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Université Paris Sud

Faculté Jean Monnet - Droit, Économie, Gestion


Année universitaire 2014-2015

La protection de l’environnement,
composante de l’intérêt général

Étude du traitement jurisprudentiel de la notion par la


Cour européenne des droits de l’Homme

Par Vadim JEANNE

Sous la direction de Monsieur le Professeur Laurent FONBAUSTIER

Mémoire de Master 2
Mention Droit de l’environnement - Parcours Recherche
« L’université Paris Sud n’entend donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées
comme propres à leur auteur. »
TABLE DES ABRÉVIATIONS

Agenda 21 : Agenda 21 de la déclaration de Rio sur l’environnement et le


développement de 1992
AJDA : Actualité Juridique de Droit Administratif
BDEI : Bulletin du Droit de l’Environnement Industriel
BVerfG : Bundesverfassungsgerichts (Cour constitutionnelle fédérale
allemande)
CAA : Cour Administrative d’Appel
Cass. (Italie) : Cour de cassation (Italie)
CC : Conseil Constitutionnel
CCC : Cahiers du Conseil Constitutionnel
CE : Conseil d’État (France)
CEDH : Cour européenne des droits de l’Homme
CIJ : Cour Internationale de Justice
CJUE : Cour de Justice de l’Union Européenne
Constit. Bel. : Constitution du Royaume de Belgique du 7 février 1831
Constit. Esp. : Constitution Espagnole de 1978
Constit. Ital. : Constitution de la Ière République Italienne du 27 décembre
1947
Conv. EDH : Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme
et des libertés fondamentales
Com. EDH : Commission Européenne des Droits de l’Homme
Cour Bel. : Cour constitutionnelle belge (anciennement Cour d’Arbitrage
belge)
Cour Ital. : Cour constitutionnelle italienne
D. : Recueil Dalloz Sirey
DDHC : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789
Dr. adm. : Revue Droit administratif
Dr. env. : Revue Droit de l’environnement
Dr. pen. : Revue Droit pénal
Environnement : Revue Environnement et Développement durable (LexisNexis)
GG : Grundgesetz (Loi fondamentale allemande du 23 mai 1949)
Gr. Ch. : Grande Chambre (CEDH)
HRLJ : Human Rights Law Journal
JTDE : Journal des Tribunaux – Droit Européen
LPA : Les Petites Affiches
TC : Tribunal constitutionnel espagnol
RDI : Revue de Droit Immobilier
RDP : Revue du Droit Public
REDE : Revue Européenne de Droit de l’Environnement
RFDA : Revue Française de Droit Administratif
RFDC : Revue Française de Droit Constitutionnel
RIDC : Revue Internationale de Droit Comparé
RJE : Revue Juridique de l’Environnement
RTDH : Revue Trimestrielle des Droits de l’Homme
RUDH : Revue Universelle des Droits de l’Homme
REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier mon directeur de mémoire, le Professeur Laurent Fonbaustier,


pour son aide et le temps (précieux) qu’il a pu m’accorder lors de l’élaboration de cette
étude. Par ses conseils, il a su m’épauler dans l’approfondissement de cet objet
d’étude, développant ainsi mon intérêt pour la recherche environnementale.

Je tiens à remercier aussi le personnel de la bibliothèque universitaire de la Faculté


Jean Monnet, pour leur aide dans mes recherches bibliographiques.

Je tiens enfin à remercier mes correcteurs pour leur soutien dans la finalisation de ce
mémoire.
SOMMAIRE

INTRODUCTION .................................................................................................................... 1

CHAPITRE 1 : LES DROITS DE L’HOMME ET LEUR MISE EN COMPATIBILITÉ AVEC L’INTÉRÊT


GÉNÉRAL ATTACHÉ À LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ................................................. 9

Section 1 : L’étude du traitement constitutionnel européen en matière de


protection de l’environnement ............................................................................................10
Section 2 : L’intérêt général attaché à la protection de l’environnement et les
droits de l’Homme, un traitement variable dans la jurisprudence de la CEDH
.............................................................................................................................................................28

CHAPITRE 2 : L’INTÉRET GÉNÉRAL ATTACHÉ À LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

COMME STANDARD DE CONTRÔLE DES ACTIONS ÉTATIQUES ................................................. 48

Section 1 : Le contrôle des actions étatiques par la CEDH dans le domaine de


la protection de l’environnement........................................................................................49
Section 2 : Le contrôle des actions étatiques à travers la démarche
sensibilisatrice de la jurisprudence environnementale de la CEDH ...................69

CONCLUSION ...................................................................................................................... 87

ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 89
Introduction
« L’intérêt général, concept parfois un peu abstrait, est souvent défini comme étant
“distinct de la simple somme des intérêts particuliers”. Peut-on trouver un meilleur exemple
que celui de la défense, non seulement des intérêts des habitants actuels de la planète mais
aussi ceux des générations futures ? »1.

Par cette formule, extraite des conclusions de Yann Aguila sous la décision Commune
d’Annecy rendue par le Conseil d’État le 3 octobre 2008, la protection de l’environnement
s’affirme comme l’expression la plus adéquate de l’intérêt général par sa capacité à agir pour
l’intérêt du plus grand nombre d’individus. Loin de nous l’idée de porter un jugement de
valeur ou d’effectuer un classement des différentes composantes de l’intérêt général mais
cette phrase nous invite à constater l’importance prise par la protection de l’environnement en
tant qu’intérêt général au sein du contentieux ici administratif. Malgré cette phrase
introductive, l’objet de notre étude concerne bien le traitement jurisprudentiel de la notion par
la CEDH mais il est intéressant de relever un certain parallélisme dans l’importance prise par
celle-ci au sein des deux contentieux.

1. Définition et délimitation du sujet

Pour aussi renommée qu’elle soit, la notion d’intérêt général conserve toutefois une
grande part de mystère. Celle-ci tient particulièrement à la difficile définition de ses contours
et de son contenu, le doyen Georges Vedel la qualifiait d’ailleurs comme étant
« indéfinissable »2. Ainsi, à défaut d’en saisir parfaitement la teneur, les auteurs s’accordent
sur l’objectif poursuivi par la notion à savoir la réalisation de l’intérêt du plus grand nombre,
« […] la meilleure satisfaction collective de valeurs partagées »3 ou encore « ce qui est pour
le bien public, à l’avantage de tous. »4. Cette difficulté explique notre volonté de ne pas
rechercher une définition de l’intérêt général mais plutôt, en nous inspirant du raisonnement

1
Y. AGUILA, Conclusions sur CE, 3 octobre 2008, Commune d’Annecy, n° 297931.
2
Cité par D. ALLAND et S. RIALS (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, LAMY-PUF, coll. Quadrige,
2ème édition, 2007, p. 839.
3
Ibid., p. 840.
4
G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Quadrige, 10ème édition, 2014, p. 563.

1
suivi par Didier Truchet dans sa thèse5, de nous concentrer sur les fonctions que recouvre
cette notion à travers une de ses composantes, la protection de l’environnement. De même,
nous n’évoquerons pas les notions voisines, voire identiques pour certains auteurs6, de
l’intérêt général que sont celles de l’utilité publique, du bien commun, de l’intérêt commun,
de l’intérêt public ou encore de l’intérêt national. Cette conception s’explique au regard du
peu de cas que la CEDH fait des différences entre les notions en matière de protection de
l’environnement, faisant référence indifféremment à l’utilité publique ou à l’intérêt général 7.

Toutefois, en dépit de la difficulté à définir la notion, la CEDH utilise bien la notion


d’intérêt général dans les litiges l’y incitant8. Comme le souligne Frédéric Sudre, cette
utilisation de l’intérêt général dans le cas du contrôle des ingérences étatiques des droits se
conçoit comme un standard9. Cette notion, dont la définition reste incertaine10, semble
néanmoins être adaptée à l’utilisation de l’intérêt général qu’en fait la Cour de Strasbourg en
matière de protection de l’environnement. En effet, par sa fonction « idéologique », le
standard permettrait d’assurer « […] la légitimation de solutions juridiques retenues »11,
fonction recouvrant ainsi parfaitement les deux fonctions revêtues par l’intérêt général attaché
à la protection de l’environnement au sein de la jurisprudence de la CEDH comme nous le
développerons plus tard.

La protection de l’environnement demeure là aussi particulièrement difficile à saisir par le


droit. L’environnement peut être défini de manière un peu imprécise comme étant « […] le
milieu naturel, urbain, industriel (parfois aussi économique, social et politique) au sein
duquel vivent les hommes. »12. De manière un peu moins anthropocentrée, l’environnement
peut être conçu comme étant « […] ce qui environne les êtres vivants et détermine les

5
« Cette notion, relativement floue, est au cœur de notre étude ; elle n’en est pas l’objet. Ce sont surtout les
fonctions que le juge lui assigne, qui nous importent. », D. TRUCHET, Les fonctions de l’intérêt général dans la
jurisprudence du Conseil d’État, Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit public, 1977, p. 22.
6
Ibid. ; D. SIMON, « L’intérêt général vu par les droits européens », in B. MATHIEU et M. VERPEAUX (dir.),
L’intérêt général, norme constitutionnelle, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2007, p. 48.
7
CEDH, 29 mars 2010, Depalle c. France, § 87.
8
D. ALLAND et S. RIALS (dir.), op. cit., p. 842.
9
F. SUDRE, « La protection du droit de propriété par la Cour européenne des droits de l’Homme », D., 1988, p.
73.
10
S. RIALS, Le juge administratif français et la technique du standard, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit
public, 1980, p. 107 ; cité par G. MERLAND, L’intérêt général dans la jurisprudence du conseil constitutionnel,
Paris, LGDJ, coll. Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, 2004, p. 18.
11
D. ALLAND et S. RIALS (dir.), op. cit., p. 1440.
12
S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 22ème édition, 2014, p. 425.

