Vous êtes sur la page 1sur 63

ICNA / MCTA

2016

Mathieu CARLINO
Quentin PAGAT

ICNA13A
Mémoire de fin d'études
Octobre 2016
Les Aléas de la Communication Sol / Bord

L a r é f é re n c e a é ro n a u t i q u e
Page intentionnellement laissée blanche
Titre du projet de fin d’études :

Les Aléas de la Communication Sol / Bord : Détecter, Comprendre, Agir

Sujet détaillé :

La mission de sécurité du contrôleur aérien repose en grande partie sur la


qualité de la communication radio avec les équipages. Par l’étude des aléas
de la communication sol / bord, il va s’agir d’abord de les détecter, de les
comprendre, et enfin d’agir pour tendre à en réduire le nombre et l’impact.
Nous remarquons à Roissy-CDG la présence de trois problèmes principaux
concernant notre étude : l’écoute des collationnements, les incitations impli-
cites ainsi que les significations non partagées. Nous allons donc tenter de
décrire ces trois aléas, de chercher des explications à ces derniers, et de trou-
ver des solutions pour améliorer la situation. Pour cela, nous allons étudier
les actions entreprises à Roissy, en France et dans le monde, ainsi que, le cas
échéant, proposer des pistes d’amélioration nouvelles.
Page intentionnellement laissée blanche
Remerciements
Nous tenons à remercier :

Patricia Ithier, Chef de Subdivision Qualité de Service et Sécurité (QS/S)


à l’aéroport Roissy-Charles-De-Gaulle, pour son implication et pour le rôle
central qu’elle a joué en tant que maître de mémoire dans l’organisation de
ce projet, sa construction et son aboutissement ;

Bertrand Foucher, notre Inspecteur des Études, pour son soutien et le


suivi de notre travail qu’il a assuré tout au long de ce projet ;

Pierre-Antoine Languet, assistant de Subdivision Instruction à Roissy-


CDG, pour nous avoir orienté initialement vers ce sujet ;

Patrick Berthault, assistant de Subdivision QS/S à Roissy-CDG, pour


sa précieuse collaboration et l’efficacité de ses explications sur les probléma-
tiques majeures de notre sujet ;

Tim Miller, professeur d’anglais à Roissy-CDG, pour nous avoir aidé à


la traduction en anglais de notre questionnaire adressé aux contrôleurs de
Roissy-CDG et aux pilotes de compagnies françaises et étrangères, dans le
but de lui donner une portée internationale ;

Pierre Berolatti, chargé de mission à la direction de l’organisme Roissy-


Le Bourget, pour son appui et sa sensibilisation aux objectifs de CDG 2020 ;

Nicolas Perrin, Ingénieur du Contrôle de la Navigation Aérienne à l’aé-


roport Roissy-CDG, pour nous avoir fourni des documents et exemples pré-
cieux et nécessaires au bon déroulement de notre soutenance orale ;

Gaël Vincent, assistant de Subdivision Contrôle à l’aéroport Roissy-


CDG, pour la clarté de ses explications sur la réglementation française et
européenne en termes d’utilisation de la phraséologie ;

Guilain Herrmann, Ingénieur du Contrôle de la Navigation Aérienne dé-


taché à la subdivision Instruction-Formation Continue à Roissy-CDG, pour
nous avoir fourni des enregistrements de fréquence illustrant nos propos ;

Tous les contrôleurs aériens et pilotes français et étrangers ayant par-


ticipé à notre questionnaire pour le temps qu’ils nous ont accordé, sans
lesquels nous n’aurions pu obtenir des résultats convaincants.
Page intentionnellement laissée blanche
Abstract

Despite the fact that flying is the safest way to travel on this day, air
transport safety still needs to be improved. Indeed, only one accident per
million of flights occurs but this figure has not progressed for almost 30
years. Several studies about technical improvements are conducted these
days, but only a few deal with communication ones. However, communi-
cation issues can represent a real threat to air navigation safety, as some
events that occured at Roissy-Charles-de-Gaulle airport have shown. What
sort of communication issues can be found on this airport ? How can they
be detected, understood, and what actions can be conducted to reduce their
number and their impact ? In order to understand these issues, this paper
firstly presents the history and the description of the specialized language
that must be used, then contains our description and understanding of these
issues, based on our control experience at CDG airport. It finally includes
the study of two important topical problems and some possible resolutions
to them.
Page intentionnellement laissée blanche
“Entre ce que je pense,
ce que je veux dire,
ce que je crois dire,
ce que je dis,
ce que vous voulez entendre,
ce que vous entendez,
ce que vous croyez en comprendre,
ce que vous voulez comprendre,
et ce que vous comprenez,
il y a au moins neuf possibilités
de ne pas se comprendre.”

B. Werber
Page intentionnellement laissée blanche
Table des matières
Introduction 1

1 Communication Sol / Bord et Phraséologie 3


1.1 Historique et contexte de la phraséologie . . . . . . . . . . . . 3
1.1.1 Historique d’une normalisation . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.2 Contexte d’utilisation de la phraséologie . . . . . . . . 6
1.2 Description et caractéristiques de la phraséologie . . . . . . . 8
1.2.1 L’ordre de priorité des messages . . . . . . . . . . . . 8
1.2.2 La composition des messages . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2.3 La syntaxe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.4 Les expressions conventionnelles . . . . . . . . . . . . 10
1.2.5 La prononciation des chiffres et des lettres . . . . . . . 11
1.3 Notion de plain language . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

2 Comprendre les aléas de la communication 15


2.1 Le contexte des locuteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.1.1 Absence de signaux non verbaux . . . . . . . . . . . . 17
2.1.2 Vigilance, expérience et stress . . . . . . . . . . . . . . 18
2.1.3 Le contexte d’attente opérationnelle . . . . . . . . . . 19
2.1.4 Manque de conscience partagée de la situation . . . . 20
2.2 Les aléas verbaux et paraverbaux . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.2.1 Variations libres de la phraséologie . . . . . . . . . . . 22
2.2.2 Significations non partagées . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.2.3 Débit de parole, intonation, instructions multiples . . 26
2.2.4 Incitations implicites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.3 Une barrière aux aléas : le collationnement . . . . . . . . . . 29

3 Agir à Roissy-Charles-de-Gaulle 31
3.1 Présentation de la plateforme et contexte . . . . . . . . . . . 31
3.2 Problématique du “hold short” . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3.3 L’anglais : vers une meilleure conscience partagée de la situation 37

Conclusion 41
Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Glossaire 43

Bibliographie 45

Annexes 47

ENAC page 12 Octobre 2016


Page intentionnellement laissée blanche
Page intentionnellement laissée blanche
Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Introduction
De nos jours, la sécurité du transport aérien est une problématique plus
que jamais d’actualité. En effet, la sécurité aérienne est certes bonne, avec
un accident par million de départs, mais elle ne progresse plus depuis près
de 30 ans. En combinant la stagnation du taux d’accident avec la croissance
du trafic aérien commercial, les spécialistes de la sécurité se sont aperçus
que dans un avenir proche, le nombre d’accidents pourrait atteindre une li-
mite insupportable aux yeux du grand public ; il faut donc continuer à faire
progresser la sécurité du transport aérien.

La sécurité aérienne en temps réel est le fruit d’un mélange du travail


de deux agents principaux : les pilotes et les contrôleurs aériens. Ces deux
communautés travaillent en harmonie pour fournir un service le plus sûr et
efficace possible. Ils oeuvrent en symbiose, avec cet objectif commun qu’est
la sécurité, chacun évoluant toutefois au quotidien dans son environnement
particulier, propre à ses tâches, et générant de ce fait des contraintes qui lui
sont spécifiques.

Or, la mission de sécurité des pilotes et des contrôleurs aériens repose


en grande partie sur la qualité de leur communication radio. En effet, l’un a
besoin des informations de l’autre pour pouvoir accomplir ses objectifs, et le
seul canal rendant possible le transit de ces informations est la radio. Pour
que ces informations soient bien reçues par le destinataire, et pour assurer
un niveau de sécurité maximal, la communication sol / bord fait l’objet de
règles très strictes.

Cependant, on observe à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle la pré-


sence de plusieurs aléas de la communication, qui, même s’ils ont des causes
et des facteurs contributifs variés, peuvent avoir de graves conséquences sur
la sécurité du trafic aérien. Quels sont ces aléas ? Comment les détecter, les
comprendre, et agir pour en réduire le nombre et l’impact ?

Après avoir présenté l’historique et la description du langage spécialisé


à utiliser, nous détaillerons et essaierons de comprendre, en s’appuyant sur
l’expérience de terrain acquise sur l’aéroport de Roissy-CDG, les aléas de la
communication suivant leur type et leur place dans la chaîne de la sécurité.
Enfin, nous entreprendrons l’étude de deux problématiques importantes à
CDG et en dégagerons des possibilités de résolution.

ENAC page 1 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Page intentionnellement laissée blanche

ENAC page 2 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

1 Communication Sol / Bord et Phraséologie


1.1 Historique et contexte de la phraséologie
1.1.1 Historique d’une normalisation
Loin est l’époque où Clément Ader fit décoller pour la première fois l’Éole
de quelques mètres au dessus du sol, à Muret en 1890. Étant seul dans le
ciel, il n’engendrait alors aucun conflit. Dès lors qu’il y a eu au moins deux
avions volant de manière simultanée, le problème suivant s’est posé : com-
ment faire en sorte que deux pilotes, qui ne se voient pas nécessairement,
puissent rester séparés l’un de l’autre ? La solution fut d’inventer un moyen
de communiquer avec les pilotes. Au début, l’emploi de gestes au sol et de
fusées pyrotechniques était le principal moyen pour transmettre des mes-
sages de première nécessité aux pilotes. Il fallut attendre 1919 pour voir les
premiers appareils radiotéléphoniques commercialisés par Marconi et pour
commencer à en équiper les premiers aéronefs de l’aviation commerciale.

Figure 1 – L’Éole de Clément Ader

L’expansion des communications radiotéléphoniques au XXème siècle


a rapidement engendré des besoins de standardisation. Cette même année
1919 fut alors déterminante pour la législation de l’espace aérien : les pre-
mières dispositions en matière de circulation aérienne furent prises lors de
la Convention de Paris, convention internationale portant sur la réglemen-
tation de la navigation aérienne.

Plus tard, au terme de la seconde guerre mondiale, le besoin de standar-


diser les procédures de la navigation aérienne a mené différents pays à envi-
sager l’extension internationale de l’aviation civile. Pour cela, ils décidèrent
d’imposer l’harmonisation des normes et des procédures par le biais d’une
Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI). De plus, principa-
lement du fait de la suprématie des États-Unis en matière aéronautique, il a
été décidé que la langue anglaise serait définie comme langue aéronautique
internationale.

ENAC page 3 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Ainsi, l’OACI a été créée en 1944, suite à la signature par 52 pays de


la Convention de Chicago, convention relative à l’aviation civile internatio-
nale. Son objectif était de promouvoir le développement sûr et ordonné de
l’aviation civile à travers le monde. La Convention de Chicago stipule déjà
que chaque état contractant s’engage à “adopter et mettre en application les
systèmes standards appropriés en matière de procédures de communications,
de codes, [...] et d’autres pratiques et règles d’exploitation qui peuvent être
recommandés ou établis de temps à autre en vertu de la présente convention”.

