils incarnaient la loi elle-même. Il
n’y avait plus à évoluer dans un cadre délibératoire puisque le
Parti s’affirmait lui-même comme le cadre dictant la loi, et
aspirait à se confondre à la source du droit en tant que telle.
Cette annonce se faisait de manière aussi tonitruante que
terrifiante. Ce totalitarisme s’affirme dans l’histoire de
manière psychotique. «Dans le corps politique du régime
totalitaire, écrit Hannah Arendt, cette place des lois positives
est prise par la terreur totale289.» La «loi» qu’il stipule n’est
plus discutée politiquement, mais fantasmée comme obéissant
à une logique supérieure de type divin, historique ou naturel.
Les haut-parleurs, statues, scènes, chants, grand-messes et
écrans donnent au totalitarisme psychotique ses implacables
moyens d’expression. Dans une hypervisibilité vociférante, le
régime s’autorise de cette puissance sublime. Les
totalitarismes du siècle passé ont réalisé leur grand œuvre en
se positionnant à la place de Dieu, de la Nature ou de
l’Histoire, en tant qu’instances décisives. Le XXe siècle marque
à cet égard, dans les termes du philosophe Dany-Robert
Dufour, le déploiement d’une forme schizophrène et
triomphante de la psychose: «Dieu, en fait, c’est moi. […]
Cette puissance se manifeste comme surnaturelle, le plus
souvent par une voix impérieuse qui occupe le sujet, au sens
d’en prendre possession, de s’en emparer290.» S’ensuivent les
procédés caractéristiques du régime totalitaire: tenir dans un
même faisceau les institutions législatives, judiciaires,
publiques, privées et communautaires de façon à ce qu’elles
répondent exactement du même ordre; casser toute solidarité
de classe ou de communauté pour que prévale un lien social
d’une seule nature; terrifier les esprits puis soumettre les gens
en masse au culte de la personnalité; se donner les moyens
techniques et administratifs de réaliser historiquement les
préjugés, lubies, mensonges et prétentions annoncés par le
programme officiel; et enfin, rendre inaccessibles les données
permettant la critique du fonctionnement effectif de l’appareil
totalitaire. Ainsi entendue, la «loi» ne se limite pas à encadrer
la vie publique. Secondée par un puissant appareil de terreur,
elle s’incarne dans ses sujets et, pour ce faire, brise tout lien
auparavant en vigueur entre eux. D’où la figure de vague
humaine anonyme qu’elle produit, répondant à l’autorité pour
se dire jusque dans les moindres interstices de son existence;
«leur pluralité s’est comme évanouie en un Homme unique
aux dimensions gigantesques291», écrit encore Hannah Arendt.
Des architectes intellectuels du nazisme et du fascisme,
parmi lesquels Carl Schmitt en Allemagne et Giovanni Gentile
en Italie, ont rabattu la conception de la totalité et du droit de
Hegel sur leur schème de pensée, et ont cru trouver en elle leur
caution la plus imposante292. La métaphysique de la totalité est
pour eux une aubaine. Ainsi récupérée, elle leur permet de se
réclamer du pouvoir absolu des lois quand vient l’heure
d’instituer leurs prétentions les plus folles au contrôle des
individus. La «Totalité» n’y est pas un mot qui désigne comme
tel le tout, mais la forme réfléchie et mentalement organisée du
tout. S’opposant au tohu-bohu du tout, elle le découpe,
l’encode, le domestique et l’agence à des fins opérationnelles,
pour qu’on s’y retrouve, et s’y soumette. En tant que création
de l’esprit, elle donne sa forme au tout informe. C’est un
supplément. Depuis le mouvement philosophique des
Lumières au XVIIIe siècle, il est clair que le corpus de symboles
et de notions élaboré au fil des époques pour traduire la totalité
ne relève pas d’un fait empirique, mais d’une manifestation
indéterminée de l’esprit. C’est ce sur quoi insiste le philosophe
Jean Vioulac dans son ouvrage La logique totalitaire. On
entendra les choses autrement dans les premières décennies du
XXe siècle. Les États qui se revendiquent de cette lecture

prennent sur eux d’incarner cette totalité dans l’histoire. Ils ne


forment pas un État, mais l’État, comme si l’État particulier
pouvait s’ériger au plan suprême de la totalisation293.
Il est d’autant plus invitant pour les autorités
psychotiques de procéder ainsi que la totalité, plus
mystérieusement encore, passe dans la philosophie idéaliste
pour une œuvre de l’esprit à laquelle l’activité individuelle ne
concourt pas. On ne produit pas dans son particulier l’œuvre
de la totalité, cette dernière s’annonce par-delà l’individu. Sans
la présenter tout à fait comme un fantasme, Jean Vioulac écrit
à son propos: «La condition subjective impose de renoncer à la
tentation d’une connaissance totale: il ne nous est pas possible
de conquérir la Totalité par la voie analytique, c’est-à-dire par
la régression des parties à la Totalité, et l’Universel reste donc
pour nous forme vide294.» Mais ce «vide» référentiel de la
totalité porte à confusion et des instances puissantes n’hésitent
pas à l’occuper en identifiant leur idéologie particulière à de
transcendantes promesses. Fournissant l’occasion
d’élaborations aussi arbitraires qu’abusives, la totalité passera
en toute chose et concrètement pour un impérieux et impérial
principe fédérateur. Des régimes politiques se présenteront
comme l’aboutissement historique du projet intellectuel de
l’organisation du tout conformément à sa propre nature. Ils
seraient à même de faire se réaliser sans transitions ni heurts
les puissances de l’esprit censées permettre à la loi de régner,
aux institutions de fonctionner, à la société civile d’opérer et
aux activités humaines de se produire. Si la relation entre
passion et loi ne paraît pas évidente, tant s’en faut, dans les
régimes totalitaires, la propagande y remédie. Dans une
parodie de la pensée idéaliste, les individus y sont décrits
comme trouvant leur liberté en se laissant constituer par le
concept d’État, bien plus qu’ils ont la liberté de le constituer
eux-mêmes.
Il en va de même du droit. C’est d’après un même «vide»
que se développent les édits, règlements et lois de codes civils
et pénaux que garantissent les États. «L’individu est
absolument impuissant à produire la loi, puisque bien au
contraire il en procède intégralement295», écrit Jean Vioulac.
Dans cette perspective, la loi n’est la responsabilité d’aucun
sujet pris individuellement, pas même des députés qui la
votent. Elle traduit beaucoup plus amplement – dans la
perspective idéaliste – une manifestation de logiques
universelles valant en dernière instance. La loi traduit ce qui
permet la rationalité individuelle et non l’inverse. Dans les
termes de Jean Vioulac, par le droit «l’Esprit conquiert la
totalité de son contenu296». Penser la loi, c’est penser l’œuvre
logique dans son processus d’aboutissement. Des «lois» ainsi
entendues président donc à l’élaboration de ce qui en tient lieu
dans l’organisation contingente. Les lois particulières ne sont
pas le résultat de ratiocinations individuelles, mais passent
pour des tentatives de traduction des grandes Lois, lesquelles
relèvent à la fois des puissances de l’esprit comme de
l’universel. Idem pour l’État qui garantit les lois. Avant les
États représentés historiquement par des gouvernements et
autres institutions publiques, apparaît l’État a priori, le
concept historique rendant possible la conception de toutes les
réalités occurrentes, que ce soit le chef d’État, le
gouvernement ou la société civile297. Ainsi, les individus en
quête de leur liberté se trouvent invités à se sacrifier dans le
droit et dans l’État qui la garantissent.

Pour les autorités totalitaires, cette culture métaphysique


est une aubaine. Elles l’entendront au pied de la lettre. «Les
individus ne sont libres que s’ils se laissent déterminer par
elle298», la totalité.

Genèse libérale du totalitarisme


Pour arriver à ces totalitarismes, un recours exalté à la pensée
libérale a également été requis. Les lecteurs de Hannah Arendt
– généralement libéraux – ne se sont pas empressés de
souligner ce paradoxe soulevé par la philosophe. Le repli sur
les intérêts de la personne, que le libéralisme a promu avec
insistance, provoque un abandon tendanciel des liens
d’appartenance de classe, lesquels avaient pour vertu de
structurer les discours, baliser les comportements, traduire une
diversité de pensée et, par organisations interposées, rendre
visibles les débats publics. Hannah Arendt cite en tant que
«racines» du problème totalitaire «un mode et une philosophie
de la vie si constamment et exclusivement axés sur le succès
ou l’échec de l’individu dans une compétition impitoyable,
que les devoirs et les responsabilités du citoyen n’étaient
ressentis que comme une vaine déperdition de temps et
d’énergie299». Autrement dit, «la transformation des classes en
masse et l’élimination parallèle de toute solidarité de groupe
sont la condition sine qua non de la domination totale300».

S’en est trouvé développé un contexte d’hypocrisie


générale où plus personne ne crut aux représentations
officielles, la bourgeoisie cédant la première aux passions les
plus déchaînées du temps parce que, avance Hannah Arendt,
elle était déjà mue par des appels au totalitarisme. On lit dans
Le système totalitaire: «La philosophie politique de la
bourgeoisie avait toujours été “totalitaire”; elle avait toujours
cru à une identité de la politique, de l’économie et de la
société, au sein de laquelle les institutions politiques n’étaient
que la façade des intérêts privés301.» Seulement, à l’opposé du
fascisme, la classe des possédants avait concédé à l’État le
droit de monter une fiction démocratique donnant à sa
représentation du réel une doublure formelle égalitariste vouée
à abuser les esprits.
Le progrès du libéralisme a fatalement conduit les sujets
de l’époque, progressivement devenus indifférenciés, vers
cette «masse» formée d’éléments «privés», privés de toute
particularité fondamentale, jusqu’à ce que les lois
fantasmagoriques des régimes totalitaires stipulent et exaltent
cette indifférenciation.

La perversion

Ainsi, la pratique politique moderne devrait amener les sujets


d’une collectivité à obéir aux lois, non aux puissants. Cette
fonction symbolique de la loi s’est imposée de manière telle
qu’au Moyen Âge, à la faveur de la révolution grégorienne, le
souverain s’est lui-même présenté comme autorisé par la loi,
cette dernière lui conférant sa légitimité, et non l’inverse. On
l’entend à la lecture d’Alain Supiot: «La règle de droit, à la
différence de la norme économique ou biologique, ne procède
pas exclusivement de l’observation des faits. Elle ne donne pas
à voir le monde tel qu’il est, mais tel qu’une société pense
qu’il devrait être, et cette représentation est l’un des moteurs
de sa transformation302.» Les bases de l’État de droit
contemporain étaient ainsi jetées… en même temps que les
leviers de son détournement.

En vertu de sa généalogie latine, cette conception du droit


repose sur la subordination des textes de loi – la lex – à une
source du sens dont une série de hiérarques cultivent le secret
et que l’on reconnaît sous l’appellation du jus. Ces savants
pontifes, respectivement attitrés à des enjeux de droits civils et
mondiaux, n’ont pas de pouvoirs formels, mais leur est confiée
l’organisation de rites veillant au bon ordre des rapports avec
les dieux. En l’état, le jus cultivé par ces sages crypte une
mémoire du droit quand vient l’heure de trancher dans des
situations particulières. C’est dans les abstractions résultant du
mûrissement des générations que se développe cette
essentialité du droit. Le juriste Alain Supiot ne se réjouit pas
que, dans le monde latin, de tels pontifes aient joué les
«gardiens des lois» en s’arrogeant un monopole
herméneutique sur l’origine des préceptes législatifs. Cela
amena ces précurseurs de la figure des experts à développer
des techniques d’interprétation de plus en plus standardisées.
Ils pouvaient, en fonction d’une procédure type, désigner
lequel parmi eux trancherait dans telle situation, départager les
demandeurs des accusés puis rendre un verdict sur la base de
ce savoir patenté. «C’est ainsi que le jus absorba et incorpora
la lex et put s’affirmer comme une technique délavée de ses
origines religieuses et susceptible de servir de formes
d’organisation les plus diverses303.» Alain Supiot associe cette
technique à une «fonction digestive». La valeur des lois
dépend alors du pouvoir d’accréditation dont ces juges sont
dotés.
Ce droit devenu strictement fonctionnel, nullement
transcendant, émerge en Occident au XVIIe siècle sous
l’impulsion de Thomas Hobbes. Dans le Léviathan, le droit se
réclame de la Nature qui est elle-même pensée comme une
vaste mécanique. L’État s’érige donc comme une création
sociale dont les lois se conforment au fonctionnement
programmé des êtres. Le droit passe chez lui pour
«l’expression d’une technique divine304», autant instance de
terreur pour tenir en respect tous les éléments qui
chercheraient à s’écarter des règles de conduite prévalant au
sein du peuple que manifestation du Grand Horloger faisant de
ses créatures des automates. L’État fondera alors les rouages
de la vie en société selon le modèle de la machine pour qu’elle
se conforme à l’image technique qu’on se fait de la Nature et
de la Création. Hobbes établira en ce sens que «l’obéissance à
la loi civile est aussi une partie de la loi de la nature. Loi civile
et loi naturelle ne sont pas différentes sortes de lois, mais des
parties différentes de la loi, dont la partie écrite est appelée loi
civile, et la partie non écrite, loi naturelle305».
Cette dimension technique du droit se trouvera accentuée
dans la Common Law anglaise. Celle-ci transforme les
institutions politiques en «une machine dont le fonctionnement
doit être indexé sur la connaissance scientifique de
l’humain306». Dans cette perspective, Alain Supiot se désole
qu’un gouvernement ne régisse pas des symboles en regard de
principes anciens qui guideraient communément le projet de
vie en société. En effet, enfermé dans un strict présent, il
exerce plutôt un pouvoir sur des questions contingentes qui lui
parviennent. La Common Law, qu’il dénonce avec animosité,
subordonne selon lui tout acte législatif et toute initiative
politique à la technique interprétative de juges eux-mêmes
soumis aux décisions antérieures. «Le souverain, qu’il s’agisse
du monarque ou du peuple représenté par le Parlement, peut
aussi faire la loi. Cette loi s’impose aux juges, mais ces
derniers passent cette statute law au filtre de la common law,
ou plutôt l’y incorporent et la digèrent, obligeant le législateur
à se faire casuiste s’il ne veut pas voir sa volonté détournée ou
contournée307.» Il en ressort un droit ayant la propension à
organiser la vie collective selon la distinction de cas et la
généalogie de décisions leur étant relatives dans la
jurisprudence, plutôt qu’en fonction de principes majeurs
traduisant l’intérêt général. La gestion du droit échappe
tendanciellement à la délibération publique et à la volonté
collective en lien avec d’anciens principes.
Ce droit est à l’origine des formes de domination
contemporaine du marché, du management d’entreprise ou des
relations partenariales entre agents qui s’observent à l’échelle
mondiale. Le passage terminologique à la «gouvernance»
traduit précisément un mode de gestion publique qui enjoint
les sujets à s’adapter à des formes continuellement
changeantes d’organisation sur la base d’arrangements
contingents en fonction d’intérêts particuliers.