2
conditions de leur développement. »13. Il ressort néanmoins de ces deux définitions que
l’environnement doit avant tout être appréhendé dans un ensemble constitué de multiples
interactions. Cette conception explique que l’environnement recouvre une notion
extrêmement protéiforme en droit dont les différents aspects se retrouvent au sein de la
jurisprudence de la CEDH. Ainsi, cette étude s’intéressera à l’ensemble des thématiques
environnementales qu’elles aient trait à la lutte contre les nuisances sonores14 ou olfactives15,
la protection des animaux contre la chasse16, le développement des énergies renouvelables17ou
la protection de la forêt18 et du domaine public maritime19. Dans la même optique, nous
pourrons aussi être amenés à évoquer certaines problématiques extérieures à la protection de
l’environnement mais ayant néanmoins des effets à son égard, telles que l’aménagement du
territoire20. Toutefois, malgré le champ extrêmement large recouvert par la protection de
l’environnement, cette étude ne se livrera pas à un recensement exhaustif des jurisprudences
de la Cour ayant trait à des problématiques environnementales mais plutôt d’en relever les
éléments les plus pertinents.

Cette volonté d’appréhender au mieux l’ensemble des thématiques environnementales


nous conduit ainsi nécessairement à aborder la notion de droit à un environnement sain. Bien
que l’objet de notre étude concerne l’environnement en tant que valeur d’intérêt général et
non pas en tant que droit fondamental, tel qu’il est appréhendé par la Cour, l’analyse des
jurisprudences sur ce dernier demeure indispensable. Au-delà de l’opposition classique entre
les droits fondamentaux et l’intérêt général21, il est ainsi particulièrement intéressant de
relever la connexité très forte entre l’intérêt général et les droits de l’Homme en matière de
protection de l’environnement puisque que comme nous le développerons dans notre étude,
les deux notions peuvent participer mutuellement à leur réalisation. Il n’est en effet pas rare
que, par l’exercice du droit à un environnement sain, la protection de l’environnement puisse
être réalisée.

13
F. BIORET, R. ESTÈVE et A. STURBOIS, Dictionnaire de la protection de la nature, Presses universitaires
de Rennes, coll. Espaces et territoires, 2009, pp. 174-175.
14
CEDH, 21 février 1990, Powell et Rayner c. Royaume-Uni.
15
CEDH, 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne.
16
CEDH, 29 avril 1999, Chassagnou et autres c. France.
17
CEDH, 26 février 2008, Fägerskiöld c. Suède (recevabilité).
18
CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique.
19
CEDH, 29 mars 2010, Depalle c. France, préc.
20
CEDH, Gr. Ch., 18 janvier 2001, Chapman c. Royaume-Uni ; CEDH, 22 mai 2003, Kyrtatos c. Grèce.
21
Par exemple, V. SAINT-JAMES, La conciliation des droits de l’homme et des libertés en droit public
français, Limoges, PUF, coll. Publications de la Faculté de droit et des sciences économiques de l’Université de
Limoges, 1995, pp. 395-406.

3
2. L’évolution de la jurisprudence environnementale de la CEDH

Afin de mieux saisir la place occupée par l’intérêt général attaché à la protection de
l’environnement, il est ainsi nécessaire d’effectuer un bref rappel historique de l’évolution de
la CEDH l’ayant conduite à élaborer progressivement une jurisprudence environnementale.
La Cour européenne des droits de l’Homme est une juridiction internationale instituée par
l’article 19 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950. La fonction principale de la Cour consiste
en l’exercice d’un contrôle supranational de l’application de la conv. EDH par les États
contractants. L’ancienneté de la conv. EDH explique directement l’absence de toute référence
aux thématiques environnementales, apparues principalement au niveau international au début
des années 7022. Ainsi, à la même période, nous pouvons constater l’invocation de celles-ci
dans certaines requêtes soumises à la com. EDH. Cette dernière, fort logiquement, concluait
systématiquement à leur irrecevabilité au motif « [qu’] aucun droit à la protection de la
nature ne figure, comme tel, au nombre des droits et libertés garantis par la Convention
[…]. »23.

Toutefois, au début des années 80 et en dépit de ces premiers rejets, la com. EDH
jugea bientôt recevables certaines requêtes dans lesquelles les plaignants invoquaient des
dégradations de leur environnement immédiat, dégradations pouvant être conçues comme des
ingérences dans les droits prévus à la conv. EDH. Dans l’affaire Arrondelle¸ la commission a
ainsi déclaré la requête recevable et considéré que le Royaume-Uni était responsable selon la
Convention « […] en raison du bruit excessif causé par les moteurs [qui] gêne la requérante
qui habite dans le voisinage immédiat. »24. Les premières apparitions de l’intérêt général
attaché à la protection de l’environnement peuvent aussi être observées au sein des décisions
de recevabilité de la com. EDH à partir de 198725.

La dualité recouverte par les thématiques environnementales, l’intérêt général et les


droits fondamentaux26, se retrouvera aussi au sein des arrêts de la CEDH à partir des années

22
Déclaration de Stockholm à la conférence des Nations Unies sur l’environnement en 1972.
23
Com. EDH, 13 mai 1976, X et Y c. République fédérale d’Allemagne, requête n° 715/60.
24
Com. EDH, 15 juillet 1980, Arrondelle c. Royaume-Uni.
25
Com. EDH, 15 juillet 1987, Hakansson et Sturesson c. Suède ; Com. EDH, 14 décembre 1987, Fredin c.
Suède.
26
M. DÉJEANT-PONS, « L’insertion du droit de l’Homme à l’environnement dans les systèmes régionaux de
protection des droits de l’Homme », RUDH, 1991, vol. 3, n° 1, pp. 462-463.

4
90. L’intérêt général attaché à la protection de l’environnement fut ainsi expressément
reconnu par deux arrêts de 199127 tandis que le droit à un environnement sain bénéficia d’une
reconnaissance en deux temps par l’arrêt Powell et Rayner en 199028 puis par l’arrêt Lopez
Ostra en 199429. La protection de ce droit fut ainsi mise en place, à défaut de dispositions
textuelles, de manière indirecte, « par ricochet ». Cette formule souligne le fait que ce droit est
protégé par l’intermédiaire d’un autre droit prévu à la convention, l’article 8 dans les deux
précédentes affaires, en tant que le bon exercice de ce dernier doit passer nécessairement par
la préservation d’un environnement de qualité.

Par le développement de ces différentes jurisprudences, les juridictions européennes


témoignèrent ainsi d’un véritable attachement aux problématiques environnementales et d’une
volonté d’adapter la conv. EDH aux problématiques contemporaines en dépit de toute
référence textuelle. Prenant appui sur l’importance prise par les thématiques
environnementales dans le débat public, la jurisprudence environnementale a dégagé
progressivement différents mécanismes, afin d’assurer au mieux la protection effective du
droit à un environnement sain tels que les obligations positives30 ou l’émergence de droits
environnementaux procéduraux31 comme nous l’étudierons plus tard.

Le mouvement suivi par la CEDH indique ainsi la place essentielle prise par les
thématiques environnementales au sein de sa jurisprudence, influencée par l’importance que
revêt la protection de l’environnement dans la sphère publique aujourd’hui. L’intérêt général
attaché à la protection de l’environnement est au cœur de cette influence puisqu’il bénéficie
de cet essor et revêt une certaine prédominance sur les autres composantes de l’intérêt général
telles que des impératifs économiques comme en témoigne la formule utilisée dans l’affaire
Hamer32.

27
CEDH, 18 février 1991, Fredin c. Suède (n° 1) ; CEDH, 29 novembre 1991, Pine Valley Developments Ltd c.
Irlande.
28
CEDH, 21 février 1990, Powell et Rayner c. Royaume-Uni, préc.
29
CEDH, 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne, préc.
30
CEDH, 18 juin 2002, Öneryildiz c. Turquie ; CEDH, 20 mars 2008, Boudaïeva et autres c. Russie.
31
CEDH, 16 février 1998, Guerra et autres c. Italie ; CEDH, 9 juin 1998, L.C.B. c. Royaume-Uni.
32
« L’environnement constitue une valeur dont la défense suscite dans l’opinion publique, et par conséquent
auprès des pouvoirs publics, un intérêt constant et soutenu. Des impératifs économiques et même certains droits
fondamentaux, comme le droit de propriété, ne devraient pas se voir accorder la primauté face à des
considérations relatives à la protection de l’environnement […] », CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c.
Belgique, préc., § 79.

5
3. L’intérêt de notre étude

Cette approche historique nous permet de démontrer l’importance prise par la notion de
protection de l’environnement comme composante de l’intérêt général au sein de la
jurisprudence de la CEDH et ainsi d’illustrer au mieux notre propos sur l’intérêt de l’étude de
cette dernière. La protection de l’environnement est encore, à l’heure d’écriture de cette étude,
une thématique extrêmement présente et actuelle au sein de la jurisprudence de la CEDH33.
L’étude du standard qu’est l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement nous
est apparue comme la démarche nous permettant de saisir au mieux l’évolution continue dans
laquelle s’inscrivait la jurisprudence environnementale de la CEDH.

