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Abba-Ascher PEREZ | Pierre-Olivier DEMESY

TRIBUNAL JUDICIAIRE
AUD :15 septembre 2022 Chambre Correctionnelle
N° Parquet : 21266000003 7 rue du Tribunal
CS 50135
67703 SAVERNE CEDEX

Strasbourg, le 14 septembre 2022

AFFAIRE : BECK / AUCHAN


N/REF : AP/TR - 2021101
E-MAIL : aap@pa-avocats.fr

CONCLUSIONS
dans l’affaire

MINISTERE PUBLIC Monsieur Christian BECK


Prévenu
SCP PEREZ & Associés - 185 -

En présence de :

LBE OBERNAI
Partie civile
Maître Emmanuel DAOUD

Au nom et pour le compte de Monsieur Christian BECK, né le 27 mai 1971 à Strasbourg, de nationalité
française, boucher, demeurant 4 rue Albert Schweitzer 67210 OBERNAI, prévenu, j’ai l’honneur de
conclusions ainsi qu’il suit.

I. IRRECEVABILITE DE LA PARTIE CIVILE

Il convient de relever que les faits visés par la prévention en ce qui concerne la société LBE sont très
exactement les mêmes faits qui ont servi de griefs au licenciement de Monsieur BECK, pour faute
grave, intervenu le 25 juin 2019.

Dans cette lettre de licenciement, il lui est, en effet, reproché :

- L’embauche de sa femme et de sa fille,


- Le cumul des contrats d’apprentissage et de contrats d’intérim pour Camille,
- L’absence de relevés d’heures émargés,
- Les mêmes faits lui ont été reprochés pour Katia BECK, sa femme.

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61, Allée de la Robertsau - 67000 Strasbourg - Tél. : 03 . 88 . 32 . 17 . 17 - Fax : 03 . 88 . 32 . 17 . 00 - Case : 185
Il lui est également reproché d’avoir détourné de l’argent revenant à la société LBE ainsi que les
paiements en espèces.

Monsieur BECK avait évidemment contesté la totalité des faits qui lui étaient reprochés par la société
LBE.

De façon à lui mettre la pression et de tenter d’étayer son licenciement, la société LBE décidait alors
de porter plainte pénale, plainte qui ne figure même pas au dossier pénal, au courant du mois
d’octobre 2019.

Dans le cadre de la contestation de son licenciement, Monsieur BECK a pu justifier de l’ensemble des
faits reprochés par la société LBE, notamment par des documents qui étaient déjà en la possession de
la société LBE et justifie ainsi du bien-fondé de l’ensemble des décisions prises, que ce soit s’agissant
de sa femme, de sa fille ou des paiements en espèces qu’il avait utilisé pour les dépenses quotidiennes
de l’entreprise et les dépenses du personnel, au profit du personnel.

C’est dans ce cadre que la société LBE a rédigé un protocole d’accord transactionnel qui a été signé par
les deux parties le 27 janvier 2020, postérieurement à la plainte pénale déposée par la société LBE.

Par ce protocole d’accord, la société LBE a renoncé aux prétendus griefs à l’encontre de Monsieur BECK
et a accepté de verser une indemnité transactionnelle de 70.000 € correspondant à 18 mois de salaire.

Cette transaction est intervenue le 27 janvier 2020, de sorte qu’elle avait vocation nécessairement à
mettre fin à tout différend entre les parties, y compris la plainte pénale qui était antérieure à la
transaction.

En effet, la société LBE ne peut pas venir prétendre qu’elle aurait accepté de payer 70.000 € net à
Monsieur BECK, ce qui, avec les charges sociales, représente un coût quasiment du double, pour venir
ensuite réclamer des dommages et intérêts pour une plainte pénale dont Monsieur BECK n’avait
d’ailleurs aucune connaissance et qui se rapporte justement et précisément aux mêmes faits que ceux
qui ont poussé la société LBE à lui verser 70.000 €.

Si Monsieur le Procureur de la République a le choix des poursuites pénales qui peuvent continuer,
malgré la transaction entre les parties, il n’en est pas de même de la part de la partie civile qui a transigé
en toute connaissance de cause.

La société LBE savait qu’elle avait déposé une plainte pénale à l’encontre de Monsieur BECK et a
transigé avec Monsieur BECK.

Il n’est pas possible aujourd’hui, alors même que Monsieur BECK ignorait totalement l’existence de
cette plainte pénale, de venir prétendre que cette transaction n’avait comme seul but que d’éteindre
les poursuites prud’homales et, en aucun cas, les poursuites pénales.