Si Alain Supiot regrette le perfectionnement de la


technique argumentative qui a découlé de ce monopole
herméneutique, la subordination de la lex au jus n’en reste pas
moins salutaire à ses yeux, pour autant que l’on maîtrise le
référent majeur servant de source interprétative des lois. Il en
appelle toutefois à une politisation de la réflexion sur ces
références fondamentales. Le juriste cite Antigone, la tragédie
qui situe face à face la jeune rebelle Antigone au tyran Créon,
la première se soulevant au nom de Bouleumates – des édits
supérieurs – contredits par la législation du second, alors qu’ils
doivent prévaloir sur tout. Alain Supiot écrit: «Quand bien
même elles prétendent poser des règles éternelles, sacrées et
imprescriptibles, les lois humaines manquent donc d’un garant
indiscutable et apparaissent aussi inconstantes que diverses.
Leur légitimité n’est que relative308.» En témoignent les
sophistes, prompts à opposer aux lois contingentes celles de la
«nature», elles-mêmes adaptées aux intérêts de leurs
commanditaires. Il s’agit pour le commun d’élaborer un
discours en phase avec la capacité à imaginer des instances et
principes valant comme tuteurs de l’activité sociale. Une
«Idée» préside au lien herméneutique que nous entretenons
avec la loi, laquelle peut être d’ordre monarchique,
nationaliste, républicain, patriotique, social, économique ou
religieux… «Du point de vue du rapport à la loi, il faut donc
distinguer parmi ces différentes Idées, selon qu’elles sont ou
non compatibles avec l’existence d’un ordre juridique
autonome», conclut l’auteur en soulignant lui-même la fin de
sa phrase309. Dans cet «il faut» réside tout le rapport politique
qu’il reste aux peuples à entretenir dans l’histoire avec les
régimes de droit qui les regardent. Cette culture de la loi n’est
pas seulement spéculative, il ne s’agit pas seulement d’une
création de philosophes, dominant la sphère sociale, mais
d’une adhésion au droit sur la base d’une pratique quotidienne
et d’une méditation continue sur le sens des lois, eu égard à un
usage immémorial leur conférant de la consistance et de la
profondeur. À cet égard, Alexis de Tocqueville voyait en la
«liberté» l’exemple par excellence de convictions que le droit
a promues dans l’espace social et pas seulement à titre formel.
La possibilité d’élaborer des formes symboliques à la fois
abstraites et opérationnelles autorise les gouvernants à exercer
un pouvoir tangible dans la vie publique tout en dotant les
gouvernés de droits opposables les rendant capables de
soumettre la loi à leur délibération. Au titre de la loi, les
citoyens tentent de médiatiser l’ordre qui doit être bien plus
que celui qui est. Tel est le droit et son fondement de l’État.
Or, si les lois remplacent les maîtres, les maîtres s’en
remettent à des lois. Et ils réifient ainsi leur pouvoir. Le ver est
dans le fruit. De puissants acteurs usent précisément des
ressources que leur offre le droit tel qu’Alain Supiot le définit.
C’est dans les termes de la loi que se développent maintenant
les modalités de leur domination. Afin de pervertir le droit, ils
se glissent dans l’interstice qu’il ouvre entre le devoir être et
l’être, profitant de ce que le discours sur le devoir être prétend
à une efficacité sur le plan social, pour reproduire en son nom,
arbitrairement, une proposition générale à leur profit.
Il en découlera sur le même mode une nouvelle traduction
de la grande loi qui sera à son tour candidate à la
transformation du monde. Par exemple, s’insérer dans les
fondements et postulats de la déclaration universelle des droits
fondamentaux pour progressivement faire de ces garanties
fondamentales de la liberté les prémisses d’un ordre soutenant
objectivement la libre entreprise et le déploiement outrancier
de multinationales. Ce sont ces dernières, aujourd’hui, qui
soumettent la délibération des assemblées politiques à d’autres
«lois», supérieures, qu’elles s’assurent de rendre efficaces: la
«loi» du marché, la «loi» de la concurrence, la «loi»
universelle de l’offre et de la demande.
Tout est affaire de confusion. La perversion réside dans la
façon d’élaborer des lois à prétentions fondamentales, comme
s’il s’agissait de conceptions idéales désormais prescrites. Ce
sont elles qui soumettent la vie parlementaire à des enjeux
d’économie de marché ou le développement psychologique
des sujets dans l’ethos de l’individualisme libéral. C’est
également ainsi que les ayants droit de tels régimes en
arriveront à se poser en «créateurs de richesse», en «créateurs
d’emplois» et, pourquoi pas, en «garants des libertés et de la
démocratie», quand il ne s’agira pas, par le mécénat, de se
présenter enfin pour des «créateurs d’art et de science».
Dans les termes de la pensée de Hegel, la perversion
consiste en une prise de conscience de la loi non pas en tant
qu’elle traduit l’ordre des puissances qui nous déterminent,
mais des intérêts particuliers qu’on cherche à lui substituer. Il
la présente dans les Principes de la philosophie du droit
comme «la subjectivité s’affirmant comme absolue310». Il ne
s’agit pas, comme dans le cas de la psychose, de déclamer sa
loi comme étant la loi. Plus subtilement, la perversion œuvre à
l’élaboration de formes référentielles au titre de l’universalité
comme si elles traduisaient quelque précepte absolu, alors
qu’il s’agit en réalité de soutenir des termes et des
raisonnements qui favorisent ses intérêts particuliers. Cette
façon de faire passer un discours contraignant et
éventuellement maléfique en une traduction du sens fondant
l’action du monde consiste, dira Hegel, en un péché
d’«hypocrisie».

Le sujet pervers passe outre le caractère transcendant de


la Loi comme forme vide de signification empirique; il
s’emploie abusivement à traduire en édits clairs l’Universel de
la Loi. Or, «la transcendantalité apparaît dans la dimension
pratique comme résistance à la tentative d’expliquer la totalité
de la rationalité de la praxis à travers des arguments
utilitaristes», précise Vladimir Pinheiro Safatle311.

Au contraire, les bénéficiaires de processus pervers


profitent de ce que la loi au temps des Lumières vaut
soudainement en vertu de ses propres ressorts. Comme l’écrit
le philosophe et psychanalyste Pierre Fédida, elle «n’a plus de
ressources que sa propre forme312». Pour que la loi devienne
la Loi, pour qu’elle se fasse elle-même la source de sa propre
autorité, elle doit alors abuser de ses prétentions, devenir un
«Texte» majuscule, fondateur de normes intersubjectives et
prescriptrices, dessinateur d’un monde, comme l’a développé
et célébré dans son œuvre l’anthropologue du droit Pierre
Legendre. En s’érigeant ainsi, le droit moderne développe peu
à peu les formes transcendantes et absolues que détournera
l’esprit pervers.
Ce que, dans sa manifestation propre, le droit offre au
pervers, c’est un point d’ancrage abstrait à partir duquel il lui
est possible à son tour d’élaborer rationnellement un
agencement pur du rapport entre sujets. Il puise dans une
violente force coercitive, qui trouve son point de départ dans
un pouvoir d’affirmation transcendantal de ce qui fait loi.
Pierre Fédida cite en exemple cette injonction aussi
déraisonnable que fondamentale de l’ordre judiciaire libéral, à
savoir que nul n’est censé ignorer la loi. Cette injonction
n’impose pas une limite empiriquement vérifiable et
discutable, mais elle procède de la force même de son
affirmation arbitraire. «Il est dans la nature de la loi de réaliser
en elle la transgression: entendons par là qu’elle ne peut
exister comme telle qu’en raison de son impossibilité à devenir
objet d’un savoir positif et empirique et en raison, de même,
de son impuissance à interdire l’ignorance qu’elle existe313.»
Le droit a en quelque sorte développé un régime de la pensée
dont les puissances perverses s’empareront, soit celui de
fantasmes se présentant comme légitimement violents et aptes
à coordonner effectivement les relations intersubjectives dans
le réel. Cette injonction témoigne à elle seule, comme bien
d’autres fictions juridiques, de l’incapacité qu’a le droit
institutionnalisé de faire valoir tous ses principes
fondamentaux dans le réel social. Celui-ci ne vaut que d’un
point de vue formel et transcendantal. Si on avait le pouvoir
d’obtempérer, si dans le réel lui-même on pouvait se plier à
cette injonction de principe de ne rien ignorer de la loi, c’est
d’abord la corporation des avocats qui deviendrait futile, et
tout le pouvoir d’interprétation qui confère aux juges et
juristes un outrancier et arbitraire pouvoir de transfert du droit,
du plan des principes purs à celui de l’application concrète. Le
droit se vérifierait autant dans les textes de loi que dans les
formes et relations intégrées de l’existence.
Ainsi, avant même d’organiser le réel social, c’est dans la
sphère seule des principes énoncés par le droit que s’instaure
un rapport transgressif entre le licite et l’illicite. Sur ce registre
très particulier est en cause un «code» en vertu duquel on peut,
avant même de considérer les enjeux de l’expérience, élaborer
théoriquement les possibles sur le plan de la rationalité pure en
ce qui regarde les enjeux politiques, éthiques et sociaux. Mais
sur ce plan seulement; le rapport de correspondance entre ce
que prescrit la loi et ce qu’il en advient dans le réel social n’est
marqué d’aucun caractère d’évidence. Performative en tant
que concept, la loi, rappelle Pierre Fédida en faisant référence
au contexte libéral, dissout la subjectivité dans ce «code» et
l’aliène dans des concepts forcés d’individualité et de
«communauté des “personnes”». On les reconnaît ensuite dans
les rapports logiques et théoriques en ce qui concerne la
propriété ainsi que les principes fonctionnels de la
«démocratie314».
L’histoire nous a habitués à étudier le pouvoir comme
l’apanage d’institutions étatiques tandis que le présent nous
rappelle par mille détails que ce sont des instances privées qui
l’exercent. Le pervers, du moment qu’il est socialement
puissant, peut à loisir investir le dispositif de la loi comme la
structure identique de son savoir. Le pouvoir pervers ne tend
donc pas vers la simple transgression, comme l’outrage ou la
provocation, mais vers une reprise bonifiée des fondements
mêmes de l’énoncé rationnel valant de droit. Complice de la
loi, plutôt que de la transgresser, il la reflète et l’imite pour
faire de sa duplication une composante de son dispositif, voire
sa médiation. Et il la prise du fait que, s’autorisant de sa
propre forme, elle se transgresse elle-même continuellement et
devient en quelque sorte un modèle. La loi trouve le tour de se
dominer elle-même pour asseoir sa propre autorité, là, sur un
régime mythique où elle n’est plus en mesure de valoir
empiriquement.
Cet abus la caractérise en propre. L’acte premier et
fondateur du droit officiel, tel que Walter Benjamin le décrit
dans sa Critique de la violence, procède lui-même de la
violence, et est lui-même illégal au regard de la loi qu’il s’en
vient fonder dans un deuxième temps. Le pervers n’a plus qu’à
reproduire ce geste fondateur de droit. Aussi arbitraire que
désinvolte, il aura authentiquement valeur de loi pour lui. S’en
référant toujours à «la» loi, il ne ment jamais, il fait ce qu’il
dit, et ce qu’il dit sur un ton posé est violent. «Faire la loi et
devenir ainsi complice de sa dérision dans le jeu du hasard et
de l’arbitraire, s’allier à elle sous l’espèce d’un esprit de police
et de religion, ou encore l’appliquer jusqu’à ce qu’elle livre
tout l’humour de son absurdité315», résume son programme
selon Pierre Fédida. «Ne dire jamais rien d’autre que ce qui
tient à la structure de sa logique316.» Cela rend le pouvoir
pervers pratiquement imprenable du point de vue de la
légalité. Sa jouissance consiste nécessairement à développer
plus avant le discours logique autorisé qui fondera la
possibilité de son désir de domination et le conditionnera. Le
pouvoir pervers s’assurera d’investir le droit de façon à
transférer le fait de son désir sur une instance qui le dégage de
toute responsabilité par rapport à lui, et ce, pour légitimer les
formes déchaînées d’une violence dont il sera, à partir de là,
capable. «Donc le pervers n’ignore pas la loi: non seulement il
ne s’autorise pas à l’ignorer, mais en la reconnaissant comme
forme de son savoir, il en désigne proprement l’essence. La loi
est la totalité d’un savoir qui ne dépend pas de lui et qui ne
repose pas sur lui317.» Le pervers se satisfait d’en reproduire la
fiction, mais sur un mode décalé et altéré, pour enfin la
renverser complètement – étymologie du fait de pervertir la
loi. Face à une loi forte d’elle-même, et contrairement au
névrosé qui culpabilise devant elle, le pervers y voit un gage
de sécurité et de certitude sur l’origine de toute jouissance, la
sienne au demeurant.

Il s’ensuit un soliloque si logique qu’il finit par s’imposer


comme une «métalogique» dans laquelle se décomposent et se
dissolvent les formes convenues ou intuitives de la raison
sociale et morale. Une rationalité de surplomb se justifiant
d’elle-même subsume sous son autorité les formes morales et
judiciaires censées traditionnellement la sanctionner. Cette
puissance d’affirmation ne va pas sans violence. Mais il ne
s’agit plus de la pratique d’exclusion propre aux régimes
totalitaires de type psychotique. Cette violence se vérifie au
contraire dans une force centripète d’inclusion. Un principe
intégrateur s’impose au point de ne pas pouvoir faire l’objet
«d’un phénomène individualisé de croyance ou d’opinion318»,
écrit Pierre Fédida. La rigueur analytique, la structuration
exacte et la froide objectivité de la métalogique perverse
s’imposent insidieusement, d’une part, en incluant sans faute
tous les sujets jugés concernés par ses exposés et, d’autre part,
en absorbant tous les termes de la rationalité courante dans le
miroir de l’autorité supérieure qu’elle développe. Donc, rien
ne se trouve en marge d’une énonciation qui se donne à tout
moment les apparences mêmes de la rationalité. Le discours
pervers «joue sur la vérité elle-même une fonction
réfléchissante qui n’est autre qu’une fonction majorée de la
vérité319».