Comme nous avons pu l’évoquer plus haut, au-delà de la confrontation classique entre
l’intérêt général et les droits de l’Homme, notions extrêmement présentes au sein de la
jurisprudence de la Cour de Strasbourg, l’objet de notre étude invite à repenser cette relation.
En effet, en développant des alternatives à la simple opposition frontale entre les deux
notions, l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement opère un renouvellement
des concepts plus classiques au sein de la jurisprudence de la CEDH. La protection de
l’environnement, par sa spécificité, nécessite du juge le développement de mécanismes et de
solutions spécialement adaptées.

Afin de mieux appréhender ce renouvellement, une étude poussée des différentes fonctions du
standard qu’est l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement sera nécessaire.
Notre étude visera donc à analyser les fonctions revêtues par l’intérêt général attaché à la
protection de l’environnement au sein de la jurisprudence de la CEDH mais aussi à étudier le
renouvellement que ce standard apporte à la jurisprudence environnementale de la Cour en
général.

Cette étude se concevra donc en deux parties, chacune relative à l’une des fonctions
identifiées du standard. Ainsi, le premier chapitre portera sur la mise en compatibilité des
droits fondamentaux avec l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement,
illustratrice de la fonction d’encadrement du standard. Ce chapitre sera l’occasion d’aborder le

33
CEDH, 24 mars 2015, Viviani et autres c. Italie (recevabilité) ; CEDH, 24 mars 2015, Smaltini c. Italie
(recevabilité).

6
traitement constitutionnel européen de la notion avant de se pencher plus en détail sur le cas
de la CEDH dans lequel les principaux points de renouvellement pourront être relevés.

Le second chapitre, encore plus spécifique au cas de la Cour de Strasbourg,


développera la fonction de contrôle des actions étatiques de l’intérêt général attaché à la
protection de l’environnement. En effet, par sa position supranationale, la CEDH opère ainsi
une vérification du bien-fondé des actions de l’État réalisées au nom de l’intérêt général. Au-
delà de ce contrôle, la CEDH opère aussi en creux, une démarche de sensibilisation à
l’environnement auprès des États.

7
8
Chapitre 1 : Les droits de l’Homme et leur mise en compatibilité
avec l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement

Au sein de ce chapitre, sera ainsi étudiée la protection de l’environnement en tant


qu’intérêt général et sa relation avec les droits de l’Homme, tels qu’entendus par la Cour
européenne des droits de l’Homme.

Afin de parvenir à une étude optimale de la relation entre ces deux notions, il nous a
semblé pertinent de nous intéresser, en premier lieu, au traitement constitutionnel européen de
la protection de l’environnement. Cette étude des Cours constitutionnelles permet de
comprendre le cadre constitutionnel européen dans lequel s’insère la jurisprudence de la
CEDH en matière d’environnement. La première section se divisera ainsi en deux parties,
l’une sur les jurisprudences de plusieurs Cours constitutionnelles de pays européens membres
du Conseil de l’Europe comme la France, l’Espagne ou encore l’Italie. La seconde partie
portera ensuite sur l’étude de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme
et le traitement qu’elle effectue de l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement
(Section 1).

La seconde section s’attardera ensuite sur la fonction d’encadrement des droits


fondamentaux par le standard d’intérêt général attaché à la protection de l’environnement. Il
sera ensuite intéressant d’évoquer sa capacité à renouveler les oppositions traditionnellement
entendues entre intérêt général et droits fondamentaux (Section 2).

9
Section 1 : L’étude du traitement constitutionnel européen en matière de
protection de l’environnement

Le traitement constitutionnel est ici entendu dans un sens large puisqu’il englobe les
jurisprudences de différentes Cours constitutionnelles européennes mais aussi celle de la
CEDH. Il nous paraît judicieux de rassembler ces juridictions sous le vocable de « Cour
constitutionnelle »34 dans la mesure où la CEDH a eu l’occasion de s’affirmer comme étant
l’interprète de la convention conçue comme étant « [l’] instrument constitutionnel de l’ordre
public européen »35. Ainsi, cette première section étudiera, en premier lieu, les différentes
conceptions constitutionnelles européennes de la protection de l’environnement (§ 1) avant
d’analyser plus spécifiquement la jurisprudence de la CEDH en la matière (§2).

§1 Les conceptions constitutionnelles européennes en matière de protection de


l’environnement

Ce premier paragraphe ne visera pas une analyse exhaustive de l’ensemble des


jurisprudences des Cours constitutionnelles européennes en matière de protection de
l’environnement mais relèvera plutôt certaines décisions pertinentes permettant d’avoir une
approche globale de la conception interne. La première sous-partie de ce paragraphe étudiera
les jurisprudences des Cours constitutionnelles belges, italiennes, espagnoles et allemandes
(A) puis de manière plus spécifique, la jurisprudence du conseil constitutionnel français (B).

A- Les diverses conceptions constitutionnelles européennes en matière de protection


de l’environnement

Cette sous-partie vise donc très logiquement à démontrer les spécificités constitutionnelles
des différents pays précités. Ainsi permettra-t-elle de mieux saisir les approches adoptées en
matière de protection d’environnement par la Belgique, l’Italie et l’Allemagne (1) et de
comprendre l’influence de la Cour européenne en matière d’environnement sur la juridiction
constitutionnelle espagnole (2).

34
Le terme « cour constitutionnelle » sera ici utilisé pour désigner les différentes juridictions constitutionnelles
étudiées, indifféremment de leur nature institutionnelle.
35
CEDH, Gr. Ch., 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), § 75.

10
1. Les conceptions des Cours constitutionnelles européennes en matière de protection de
l’environnement, l’exemple de la Belgique, de l’Italie et de l’Allemagne

Comme évoqué plus haut, l’approche des conceptions des Cours constitutionnelles
européennes en matière d’environnement, demeure parfaitement en lien avec le sujet de notre
étude, puisque celle-ci nous permet ainsi de replacer les différents développements de la
CEDH dans un contexte plus large que celui de sa jurisprudence.

L’analyse de la conception constitutionnelle de la juridiction suprême belge se focalisera


principalement sur un arrêt, représentatif de l’appréhension belge de la matière
environnementale. Il s’agit de l’arrêt rendu par la Cour constitutionnelle belge (anciennement
Cour d’Arbitrage) le 14 septembre 2006 dans l’affaire dit du standstill environnemental36. Le
standstill environnemental se conçoit dans cet arrêt comme une obligation faite au législateur
de ne pas « réduire sensiblement le niveau de protection offert par la législation applicable
sans qu’existent pour ce faire des motifs liés à l’intérêt général ». Dans le cadre de cet arrêt,
le juge constitutionnel belge applique ce mécanisme à la protection de l’environnement et
l’érige donc au rang de valeur dont la régression ne peut être balancée que par des
considérations liées à l’intérêt général. L’effet de standstill est l’effet direct principal pouvant
être tiré de l’article 23, alinéa 3 4° de la constitution belge37, qui, bien que prévoyant le droit
de chacun à la protection d’un environnement sain, nécessitait l’action du législateur pour être
invoqué38.

Par cette décision, nous pouvons ainsi mieux saisir la conception belge des
problématiques environnementales tendant à rapprocher la protection de l’environnement
d’une composante de l’intérêt général ne pouvant être limitée dans le cadre de
développements législatifs défavorables que sous réserve de l’invocation de motifs impérieux.

36
Cour Bel., 14 septembre 2006, arrêt n° 137/2006 ; P. BON et D. MAUS (dir.), Les grandes décisions des
cours constitutionnelles européennes, Dalloz-Sirey, coll. Grands arrêts, 2008, fiche n° 78, pp. 344-346 ; C.-H.
BORN et F. HAUMONT « Le principe de non-régression en droit de l’environnement - la situation en Belgique
», in M. PRIEUR et G. SOZZO (dir.), La non-régression en droit de l’environnement, Bruylant, 2012, pp. 285-
306.
37
F. HAUMONT, « Le droit constitutionnel belge à la protection d’un environnement sain. État de la
jurisprudence », RJE, 2005, n° spécial, pp. 41-52.
38
Constit. Bel., Article 23 : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
À cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations
correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment : […]
4° le droit à la protection d’un environnement sain […]. »

11
Il est donc intéressant de relever que la juridiction suprême attribue la même valeur à la
protection de l’environnement que la Cour européenne des droits de l’Homme.

Dans le cas de l’Italie, les dispositions constitutionnelles en lien avec la protection de


l’environnement se retrouvent uniquement à l’article 117 qui établit le partage des
compétences par rapport à celles de la région. Ainsi cet article prévoit-il que la protection de
l’environnement relève de la compétence de l’État qui peut donc légiférer sur le sujet39. Cette
unique disposition implique que la constitution italienne soit dépourvue de toute référence à
l’existence d’un droit subjectif à l’environnement. Pour pallier ce manque, la Cour de
cassation italienne, de son côté, a dégagé une protection plus indirecte des droits liés à
l’environnement en les rattachant à d’autres droits fondamentaux40. C’est le cas notamment du
droit à la santé interprété par la Cour constitutionnelle italienne comme un droit à un
environnement sain dans une décision de 197941. Ce mécanisme de protection « par ricochet »
n’est pas sans rappeler celui mis en place par la CEDH dans sa jurisprudence relative à
l’environnement.

