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Décembre 2007

Numéro 10

Langues
et cité
L’occitan
Il y a une singularité de l’occitan. La manière de le nommer, déjà :
cette difficulté à faire reconnaitre l’existence même d’une langue
à travers une appellation stable et assurée. Depuis l’époque clas-
sique, ce qu’on appelle ici l’occitan est donné comme non-
langue, dialecte, patois, autre chose que lui-même, néant. À com-

Langues et cité Bulletin de l’observatoire des pratiques linguistiques


Qu’es aquò ? p. 2 mencer par ceux qui le parlent. D’où son intérêt emblématique
du point de vue de la sociolinguistique, c’est-à-dire d’une science
Qui parle p. 3 de la langue indissociable du politique, de l’éthique et de l’esthé-
tique, car on ne peut penser une langue en elle-même, en dehors
Données macro- de ses pratiques sociales.
sociolinguistiques p. 4 L’étude technique, descriptive, de l’occitan a sa légitimité. Elle
produit régulièrement les outils de savoir indispensables que sont
Enquête famille p. 5
grammaires, dictionnaires et méthodes d’apprentissage. Mais ce
Question du nom p. 6 qui importe avant tout à l’observateur des pratiques linguistiques,
c’est de cerner le rôle que jouent les langues dans la société
Littérature française d’aujourd’hui. Or, il apparait qu’à travers la production
contemporaine p. 8 littéraire et les inventions de pensée qui, depuis mille ans, se di-
sent en occitan, celui-ci assume une fonction critique vis-à-vis de
La création p. 9
l’ordre culturel établi, en s’opposant, par son existence même, au
Système scolaire p. 10 centralisme réducteur et unidimensionnel. Par son importance
historique, la langue-culture occitane dévoile les contradictions
Thésoc-Parutions p. 11 d’un modèle insuffisamment attentif aux sources intérieures de
créativité et de renouvellement que sont les langues de France ;
Bibliographie p. 12
elle en appelle au principe républicain d’une France politique-
ment une et culturellement plurielle.
On n’a pas toujours l’habitude dans le débat intellectuel, en
France, de réfléchir à la fonction des langues dans les processus
politiques et le changement social. Mais ce bulletin n’a pas d’au-
tre vocation ; avec ce numéro sur la langue de Siéyès, de Vallès
et de Jaurès, il poursuit son programme, et répond aux promes-
ses de son beau nom de Langues et Cité.
L’occitan : qu’es aquò ?
2

Jean SIBILLE,
MoDyCo, UMR 7114

n appelle langue d’oc, ou occitan, còr, mèl, cèl, tres, dever, fe, dolor [dulur],

O
connaitra son plein épanouissement
une langue romane parlée dans le flor [flur] (fr. cœur, miel, ciel, trois, devoir, après la 2nde Guerre mondiale.
Sud de la France (Roussillon et foi, douleur, fleur). Au XXe siècle la langue d’oc a été dotée
Pays basque non compris) jusqu’à une 3. Maintien de a accentué latin : prat, d’une orthographe unifiée, inspirée des
ligne passant quelques kilomètres au cabra / chabra (fr. pré, chèvre). usages médiévaux. Cette graphie, dite
nord de Libourne, Confolens, Guéret, 4. Les verbes se conjuguent sans pro- classique ou occitane, atténue à l’écrit les
Montluçon, Thain-l’Hermitage, Briançon. nom : parli, parlas, parla, (fr. je parle, tu différences dialectales, tout en respec-
Il est également parlé dans douze vallées parles, il parle), sauf à l’extrême nord du tant les particularités de chaque dialecte.
alpines d’Italie et, sous sa forme gas- domaine. En Provence, une autre graphie, dite mis-
conne, dans le Val d’Aran en Espagne. 5. Système verbal original, caractérisé tralienne, codifiée au XIXe siècle, reste
Une des premières attestations du terme notamment par une 1re personne en -i ou d’usage courant à côté de la graphie clas-
langue d’oc se rencontre chez Dante qui, en -e, et par un passé simple en -èr- : sique. C’est en graphie mistralienne et en
dans le De Vulgari eloquentia, classe les parli, parlèri, parlères, (fr. je parle, je par- provençal rhodanien, qu’ont été écrites
langues romanes d’après la façon de dire lai, tu parlas). bon nombre des œuvres majeures de la
oui dans chacune d’entre elles (oïl, oc, si). 6. Les consonnes latines p, t, k, entre renaissance littéraire du XIXe et du début
Le terme de provençal a longtemps été deux voyelles, se sonorisent en occitan du XXe siècles.
utilisé, lato sensu, comme synonyme de (alors qu’elles disparaissent en français) : Au Moyen Âge l’occitan a également été
langue d’oc ; aujourd’hui il désigne plus amiga, seda, loba, (fr. amie, soie, louve ; utilisé, concurremment au latin, comme
particulièrement l’occitan parlé en italien : amica, seta, lupa). langue de la cité, pour la rédaction de
Provence. Dans les textes officiels on La langue d’oc possède une littérature documents juridiques, administratifs ou
trouve : langue occitane (loi Deixonne de ancienne et prestigieuse. Les premières privés. Dans la 2e moitié du XVe siècle2,
1951), et occitan-langue d’oc (intitulé du œuvres connues remontent à la fin du au moment même où l’occitan est sur le
CAPES). Xe siècle. Au XIIe siècle la poésie des point de supplanter définitivement le latin
Contrairement au français, l’occitan ne se Troubadours rayonne dans tout l’Occident comme langue écrite usuelle, apparais-
présente pas comme une langue unifiée et est à l’origine de la lyrique européenne. sent les premiers documents en français
et standardisée, mais sous différentes La littérature occitane médiévale compte dont l’usage se généralise au cours du
modalités régionales ou locales. Une tra- également des textes de toute nature : XVIe siècle. Dès le XVIIe siècle les élites
dition récente classe, sur des bases empi- romans en vers ou en prose, chroniques, sociales sont bilingues, mais le peuple
riques, les parlers occitans en six variétés biographies des troubadours (les vidas), reste très largement occitanophone et le
ou dialectes : gascon, languedocien, pro- vies de saints, textes épiques (la Chanson français ne s’impose définitivement
vençal, vivaro-alpin (ou « provençal de la Croisade notamment), grammaires comme langue de l’oralité quotidienne
alpin »), auvergnat, limousin ; mais il est et arts poétiques (Las razos de trobar, Las qu’au début du XXe siècle dans les villes,
difficile de tracer des limites précises leys d’amor…), théâtre, traités de méde- après la 2nde Guerre mondiale dans les
entre ces différents « dialectes », car on a cine, de chirurgie, d’arithmétique…). campagnes.
affaire à un continuum. Le gascon, toute- Depuis, l’occitan n’a jamais cessé, avec Dans l’esprit du public, la notion de lan-
fois constitue une entité fortement typée des fortunes diverses, d’être écrit et gue régionale est souvent associée à une
et assez nettement caractérisable1 ; le de produire une littérature. Après une région bien identifiée : le breton à
niçois est proche du provençal côtier, période de déclin, caractérisée par la Bretagne, le basque au Pays basque,
mais est plus archaïsant et présente la perte des usages orthographiques l’alsacien à l’Alsace, le corse à la Corse…
quelques influences italiennes et ligurien- médiévaux et la prédominance de genres Par l’étendue de son territoire historique
nes. littéraires considérés comme mineurs, (un tiers du territoire national peuplé par
Parmi les caractéristiques distinguant une véritable renaissance littéraire se un quart de la population), par l’ancien-
l’occitan du français on peut retenir, à produit dans la seconde moitié du neté de sa tradition écrite, par la richesse
titre d’exemple, les traits suivants : XIXe siècle autour du Félibrige fondé de sa littérature, la langue d’oc n’est pas
1. Absence des voyelles : / a /, /o/, en 1854 par Frédéric Mistral qui reçoit tout à fait une langue régionale comme
/ø/, /œ/ (fr. pâte, pot, feu, beurre). le prix Nobel de littérature en 1904. Cet les autres, c’est la face cachée de l’héri-
2. Pas de diphtongaison des voyelles lati-
nes e et o brefs, e et o longs, i et u brefs :
essor se poursuit au XXe siècle avec
l’émergence d’une prose moderne qui .
tage latin en France, c’est le « masque de
fer » de la langue française