C’est dans une affirmation langagière – dans ce langage


inspiré du droit – que le régime totalitaire de type pervers se
montre si violent. La violence qui le caractérise se manifeste
comme un grand principe discursif, en même temps qu’il
apparaît sous la forme de coups de feu de milices privées, de
déversements de déchets toxiques dans des terres arables, de
détournements de fonds au détriment de populations
indigentes ou du pillage de ressources organisé
structurellement. C’est-à-dire qu’en plus d’être une
énonciation transcendante, le discours pervers se veut une
résolution: «La communication de la vérité est résolue –
pourrait-on dire a priori – par le seul pouvoir du discours à
être en soi et pour soi une violence320», écrit Pierre Fédida. Il
s’agit non pas de manipuler la loi au sens machiavélique, mais
de contraindre la loi à reconnaître son sens dans cette autre loi
métalogique avec laquelle la faire violemment entrer en
résonance. Il n’est pas exagéré de parler alors d’une politique
sadique au sens où le discours pervers se donne raison
précisément de par la puissance qu’il a de rendre vrai ce qu’il
édicte. «Il n’y a pas chez Sade de véritable rupture dans le
texte entre la démonstration et la description des scènes de
luxure et de débauche321.» Il y a «identité» entre la violence et
la démonstration.
Les représentants politiques font eux-mêmes de cet ordre
qui les excède une issue rhétorique. Une entreprise doit par
exemple garantir en dividendes à ses actionnaires 50% de ses
revenus, sinon «le cours va s’effondrer», explique en 2015
celui qui est ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, alors
contraint de remettre toute décision d’entreprise «dans son
contexte». Ce contexte, le ministre dit lui-même n’avoir que
fort peu d’incidence sur lui. «Le ministre prend en compte la
réalité des entreprises du CAC 40322», affirme-t-il. Lorsque le
gouvernement consent des aides à la recherche et au
développement à une entreprise qui licencie dans ce secteur,
Macron ne trouve pour toute réponse qu’une question
rhétorique: «Dans quel monde on vit?»

Le régime pervers d’énonciation convient d’autant plus à


ses dispositions psychologiques et morales qu’il ne participe
d’aucun débat. On reconnaît en cela son côté totalitaire.
Violent dans sa démonstration même, il n’entend ni à rire ni à
pérorer. Cette violence procède in fine de la manipulation, en
cultivant la part qui revient aux sujets concernés afin
d’organiser à partir d’elle un champ de relations voulues. «La
vérité ne découvre ses plans d’évidence sensible que par le
pouvoir d’une démonstration dont la logique totalitaire ne
cherche pas à persuader ni à convaincre, mais à déceler la
violence cachée dans les êtres et à l’ordonner comme vérité de
la nature323», écrit Fédida. On attribuera ensuite aux lois de la
nature ainsi qu’aux travers innés de l’humanité le fait de
comportements que le discours autorisé encourage lui-même.
Un tel point de vue n’empêche pas de considérer subtiles les
stratégies perverses: les valeurs morales qui continuent de se
faire entendre n’y sont qu’instrumentales et servent «de points
d’appui empiriques à l’acte pervers en tant qu’il devient
manifestation de violence324», à l’instar des programmes
philanthropiques, des prétentions à la compassion citoyenne,
des protocoles de responsabilité sociale et autres trouvailles du
storytelling d’entreprise. Ces développements métalogiques
concourent avec une mobilisation des sujets intégrés en tant
qu’ils sont capables d’une violence précisément justifiée par
les paramètres du discours autorisé. C’est pourquoi les
géologues, administrateurs, investisseurs et agents publics
d’aujourd’hui, dans leurs agissements, sont si proches de la
«banalité du mal» dont parle Hannah Arendt325; tous des
Eichmann ayant leurs raisons – la Raison – de mener sur un
mode fragmenté et tronçonné les activités lucratives qui sont
les leurs. Les propositions perverses procèdent d’un pouvoir
d’intimer – d’enjoindre sur le plan de l’intime qui se
confondra à celui des convictions – la pensée obligée du
moment326.
Dans cette démonstration de force, l’important pour le
locuteur pervers est de s’inscrire lui-même dans la
métalogique qu’il développe par la bande et dans laquelle il
inclut tout. «La vérité telle qu’elle est instituée par ce langage
ne doit jamais laisser transparaître la personnalité de celui qui
l’énonce au moment où il est, par sa démonstration, tout autant
objet que sujet logique de son énoncé327.» C’est à tort que l’on
cherche continuellement dans la figure du chef d’entreprise un
roublard prompt à dissimuler la réalité. «Quand il parle, le
pervers dit vrai: il ne peut pas mentir328.» C’est le monde en
tant qu’il est façonné par lui qu’annonce, décrit et confirme le
speech act autoritaire. Mentir est un procédé pauvre auquel il a
le luxe d’échapper. C’est la responsabilité de son désir qu’il
décharge sur la structure en apparence objective du droit.
Mieux que la Loi et ce pouvoir de transgression qui la
caractérise de façon inhérente: les diverses législations. Dans
la mondialisation financière, le pouvoir pervers s’autorise à
jongler avec des systèmes de lois qui débordent tous les uns
sur les autres, en plus de profiter d’interstices béants de non-
droit. Ces systèmes légaux se réfléchissent dans des lois
supérieures qu’aucun législateur n’a même le loisir d’étudier,
celles que développe et célèbre le pouvoir pervers sur un mode
analogue, mais transcendant: les lois de la libre entreprise, les
lois du marché, les lois de l’offre et de la demande… Il s’agit
de déterminer le droit: s’y soumettre, mais à condition de le
formuler. S’ériger en entreprise citoyenne en France tout en
saccageant les écosystèmes du Nigeria. Dans cette ouverture
multi- et internationale des notions et des systèmes législatifs
se développe l’outil du contrat, au plus grand bonheur de
l’esprit pervers. Entendons par là les règlements de litiges à
l’amiable, la signature d’ententes avec des clauses de
confidentialité parfois même contraires aux édits
constitutionnels, et des conventions entre acteurs privés et
États sur une base tout à fait autonome. Cela permet au
pouvoir privé de générer des formes de droit avec souplesse
pour y intégrer dans des négociations de toute sorte les termes
et les logiques qui, tôt ou tard, acquerront même une valeur
jurisprudentielle. En ce sens, le contrat se veut une façon
d’écrire la loi précisément depuis ce point de transgression qui
n’est pas du ressort du droit, mais éventuellement de celui du
désir, de la loi du plus fort, du strict rapport de force et de la
coercition (signe ceci, sinon…). Ajoutons à cela des accords
de libre-échange et des mécanismes de règlement de différends
qui permettent aux entreprises de poursuivre en justice, devant
des tribunaux conçus précisément pour elles et fonctionnant de
manière bien peu orthodoxe, des États dont la législation
entraverait leur droit à faire du commerce.
Cette entreprise de domination est tout entière annoncée
dans le métalangage du pervers. Lorsqu’il apparaît par
exemple sous les dehors de l’écologiste, c’est un costume qu’il
donne à voir, moqueur, plutôt que de chercher réellement à
nous berner par lui. Avec outrecuidance, il intitule sa
déclaration: «Intégrer le climat à notre stratégie329», disant
presque ce qui convient aux yeux de quiconque tient le monde
pour plus grand que soi, à savoir que la question du climat
doive aujourd’hui prévaloir, et donc, elle, intégrer les
fameuses stratégies. Cela se laisse cruellement vérifier,
puisque le réchauffement climatique ne s’impose pas sans
représenter quelques intérêts pratiques. Arborant le nom de
son regretté PDG, le Christophe-de-Margerie, un méthanier
brise-glace de 300 mètres de long a franchi sans escorte et sans
encombre le passage du Nord-Est dans l’océan Arctique à l’été
2017, s’est félicitée Total dans un communiqué de presse:
«Une première mondiale à souligner car il s’agit du premier
voyage d’un bateau de GNL commercial seul sur la route du
Nord, qui permet de rejoindre l’Asie en 15 jours par le détroit
de Béring, contre 30 jours lorsque l’on passe par le Canal de
Suez.» Hormis Total, tous, même la presse économique, ont
précisé que ce raccourci maritime s’explique «par le
réchauffement climatique330».
Un désir aussi caché que problématique prend les allures
d’une loi chez le pervers. On aperçoit «le statut que prend la
réalité chez le pervers –, la mise en suspens (sorte d’épochè
perverse) du désir, le pouvoir du savoir constitué – comme
extérieurement – en représentation dans la loi, le pouvoir de
causalité dans la loi dans l’apparition “étrangère” du désir,
enfin la soumission du pervers à l’égard de l’exercice
transgressif de la loi dans son essence, c’est-à-dire l’arbitraire
même331». Cet acte inaugural et fondateur de la loi, le pouvoir
pervers doit continuellement le reprendre, renouveler son désir
dans des formes métalogiques auxquelles il donne autorité,
pour que s’y réfléchissent sans reste les éléments de la réalité
sociale. Il peut mourir sur la piste de décollage d’un aéroport à
Moscou: tout continue comme avant. Ses successeurs
entreprendront même de couvrir la chose comme si elle n’avait
jamais eu lieu332.

Les multinationales ne transgressent pas la loi, elles se


contentent d’exploiter et de développer les puissances
proprement perverses du droit libéral lui-même. Ainsi, pour le
représentant d’une multinationale, les différents droits des
États seront toujours secondaires par rapport à la loi des
marchés et à la théorie de la compétition dont il se réclame, et
qui surplombent l’ensemble. Des totalitarismes d’antan à celui
d’aujourd’hui, on est passé d’un ordre psychotique de
domination où une autorité toute-puissante et hypervisible
donne le la de la réalité sociale et judiciaire, à un ordre pervers
où la loi semble s’imposer d’elle-même comme la pluie, sans
que les intéressés qui le coordonnent ne se distinguent
particulièrement des sujets qui la subissent. Le régime
totalitaire de type psychotique était, lui, aisé à reconnaître. Ses
quelques têtes d’affiche apparaissaient sous le jour d’un grand
Guide patriotique, d’un Père des peuples ou d’un insigne
Envoyé de Dieu, et c’est autour d’un délire extravagant
concernant leur personne et leur Parti que se mettaient en
branle toutes les opérations tapageuses de censure et de
décomposition des liens sociaux antérieurs. Les maîtres
pervers s’y prennent tout autrement. Ils n’assument pas
comme telle leur outrancière domination. Ils apparaissent
comme des psychotiques déguisés en névrosés ordinaires. Ils
dominent en élaborant des formes d’autorité qui passent pour
objectives. C’est en cela qu’on reconnaît la finesse nouvelle du
totalitarisme contemporain. Ensemble, les quelques grandes
banques et principaux hedge funds, les agences de notation, les
compagnies pétrolières et minières, les empires de
l’informatique, les multinationales de l’agroalimentaire, les
firmes de sécurité et les sociétés d’armement en ont
collectivement le pouvoir. Ils ne forment pas une entité unique,
mais collaborent déjà du fait d’intérêts bien compris. C’est
pourquoi Benjamin Barber ne croit pas si bien dire en
affirmant que les sujets de ce régime, de plus en plus
conscients des conséquences exorbitantes de ce mode de
fonctionnement et emboîtant le pas à ses mots d’ordre,
agissent ainsi non pas parce qu’ils sont soumis à une «fausse
conscience», mais, ajouterons-nous, par peur sourde de ce dont
ce régime est réellement capable.
Dans ce contexte, la sphère éthérée du consumérisme,
exaltée par le marketing industriel et sanctifiée par la théorie
dite économique, que bien des psychanalystes présentent
comme un vecteur majeur de transformation de la culture,
convertit les sujets de l’époque contemporaine en des
jouisseurs programmés, les enjoint à ne plus se soucier que de
ce qui concerne en apparence leurs désirs333. Mais il s’agit là
du revers joyeux d’un ordre psychiquement contraignant, et
d’un piège, à savoir que le sujet consommateur désormais libre
de toute contrainte civique et livré à corps perdu aux choix du
plaisir consumériste devient également, atomisé, ultimement
responsable de son sort. Ricochant comme un bouchon de
liège dans les rapides, ce sujet-consommateur se voit imputer
toute responsabilité quant à sa capacité à se doter d’un pouvoir
d’achat. Il est, en d’autres mots, éventuellement responsable
de son indigence. Aussi, tout devient de son fait et relève de
ses «choix»: les atouts qu’il a bien voulu se donner dans le
vaste champ de la concurrence, ceux à qui il a bien voulu
professionnellement se livrer, les conditions de travail qu’il a
acceptées puisqu’il restait «libre» de les refuser, procèdent
d’une «liberté» sourdement forcée. Bref, la joie de consommer
érigée en droit fondamental, voire en vocation ontologique,
s’accompagne de contraintes énormes qu’on a fait passer au
rang de libres choix. C’est entravé par un large faisceau de
contradictions qu’il doit se dépêtrer dans la nouvelle totalité.
Cet état de fait sera cependant suscité, jamais proclamé. Dans
un totalitarisme pervers, le rôle du tiers que jouait en surplomb
le vociférateur se dissipe, pour donner lieu à un semblant
d’horizontalité que gouvernent en creux, toutefois, les maîtres
effacés du jeu, ceux qui en conditionnent les paramètres
implacables et face auxquels se trouve une totalité de sujets
désormais déboussolés. La réalisation de cette économie de la
perversion – libérer le sujet des contraintes de la vie collective
en faisant normativement de ses intérêts la loi – reste un luxe
que goûte seulement la minorité qui la promeut. Mais
exactement comme pour les fondements de l’État bourgeois
étudiés par Karl Marx au XIXe siècle, on fera passer ces lois
intéressées comme des droits universels concernant
l’ensemble.

S’il s’agit d’en penser les destinées, le totalitarisme se


reconnaît aujourd’hui dans un rapport à un pouvoir beaucoup
moins formel qu’auparavant. La capacité qu’a «le pouvoir» de
peser sur le cours de l’histoire de manière décisive – soit la
«souveraineté» – se manifeste désormais selon des méthodes
diffuses. C’est dire de la souveraineté qu’elle tend à échapper
au champ de visibilité des constitutions d’État, lesquelles
visaient pourtant à rendre perceptibles autant la marche du
pouvoir dit légitime que celle des contre-pouvoirs
institutionnels ou sociaux.