En complément de cette convention, différentes annexes techniques ont


été élaborées pour couvrir les différentes “normes” et “recommandations”
nécessaires à la mise en place d’une aviation civile internationale. C’est ainsi
que fut créée l’Annexe 10 à la Convention relative à l’Aviation Civile Interna-
tionale, intitulée “Télécommunications aéronautiques”. Le deuxième volume
de cette Annexe traite spécifiquement des Procédures de télécommunica-
tions, y compris celles ayant le caractère de PANS (Procedures for Air Na-
vigation Services) dont la “Phraséologie” fait partie. Cette partie introduit
déjà un certain nombre de termes spécifiques aux communications radio-
téléphoniques et présente les procédures générales régissant le service de
télécommunication aéronautique et les communications verbales. L’Annexe
10 stipule bien que la “phraséologie standard” de l’OACI doit être employée
dans les situations pour lesquelles elle est spécifiée et que le plus haut niveau
de discipline doit être observé à tout moment.

Figure 2 – Annexe 10 Vol.2 OACI Figure 3 – Sigle de l’OACI

En effet, une des règles principales des communications radiotélépho-


niques entre un pilote et un contrôleur est celle de l’emploi d’un langage
opérationnel contrôlé lors des procédures de navigation les plus courantes.
Ce langage spécialisé, communément appelé “phraséologie”, a pour objectif
de sécuriser et faciliter les échanges entre pilotes et contrôleurs grâce à une
communication espérée concise, efficace et non-ambiguë. La phraséologie ré-

ENAC page 4 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

pond de manière appropriée et adaptée, a priori, à l’objectif des services de


la navigation aérienne, qui est d’instaurer une communication économique
et précise dans le but de garantir la sécurité de la navigation en tout temps.

Par la suite, d’autres documents traitant des communications radiotélé-


phoniques, et de la phraséologie en particulier, ont vu le jour. C’est le cas par
exemple du document 4444, dont le chapitre 12, “Phraseologies”, présente
les emplois d’expressions régulières et de phrases “squelettes” contenant des
éléments modulables et interchangeables au gré des besoins communication-
nels, ou encore le “Manual of Radiotelephony” et le “Manual on the imple-
mentation of ICAO language proficiency requirements”.

Ces différents documents, au fil des années (voire des décennies) et des
retours d’expérience, ont été régulièrement mis à jour, plusieurs fois réédités
et, pour la plupart, traduits en plusieurs langues. Ce travail gigantesque réa-
lisé depuis ses débuts par l’OACI, en collaboration avec ses pays membres,
est à l’origine du contrôle aérien tel qu’il est assuré de nos jours. Basique-
ment, ces documents contiennent les réponses aux questions “WHEN to say
something, WHAT to say, WHAT to understand, and HOW to pronounce
messages”.

La phraséologie résulte ainsi, selon la méthode de l’OACI, de centaines


d’heures de réflexion et de discussion de groupes de travail, parfois régionaux
(Amérique du Sud, Afrique, etc.), permettant d’éliminer, dans toutes les
langues utilisées, les termes à risque et de valider les expressions finalement
retenues pour être normalisées. Il serait préférable de parler ici de “phra-
séologies” au pluriel car il en existe dans chacune des langues officielles de
l’Organisation des Nations Unies (Anglais, Français, Arabe, Chinois, Russe
et Espagnol). Ainsi, partout dans le monde, lorsqu’un contrôleur et un pilote
parlent tous deux une même langue, ils emploient la phraséologie correspon-
dante lors de leurs communications. En France, par exemple, les contrôleurs
doivent communiquer en français avec les pilotes francophones. En revanche,
dès lors qu’un pilote et un contrôleur ne partagent pas la même langue, c’est
l’anglais qui leur sert de langage commun.

Il convient de préciser que sur le plan national, les différents documents


comprenant les règles et recommandations de l’OACI peuvent être complé-
tés par des documents officiels émanant des pays contractants. Il revient, en
effet, à chaque pays membre de mettre en œuvre ces normes et recommanda-
tions de l’OACI, qu’ils peuvent adopter et imposer telles quelles, ou appliquer
différemment. Dans ce dernier cas, les pays membres se doivent d’informer
l’OACI de toutes les différences constatées entre leur régulation nationale
et les pratiques internationales. En France, la documentation servant de ré-
glementation est l’arrêté modifié du 27 juin 2000 relatif aux procédures de

ENAC page 5 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

radiotéléphonie à l’usage de la CAG (Circulation Aérienne Générale).

1.1.2 Contexte d’utilisation de la phraséologie


De nos jours, la communication sol / bord fait partie intégrante du
contrôle de la navigation aérienne. Elle a exclusivement lieu entre un pilote
et un contrôleur aérien. Le contrôleur, lui, possède tous les renseignements
concernant les vols évoluant dans son secteur et peut ainsi échanger avec les
pilotes pour guider les aéronefs et assurer une séparation entre ces derniers.

Ces échanges ont pour but de transmettre une instruction ou une auto-
risation de manœuvre à un pilote, de faire la demande d’une requête spéci-
fique, de demander des informations concernant un vol, ou encore de fournir
une aide optimale en cas de situation non-routinière. Même lorsqu’il s’agit
de sa langue maternelle, il est très difficile de comprendre ces échanges si
l’on n’est pas sensibilisé au préalable à la spécificité de ces derniers. Selon
Mell, cette difficulté provient essentiellement “des bruits et des distorsions
associés au canal, de l’absence d’hésitations ou de pauses dans l’énonciation,
du vocabulaire spécialisé employé et, enfin, des connaissances des locuteurs
qui associent les messages à des tâches professionnelles”.

D’un point de vue réglementaire, la relation qui unit un contrôleur aérien


et un pilote est celle d’administrateur / administré : le contrôleur (adminis-
trateur), en contact avec un pilote, lui communique ses instructions ; le pilote
(administré) communique ses demandes et ses intentions.

Il va de soi que les pilotes et les contrôleurs partagent un objectif com-


mun : la sécurité. Mais au-delà de cet impératif premier et de leur univers
partagé, chacun de ces opérateurs évolue au quotidien, dans un contexte
particulier, propre à ses tâches, générant de fait des contraintes qui lui sont
spécifiques. Le but principal du pilote est de suivre la route la plus directe
vers son aéroport de destination à une altitude de croisière favorisant une
consommation minimale de carburant, tout en tenant compte des perfor-
mances de son appareil, sans être retardé et sans risquer une collision. Pour
le contrôleur, il importe avant tout d’assurer la sécurité de l’ensemble des
avions se trouvant sous sa responsabilité, et de maintenir une situation glo-
bale qui facilite son propre travail de gestion de la circulation aérienne, tout
en respectant les contraintes imposées par la sectorisation, la présence de
zones militaires, ou encore les coordinations ainsi générées.

On comprend alors mieux pourquoi la réalisation des objectifs propres


aux contrôleurs et aux pilotes semble n’être possible que par l’intermédiaire
de communications régulières entre ces derniers. Ainsi, le rôle du contrôleur

ENAC page 6 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

correspond davantage à assurer la sécurité de tous les usagers de l’espace aé-


rien et à garantir la meilleure ponctualité des vols possible en communiquant
de façon permanente et précise avec les équipages. Les communications pi-
lote / contrôleur, ou communications sol / bord, sont en effet indispensables
au bon déroulement du contrôle de la navigation aérienne.

Ces communications peuvent être initiées par le pilote. Par exemple,


lorsque celui-ci entre dans un nouveau secteur de contrôle, il contacte pour
la première fois le contrôleur en charge de ce secteur. Un contrôleur peut
également débuter l’échange lorsque ce dernier doit transmettre à un pilote
une instruction ou autorisation, appelée “clairance de contrôle”, ou donner
des informations relatives à une manœuvre à effectuer, à l’environnement de
l’aéronef ou en rapport avec son évolution dans le secteur contrôlé.

Afin de s’assurer de la bonne compréhension d’un message émis par le


contrôleur, le pilote doit répéter les principaux éléments du message reçu,
tels que la fréquence radiotéléphonique, le niveau de vol, le cap, la vitesse,
la procédure d’approche, etc. C’est ce que l’on appelle, dans le domaine
de l’aviation, le “collationnement” d’une clairance. Les échanges radiotélé-
phoniques entre un pilote et un contrôleur prennent fin lorsque le pilote
collationne la prochaine fréquence à contacter, lors d’un transfert de com-
munication, autrement dit, lors du passage d’un aéronef d’un secteur de
contrôle à un autre.

Les différents messages ne sont pas émis de façon aléatoire et de nom-


breuses consignes régissent la manière dont ceux-ci doivent être énoncés et
même prononcés. Qu’elle soit considérée comme une recommandation de
l’OACI ou comme une norme à l’échelle nationale, la phraséologie occupe
une position incomparable dans le domaine des communications spécialisées
du fait du contrôle strict et méticuleux auquel elle a toujours été soumise.

Nous proposons, dans la section suivante, de présenter plus en détail le


langage opérationnel qu’est la phraséologie à travers les procédures relatives
à son emploi ainsi que ses différentes caractéristiques.

ENAC page 7 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

1.2 Description et caractéristiques de la phraséologie


Le contenu de la phraséologie est soumis à des règles de normalisation
syntaxiques, lexicales, sémantiques et phonétiques simples mais strictes : la
phraséologie présente une dimension obligatoire et ne laisse en principe au-
cune place à la créativité, contrairement au langage naturel. Selon la DGAC,
“l’utilisation d’une phraséologie adaptée lors des communications radiotélé-
phoniques entre les agents des organismes de la circulation aérienne et les
pilotes est essentielle à l’écoulement sûr, rapide et ordonné du trafic aérien”.

Parmi les éléments essentiels de la phraséologie, on peut citer, de manière


non exhaustive :
— l’ordre de priorité des catégories de messages ;
— la composition des messages ;
— la syntaxe ; (syntaxique)
— les expressions conventionnelles ;
— la prononciation des chiffres et des lettres.

1.2.1 L’ordre de priorité des messages


La DGAC classe les différentes catégories de messages radiotéléphoniques
selon cet ordre de priorité :
— les messages de détresse (toujours précédés de l’expression idioma-
tique “mayday” , quelle que soit la langue utilisée) ;
— les messages d’urgence (toujours précédés de l’expression “pan pan”) ;
— les messages du contrôle de la circulation aérienne (correspondant
aux clairances, à la régulation du trafic et à des comptes-rendus de
position et de vol) ;
— les messages d’information de vol (relatifs au service d’information
de vol) ;
— les messages entre exploitants d’aéronefs et pilotes (concernant géné-
ralement les aspects commerciaux du vol et dont le relais peut être
assuré par un contrôleur de la navigation aérienne “s’il n’existe au-
cune autre voie de communication et si sa mission principale ne s’en
trouve pas compromise”).

1.2.2 La composition des messages


Les communications entre un pilote et un contrôleur doivent toujours
être composées, dans l’ordre indiqué, des éléments suivants :
— l’indicatif d’appel du destinataire du message ;
— ll’indicatif d’appel de l’origine du message ;
— le corps du message ou le “texte”, qui doit être aussi court que le
permet la compréhension des renseignements communiqués.

ENAC page 8 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Exemple : “Citron Air 123, Auriol Tour, alignez-vous piste 27 et atten-


dez.”

Précisons que le corps du message est souvent une clairance du contrôle,


c’est à dire une autorisation de manœuvrer délivrée par un contrôleur à un
aéronef dans le but de lui fournir le service de contrôle de la circulation
aérienne. Une telle clairance ne peut généralement comporter plus de trois
éléments d’information.

L’ordre de transmission de ces éléments n’est pas aléatoire et dépend


de la situation de contrôle. Par exemple, lorsque l’aéronef est en guidage
radar, c’est-à-dire lorsque le contrôleur donne un cap précis à un pilote, la
clairance doit d’abord comporter le cap en question, puis le niveau de vol,
et éventuellement la vitesse à laquelle il doit voler.