Le fait pour la société LBE, rédacteur de cette transaction, d’avoir plus particulièrement pu insister sur
les renoncements de Monsieur BECK à l’encontre de la société LBE, et ne pas avoir remis le même laïus
pour la société LBE à l’encontre de Monsieur BECK, est manifestement une manœuvre déloyale
puisqu’aujourd’hui, elle tente d’indique que cette transaction ne couvrirait pas les poursuites pénales.

En réalité, le texte même de la transaction prévoit :

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Ce texte prévoit expressément qu’il met fin au différend existant entre les parties, tant en ce qui
concerne la formation, l’exécution et la rupture des relations de travail et les conséquences pécuniaires
qui en découlent.

Il est bien évident que les faits reprochés à Monsieur BECK se sont déroulés pendant l’exécution de la
relation de travail et que, par voie de conséquence, les conséquences pécuniaires qui en découlent
sont également réglées par cette transaction.

L’article 5 de cette convention de transaction est également très claire, puisqu’il indique :

Dans la mesure où tous les comptes se trouvent définitivement réglés et apurés entre les parties, pour
quelque cause que ce soit, il est bien évident que la société LBE ne peut pas se porter partie civile pour
les faits qui sont expressément visés par la transaction, à savoir les griefs faits à Monsieur BECK dans
sa lettre de licenciement et dans le texte de la transaction.

Enfin, il convient de rappeler que le principe en droit du travail est constant.

La responsabilité d’un salarié ne peut être engagée envers son employeur qu’en cas de faute lourde.

Dans le cas de Monsieur BECK, celui-ci n’a pas été licencié pour faute lourde, mais exclusivement pour
faute grave, de sorte que l’employeur ne peut se prévaloir de la responsabilité pécuniaire du salarié,
même devant les juridictions pénales et que l’ensemble de ses fautes a été effacée par la transaction.

Pour condamner un salarié à verser des dommages et intérêts à son employeur, il faut donc
caractériser une faute lourde du salarié (Soc. 3 février 2021 / n° 19-24.102)

Dès lors que l’employeur n’invoque pas une telle faute lourde, la responsabilité pécuniaire du salarié
ne peut être engagée (Soc. 30 Septembre 2014 – n° 13-20.082)

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du
salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission
d’un acte préjudiciable à l’entreprise (Soc. 8 février 2017, 15-21.064).

La seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ne suffit pas à constituer une faute lourde,
la volonté de nuire du salarié à l’employeur doit être caractérisée (Soc. 22 octobre 2015 n° 14-11801).

Par conséquent, la responsabilité pécuniaire du salarié licencié pour faute grave ne peut être engagée
en l’absence de faits, distincts de ceux visés par la lettre de licenciement, susceptibles de caractériser
une faute lourde (Soc. 25 janvier 2017 n° 14-26071)

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Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de l’existence de faits caractérisant une faute
impliquant la volonté du salarié de porter préjudice à l’employeur.

La faute lourde, seule susceptible d’engager la responsabilité du salarié envers son employeur, est
caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter
préjudice dans la commission du fait fautif (CA VERSAILLES ch. 21 21 janvier 2021 / n° 17/02843).

Il convient de rappeler que même en matière pénale les intérêts civils sont
gouvernés par les règles de droit civil – donc en l’espèce les règles du droit du
travail
Donc comme il y a eu licenciement pour faute grave et non pour faute lourde
il n'y a pas de responsabilité pécuniaire du salarié à l'égard de son employeur.

La constitution de partie civile est donc irrecevable à l’encontre de Monsieur BECK.

Elle est, de surcroît, totalement infondée.

II. SUR LES FAITS

Outre l’existence de cette transaction, qui démontre clairement qu’en réalité, la société LBE n’avait
absolument rien de concret à reprocher à Monsieur BECK, puisqu’elle a accepté de transiger et de
payer en sus 70.000 €, ce qui démontre qu’il n’y avait pas d’infraction pénale, nous allons, malgré tout,
reprendre les griefs qui sont listés dans la prévention.

En effet, il convient de s’interroger sur l’intérêt de la société LBE de transiger sur le dossier prud’homal
avec Monsieur BECK, si elle entendait maintenir ses griefs à l’encontre de celui-ci.

Il est bien évident que si Monsieur BECK avait commis des infractions pénales à l’encontre de la société
LBE, le licenciement aurait été maintenu et aucune transaction ne serait intervenue, la société LBE
aurait alors été bien fondée à procéder au licenciement de Monsieur BECK.