La philosophie politique de Total

La loi de l’État, le pervers ne la fait pas sienne. Il voit en elle


plutôt la conséquence de celle, complémentaire et dominante,
qu’il élabore de surcroît. Au cours d’une seule entrevue d’une
heure, feu Christophe de Margerie, président de Total, dira
qu’il ne fait pas de politique, qu’il ne se reconnaît pas même
l’autorité de faire des propositions aux politiques, mais
seulement des suggestions, puis, dédaigneux, il fera passer la
politique pour le menu fretin qui l’encombre et dont il se
désintéresse («je ne suis pas ministre, demandez au
ministre!»), pour se poser finalement, lui, en «chef
d’entreprise» (pour ne pas dire patron), avec des allures de
supériorité, en intégrant la politique sous son aile, en en faisant
plus-que-sa-chose, en la digérant complètement dans la
prestation même de son acte de pouvoir, jusqu’à ce qu’elle se
dissipe dans un principe suprême: «L’entreprise, c’est la
politique334.» Dans un tel moment, le président de Total se
risque même à un glissement étymologique vers la polis,
affirmant sans sourciller que la Cité sans entreprise n’est rien.
Donc, «les chefs d’entreprise», en agissant, «ne sont pas des
politiques». En effet, leurs pratiques ont à voir avec le
totalitarisme. Ils imposent la loi qui les soumet.

Christophe de Margerie dira conséquemment aux députés


français, en pleine commission parlementaire: «Toutes ces
nouvelles lois qu’on nous fait tous les jours, on se demande
vraiment si c’est vraiment nécessaire», étant donné qu’il y en a
déjà «des centaines de milliers», qu’on peut amender de
surcroît, dans un monde où «la mondialisation règne» au-delà
même d’une dialectique avec les nations, puisqu’il convient de
placer sous son appellation «simplement le marché335», celui
dont les lois triomphent entre toutes. Le pouvoir pervers
entretient la tension entre le droit formel qui le domine en
principe et la capacité réelle qu’il a de le contourner pour le
refondre autrement. Même musique chez son successeur
Patrick Pouyanné en 2016: «Le mouvement de fond de la
globalisation est irrésistible même si, en surface, il y a des
avancées et reculs. Le nier ou s’y opposer frontalement est une
cause perdue», philosophe le PDG en invitant les pays à faire
partie des vainqueurs, afin qu’ils avalisent son cadre pour
«mieux accompagner les perdants336», dans le texte.
Les lois promues par les institutions publiques doivent
alors s’intégrer aux éléments du dispositif pervers. Sa Loi
règne. «La mission de Total n’est pas de restaurer la
démocratie dans le monde. Ce n’est pas notre métier337», lança
un jour Christophe de Margerie.

Quand ce personnage, poursuivi par le ministère public


pour malversations en Iran, affirme «le parquet, il a le droit de
dire ce qu’il veut, mais moi aussi», par l’entremise de ce «moi
aussi» s’annonce une autre Loi, un autre régime de droit, qui
est celui du commerce et de la finance: la loi économique, la
loi du marché, la loi de la libre entreprise, que concourent à
déployer et à imposer des multinationales comme Total, fortes
de leurs cohortes de lobbyistes, de professeurs, de journalistes,
de représentants politiques, d’institutions internationales, voire
d’armées de mercenaires… Cette Loi ne représente pas une
logique qui s’oppose à une autre, mais c’est un discours qui
témoigne d’une violence envers ce qu’elle intègre par ses
seules démonstrations; c’est une contre-proposition qui se
nourrit de la raison elle-même pour supplanter toute forme
d’articulation rationnelle qui ne lui ressemble pas. Pierre
Fédida précise: la proposition perverse «maintient une
confiance en la “raison normative” et renforce la possibilité
d’un “langage logiquement structuré”», en l’élaboration d’une
«raison axiomatique» autre338. Le pouvoir pervers reproduit
un tenant-lieu de la raison d’État, mais décalé, et le fait valoir
sur un mode dominant. Ce nouveau régime d’inscription du
langage ne se laisse donc en rien confondre avec un débat
philosophique. Il appelle plutôt le monologue. Un monologue
auquel les sujets du droit et les institutions publiques
constituées se trouvent intégrés de manière péremptoire. «Ce
n’est pas politique, c’est la mondialisation», s’exclamera
éloquemment Christophe de Margerie. Ce dernier ne demande
rien aux acteurs politiques, par exemple à propos des
investissements à long terme: «De temps en temps, à partir du
moment où je peux leur expliquer, premièrement, pourquoi il
faut le faire, et deuxièmement comment il faut le faire, qu’ils
nous laissent faire339!» Il ne veut surtout pas se «substituer»
comme tel au législateur, mais, beaucoup plus largement, en
conditionner l’action. Christophe de Margerie entre dans une
colère noire lorsqu’on lui suggère que des syndicats ou des
citoyens puissent se prononcer sur les revenus exorbitants que
s’attribuent les dirigeants d’entreprises – «ce débat public, je
suis contre»; «un syndicat n’a pas à se prononcer, ce n’est pas
son métier340!» À chacun sa place, semble-t-il indiquer en
redonnant au mot métier dont il abuse son sens étymologique,
la «fonction de serviteur». Le «public», dans une telle
perspective, n’est plus fait de chair, de pensées et de
mouvement, il est l’abstraction qu’élaboraient déjà les
Constitutions d’État afin de légitimer les institutions dans leur
effort pour le domestiquer. La loi du marché nous régit et est
appelée à se réaliser telle quelle dans l’histoire. Elle ne saurait
faire l’objet d’un débat démocratique. Et contrairement aux
citoyens d’une République, les «clients» et «consommateurs»
qui forment les sujets de l’époque, subordonnés à cet ensemble
de lois économiques, ne décident nullement de ces dernières.
Elles les débordent et les conditionnent par définition. «Le
consommateur ne demande rien341», si ce n’est des tarifs
moins élevés. Et il ne fait jamais partie du «nous» élastique du
«chef» d’entreprise, exclusivement réservé à des partenaires,
des chefs d’État, la commission de Bruxelles, les
investisseurs… Dans le discours de Christophe de Margerie,
les clients que les citoyens deviennent ne connaissent, comme
les politiques qui les représentent, que le «court terme», alors
qu’il est, lui, chef d’entreprise, capable de vision, de «long
terme». Et ce, pour la société entière, puisque c’est autour de
lui que se conduisent ses destinées.
Christophe de Margerie le jurait donc: Total «ne fait pas
de politique». Total et ses équivalentes ne font en effet pas de
politique, elles font la politique. Elles veillent à la
subordination des États aux règles des affaires. Elles s’assurent
que les logiques commerciales, financières et industrielles
quadrillent la totalité des champs de l’activité sociale. Elles
forment au-dessus des institutions publiques un régime de lois
qui leur échappe et les contraint. Elles s’imposent ainsi comme
des législateurs d’un nouveau genre, n’ayant de comptes à
rendre à personne sinon qu’à leur actionnariat. Dans sa langue
codée, Patrick Pouyanné renchérit: «Quand vous dirigez Total,
vous faites de la géopolitique, pas de la politique342.» Le PDG
le répétera de toutes les manières, dût-il se contredire dans les
formes. «Nous sommes une entreprise commerciale, nous ne
faisons pas de diplomatie. […] Nous sommes dans un marché
de matières premières. La volatilité du prix est d’abord pilotée,
non par la géopolitique, même si tout le monde trouve dans la
géopolitique une interprétation à tout ce qui se passe, mais par
l’offre et la demande. Quand il y a trop d’offre et pas assez de
demande, le prix baisse. Et vice versa. Là sont d’abord les
fondamentaux du prix du pétrole343.» Après avoir retourné son
interlocuteur sur lui-même, le PDG assumera sur le plan de la
performance discursive sa propre contradiction, en exposant
comment Total arrive à peser sur les affaires politiques du
monde, pour seulement modeler le cadre dans lequel se décide
cette proverbiale relation entre offre et demande: «On a signé
en novembre 2016 un protocole d’accord [en Iran] et on a en
effet été les premiers à le faire, autrement dit, à faire preuve
d’audace. Ce champ géant de gaz est d’ailleurs partagé entre le
Qatar et l’Iran. Donc, là encore, on sert de pont entre ces deux
pays. Nous allons procéder à la signature dans les prochaines
semaines. Notre production sera destinée au marché
domestique iranien. Elle contribuera donc au développement
de l’économie iranienne344.» Le Qatar partage le plus grand
gisement mondial de gaz naturel, le North Field et le South
Pars, avec l’Iran, ayant pour arbitre Total345. Malgré les
tensions qu’on observe entre eux, Total approvisionne aussi les
Émirats arabes unis depuis le Qatar. «Je suis qatari au Qatar,
emirati aux Émirats, iranien en Iran», renchérit celui pour qui
«les réalités économiques» prévalent sur les rapports entre
États346. Pouyanné se présente comme absent du jeu politique
en tant qu’il le transcende: «Travailler en même temps en
Arabie saoudite, au Qatar et en Iran, en bonne intelligence
avec chacun. Investir en même temps aux États-Unis (2
milliards de dollars dans la pétrochimie cette année) et en
Russie, avec le projet Yamal, financé sans recours au dollar,
avec des partenaires chinois. Nous montons des projets
complexes avec toutes les nationalités, nous enjambons les
frontières347.» En toutes ces affaires, on n’est jamais à l’abri
d’un dérapage: en témoignent les tensions que les travaux
d’exploration de Total à Chypre engendrent entre ce pays et la
Turquie348. Cette parole éminemment politique, et
déterminante dans le développement de la production
mondiale et la configuration des marchés, s’accompagne
d’autres déclarations tout aussi sensibles sur les affaires de la
Russie, de la Turquie, des États-Unis et de l’Europe349.
Les cours boursiers eux-mêmes, sacro-saints indicateurs,
dépendent de la situation politique des pays où Total se trouve,
et où elle a donc intérêt à se montrer influente350.Patrick
Pouyanné convoque à sa manière le principe de réalité dont se
pare la métalogique pour faire appliquer sa loi, la seule qui
vaille. Au président de la République française qui envisage
un plafonnement des salaires des hauts dirigeants, le réel
semble répliquer à sa place: «Si des lois de cette nature sont
prises, les sièges quitteront la France. Ce n’est pas une
menace, c’est juste ce qui va se passer351.»

La loi que le pouvoir pervers conçoit ne s’oppose pas au


dispositif législatif traditionnel, mais l’avale. Ainsi, «il ne faut
pas fausser l’offre et la demande» par des décisions politiques,
martelait Christophe de Margerie. Le monde est soumis «aux
règles de marché, comme il se doit352». En ce sens, toute
activité humaine est destinée à générer des bénéfices pour des
actionnaires. Et toute entreprise qui n’entre pas dans cette
catégorie doit se faire «tuer dans l’œuf353», sans délai. De
toute façon, personne, pas un seul employé ne peut supporter
l’opprobre de travailler dans une firme qui n’est pas
rentable354. Tout doit donc concourir à «aider les entreprises à
faire des marges355»; il s’agit de l’unique finalité, fût-elle
associée à la surexploitation de cette énergie rare, précieuse et
non renouvelable pour les générations futures qu’est le pétrole,
et dût-on pour ce faire commettre d’atroces forfaits et se livrer
à de scandaleuses pratiques. Toute décision politique en
matière pétrolière n’est d’ailleurs bonne, spontanément, que si
elle l’est «pour l’industrie», pour «les marges de raffinage»,
pour «nos capacités», «bref ce qui fait la France profonde356».
Le pervers est tellement à l’aise avec la loi, il l’a tellement
modulée que si elle avait été faite pour lui, elle eût été la
même.
La loi qui fonde son désir et la légitimité de son action,
feu le président-directeur général de Total ne manquait pas une
occasion de s’en réclamer: «Si nous avons des pratiques
illégales, qu’on nous condamne en justice357!» Le pouvoir
pervers suscite l’élaboration d’un cadre de domination comme
une chose objective répondant de lois, il en tire
outrancièrement parti, mais il ne le signe pas, ne l’assume pas.
C’est la loi elle-même, et non prosaïquement celle des
dirigeants, qui semble, à leur profit, brutalement se manifester.
Comme le temps qu’il fait. La concurrence, les inégalités
sociales, la violence qui frappe une majorité de gens infortunés
répondent d’une logique de la croissance universelle qui
semble s’autoriser d’elle-même.

Aux commandes de grandes sociétés juridiquement


instituées qui recouvrent des champs législatifs différents, les
chefs d’industrie investissent ce régime logique de la violence
légitime. Le sujet est clivé et son ambition se manifeste
toujours par le détour de la loi. Sitôt qu’il manifeste un désir,
fût-ce sur le mode de l’humour, par exemple pouvoir anticiper
l’évolution des cours du pétrole, sitôt se reprend-il – «non ce
ne serait pas bien, on n’a pas le droit de régler des marchés» –,
et ce, pas seulement pour s’assurer de discourir dans les
paramètres du droit, mais parce que le désir n’a d’existence
légitime que dans l’expression du droit lui-même. Ainsi, sur la
question des commissions que les tribunaux français et états-
uniens ont accusé Total d’avoir versées à des officiels iraniens
dans les années 1990, le paravent du droit suffit: «Ce que nous
avons fait n’est absolument pas illégal.» Christophe de
Margerie se reprend et précise: «Par rapport au droit français.»
En insistant strictement sur des tournures négatives, ainsi que
sur le vide de la loi permettant l’arbitraire: «ce que nous avons
fait, ce n’est pas verser des pots-de-vin»; «je ne suis pas
d’accord sur le fait de dire que ces contrats n’étaient pas des
contrats légaux». Cette loi conditionne la «manière de réagir»
aux événements, selon qu’on suive les processus judiciaires
français ou états-uniens. «La loi française, c’est la loi
française, et quand on commence à faire un amalgame en
termes de justice, entre une pseudo-morale vingt ans après, par
rapport à la loi, je pense avec beaucoup de fermeté qu’il y a un
certain danger. La loi, c’est la loi, elle est applicable à tout le
monde, y compris aux chefs d’entreprise.» Bref, la loi ne me
rend pas imputable, elle protège mon désir dans son
expression et dans son existence même, puisqu’elle ne
présente pas comme répréhensible ce que la morale
élémentaire condamne.