Au-delà de cette protection indirecte des droits fondamentaux, la Cour constitutionnelle


italienne a eu l’occasion de préciser la valeur à laquelle elle érige la protection de
l’environnement. Dans une décision de 2002, la juridiction constitutionnelle italienne a
considéré que la protection de l’environnement correspondait bien à des fins d’intérêt
général42. Cette valeur d’intérêt général permet ainsi à la protection de l’environnement de
s’affirmer comme moyen de limitation à l’exercice de certains droits comme le droit de
propriété43. Cet exemple d’encadrement du droit de propriété par la protection de
l’environnement est très intéressant s’agissant d’une opposition récurrente au sein de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme.

La constitution allemande, à l’instar de la constitution italienne ou belge, effectue une


référence à la protection de l’environnement en tant que charge devant être exécutée par

39
Constit. Ital., Article 117 : « L’État a le pouvoir exclusif de légiférer dans les matières suivantes : […]
s) protection de l’environnement, de l’écosystème et du patrimoine culturel. ».
40
D. AMIRANTE, « Le principe de non-régression de l’environnement en droit italien », in M. PRIEUR et G.
SOZZO (dir.), op. cit., p. 333.
41
Cass. (Italie), 6 octobre 1979, arrêt n° 5172 ; G. PECCOLO, « Le droit à l’environnement dans la constitution
italienne », RJE, 1994, n° 4, p. 335.
42
Cour Ital., 20 novembre 2002, arrêt n° 478, considérant en droit n° 5 ; M.-P. ELIE, L’environnement dans la
jurisprudence de la cour constitutionnelle italienne, Toulon, 2003, pp. 359-360.
43
Cour Ital., 26 octobre 1994, arrêt n° 379, considérant en droit n° 6 ; M.-P. ELIE, op. cit., pp. 349-353.

12
l’État44. Cette disposition permet ainsi d’ériger la protection de l’environnement en tant que
valeur permettant de limiter l’exercice des droits fondamentaux 45. Toutefois, il faut noter que
la constitution allemande est dépourvue de toute référence à l’existence d’un droit subjectif à
un environnement sain. L’article 20a n’est pas considéré comme faisant partie des droits
fondamentaux de la constitution allemande et, de ce fait, ne peut pas faire l’objet d’un recours
individuel devant la Cour constitutionnelle allemande46.

Cette limitation textuelle a donc poussé la jurisprudence constitutionnelle allemande à


développer d’autres mécanismes permettant de porter les atteintes à l’environnement en tant
que droit subjectif devant les juridictions constitutionnelles. Le juge constitutionnel allemand
a ainsi développé un système de protection indirecte du droit à un environnement sain en le
rattachant à un droit fondamental, susceptible de recours individuel devant les juridictions
constitutionnelles. De plus, la Cour constitutionnelle fédérale n’a pas attendu la révision
constitutionnelle de 1987, introduisant l’article 20a, pour effectuer ce rattachement. En effet,
par une décision de 1978, la juridiction allemande a reconnu qu’une atteinte à
l’environnement pouvait être considérée comme une atteinte à la santé47.

Les conceptions des Cours constitutionnelles belges, italiennes et allemandes permettent


d’esquisser le cadre dans lequel le développement de la jurisprudence de la CEDH en matière
d’environnement se développe. Il est intéressant de voir que ces Cours, à l’instar de la CEDH,
érigent bien la protection de l’environnement au rang d’intérêt général permettant d’opérer un
encadrement des droits fondamentaux. Toutefois, même si certaines similitudes apparaissent
par rapport au mécanisme de protection des droits environnementaux « par ricochet », il est
cependant difficile d’établir avec certitude l’existence d’une influence de la jurisprudence de
la CEDH en matière d’environnement sur les jurisprudences constitutionnelles belges,
italiennes et allemandes. Ce lien est en revanche beaucoup plus apparent dans le cas du
tribunal constitutionnel espagnol.

44
GG, Article 20a : « Assumant ainsi également sa responsabilité pour les générations futures, l’État protège les
fondements naturels de la vie par l’exercice du pouvoir législatif, dans le cadre de l’ordre constitutionnel, et des
pouvoirs exécutif et judiciaire, dans les conditions fixées par la loi et le droit. ».
45
BVerfG, 24 novembre 2010, 1 BvF 2/05 n° 137, § 270 ; M. BOTHE, « Le droit à l’environnement dans la
constitution allemande », RJE, 2005, n° spécial, p. 37 ; G. WINTER, « Non-regression principle in German law
», in M. PRIEUR et G. SOZZO (dir.), op. cit., p. 368.
46
GG, Article 93 : « La cour constitutionnelle fédérale statue : […]
4a. Sur les recours constitutionnels qui peuvent être formés par quiconque estime avoir été lésé par la puissance
publique dans l’un de ses droits fondamentaux ou dans l’un de ses droits garantis par les articles 20, al. 4, 33,
38, 101, 103 et 104 ; […] ».
47
BVerfG, 8 août 1978, Décision concernant le super-phénix de Kalkar ; M. BOTHE, op. cit., p. 35.

13
2. L’influence de la CEDH sur les jurisprudences constitutionnelles européennes en
matière d’environnement, l’exemple de l’Espagne

La constitution espagnole contient plus de références à l’environnement que la


constitution allemande, en prévoyant notamment la compétence de l’État et des Communautés
autonomes en la matière48. Cette constitution prévoit aussi une disposition divisée en trois
paragraphes, renvoyant à plusieurs cas posés par les problématiques environnementales, dont
le premier permet d’établir un droit de jouissance à un environnement sain49. Toutefois, à
l’instar du système allemand, ce droit ne permet pas d’exercer un recours individuel devant le
tribunal constitutionnel espagnol, ce recours étant réservé aux seuls droits fondamentaux et
libertés publiques50. La juridiction a ainsi eu l’occasion de le rappeler dans une sentence de
1995 où elle considérait l’environnement comme un simple principe s’imposant aux pouvoirs
publics mais ne créant pas de droit susceptible d’amparo51.

Cette omission a poussé le juge constitutionnel espagnol, à l’instar du juge allemand, à


rattacher le droit à un environnement sain à un droit fondamental. Il est néanmoins intéressant
de souligner que ce rattachement a été effectué en grande partie, grâce à l’influence de la
jurisprudence de la CEDH en la matière52. Suite à l’affaire Lopez Ostra, le juge
constitutionnel a considéré que les nuisances environnementales, ici sonores, pouvaient être
concernées par la protection du droit à la vie privée53. Dans ce jugement, bien qu’opérant le
rattachement des nuisances sonores à la protection de la vie privée, le juge constitutionnel
espagnol conclut cependant à la non-violation de ce droit. Cette décision a donné lieu au
célèbre arrêt Moreno Gomez rendu en 2004 par la CEDH54. Toutefois, comme le relève
Laurence Burgorgue-Larsen, si la décision du tribunal constitutionnel de 2001 était l’occasion
pour l’Espagne de se conformer à la jurisprudence environnementale de la CEDH, il convient
de noter que l’Espagne a été condamnée devant la Cour qui reconnaissait, en revanche, la
violation de l’article 8 de la conv. EDH.
48
Constit. Esp., Article 148 9° et 149 23°.
49
Constit. Esp., Article 45 : « 1. Tous ont le droit de jouir d’un environnement approprié pour développer leur
personnalité et le devoir de le conserver […] ».
50
Constit. Esp., Article 53 : « […] 2. Tout citoyen pourra demander la protection des libertés et des droits
reconnus à l’article 14 et à la section première du chapitre deux […], le cas échéant par le recours individuel de
amparo devant le Tribunal Constitutionnel. […] ».
51
TC, 26 juin 1995, n° 102/1995 ; TC, 3 décembre 1996, n° 199/1996.
52
L. BURGORGUE-LARSEN, « L’appréhension constitutionnelle de la vie privée. Analyse comparative des
systèmes allemand, français et espagnol », in F. SUDRE (dir.), Le droit à la vie privée au sens de la Convention
européenne des droits de l’Homme, Bruylant, 2005, p. 92-95.
53
TC, 24 mai 2001, n° 119/2001, §6.
54
CEDH, 16 novembre 2004, Moreno Gomez c. Espagne.

14
Le cas espagnol est donc particulièrement intéressant dans la mesure où l’influence de la
Cour européenne des droits de l’Homme est très prégnante en matière de rattachement du
droit à un environnement sain à la protection de la vie privée. Comme le relève très justement
Fernando López Ramón, l’affaire Lopez Ostra trouvant ses origines en Espagne, « on ne doit
pas s’étonner que les études et l’application de cette doctrine y aient proliféré. »55.

La jurisprudence environnementale de la CEDH semble s’intégrer parfaitement dans le


cadre des Cours constitutionnelles européennes, en ce qu’elle se base sur les mêmes
mécanismes juridiques, par le biais du standard d’intérêt général ou par la protection « par
ricochet ». Toujours dans l’optique de dresser le cadre européen dans lequel la jurisprudence
environnementale de la CEDH s’insère, il nous semble opportun de nous intéresser au cas du
conseil constitutionnel français.