1 Du point de vue de sa genèse, on tend aujourd’hui à admettre que le gascon s’est constitué comme un ensemble distinct de l’occitan proprement dit (cf. Chambon 2002).
2 Un siècle plus tôt dans le nord de l’Auvergne.
QUI PARLE OCCITAN ?
3

À propos d'une enquête


Philippe MARTEL,
CNRS-IIAC/ Univ. Montpellier III

P
endant longtemps, il a de l’aire historique de la lan- cence, voire, pour une part bien il y a d’occitanophones
fallu à ce propos se gue d’oc (Ariège, Aude, Haute- d’ailleurs infinitésimale des dans ce pays.
contenter soit d’estima- Loire, Hautes-Pyrénées), ce générations les plus jeunes, N’y a-t-il donc rien à tirer de
tions subjectives (proposant qui revient d’emblée à mutiler à l’école. L’enquête ne permet tout ceci ? Si, bien sûr, à
de deux à dix millions de locu- le tableau qui sera donné de donc pas d’identifier ces di- condition de ne demander
teurs…) soit de sondages sa pratique. verses sortes de néolocuteurs que la confirmation qualitative
concernant une seule région Second point, lié au précé- dont on voit bien qu’elles ne de tendances déjà repérées
(Languedoc-Roussillon, dent, on n’a pas enquêté, se confondent pas, et pas empiriquement. Ainsi, sans
Aquitaine ou Auvergne). On dans chaque département, davantage ceux, nombreux, surprise, c’est dans les agglo-
attendait donc beaucoup de sur tous les types d’agglomé- qui comprennent l’occitan mérations les plus petites, les
l’enquête « Familles » réalisée ration. Ainsi dans le Lot, n’ont sans l’avoir reçu de leurs classes d’âge les plus élevées,
en 1999 par l’INED et l’INSEE, été pris en compte que des parents et sans pouvoir le par- les catégories socioprofes-
portant sur 380 000 person- villages de moins de ler. sionnelles les moins diplô-
nes, et qui, pour la première 2 000 habitants, ce qui abou- Une dernière variable, enfin : mées, davantage chez les
fois, posait ces trois ques- tit à amplifier la proportion une question portant sur le hommes que chez les fem-
tions : quelle(s) langue(s) par- des occitanophones. En département d’origine des mes, et plus nettement dans
laient les personnes interro- revanche, en Ardèche, l’en- parents de la personne inter- le Massif Central (Lozère,
gées quand elles avaient cinq quête a négligé les zones rura- rogée permet de cerner la Aveyron, Lot…) que l’héritage
ans ? Que parlaient-elles à les et n’a concerné qu’une part prise dans l’échantillon linguistique survit le moins
leurs enfants quand ils avaient seule ville, Annonay, où il par le produit des brassages mal. On voit aussi que pour
cinq ans ? Leur arrive-t-il de apparait que les langues les récents de populations. On désigner ce qu’ils parlent, les
parler une autre langue que le plus parlées (après le fran- constate alors que si globale- enquêtés utilisent le plus sou-
français ? Au total, on espérait çais) sont l’arabe et le turc, ment seuls 9 % de l’échan- vent « patois ». « Provençal » a
tirer de cette enquête une l’occitan (1,9 % de locuteurs) tillon des Alpes-Maritimes ont sa place surtout au sud de la
photographie assez précise de ne dépassant l’anglais que hérité de l’occitan, rapportée région PACA. « Occitan » ren-
la pratique des langues en d’extrême justesse. Et d’un au chiffre de ceux dont les contre un certain succès dans
France. En fait, si elle fournit autre côté il n’est pas possible parents étaient déjà natifs du le centre du domaine d’oc.
des renseignements intéres- d’appréhender globalement la Midi, la proportion des héri- Des dénominations plus loca-
sants, elle a aussi quelques pratique de l’occitan dans la tiers monte à 30 % : sans effet les arrivent à percer, là où
limites. région Rhône-Alpes, car les sur la place réelle tenue par existe une conscience parti-
L’échelle retenue pour la échantillons sont construits l’occitan dans le paysage lin- culariste : « niçois » ou « béar-
construction d’un échantillon au niveau régional, alors que guistique local, cette correc- nais », par exemple.
représentatif n’est pas dépar- la région ne comprend que tion permet cependant de On retire donc de cette
tementale, mais nationale,ou, deux départements occitano- relativiser l’effondrement de enquête que l’occitan survit,
au mieux, régionale. L’INED phones sur sept… On pourrait la transmission au XXe siècle. certes ; mais, nous échappe
s’intéressant davantage sans multiplier de tels exemples. Bref, du point de vue quantita- encore la réalité du paysage,
doute aux langues des popula- Concernant la transmission, tif, il y a peu à attendre d’une entre ceux qui parlent « sou-
tions immigrées qu’aux lan- la question posée induit l’idée telle enquête. De fait, le nom- vent », ceux qui peuvent par-
gues « régionales », on com- simple que la langue passe bre des locuteurs de l’occitan ler, mais n’en ont pas ou plus
prend ce choix. Mais pour des des parents aux enfants, a pu être estimé par l’INED l’occasion, ceux enfin qui
langues parlées essentielle- négligeant le fait que depuis dans un premier temps comprennent sans parler, et
ment sur un territoire particu- longtemps dans plus d’une à 526 000 personnes, puis ceux qui savent, mais ne veu-
lier, l’échelle départementale région ce n’est justement plus à 789 0001. Dans notre lent pas que ça se sache. Une
(voire celle de l’arrondisse- si simple : l’occitan peut être équipe montpelliéraine, autre enquête, mieux pensée,
ment) aurait été plus perti-
nente. De plus l’enquête
exclut quatre départements
acquis à travers les grands-
parents, ou dans le milieu
professionnel, après l’adoles-
Étienne Hammel trouve, lui,
583 000 personnes. Disons-
le : nous ne savons pas com-
résoudre ces énigmes ? .
permettra-t-elle un jour de

1 Sur une population d'environ 14 millions d'habitants. En 1920 le linguiste Jules Ronjat estimait le nombre d'occitanophones à plus de 10 millions.
Usages, représentations et pratiques :
4