Le pervers est étourdissant du fait qu’il multiplie les


postures lexicales. Dans le tourbillon qu’il sème, Christophe
de Margerie, toujours sur le ton condescendant de celui qui
s’exaspère qu’on ne le comprenne pas, parle des États-Unis
sans que l’on puisse distinguer s’il est question de la
législation politique, des concurrents de Total qui y évoluent
ou de Total elle-même en tant qu’elle y mène des opérations.
Le je du PDG finit aussi par se perdre dans les aléas du
système lui-même. Pour expliquer que le prix du baril de
pétrole, en chute libre, n’entraîne à terme aucune baisse du
prix à la pompe, en raison d’une arithmétique qui échappe au
commun, il sort, cette fois en 2008, une réplique à laquelle
Franz Kafka aurait souhaité penser: «Ce sont des choses qui
s’expliquent, mais qui ne se comprennent pas.» Puis il évoque
le maigre bénéfice de 1 centime par litre que gagne une
entreprise à la pompe, en dissimulant toutefois qu’il s’agit là
de la perspective comptable du gérant de boutique, jamais de
l’entreprise en tant qu’elle fournit le carburant et prélève une
part conséquente sur l’activité des franchises. «Ça ne peut pas
être plus clair!», s’emporte-t-il – un franchisé est très mal
payé. Pourquoi Total, la multimilliardaire, le rétribue-t-elle si
mal alors? Là, le «nous» se disloque: «Parce qu’ils ne
travaillent pas tous pour nous358.» Ils sont franchisés…
comme si leur position dans la loi économique du système
n’avait pas été conçue par «nous». Cette multitude de je dans
le nous a toutes les apparences des rôles qu’affectionne de
jouer le pervers. L’important est de maintenir sauve
l’apparence que l’on est totalement étranger à l’établissement
des règles elles-mêmes.

Il devient stérile dans un tel régime de mobiliser un autre


ordre de raisonnement logique que celui violemment attesté.
Cela revient à s’exclure soi-même, le plus souvent sous le
coup d’anathèmes: idéalistes, personnalités asociales,
théoriciens du complot, nihilistes, révisionnistes, anarchistes…
Lorsque Olivier Cleret de Langavant – vice-président pour la
stratégie, le développement des affaires et la recherche et
développement chez Total – évoque les critiques qui sont
exprimées quant au mode d’exploitation des gaz de schiste – la
très controversée fracturation hydraulique –, il n’a qu’à
reléguer tout cela au rang de «fantasmes». S’il se reprend, ce
n’est pas du fait manifeste de ne pas comprendre le sens des
mots qu’il utilise, mais parce qu’il juge l’expression abusive –
«c’est désobligeant359». Cela fait de la mauvaise
communication. Total n’a pas besoin de s’abaisser à de la com
de caniveau. Les libertés traditionnelles qu’on revendiquera
pour mettre en cause ce régime – expression, association,
presse, recherche universitaire… – peuvent toujours perdurer,
de pure forme et de peu de portée.
Le propos est péremptoire: ceux qui refusent de marcher
au pas font eux-mêmes figure de perdants. Prenons la
«mondialisation» libérale. Sa logique est formidable. Quand
une économie s’effondre, toutes les autres accusent le coup,
mais il suffit que l’une d’entre elles soit relancée pour que
toutes les autres repartent. Personne ne saurait s’opposer à une
telle démonstration, même quand elle est fruste. Rien ne
saurait résister à cette métalogique, au point qu’il n’y ait même
plus d’expressions, sinon que privatives, pour désigner ceux
qui, d’aventure, s’exempteraient du régime. «C’est ça qui est
extraordinaire dans la mondialisation, ce n’est plus un
problème de capitalisme ou de non-capitalisme, il y a
effectivement toujours des différences, il y a les libéraux et les
moins libéraux, mais in fine ce n’est plus ça maintenant, nous
vivons tous dans un système commun, et donc ceux qui
veulent s’en abstraire seront forcément des perdants360»,
explique Patrick Pouyanné. Le chef d’entreprise qui parle la
langue de la «véritable logique» applaudit conséquemment
l’arrivée du nouveau président français: «Le clivage politique
que propose Emmanuel Macron est différent de l’ancien
clivage libéralisme/socialisme361». Cette question étant
prétendument réglée à la faveur de la première option, il ne
reste plus qu’à faire triompher définitivement la
mondialisation économique sur toute délibération publique.
S’il faut en politique «délivrer la performance [sic], comme on
dit dans une entreprise», il est vrai qu’il faut se montrer
patient. Les parlements ne se montrent jamais aussi efficaces
que les multinationales. «La notion d’efficacité politique n’est
pas la même que l’efficacité économique. C’est parfois plus
compliqué, parce qu’il y a des opposants, il faut en tenir
compte362…», ce dont la mondialisation économique sait faire
l’économie.

La corruption des consciences


En réalité, les puissants camouflent ce que le commun
qualifierait de forfait. Mais il est de bon ton, en droit, de
présenter la conception qu’a le commun de la justice comme
un idéal qu’on peut même moquer. Le théoricien du droit de
Harvard, Duncan Kennedy, l’exemplifie dans son pamphlet
L’enseignement du droit et la reproduction des hiérarchies: le
plus souvent, dans les écoles de droit, on forme les futurs
professionnels en les confrontant d’abord à une décision de
«justice» qui heurte le sens commun. On citera d’entrée de jeu
un cas exemplairement choquant, dans lequel une société
extractive manquant à sa parole commet un acte
manifestement délictueux, mais se trouve acquittée.
L’initiation au droit consiste alors à montrer combien «la
réaction initiale d’indignation est naïve». La morale est
simple: «Il existe de bonnes raisons pour en arriver à ce
résultat fâcheux, lorsqu’on analyse la question d’un point de
vue juridique et logique, par opposition à un point de vue
instinctif et passionné. Et si vous ne pouvez pas comprendre
ces raisons, peut-être que vous n’êtes pas fait pour la
profession d’avocat363.» En France, de manière plus
conventionnelle, le juriste Éric David ne se révélera guère
moins désespérant lorsqu’il cherche à voir les choses du bon
côté: «Au plan juridique, il faut garder à l’esprit ce qu’on
enseigne aux étudiants de droit en première année
d’université: le droit et la morale ne coïncident pas
nécessairement, mais ils sont parfois assez proches364…»

En réalité, la faculté de droit ainsi portraiturée tourne en


dérision ce qu’elle appelle indignation, naïveté, instinct et
passion, alors qu’elle se trouve pourtant confrontée là au
processus d’élaboration sociale de la loi. Pour décrire plus
dignement ces dispositions, Émile Durkheim leur attribuait
l’expression des «sentiments collectifs» qu’éprouve «la
conscience commune». Le sociologue remettait ainsi la
juridiction sur ses pieds: cette dernière devrait en principe
traduire le débat social autour des actions qui méritent d’être
interdites et châtiées. Ce sont ces sentiments collectifs qui
feront qu’un législateur rédigera une loi d’une certaine façon
et qu’un juge se montera enclin à interpréter de telle manière
tel énoncé de justice365. La législation et la juridiction d’un
État ne se trouvent pas tant à l’origine du droit qu’à son étape
de médiatisation. Appliqué à notre époque, on peut donc
inférer que le droit criminel doit son existence non seulement à
l’activité intellectuelle des législateurs, des juristes ainsi qu’à
celle des praticiens du droit, mais également aux contributions
de la technique policière, de la psychiatrie, de la médecine, de
la littérature, du cinéma, de la théologie, des médias, du débat
politique et de la discussion publique au sens large366. C’est à
travers eux que se forge une conscience publique distinguant
ce qui doit être sanctionné comme criminel et ce qui ne le doit
pas. Cela ne fait pas du droit une chose bonne ou juste par
essence. Durkheim voit plutôt dans le droit le forum d’une
délibération publique sur le sens de la loi. Dans Les règles de
la méthode sociologique, il enchaîne: «D’après le droit
athénien, Socrate était un criminel et sa condamnation n’avait
rien que de juste. Cependant, son crime, à savoir
l’indépendance de sa pensée, était utile à préparer une morale
et une foi nouvelles dont les Athéniens avaient alors besoin
parce que les traditions dont ils avaient vécu jusqu’alors
n’étaient plus en harmonie avec leurs conditions
d’existence367.» Durkheim fait ainsi état d’un rapport
dialectique entre droit et politique. Alors que l’état du droit
peut accuser un décalage sur celui de la conscience publique,
comme l’exemplifie le cas de Socrate, on attend pourtant de la
loi qu’elle soit à l’avant-garde de la morale publique en
persuadant le plus grand nombre de la justesse d’un état de
conscience faisant progressivement autorité. Dans ses termes,
le droit pénal «protège» les sentiments collectifs eu égard à ce
qui est criminel ou non, quand il ne contribue pas à faire
«pénétrer dans les consciences qui leur étaient jusqu’alors
fermées» les préceptes de l’époque, pour qu’ils prennent «plus
d’empire là où ils n’en avaient pas assez368».
Manier le droit confère aux entreprises multinationales un
pouvoir redoutable, qui échappe largement aux seules
considérations formelles du droit. C’est accéder au langage qui
amène la conscience publique à distinguer ce qui est de l’ordre
de l’acceptable de ce qui se révèle répréhensible. «La société
oblige directement l’individu à se conduire ou à penser d’une
façon déterminée et c’est cela qui rend incontestable le
caractère social de toutes les règles obligatoires, dans le
domaine de la religion, du droit et de la morale369.»
Maintenant, la société au sens de l’entreprise privée parvient à
se confondre avec son homonyme désignant la collectivité
civique.
Le droit cesse alors de relever d’une autorité, résultant de
pratiques morales qui se seraient sédimentées au fil du temps
dans une codification substantielle que leur auraient donnée
des pratiques sociales, législatives, juridictionnelles et
jurisprudentielles. Il exerce désormais son empire sur les
esprits sous la forme que lui confèrent des groupes d’intérêts
qui parviennent à le modeler. Les multinationales mettent
suffisamment les législateurs sous pression, par la voix de
leurs lobbyistes et le phénomène des «portes tournantes»
autant que par les contingences économiques qu’elles
orchestrent en grande partie, pour obtenir une rédaction de la
loi compatible avec leurs intérêts particuliers, de façon à faire
passer pour «légales», avec tout ce qu’infère cette
qualification, un grand nombre d’actions que la morale
élémentaire, pourtant, réprouve. Il choque l’entendement
qu’une firme privée puisse faire travailler des populations de
force en Asie, ou encore contourner des principes
constitutionnels dans un pays d’Amérique du Sud, et rester
sans condamnation.
Les entreprises multinationales semblent réaliser dans les
termes mêmes de la loi et en conformité avec le droit ce qui
relève souvent de méfaits, voire d’abominations pour le
commun. C’est, tous les jours, le crime parfait. À tel point que,
progressivement, les poncifs développés sur un mode
métalogique à longueur d’année finissent par rivaliser avec les
considérations morales élémentaires. On les met dans la
balance pour qu’ait lieu le débat, entre convictions morales et
réalités économiques. Au titre de la pensée publique, la
métarationalité du pouvoir pervers s’offre de plus en plus
largement en partage. Les actionnaires de Total, entendus dans
différentes circonstances, épuisent le répertoire des locutions
légalistes pour justifier les agissements de la firme, par
exemple quant aux accusations de complicité d’abus dont elle
fait l’objet au Myanmar ou ailleurs:
«Je n’étais pas trop au courant. Je ne savais même pas que Total était en
Birmanie. […] Il ne faut pas mélanger politique et affaires économiques.»
«Je m’en fous complètement. […] C’est vous qui dites qu’il y a un génocide,
mais il y a malheureusement des génocides dans d’autres pays.»
«Si ce n’est pas Total, ce sera une autre société, américaine ou autre, donc si
Total fait des actions humanitaires, apolitiques en Birmanie, comme il [un
représentant de la direction] l’a dit, je n’ai rien à leur reprocher. […] Je suis
sûr que c’est ça, parce qu’ils [l’équipe de direction] sont sincères.»

«Pourquoi [se faire poser une question sur la Birmanie]370?»


«Moi, le problème de la pollution, je pense qu’ils prennent toutes les mesures
qu’ils peuvent. Ils ne consomment pas le pétrole, puisqu’on parle de Total. Ils
vont le chercher et après ils le revendent371.»

Il suffit d’un léger glissement pour que la volonté de


puissance des représentants de Total se révèle aussi démesurée
que régressive, si on se fie à Tom Van de Cruys, responsable
d’une filiale de Total: «Appartenir à ce groupe nous donne une
force énorme. Il n’y a pas de limites à nos rêves. C’est comme
dans Star Wars: la force est avec nous, mais il faut
l’utiliser372.»
De quoi conclure, en reprenant les mots de Dany-Robert
Dufour: «La perversion constitue le dernier rempart avant la
psychose. Problème: c’est un rempart fragile. Et, de fait, on
observe souvent, lorsque les mises en scène du pervers
tournent court, le surgissement de francs délires373.» Comme,
pour une société pétrolière, se baptiser «Total» et pour son
PDG, se comporter en chef d’empire.
VUE SYNOPTIQUE
Généalogie

1914
Création de la Turkish Petroleum Company (TPC), regroupant
l’Anglo-Persian Oil Company, la Deutsche Bank et la Royal
Dutch Shell.
1919
Création de la Société maritime des pétroles pour
l’approvisionnement de la France en provenance surtout de la
Standard Oil des États-Unis.
1920
En marge de la conférence de San Remo, portant sur le partage
des territoires de l’ex-Empire ottoman, la France hérite des
parts allemandes de la Deutsche Bank dans la TPC.
1924
Fondation de la Compagnie française des pétroles (CFP) par
Raymond Poincaré, président du Conseil de la IIIe République.
Il place Ernest Mercier à sa tête pour assurer la présence
française au sein de la TPC.
35% État français
65% Banques privées et groupes pétroliers (Royal Dutch
Shell, Anglo-Persian, Standard Oil…)

1928
L’accord de la Ligne rouge permet à la CFP de participer à
tout projet d’exploitation entrepris par une société membre de
l’IPC et l’accord d’Achnacarry de profiter des modalités de
commercialisation de biens pétroliers qu’établissent entre elles
les principales sociétés.
1929

La CFP est introduite en Bourse.


La TPC devient l’Iraq Petroleum Company (IPC), une
coopération, officiellement à but non lucratif, des grandes
compagnies pétrolières.

23,75% CFP (future Total)


23,75% Anglo-Persian (future BP)
23,75% Royal Dutch Shell
23,75% Standard Oil et Nedec (E.-U., futures
ExxonMobil et Esso)

Création de la CFR (Compagnie française de raffinage).

1931
Création de la Compagnie navale des pétroles et de la Société
des prospections géophysiques.

1934

L’oléoduc transportant le pétrole brut de Kirkouk, dans le nord


de l’Irak, vers l’Europe passe par Tripoli (sous contrôle
français).
1936
Participation de la CFP dans la Qatar Petroleum Company
(QPC) selon la même répartition que dans l’IPC.
1948

Autorisation pour la CFP de construire un nouvel oléoduc


(acheminant le pétrole iranien vers Banias, en Syrie).

1954
La CFP obtient 6% des parts d’un consortium d’exploitation
pétrolière en Iran, l’Iranian Oil Participants (IOP), chargée de
l’exploitation et de la production d’hydrocarbures pour
l’Iranian Oil Company. La CFP distribue le pétrole qu’elle
raffine sous la marque Total.