Exemple : “Citron Air 1 2 3, Bastié Approach, turn right heading 3 3 0,


maintain flight level 9 0, speed 1 8 0 kts”

Il ne faut pas négliger l’importance de la composition des messages :


il est moins difficile pour un pilote de capter toutes les informations dont
il a besoin quand ces dernières se fondent dans une phrase squelette qu’il
comprendra davantage. Néanmoins, c’est aussi une fragilité du système : le
contrôleur ou le pilote peut être amené à s’appuyer sur la forme du message
au détriment de son contenu.

1.2.3 La syntaxe
Dans la plupart des messages, on constate l’utilisation de la forme im-
pérative de la part du contrôleur. L’omniprésence de cette forme est due au
rôle d’administrateur du contrôleur dont la tâche principale est d’émettre
des instructions de manœuvre aux pilotes (clairances). Comme le dit Philps :
"Cette prépondérance de phrases impératives, qui se trouvent sans exception
dans les énoncés “contrôleur”, soit 88% de l’ensemble des énoncés consignés
dans la phraséologie, ne doit pas surprendre, le rôle essentiel du contrôleur
étant d’émettre des instructions, et l’impératif constituant le véhicule privi-
légié de cet acte de langage.

Exemple : “Citron Air 1 2 3, Bastié Tower, keep on rolling, cross run-


way 2 7 left, after crossing contact Bastié Ground 1 2 1 decimal 7 8 0.”

De plus, la phraséologie présente un grand nombre d’effacements par


rapport à la langue naturelle. Ces différents effacements peuvent concer-
ner certaines prépositions, le groupe nominal sujet, le groupe auxiliaire ou
le groupe verbal. Par exemple, les auxiliaires be et have sont constamment

ENAC page 9 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

effacés des formes “be/have + participe passé” et “be + verbe-ing”. Cet effa-
cement est généralement assorti de la suppression du pronom sujet. Notons
que les collationnements sont généralement caractérisés par de tels efface-
ments.

Exemple : “Charles de Gaulle Departure, Citron Air 1 2 3, passing


5000ft, climbing flight level 1 2 0, requesting direct AGOPA.”

Philps souligne également que “comme pour les énoncés négatifs, il y


a eu, de la part des concepteurs de la phraséologie, une volonté d’exclure
au maximum les énoncés interrogatifs, qui peuvent être interprétés comme
des instructions, et de les remplacer par des tournures plus conformes à la
tâche essentielle du contrôleur, qui consiste justement à formuler des ins-
tructions.”

On trouve cependant dans la phraséologie des formes interrogatives, qui


ont la particularité de présenter peu voire aucun effacement.

Exemple : “Citron Air 1 2 3, Bastié Tower, are you ready for imme-
diate departure ?”

1.2.4 Les expressions conventionnelles


Afin d’assurer la compréhension optimale des clairances, l’emploi de cer-
tains mots ou expressions est obligatoire. Par exemple, toute clairance inté-
grant un cap doit comprendre le terme “heading” suivi de la valeur du cap
en question, et toute clairance concernant un niveau de vol doit comprendre
le terme “flight level” ou “level” suivi de la valeur de celui-ci.

En cas d’erreur de transmission, le contrôleur doit utiliser l’expression


conventionnelle “correction”, suivie de la partie ou de tout le message corrigé.

Exemple : “Citron Air 1 2 3, taxi B, holding point D 4 runway 2 7 left,


correction runway 0 9 right.”

Si le collationnement du pilote est incorrect, le contrôleur le corrige en


employant l’expression “negative” suivie des éléments corrigés. Le pilote doit
alors collationner à nouveau le message du contrôleur dans sa version cor-
recte.

Exemple :
C : “Citron Air 1 2 3, contact Ground on 1 2 1 decimal 7 8 0”
P : “Contacting Ground on 1 2 1 decimal 7 9 0, Citron Air 1 2 3”
C : “Citron Air 1 2 3, negative, 1 2 1 decimal 7 8 0”

ENAC page 10 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

P : “1 2 1 decimal 7 8 0, Citron Air 1 2 3”

Lorsqu’un doute subsiste, le pilote ou le contrôleur peut faire répéter


tout ou une partie du message en utilisant l’expression “say again”, ainsi
que confirmer ou faire confirmer le précédent message avec l’expression
“confirm”.

Exemple : “Citron Air 1 2 3, I confirm, hold short of runway 2 7 left,


holding point K 3.”

D’autres termes, ayant des significations bien spécifiques, peuvent être


utilisés. Par exemple, “Roger” et “Wilco”, signifient respectivement “j’ai
reçu en entier votre dernière transmission”, et “votre message a été compris
et sera executé” (abréviation de “we will comply with”).

Ces différents termes anglais ont été choisis principalement en fonction de


leur fréquence dans la langue générale et/ou de leur longueur, afin de garantir
un niveau de compréhension optimale en dépit des conditions acoustiques.
Il a, en effet, été démontré que les mots fréquemment rencontrés dans la vie
de tous les jours sont plus facilement reconnus dans un contexte bruyant
que les mots peu utilisés. De même, dans un tel contexte, plus un mot est
long, plus il est facilement identifiable puisque le fait de n’entendre qu’une
partie de celui-ci peut suffire à le reconnaître.

Le mot à trois syllabes “negative”, par exemple, a plus de chance d’être


compris sur la fréquence que “no”, même si ce dernier fait partie des mots les
plus employés au quotidien. De plus, celui-ci peut facilement être confondu
avec “now”. De la même manière, plutôt que d’employer “yes”, le terme
“affirm” a été choisi par les concepteurs de la phraséologie. Cette contrac-
tion du mot “affirmative” permet de ne pas le confondre avec son antonyme
“negative”.

Les expressions conventionnelles sont ainsi le fruit d’une normalisation


visant à sélectionner les termes uniques à employer pour répondre à des
besoins communicationnels précis.

1.2.5 La prononciation des chiffres et des lettres


Comme dans les exemples vus plus haut, la plupart des messages sol
/ bord sont composés de groupes de lettres et de chiffres à prononcer de
manière spécifique, comme l’indicatif d’appel d’un aéronef, le nom d’une ra-
diobalise d’aide à la navigation, le nom d’un taxiway, le nom d’une piste, etc.

ENAC page 11 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Dans le but d’éviter toute confusion entre les lettres de l’alphabet com-
posant ces messages, le domaine du contrôle aérien possède un alphabet
spécifique. Cet alphabet, probablement une des caractéristiques de la phra-
séologie les plus connues du grand public, consiste à représenter chaque lettre
de l’alphabet par un mot entier commençant par la lettre en question. Ainsi,
la lettre A est représentée par le mot Alpha dans l’alphabet de l’OACI, la
lettre B par le mot Bravo, la lettre C par le mot Charlie, et ainsi de suite
[voir Annexe 1].

Les règles d’épellation des lettres en fonction de l’alphabet de l’OACI


doivent être respectées par les pilotes et les contrôleurs pour garantir une
bonne compréhension des paramètres énoncés. Certaines séries de lettres
font cependant exception à la règle. Par exemple, lorsqu’une radiobalise
possède un nom en “langage clair”, c’est ce nom qui est généralement em-
ployé. Ainsi, EVX se dit Evreux. Ce n’est que si le pilote ne reconnaît pas
le nom en question que le contrôleur l’épellera “Echo Victor X-Ray”.

De plus, dans la phraséologie anglaise, une prononciation spécifique a été


attribuée aux chiffres pouvant prêter à confusion ou pouvant présenter une
difficulté de prononciation. Ainsi, le chiffre “three” doit être prononcé /tri/.
Des règles similaires régissent la prononciation des chiffres “five”, “nine” ou
encore du mot “thousand”.

Enfin, dans les communications sol / bord, “un nombre est transmis par
énonciation de chacun des chiffres qui le composent”. Cependant, l’emploi du
code horaire pour indiquer, par exemple, la position d’un aéronef par rap-
port à un autre (“traffic 11 o’clock”) fait exception à la règle : les nombres
10, 11 et 12 doivent être transmis comme tels.

Le respect de tous ces principes de la phraséologie a pour conséquence,


a priori, une communication concise, non ambigüe, et donc sûre et efficace,
permettant de compenser certains problèmes trouvant leur origine dans le
caractère propre de la communication sol / bord.

ENAC page 12 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

1.3 Notion de plain language


Les mots et expressions vus précédemment permettent de communiquer
dans 95% des situations rencontrées dans le travail quotidien du contrôleur.
Si la phraséologie doit être impérativement employée lors des situations pour
lesquelles elle est prévu, le recours à une autre forme langagière peut s’avé-
rer nécessaire pour assurer le contrôle des situations non-couvertes par la
phraséologie. Un pilote perdu, un problème technique, un passager malade,
une alerte à la bombe, ou encore une requête spécifique, sont autant de cas
où la phraséologie et ses consignes ne suffisent plus. Cette forme de langage
à laquelle les pilotes et les contrôleurs peuvent et doivent avoir recours est
dénommée le “plain language” par l’OACI.

Le “plain language” correspond à l’emploi clair et succinct du langage


naturel, plus ou moins en dehors des principes de la phraséologie.

Le recours au “plain language” lors de requêtes spécifiques, de situations


inhabituelles ou d’urgences est aisément admis par l’OACI : les opérateurs
ne disposant pas de schémas opérationnels pour ces situations, ils ne dis-
posent pas non plus de messages prédéfinis et adaptés à celles-ci et n’ont
d’autre choix que d’employer le “plain language”. Il est une variation de la
phraséologie employée dans le cadre d’une stratégie communicative dont le
but est de clarifier un message ou d’émettre une requête spécifique.

L’OACI le définit ainsi : “Plain language in aeronautical radiotelephony


communications means the spontaneous, creative and non-coded use of a
given natural language, although constrained by the functions and topics
(aviation and non-aviation) that are required by aeronautical radiotelephony
communications, as well as by specific safety-critical requirements for intel-
ligibility, directness, appropriacy, non-ambiguity and concision.”

Exemple : “Charles de Gaulle, Citron Air 1 2 3, we need to hold position


for a few minutes, we have a slight technical problem on the right engine, is
that okay ?”

Dans les faits, les caractéristiques principales du “plain language” sont


l’utilisation d’un vocabulaire plus large et varié, se rapportant à des do-
maines autres que l’aviation (médical par exemple), l’utilisation de tournures
hypothétiques (“we may divert . . .”), l’utilisation de phrases plus longues
et souvent moins organisées. Toutefois, il est demandé aux contrôleurs de
communiquer, comme pour la phraséologie, de façon claire, précise et non-
ambiguë afin de clarifier et d’élaborer des instructions. Les pilotes et les
contrôleurs doivent certes avoir recours à une forme langagière naturelle
mais, ce faisant, ils doivent essayer autant que possible de mettre en œuvre

ENAC page 13 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

les principes de la phraséologie.

Le “plain language” est censé ne correspondre ni à la phraséologie, ni au


langage naturel, mais à l’association des deux. Les rapports entre ces trois
langages sont complexes.

Figure 4 – La place du Plain Language dans la communication

Cependant, l’emploi du “plain language” a ses limites. En effet, les pro-


blèmes de communication peuvent être issus de l’emploi spontané de l’an-
glais, avec l’utilisation du “plain language”. Or, le niveau d’anglais opéra-
tionnel minimum requis ne nécessite pas les compétences linguistiques d’un
locuteur ayant l’anglais comme langue maternelle. Il apparaît alors évident
qu’un problème de compréhension puisse survenir.