1) L’abus de biens sociaux

A titre liminaire, et pour qu’il y ait abus de biens sociaux, il est nécessaire de démontrer au préalable
que Monsieur BECK était dirigeant de fait ou de droit de la société LBE.

Il n’est évidemment par le dirigeant de droit de cette société, mais il n’en a jamais été dirigeant de fait.

Sa fonction, comme cela résulte d’ailleurs de ses fiches de paie, était simplement directeur de
laboratoire, c’est-à-dire qu’il était chargé de manager une équipe de 5 à 7 personnes et plusieurs
intérimaires dans le cadre du travail quotidien du laboratoire qui préparait des viandes pour les
magasins du groupe AUCHAN.

De surcroît, la prévention vise le fait que Monsieur BECK aurait utilisé la carte bancaire de la société
LBE pour procéder à des achats à son seul bénéfice, à hauteur de 16.059 €.

Tout d’abord, il n’existe pas et il n’a jamais existé de carte bancaire de la société LBE et, en tous cas,
Monsieur BECK n’a jamais eu de carte bancaire au nom de la société LBE.

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Les faits listés dans la prévention lient le Tribunal, de sorte qu’à ce seul titre déjà, la relaxe de
Monsieur BECK devra être ordonnée.

Par ailleurs, rien dans le dossier pénal ne permet de justifier de l’existence d’achats qui auraient été
effectués par Monsieur BECK, de surcroit avec une carte bancaire inexistante, puisqu’il n’y a aucun
listing d’achat, aucune facture d’achat, aucun relevé de carte bancaire, rien, absolument rien.

Ensuite, et pour revenir à la qualification de dirigeant de fait de la société LBE, il convient de relever
que Monsieur BECK :

- Ne disposait pas d’une carte bancaire,


- Ne disposait pas de la signature sociale,
- Ne disposait pas de la signature bancaire,
- N’avait aucune possibilité d’aucune sorte de donner un ordre de virement ou un ordre de
paiement,
- Ne rédigeait pas les contrats de travail,
- Ne licenciait pas le personnel,
- Ne disposait même pas du pouvoir disciplinaire,
- Ne pouvait pas, de son propre chef, acheter un timbre-poste ou un stylo sans que la dépense
ne soit validée par les services administratifs ou les services d’achat du groupe AUCHAN,
- Avait, en permanence, au minimum, deux degrés hiérarchiques au-dessus de lui,
- Ne disposait d’aucune liberté de gestion,
- Ne déposait pas d’argent à la banque,
- N’avait pas de chéquier ou de code de banque à distance ou quoi que ce soit.

Tout était orchestré, vérifié, validé et ordonné par les services du groupe au-dessus de Monsieur BECK.

La partie civile tente de se prévaloir d’une prétendue délégation de pouvoir qui ne figure d’ailleurs
absolument pas au dossier pénal, délégation de pouvoir qui semble n’être en réalité qu’un pare-feu
pour protéger les réels dirigeants du groupe de leur responsabilité, puisque Monsieur BECK n’avait, en
réalité, absolument aucune liberté d’aucune sorte.

Il suffit d’ailleurs de reprendre le coefficient de Monsieur BECK pour constater que celui-ci était classé,
niveau VII, échelon 3 de la convention collective, qui ne correspond même pas à un cadre, mais
exclusivement à un agent de maîtrise.

Pour être considéré comme un cadre dirigeant, il faut être classé au-dessus du niveau X de la
convention collective, ce qui n’est largement pas le cas de Monsieur BECK.

Monsieur BECK était donc classé comme un agent de maîtrise mais le statut cadre lui ayant été accordé
depuis des années au sein du groupe, étant précisé que Monsieur BECK a eu toute son activité
professionnelle au sein du seul groupe AUCHAN, il n’était pas possible de le déclasser en agent de
maîtrise.

Cf : Convention collective

Même sa prime d’ancienneté de 10 % était calculée sur le niveau d’un agent de maîtrise puisque pour
10 % d’ancienneté, Monsieur BECK ne percevait que 312,30 €, ce qui démontre bien qu’il n’avait
aucune fonction de dirigeant, ni en matière de pouvoir ni forcément en matière de responsabilité
pénale.

Il était simplement le Directeur du laboratoire boucherie, comme il aurait pu être le Directeur du


laboratoire boucherie de l’une des centaines de grandes surfaces du groupe AUCHAN.

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La qualité de dirigeant de droit ne peut, en aucun cas, lui être attribuée.