1958
Retour de Charles de Gaulle au pouvoir et constitution de la
Ve République. Le nouveau régime privilégie des opérations
d’exploitation pétrolière en Afrique menées par des entités
contrôlées majoritairement par l’État.
1959

Co-exploitation de l’Erg oriental (basses terres sahariennes du


nord-est de l’Algérie).

35% CFP
50% Standard Oil du New Jersey
15% Pétropar (Paraguay)

1961
Découverte des premiers gisements offshore au Gabon.

1963
La CFP investit dans différents secteurs relatifs à l’énergie en
Afrique du Sud, malgré des campagnes de dénonciation et des
mesures internationales contre le régime de l’Apartheid.

1965

Fusion de la CFP avec Desmarais frères (société fondée en


1861, spécialisée dans les huiles végétales puis dans le
domaine pétrolier et premier investisseur de la CFP à sa
création).
Fondation de l’Erap (Entreprise de recherches et d’activités
pétrolières) qui regroupe les différents organes français liés au
pétrole:
RAP: Régie autonome des pétroles, fondée en 1939;
SNPA: Société nationale des pétroles d’Aquitaine, fondée
en 1941;
BRP: Bureau de recherche du pétrole, fondé par de
Gaulle en 1945;
UGP: Union générale des pétroles, fondée par de Gaulle
en 1958, qui englobe la SN Repal (Société nationale de
recherches et d’exploitation du pétrole en Algérie).
1967

La marque Elf est créée au sein de l’Erap, qui se surnomme


Elf-Erap jusqu’en 1976.
1971

L’État algérien se réserve 51% des parts de toute structure


pétrolière.

Elf-Erap s’oriente vers la zone sub-saharienne (Cameroun,


Guinée équatoriale, Congo-Brazzaville, Gabon, Angola et
Nigeria, notamment dans le cadre d’une politique
d’exploitation de ses anciennes colonies connue sous le nom
de la Françafrique).

1973

Total-Compagnie minière et nucléaire, filiale de la CFP,


acquiert 10% des parts d’exploitation de la plus grande mine
d’uranium au monde, celle de Rössing, en Namibie.

1974
Travaux de la Commission d’enquête parlementaire (Julien
Schvartz, rapporteur) sur le contrôle des cours pétroliers en
France par les grandes sociétés.
1976

La signature d’un accord avec Photon-Power positionne la


CFP dans le secteur de l’énergie solaire.
Elf-Erap devient la Société nationale Elf Aquitaine (SNEA),
des suites de sa fusion avec la Société nationale des pétroles
d’Aquitaine (SNPA)
1985

La CFP devient Total-CFP.

1991

Total-CFP devient Total.

1993
Une part importante des actions de la CFP et d’Elf Aquitaine,
détenues par l’État, est revendue à des investisseurs privés à
l’initiative du gouvernement d’Edouard Balladur.
1998
L’État se départit de ses toutes dernières actions dans Elf et
Total.

1999

Total rachète la société PetroFina (Compagnie financière belge


des pétroles, fondée en 1920) et devient TotalFina.

2000

TotalFina rachète la société Elf Aquitaine, privatisée, et


devient TotalFina Elf.
2003

TotalFina Elf est rebaptisée Total SA.

2011

Acquisition de 60% de la société américaine SunPower, un


leader de l’énergie solaire.

2017

Total SA acquiert la danoise Maersk Oil pour 7,45 milliards de


dollars.
Total SA détient une participation dans 934 sociétés
consolidées dans plus de 130 pays.
Bibliographie

Monographies sur Total


(la Compagnie française des pétroles, Elf, PetroFina, SN-Repal, etc.)

Muriel Bselli, L’énigme Margerie. Enquête sur la vie et la mort du magnat du


pétrole français, Paris, Robert Laffont, 2016.
Jean-Marie Bouguen, Le pétrole en France. Genèse et stratégie d’influence (1917-
1924), Paris, L’Harmattan, coll. «Questions contemporaines», 2013.
Emmanuel Catta, Victor de Metz. De la CFP au Groupe Total, Paris, Total Éditions
Presse, 1990.
Francis Christophe, Total. Entre marée noire et blanchiment, Villeurbanne, Golias,
2000.
Alain Clements, avec Francis Christophe et Michel Sitbon, Birmanie TOTALitaire,
Paris, L’Esprit frappeur, 1994 [1992].
Jean-Philippe Demont-Pierot, Total(e) impunité. Les dessous d’une multinationale
au-dessus de tout soupçon, Paris, Rés Publica Éditions – MultimedPublishing
SAS/Jacques-Marie Laffont éditeur, 2010.
Alain Deneault, De quoi Total est-elle la somme?, Multinationales et perversion du
droit, Paris/Montréal, Rue de l’échiquier/Écosociété, 2017.
Edgar Faure, Le Pétrole dans la paix et dans la guerre, Paris, Éditions de la
Nouvelle Revue critique, 1939.

Gilles Gaetner et Jean-Marie Pontaut, L’homme qui en sait trop. Alfred Sirven et les
milliards de l’affaire Elf, Paris, Grasset, 2000.
Jannette Giné, avec Fruc Villarroel, TOTAL E & P Bolivie y sus Impactos en los
Derechos Humanos del Pueblo Guaraní de la Capitanía de Muyupampa,
Centro de Estudios Aplicados a los Derechos Económicos, Sociales y
Culturales (CEADESC), avec la participation d’OXFAM America, juillet
2011.
Jean-François Grelier, La catastrophe d’AZF: Total coupable. Un sinistré «sans
fenêtre» raconte, Pantin (France), Les Bons Caractères, coll. «Témoignages»,
2015.
Ludovic Hennebel, L’Affaire Total-Unocal en Birmanie jugée en Europe et aux
États-Unis, Cellule de recherche interdisciplinaire en droits de l’homme,
Faculté de droit, Université catholique de Louvain, «Working Paper 2006/09»,
2006.
Eva Joly, Notre affaire à tous, Paris, Les Arènes, 2000.
Eva Joly, Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre?, Paris, Les Arènes,
2003.
Eva Joly, La force qui nous manque. Un témoignage vécu, mêlant le récit intime,
les anecdotes et les réflexions sur la corruption, Paris, Les Arènes, 2007.
Loïk Le Floch-Prigent, entretien avec Éric Decouty, Affaire Elf, affaire d’État,
Paris, Gallimard, coll. «Folio Documents», 2002 [Paris, Le cherche midi,
2001].
François Lille, Pourquoi l’Erika a coulé. Les paradis de complaisance, Paris,
L’Esprit frappeur, 2000.
Sophie Passebois, «Total: le carburant de l’Apartheid», dossier Apartheid Non,
no 64, novembre 1986.
Olivier Petitjean, Total, Le véritable bilan annuel, Observatoire des multinationales
et Les Amis de la Terre France, mai 2015.
Thomas Porcher, L’indécence précède l’essence. Enquête sur un Total scandale,
Paris, Max Milo, coll. «Essais-Documents», 2012.
François Roche, TotalFinaElf. Une major française, Paris, Le cherche midi, 2003.
Philippe Simonnot, Le complot pétrolier. Du rapport Schvartz à la
dénationalisation d’Elf, Paris, Alain Moreau, 1976.
Emmanuel Terré (direction administrative d’Elf Aquitaine), Thierry Fresne
(direction de la communication), Alain Beltran et Sophie Chauveau
(recherches historiques avec l’aide des services d’archives des sociétés du
groupe Elf Aquitaine), Elf Aquitaine. Des origines à 1989, Paris, Fayard,
1998.
Gilbert de Terssac et Irène Gaillard (dir.), La catastrophe AZF. L’apport des
sciences humaines et sociales, Paris, Lavoisier, 2008.
François-Xavier Verschave, Noir Silence. Qui arrêtera la Françafrique?, Paris, Les
Arènes, 2000.
Collectif, Total: Une stratégie climat en trompe-l’œil, rapport, 350.org et
Observatoire des multinationales, 2017.

Documentaires sur Total


Patrick Benquet, avec Antoine Glaser, Françafrique, La Raison d’État, 1ère partie,
Compagnie des Phares et Balises en coproduction avec l’Institut national de
l’audiovisuel (INA), France, 2011.
Christophe Bouquet, avec Vanessa Ratignier, Christophe Nick et de Pierre Péan,
Mafia et République, Y Ami 2 et Arte France, 2016 [diffusion sur Arte en
février 2017].
Denis Boutelier, Tony Casabianca, Jean-Yves Charpin, Nathalie Martin et Yves
Tournoux, Les milliards de Elf, télévision M6, émission Capital, 2001.
Grégory Lassalle, Terres de schiste, Association Contrôle-Z et Les Amis de la
Terre, France, 2014.

Jean-Karl Lambert, Muriel Boselli, Guillaume Beaufils et Xavier Puypéroux, De


Margerie: L’énigme Total, émission Envoyé spécial, France 2, 27 avril 2017.
Jean-Michel Meurice, Laurence Dequay et Fabrizio Calvi, Elf, L’Afrique sous
influence, documentaire, NK2 Diffusion, 2000.

Pièce de théâtre et roman sur Total


Nicolas Lambert, Elf, la pompe Afrique. Lecture d’un procès, Bruxelles, Tribord,
2005.
Jean-Pierre Vandale, L’Affaire totale, Éditions Écrire, 2001.

Monographies sur le pétrole


Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Françalgérie, Crimes et mensonges
d’État. Histoire secrète de la Guerre d’indépendance à la «troisième guerre»
d’Algérie, Paris, La Découverte, coll. «Poche», 2005 [2004].
Matthieu Auzanneau, Or noir. La grande histoire du pétrole, Paris, La Découverte,
2016 [2015].
Ugo Bardi, Le Grand Pillage. Comment nous épuisons les ressources de la planète,
Paris, Les petits matins, 2015.
Gavin Bridge et Philippe Le Billon, Oil, Massachusetts, Polity Press, 2013.
David Dufresne, Nancy Huston, Naomi Klein, Melina Laboucan-Massimo et Rudy
Wiebe, Brut. La ruée vers l’or noir, Montréal, Lux, 2015.
René Gallissot (dir.), Les Accords d’Évian. En conjoncture et en longue durée,
Paris, Karthala et l’Institut Maghreb-Europe, 1997.
Xavier Harel, Afrique, Pillage à huis clos. Comment une poignée d’initiés siphonne
le pétrole africain, Paris, Fayard, 2006.
Éric Laurent, La face cachée du pétrole, Paris, Plon, 2006.
Hocine Malti, Histoire secrète du pétrole algérien, Paris, La Découverte, 2012.
Timothy Mitchell, Carbon Democracy. Le pouvoir politique à l’ère du pétrole,
Paris, La Découverte, 2013 [2011].
Xavier Montanyà, L’Or noir du Nigeria, Marseille, Agone, coédité avec
l’association Survie, 2012 [2011].
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sale détruit la planète, Montréal, Écosociété, 2010.
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monde qu’elles ont créé, Montréal, Québec/Amérique, 1976.
Nicolas Sarkis, Le pétrole et les économies arabes, Paris, Librairie générale de droit
et de jurisprudence, 1963.
Julien Schvartz, Sur les sociétés pétrolières opérant en France. Rapport de la
commission d’enquête parlementaire
Notes

1. «Filiales de la Société», Document de référence 2016, Total, 16 mars 2017, p. 49.

2. Olivier Petitjean, «Le Conseil constitutionnel censure partiellement la loi sur le


devoir de vigilance des multinationales», Observatoire des multinationales,
24 mars 2017.

3. Joseph Oscar Gnagbo, «Total Maroc: 90 ans et ça carbure encore!», Les Éco,
8 mai 2017.

4. «Répartition de l’actionnariat par zone géographique»: France: 27,7%, Amérique


du Nord: 36%, Reste de l’Europe: 12,2%, Royaume-Uni: 12,2%, Reste du
monde: 8,1%», Document de référence 2016, Total, op. cit., p. 4.

5. «Structure de l’actionnariat, par catégorie d’actionnaires: Salariés du Groupe:


4,9%, Actionnaires individuels: 7,9%, Actionnaires institutionnels: 87,2%,
dont: 16,2% en France, 12,2% au Royaume-Uni, 15,5% pour le reste de
l’Europe, 35,4% pour l’Amérique du Nord, 7,9% pour le reste du monde»,
Total.com, estimation au 31 décembre 2016.

6. «Évolution de la répartition des principaux actionnaires», Total.com,


31 décembre 2016; et Denis Cosnard, «Ces dix ans qui ont chamboulé les
entreprises françaises», Le Monde, 28 février 2017.

7. Données tirées de la banque de données Lexis Nexis World Compliance, 2016.

8. Exactement 2 500 706 749, cf. Tradingset.com, 4 août 2017.

9. «Les firmes du CAC 40 vont verser 46 milliards de dividendes», AFP/Le Point,


4 avril 2017.

10. «Le raffinage français est-il condamné?», Énergies & environnement, 9 mars
2015.

11. «Total en Arabie saoudite», Total.com, août 2016; et Ludovic Dupin, «Jubail:
les dix chiffres vertigineux de l’une des plus grandes raffineries du monde»,
26 mars 2014.

12. Anne Feitz, «Pétrochimie: Total mise sur le gaz de schiste américain», Les
Échos, 28 mars 2017.

13. Thomas Longué, «Le centre de mesures physiques des roches de Total inauguré
à Artigueloutan», Sud Ouest, 24 mars 2017.

14. «Le raffinage français est-il condamné?», op. cit.

15. «Plate-forme Total au Havre: un plan social en préparation», Normandie.fr,


26 octobre 2016; et «Normandie: un nouvel élan pour notre plus grande
plateforme française», Total.com, document non daté, page consultée le
10 décembre 2016.

16. «Total inaugure sa nouvelle plateforme pétrochimique de Carling»,


communiqué de presse, Total, 12 mai 2017.

17. «Total en France», Total.com, page consultée le 16 mai 2017; et Olivier


Dufourg, «Total: “D’une mission industrielle à une mission de services”», La
Voix du Nord, 23 mai 2017.

18. Aurélie Barbaux, «Pourquoi Total a investi 1,1 milliard d’euros dans sa
raffinerie d’Anvers», L’Usine nouvelle, 1er décembre 2017.

19. «Total va rapatrier neuf filiales situées dans des paradis fiscaux», AFP/Le
Monde, 4 mars 2015.