B- La jurisprudence du conseil constitutionnel français et la protection de


l’environnement

Cette sous-partie se concentrera donc spécifiquement sur l’approche constitutionnelle


française en matière d’environnement par l’étude de certaines décisions du conseil
constitutionnel (1). La deuxième division de cette sous-partie se penchera sur la relation entre
le conseil constitutionnel et la CEDH dans un premier temps puis plus spécifiquement au
regard de la protection de l’environnement (2).

1. La conception constitutionnelle française de la protection de l’environnement en tant


qu’intérêt général

Les problématiques environnementales se sont retrouvées pour la première fois devant le


conseil constitutionnel français en 197056. Cette première apparition est consécutive du
contrôle par le conseil d’une loi sur la protection du domaine public maritime, domaine relié à
la protection de l’environnement57.

55
F. LÓPEZ RAMÓN, « L’environnement dans la constitution espagnole », RJE, 2005, n° spécial, p. 60.
56
CC, n° 70-65 L, 17 décembre 1970, Nature juridique de certaines dispositions des articles 2 et 3, premier
alinéa de la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime.
57
CEDH, 29 mars 2010, Depalle c. France, préc.

15
Au-delà de cette première référence, le juge constitutionnel français, à l’instar des
conceptions étudiées précédemment conçoit, lui aussi, la protection de l’environnement
comme une composante de l’intérêt général. Cette conception apparaît pour la première fois
en 1985. Dans cette décision, le conseil constitutionnel précise que « l’administration doit
fonder ses décisions […] sur des motifs se référant à des fins d’intérêt général »58, l’intérêt
général ici évoqué renvoyait à la protection du caractère naturel des espaces, la qualité des
paysages ou le maintien des équilibres biologiques. Suite à cette première décision, plusieurs
références à la protection de l’environnement au sein de la jurisprudence du conseil
constitutionnel français pourront être trouvées par la suite, par le biais d’une assimilation
répétée de l’environnement à un but d’intérêt général de manière plus59 ou moins60 explicite.
Ces références se trouvent aussi dans des décisions constitutionnelles précisant les contours
de l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement comme la lutte contre l’effet de
serre61 et ainsi le réchauffement climatique62.

Il est intéressant de relever que le conseil constitutionnel appréhende la protection de


l’environnement comme composante de l’intérêt général sous ses différentes formes que ce
soit la lutte contre le réchauffement climatique, la protection des milieux naturels ou encore la
limitation de l’étalement urbain63. Ce travail de définition se retrouve aussi par une certaine
exigence du conseil constitutionnel à l’encontre de l’invocation de l’intérêt général attaché à
la protection de l’environnement. Ainsi, dans une décision de 2013, le juge constitutionnel
français refuse ce caractère d’intérêt général à une disposition du code de l’environnement
imposant une quantité minimale de matériaux en bois dans les constructions nouvelles ne lui
semblant pas en lien direct avec l’objectif poursuivi64.

Le conseil constitutionnel, au-delà de ces différentes références, fait de la protection de


l’environnement en tant qu’intérêt général, un objectif d’une réelle effectivité au sein de sa
jurisprudence. En effet, le juge constitutionnel français a affirmé, à plusieurs reprises, la

58
CC, n° 85-189 DC, 17 juillet 1985, Loi relative à la définition et à la mise en œuvre des principes
d’aménagement, considérant 10.
59
CC, n° 2002-464 DC, 27 décembre 2002, Loi de finances pour 2003, considérant 57 ; CC, n° 2003-488 DC, 29
décembre 2003, Loi de finances rectificative pour 2003, considérant 8.
60
CC, n° 90-276 DC, 5 juillet 1990, Résolution complétant l’article 86 du règlement de l’Assemblée nationale,
considérant 1 (unique) ; L. FONBAUSTIER, « Le conseil constitutionnel et la protection de l’environnement »,
in Conférence en formation continue à l’école nationale de la magistrature, 13 décembre 2011, p. 6.
61
CC, n° 2000-441 DC, 28 décembre 2000, Loi de finances rectificative pour 2000, considérant 35.
62
CC, n° 2009-599 DC, 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, considérant 82.
63
G. MERLAND, op. cit., pp. 251-252.
64
CC, n° 2013-317 QPC, 24 mai 2013, Syndicat français de l’industrie cimentière et autre, considérant 10.

16
capacité de ce standard à limiter l’exercice de certains droits fondamentaux ou à être balancé
par d’autres considérations d’intérêt général. Ce balancement apparaît de manière assez claire
dans la décision du 29 décembre 2009 puisque le juge rappelle la possibilité d’établir un
traitement différencié devant les charges publiques au nom de l’intérêt général. Le juge
constitutionnel reconnaît ici l’existence de l’intérêt général attaché à « la sauvegarde de la
compétitivité de secteurs économiques exposés à la concurrence internationale »65
néanmoins, l’exemption fiscale mise en place au nom de cet intérêt général contrevient
totalement à l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique.

L’effectivité attribuée à la protection de l’environnement comme composante de l’intérêt


général au sein de la jurisprudence constitutionnelle française peut être relevée au regard de sa
capacité à encadrer l’exercice de certains droits fondamentaux. Ainsi, le juge relève dans une
décision de 2000, que la restriction aux conditions d’exercice du droit de propriété peut se
voir justifiée par des considérations d’intérêt général liées notamment à la sauvegarde des
espaces naturels. L’intérêt général attaché à la protection de l’environnement a aussi été
utilisé par le conseil constitutionnel pour justifier une dérogation au principe d’égalité devant
la loi. En effet, dans une décision récente de 2015, le juge relève que l’incitation des locataires
à recourir à des énergies de réseaux s’effectue « dans un but de protection de
l’environnement »66. À ce titre, la différence de traitement des locataires se voit donc justifiée
« par l’objectif d’intérêt général que le législateur s’est assigné »67.

L’appréhension de la protection de l’environnement comme composante de l’intérêt


général par le conseil constitutionnel s’inscrit bien dans le même cadre que celui des autres
juges européens évoqués plus haut. Le juge français, par le biais de différentes décisions, a pu
affirmer la valeur revêtue par la protection de l’environnement et l’application qui pouvait en
être faite. Cette analyse interne effectuée, il convient de se pencher plus en détail sur la
relation entre le conseil constitutionnel et la CEDH au regard des problématiques
environnementales.

65
CC, n° 2009-599 DC, 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010, considérant 82 ; V. BERNAUD et L.
GAY, « Droit constitutionnel. Janvier 2009 - Décembre 2009 », D., 2010, pp. 1508-1518.
66
CC, n° 2015-441/442/443 QPC, 23 janvier 2015, Mme Michèle C. et autres, considérant 8.
67
Ibid.

17
2. La relation entre le conseil constitutionnel et la CEDH en matière de protection de
l’environnement

La relation entre le conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme


en matière de protection de l’environnement demeure complexe à définir dans la mesure où
les références à l’une ou l’autre juridiction dans leurs décisions respectives sont, à notre
connaissance, quasi inexistantes. De plus, comme l’indique le rapport français à la IXème
conférence des Cours constitutionnelles européennes, « […] le Conseil constitutionnel peut
décider de s’inspirer de la jurisprudence des organes internationaux chargés d’assurer
l’application de la CEDH […] »68. Cette liberté affirmée, il demeure toutefois intéressant de
relever certains points de convergence, en dehors des thématiques environnementales, entre
les deux juridictions au niveau du contentieux des droits fondamentaux69.

En effet, l’une des similitudes pouvant être relevée entre les juridictions est celle de
l’utilisation de l’intérêt général pour justifier les atteintes du législateur au droit de propriété.
Selon Guillaume Merland, cette similitude provient d’un rapprochement que le conseil
constitutionnel aurait opéré en s’inspirant de la jurisprudence de la CEDH en la matière70.

Au-delà de cette inspiration, il est aussi intéressant de relever des divergences entre les
deux juridictions. La Cour européenne a rejeté l’invocation de l’intérêt général attaché à un
risque financier pour justifier la violation de l’article 6 de la convention71. La divergence
apparaît d’autant plus sévère qu’elle faisait suite à une décision du conseil constitutionnel
ayant statué sur la conformité de la disposition litigieuse par rapport à la constitution72. Ces
décisions révèlent ainsi les différences de conceptions existantes sur le standard d’intérêt
général.

Au regard des problématiques environnementales, il est donc plus difficile d’établir avec
certitude l’existence d’une influence de la jurisprudence de la CEDH sur celle du conseil
constitutionnel. En effet, si, selon la délégation française à la XVIème conférence des Cours

68
« Protection constitutionnelle et protection internationale des droits de l’Homme : concurrence ou
complémentarité ? », Rapport présenté par la délégation française à la IXème Conférence des Cours
constitutionnelles européennes (Paris, 10-13 mai 1993), RFDA, 1993, n° 5, p. 862.
69
Ibid., pp. 855-857.
70
G. MERLAND, op. cit., pp. 88 et 90-91.
71
CEDH, Gr. Ch., 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres c. France, § 57 et 59.
72
CC, n° 93-332 DC, 13 janvier 1994, Loi relative à la santé publique et à la protection sociale.