Les éléments précédents montrent la nécessité de communiquer et de bien


se comprendre entre pilotes et contrôleurs. La construction des expressions
phraséologiques et les directives d’utilisation du “plain language” vont dans
le sens d’une communication précise et dépourvue d’ambiguïté. Pour autant,
l’expérience indique des échecs dans l’intercompréhension, avec des impacts
potentiellement gravissimes sur la sécurité des vols. Dans la partie suivante,
nous allons dresser une liste non exhaustive de ces aléas de communication,
et tenter d’en cerner les déterminants. Pour ce faire, nous nous appuierons
sur l’expérience de terrain acquise sur l’aéroport de CDG, ainsi que sur des
modèles théoriques pertinents pour notre propos. Les exemples cités sont
pour la plupart issus de situations réelles, désidentifiées pour en assurer le
caractère anonyme et confidentiel.

ENAC page 14 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

2 Comprendre les aléas de la communication


Bon nombre d’incidents et accidents ont contribué à faire comprendre
aux professionnels de la sécurité que cette dernière était avant tout une ques-
tion de comportements individuels et collectifs. Ces dysfonctionnements ont
malheureusement permis de réaliser que l’élément humain était certes la par-
tie la plus précieuse du système aéronautique, mais également la plus fragile.

En effet, les pilotes et les contrôleurs ne manquent pas de modifier (sciem-


ment ou inconsciemment) la phraséologie. Certains écarts, parmi d’autres,
sont considérés comme étant à l’origine de certains des graves accidents que
l’aviation a connus ces dernières décennies. On recense plus de 50 accidents
depuis 1960 pour lesquels la mauvaise compréhension et l’ambiguïté du lan-
gage ont participé à la chaîne des événements à l’origine de ces catastrophes.
L’accident le plus souvent cité est celui de l’aéroport de Tenerife, où, en 1977,
deux Boeing 747 des compagnies Pan Am et KLM se sont télescopés à plus
de 300 km/h entraînant la mort de 583 personnes et faisant de cette ca-
tastrophe tristement célèbre l’accident le plus meurtrier de l’aviation civile
jusqu’à ce jour.

Les échecs de communication ont été identifiés comme étant un facteur


contributif majeur dans les accidents aéronautiques. Suite à cet incident, les
institutions internationales ont pris conscience de la nécessité de sensibiliser
tous les acteurs du transport aérien à cette dimension humaine de leur mé-
tier.

Figure 5 – Image de la reconstitution de l’accident de Tenerife

ENAC page 15 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Toutefois, un seul dysfonctionnement ne conduit pas, en général, à un


incident. Une mauvaise attention, un terme non compris, une confusion, sont
autant de facteurs communicationnels qui, additionnés les uns aux autres,
peuvent provoquer un tel incident.

C’est ce principe qu’a ainsi conceptualisé le psychologue britannique


James Reason dans son “modèle en plaques” : il explique comment les dé-
faillances des différents niveaux d’une organisation complexe peuvent abou-
tir à un accident. Il propose un découpage de l’organisation en couches suc-
cessives, de la plus élevée dans la hiérarchie à la plus proche de la réalité
sur le terrain, et explique en quoi chacune de ces couches peut contribuer
à la production et / ou à la récupération des défaillances du niveau supérieur.

Dans ce modèle, une organisation est apparentée à une succession de


tranches de gruyère. Chaque tranche présente des trous, les trous étant les
défaillances non récupérées et / ou produites à chaque couche de l’organisa-
tion. Lorsque ces trous sont alignés, ils pourraient laisser passer un événe-
ment : l’accident.

Toutes ces défaillances se propagent en cascade. Cela ne veut pas dire


pour autant que toutes les défaillances tirent leur origine au sommet. Chaque
niveau apporte sa contribution autonome à la production de défaillances, de
même qu’il peut corriger les effets de celles dont il hérite.

Seront étudiés ici seulement les “niveaux communicationnels” du modèle


de Reason, c’est-à-dire les niveaux qui ont un lien direct avec les aléas de la
communication éventuellement impliqués dans un potentiel incident.

Trois niveaux communicationnels seront distingués :


— les “ressources”, dont les défaillances latentes à ce niveau favorisent
des comportements nuisibles à la sécurité ;
— la “production”, qui est le lieu de l’activité productive en temps réel
où les défaillances latentes vont pouvoir se transformer en défaillances
actives ;
— les “alarmes”, qui constituent des lignes de défense contre les consé-
quences négatives de l’imprévu.

ENAC page 16 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Figure 6 – Niveaux communicationnels du modèle de Reason

2.1 Le contexte des locuteurs


Voici une première “plaque” ayant des conséquences directes sur la qua-
lité de la communication entre les locuteurs. Cette partie traite des facteurs
internes et externes non systémiques qui favorisent la production d’erreurs
de communication en rapport avec les ressources mentales et l’environne-
ment, de manière non exhaustive.

2.1.1 Absence de signaux non verbaux


Dans le monde de l’aviation, les communications radiotéléphoniques ont
une spécificité à ne pas négliger : le locuteur ne peut voir le visage de la per-
sonne à qui il parle, et vice-versa. Or, de manière générale, la communication
non verbale transmet naturellement quantité d’informations, reçues par le
destinataire et aidant ce dernier à comprendre ce qu’on lui dit. La commu-
nication non verbale serait même plus éloquente que les mots eux-mêmes.
L’absence de contact visuel entre les locuteurs implique donc l’indisponi-
bilité de plusieurs paramètres comme les gestes, la posture, le regard, et
augmente donc la confiance que doivent avoir les locuteurs dans le discours
clair et précis de l’autre.

Dans les communications aéronautiques, l’absence de ces signaux non


verbaux n’a que peu d’incidence sur le travail de routine des pilotes et des
contrôleurs. En effet, puisque le langage aéronautique est très strict, les
deux partis n’ont, dans la plupart des cas, pas besoin de se voir pour se
comprendre. Toutefois, en cas de situation inhabituelle, le premier message
ne permet pas toujours de déterminer la nature de l’incident, notamment à
cause de l’utilisation du plain language et de l’absence de signaux non ver-
baux. En effet, l’intelligibilité des mots est largement affectée par l’absence

ENAC page 17 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

de contact visuel : une étude montre qu’elle est diminuée de 40% pour la
simple raison que les deux interlocuteurs ne peuvent se voir.

L’absence de signaux non verbaux est donc un premier facteur interne


affectant inévitablement les communications sol / bord.

2.1.2 Vigilance, expérience et stress


La vigilance peut se définir comme un niveau d’éveil particulier qui vise
à surveiller un environnement spécifique. Pilotes et contrôleurs se retrouvent
parfois dans des situations d’hypovigilance. Le stress (qui réduit notre ca-
pacité à penser), le manque de sommeil, la fatigue (qui incite à utiliser un
comportement économique), ou encore les préoccupations personnelles sont
autant de causes qui peuvent altérer l’attention. Il ne faut pas sous-estimer
ces aspects de la vie quotidienne car, ajoutés au stress du travail, ils peuvent
très rapidement devenir des facteurs contributifs d’erreurs.

Plus particulièrement, un environnement propice (bruit continu, faible


éclairage, température élevée, etc.) ainsi qu’une certaine monotonie dans
les tâches à accomplir (activités de surveillance, activités répétitives, etc.)
peuvent aussi être des causes de l’hypovigilance. En effet, une faible charge
de travail a ses impacts : les individus n’aiment pas s’ennuyer au travail.
Quand le temps s’étire en longueur, ils inventent des tâches, des procédures,
ou des diversions pour le faire passer plus rapidement. Dans le monde du
contrôle aérien, quelques incidents ont malheureusement démontré que l’en-
nui par le peu d’activité, à un moment propice de la journée (nuit), pouvait
aller jusqu’à provoquer des pics d’hypovigilance. Le cerveau a besoin d’une
certaine charge de travail pour maintenir son activité et ne pas s’endormir.

Les situations dans lesquelles on retrouve ce manque de vigilance ont sou-


vent les mêmes caractéristiques. Par exemple, un pilote sera moins concen-
tré la nuit, lorsqu’il y a moins de monde à la fréquence. De plus, lorsque
les phases de vol les plus délicates sont terminées, et plus particulièrement
les phases d’approche et d’atterrissage, les pilotes peuvent ressentir un sen-
timent de soulagement et manquer alors d’attention. Cependant, toutes les
étapes sont importantes, et il s’agit de ne pas négliger une ou plusieurs
phases de vol.

Le contrôleur, de son côté, est également affecté par des périodes d’hy-
povigilance, notamment après une lourde charge de trafic. Le relâchement
physique et mental conduit souvent à des erreurs. Il est important de ne pas
négliger ces périodes de travail et apprendre à rester attentif. Une des solu-
tions adoptée par certains contrôleurs est de faire, lorsque cela est possible,
une pause après une période de forte charge. Aussi, les médecins de préven-

ENAC page 18 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

tion préconisent une bonne gestion du sommeil pour diminuer la fatigue.

L’expérience permet également une meilleure gestion de l’attention. Un


expert sait ce sur quoi il doit porter son attention alors qu’un novice essaie de
tout balayer pour faire attention à tout. Néanmoins, l’expérience peut par-
fois nuire et biaiser la compréhension d’une situation. En effet, notre propre
expérience peut suffire à nous faire croire que la plupart des situations se
passent telles que nous les avons vécues. Tout être humain a tendance à
généraliser les situations à partir de ses propres expériences, et il s’agit là
d’une erreur de perception.

De plus, la surconfiance mène aussi à une augmentation des prises de


risque. Elle se traduit par une difficulté à se remettre en question, un manque
de vérification de ses actions, voire même un manque de rigueur. Inverse-
ment, le stress, ou un manque de confiance en soi, modifient la façon de
s’exprimer de celui qui les subit : selon les cas il parlera plus fort qu’à son
habitude, avec précipitation, avec un manque de fermeté dans les instruc-
tions émises, il aura des hésitations, parfois il bégaiera, ou encore commettra
des erreurs basiques.

2.1.3 Le contexte d’attente opérationnelle


Un autre type de contexte et d’état d’esprit peut favoriser la production
d’erreurs : le contexte d’attente opérationnelle. En effet, le fait de détecter
ou non des informations présentes dans l’environnement, ou de comprendre
correctement une information, peut dépendre de nos attentes.

Par exemple, si l’on a faim alors que nous sommes en train de nous dé-
placer en voiture, nous serons certainement plus attentifs aux informations
indiquant des restaurants. Dans les communications sol / bord, il peut se
passer la même chose. En effet, si un contrôleur s’attend à avoir un conflit
entre deux avions, son attention se portera davantage sur ce trafic et peut
passer à côté d’un conflit auquel il ne s’attendait pas.

De plus, un pilote prépare son vol en amont, il aura donc avant le départ
une vision assez précise de ce que sera celui-ci, ou plus exactement de ce
que devrait être celui-ci, en fonction des données qu’il a, quelles en seront
les étapes, quelles actions seront à mettre en oeuvre et à quel moment, etc.
Il a un projet d’action à long terme, des attentes précises définies par ses
prévisions. Le contrôleur, lui, travaille sans cette préparation en amont de sa
séquence de travail. L’anticipation de ses décisions est de l’ordre de quelques
minutes, et n’est pas le fruit d’une préparation qui aurait lieu avant de s’ins-
taller sur la position. Dans cette phase préparatoire, les deux opérateurs ont
des fonctionnements temporels différents. Par la suite, dans la phase d’in-

ENAC page 19 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

teraction pilote / contrôleur, il y a de part et d’autre une gestion “temps


réel” des décisions et actions, mais avec des attentes générées pour le pilote
de par sa préparation du vol en amont.

Alors que les attentes opérationnelles peuvent être bénéfiques, en offrant


par exemple un gain de temps à l’opérateur, elles peuvent aussi être dé-
sastreuses. Dans la mesure où elles amènent un contrôleur ou un pilote à
entendre ou comprendre quelque chose qui n’a jamais été dit, on peut aisé-
ment imaginer un pilote demandant un niveau, se faisant clairer à un autre
niveau et ne pas détecter la différence, différence non corrigée par le contrô-
leur.