les données macro-sociolinguistiques face au terrain


Carmen ALÉN GARABATO et gié de l’unilinguisme français l’échantillon), la désignation gnation par « patois ».
Henri BOYER, (Boyer 2005). « patois » est supérieure à L’enquête face à deux indi-
Université Montpellier III, Il nous a semblé important de 70 % cateurs de vitalité sociolin-
ARSER, parvenir à une identification On peut donc constater que la guistique
Laboratoire DIPRALANG-EA 739) maximale des enquêtés avec domination écrasante de Nous avons confronté deux
la langue du lieu. Aussi avons- « patois » est à peu près régu- indicateurs de présence mili-
nous fait une sélection de lière sur tout l’espace occitan tante : l’existence de pério-
L’enquête « Famille » de départements et d’observa- à l’exception d’une partie de diques partiellement ou inté-
l’INSEE-INED (1999) tions selon les critères sui- la Provence, bien que le dési- gralement en langue d’oc2 et
S’agissant d’une probléma- vants : 1) nous n’avons retenu gnant « patois » y reste très l’implantation de Calandretas
tique aussi complexe que les que les départements dont le présent (entre 26 et 50 % (écoles associatives occita-
usages (et dans une certaine territoire se situe totalement selon les départements)1. Par nes : maternelle, primaire,
mesure les représentations et ou presque totalement dans ailleurs la présence de collège)3 aux dénominations
attitudes) sociolinguistiques, l’espace originellement occi- « patois » est nettement moins épilinguistiques observées
la démarche retenue par l’en- tanophone ; 2) nous avons élevée (une moyenne de 28 %) lors de notre traitement de
quête « Famille » est parfaite- sélectionné les individus nés dans le département des l’enquête.
ment légitime dans une per- dans l’espace concerné où le Pyrénées-Atlantiques où le À l’évidence, la présence de
spective démographique père et la mère étaient égale- désignant est concurrencé périodiques en langue d’oc
quantitative, reposant sur un ment nés ; 3) nous avons pris par les glossonymes « béar- dans une aire régionale de
échantillonnage établi sur la en compte la langue trans- nais », « occitan » ou « gas- l’espace occitan est d’autant
base de paramètres tradition- mise occasionnellement et con » (dans une moindre plus importante qu’on y ob-
nels en la matière (catégorie par le père et par la mère et la mesure) et, bien entendu, par serve un usage également
sociale, niveau d’étude, langue transmise par l’en- « basque ». important de dénominations
niveau d’urbanisation, âge…), quêté(e) à ses enfants. Le cor- Sur l’ensemble de l’espace autres que « patois » (mais qui
mais nous semble insuffisante pus résultant est certes très occitan ; « patois » dépasse dépassent rarement les
dans la perspective d’un trai- réduit (18 958 enquêtés), les 70 %, alors qu’« occitan » 50 %) : le recul de la désigna-
tement sociolinguistique autre mais la potentialité d’identifi- et « langue d’oc » totalisent tion stigmatisante ne serait
que strictement macro. cation avec la langue du lieu moins de 20 % et que « pro- donc pas sans rapport avec
Néanmoins, malgré ces limi- est très élevée. Les résultats vençal », « gascon », « auver- une circulation (militante) de
tes, les résultats sont loin que nous avons obtenus se gnat », « limousin » repré- l’imprimé occitan. De même,
d’être inintéressants pour le fondent sur les réponses sentent plus de 10 % (dont pour ce qui concerne l’implan-
sociolinguiste. effectivement données et non « provençal » un peu moins de tation de Calandretas : les
Occitan, patois, provençal, gas- sur des estimations faites à 8 %). C’est d’autant plus trois aires régionales d’im-
con… : représentations et partir de celles-ci (voir Boyer remarquable si l’on compare plantation très faible (ou nulle)
dénominations de la langue et Alén Garabato, 2004). Deux ces chiffres avec ceux qui sont aussi celles où l’emploi
d’oc de ces résultats méritent concernent les autres langues du désignant « patois » est
On sait que l’utilisation d’un d’être détachés : régionales de France citées proche ou dépasse les 90 %. Il
glossonyme n’est pas un acte > Dans quatre départements dans l’enquête « Famille » : est vrai que les écoles occita-
anodin. En ce qui concerne de la région administra- « catalan », « breton », « alsa- nes en question sont établies
« occitan », ce glossonyme est tive PACA (Alpes-de-Haute- cien », « basque » ou « corse », en milieu urbain et que les
historiquement en concur- Provence, Bouches-du-Rhône, il s’agit de dénominations très zones à très forte domination
rence avec d’autres dénomi- Var, Vaucluse) la dénomina- importantes, et sur leurs terri- de « patois » sont essentielle-
nations, « provençal » en par- tion « provençal » est égale ou toires il n’y a pas la concur- ment rurales. Il conviendrait
ticulier, mais surtout avec le supérieure à 48 %. rence de « patois ». L’occitan évidemment d’affiner ces
pseudo-désignant métalin-
guistique « patois », désignant
stigmatisant, vecteur privilé-
> Dans la plupart des départe-
ments (14 sur les 25 départe-
ments occitans figurant dans
serait donc la langue régio-
nale la plus exposée, d’une
manière générale, à la dési-
d’autres indicateurs .
repérages, en les élargissant à

1 Contrairement à ce que semblent observer Blanchet, Calvet , Hilléreau, Wilczyk 2005 .


2 Selon les premiers résultats d’une enquête en cours de C. Alén GarabSato (voir Alén Garabato, à paraître)
3 D’après les informations fournies lors de la rentrée 2005 par la Confédération des Calandretas
E
n Provence, 20 106 per- estimation est inférieure à Une plus forte promotion 5

sonnes ont répondu à tous les résultats d’enquêtes d’hommes que de femmes
l’enquête HEF lors du récentes. Autre point à noter : déclare faire usage du proven-
Le volet linguistique de l’enquête « Famille » de 1999
recensement 1999 (soit les locuteurs de provençal çal, seule langue autre que le
0,44 % de la population). sont pour l’essentiel des français qui concerne l’en-
L’analyse statistique et socio- Français (95 %) nés de semble de la population de la
linguistique des chiffres pro- parents eux-mêmes nés en région, tous lieux et milieux
duits par cette enquête, ici France (90 %). 5 % des locu- confondus, même si les agri-
appliquée à la région teurs de provençal n’ont pas culteurs, ouvriers et employés
Provence permet de dégager la nationalité française et 10 % des zones rurales et semi-
des résultats de deux ordres. sont issus de parents nés à urbaines se sont davantage
D’une part, des résultats l’étranger. déclarés que d’autres catégo-
méta-méthodologiques qui Vous arrive-t-il de discuter avec des ries. L’enquête a également
proches (conjoint, parents, amis, col-
Résultats et analyse pour la Provence plurilingue et le provençal1

montrent les biais lourds lègues, commerçants…) dans d’autres montré que plus de 85 % des
introduits dans l’enquête et langues que le français ? déclarants nomment cette
son dépouillement (ce qui Langues Proportion Population langue « provençal » et moins
nous invite à penser que les de 10 % « patois ».
Toutes 14,30 % 644 380
pratiques autres que celles du langues
En France, le provençal est
français sont sous-déclarées Anglais 4,39 % 197 820
proportionnellement beau-
et que l’intérêt majeur de Italien 2,63 % 118 512 coup moins déclaré que le
cette enquête est de mettre Espagnol 2,38 % 107 247 corse (45 %), l’alsacien (39 %),
en scène des représentations Arabe 2,22 % 100 037 le breton (15 %), ou le basque.
plutôt que des « données Provençal 2,20 % 99 136
À côté d’une extrapolation à
objectives »). D’autre part, en Corse 0,58 % 26 135 hauteur de 526 000 locuteurs
relativisant prudemment les supposés de l’ensemble des
Source : EHF 1 999 INED / Université de
chiffres et leurs interpréta- Haute-Bretagne & Université de Provence langues d’oc2, la Provence
tions, on dégage des tendan- (2005). fournit à elle seule un cin-
ces de la situation provençale, La transmission parents- quième des effectifs. La
où, à côté de la place majori- enfants déclarée atteint des Provence est une région ayant
taire du français, le provençal, proportions plus basses : le connu depuis les années 1960
l’italien (et variétés apparen- provençal arrive en 2e position une véritable explosion démo-
tées), l’espagnol, l’arabe (plu- (0,98 %, soit 45 000 person- graphique (les locuteurs
tôt dialectal maghrébin) et nes), après l’arabe (1,23 %) et potentiels, « héritiers » du pro-
dans une moindre mesure le devant l’espagnol (0,81 %) et vençal, y représentent moins
corse, sont les langues dont la l’italien (0,79 %). Mais l’écart de la moitié de la population
pratique déclarée l’emporte, entre la langue reçue et la actuelle), ce qui n’est pas le
mais avec des scores très
bas : l’italien (2,63 % des per-
sonnes interrogées déclarent
transmission à ses propres
enfants est le plus marqué
pour le provençal et l’italien
régions françaises .
cas de la plupart des autres

l’utiliser parfois pour discuter (81 % de déperdition), contre


avec des proches), l’espagnol 71 % pour l’espagnol et 59 %
(2,38 %), l’arabe (2,22 %) et le pour l’arabe.
provençal (2,2 %). Les écarts En quelles langues, dialectes, ou
sont un peu plus marqués « patois », vos parents vous parlaient-
ils d’habitude quand vous étiez enfant,
dans l’agglomération mar- vers l’âge de cinq ans ?
seillaise, où 1,64 % des habi- Provençal Par Le père Par La mère Aux enfants Avec les % total
tants utiliseraient parfois le déclaré proches
parlé
provençal (30 522 person- Provence 5,87 % 4,62 % 0,98 % 2,20 % 13,67 %
nes), 2,96 % l’arabe (55 088), Htes-Alpes 2,72 % 1,54 % 0,12 % 0,12 % 4,50 %
2,59 % l’italien (48 202), 2,4 % Alpes de Hte 9,21 % 6,71 % 1,17 % 3,51 % 20,60 %
l’espagnol (44 666) et 1,52 % Provence
Bouches-du- 4,84 % 3,98 % 0,67 % 1,79 % 11,28 %
le corse (28 288). Rhône
Université de Provence,