20. Jean-Michel Bezat, «Le groupe “va sortir des paradis fiscaux”», Le Monde,
31 janvier 2015.

21. «“Paradise Papers”: Total aux Bermudes, ou les bénéfices de l’offshore»,


Cellule Investigation Radio France, France Info, 7 novembre 2011; et Frank
Viart, «“Paradise Papers”: le PDG de Total répond aux accusations», Le
Progrès, 8 novembre 2017.

22. Manon Aubry (Oxfam), Vincent Drezet (Solidaires), Laetitia Liebert (Sherpa),
Mathieu Lopes (Survie), Grégoire Niaudet (Secours catholique) et Lucie
Watrinet (CCFD-Terre Solidaire), «Total ferme 9 filiales dans les paradis
fiscaux: il en reste 169!», Mediapart, 7 mars 2015. Aussi: Olivier Petitjean,
«Pays-Bas – Transparence fiscale: les filiales “oubliées” de Total»,
Observatoire des multinationales, 1er juin 2015; et Olivier Petitjean, «Paradis
fiscaux: les limites de l’opération transparence de Total», Basta!, 10 mars 2015.

23. Ibid.

24. Mélanie Riber, «Total, La ruée vers l’Est», Billets d’Afrique, Association
Survie, février 2017, n° 265, p. 9.
25. Yann Philippin, «“Malta Files”: l’île aux trésors fiscaux qui prive l’Europe de
milliards d’euros», Mediapart, 19 mai 2017; et «“Malta Files”: Des
multinationales dont Bouygues, Total et Ikea épinglées pour évasion fiscale à
Malte», Huffington Post, 19 mai 2017.

26. Anne Michel, «Une avancée dans la lutte contre l’évasion fiscale des
multinationales», Le Monde, 7 juin 2017; «L’évasion fiscale des multinationales
a encore de beaux jours devant elle», Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires,
5 octobre 2015; et «Le plan d’action BEPS de l’OCDE va-t-il permettre de
mieux lutter contre les pratiques d’évasion fiscale des entreprises
multinationales?», Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires, 5 octobre 2015.

27. Christophe Châtelot, «Total en Angola, Areva au Niger: plus de 100 millions de
dollars évaporés», Le Monde, 13 avril 2017.

28. Hélène Gully, «À quoi va servir l’Agence française anti-corruption?», Les


Échos, 23 mars 2017.

29. «Total a payé $200 mlns pour régler un dossier fiscal en Angola», Reuters,
reproduit dans Les Échos, 27 octobre 2017.

30. «Total ouvre la voie à de nouveaux projets en Angola», communiqué de presse,


Total, 4 décembre 2017.

31. Olivier de Souza, «La vision et les activités du groupe Total au centre des
échanges à la Primature», Agence congolaise de presse, République
démocratique du Congo, 2 décembre 2017; «Total intéressé par le gisement
irakien de Majnoun», Reuters, reproduit dans Les Échos, 13 novembre 2017; et
«Total envisage d’exporter le pétrole kényan via l’oléoduc ougando-tanzanien»,
Ecofin, 29 août 2017.

32. «Grèce: Un consortium mené par Total signe un contrat d’exploration»,


Reuters, 31 octobre 2017; Olivier de Souza, «Total signe une importante
offensive sur les hydrocarbures namibiens et sud-africains», Agence Ecofin,
25 octobre 2017; «Total: Contrat d’exploration en Guinée», Le Cercle
Finance.com, 9 octobre 2017; «Total et Chevron s’allient pour explorer le golfe
du Mexique», Reuters, repris dans L’Usine nouvelle, 22 septembre 2017;
Vincent Collen, «Pétrole: Total va continuer ses recherches au large de la
Guyane», Les Échos, 21 septembre 2017; «Sénégal: Total signe des accords
pour explorer le potentiel du pays en offshore profond», 2 mai 2017; Muriel
Devey Malu-Malu «Congo-Brazza: Total démarre l’exploitation de pétrole
offshore à Moho Nord», Le Point, 15 mars 2017; «Qatar: Total obtient une
participation de 30% dans la concession du champ géant d’Al-Shaheen pour
une durée de 25 ans», communiqué de presse, Total, 27 juin 2016. Aussi:
Document de référence 2016, Total, op. cit., p. 17-23; et «Offshore profond: le
pétrole et gaz dans les grands fonds», dossier, Total, 28 octobre 2015.
33. «Total au Canada», Total.com, 2016; et Geneviève Normand, «Total démarre la
phase 2 du projet pétrolier Surmont», ICI Radio-Canada, 1er septembre 2015.

34. «Total acquiert Maersk Oil pour 7,45 milliards de dollars dans le cadre d’une
transaction en actions et en dette», communiqué de presse, Total, 21 août 2018;
et Isabelle Chaboud, «Total achète Maersk Oil: décryptage d’une acquisition à
6,3 milliards d’euros», La Tribune, 29 août 2017.

35. «Une alchimie faite d’excellence opérationnelle et de flexibilité», dans


«Transformer et valoriser», Total.com, page consultée le 11 juillet 2017.

36. «Total pourrait investir 2 milliards de dollars dans la pétrochimie en Iran»,


Reuters.com, 4 juillet 2017; «Daesan: Total à l’heure du marché asiatique»,
Total.fr, 3 juillet 2017; et Robert Brelsford, «Hanwha Total to expand Daesan
integrated complex», Oil & Gas Journal, 12 avril 2017.

37. «Total propose la nomination de Carlos Tavares (PSA) comme administrateur»,


Zone Bourse.com, 16 mars 2017.

38. Dmitry Zhdannikov, «Total devance Shell en mer du Nord, la concurrence reste
vive», Reuters, 22 août 2017. Aussi: «Le fonds norvégien va-t-il se désengager
de Total?», Le Figaro, 17 novembre 2017; et Stéphane Lauer, «Divorce définitif
entre les héritiers Rockefeller et l’industrie pétrolière», Le Monde, 24 mars
2016.

39. «Total et Enertherm signent un accord pour la fourniture d’un combustible


liquide bio», Défense-92.fr, 24 mai 2017; Ludovic Dupin, «Le jour où le patron
de Total a été applaudi par le Syndicat des énergies renouvelables», L’Usine
nouvelle, 2 février 2017.

40. «Le gaz naturel, au cœur de la stratégie de Total», communiqué de presse, Total,
4 avril 2017.

41. «Total acquiert le business amont GNL d’Engie et devient le N° 2 mondial du


gaz naturel liquéfié», communiqué de presse, Total, 8 novembre 2017.

42. Christophe Le Bec, «Interview – Patrick Pouyanné: “Le leader du pétrole en


Afrique, c’est Total”, Jeune Afrique, 12 septembre 2016.

43. Mohamed Amine Hafidi, «Les ambitions marocaines de Total dans le gaz
naturel liquéfié», Le Matin, 11 juin 2017; et Nicolas Villiers, «Total revoit à la
hausse ses ambitions dans le GNL au Maroc et en Afrique du sud», Le Gaz.fr,
20 juin 2017.

44. Béatrice Héraud, «BP, Exxon, Shell et Total jugent la taxe carbone favorable à
leur business», Novethic, 21 juin 2017; Béatrice Héraud, «La lutte contre le
changement climatique, une question de survie pour les entreprises», Novethic,
2 juin 2017; «Améliorer l’intensité carbone de notre mix de production actuel»,
Total.com, page consultée le 8 juillet 2017; et Ludovic Dupin, «Le jour où le
patron de Total a été applaudi par le Syndicat des énergies renouvelables», op.
cit.

45. Alexandre Shields, «Le gaz naturel ne serait pas une énergie de transition
viable», Le Devoir, 6 septembre 2017.

46. Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste au Québec, Les enjeux
liés à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans le shale d’Utica des
basses-terres du Saint-Laurent, mémoire présenté dans le cadre des travaux du
Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, Gouvernement du Québec,
3 juin 2014. Total entend rassurer le commun sur sa méthode, dans un
document officiel qui tend néanmoins à nous en confirmer le caractère
hasardeux, cf.: «Notre responsabilité: limiter l’impact de nos activités
industrielles», Total.com, page consultée le 16 mai 2017.

47. «Au Danemark», Total.com, mars 2017; «Au Royaume-Uni», Total.com, mars
2017; «En Australie», Total.com, mars 2017; et «Gaz de schiste: Total ne
“passera pas en force” à Montélimar», Le Parisien, 19 janvier 2016.

48. Bertrand Dampierre, «Total va développer la production de gaz de schiste en


Argentine», Société.fr, 19 juillet 2017; Jean-Luc Bourbon, «Total parie sur le
gaz de schiste américain», La Croix, 28 mars 2017; Rabah Reghis, «Total
revient en force en Algérie et renoue avec la fracturation hydraulique», Le
Matin d’Algérie, 2 mai 2017; Éric Serres, «Climat. Total fait encore le plein de
contradictions», L’Humanité, 15 juin 2017; et Anne Feitz, «Gaz de schiste:
malgré les déboires passés, Total réinvestit», Les Échos, 10 septembre 2016.

49. «Total carbure au Glenlivet», Agence Option Finance (AOF), Bourse Direct,
30 août 2017; «ExxonMobil et Total discutent d’une exploration gazière en
Grèce», Reuters/Les Échos, 19 mai 2017; et «Total va signer un permis
d’exploration gazière en Grèce-source», Reuters/Les Échos, 16 mars 2017.

50. Benjamin Mallet, «Total fait son grand retour en Iran avec le contrat South
Pars», Reuters France, 3 juillet 2017; Antoine Peillon, «L’Iran et le groupe Total
signent un accord stratégique», La Croix, 3 juillet 2017; L’Essentiel 2017, Total,
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belge Hytchers veut devenir le BlaBlaCar du colis», La Libre Belgique, 2 juin
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équipés de capteurs d’ici 2019”», Journal du net.com, 22 mai 2017; Delphine
Cuny, «Le français Lyf Pay peut-il sérieusement rivaliser avec Apple Pay et
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le géant Total paralysé par un mouvement social», RFI, 14 juillet 2017;
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Nord, 29 mai 2017; Sophie Carbonnel, «Comment Total et ses 2 700 salariés à
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Grève reconduite à la raffinerie de Feyzin», Reuters/Le Figaro, 18 mai 2017;
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«Total sabre ses coûts dans l’offshore», L’Usine nouvelle, 11 janvier 2017; et
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101. «“Je ne suis pas satisfait du cours de Bourse actuel de Total!” selon le PDG de
Total Patrick Pouyanné», op. cit.

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ne pas avoir déclaré ses liens d’intérêts», Mediapart, 6 juillet 2017; Stéphane
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150 000 euros par an par Total en 2013 et 2014», Le Monde, 12 juin 2017;
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et «La guerre au Mali pour le pétrole», MaliActu.net, 29 janvier 2016. Aussi:
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192. Muriel Boselli, «Accident ou attentat? J’ai enquêté sur la vie et la mort de
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193. «Poutine rencontre pour la première fois le nouveau PDG de Total», AFP,
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Lattier, «François Loncle: “La Françafrique c’est terminé”», France Inter.fr,
31 octobre 2014; Laurent Fabius, émission L’invité, TV5, 15 octobre 2012;
«François Hollande à Dakar: “Le temps de la Françafrique, c’est fini”», Sud
Ouest, 13 octobre 2012; «Alain Juppé, la Françafrique et les futures élections
africaines», Huffington Post.fr, 29 septembre 2011; «La Françafrique version
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l’a promis, la Françafrique, c’est fini», Libération, 1er juin 2001.

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Françafrique. Le Monde recycle les arguments de Me Vergès», Acrimed.org,
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205. Philippe Bernard, «Jean-Marie Bockel: “Je veux signer l’acte de décès de la
Françafrique”», Le Monde, 16 janvier 2008; et Christophe Boisbouvier,
Hollande l’Africain, op. cit., p. 109.

206. Ibid., p. 263; cf. aussi le site AfricaFrance, <www.africafrance.org>.

207207. On retrouve comme émissaires, sous Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, le


secrétaire général de l’Élysée puis ministre de l’Intérieur, Robert Bourgi,
l’avocat se disant l’héritier de Jacques Foccart, ou encore Patrick Balkany,
député-maire de Levallois et titulaire d’un passeport diplomatique lui
permettant de représenter le président auprès de maints de ses homologues en
Afrique (Christophe Boisbouvier, Hollande l’Africain, op. cit., p. 110 et 135).
Nicolas Sarkozy passe aussi pour l’héritier des influents réseaux déployés par
Charles Pasqua dans le dernier tiers du XXe siècle (cf. Samuel Foutoyet, «Dans
le sillage de Charles Pasqua», in Nicolas Sarkozy ou la Françafrique
décomplexée, Bruxelles, Tribord, 2009, p. 34).

208. Hélène Le Gal, responsable des affaires africaines, retrouve à l’Élysée l’ex-
responsable des dossiers africains au Parti socialiste, Thomas Mélonio. Au
gouvernement, l’écologiste Pascal Canfin est délégué au Développement. Tous
trois sont considérés comme progressistes, mais ils doivent composer avec le
ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, tout à fait versé dans
l’approche militaire (Odile Tobner, «D’Épervier à Barkhane et de Fabius à
Fabius», Billets d’Afrique, association Survie, 12 mars 2015) ainsi que dans les
logiques commerciales des entreprises françaises, et de Jean-Yves Le Drian,
ministre de la Défense, aussi réputé conservateur. Hollande accepte également
de reconduire Benoît Puga dans ses fonctions de chef d’état-major, bien qu’il
eût été nommé auparavant par Sarkozy. «C’est donc une équipe “africaine”
composite, presque de bric et de broc, que Hollande forme autour de lui à son
arrivée à l’Élysée», à son image, conclut Christophe Boisbouvier (Hollande
l’Africain, op. cit., p. 157). L’auteur établit en outre la longue liste des leaders
politiques controversés que le président Hollande a régulièrement fréquentés
depuis la décennie 2000, laquelle compte le président du Niger, Mahamadou
Issoufou, son homologue du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, ainsi que celui de la
Guinée-Conakry, Alpha Condé (ibid., p. 300).

209. Massène Diop, «Cheikh Oumar Sy, député: “L’arrivée de Total est une
nouvelle colonisation économique”», Leral.net, 3 mai 2017; et «Révélations de
La Lettre du Continent: Comment Total a liquidé Thierno Alassane Sall»,
Senbusinet, 19 mai 2017.

210. «Sénégal: Total signe des accords pour explorer le potentiel du pays en
offshore profond», communiqué de presse, Total, 2 mai 2017.

211. Elisabeth Studer, «BP mise à fond sur le potentiel gazier du Sénégal et de la
Mauritanie», Leblogfinance.com, 20 décembre 2016.

212. «Rufisque: comment Total a fait limoger le ministre de l’Énergie», Africa


Energy Intelligence, 16 mai 2017.