18
constitutionnelles européennes, la jurisprudence de la CEDH a contribué à l’émergence du
droit au respect de la vie privée73, le conseil constitutionnel ne semble pourtant pas
appréhender le droit à un environnement sain de la même manière que la Cour de Strasbourg.
Selon Laurence Burgorgue-Larsen, la conception constitutionnelle française du droit à un
environnement sain est à rattacher au droit à la santé plutôt qu’au droit à la vie privée 74. Bien
que la CEDH effectue dorénavant le même rattachement75, le conseil constitutionnel a pu
démontrer par une jurisprudence antérieure à l’affaire Öneryildiz, qu’il concevait une faible
exposition à des nuisances sonores comme ne méconnaissant pas le droit de chacun à la
protection de la santé garanti par la Constitution76. Ce rattachement du droit à un
environnement sain au droit à la santé ayant d’ailleurs été entériné par l’entrée en vigueur de
la charte de l’environnement en 200577.

Au regard de ce constat, il apparaît donc difficile de conclure à une influence déterminante


de la CEDH sur la jurisprudence du conseil constitutionnel en matière d’environnement que
ce soit sur le volet de la protection de l’environnement en tant qu’intérêt général ou sur le
droit à un environnement sain. Ce premier paragraphe ayant permis de dresser le cadre
européen dans lequel la jurisprudence environnementale de la Cour de Strasbourg, il convient
de s’attarder plus particulièrement, dans un deuxième paragraphe, sur l’utilisation de l’intérêt
général attaché à la protection de l’environnement par la Cour.

§2 La CEDH et le recours à l’intérêt général attaché à la protection de


l’environnement

Après avoir dressé le cadre constitutionnel européen dans lequel s’inscrivent les
décisions environnementales de la CEDH, le deuxième paragraphe de cette première section
se concentrera plus spécifiquement sur le cas de la Cour de Strasbourg. Ce second paragraphe
sera donc l’occasion d’étudier au cas par cas le traitement par la CEDH de la notion d’intérêt
général puis de celle de la protection de l’environnement. Il est intéressant d’évoquer un à un
ces deux objets puisque le recours à l’intérêt général entraîne à certains égards une certaine

73
« La coopération entre les Cours constitutionnelles en Europe - Situation actuelle et perspectives », Rapport
présenté par la délégation française à la XVIème Conférence des Cours constitutionnelles européennes (Vienne,
12-14 mai 2014), p. 9.
74
L. BURGORGUE-LARSEN, op. cit., pp. 89-90.
75
CEDH, 18 juin 2002, Öneryildiz c. Turquie, préc., § 64.
76
CC, n° 2000-436, 7 décembre 2000, Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, considérant 29.
77
Charte de l’environnement de 2004, Article 1 er : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré
et respectueux de la santé ».

19
interrogation sur l’origine et la légitimité d’un tel recours (A). De même, dans le cas de la
protection de l’environnement, l’utilisation de cette notion ne va pas sans entraîner une levée
de boucliers poussant quelque fois la Cour à revoir certaines de ses positions (B).

A- Une Cour légitimée à recourir au standard d’intérêt général

Le titre de cette sous-partie se comprend à la lumière de la phrase introduisant la thèse de


Didier Truchet, « l’opinion publique considère volontiers la définition et la poursuite de
l’intérêt général comme un monopole de l’État, et comme le premier de ses devoirs. »78. Au
regard de cette conception, certes dépassée, comme le démontre ensuite Didier Truchet, nous
pouvons comprendre que le maniement de la notion d’intérêt général par une juridiction
« sans État »79 comme la CEDH, peut paraître délicat. Toutefois, la Cour se voit parfaitement
légitimée à manier le standard d’intérêt général par la lettre même de la convention (1). Par sa
jurisprudence, elle a ensuite opéré un rapprochement entre son fonctionnement et celle d’une
Cour constitutionnelle (2). Enfin, en dégageant la notion d’ordre public européen dérivée de
celle d’intérêt général80, elle a entériné cette légitimation (3).

1. Une légitimation textuelle

Au regard du rôle confié à la CEDH par la conv. EDH, il paraît relativement logique
que celle-ci doive contrôler et manier le standard d’intérêt général lors de l’encadrement de
droits fondamentaux. Ainsi, au regard de la convention, cette fonction d’encadrement apparaît
de manière plus ou moins explicite. Dans le texte originel de 1950, il n’y aucune référence à
l’intérêt général. Toutefois, lorsque l’article 8 énonce les différentes ingérences possibles dans
l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que sont la sécurité nationale, le
bien-être économique du pays ou encore la protection de la santé ou de la morale, ce sont des
composantes de l’intérêt général qui apparaissent ici81.

La référence à l’intérêt général est, en revanche, beaucoup plus explicite dans le


protocole additionnel n° 1 à la convention en son article 1 qui prévoit la possibilité de
réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général. Cette base textuelle rend la

78
D. TRUCHET, op. cit., p. 19.
79
D. SIMON, op. cit., p. 49.
80
Ibid., p. 48.
81
D. ALLAND et S. RIALS (dir.), op. cit., p. 842.

20
CEDH parfaitement compétente à manier le standard d’intérêt général ainsi que les différents
éléments le composant comme la protection de l’environnement. Toute référence à
l’environnement étant absente de la convention, l’assimilation de cette valeur à l’intérêt
général ouvre la voie à la limitation par la Cour à l’exercice du droit de propriété au nom de la
protection de l’environnement notamment82.

Au-delà de la référence textuelle à l’intérêt général, la Cour s’est emparée de la notion


et l’a mise à profit afin d’affirmer encore plus sa légitimité.

2. Une légitimation jurisprudentielle

La mise en œuvre de l’intérêt général dans un but d’encadrement des droits


fondamentaux, relève généralement, comme évoqué plus haut, d’une juridiction
constitutionnelle chargée, le cas échéant, de vérifier la conformité de la loi « expression de la
volonté générale »83 et de ses ingérences dans l’exercice des droits fondamentaux. La CEDH,
en revanche, n’est pas chargée d’un tel contrôle84 mais possède effectivement un
« catalogue » de droits fondamentaux à l’instar de plusieurs constitutions européennes. À ce
titre, la Cour a considéré la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés
fondamentales en tant « [qu’] instrument constitutionnel de l’ordre public européen »85,
s’affirmant ainsi, en sa qualité d’interprète, en tant que Cour constitutionnelle. Par ce
rapprochement, la CEDH affirme sa compétence à encadrer l’exercice des droits
fondamentaux au nom de l’intérêt général et se légitime donc en tant que Cour
constitutionnelle. Cette légitimation nous paraît logique dans la mesure où, par ses décisions,
la Cour se comporte à plusieurs reprises comme une Cour constitutionnelle. En effet, à
plusieurs reprises, la Cour « […] se livre, par ricochet et voire même directement, à un
contrôle de conventionnalité des normes et pratiques constitutionnelles nationales »86.

Au-delà de cette affirmation en tant que Cour constitutionnelle, la CEDH, par son arrêt
Loizidou, affirme l’existence d’un ordre public européen dont elle serait la dépositaire. Cette

82
CEDH, 18 février 1991, Fredin c. Suède (n° 1), préc.
83
DDHC, Article 6.
84
J.-F. FLAUSS, « La cour européenne des droits de l’Homme est-elle une Cour constitutionnelle ? », RFDC,
1998, n° 36, p. 723.
85
CEDH, Gr. Ch., 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), préc., § 75.
86
J.-F. FLAUSS, op. cit., p. 711 ; CEDH, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin well woman c. Irlande.

21
notion est ainsi directement en lien avec la légitimation de la Cour à manier le standard
d’intérêt général.

3. Le recours au standard d’intérêt général par le prisme de l’ordre public européen

Comme évoqué plus haut, bien que les définitions de ces deux notions soient floues, le
lien entre intérêt général et ordre public a été affirmé plusieurs fois par la doctrine 87. Ce lien
est aussi affirmé par la CEDH, dans son arrêt Kärner c. Autriche, indiquant que l’un des
objets fondamentaux de la convention est de « […] trancher dans l’intérêt général, des
questions qui relèvent de l’ordre public, en élevant les normes de protection des droits de
l’Homme et en étendant la jurisprudence dans ce domaine à l’ensemble de la communauté
des États parties à la Convention. »88. Cette décision est particulièrement intéressante car, en
plus de rappeler le lien existant entre intérêt général et ordre public, la Cour rappelle ici
l’objectif qu’elle poursuit, à savoir l’amélioration de la protection des droits de l’Homme et
l’extension de cette protection à l’ensemble des États parties. Cette décision fait ainsi
apparaître en filigrane l’ordre public européen conduisant à une harmonisation de la
protection des droits fondamentaux entre les États parties. La notion d’ordre public européen
permet à la CEDH de conférer une autorité supérieure à sa jurisprudence qui « […] déborde
largement la simple autorité relative de la chose jugée »89 puisque celle-ci produit des effets à
l’encontre de tous les États membres et non pas seulement des parties au litige90.

Par le prisme de la notion d’ordre public européen, la CEDH s’affirme compétente


pour recourir au standard d’intérêt général mais aussi à encadrer l’usage de ce dernier par les
États parties. En effet, comme nous l’avons abordé plus haut à propos de l’intérêt général
attaché à la protection de l’environnement, la plupart des Cours constitutionnelles
européennes utilise ce standard. Toutefois, le maniement d’une notion aussi protéiforme que

87
Par exemple, S. LETURCQ, Standards et droits fondamentaux devant le conseil constitutionnel français et la
cour européenne des droits de l’Homme, Paris, LGDJ, 2005, pp. 91-95 ; D. SIMON, op. cit., p. 48.
88
CEDH, 24 juillet 2003, Kärner c. Autriche, § 26.
89
F. SUDRE, « Existe-t-il un ordre public européen ? », in P. TAVERNIER (dir.), Quelle Europe pour les droits
de l’Homme ? : La cour de Strasbourg et la réalisation d’une union plus étroite, Bruylant Bruxelles, coll.
Organisation internationale et relations internationales, 1996, p. 65.
90
CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni, § 154 ; E. LAMBERT, Les effets des arrêts de la cour
européenne des droits de l’Homme, contribution à une approche pluraliste du droit européen des droits de
l’Homme, Strasbourg, Bruylant Bruxelles, 1999, p. 296.