Il convient également de rappeler que même lorsqu’il a embauché sa femme ou sa fille, cela a été, au
préalable, validé par sa hiérarchie, comme cela est d’ailleurs parfaitement exposé dans la convention
de transaction.

Monsieur BECK ne disposait d’aucune liberté d’aucune sorte, à part peut-être la quantité de sel à
mettre dans une viande ou la taille de découpe des entrecôtes (et encore, même ce point devait être
validé par la hiérarchie).

Les embauches de sa femme et de sa fille ont nécessairement été validées par le siège.

Monsieur BECK avait si peu de libertés que pour pouvoir subvenir aux petites dépenses du quotidien,
comme le petit déjeuner du matin ou le repas de midi pour le personnel, il a dû organiser une caisse
noire, qui était parfaitement connue, elle aussi, de sa hiérarchie.

En effet, tous les membres du personnel de l’entreprise mangeaient tous ensemble le matin, lors de la
réunion de débriefing, au cours d’un petit déjeuner et mangeait tous ensemble le repas de midi.

Cela ressort clairement des auditions et le fait que chacun des employés préparait pour l’ensemble du
personnel, chacun à son tour, le repas de midi.

Il convient de rappeler que travailler dans un laboratoire de boucherie est un métier particulièrement
dur, en permanence au froid, avec les mains mouillées de sang ou d’eau et que, pour maintenir une
équipe dans de telles conditions, il est nécessaire qu’il y ait une très forte cohésion de groupe, d’où la
nécessité de ces temps de pause conviviaux autour du petit déjeuner et du repas de midi.

Les personnes auditionnées ont toutes indiqué qu’il y avait effectivement les deux repas quotidiens
qui étaient organisés pour le petit déjeuner et pour le midi.

Pour pouvoir payer ces repas, il a fallu faire des achats de petits pains ou de croissants, de nutella ou
de café, et toutes ces factures ont été systématiquement, soit payées en espèces, soit adressées à la
Direction quand il s’agissait d’un fournisseur officiel référencé par le groupe AUCHAN, qui validait la
facture et ordonnait ensuite le paiement directement au fournisseur.

Il est bien évident que quand un laboratoire de boucherie achète du chocolat, du café, du homard ou
du foie gras et que le tout est détaillé sur la facture envoyée à la Direction, il ne s’agit à l’évidence pas
de mettre du café dans les découpes de steaks.

Il est évident que rient n’a été dissimulé au groupe AUCHAN et à la Direction de la société LBE qui a,
systématiquement, validé l’ensemble des paiements ou des factures qui lui étaient adressées par les
fournisseurs.

Il n’y a eu aucun détournement d’argent et l’ensemble des commandes réalisées ou des espèces
récoltées, ont été utilisés au profit de la société LBE.

Bien mieux, les dirigeants de la société LBE ou les supérieurs hiérarchiques de Monsieur BECK sont
venus à plusieurs reprises pour contrôler le site d’OBERNAI ou pour voir comment fonctionnait le

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laboratoire et ont pris systématiquement le petit déjeuner ou le repas de midi avec le personnel et ont
forcément constaté l’existence des petits pains et des croissants et de ces achats qui ne pouvaient
donc être effectués qu’en espèces.

Il en est ainsi de la caisse noire puisque tous les matins, Monsieur BECK apportait des croissants et des
baguettes de pains pour midi, qui étaient payés en espèces avec l’argent de la « caisse noire ».

C’est donc avec l’aval de sa Direction que certaines factures ont également été encaissées en espèces
pour que, justement, le laboratoire puisse disposer d’un peu d’argent liquide, pour pouvoir acheter un
trombone ou même des écrans d’ordinateur ou des douchettes parce que, passer par le circuit
AUCHAN, aurait pris des semaines, alors qu’il y avait parfois urgence.

Encore une fois, il suffit de reprendre le texte de la transaction signée postérieurement à la plainte
pénale puisqu’il est indiqué, page 3/6 :

Ce deuxième reproche fait à Monsieur BECK n’a pas plus de consistance que le premier.

2) Les relevés frauduleux, paiement d’heures injustifiées et taux horaire surévalué

Là encore, le Tribunal constatera que si ce reproche tenait effectivement la route, jamais la société LBE
n’aurait accepté de verser 70.000 € à Monsieur BECK mais aurait, au contraire, maintenu son
licenciement pour faute grave.

Bien mieux, il est constant que les factures détaillées des entreprises de travail temporaire étaient
systématiquement adressées à la Direction de LBE, que celle-ci vérifiait ces factures et en ordonnait
ensuite le paiement.