Université de Rennes 2

Globalement, les Provençaux Var 5,16 % 4,27 % 1,21 % 2,08 % 12,72 %


seraient moins de 100 000 à Vaucluse 10,19 % 7,47 % 1,99 % 3,40 % 23,05 %
Philippe BLANCHET,
Louis-Jean CALVET,

utiliser le provençal pour dis- Source : EHF 1999 INED / Université de


Haute-Bretagne & Université de Provence
cuter avec des proches. Cette
(2005).

1 L’analyse détaillée est publiée dans le numéro 10 de Marges linguistiques (www.marges-linguistiques.com).


2 NDLR. Les auteurs désignent par langues d’oc (au pluriel) ce que d’autres désignent par variétés ou dialectes, ou modalités, de l’occitan
ou de la langue d’oc (au singulier) ; voir pp. 6-7.
6

La question du nom : Points de vue


Une ou plusieurs langue(s) d’oc ?
Philippe BLANCHET, Dès lors, les enquêtes sociolinguistiques motion de variétés locales, dont l’exten-
Université européenne de Bretagne donnent à voir pour le sud de la France sion maximale est celle d’une région his-
Rennes 2 des zones où des langues distinctes sont torique fondant un sentiment d’apparte-
CREDILIF EA 3207 clairement affirmées et dénommées : nance, et dont la fonction symbolique est
Béarn / Béarnais, Gascogne / patois, prioritaire. Toutes les enquêtes suggèrent
Dès les premières classifications philolo- Provence / provençal, Nice / niçois, ainsi que, massivement, les populations ne
giques des variétés romanes du sud de la que l’ensemble languedocien de partagent ni dénomination, ni conscience
France, au XIXe siècle, leurs regroupe- Montpellier à Toulouse avec les items ni projet à dimension et à caractéristiques
ments ont fait l’objet de débats scienti- patois (majoritaire) et occitan. D’autres « occitanes ». Le projet « occitan » est
fiques et glottopolitiques. Majoritai- zones restent floues. néanmoins promu par ses partisans avec
rement intégrés à cet ensemble, les par-
lers catalans en ont été détachés au
cours de la deuxième moitié du XIXe siè-
La seconde question consiste, notam-
ment pour les militants, à définir une stra-
tégie de promotion glottopolitique effi-
un enthousiasme parfois dogmatique qui
aboutit à des revirements retentissants .
cle, en lien avec l’affirmation sociopoli- cace. On peut, d’une part, proposer une
tique catalane. Les parlers de Gascogne imitation des langues dominantes : cons- Sources et compléments d’informa-
et du Béarn ont toujours fait l’objet de truire une langue la plus « grosse » possi- tion dans :
contestations quant à leur intégration ble (en nombre de locuteurs, en superfi- BLANCHET (Ph.) dir. 2001, Diversité et vitalité des
dans une seule et même langue d’oc ou cie couverte, en potentiel de pratiques et langues régionales du Sud de la France, La
occitan (ainsi que, moins fortement, pour donc en justification d’un statut amé- France Latine, Revue d'études d'oc, n° 133,
l’intégration d’un béarnais dans un lioré), visant une concurrence d’institu- Sorbonne-Paris IV.
ensemble gascon). Les parlers de BLANCHET (Ph.) & ROBILLARD (D. de –) dir. 2003,
tionnalisation et de fonctions avec la lan-
Langues, contacts, complexité. Perspectives
Provence et du pays niçois ont été consi- gue dominante (refus de la diglossie, voire
théoriques en sociolinguistique, Presses uni-
dérés de façon ambigüe jusqu’à l’affirma- du bilinguisme), d’où l’élaboration d’une versitaires de Rennes.
tion progressive au cours du XXe siècle norme standardisée et imposée à des BLANCHET (Ph.) & SCHIFFMAN (H.) (dir.) 2004, The
d’identités linguistiques provençale populations perçues comme « endoctri- Sociolinguistics of Southern “Occitan” France,
et niçoise spécifiques par un débat public nées » au profit de la langue dominante. Revisited, International Journal of the
remarqué. Des discussions portent égale- C’est, en schématisant, ce qui fonde le Sociology of Language n° 169, Berlin/New-
ment sur les parlers d’Auvergne. On re- projet d’un occitan unique ou unifié (dont York, Mouton de Gruyter.
trouve des débats similaires pour de nom- on tire le projet d’une Occitanie habitée BLANCHET (Ph.) 2004b, « L’identification socio-
breuses variétés linguistiques du monde, par des Occitans). On peut, d’autre part, linguistique des langues et des variétés lin-
dont les découpages et les noms sont proposer de cultiver la spécificité complé- guistiques : pour une analyse complexe du
évolutifs et relèvent de deux séries de mentaire d’une langue locale minoritaire : processus de catégorisation fonctionnelle »,
motivations et d’objectifs. dans Actes du colloque Identification des
focaliser qualitativement sur une langue
langues et des variétés dialectales par les
Une première question consiste à établir de connivence, sur des espaces de proxi-
humains et par les machines, Paris, École
des critères de catégorisation de variétés mité, pour stabiliser une diglossie accep- nationale supérieure des télécommunications
linguistiques comme constituant soit une tée, d’où une approche polynomique où / CNRS, p. 31-36.
langue distincte, soit un « dialecte » d’une les variétés locales surtout orales sont (http://www.limsi.fr/MIDL/actes/session%20I/Blanchet_
langue englobante. L’hégémonie d’une promues comme marqueurs d’une MIDL2004.pdf)
théorie linguistique « classique » fondée « authenticité » symbolique. C’est ce qui BLANCHET (Ph.) 2005, « Catégoriser l’occitan ou
sur des traits « internes » a pu laisser fonde le projet de langues béarnaise, pro- les langues d’oc ? Un problème épisté-
croire que la question relève strictement vençale, niçoise, etc., distinctes. mologique, théorique et méthodologique »,
d’éléments techniques de typologie lin- dans Marges linguistiques 10 (en ligne sur :
guistique positiviste. Mais un examen L’avis de la majorité des linguistes et des http://www.revue-texto.net/Archives/Archives.html

serré des textes des théoriciens montre organismes scientifiques et/ou officiels [document 7, article n° 0269]).
que, selon la plupart d’entre eux, les lan- BLANCHET (Ph.), CALVET (L.-J.) & ROBILLARD (D. de)
est que cette situation sociolinguistique
2007, Un siècle après le Cours de Saussure, la
gues distinctes les unes des autres sont est plutôt celle de langues distinctes (que
linguistique en question, Paris, L’Harmattan (en
des constructions sociopolitiques fon- l’on peut regrouper par commodité dans ligne sur :
dées sur les représentations sociales, les une famille dite « d’oc » en employant une http://www.u-picardie.fr/LESCLaP/spip.php?rubrique31).
institutionnalisations, et sur des projets dénomination littéraire). Dans le contexte MARCELLESI (J.-B) 2003, Sociolinguistique
glottopolitiques qui relèvent d’analyses français d’aujourd’hui, la stratégie glotto- (épistémologie, langues régionales, polynomie),
« externes » de type sociolinguistique. politique la plus adaptée doit viser la pro- Paris, L'Harmattan.
7