22
l’intérêt général entraîne certaines différences d’interprétation puisque l’intérêt général retenu
par la CEDH peut ne pas toujours coïncider avec celui retenu sur le plan interne91.

Afin de limiter ces divergences, la Cour opère donc un encadrement de l’intérêt


général national par le biais du mécanisme de la « marge d’appréciation »92 que nous
développerons dans le second chapitre. La CEDH retient ainsi la compétence première des
autorités nationales pour apprécier les particularités locales amenant à retenir telle ou telle
conception de l’intérêt général. Néanmoins, il y a bien encadrement dans la mesure où la Cour
statuant en dernier ressort de jugement, c’est-à-dire sans qu’une juridiction extérieure
apprécie sa décision93, retiendra ou non la conception d’intérêt général interne.

Toutefois, il est intéressant de souligner que si cet encadrement facilite la mise en place
de l’ordre public européen et sa fonction harmonisatrice, certaines réticences peuvent
apparaître à cet égard sur le plan interne. De manière générale, ces réticences remettent
directement en cause l’activisme jurisprudentiel dont peut faire preuve la CEDH, activisme
également présent en matière de protection de l’environnement.

B- Une volonté de limiter la jurisprudence environnementale de la CEDH

La CEDH développe une jurisprudence extrêmement créatrice en matière de protection de


l’environnement malgré l’absence de dispositions environnementales au sein de la conv.
EDH. Cependant, cette jurisprudence entraîne certaines protestations doctrinales estimant que
la Cour outrepasse ses fonctions (1). Prenant acte de ces oppositions, la Cour procède d’elle-
même à un encadrement de sa jurisprudence environnementale (2).

1. La remise en cause de l’activisme de la CEDH

La Cour a reconnu, par sa seule jurisprudence, la protection de l’environnement en tant


que composante de l’intérêt général. Cette reconnaissance a ainsi été effectuée en dehors de
toute disposition normative la prévoyant. En effet, la protection de l’environnement ne figure
pas dans les buts légitimes autorisant une ingérence dans l’exercice des droits prévus à la

91
CEDH, Gr. Ch., 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres c. France, préc., § 57 et 59.
92
D. SIMON, op. cit., p. 53.
93
J.-F. FLAUSS, op. cit, p. 726.

23
convention ni même dans la référence à l’intérêt général dans l’article 1 du protocole
additionnel n° 1.

Cette absence de base légale a poussé une partie de la doctrine à s’élever contre cet
activisme de la CEDH qui irait bien au-delà de son objet initial. Ainsi, comme le relève
Philippe Malaurie, certains auteurs, comme Gérard Cornu94 par exemple, condamnaient avec
force la tendance à la création jurisprudentielle de la CEDH. Dans son article, Philipe
Malaurie ne cache pas non plus sa défiance à l’égard de la Cour, en estimant certains arrêts
comme étant « […] intrinsèquement mauvais lorsque [la Cour] mène une politique normative,
modifiant de sa propre autorité les fondements essentiels de notre société, méconnaissant la
séparation des pouvoirs et dépassant ses limites et sa compétence. »95. Ces critiques, émises
de manière générale contre l’activisme de la Cour, peuvent être aussi bien dirigées contre sa
jurisprudence environnementale. En effet, pour ses premières décisions reconnaissant la
protection de l’environnement en tant que composante de l’intérêt général, la jurisprudence
s’est montrée aussi particulièrement créatrice puisqu’elle a puisé les motifs de cette
reconnaissance dans les attentes de la société et non pas dans le texte de la conv. EDH96.

La jurisprudence environnementale est symptomatique de l’excès d’activisme dont peut


faire preuve la CEDH. À propos des affaires Lopez Ostra et Moreno Gomez, Fransciso Rubio
Llorente estime que, bien qu’il soit nécessaire de « […] protéger l’individu contre les
dommages causés par l’activité industrielle […], aucun tribunal, qu’il soit national ou
international, ne doit accomplir cette tâche en incluant de nouveaux contenus dans l’une ou
l’autre des vieilles libertés, étendant ainsi sa juridiction au-delà des limites que les normes
constitutionnelles ou conventionnelles lui imposent. »97.

Toutes ces critiques renvoient, en creux, à la compétence étatique pour régler l’apparition
de tels litiges. En effet, pour les auteurs précités, la CEDH ne devrait pas dépasser le cadre de
la conv. EDH et créer de nouveaux droits puisque cette reconnaissance appartient aux États.

94
« […] une jurisprudence incontrôlable [qui] prospère au mépris du génie du droit français […] un pont aux
ânes qui débouche sur un terrain vague. », G. CORNU, Droit civil, Introduction au droit, Montchrestien, coll.
Domat droit privé, 13ème édition, 2007, p. 150, cité par P. MALAURIE, « Grands arrêts, petits arrêts et mauvais
arrêts de la cour européenne des droits de l’Homme », LPA, 2006, n° 166, p. 4.
95
P. MALAURIE, op. cit., p. 6.
96
CEDH, 18 février 1991, Fredin c. Suède (n° 1), préc., § 48.
97
F. RUBIO LLORENTE « La relation entre les juridictions espagnoles et les juridictions « européennes » » in
Renouveau du droit constitutionnel, Mélanges en l’honneur de Louis FAVOREU, Dalloz, 2007, pp. 1408-1409.

24
De plus, la jurisprudence de la CEDH, s’imposant à tous les États membres, risque de ne pas
tenir assez compte de la particularité de certains droits nationaux98.

Comme l’a décrit Paul Mahoney, cet activisme de la CEDH va toutefois de pair avec une
retenue judiciaire (self-restraint99), puisque la Cour alterne entre les deux comportements,
parfaitement complémentaires, lorsqu’il l’est nécessaire. L’auteur relève un cas de retenue
judiciaire lorsque les juges sont priés d’éviter d’établir une disposition légale ne figurant pas
dans le corpus de loi préexistant100. La jurisprudence environnementale de la CEDH se prête
parfaitement à l’étude de ce mécanisme puisque plusieurs exemples de cette retenue peuvent y
être trouvés.

2. L’absence de protection générale de l’environnement au sein de la jurisprudence de la


CEDH

Consciente des critiques pouvant être émises à son égard, la CEDH prend parfois des
précautions au niveau de sa jurisprudence, afin d’éviter une confrontation violente avec les
États membres. Ce cas de figure s’est trouvé réalisé dans le cas de la protection de
l’environnement. Faisant suite aux différents développements jurisprudentiels en matière
d’environnement survenus avec les affaires Lopez Ostra c. Espagne ou encore Guerra c.
Italie, la CEDH a souhaité amorcer une nouvelle étape dans l’affaire Hatton c. Royaume-Uni
de 2001. En effet, dans cet arrêt, les requérants invoquaient une violation de l’article 8 causée
par les nuisances sonores émises par des aéronefs qui troublaient leur sommeil. Ces nuisances
sonores n’étant pas du fait direct de l’État mais d’une personne privée, il jouissait d’une
marge d’appréciation plus importante pour la mise en œuvre des obligations positives lui
incombant en vertu de l’article 8101.

Malgré cette affirmation, la CEDH établit ici, que « […] dans le domaine particulièrement
sensible de la protection de l’environnement, la simple référence au bien-être économique du
pays n’est pas suffisante pour faire passer les droits d’autrui au second plan. »102. La
protection de l’environnement implique donc une obligation renforcée de l’État de limiter les

98
E. LAMBERT, op. cit., p. 300.
99
P. MAHONEY, « Judicial activism and judicial self-restraint in European Court of Human Rights: two sides
of the same coin », HRLJ, 1990, vol. 11, n° 1-2, p. 59.
100
Ibid., p. 58.
101
CEDH, 2 octobre 2001, Hatton et autres c. Royaume-Uni, § 86.
102
Ibid., § 97.

25
atteintes au droit de l’environnement. Il faut aussi noter que le bien-être économique étant un
des cas d’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale, la
protection de l’environnement s’impose, aux yeux de la CEDH, comme une valeur supérieure
à celui-ci.

Toutefois, une telle affirmation, pour profitable qu’elle soit aux défenseurs de
l’environnement, est difficilement acceptable pour le gouvernement britannique qui obtient le
renvoi de l’affaire devant une Grande Chambre103. Par un arrêt de 2003, la Grande Chambre
limite ces évolutions et rejette la violation de l’article 8. Elle considère ainsi que la protection
de l’environnement ne conduit pas à l’adoption d’une « […] démarche particulière tenant à
un statut spécial qui serait accordé aux droits environnementaux de l’Homme. »104. Par cet
arrêt, la Cour rejette l’hypothèse, émise par la chambre en 2001, attribuant un statut particulier
à la protection de l’environnement et qui en ferait une valeur supérieure au bien-être
économique du pays.