C’est en partie à cause d’une attente opérationnelle de ce type que le


pilote du Boeing 747 KLM a amorcé son décollage sur l’aéroport de Téné-
rife, sans en avoir reçu la clairance, alors que l’autre 747 de la Pan Am était
toujours sur la piste. Dans sa vision des choses, il devait, à ce moment là,
être clairé au décollage, suite logique de son alignement.

Ce phénomène est appelé le “wish hearing”. L’opérateur entend ce qu’il


veut entendre. C’est donc le décalage entre le réel et les attentes qui peut
parfois être source d’erreurs, ces dernières pouvant avoir de graves consé-
quences.

2.1.4 Manque de conscience partagée de la situation


Comme vu précédemment, au-delà de l’impératif premier qu’est la sécu-
rité, pilotes et contrôleurs évoluent chacun au quotidien dans leurs contextes
particuliers. Puisque leur seule référence commune (les locuteurs étant sépa-
rés dans l’espace) est la fréquence, chaque parti n’a conscience que de bribes
d’informations sur ce qui se passe chez l’autre. Ce phénomène est notam-
ment amplifié par l’utilisation de plusieurs langues sur la même fréquence ;
ce point sera étudié ultérieurement.

Le contrôleur ne peut imaginer la situation dans laquelle est le pilote


qu’à travers ces reports sur la fréquence. Parallèlement, ce n’est qu’en écou-
tant les clairances que le contrôleur donne aux autres avions en fréquence
que le pilote peut se construire sa propre image du trafic et sa propre vision
de la charge de travail du contrôleur. Cependant, ce n’est pas parce que la
fréquence est inoccupée que le contrôleur n’est pas lui-même occupé : il peut
par exemple être en train de faire des coordinations avec d’autres secteurs.

Ce manque de conscience partagée de la situation peut amener à des


incompréhensions, et conduire les pilotes et contrôleurs à entreprendre des
actions non prévues et non nécessaires.

ENAC page 20 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Exemple :

Figure 7 – Conscience partagée de la situation

Situation : Citron Air 123 est le dernier avion à décoller de la piste 27L
avant une inspection de piste. Citron Air 456 prévoit un décollage de la piste
27R et maintient avant la piste 27L. Citron Air 789 maintient avant la piste
27L. Flyco 1 est prêt à inspecter la piste 27L. Citron Air 123 est autorisé au
décollage piste 27L. Quelques instants plus tard, alors que celui-ci s’élance,
le contrôleur autorise Citron Air 456 à traverser la piste 27L. Citron Air
123, voyant un avion Citron Air prêt à traverser la piste devant lui, entend
une clairance de traversée et décide d’interrompre son décollage.

Encore une fois, une meilleure conscience partagée de la situation entre


pilotes et contrôleur aurait pu permettre d’éviter le terrible accident de Te-
nerife : dans ce contexte de visibilité quasi nulle, le contrôleur aurait pu
donner l’information à l’équipage du KLM que la piste était occupée par le
747 Pan Am en train de la remonter.

Tous ces facteurs contextuels et internes aux pilotes et aux contrôleurs


contribuent à des erreurs de communication entre les deux.

ENAC page 21 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

2.2 Les aléas verbaux et paraverbaux


La seconde “plaque” de Reason est celle de la production en temps réel
des aléas verbaux et paraverbaux.

2.2.1 Variations libres de la phraséologie


Contrairement au “plain language”, certaines des variations de la phra-
séologie sont employées à des fins non-stratégiques et correspondent à des
variations libres de la part des pilotes et des contrôleurs, résultant de leur
liberté linguistique individuelle.

Les écarts à la phraséologie étudiés dans cette partie sont des erreurs ba-
siques qui pourraient facilement être évitées, tout comme leurs conséquences
parfois désastreuses. Nous allons voir quelques uns de ces écarts et les consé-
quences associées au niveau de la compréhension des locuteurs.

Comme vu précédemment, une des caractéristiques principales de la


phraséologie est l’effacement de plusieurs constituants de la phrase. Alors
que certains constituants devant être effacés peuvent être conservés et pa-
raître anodins, certains effacements sont toutefois considérés comme néces-
saires dans des contextes spécifiques, pour des raisons de compréhension et
de clarté. C’est le cas, par exemple, des prépositions “to” et “for” devant
un nombre. Cette opération a pour but d’écarter tout problème de com-
préhension dû à la ressemblance phonétique entre ces prépositions et leurs
homophones, les chiffres “two”et “four”.

Exemple : “Citron Air 1 2 3, climb to 5 000ft” peut être confondu avec


“Citron Air 1 2 3, climb 2 5 000ft”.

L’exemple vu ci-dessus montre à quel point le non-effacement de la pro-


position “to” peut s’avérer dangereux : avec le verbe “climb” ou “descend”,
le pilote monte ou descend à une altitude non clairée, et peut entrer en col-
lision avec un autre avion, ou avec le sol :

Exemple : “Citron Air 1 2 3, descend 2 4 0 0 ft (two four zero zero


feet)” fut compris par un pilote d’un avion de marchandise comme “Citron
Air 1 2 3, descend to 4 0 0 ft (to four zero zero feet)”. L’ambiguïté est à
l’origine de l’écrasement de l’avion sur une colline à 437 ft.

De même qu’il est recommandé d’utiliser l’expression “flight level” avant


un niveau de vol, il est préconisé d’utiliser le mot “altitude” avant d’en énon-
cer une. En utilisant plus largement cette pratique, elle constituerait une
barrière supplémentaire contre la confusion possible des nombres énoncés.

ENAC page 22 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

De plus, certains mots font l’objet d’un usage très strict, comme notam-
ment le mot “décollage” ou “take off”. L’OACI impose ainsi son utilisation :
“The words "take off" are used only when an aircraft is cleared for take-off,
or when cancelling a take-off clearance. At other times, the word "departure"
or "airborne" is used”.

Il s’agit là d’une des erreurs qui fut à l’origine du terrible accident de


Tenerife, vu précédemment. La phrase “We are now at take off”, énoncé par
le pilote du 747 KLM s’apprêtant à décoller, fut comprise par le contrôleur
comme “We are now at take off position”, c’est à dire que l’avion était sim-
plement en bout de piste, attendant l’autorisation de décoller, ce à quoi il
répondit malheureusement “OK”.

Aussi, alors que certains constituants de la phrase naturelle peuvent être


considérés comme interdits dans la phraséologie, d’autres, au contraire, sont
considérés comme obligatoires pour assurer une compréhension optimale des
messages. C’est le cas par exemple du mot “decimal” qui doit être donné
lors d’une instruction de changement de fréquence. Une omission de ce mot
peut amener à une information incomprise par le pilote et il se peut que
celui-ci contacte la mauvaise fréquence. Il peut parfois se passer plusieurs
minutes entre le moment où les locuteurs se rendent compte de l’erreur et le
moment où le pilote contacte la fréquence appropriée. De même, si le pilote
omet ce mot dans son collationnement, le contrôleur peut être amené à lui
faire confirmer la fréquence à contacter, ce qui ajoute du temps d’utilisation
de fréquence qui pourrait être utile pour d’autres messages.

Exemple :
C : “Citron Air 123, contactez 120 Ø 950”
P : “Contactons 129 Ø 150, Citron Air 123”
C : “Négatif, Citron Air 123, contactez 120 décimal 950”
P : “Contactons 120 décimal 950, Citron Air 123”

Par conséquent, la phraséologie est un facteur déterminant à la sécurité


du service rendu aux pilotes. En déviant de la phraséologie standard, le sens
des mots et des phrases devient ouvert à l’interprétation de chacun.

2.2.2 Significations non partagées


Aussi, certains mots ou expressions peuvent avoir plusieurs significations.
Alors qu’il est recommandé d’utiliser seulement les expressions prévues dans
le cadre de la phraséologie, il existe des situations où le contrôleur et le pi-
lote usent de termes polysémiques alors qu’ils ne pensent pas à la même
signification de ceux-ci.

ENAC page 23 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Par exemple, le mot “seuil” peut prêter à confusion dans certains cas,
notamment lorsqu’il existe un seuil décalé sur la piste. Pour certains, il peut
représenter le seuil physique de la piste, et pour d’autres le seuil décalé,
c’est-à-dire le seuil d’atterrissage. C’est notamment le cas à l’aéroport de
Roissy-CDG : la piste 27L comporte un seuil décalé au niveau du point
d’arrêt Q4.

Exemple :

Figure 8 – Signification non partagée

Situation : Citron Air 123 est autorisé à l’alignement et au décollage


depuis Q4. Citron Air 456 est autorisé à s’aligner depuis Q6 et attendre.
Lemon Air 789 reçoit une autorisation conditionnelle d’alignement de Q4
derrière Citron Air 456. Le contrôleur donne sa clairance d’alignement :
“Lemon Air 7 8 9, behind departing Airbus 3 20 from the threshold, line-up
27L Q4, and wait behind.”. Le pilote du Lemon Air collationne “Behind de-
parting 3 20 which has already took off, Q4 line-up and wait, behind, Lemon
Air 7 8 9”. Enfin, le contrôleur, n’ayant pas relevé le mauvais collation-
nement, autorise le Citron Air 456 au décollage. Mais ce dernier s’aperçoit
que le Lemon Air est en train de s’aligner devant lui, et avertit le contrôleur.

Dans son rapport, le pilote du Lemon Air a assuré : “We actually were
at the threshold, as we lined up on the threshold markings and the previous
AC was also departing from the threshold”.

L’erreur de phraséologie de l’ATC et l’ambiguïté de la notion de seuil


sont reconnues comme les causes principales de l’événement. Le contrôleur
en poste lors de l’incident a donné l’instruction d’alignement “derrière l’ap-
pareil au départ du seuil”, ce qui n’est pas conforme au référentiel local,
lequel préconise de donner le nom de la bretelle de départ.

Il apparaît dans cet événement une incompréhension manifeste entre le

ENAC page 24 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

sol et le bord sur la signification du terme “seuil de piste”. Pour les pilotes,
cette notion réfère au seuil d’atterrissage, matérialisé par le marquage au
sol ; pour le contrôleur, il s’agit du seuil physique, soit l’extrémité de piste.
Un sondage rapide suggère que cette dernière définition est partagée par
la majorité des contrôleurs de Roissy. Or, une investigation du même type
auprès de la compagnie indique que la majorité de leurs pilotes comprend
le terme “seuil” comme se référant au seuil d’atterrissage s’il y a présence
d’un seul décalé comme dans le cas présent.

La consultation de la documentation nationale (Annexe 2 du RCA3) et


OACI (def. seuil, Annexe 3 du Doc4444) montre que la définition de réfé-
rence renvoie à la notion de seuil d’atterrissage. Il est noté par ailleurs que
le Manuel de formation à la phraséologie utilise le terme de “seuil” dans les
exemples de phraséologie relatifs aux clairances conditionnelles. Ce constat
appelle des questions sur l’usage du terme dans les aéroports où sont mis en
place des seuils décalés.

On peut en déduire que les différences culturelles entre contrôleurs et


pilotes sont une des causes possibles de ce phénomène. Avec la croissance
du trafic aérien durant les dernières décennies, les communications radioté-
léphoniques réunissent désormais une communauté internationale de locu-
teurs, au sein de laquelle la perception de la communication peut différer,
et dont la prononciation du langage commun, l’anglais, est influencée par sa
région ou par sa langue d’origine.