La langue d’oc : une et plurielle


Georg KREMNITZ,
Université de Vienne (Autriche),
ancien président de l’AIEO
peut être définie que par des critères lin- un standard unique et univoque qui serait

O
n peut distinguer deux sens du
mot langue : fonctionnellement, guistiques, c’est-à-dire par des critères rejeté par les locuteurs. Les pratiques lit-
une langue est un système de internes à la langue : phonologie, mor- téraires et d’enseignement reposent plu-
communication constitué de signes phologie, syntaxe, lexique… Étudier les tôt sur des standards régionaux : l’ensei-
vocaux, qui obéit à un certain nombre de représentations de la langue (c’est-à-dire gnement de l’occitan en Provence ne
règles ; dans ce sens toute variété linguis- l’idée que s’en font les gens) est d’un peut se concevoir autrement que sur la
tique (locale, sociale, individuelle…) est grand intérêt pour la sociolinguistique ; base du provençal, en Limousin sur la
en soi une langue et peut être décrite mais cela n’a d’intérêt que si l’on peut base du limousin, en Languedoc du lan-
comme telle. D’un point de vue typolo- confronter ces représentations à une guedocien, etc., tout en étant ouvert aux
gique une langue est un Mundartbund, réalité qui leur est extérieure. Définir la autres variétés.
une « fédération de parlers » ; ce terme, langue par les seules représentations Enfin l’Association internationale d’étu-
récemment apparu dans le champ des (comme le fait un courant récent et mar- des occitanes (AIEO) qui rassemble
sciences du langage1 désigne la langue ginal de la sociolinguistique), revient à quelque 450 universitaires (dont les 2/3
envisagée comme un réseau dialectal, nier toute possibilité d’un savoir objectif à l’étranger) part du principe de l’unité
c’est-à-dire comme un groupe de parlers sur la langue, car l’idée que se font les foncière des variétés d’oc et ne s’associe
étroitement apparentés et facilement gens de la langue est subjective et, de pas à l’éclatement de cet espace langa-
intercompréhensibles ou « inter-apprena- plus, ne peut être appréhendée qu’à tra- gier, qui, de plus, contribuerait à diminuer
bles ». Les différentes variétés ou dialec-
tes constituant un Mundartbund évoluent
de façon interdépendante. Lorsqu’un dia-
vers la subjectivité du sociolinguiste (si
honnête soit-il). En outre, la conscience
linguistique des gens peut être manipu-
langue .
la valeur communicative de cette

Bibliographie :
lecte appartenant à un Mundartbund se lée, voire « fabriquée ». ALLIERES (Jacques) 2001. Manuel de linguistique
La plupart des spécialistes des langues romane. Champion, Paris.
met à évoluer de façon indépendante du
BEC (Pierre) 1970 - 1971. Manuel pratique de
Mundartbund dont il fait partie, il devient romanes considèrent que le provençal, le philologie romane, Picard, Paris, 2 vol.
– ou tend à devenir – une langue diffé- languedocien, le limousin, l’auvergnat, le BERGOUNIOUX (Gabriel) 1997. « L’université et les
rente ; c’est le cas du catalan par rapport vivaro-alpin, sont des modalités d’une patois. (1850-1914) », LENGAS 42, pp. 135-152.
à l’occitan. même langue (ces différentes modalités BRUN-TRIGAUD (Guylaine) 1990, Le Croissant, le
Le terme de langues d’oc (au pluriel) sont d’ailleurs difficiles à délimiter, car il concept et le mot. Contribution à L’Histoire de
la dialectologie française au XIXe siècle.
apparait pour la première fois à l’extrême s’agit en réalité d’un continuum) ; seule la
Université de Lyon III, Lyon 1990.
fin des années 1970 dans un contexte de question de l’occitanité du gascon est CHAMBON (Jean-Pierre) 2002. « Note sur l’âge
rapprochement entre deux courants mili- légitimement discutée. Un consensus se du proto-gascon ». RLiR, n° 263-264, pp. 473-
tants antagonistes : d’une part le courant dessine pour considérer que, tout en 495.
dit « occitaniste », issu du militantisme étant proche parent, le gascon constitue, CHAMBON (Jean-Pierre) et OLIVIER (Philippe)
du point de vue de sa genèse, un ensem- 2000. « L’histoire linguistique de l’Auvergne et
culturel d’après 1945 et bien implanté en
du Velay, notes pour une synthèse provisoire »,
Languedoc, d’autre part un courant dit ble distinct de l’occitan proprement dit
Travaux de linguistique et de littérature
« mistralien » ou « provençaliste », issu de (Chambon, 2002). Mais depuis des siè- (Université de Strasbourg), t. XXXVII, pp. 83-
la renaissance culturelle du XIXe siècle, cles, le gascon évolue au contact de l’oc- 153.
qui se réclame du Félibrige et de son fon- citan et en symbiose avec ce dernier ; GLESSGEN (Martin-Dietrich) 2007. Linguistique
dateur Frédéric Mistral, et dont le bas- d’un point de vue synchronique (c’est-à- romane : Domaines et méthodes en linguis-
tique française et romane. Armand Colin, Paris.
tion traditionnel est la Provence. Les pro- dire du point de vue de la langue
LÉONARD (Jean-Léo) & GAILLARD-CORVAGLIA
vençalistes les plus radicaux, refusant ce actuelle), le gascon est donc générale- (Antonella), à paraitre. « Dialectique de la
rapprochement, créent alors, et s’effor- ment considéré comme une variété d’oc- diversité dialectale ; entre distance et proxi-
cent de promouvoir, le concept de lan- citan. mité, centralité et latéralité, continuité et rup-
gues d’oc (au pluriel), entrant ainsi en Au XXe siècle, le mouvement culturel ture typologique... » Intervention au séminaire
occitaniste a privilégié le languedocien Typologie linguistique et contacts de langues,
contradiction avec la conception même
CNRS, 21 décembre 2006.
de Mistral. Jusqu’à cette date, en effet, la comme dialecte de référence, car c’est le
REY (Alain) et alii, 2007. Mille ans de langue
tradition littéraire et scientifique ne plus central (à la fois géographiquement française. Histoire d’une passion. Perrin, Paris,
connait que le singulier : langue d’oc, lan- et linguistiquement) et le plus archaïsant pp. 365-382, 595-598, 868-871, 981-994,
gue occitane, occitanien, occitan, proven- (donc le plus proche de la langue des tex- 1431.
çal (au sens large)… tes médiévaux), mais cette référence SUMIEN (Domergue) 2007. La standardisation
pluricentrique de l’occitan. Brepols, Tunhout
En typologie des langues, une langue ne reste abstraite et nul ne souhaite imposer
(Belgique).