Sur chaque facture (nombre de factures dans le dossier), il y a le détail du nombre d’heures faites pour
chaque mission et le taux horaire, ainsi que le nom des intérimaires employés, de sorte que le groupe
AUCHAN ou, en tout état de cause, la Direction de la société LBE savait dès le premier mois que
Mesdames Katia et Camille BECK travaillaient pour le compte de la société LBE et ont validé ce fait.

Si le même nombre d’heures était mentionné tous les mois, c’est simplement parce que ces deux
salariés s’investissaient à fond pour que le projet LBE réussisse et ne comptaient pas leurs heures.

Cela est d’ailleurs reconnu par tous les salariés qui ont été auditionnés et qui ont tous indiqué que
c’étaient de « grosses travailleuses » et donc plutôt que d’avoir à payer des heures supplémentaires
une semaine sur deux, la rémunération était lissée annuellement et le salaire maintenu, dans le cadre
d’une sorte d’annualisation du temps de travail, comme cela est autorisé par la loi.

Ceci a été fait de surcroît avec l’aval de la Direction de l’entreprise, comme cela est rappelé clairement
dans la convention de transaction.

S’agissant du taux de la prestation, il semble que soit reproché à Monsieur BECK le fait d’avoir trompé
son employeur en indiquant un taux horaire plus élevé pour sa femme et sa fille que pour les autres
salariés.

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S’agissant de Camille, il ressort des fiches de paie produites qu’elle a eu, tout au long de son contrat,
un salaire brut de 9,88 € de l’heure au titre de son travail, par le biais de GENY INTERIM.

Pour AGRI TEAM, il suffit de comparer les 5 factures présentes au dossier pénal pour constater que le
taux de facturation horaire par l’agence d’intérim, qui ne correspond au montant du salaire, est de
20,10 € de l’heure, à comparer de celui de Monsieur BIERROT Raphaël à 20,10 € de l’heure, COLLIN
Lucas à 24 € ou HEYWANG Francis à 24 €.

Chez GENY AGRO, le taux de Camille BECK est de 19,859 € de l’heure de facturation, soit très
exactement comme JACQUOT Hugues, LEHAY Mathieu, MEYER Anthony ou LUTTMANN Morgane.

Enfin, et même à supposer qu’elle ait été payée plus cher que les autres salariés, on voit mal quel délit
pénal pourrait être fait à Monsieur BECK.

Il est important de préciser que, contrairement aux déclarations de l’agence d’intérim, Monsieur BECK
n’avait absolument aucune liberté pour fixer le taux horaire des salariés en intérim, puisqu’un barème
était en vigueur entre cette société d’intérim et les sociétés du groupe AUCHAN, dont faisait partie la
société LBE.

Il est produit un échange de mails entre Monsieur BECK et Madame FRIESS-MAURER de l’agence AGRI
TEAM, qui montre clairement que Monsieur BECK n’avait absolument aucune liberté pour fixer les
salaires et que le salaire de son épouse était strictement régi par les conventions existant entre le
groupe AUCHAN et la société d’intérim elle-même.

S’agissant de Madame Katia BECK, celle-ci a été facturée 25 € de l’heure, parce qu’elle avait un poste
de responsable, à comparer avec COLLIN Lucas à 24 € de l’heure ou HEYWANG Francis à 24 € de l’heure.

Enfin, et une fois encore, ces factures ont toutes été envoyées à la Direction de LBE et payées par la
Direction de LBE qui ont eu tout loisir de voir les noms de BECK et le taux appliqué, de pouvoir le
comparer avec le taux des autres salariés, sans jamais y voir malice ni a fortiori délit pénal.

Ce n’est que lorsque la Direction de LBE a décidé de ferme le laboratoire d’OBERNAI, qu’ils ont choisi
ces prétextes pour pouvoir tenter de licencier Monsieur BECK à moindre coût.

Ils se sont ensuite évidemment rendus compte de leur erreur et de la fausseté de leurs arguments
puisqu’ils ont accepté de verser 70.000 € à Monsieur BECK, dans le cadre d’une transaction.

Là encore, la relaxe s’impose et aucune faute ne peut être caractérisée contre Monsieur BECK.