C’est en partie à cause de différences culturelles entre le pilote sud-


américain et le contrôleur new-yorkais que le vol Avianca numéro 52 du
25 juillet 1990 à destination de New York s’écrasa à 25km de l’aéroport, en
panne de carburant. Les enquêtes conclurent que la principale erreur ayant
causé ce crash venait du pilote, ce dernier n’ayant jamais déclaré une si-
tuation d’urgence aux services du contrôle. L’équipage demanda en fait une
“priorité à l’atterrissage”, ce qui peut être interprété comme une demande
d’atterrissage en urgence pour les locuteurs espagnols, mais pas pour les
locuteurs anglophones.

Cet accident fit remarquer à quel point la culture peut influencer la


compréhension des locuteurs à la fréquence. Toutefois, il est plutôt aisé
de détecter l’origine de son interlocuteur ; ce faisant, on peut se préparer
aux potentiels désaccords culturels. Les formations pour devenir pilote ou
contrôleur aérien incluent désormais des leçons en facteurs humains qui sen-
sibilisent à ces différences culturelles, ce qui devrait avoir un impact positif
pour le futur.

ENAC page 25 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

2.2.3 Débit de parole, intonation, instructions multiples


La manière dont le contrôleur et le pilote parlent à la fréquence est une
part tout aussi importante que les mots eux-mêmes dans la communication
sol / bord. Le message doit être clair et intelligible pour être compris par
l’autre interlocuteur. Pour cela, le locuteur doit s’assurer de passer son mes-
sage avec un rythme qui ne soit ni trop élevé ni trop lent.

En effet, si le rythme de parole du contrôleur est trop élevé, le pilote


pourrait avoir du mal à saisir son indicatif en début de message et ne pas
comprendre que c’est à lui qu’on s’adresse et ainsi ne pas répondre. Il pour-
rait également ne pas saisir l’intégralité du message et demander à ce que
celui-ci soit répété, ce qui engendrerait une perte de temps non négligeable
pour le contrôleur en période de pointe. Aussi, si le rythme de parole du
contrôleur est trop lent et si les mots sont espacés de marqueurs d’hésita-
tion, le pilote pourrait oublier une partie du début du message qui peut
s’avérer très importante pour la suite du vol.

Ceci est également valable pour le pilote. Si ce dernier collationne trop


vite un message, le contrôleur peut ne pas saisir toutes les informations col-
lationnées et demander un deuxième collationnement. En cas d’incident, le
pilote doit s’assurer dans la mesure du possible de parler avec un rythme
assez lent pour que le contrôleur puisse intégrer toutes les informations né-
cessaires et ainsi prendre les mesures appropriées pour gérer l’incident en
sécurité.

Ceci n’est donc pas un élément à négliger dans la communication sol-


bord. Nous avons réalisé un questionnaire de quinze questions ouvertes, en
français et en anglais, dans le but d’obtenir des avis concernant la communi-
cation sol / bord en général. Ce questionnaire [voir Annexe 2] a été envoyé
à tous les contrôleurs de Roissy-CDG ainsi qu’aux pilotes des douze compa-
gnies les plus présentes sur la plateforme. Le taux de réponse a largement
dépassé nos attentes avec près d’une centaine de réponses reçues. Cepen-
dant, une cinquantaine de réponse de chaque corps ne garantit sans doute
pas la représentativité de l’échantillon. Ceci peut donc être perçu comme
une limite de notre projet.

Ce taux élevé de réponse a permis de dégager des résultat intéressants.


En effet, dans l’analyse des réponses, plusieurs pilotes anglophones ont re-
porté que le problème le plus important qu’ils aient expérimenté en termes de
communication était le “speech rate”. L’exemple suivant, survenu à Roissy-
CDG, marque bien l’importance du respect du débit de parole.

ENAC page 26 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Exemple :
C : “Citron Air 1 2 3, turn left heading 300, intercept ILS 2 7 Right, speed
at convenience”
P : “Descend 3000ft, cleared ILS 2 7 Right, descent at convenience, Citron
Air 1 2 3”

Dans cet exemple, le pilote confond le cap donné par le contrôleur avec
une altitude. Dans le rapport du compte rendu de la réunion thématique de
sécurité à type CLS (Comission Locale de Sécurité) du 18 juin 2015 , il a
été signalé que “le rythme de parole du contrôleur n’est pas jugé facilitant
la compréhension des clairances”, ce qui est donc une fragilité de la commu-
nication sol / bord.

De plus, l’intonation utilisée par les locuteurs permet de faire passer


plus facilement l’information. Un vol de familiarisation a été effectué cette
année grâce au bon vouloir de la compagnie Air France. Il s’agit d’un vol
aller-retour que le contrôleur passe dans le cockpit avec les pilotes. Ainsi,
le contrôleur partage l’expérience des pilotes, et des échanges ont lieu sur
le déroulement des vols et sur leur gestion du côté contrôle. Lors de ce vol,
les pilotes ont affirmé qu’il était important pour eux que l’intonation soit
incisive lorsqu’il s’agissait d’un message important engendrant une action
rapide et efficace de leur côté : c’est le cas des messages de remise de gaz,
d’accélération-arrêt, et plus généralement ceux incluant une phraséologie
d’urgence.

Enfin, il est recommandé pour le contrôleur de donner aux pilotes un


maximum de trois instructions dans le même message. Ceci permet aux
pilotes de bien retenir tous les éléments du message et de les collationner
correctement. Dans tous les cas et particulièrement dans le cas où plusieurs
instructions sont données dans le même message, un collationnement correct
et complet est exigé par le contrôleur.

Une étude sur la phraséologie sous forme d’un questionnaire a été me-
née par l’IATA (International Air Transport Association), conjointement
avec l’IFALPA (International Federation of Air Line Pilots’ Association)
et l’IFATCA (International Federation of Air Traffic Controllers’ Associa-
tion). Plusieurs questions concernant la phraséologie et la communication
sol-bord en général ont été adressées aux pilotes et contrôleurs du monde
entier. L’analyse de ce questionnaire conduit à des résultats très pertinents,
notamment grâce au nombre important de réponses. En effet, 2070 pilotes
et 568 contrôleurs internationaux y ont participé.

Une question de ce sondage portait sur l’existence d’une pratique com-


mune utilisée qui pouvait représenter une menace pour la sécurité des vols :

ENAC page 27 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

“Is there a procedure or a common practice used by pilots or ATC (Air


Traffic Controllers) that creates a threat ?”. Les pilotes ont, entre autres,
répondu à cette question en citant le “speech rate” et le nombre trop im-
portant d’instructions données dans un même message.

Le rapport indique : “Pilots indicated that when they received several


ATC instructions at once, they were more susceptible to errors of unders-
tanding. Communications should be short and include concise instructions,
and not be given during critical phases of flight”.

Par exemple, à Roissy, les instructions de roulage au sol peuvent s’avérer


être longues, ceci étant dû au nombre important de taxiways pour rejoindre
le point d’arrêt d’une piste en partant du poste de stationnement.

Exemple : “Citron Air 1 2 3, roulez Alpha 3, Alpha, Novembre, Que-


bec, point d’arrêt Quebec 4, piste 27L”.

2.2.4 Incitations implicites


Une règle connue de tout pilote et tout contrôleur est qu’une clairance
annule et remplace une autre clairance donnée antérieurement.

Exemple : “Citron Air 123, montez niveau 1 2 0” puis plus tard “Citron
Air 123, stoppez la montée niveau 9 0”.

Dans l’exemple précédent, le pilote doit bien arrêter la montée au niveau


de vol 90. La clairance précédente de monter au niveau de vol 120 devient
caduque et est remplacée par l’instruction de stopper la montée.

Cependant, par le choix de ses mots, le contrôleur peut parfois inciter


le pilote à poursuivre une action non voulue par le contrôleur, ceci pouvant
engager la sécurité des aéronefs.

Exemple :

Figure 9 – Incitation implicite

ENAC page 28 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Situation : Citron Air 123 reçoit la clairance de maintien avant la piste


27L : “Citron Air 123, maintenez avant piste 27 L, point d’arrêt K 3”. Ci-
tron Air 123 ralentit cependant fortement avant de dégager les servitudes
de la piste 27R, et Citron Air 456 est sur le point d’atterrir également sur
la piste 27R. Citron Air 789 est autorisé au décollage sur la piste 27L. Le
contrôleur demande alors à Citron Air 123 de dégager rapidement la piste :
“Citron Air 123, poursuivez le roulage, trafic en courte finale”. Le contrô-
leur n’ayant pas donné un nouveau verrou de maintien avant la piste 27L,
Citron Air 123 interprète la clairance du contrôleur comme une autorisation
de traversée. Ceci mène alors à une incursion de piste et aurait pu mener à
un accident.

Pour empêcher un tel événement de se produire, le contrôleur peut choisir


d’utiliser d’autres mots pour que l’avion dégage rapidement les servitudes
de piste. Par exemple, une expression du type “expédiez le dégagement,
trafic en courte finale” incitera moins le pilote à traverser la piste. Toutefois,
qu’importe la phraséologie utilisée, le contrôleur doit s’assurer que le Citron
Air 123 ne traversera pas, même s’il doit pour cela répéter sa clairance de
maintien avant la piste.

2.3 Une barrière aux aléas : le collationnement


La communication pilote / contrôleur s’appuie d’une part sur la phraséo-
logie, code commun aux pilotes et aux contrôleurs qui permet de minimiser
les risques d’incompréhension ou de confusion, et d’autre part sur le colla-
tionnement qui permet quant à lui de vérifier la bonne réception d’une ins-
truction. Il s’agit là du dernier niveau communicationnel dans notre modèle
de Reason, c’est à dire de la dernière ligne de défense contre les conséquences
négatives d’un aléa de la communication, avant la survenue d’un incident ou
l’intervention d’un autre système.

En effet, la clarté du message transmis ne garantit cependant pas sa ré-


ception. Un message émis peut ne pas avoir été entendu et “intégré” par le
récepteur. Or, le plus important est que le message ait bien été compris par
le destinataire. Une communication accomplie repose non seulement sur la
transmission d’informations mais aussi la vérification que ces informations
ont été reçues et comprises.

Le collationnement est un accusé de réception de l’information. Il consiste,


pour le pilote, à répéter tout ou une partie d’un message, de manière à per-
mettre au contrôleur à l’origine de ce message de vérifier l’exactitude de la
teneur de l’information reçue. C’est au moment de ce “read back” que le
contrôleur qui reçoit l’information lève un doute et corrige une éventuelle
erreur.

ENAC page 29 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

En réalité, le collationnement a double vertu. En plus de permettre au


contrôleur de s’assurer de la compréhension du message par le pilote, il per-
met aussi au pilote, en répétant l’instruction du contrôleur, d’intégrer et
de mémoriser le sens du message. C’est là tout l’intérêt de cette méthode :
l’intégration phonétique.

Le collationnement incomplet par le pilote des instructions qui lui sont


destinées et le collationnement erroné non repéré par le contrôleur sont les
formes de dysfonctionnements les plus fréquemment cités dans les travaux
sur les communications sol / bord. Par exemple, un des problèmes repérés
dans notre questionnaire est “le non collationnement récurrent du terme
“holding point” par les pilotes, pas nécessairement repris par l’ATC” lors
des clairances de maintien avant la piste, considéré comme un précurseur
d’incursion de piste.