1Il a été formé par imitation de Schprachbund, terme créé par le linguiste Roman Jakobson pour désigner un réseau de convergences structurales entre des langues qui ne sont pas généti-
quement apparentées (cf. Léonard et Gaillard-Corvaglia, à paraitre)
LA
8

LITTÉRATURE OCCITANE
CONTEMPORAINE
Philippe GARDY,
CNRS-IIAC (UMR 8177)

Le Guetteur à la citerne de

S
elon une formule que années 1950-1970, un mo- ves pour trouver, entre modè-
Robert Lafont, un de dèle. Il semble bien que la les externes et filiations inter- Robert Lafont, les somptueux
ces écrivains contem- raréfaction des usages de la nes, un ou des styles narratifs Poèmes de Max-Philippe
porains parmi les plus repré- langue parlée, liée à l’efface- dont les usages résiduels ou Delavouët, tous explorent ce
sentatifs, se plait à répéter, la ment des sociétés paysannes reconquis de la langue ren- sentiment, tandis que, dans
langue occitane est une lan- traditionnelles ou, dans une dent l’émergence malaisée. les générations suivantes, se
gue de littérature : c’est sur moindre mesure, à celui des Cette difficulté à tracer des fait jour une poésie de l’aban-
toute une tradition d’écriture sociabilités urbaines (solidari- trajectoires romanesques don et de la solitude (Yves
ininterrompue depuis le tés de quartiers, milieux arti- renouvelées et durables est Rouquette, Jean Larzac, Serge
Moyen Âge que cette littéra- sans, ouvriers parfois), ait for- révélatrice d’un éparpillement Bec, Jean-Marie Petit, Jean-
ture s’appuie encore de nos tement contribué à l’émer- où l’on devine l’emprise pro- Yves Casanova, Jean-Yves
jours, comme elle a pu le faire gence d’une prose se voulant fonde des forces de disloca- Royer…), ou de la présence
au cours des siècles anté- plus « moderne ». Mais les tion agissant sur la langue. matérielle, silencieuse et
rieurs. Et c’est en référence à courants que l’on peut distin- Tout au long du XXe siècle, et dépeuplée, d’un monde
cette tradition que l’on peut guer dans la littérature fran- ce depuis Mistral sans doute ramené à l’immanence de ses
tenter de décrire, de façon çaise n’ont eu sur la produc- et de ses grandes fresques origines élémentaires (Jean-
interne, la production littéraire tion occitane des années poétiques en forme d’épo- Pierre Tardif, Jaumes Privat).
occitane actuelle, sans pour 1950-2000 que des effets pées (de Mireille, en 1859, au L’évolution des quelques
autant la détacher des multi- modestes : en cherchant à se Poème du Rhône en 1906), revues littéraires occitanes
ples influences et, pour com- normaliser, la prose d’oc s’est l’écriture poétique en occitan (Oc, Reclams, Gai Saber,
mencer, des modèles exter- trouvée écartelée entre une semblait avoir pressenti la Leberaubre), comme celle des
nes qui ont pu la marquer. volonté d’enracinement dans force de ce mouvement. La quelques éditeurs spécialisés
Un des faits majeurs qui le présent, une quête d’origi- tentation épique mistralienne, (IEO, Jorn, Reclams, Letras
caractérise l’écrit d’oc au long nalité, et une propension à en célébrant la fondation d’oc, Chamin de Sent Jaume,
du XXe siècle est le passage revenir aux formes antérieu- d’une langue et d’un pays, L’Astrado…), rend bien
d’une littérature d’abord poé- res. puis en en parcourant de compte, entre disparitions et
tique, en vers, à un usage de Si des genres tels que le façon pathétique l’effondre- renouvellements, de cette
plus en plus développé de la roman policier, la nouvelle ment futur, et comme écrit logique de la raréfaction
prose. Nouvelles et romans se
sont multipliés jusqu’à aujour-
d’hui. La poésie ou l’écriture
urbaine, le récit d’aventures
ou de voyage, ont fait progres-
sivement leur apparition et
dans le temps historique, avait
initié un mouvement que plu-
sieurs trajectoires poétiques
.
contre laquelle lutte l’écriture
littéraire d’oc

théâtrale, abondantes dans la ont pu donner lieu à des tex- significatives ont par la suite
première moitié siècle, n’ont tes originaux ; si des prosa- conduit presque jusqu’à son
certes pas disparu, mais elles teurs de générations plus terme : la langue d’oc, dans la
occupent une place moins anciennes (Lafont, Bernard seconde moitié du siècle, a
visible. Ce volontarisme de la Manciet, Max Rouquette, Jean produit, à côté d’autres for-
prose, théorisé par certains Boudou notamment, tous nés mellement moins ambitieux,
dès la fin du XIXe, s’est égale- dans les années 1920 ; plus des textes amples, construits
ment traduit par un désir récemment Florian Vernet, sur le sentiment d’une fin
d’élargir le choix des sujets, Jean Ganyaire, Jean-Claude inéluctable que seul l’espoir
des thèmes, des styles ou des Forêt, Jean-Marie Pieyre, d’une résurrection improbable
registres : du récit autobiogra- Roland Pécout ou Michel serait susceptible de ralentir.
phique, du roman historique Miniussi) ont su, au fil des Les Psaumes de Marcelle
ou à résonances fantastiques, années, développer une Delpastre, tels une coulée
on est peu à peu passé à des œuvre narrative à la fois com- quasi ininterrompue, les com-
textes plus actuels et plus en plexe et personnelle, l’essen- positions épiques de Manciet
phase avec la littérature fran- tiel de ce qui se publie (entre (L’Enterrement à Sabres ; La
çaise, qui est restée, avec la dix et vingt titres par an) appa- Blanche Nef), le Tourment de
littérature sud-américaine des rait comme autant de tentati- la licorne de Max Rouquette,
Q
uel que soit le nom qu'on lui exprimée à travers un militantisme à fort compte de la question linguistique par les 9

donne, et loin des querelles de contenu social et politique, et on a assisté municipalités et les régions : création de
linguistes, la réalité de l'occitan au développement d’une chanson contes- postes de chargés de mission, soutien à
c'est d'abord des œuvres, des créations tataire avec des chanteurs tels que Marti, des organismes culturels ou patrimoniaux
poétiques, romanesques, scéniques, Daumas, Patric, J.-P. Verdier, Mans de tels que le Centre inter-régional de docu-
théoriques. Depuis le XIXe siècle la vitalité Breish… qui ont eu un impact dépassant mentation occitane (CIRDOC, à Béziers)
de la langue se manifeste principalement largement le milieu des militants cultu- ou l’Institut Occitan (à Pau), soutien aux
à travers l’écrit, qu'il s'agisse d'œuvres rels. Pendant la même période on assiste associations, soutien à l’édition et à la
littéraires ou de publications périodiques1 aussi à un renouveau de la musique tradi- création. Aquitaine, Midi-Pyrénées,
de statuts divers, le plus souvent animées tionnelle, notamment de sa composante Languedoc-Roussillon se dotent de vérita-
par des bénévoles : de la revue littéraire vocale. C’est aussi dans les années bles politiques linguistiques et travaillent
au bulletin associatif, en passant par le soixante-dix qu’on assiste à la création du dans une optique nécessairement inter-
magazine d’information culturelle ou l’or- mouvement Calandretas (écoles bilingues régionale : le cadre de l'action est immé-
gane militant. Cet investissement dans la pratiquant la méthode de l’immersion lin- diatement celui du pays dans son entier.
chose écrite au moment où régresse l'u- guistique), qui compte aujourd’hui La création théâtrale d’expression occi-
sage oral de la langue n'a rien de para- 35 écoles primaires et un collège. tane, bien qu’elle reste encore trop confi-
doxal : c'est l'affirmation d'une légitimité, À partir de 1982, le militantisme linguis- dentielle, fait preuve, elle aussi, d’une
la recherche d'un dialogue avec les écri- tique se réoriente vers la recherche d’une incontestable vitalité, avec entre autres le
vains de langue française pour la recon- action pragmatique valorisant les conte- théâtre de la Rampe en Languedoc et le
naissance d'une autre identité culturelle nus proprement culturels, et d’un dialo- Centre dramatique occitan à Toulon.
en France. gue avec les collectivités publiques, à Dans le domaine lyrique, le Théâtre natio-
La chanson tient également une place commencer par l'État (création de la nal de Bordeaux-Aquitaine a récemment
importante. Dans les années 1960 et 70, DGLFLF, des DRAC). Cette situation va créé l'Orphée de Bernard Manciet, sur
la revendication linguistique s’est surtout avoir pour conséquence la prise en une musique de Jean-Claude Audouin.