3) Sur le cumul d’emplois

A titre liminaire, le Tribunal s’interrogera sur le fait de savoir pourquoi seul le prétendu dirigeant de
fait de la société LBE, qui n’en a jamais été dirigeant, serait poursuivi pour cette infraction, et non pas
le dirigeant de droit de l’entreprise et pourquoi, surtout, la société elle-même, en qualité de personne
morale, ne serait pas poursuivie, puisqu’à l’évidence ce n’est pas Monsieur BECK qui était l’employeur
de sa femme et de sa fille, mais bien la société LBE.

Comme l’a reconnu Monsieur BECK, il ne savait pas que l’on ne pouvait cumuler deux emplois, surtout
au sein de la même société, et reconnaît qu’il a simplement commis une erreur.

Mais il convient de rappeler que Monsieur BECK est boucher de formation, qu’il n’a absolument
aucune notion de droit, ou de management, que le groupe AUCHAN ne lui a délivré absolument aucune
formation et que l’ensemble des contrats ont été validés par le groupe et par son encadrement.

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S’il devait y avoir un souci avec l’embauche ou le cumul d’emploi, il appartenait à l’encadrement de la
société LBE d’attirer l’attention de Monsieur BECK sur ce point ou de refuser la validation du contrat.

S’agissant de sa femme, il n’y a absolument aucun cumul d’emploi interdit, puisqu’à aucun moment,
sa femme n’a eu de double emploi ou n’a travaillé au-delà de la durée du travail autorisé.

Cela ressort clairement des fiches de paie de Madame BECK.

La Cour de Cassation a eu l’occasion de rappeler, dans un arrêt déjà ancien de 1993, que la violation
du dépassement de la durée du travail résulte de l’accomplissement effectif de travaux au-delà de la
durée autorisée, mais non simplement de l’existence de deux contrats de travail.

Il convient également de rappeler que, pendant cette période, Madame BECK n’a perçu ni salaire, ni
indemnités CPAM, ni indemnités de POLE EMPLOI.

Elle n’a pas travaillé pour le compte de la société ATAC pendant cette période et rien ne l’obligeait à
démissionner.

La seule sanction qui puisse éventuellement exister, c’était que son employeur initial la licencie, pour
absence injustifiée, ce qui s’est effectivement produit.

Monsieur BECK devra donc être dégagé des fins de la poursuite à ce titre et la partie civile totalement
déboutée de toutes ses demandes.

Pour être complet, il semble être reproché à la société LBE une sorte d’emploi fictif, ce qui n’est
absolument d’ailleurs pas visé par la prévention, pour Mesdames Camille et Katia BECK, alors que les
auditions démontrent clairement qu’elles ont effectivement travaillé, et plutôt deux fois qu’une, pour
le compte de la société LBE.

Aucune disposition, que ce soit en droit pénal ou en droit du travail n’impose qu’un salarié doive signer
des fiches d’heures, même lorsqu’il est en travail temporaire.

Si la société LBE souhaitait contrôler les horaires de travail de ses employés, il lui appartenait de mettre
en place une pointeuse.

Rien dans le dossier pénal ne permet de justifier que les horaires mentionnés et payés ne
correspondent pas à un lissage de la rémunération, de sorte que la demande de la partie civile qui
chiffre son prétendu préjudice à plus de 111.000 € et 35.000 € pour Mesdames, Katia et Camille BECK,
n’est absolument pas fondée.

Enfin, et s’il était encore nécessaire de démontrer qu’aucune décision n’a été prise par Monsieur BECK,
seul, il est produit un mail du groupe AUCHAN, relatif à la convocation à l’entretien préalable d’une
salariée, qui démontre clairement que l’employeur disposait de la signature informatique de Monsieur
BECK et qu’il pouvait la déposer sur n’importe lequel des courriers.

Ce courrier à l’entête de AUCHAN RETAIL le démontre sans aucun conteste.

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III. LES INFRACTIONS REPROCHES A MONSIEUR BECK SANS LIEN AVEC LA SOCIETE LBE

1)

Il est reproché à Monsieur BECK :

Le Tribunal, à la lecture de la prévention, constatera qu’il n’existe aucune infraction pénale relatée
dans cette prévention.

A l’évidence, il doit manquer des mots qui permettent de qualifier une infraction, comme par exemple,
« sans avoir au préalable requis sont inscription auprès du Registre du Commerce et des Sociétés ».

A l’évidence, cette phrase qui doit apparaître systématiquement dans le logiciel des services de
poursuites pour la prévention a été supprimée volontairement par les services de poursuite puisqu’il
résulte du dossier pénal que Monsieur BECK était effectivement immatriculé en qualité d’auto-
entrepreneur depuis 2004.