La seule barrière restante pour éviter un problème, à ce moment là, se-


rait l’écoute du collationnement du pilote. Cependant, sous des conditions de
forte charge ou de distraction, le contrôleur à son tour pourrait entendre ce
qu’il prévoit d’entendre, et ne pas détecter non plus le mauvais collationne-
ment. D’ailleurs, le collationnement est sûrement le type de message le plus
assujetti aux attentes : le contrôleur présume à chaque fois que le pilote a
compris ce qu’il lui a dit, et c’est la raison pour laquelle une attention accrue
est prônée lors de l’écoute des collationnements. Comme vu précédemment,
dans le cas d’un alignement conditionnel donné par le contrôleur, il arrive
que ce dernier se base seulement sur la forme du message pour s’assurer que
le pilote ait bien compris l’instruction : le collationnement du “Behind, . . .
behind” par le pilote lui suffira souvent pour considérer la clairance comme
parfaitement reçue. Cependant, cette formulation implique pour le contrô-
leur que le pilote va chercher à voir un avion en amont de sa position : or,
cette signification-là n’est plus partagée par les pilotes, du fait de l’emploi
par l’ATC, sur d’autres terrains du monde, de la clairance conditionnelle
vis-à-vis d’avions situés en aval.

Après cet inventaire, non exhaustif, des aléas de communication et des


facteurs explicatifs identifiés, nous allons nous attacher à la question des
actions correctives ou préventives déjà en oeuvre localement ou à envisa-
ger pour le futur. Dans un premier temps, nous présenterons un aperçu de
la plate-forme de CDG visant à mieux faire appréhender la spécificité des
opérations. Nous entreprendrons ensuite l’étude de deux problématiques im-
portantes à CDG et en dégagerons des possibilités de résolution.

ENAC page 30 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

3 Agir à Roissy-Charles-de-Gaulle
3.1 Présentation de la plateforme et contexte
L’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, situé à une quinzaine de kilo-
mètres au nord-est de la capitale, accueille un trafic quasi exclusivement
IFR commercial. Chaque année, environ soixante cinq millions de passa-
gers y empruntent des vols domestiques, moyens et longs courriers, générant
une moyenne d’environ mille cinq cents mouvements quotidiens sur la pla-
teforme.

Figure 10 – Terrains de la régions parisienne

Depuis son inauguration en 1974, l’aéroport n’a cessé de se développer :


il s’étend aujourd’hui sur une superficie de 3254 hectares répartis sur trois
départements et huit communes. Il est ouvert H24.

L’aéroport est équipé de quatre pistes parallèles orientées 086°/266°,


réparties en deux doublets situés de part de d’autre des terminaux. Toutefois,
pour des raisons de sécurité, leurs appellations sont distinctes : le doublet
09/27 au nord, et le doublet 08/26 au sud.

ENAC page 31 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Figure 11 – Environnement de la plateforme de Roissy-CDG

Chaque doublet est constitué :


— d’une piste dite intérieure, de 4200m de long (4215m pour la piste
sud) et 45 mètres de large, utilisée principalement pour les décollages ;
— d’une piste dite extérieure, de 2700m de long et 60m de large, utilisée
principalement pour les atterrissages.

Figure 12 – Utilisation des doublets de façon nominale

Les deux doublets de piste sont utilisés en mode spécialisé : les avions
se posent sur la piste extérieure et décollent de la piste intérieure. De ce
fait, il est nécessaire que toutes les arrivées traversent la piste intérieure afin
d’accéder aux terminaux.
Afin de limiter au maximum les risques liés à une traversée inopportune
d’une piste intérieure par un avion à l’arrivée, le nombre de voies de traversée
a été limité à trois par QFU, et elles sont toutes situées très en aval des seuils
de piste.

ENAC page 32 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Figure 13 – Capture de l’écran AVISO (Aide à la Visualisation au Sol)

Toujours dans une optique d’amélioration de la sécurité, il existe à Roissy


plusieurs actions mises en place au niveau local. De manière non exhaustive,
on peut citer :
— les REX (Retour d’EXpérience) de la QS/S auprès des contrôleurs.
Un REX est l’analyse méthodique et rigoureuse d’un événement dans
le but de comprendre les causes et les mécanismes ayant conduit, lors
de la gestion, à des dysfonctionnements afin d’en tirer des enseigne-
ments pour l’avenir ;
— le module de formation locale, qui attire l’attention sur les situations
à risque et les moyens de s’en prévenir : repérage des incitations
implicites et réitération de l’instruction de s’arrêter, risques de signi-
fications non partagées, écoute des collationnements ;
— les réunions avec les responsables sécurité des compagnies aériennes,
ayant pour but le partage des problématiques et la mise en place de
plans d’action communs.

Nous allons désormais entreprendre l’étude de deux problématiques im-


portantes à CDG. La première tourne autour de la notion de “hold short”,
que nous avons choisi car plusieurs événements de sécurité concernant cette
problématique ont été observés sur la plateforme et de nombreux question-
nements en découlent. La seconde concerne l’utilisation des langues française

ENAC page 33 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

et anglaise à la radio. Cette problématique d’actualité fait suite au règle-


ment européen sur fond de débat ancien et passionné entre anglophones et
franco-français.

3.2 Problématique du “hold short”


Comme vu précédemment, à Roissy et sur tout aéroport composé d’un
doublet de pistes, les arrivées doivent maintenir entre les pistes avant de
traverser la piste dédiée aux départs. La phraséologie standard de maintien
entre les pistes est la suivante : “Callsign, hold short of runway xxx, holding
point xx”.

Il arrive cependant régulièrement qu’il y ait des incompréhensions vis-à-


vis de cette phraséologie, ceci pouvant mener à des incursions de piste. Une
incursion de piste peut être due à plusieurs facteurs. D’ailleurs, comme le
montre le modèle de Reason, il nécessite plusieurs facteurs additionnés les
uns aux autres pour qu’une incursion de piste ait lieu.

Un des premiers facteurs est le mauvais collationnement de la part du


pilote. Ceci peut être dû à plusieurs causes. Tout d’abord, il peut ne pas
comprendre le message du contrôleur. Il se peut que l’élocution ait été trop
rapide ou que les mots aient mal été prononcés. On entend souvent les contrô-
leurs donner rapidement l’instruction de maintien avant la piste sans séparer
les mots “hold” et “short”, et sans aspirer le “h”. Ceci peut alors amener
le pilote à confondre l’expression avec “cross”. En effet, de nombreux cas
d’incompréhensions ont été reportés sur la plateforme ces dernières années.
De plus, le mauvais collationnement peut simplement être dû au “wish hea-
ring”. Le pilote entend ce qu’il veut entendre et répond par un message qui
va dans le sens de son objectif : traverser la piste.

Exemples :

C : “Citron Air 123, maintenez avant piste 0 9 R, point d’arrêt K 8”


P : “Traversons piste 0 9 R par K 8, Citron Air 123”

C : “Citron Air 1 2 3, hold short of runway 2 6 R, holding point S 2”


P : “We cross runway 2 6 R, at S 2, Citron Air 1 2 3”

On pourrait penser qu’une solution à ce problème serait dans un premier


temps de modifier la phraséologie anglaise de maintien avant la piste. Il a été
demandé aux destinataires du questionnaire s’ils pensaient qu’il pouvait y
avoir une confusion entre les expressions “cross” et “hold short”. Ensuite, la
phraséologie actuelle leur a été donnée, et il leur a été demandé de réfléchir
à une autre formulation de l’instruction de maintien avant la piste qui serait

ENAC page 34 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

moins confuse et plus adaptée.

De nombreuses réponses intéressantes en sont ressorties. Les pilotes et


contrôleurs français proposent pour la plupart une formulation contenant le
mot “maintain” et/ou le mot “before”, par exemple “hold before runway 0
8 L, holding point S 6” ou “maintain before runway 0 8 L, holding point S
6”, ces mots étant considérés comme forts par les participants du question-
naire. Une autre idée proposée est de séparer les mots “hold” et “short” et
de placer le nom du point d’attente entre ces mots, ce qui donnerait “hold
S 6 short of runway 0 8 L”. Cette formulation a l’avantage de supprimer la
possible confusion avec l’expression “cross” mais l’inconvénient d’effacer les
mots “holding point”, ceux-là ayant un impact fort sur la compréhension de
l’instruction par le pilote.

Cependant, 100% des pilotes anglophones ayant répondu à ce question-


naire ont répondu qu’ils ne voyaient pas de confusion possible entre les ex-
pressions “cross” et “hold short”, à condition que l’énoncé soit clair et ne
soit pas trop rapide. Il est ressorti plusieurs fois du questionnaire que le
contrôleur doit s’assurer de parler lentement, calmement, distinctement, et
avec emphase, lors de sa clairance de maintien avant la piste.

Le problème ne viendrait donc pas a priori de la phraséologie employée


en elle-même. De plus, les pilotes signalent dans le questionnaire qu’ils sou-
haitent qu’une même phraséologie standard soit utilisée sur toutes les pla-
teformes et sont donc assez réticents à l’idée de changer cette formulation.

Ainsi, il arrive que le collationnement du pilote soit incorrect et ne soit


pas relevé par le contrôleur. Une séance d’écoute d’enregistrements de fré-
quence a été réalisée concernant des incidents qui se sont produits sur la
plateforme de Roissy ces dernières années et un bilan a été effectué quant
aux raisons de ces incidents. Il ressort tout d’abord le fait que la phraséologie
du contrôleur est quasiment toujours standard, c’est à dire “Callsign, hold
short of runway xxx, holding point xx”, les mots “hold short of” et “holding
point” n’ayant été omis dans aucun cas. Cependant, le problème se pose lors
du collationnement du pilote. En effet, dans la plupart des cas, ce dernier
n’est pas standard. Il contient notamment les mots “holding point” accom-
pagné d’une confirmation de traversée de piste.

ENAC page 35 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Exemples :

C : Citron Air 1 2 3, hold short of runway 0 8 L, holding point S 6”


P : “Cleared to cross runway 0 8 L, holding point S 6, Citron Air 1 2 3”

C : “Citron Air 1 2 3, hold short of runway 0 8 L, holding point S 6”


P : “Cross runway 0 8 L by holding point S 6, Citron Air 1 2 3”

Une raison pour laquelle le contrôleur peut ne pas relever l’erreur de


collationnement est que les mots “holding point” sont utilisés. En entendant
ces mots, le contrôleur peut se sentir assez rassuré à l’idée que le pilote ne
va pas traverser et va bien maintenir le point d’arrêt avant la piste.

Ce qui permettrait d’empêcher de telles situations de se produire serait


que le pilote collationne toujours exactement ce qu’il a compris. S’il pense
avoir reçu une instruction de traverser la piste, il devrait collationner “We
cross runway 0 8 L via S 6, Citron Air 1 2 3” sans utiliser le terme “holding
point”, sans omettre ni rajouter de terme à cette phraséologie. S’il pense
avoir reçu une instruction de maintenir avant la piste, il devrait collationner
“We hold short of runway 0 8 L, holding point S 6, Citron Air 1 2 3” en
énonçant les mots le plus clairement possible, sans omettre ni rajouter de
terme. En cas de doute, le pilote doit faire confirmer la clairance jusqu’à ce
que le doute soit levé. De même, le contrôleur doit faire répéter le pilote s’il
n’est pas absolument sûr du collationnement de son interlocuteur.

Cela s’applique évidemment aussi à tout autre collationnement. La prio-


rité étant la sécurité dans ce milieu, il ne faut pas qu’un doute puisse sub-
sister d’un côté comme de l’autre.

Pour conclure, les données en notre possession ne plaident pas pour un


changement de phraséologie, mais plutôt pour un renforcement de la ri-
gueur dans l’usage d’une phraséologie règlementaire et homogène, qui paraît
à même d’assurer une conscience de la situation exacte et partagée entre
pilotes et contrôleurs. Cette conscience partagée de la situation peut être
améliorée par le seul usage de la langue anglaise dans les communications
radio. En effet, il a été remarqué que dans un grand nombre des incidents
vus plus haut, les langues française et anglaise ont été utilisées. Dans un tel
cas, un pilote anglophone, pensant être autorisé à traverser la piste, ne com-
prend pas l’instruction de décollage en français donné à un départ et va donc
poursuivre son roulage dans le but de traverser. On perd alors une barrière
de rattrapage lorsque les pilotes ne parlent pas la même langue puisqu’il y
a un manque partagé de la situation.