La création
en langue occitane
Pour ce qui concerne l’audiovisuel, la pré- veau, la chanson contribue puissamment nales comme l’Estive, à Foix, intègrent
sence de l’occitan sur les chaines de aujourd'hui. On assiste en effet à un des spectacles d’expression occitane à
radio et de télévision publique reste mar- grand élan de créativité, à une diversifica- leur programmation.
ginale, mais il existe quelques radios pri- tion et à un mélange des genres : actuali- Des artistes jouent, chantent, écrivent
vées associatives : Radio Pays en Béarn, sation et réinterprétation du répertoire dans une langue dont le choix ne répond
Radio Occitania à Montpellier. Compte traditionnel avec le chanteur Joan-Maria à aucune nécessité pratique. Pour se faire
tenu des contraintes et de la concurrence Carlotti ou des ensembles tels que Lo cor comprendre, tous disposent du français
existant dans le secteur, les projets nou- de la Plana à Marseille, Lo Corrou de Berra et d'autres langues qui remplissent bien
veaux en gestation peinent à émerger. à Nice, Perlinpinpin folk en Gascogne ; mieux ce rôle dans le monde d'aujour-
Enfin, l’occitan est présent sur internet, mélange de musiques « ethniques » et de d'hui : la création occitane est ainsi la
où de nombreux sites en rapport avec la musiques actuelles (rap, rock, ragga muf- meilleure illustration de ce qu'une langue
langue et la culture des pays d’oc sont fin…) avec les groupes comme Massilia est bien plus qu'un outil de communica-
rédigés en occitan ou proposent une ver- sound system, Les Fabulous Troubadours, tion. Sa fonction est ailleurs. En témoi-
sion dans cette langue. Nux Vomica, Les Bombes 2 bal… Plusieurs gnant pour le plurilinguisme et contre
Sans avoir un caractère massif, l'ensem- festivals, comme l’Estivada de Rodez, pro- l'uniformisation qui étouffe, elle pose un
ble de ces actions renforce l'impact posi-
tif sur l’image de la langue auquel, de nou-
posent une programmation occitane
conséquente, et quelques scènes natio- .
problème structural à notre pays. Celui de
la démocratie culturelle2

1 Surtout mensuelles et trimestrielles. Depuis une douzaine d'années existe un hebdomadaire rédigé en occitan : la Setmana. La tradition des almanachs annuels héritée du XIXe siècle reste
vivace.
2 C'est ce que le chansonnier sans-culotte Lavabre avait compris à sa manière, puisque c'est en occitan qu'il a créé la figure emblématique de Marianne :
Mai una onça d'Egalitat Mais une once d'Égalité
E doas dracmas de Libertat Et deux drachmes de Liberté
I an plan degatjat lo palmon. Lui ont dégagé le poumon.
Marianna se troba melhor. Marianne s'en trouve mieux.
(La Garison de Marianna, octobre 1792, première occurrence du personnage comme personnification de la République).
L'occi-
10 facultative, avec des maitres et des élè- ments où une matière autre que la lan-
ves volontaires ; ces langues ne font donc gue, l'histoire-géographie souvent, peut
pas partie des matières obligatoires et les être dispensée en occitan. Au Lycée, l'oc-
débats acharnés auxquels le texte de citan peut être choisi soit comme ensei-

tan Deixonne a donné lieu avant même d'être


adopté expliquent peut-être qu'il soit fort
peu exigeant. Pour le primaire, l'enseigne-
ment de la langue était relégué dans des
gnement facultatif, ouvrant sur l'épreuve
existant depuis 1951, soit comme langue
vivante II ou III. L'enseignement dans le
secondaire, longtemps assuré de façon

dans « activités dirigées » (le samedi après-


midi, disparues depuis de toute façon…)
réservées d'ailleurs aux plus hautes clas-
ses. Pour le secondaire, s'il était possible
assez précaire par des enseignants d'aut-
res matières, mais compétents en occi-
tan, commence depuis 1992 à pouvoir
être confié à des certifiés ayant passé un

le sys- de choisir l'occitan comme langue facul-


tative au bac, les points alors gagnés ne
servaient pas à l'admission (comme pour
les autres langues facultatives), mais seu-
CAPES bivalent associant l'occitan aux
lettres, à l'histoire géographie, à l'espa-
gnol, ou à l'anglais.
Dans le supérieur, on peut suivre un cur-

tème lement pour l'obtention d'une mention


(jusqu'en 1971). C'est miracle qu'il y ait
eu alors des élèves pour suivre un tel
enseignement et des maitres pour le
sus d'occitan, plus ou moins complet,
dans quelques universités : Bordeaux,
Toulouse, Montpellier, Aix, Nice,
Clermont, Limoges, et Paris (Paris IV et

scolaire dispenser alors que la plupart du temps


nulle formation spécifique ne leur était
offerte.
Paris VIII). Dans certains IUFM, peu nom-
breux, il est possible de compléter cette
formation.

public
La situation est pourtant progressivement Tel est le cadre. Dans ce cadre évoluent
devenue un peu moins problématique : quelques dizaines de milliers d'élèves
quelques circulaires, en 1976, en 1982, (entre 70 000 et 90 000 selon les
en 1995, en 2001 ont peu à peu amélioré années), quelques centaines d'ensei-
la place des langues régionales dans les gnants du secondaire, certifiés ou non,
Philippe MARTEL1 cursus. Aujourd'hui, il est possible, avec quelques centaines aussi d'instituteurs et
Marie-Jeanne VERNY2 les limites que l'on verra, de suivre de la de professeurs des écoles. Au total, on le
On peut enseigner l'occitan, et, quand on maternelle à l'université des cours d'occi- devine, il s'en faut de beaucoup que l'of-
est élève, on peut donc l'apprendre, dans tan dispensés par des enseignants for- fre d'occitan soit présente partout. Et là
les écoles publiques françaises3. Cette més à cet effet. où elle l'est, c'est souvent au prix de l'af-
possibilité n'est pas ouverte depuis si Dans le primaire, l'occitan, comme les fectation d'un enseignant sur plusieurs
longtemps : si elle fait l'objet de revendi- autres langues régionales, peut faire l'ob- établissements. Et, alors que l'expérience
cations récurrentes depuis le dernier jet soit d'un enseignement d'initiation - montre que dès qu'il est possible de pro-
quart du XIXe siècle, c'est le mois de jan- quelques heures par semaine -, soit, mais poser cette offre, la demande se mani-
vier 1951 qu'il faut considérer comme la bien plus rarement, d'un véritable ensei- feste, dans beaucoup d'endroits les élè-
date de naissance du droit à enseigner et gnement bilingue à parité horaire, davan- ves et leurs parents ne peuvent que
à apprendre l'occitan (comme le basque, tage adapté à la formation de locuteurs, demander en vain un cours d'occitan, à
le breton et le catalan - pas encore l'alsa- qui touche quelques milliers d'élèves condition bien sûr de savoir qu'ils peuvent
cien pour des raisons faciles à compren- essentiellement dans l'académie de le demander.
dre). C'est un soir de ce mois qu'est Toulouse, à un moindre degré dans celles Au total, la situation de l'enseignement de
votée, assez subrepticement d'ailleurs, de Bordeaux et de Montpellier. Les ensei- l'occitan, aggravée depuis quelques
une loi connue sous le nom de son rap- gnants affectés à ces classes sont en années par la baisse des postes mis au
porteur, Deixonne. principe formés et recrutés par un concours du CAPES, n'est pas brillante. À
Cela dit, ne surestimons pas ce texte, concours spécifique (dont tous les lau- l'insuffisance des moyens s'ajoute par-
même si malgré le dépôt de près de cin- réats, d'ailleurs, faute de postes adaptés, fois, sur le terrain, la réticence de cer-
quante propositions de loi depuis, il est ne peuvent pas enseigner ce pour quoi ils tains décideurs locaux. Malgré d'incon-
resté, jusqu'à son intégration au Code de
l'Éducation, le seul texte législatif traitant
du problème. Il autorise l'enseignement
ont été formés).
Dans le secondaire, un enseignement
léger est possible au collège ; il peut être
encore du chemin à faire .
testables progrès au fil des années, il y a

des langues régionales, mais sous forme renforcé dans quelques rares établisse-

1 CNRS-IAAC, président de la FELCO (Fédération des enseignants de langue et la culture d'oc).


2 Université de Montpellier III, secrétaire de la FELCO.
3 Il existe également des écoles privées associatives bilingues pratiquant l'enseignement par immersion : les Calandretas, qui comptent actuellement 35 écoles primaires et un collège, et
qui scolarisent environ 2 000 élèves.
La base THESOC Parutions
11