L’infraction, outre le fait qu’elle n’est pas caractérisée dans la prévention et qu’elle ne peut pas avoir
saisi le Tribunal, n’est donc, de surcroît, pas constituée, puisque Monsieur BECK est immatriculé.

La réponse de l’URSSAF résulte simplement d’une erreur de saisie de numéro, dans la mesure où elle
a saisi un mauvais numéro, conformément à sa réponse figurant dans le dossier pénal.

De surcroît, il convient de rappeler que l’activité d’animation musicale de Monsieur BECK était
totalement sporadique et absolument pas faite dans un but lucratif, puisqu’il ressort des auditions que
Monsieur BECK effectuait le plus souvent cette animation musicale à titre bénévole.

C’est ainsi que, dans son audition, Monsieur GRADWOHL du comité des fêtes d'Obernai indique que
c’est lui qui a forcé Monsieur BECK, a posteriori, à accepter de l’argent pour quatre prestations
antérieures.

En tout état de cause, cette infraction est insuffisamment caractérisée par la prévention et ne peut
donc avoir saisi le Tribunal de céans.

2) Factures non conformes

Une fois encore, seule les mentions de la prévention saisissent le Tribunal à l’encontre de Monsieur
BECK.

Il suffit de reprendre la prévention et un exemple de facture, pour constater que /

- Le nom des parties y figure,


- L’adresse des parties y figure,
- La date de la prestation de services y figure,
- La dénomination précise y figure,

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- Le prix unitaire des services vendus y figure,
- Il n’existe toutefois aucune réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation
de services,
- La date de règlement à intervenir est prévue, immédiatement à la fin de la soirée, en espèces,
- Il n’y a pas de condition d’escompte,
- Il n’y a pas de pénalités exigibles du fait du règlement immédiat,
- Il n’y a pas d’indemnité forfaitaire du fait du règlement immédiat,
- Il n’y a pas besoin d’indiquer un numéro de bon de commence lorsqu’il a été préalablement
établi par l’acheteur, dans la mesure où le bon de commande et la facture sont les mêmes
documents, comme le précise l’intitulé.

3) Fausses déclarations ou déclarations incomplètes

Outre le fait que Monsieur BECK n’a jamais été inscrit au chômage avant son licenciement par la société
LBE, et qu’il ne savait absolument pas ce qu’il y avait lieu de déclarer à POLE EMPLOI et, de surcroît,
s’agissant d’un hobby qui, pour lui, n’était pas une activité devant donner lieu à une déclaration à POLE
EMPLOI, d’autant que l’essentiel de son activité s’est déroulé à l’étranger, en Allemagne, et qu’il ne
pensait pas qu’il devait déclarer les sommes perçues à POLE EMPLOI.

Il n’y avait donc absolument aucune intention de Monsieur BECK de se soustraire à ses obligations.

Enfin, le Tribunal constatera qu’à aucun moment, dans le dossier pénal, ne figure une déclaration faite
par Monsieur BECK à POLE EMPLOI, concernant ses ressources ou concernant une déclaration de
revenus ou d’activité minorée.

Le grief visé par la prévention est celui d’avoir fourni sciemment une fausse déclaration ou une
déclaration incomplète, en vue d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un organisme de protection sociale
un paiement indu.

Rien dans le dossier pénal ne permet de justifier que Monsieur BECK aurait fourni une fausse
déclaration ou une déclaration incomplète, en l’absence de déclaration dans le dossier.

La seule déclaration figurant au dossier est celle du 4 décembre 2019, date de sa demande de
réinscription à POLE EMPLOI.

Par ailleurs, les services enquêteurs ont commis une grave erreur d’appréciation, puisqu’ils ont
attribué à Monsieur BECK des prestations musicales à hauteur de 16.313,43 € de la VILLA SCHMIDT en
Allemagne, alors qu’en réalité, ne sont produits que trois factures dans le dossier pénal à hauteur de
6.000 € faites à la société VILLA SCHMIDT.

Il ressort également de l’audition de Madame GENY, gérante de la société VILLA SCHMIDT, qui a
clairement indiqué que la somme de 16.313,43 € ne correspondait absolument pas aux seules
prestations d’animations musicales de Monsieur BECK, mais également au salaire de sa femme et au
salaire de son fils qui avaient travaillé pour le compte de la VILLA SCHMIDT.