213. «Après le limogeage de Thierno Alassane Sall Total signe deux contrats avec
le Sénégal», AFP/Senemedia.com, 12 juillet 2017.
214. «Quand la Guinée équatoriale, pays riche et pétrolier, n’a plus d’essence»,
AFP/Le Monde, 4 avril 2017.

215. «Total devient le plus grand distributeur de produits pétroliers en Afrique de


l’Est», Agence Ecofin, 30 mars 2017; et Christophe Le Bec, «Interview –
Patrick Pouyanné: “Le leader du pétrole en Afrique, c’est Total”, op. cit.

216. Xavier Montanyà, L’Or noir du Nigeria, Marseille, Agone, coédité avec
l’association Survie, 2012 [2011].

217. Yitzhak Koula, Pétrole et violences au Congo-Brazzaville. Les suites de


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218. François-Xavier Verschave, La Françafrique. Le plus long scandale de la


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la Françafrique?, Paris, Les Arènes, 2000.

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et les milliards de l’affaire Elf, Paris, Grasset, 2000.

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séduisent la Caisse de dépôt», Le Devoir, 25 mai 2017.

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Dossier «Notre engagement sociétal. Stratégie, méthodologie et témoignages»,
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Total, n° 5, Total, décembre 2013, et «Médiateur auprès des communautés: la
clé de voûte du dialogue local», Total.com, page consultée le 13 juillet 2017.

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«L’histoire de la marque», Total.com, pages consultées le 6 février 2015.

266. Emmanuel Catta, Victor de Metz, op. cit., p. 178.

267. Ibid., p. 169.

268. André Nouschi, La France et le pétrole, op. cit., p. 157.


269. Emmanuel Catta, Victor de Metz, op. cit., p. 177-178 et 257.

270. André Nouschi, La France et le pétrole, op. cit., p. 159.

271. Emmanuel Catta, Victor de Metz, op. cit., p. 179.

272. André Nouschi, La France et le pétrole, op. cit., p. 159.

273. Emmanuel Catta, Victor de Metz, op. cit., p. 177.

274. Timothy Mitchell, Carbon Democracy, op. cit., p. 148.

275. Emmanuel Catta, Victor de Metz, op. cit., p. 269.

276. Timothy Mitchell, Carbon Democracy, op. cit., p. 83.

277. François Roche, TotalFinaElf. Une major française, Paris, Le cherche midi,
2003, p. 37.

278. Lélia de Martharel, «Pourquoi Total s’appelle Total», Le Figaro, 14 août 2009.

279. «Présence dans le monde, 100 000 employés dans plus de 130 pays»,
Total.com, page consultée le 24 novembre 2016.

280. «Total: Dans les petits papiers de Goldman Sachs», Tradingsat.com, 21 février
2017.

281. Marc Roche, La Banque, Paris, Albin Michel, 2010, p. 9.

282. «Capitalisation boursière: LVMH détrône Total», Challenges, 4 mai 2017; et


«La capitalisation boursière des grands groupes rebondit en 2017»,
AFP/Europe 1, 28 juin 2017.

283. Benjamin Barber, Comment le capitalisme nous infantilise, Paris, Fayard,


2007, p. 292 et 296.

284. Ibid., p. 292.

285. Herbert Marcuse, L’Homme unidimensionnel. Essai sur l’idéologie de la


société industrielle avancée, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Arguments»,
no 34, 1968 [1964], p. 29.

286. Kristen Ghodsee, «Ethnographers as Writers: A Light-Hearted Introduction to


Academese», Savage Minds, Notes and Queries in Anthropology, 4 janvier
2015.

287. Benjamin Barber, Comment le capitalisme nous infantilise, op. cit., p. 296.

288. Jean-Jacques Rousseau, «Huitième lettre écrite de la montagne», in Œuvres


complètes, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», t. 3, 1966
[1764], cité in Alain Supiot, La gouvernance par les nombres. Cours au Collège
de France (2012-2014), Paris, Fayard, coll. «Poids et mesures du monde»,
2015, p. 51.

289. Hannah Arendt, Le système totalitaire. Les origines du totalitarisme, Paris,


Seuil, 1972, p. 209. Aussi: Jean-Pierre Faye, L’État total selon Carl Schmitt, ou
Comment la narration engendre des monstres, Meaux, Germina, coll. «Cercle
de philosophie», 2013.

290. Dany-Robert Dufour, La cité perverse. Libéralisme et pornographie, Paris,


Denoël, rééd. Paris, Gallimard, coll. «Folio», 2009, p. 347.

291. Hannah Arendt, Le système totalitaire, op. cit., p. 211.

292. Jean Vioulac, La logique totalitaire. Essai sur la crise de l’Occident, Paris,
Presses universitaires de France, coll. «Épiméthée», p. 84 et suiv.

293. Ibid., p. 81.

294. Ibid., p. 39.

295. Ibid., p. 65.

296. Ibid., p. 52.

297. Ibid., p. 61.

298. Ibid., p. 73.

299. Hannah Arendt, Le système totalitaire, op. cit., p. 34.

300. Ibid., p. 17.

301. Ibid., p. 63.

302. Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, op. cit., p. 17-18.

303. Ibid., p. 64.

304. Ibid., p. 36.

305. Thomas Hobbes, Léviathan, éditions multiples, § 26.4.

306. Alain Supiot, La gouvernance par les nombres, op. cit., p. 27.

307. Ibid., p. 71.

308. Ibid., p. 55.

309. Ibid., p. 79. L’auteur souligne.

310. G. W. F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, éditions multiples, § 140,


notre traduction.
311. Vladimir Pinheiro Safatle, «L’acte au-delà de la loi: Kant avec Sade comme
point de torsion de la pensée lacanienne», Essaim, n° 10, 2002, p. 88.

312. Pierre Fédida, «Concept et perversion», dans Le concept et la violence, Paris,


Union générale d’éditions, 1977, p. 25.

313. Ibid., p. 26.

314. Ibid., p. 26.

315. Ibid., p. 21.

316. Ibid., p. 24.

317. Ibid., p. 27.

318. Ibid., p. 20.

319. Ibid., p. 19.

320. Ibid., p. 17.

321. Ibid.

322. Entrevue, Cash Investigation, France 2, 3 mars 2015.

323. Pierre Fédida, Le concept et la violence, op. cit., p. 17.

324. Ibid., p. 18.

325. Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, Paris,
Gallimard, 1966 [1963].

326. Masud Khan, Figures de la perversion, Paris, Gallimard, coll. «Connaissance


de l’inconscient», 1981 [1979]; et Marie-Laure Susini, L’auteur du crime
pervers, Paris, Fayard, 2004.

327. Pierre Fédida, Le concept et la violence, op. cit., p. 19.

328. Ibid., p. 20.

329. Intégrer le climat à notre stratégie, rapport, Direction de la communication,


Total, mai 2017.

330. «Réchauffement climatique: un méthanier franchit le passage Arctique Nord-


Est», La Tribune, 18 août 2017; et «Total inaugure la route du Nord avec le
méthanier Christophe de Margerie!», communiqué de presse, Total, 27 juillet
2017. Aussi: Nabil Wakim, «Total lance Yamal, son mégaprojet gazier dans
l’Arctique russe», Le Monde, 10 décembre 2017.

331. Pierre Fédida, Le concept et la violence, op. cit., p. 29.


332. Jean-Karl Lambert, Muriel Boselli, Guillaume Beaufils et Xavier Puypéroux,
De Margerie: L’énigme Total, op. cit.

333. Doris-Louise Haineault et Jean-Yves Roy, L’inconscient qu’on affiche, Paris,


Aubier, 1984.

334. Entrevue de Christophe de Margerie accordée au «Grand Jury», LCI, RTL et


Le Figaro, 2 juin 2013.

335. Ibid.

336. «La mondialisation a bon dos», intervention avec Arnaud Montebourg, 3e


Sommet de l’économie, revue Challenges, Paris, 1er décembre 2016.

337. «Ce que disait Christophe de Margerie sur la Russie», Le Courrier de la


Russie, octobre 2014.

338. Pierre Fédida, Le concept et la violence, op. cit., p. 18.

339. Entrevue accordée au «Grand Jury», op. cit.

340. Ibid.

341. Ibid.

342. Bruna Basini, «Le PDG de Total: “Le monde aura besoin longtemps
de pétrole”», Le Journal du dimanche, 11 décembre 2016.

343. «“Je ne suis pas satisfait du cours de Bourse actuel de Total!” selon le PDG de
Total Patrick Pouyanné», op. cit.

344. Ibid.

345. «Total en passe de remporter un gros contrat au Qatar», L’Usine nouvelle, avec
Reuters, 10 juillet 2017; et Nicolas Stiel, «Les coulisses du mégacontrat gazier
de Total en Iran», Challenges, 10 juillet 2017.

346. «Total: Le PDG de Total ne prend pas parti dans la crise avec le Qatar», Zone
Bourse.com, 7 juillet 2017.

347. Patrick Pouyanné, «À l’international, la marque “France” a de la valeur!», Les


Échos, 1er juillet 2017.

348. «La Turquie envoie deux navires et un sous-marin au large de Chypre»,


Reuters, 13 juillet 2017.

349. «Le PDG de Total: “Trump ne pourra pas sortir du traité sur le climat”», Le
Monde, 30 mars 2017.

350. Matthieu Driol, «Total: Les risques géopolitiques et climatiques pèsent sur les
cours», Zone Bourse, 6 décembre 2017.
351. Convocation de Patrick Pouyanné à une audition devant la commission des
Affaires économiques du Sénat, citée in Jean-Claude Bourbon, «Les mises en
garde de Patrick Pouyanné sur le salaire des patrons», La Croix, 18 mai 2016.

352. Entrevue, RTL, 7 février 2012.

353. Ibid.

354. Ibid.

355. Entrevue accordée au «Grand Jury», op. cit.

356. Ibid.

357. Cité dans Thomas Porcher, L’indécence précède l’essence, op. cit., p. 55.

358. Pour les deux derniers paragraphes: entrevue accordée au «Grand Jury», op.
cit.

359. Grégory Lassalle, Terres de schiste, production Association Contrôle-Z et Les


Amis de la Terre, France, 2014, 26 min. 45 sec.

360. «Poutine rencontre pour la première fois le nouveau PDG de Total», AFP,
28 novembre 2014.

361. «“Je ne suis pas satisfait du cours de Bourse actuel de Total!” selon le PDG de
Total Patrick Pouyanné», op. cit.

362. Ibid.

363. Duncan Kennedy, L’enseignement du droit et la reproduction des hiérarchies,


Montréal, Lux, 2010 [1982], p. 15.

364. Éric David et Gabrielle Lefèvre, Juger les multinationales. Droits humains
bafoués, ressources naturelles pillées, impunité organisée, Bruxelles,
Grip/Mardaga, 2015, p. 185.

365. Émile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Paris, Presses


universitaires de France, 17e édition, 1968 [1937], p. 65-75.

366. Anne-Claude Ambroise-Rendu, Crimes et délits. Une histoire de la violence


de la Belle Époque à nos jours, Paris, Nouveau Monde éditions, 2006, p. 7-10.

367. Émile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, op. cit., p. 71.

368. Ibid., p. 67.

369. Émile Durkheim, «La sociologie et son domaine scientifique», in Textes I.


Éléments d’une théorie sociale, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Sens
commun», 1975, § 4.
370. Ce commentaire et les précédents: sortie des actionnaires de l’Assemblée
annuelle des actionnaires de Total en mai 2001, in Milena Kaneva, Total Denial,
documentaire, Italie et Bulgarie, 2006.

371. Guillaume Meurice, «Très chers actionnaires», chronique Le Moment Meurice,


18 novembre 2016.

372. Tom Van de Cruys, entrevue accordée à Christine Scharff «“Avec Total, c’est
comme dans Star Wars: la force est avec nous”», L’Écho, 9 octobre 2017.

373. Dany-Robert Dufour, La cité perverse, op. cit., p. 357.


DU MÊME AUTEUR
De quoi Total est-elle la somme? Multinationales et perversion du droit,
Montréal/Paris, Écosociété/Rue de l’échiquier, 2017.
Politiques de l’extrême centre, Montréal, Lux, 2016.
Une escroquerie légalisée. Précis sur les «paradis fiscaux», Montréal, Écosociété,
2016.

La médiocratie, Montréal, Lux, 2015.


Paradis fiscaux: la filière canadienne. Barbade, Caïmans, Bahamas, Nouvelle-
Écosse, Ontario…, Montréal, Écosociété, 2014.

«Gouvernance». Le management totalitaire, Montréal, Lux, 2013.


Paradis sous terre. Comment le Canada est devenu la plaque tournante de
l’industrie minière mondiale, avec William Sacher, Montréal/Paris,
Écosociété/Rue de l’échiquier, 2012.

Faire l’économie de la haine. Douze essais pour une pensée critique, Montréal,
Écosociété, 2011.
Offshore. Paradis fiscaux et souveraineté criminelle, Montréal/Paris, Écosociété/La
fabrique, 2010.
Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique, avec Delphine Abadie
et William Sacher, Montréal, Écosociété, 2008.
Paul Martin et compagnies. Soixante thèses sur l’alégalité des paradis fiscaux,
Montréal, Vlb éditeur, 2004.
COLLECTION POLÉMOS

Combattre, débattre

Polémos signifie combat, lutte, guerre, en grec ancien. Il vient


du mot polemai, se remuer, et a donné le mot polémique, qui
renvoie à la discorde.

Pourquoi une collection Polémos chez Écosociété? Pour


rappeler que des luttes naissent les avancées, des conflits jaillit
le politique. Le conflit, père de toutes choses pour Héraclite, la
politique, lieu de la mésentente pour Rancière; le vivre
ensemble est fait de confrontations. Nourrir les combats,
nourrir les débats, tel est l’esprit de la collection Polémos, qui
accueille des textes aux paroles fortes.

Dans la même collection

Alain Deneault, Une escroquerie légalisée. Précis sur les


«paradis fiscaux».
Éric Pineault (avec David Murray), Le piège Énergie Est.
Sortir de l’impasse des sables bitumineux.

IRIS, Cinq chantiers pour changer le Québec. Temps,


démocratie, bien-être, territoire, transition.
Pierre Madelin, Après le capitalisme. Traité d’écologie
politique.

Paul Ariès, Désobéir et grandir. Vers une société de


décroissance.
Rodolphe Christin, Manuel de l’antitourisme.
Eric Martin, Un pays en commun. Socialisme et indépendance
au Québec.
Faites circuler nos livres.
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les communiquerons avec plaisir aux auteur.e.s et à notre
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