ENAC page 36 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

3.3 L’anglais : vers une meilleure conscience partagée de la


situation
L’OACI distingue trois aspects langagiers principaux pouvant contribuer
à un accident ou un incident : l’emploi incorrect des phraséologies standards,
un manque de compétence linguistique et l’emploi de plus d’une langue dans
le même espace aérien. Ces deux derniers points feront l’objet de cette partie.

Comme nous l’avons vu dans plusieurs exemples précédents, l’utilisation


de plusieurs langues dans un même espace aérien est synonyme d’une dé-
gradation de la conscience partagée de la situation. En effet, dans un pays
donné, les pilotes étrangers ne peuvent pas comprendre les échanges effec-
tués dans la langue nationale. Il en résulte un manque d’anticipation des
actions des autres pilotes, et une barrière supplémentaire est ainsi perdue
en termes de sécurité.

Les règles européennes vont largement au-delà des normes minimales de


l’OACI. Ainsi, face à ce manque notable de conscience partagée de la situa-
tion à travers l’Europe, l’EASA (European Aviation Safety Agency), l’ins-
titution européenne gérant la réglementation communautaire en matière de
sécurité et de compatibilité environnementale de l’aviation civile, propose
que l’anglais devienne la seule langue utilisée sur les aéroports européens
enregistrant plus de 50.000 mouvements commerciaux par an, tout en gar-
dant la possibilité pour chaque état d’utiliser sa propre langue dans certains
cas spécifiques lorsque la situation l’exige. Cette mesure sera intégrée dans
la partie C de SERA (Standard European Rules of the Air), la nouvelle ré-
glementation européenne remplaçant les documents nationaux existants :

“The English language shall be available, at the request of any aircraft,


at all stations on the ground serving designated aerodromes and routes used
by international air services. Unless otherwise prescribed by the competent
authority for specific cases, the English language shall be used at aerodromes
with more than 50 000 international IFR movements per year.”

ENAC page 37 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

En France, les aéroports concernés seraient les suivants :


— Nantes Atlantique (50.000) ;
— Bordeaux Mérignac (53.000) ;
— Paris Le Bourget (55.000) ;
— Bâle Mulhouse (74.000) ;
— Toulouse Blagnac (81.000) ;
— Marseille Provence (91.000) ;
— Lyon St-Exupéry (106.000) ;
— Nice Côte d’Azur (158.000) ;
— Paris Orly (232.000) ;
— Paris CDG (470.000).

Le 23 mars 2000, Air France a tenté une expérimentation : les pilotes de


sa compagnie devaient parler uniquement en anglais sur les fréquences de
la plateforme de CDG. Cette expérimentation ne s’est pas avérée convain-
cante et s’est terminée le 6 avril, soit deux semaines plus tard. En effet,
certains pilotes ne respectaient pas cette nouvelle règle et communiquaient
en français avec les contrôleurs, ceux-ci ne sachant donc plus différencier les
anglophones des francophones. De plus, le nombre important d’avions Air
France sur la plateforme rendait l’opération difficile.

D’autres problèmes viennent également s’ajouter pour pouvoir établir


des communications uniquement en anglais en France. Se pose par exemple
le problème de compétence linguistique. Les pilotes volant suivant les règles
de vol à vue (VFR : Visual Flight Rules) n’ont pas d’obligation de savoir
parler anglais. Le même type de problème se pose avec les conducteurs de vé-
hicules qui arpentent la plateforme, et qui sont en fréquence avec les contrô-
leurs Sol ou Loc.

Pour résoudre ce problème de compétence linguistique, il faudrait four-


nir aux concernés une formation d’apprentissage et/ou de perfectionnement
à l’anglais. La solution la plus économiquement viable serait d’imposer l’an-
glais seulement aux pilotes et aux contrôleurs dans un premier temps, qui
eux ont un niveau d’anglais minimum requis. Cela couvrirait déjà en grande
partie les cas de manque de conscience partagée de la situation.

Dans notre questionnaire, à la question ouverte : “At CDG, do you think


there is a procedure, or a common use, in terms of communication, used by
pilots or controllers, which may threaten safety ?”, 85% des pilotes étrangers
nous ont répondu que oui, en précisant “the use of french language on the
radio”, sans même leur avoir suggéré.

Enfin, 100% des pilotes étrangers ont répondu “oui” à la question “Do
you think that English should be the only language used by ATCs at CDG as

ENAC page 38 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

well as at other international airports ?”, et ce avec beaucoup d’emphase,


tout comme une large majorité des contrôleurs et pilotes français, qui eux
ont précisé qu’il serait judicieux de tout de même pouvoir repasser en fran-
çais lorsque la situation l’exige. Il a notamment été relevé que la position la
plus propice à l’implémentation de cette nouvelle mesure serait la position
Loc : “l’endroit est critique, mais les situations ne sont pas très complexes à
comprendre pour les pilotes. Mais dès qu’une situation anormale apparaît, il
serait dommage de se priver de s’exprimer en français entre pilotes et ATC
francophones, dans la mesure où cela permet des messages plus rapides, plus
clairs, plus précis”.

Il est bien confirmé dans les réponses que cette mesure améliorerait la
conscience partagée de la situation, comme c’est déjà le cas en Allemagne,
où le “tout anglais” a été adopté, tout en ayant la possibilité de revenir à
l’allemand en cas de nécessité. Le débat reste ouvert en France et notamment
à CDG. D’ailleurs, une étude de sécurité vient d’être initiée par le STAC
(Service Technique de l’Aviation Civile) pour objectiver l’intérêt et les limites
de l’utilisation du “tout anglais” à CDG.

ENAC page 39 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Page intentionnellement laissée blanche

ENAC page 40 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Conclusion
Dans 60% des cas d’accidents, les défaillances humaines se révèlent être
le facteur causal essentiel. La communication Sol / Bord étant un des pi-
liers des facteurs humains, améliorer la sécurité passe nécessairement par
l’amélioration de la qualité des échanges entre pilotes et contrôleurs. Les
modalités de ces échanges sont au centre de nombreuses discussions, tant au
niveau local à l’aéroport Roissy-CDG, qu’au niveau européen avec les normes
que l’EASA souhaite imposer. C’est dans ce cadre que s’inscrit ce mémoire,
dans lequel ont été étudiés les aléas de la communication pilote / contrôleur.

Il a tout d’abord été vu que, comme en témoigne son histoire, la commu-


nication sol / bord a nécessité d’être normalisée par un langage spécialisé
appelé phraséologie. Celle-ci répond donc à des caractéristiques très pré-
cises et strictes. Les mots et les expressions utilisés sont choisis très préci-
sément pour ne laisser aucune place à l’ambiguïté et ceux-ci sont énoncés
dans un ordre bien particulier pour former un message “squelette” qui sera
facilement reconnu par les interlocuteurs.Cette phraséologie n’est cependant
pas toujours respectée, parfois pour résoudre des situations complexes qui
ne pourraient être couvertes par la phraséologie, d’autres fois par simple
manque de rigueur.

Ceci nous amène logiquement à aborder les aléas de la communication.


Comme les analyses des plus graves accidents du monde aéronautique nous
le montrent, ils sont nombreux et ont des origines très variées. Ces aléas
peuvent être issus directement du contexte et de l’environnement dans le-
quel le locuteur évolue, ou provenir du langage utilisé par ce dernier. Dans
tous les cas, ils fragilisent malheureusement un des maillons de la chaîne de
la sécurité, même si l’écoute des collationnements permet parfois de rompre
un processus d’incident.

Enfin, après cet inventaire, non exhaustif, des aléas de communication et


des facteurs explicatifs identifiés, nous nous sommes attachés à la question
des actions correctives ou préventives déjà en oeuvre localement ou à envi-
sager pour le futur. En effet, de nombreux événements de sécurité observés
à Roissy-CDG, avec des traversées de piste inopportunes, nous ont mené à
nous intéresser à la problématique du “hold short”, et à celle de l’emploi de
plusieurs langues sur un terrain aussi conséquent que CDG.

ENAC page 41 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Les études réalisées nous permettent de conclure que, si un changement


de phraséologie ne s’avère pas nécessaire, un renforcement de la rigueur dans
l’usage d’une phraséologie réglementaire et commune à tous les usagers ainsi
que l’utilisation d’une seule et unique langue sur des positions de contrôle
critiques telles que le Loc paraissent à même d’assurer une conscience de la
situation exacte et partagée entre pilotes et contrôleurs.

ENAC page 42 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Glossaire

AC Aircraft
ATC Air Traffic Controller
ATM Air Traffic Management
AVISO Aide à la Visualisation au Sol
BEA Bureau d’Enquêtes et d’Analyses
CAG Circulation Aérienne Générale
CDG Aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle
CLS Commission Locale de Sécurité
DGAC Direction Générale de l’Aviation Civile
EASA European Aviation Safety Agency
ENAC Ecole Nationale de l’Aviation Civile
IATA International Air Transport Association
ICAO International Civil Aviation Organization
IFALPA International Federation of Air Line Pilots’ Association
IFATCA International Federation of Air Traffic Controllers’ Association
IFR Instrument Flight Rules
MANEX Manuel d’Exploitation
OACI Organisation de l’Aviation Civile Internationale
PANS Procedures for Air Navigation Services
QS/S Qualité de Service et Sécurité
RCA Réglementation de la Circulation Aérienne
REX Retour d’Expériencel
SERA Standard European Rules of the Air
STAC Service Technique de l’Aviation Civile
UAF Union des Aéroports Français
VFR Visual Flight Rules

ENAC page 43 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Page intentionnellement laissée blanche

ENAC page 44 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Bibliographie

Arrêté du 6 juillet 1992 relatif aux procédures pour les organismes ren-
dant les services de la circulation aérienne aux aéronefs de la circulation
aérienne générale (RCA/3) ;

Annexe A de l’arrêté du 28 août 2003 modifié relatif aux conditions d’ho-


mologation et aux procédures d’exploitation des aérodromes (CHEA) ;

Annex 6 to the Convention on International Civil Aviation, Operation


of Aircraft, Part 1, International Commercial Air Transport — Aeroplanes,
ICAO, Neuvième édition, Juillet 2010 ;

Annex 10 to the Convention on International Civil Aviation, Aeronau-


tical Communication, Volume 1, Radio Navigation Aids, ICAO, Sixième
édition, Juillet 2006 ;

Annex 14 to the Convention on International Civil Aviation, Aerodromes,


Volume 1, Aerodrome Design and Operations, ICAO, Cinquième édition,
Juillet 2009 ;

Air Traffic Management, Procedures for Air Navigation Services, Doc


4444, ICAO, Fourteenth Edition, 2001 ;

Siting Criteria for Instrument Landing Systems, Federal Aviation Admi-


nistration, Department of Transportation, 10 Avril 2014 ;

Assessment of ILS protection areas impact on large aircraft operations,

Manex CDG TWR/APP, version du 18/07/16

Eurocontrol Safety Regulatory Requirement (ESARR) ;

ENAC page 45 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Page intentionnellement laissée blanche

ENAC page 46 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Annexes

Annexe 1 - Alphabet Aéronautique

Annexe 2 - Questionnaire adressé aux 12 compagnies les plus pré-


sentes sur la plateforme de CDG, ainsi qu’aux contrôleurs de CDG

ENAC page 47 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Annexe 1

ENAC page 48 Octobre 2016


Les Aléas de la Communication Sol / Bord

Annexe 2

ENAC page 49 Octobre 2016

Vous aimerez peut-être aussi