Enfin, les trois factures produites et qui sont présentes au dossier pénal correspondent à :

- 4.000 € pour le mois d’octobre, alors que Monsieur BECK n’a pas été indemnisé pour le mois
d’octobre 2019, puisqu’il a été radié justement pour absence de déclaration,

- 2.000 € pour le mois de novembre alors qu’il n’était même pas inscrit à POLE EMPLOI en
novembre 2019,

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- 2.000 € pour le mois de décembre 2019, alors qu’il n’a demandé sa réinscription qu’à compter
du 4 décembre 2019.

Rien ne permet, dans la prévention, de justifier qu’il aurait cumulé des prestations chômage et une
activité, ce qui, de surcroît, n’est pas visé dans la prévention puisque la prévention ne vise que la fausse
déclaration.

Il convient de rappeler également que Monsieur BECK n’a perçu de POLE EMPLOI, pour la période
d’inscription du 27 juin 2019 au 31 octobre 2019, qu’une somme de 5.000 € qui correspond à
exclusivement aux allocations du mois d’août et de septembre 2019.

Il est produit par Monsieur BECK son attestation de versement pour les mois d’août et septembre
2019.

Outre le fait qu’il n’y a absolument aucune trace d’une quelconque fausse déclaration de Monsieur
BECK à POLE EMPLOI dans le dossier pénal, il a été démontré que sur les 16.313,43 €, faussement
attribués par les services d’enquête à la VILLASCHMIDT, aucun montant n’est lié à la période de
chômage.

Bien mieux, il est prouvé qu’il n’y a eu aucune fausse déclaration, puisque POLE EMPLOI reproche à
Monsieur BECK « de ne pas avoir actualisé sa situation » et que, par voie de conséquence, il ne sera
pas indemnisé pour le mois d’octobre.

4) La dissimulation volontaire de revenus

Enfin, le dernier grief fait à Monsieur BECK serait de ne pas avoir déclaré les revenus de son activité
musicale sur quatre années : 2016, 2017, 2018 et 2019.

Il convient de rappeler qu’il s’agit, en réalité de toutes petites sommes qui correspondent plus à la
mise à disposition par Monsieur BECK de son matériel, au déplacement de celui-ci, parfois à la location
d’une camionnette pour le déplacer avec l’aide de son fils, plutôt qu’au paiement d’une réelle activité
musicale.

En effet, comme cela ressort du dossier pénal et des déclarations des personnes ayant bénéficié de ses
prestations, il ressort que le plus souvent ses prestations étaient bénévoles.

Les montants sont particulièrement faibles, comme par exemple, 600 € pour toute l’année 2016 où
2.900 € en 2018, qui ont fait que Monsieur BECK n’avait pas l’intention de dissimuler ces revenus, il les
a simplement oubliés.

Il s’agit, en tout état de cause, de la seule infraction que Monsieur BECK puisse effectivement
reconnaître.

Il est demandé, à ce titre, la clémence du Tribunal, étant précisé que s’agissant de POLE EMPLOI, celle-
ci a d’ores et déjà récupéré les sommes qu’elle estimait dues par Monsieur BECK, alors qu’en réalité,
elles ne sont même pas dues.

Il est donc demandé une dispense de peine pour Monsieur BECK.

S’agissant des faits en lien avec la société LBE, il est demandé la relaxe pure et simple de Monsieur
BECK, de l’ensemble des faits visés à la prévention.

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Il convient également de rappeler qu’au départ, Monsieur BECK avait été convoqué en vue d’une CRPC
où Monsieur le Procureur de la République avait proposé des peines particulièrement clémentes à
Monsieur BECK puisqu’il s’agissait simplement ***

Monsieur BECK a refusé la CRPC, non pas pour le quantum de la peine, mais parce qu’il ne
reconnaissait, en réalité n’avoir commis aucune infraction à l’encontre de la société LBE.

Accepter une CRPC revenait d’ailleurs à faire condamner Monsieur BECK à l’ensemble des sommes
réclamées par la partie civile, alors qu’aucune de ces sommes n’est due et qu’aucun préjudice n’existe
et qu’une transaction a été signée.

PAR CES MOTIFS

PLAISE AU TRIBUNAL

CONSTATER qu’une transaction a été régularisée entre la société LBE et Monsieur BECK et qu’elle
éteint irrémédiablement l’ensemble des poursuites civiles,

DECLARER la constitution de partie civile de la société LBE irrecevable,

CONSTATER qu’en tout état de cause, il n’existe aucun préjudice prouvé de la société LBE,

RELAXER Monsieur Christian BECK pour le surplus,

Pour la seule infraction reconnue, FAIRE PREUVE de clémence à l’égard de Monsieur BECK.

Pour la SCP,

Abba-Ascher PEREZ - Avocat

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