THESOC (Thesaurus occitan : langue d'oc ou d'un départe- VERNET (Florian), Que dalle ! Tél. : 05 34 44 97 11, courriel :
http://thesaurus.unice.fr) est ment). Des outils sont fournis Quand l’argot parle occitan, I.E.O. ieonacionau@hotmail.com.
une base de données linguis- qui permettent de paramétrer edicions, 2007, 96 p.
tiques multimédia ayant pour à la demande la cartographie. Que dalle ! : rien < que d’ala, litté- REY (Alain), DUVAL (Frédéric),
ralement « que de l’aile » (il n’y a SIOUFFI (Gilles) 2007. Mille ans de
objet la langue occitane. Mise Des cartes sonorisées sont
rien, ou pas grand-chose, à man- langue française. Histoire d’une
en œuvre par une équipe diri- proposées.
ger dans l’aile d’une volaille). passion. Perrin, Paris, 1 450 p.
gée par Jean-Philippe Dalbera Les modules spécifiques Arpions, bidasse, bataclan, bou- Cet énorme ouvrage, impossible
au sein de l’UMR 60391, cette Outre les lexiques, accompa- siller, fada, fayot, empaffer, pèze, à résumer, mais à lire obstiné-
base rassemble des données gnés de données morpholo- fringues, frusques, fourguer, grol- ment, jette un regard nouveau sur
de divers ordres : données lin- giques (genre et nombre, les, racaille, tabasser… Sous l’ar- la langue française, les réalités,
guistiques écrites et orales, temps et mode, préfixes, suf- got français, nombreux sont les les mythes, les rencontres, les
données sonores, données fixes…) avec dans certains emprunts à l’occitan. Ils témoi- contacts et les échanges avec
images. Sa structure est lar- cas des tableaux de synthèse, gnent que les échanges lexicaux d’autres langues (de France et
gement tributaire de la princi- la base comporte un module entre les deux langues sont bien d’ailleurs), la variété des usages
pale source d'information morpho-syntaxique, corpus plus équilibrés que ne le laissent sociaux, le français dans le
qu'elle utilise, à savoir les de textes oraux étiquetés et penser les dictionnaires qui, monde… Il se compose de trois
devant un mot à consonance parties : Le Moyen Âge (Fr.
résultats (publiés et inédits) analysés, et doté d'outils pour
romane, lui attribuent volontiers Duval), De la Renaissance à la
de l'ensemble des enquêtes permettre les études morpho-
une origine italienne, espagnole Révolution (G. Siouffi), Du premier
réalisées par les dialectolo- logiques et syntaxiques. THE-
ou « inconnue », sans regarder du empire au XXIe siècle (A. Rey). À
gues sur ce terrain au cours SOC contient également un côté de la langue voisine… Ce noter – ce qui n’est pas si fré-
du XXe siècle. module toponymique, essen- petit livre entreprend d’étudier quent dans les ouvrages traitant
Les matériaux et leur traite- tiellement consacré à la l’influence que les truands méri- de la langue française – que les
ment microtoponymie. dionaux installés en région pari- questions concernant les langues
L’intégration dans THESOC L'exploitation sienne ont exercée sur la forma- régionales sont traitées de façon
des données des Atlas linguis- Plusieurs types d’utilisations tion de la langue du « milieu » (ou pertinente et bien informée.
tiques de la France par sont en cours de mise en mitan ou pègre…)
régions touche à sa fin. À ce place à tous les niveaux : CERQUIGLINI (Bernard) 2007. Une
jour, le nombre de fiches sai- éclairer le grand public sur la CARRERA (Aitor) 2007. Gramatica langue orpheline. Les Éditions de
aranesa. Pagès Editor, Lleida, Minuit, Paris, 240 p.
sies approche du million. Ces diversité des usages linguis-
228 p. On a longtemps cherché pour la
fiches sont lourdes d'informa- tiques en France, valoriser
L’aranais (le gascon parlé dans le langue française les origines les
tion car elles contiennent : l'aspect patrimonial, donner
Val d’Aran) était jusqu’à présent plus nobles. Découvrir qu'elle
une transcription phonétique une assise aux démarches le seul idiome jouissant d’un sta- provenait d'un latin populaire
(API), deux niveaux de trans- pédagogiques en matière de tut officiel en Espagne, qui n’ait mêlé de gaulois et de germa-
cription graphique, des propo- langue occitane, et, sur le pas été codifié. Cette grammaire nique, qu'elle était la moins latine
sitions de lemmatisation, des plan scientifique, faire de ce est la première grammaire entiè- des langues romanes fut un cha-
indications morphologiques et trésor dialectal désormais rement rédigée en aranais. Elle grin. On sut toutefois compenser
étymologiques (avec renvois commode d'accès et formaté utilise les conventions de l’ortho- ce manque initial en édifiant un
au REW2 et au FEW3), des en vue d'investigations futures graphe occitane et a une voca- idiome comparable à la latinité
références bibliographiques, un instrument de recherche tion à la fois descriptive et norma- enfuie : orthographe savante,
des compléments d'ordre eth- puissant. tive. lexique refait, grammaire réglée,
fonction sociale éminente. On sut
nographique. D'ores et déjà, les possibilités
QUINT (Nicolas) 2007. Le langue- enfin donner à la langue nationale
La navigation de traitement de la variation
docien de poche (occitan central). une origine, autochtone, enfin
Ce trésor linguistique est géographique du lexique sont
Coll. Assimil évasion, Assimil, gratifiante. L'érudition du
consultable à partir d'un en passe d'infléchir notable- Paris, 196 p. XIXe siècle a construit le tableau
tableau de bord qui ménage ment la démarche étymolo- Une excellente initiation à l’occi- flatteur du parler de l'Ile-de-
plusieurs voies d'accès aux gique et d'ouvrir des voies tan languedocien. France, dialecte orphelin devenu
données : par thème (ex. la nouvelles à l'analyse séman- l'exemple d'une perfection primi-
famille), par entrée alphabé- tique ; d'autre part le traite- INSTITUT D’ÉTUDES OCCITANES 2007. tive et comme constitutive, à tra-
tique, tant en français qu'en ment de la microvariation dia- L’Occitan… Qu’es aquò ? IEO, vers une histoire cohérente et
occitan, par localité. Les faits lectale en morphologie et en Toulouse. linéaire. Une belle légende propre
sont livrés sous forme de lis- syntaxe, qui s'inscrit dans un 16 pages en format 29 x 41 pour à congédier les doutes et à révo-
tes ou projetés sur des car- courant dynamique en en savoir plus sur l’occitan. On quer la bâtardise originelle ; mais
peut se procurer cette publica- c'est une légende.
tes ; pour visualiser celles-ci, Europe, ne peut manquer d'a-
tion gratuite en s’adressant à :
on dispose d'un zoom (affi-
chage de l'aire complète de sations à venir.
voir des effets sur les modéli-
Institut d’études occitanes, 11
rue Malcousinat, 31000 Toulouse,
Références bibliographiques
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http://aune.lpl.univ-aix.fr/guests/felibrige/ http://ieo.oc.free.fr/
http://www.revistadoc.org

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