Deux mois avant cette décision et dans un raisonnement similaire à celle-ci, la Cour avait
rendu l’arrêt Kyrtatos c. Grèce. Dans cette affaire, les requérants se plaignaient d’une
violation de leur droit au respect de la vie privée, causée par un aménagement urbain illégal
dans une réserve naturelle. La CEDH rejette l’hypothèse d’une violation et rappelle les
fondements de la protection du droit à un environnement sain105. Ce faisant, elle affirme
l’inexistence d’une « protection générale de l’environnement en tant que tel »106 garantie par
la convention. La Cour écarte donc la possibilité qu’un individu puisse participer à la
réalisation de l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement, représenté dans
cette affaire par la lutte contre la destruction d’une réserve naturelle.

Cet arrêt est donc à rapprocher de la décision Hatton de 2003 puisque la CEDH renonce à
développer sa jurisprudence environnementale bien au-delà des textes en donnant une valeur

103
Conv. EDH, Article 43 : « 1. Dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute
partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.
[…] ».
104
CEDH, Gr. Ch., 8 juillet 2003, Hatton et autres c. Royaume-Uni, § 122 ; F. SUDRE, J.-P. MARGUÉNAUD,
J. ANDRIANTSIMBAZOVINA, A. GOUTTENOIRE et M. LEVINET avec la collaboration de G.
GONZALEZ, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, PUF, coll. Thémis Droit, 6ème
édition, 2011, p. 506.
105
« […], l’élément crucial qui permet de déterminer si, […], des atteintes à l’environnement ont emporté
violation de l’un des droits sauvegardés par le paragraphe 1 de l’article 8 est l’existence d’un effet néfaste sur la
sphère privée ou familiale d’une personne […] », CEDH, 22 mai 2003, Kyrtatos c. Grèce, préc., § 52.
106
Ibid.

26
particulière à la protection de l’environnement et dont la préservation intrinsèque serait
prévue par la conv. EDH. Sans s’attarder sur les conséquences politiques, il faut cependant
noter l’impact qu’aurait une telle reconnaissance puisque la Cour se serait auto-habilitée à
dépasser le cadre de la conv. EDH pour protéger directement l’environnement et aurait ainsi
pu autoriser n’importe quel individu à présenter une requête pour atteinte à l’environnement
du fait d’un État. Par ce mécanisme, tous les individus auraient pu contribuer, d’une certaine
manière, à la réalisation de l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement.

Au sein du cadre constitutionnel européen incluant la CEDH et les Cours


constitutionnelles, la protection de l’environnement est bien assimilée en tant qu’intérêt
général. Cette assimilation s’est effectuée au sein de la CEDH par la prise en compte des
atteintes sociétales en matière d’environnement et indépendamment de toute disposition
textuelle le prévoyant. Ce constat pousse la Cour à manier avec prudence la protection de
l’environnement afin de ne pas outrepasser ses limites et rejeter ainsi l’hypothèse d’une
protection générale de l’environnement. Toutefois, l’intérêt général attaché à la protection de
l’environnement ne saurait être réduit à une simple fonction d’encadrement des droits
fondamentaux comme toute autre fin d’intérêt général appréhendée par la convention. En
effet, il est intéressant de noter que la CEDH opère un traitement variable de la notion vis-à-
vis des droits protégés par la conv. EDH qui nous pousse à renouveler notre conception de
l’encadrement des droits fondamentaux par l’intérêt général.

27
Section 2 : L’intérêt général attaché à la protection de l’environnement et
les droits de l’Homme, un traitement variable dans la jurisprudence de la
CEDH

Afin de régler les éventuels conflits pouvant survenir entre les normes, la CEDH
effectue une analyse différenciée au cas par cas. Ce cas de figure se retrouve dans les
différentes formes que peut revêtir l’intérêt général mais il est intéressant de voir que la
protection de l’environnement peut comporter, pour certains auteurs, des caractéristiques
« liberticides »107 et pour d’autres, permettre la réalisation de certains de ces droits108.
Dans cette seconde sous-partie du premier chapitre, nous nous focaliserons plus sur le
traitement réservé à la protection de l’environnement en tant que composante de l’intérêt
général par la Cour. Ce traitement est ainsi qualifié de variable dans le titre de la section dans
la mesure où ce standard participe d’un encadrement des droits de l’Homme (§1) mais
entraîne aussi une approche renouvelée des droits fondamentaux en tant que tels (§2).

§1 La protection de l’environnement et les droits prévus par la convention


européenne

En tant que composante de l’intérêt général, la protection de l’environnement permet donc


de limiter certains droits prévus par la convention (A) notamment le droit de propriété (B) au
sein de la jurisprudence de la CEDH.

A- La protection de l’environnement et les divers droits de la convention européenne

L’environnement est donc perçu comme une valeur d’intérêt général dont « la société se
soucie sans cesse de préserver davantage »109. À ce titre, il paraît légitime qu’au nom de sa
protection, la Cour puisse limiter l’exercice de certains droits prévus par la conv. EDH
comme le droit des minorités (1), la liberté de religion (2) ou encore le droit à la liberté et à la
sûreté (3). Il ne s’agit pas ici de dresser une liste exhaustive des différentes décisions en lien

107
S. MALJEAN-DUBOIS, Quel droit pour l’environnement ?, Hachette supérieur, coll. Les fondamentaux,
2008, pp. 35-37 ; M. GROS, « L’environnement contre les droits de l’Homme », RDP, 2004, n° 6, pp. 1583-
1592.
108
L. FONBAUSTIER, « Brèves réflexions sur les splendeurs et misères d’un vieux couple : protection de
l’environnement et droits fondamentaux » in Mélanges François JULIEN-LAFERRIÈRE, Bruylant Bruxelles,
2011, pp. 231-249.
109
CEDH, 18 février 1991, Fredin (n° 1) c. Suède, préc., § 48.

28
avec l’environnement, mais plutôt de relever certains arrêts pertinents dans notre
démonstration.

1. La protection de l’environnement et le droit des minorités

Pour Jean-Pierre Marguénaud, si ce statut d’intérêt général peut s’avérer utile pour que la
protection de l’environnement soit valorisée face au développement de l’industrie, un tel
statut peut s’avérer préjudiciable lorsqu’il touche aux droits des minorités110.

En effet, comme évoqué plus haut, la Cour a donc consacré la valeur d’intérêt général à la
protection de l’environnement dans les affaires Fredin c. Suède et Pine Valley Developments
c. Irlande où étaient en jeu un développement de différentes industries, respectivement une
carrière et entrepôt industriel111. Dans ces affaires, l’intérêt général s’oppose à des atteintes
potentielles à l’environnement ou légitime le développement d’espaces naturels.

Toutefois, comme M. Marguénaud le signale, et c’est là toute la dualité de la notion


d’intérêt général, cette notion a permis aussi de limiter les droits de certaines minorités par
exemple. Dans l’affaire Buckley c. Royaume-Uni, il s’agissait d’une femme tsigane de
nationalité britannique souhaitant installer ses caravanes sur un terrain dont elle était
propriétaire112. Cela lui a été refusé au motif d’une atteinte qui serait portée au caractère rural
et dégagé du paysage dont le plan local d’aménagement cherchait à assurer la protection.
Devant la CEDH, la requérante invoque donc une violation de l’article 14 au titre d’une
discrimination et de l’article 8. Écartant la violation de l’article 14, la Cour s’est
essentiellement concentrée sur la violation de l’article 8 et a considéré que la protection du
caractère rural et dégagé du paysage participe bien à l’objectif légitime de bien-être
économique et de protection de l’environnement113.

Par un parallèle avec la décision de la com. EDH sur les Lapons de Norvège114, Jean-
Pierre Marguénaud estime que, par cet arrêt de 1996, « […] pour avoir placé trop haut les

110
J.-P. MARGUÉNAUD, « L’incidence de la CESDH sur le droit de l’environnement », JTDE, 1998, n° 54, pp.
218-219.
111
CEDH, 18 février 1991, Fredin c. Suède (n° 1), préc. ; CEDH, 29 novembre 1991, Pine Valley Developments
Ltd c. Irlande, préc.
112
CEDH, 25 septembre 1996, Buckley c. Royaume-Uni.
113
Ibid., § 62-63.
114
Com. EDH, 3 octobre 1983, G. et E. c. Norvège.

29
exigences de la protection du paysage, la Cour européenne des droits de l’Homme a donc
manqué l’occasion de donner enfin aux populations minoritaires un signe clairement
perceptible d’une évolution en profondeur »115.

Cela est d’autant plus dommageable que comme J.-P. Marguénaud le relève, il s’agit d’un
droit revendiqué au chapitre 26 de l’agenda 21116. De plus, comme le démontre une
jurisprudence postérieure dont les faits étaient similaires à ceux de l’affaire Buckley, la
protection de l’environnement comme composante de l’intérêt général a servi de nouveau de
but légitime à une ingérence dans l’exercice de l’article 8 et de l’article 14 de la conv.
EDH117.

2. La protection de l’environnement et la liberté de religion

Dans un cas assez particulier, il est intéressant de souligner une affaire dans laquelle s’est
manifestée une apparente limitation de la liberté de religion par l’intérêt public
d’aménagement rationnel du territoire118. Toutefois, la Cour a préféré retenir le fait que
l’ingérence de l’État portait, non pas sur la liberté de religion, mais plutôt sur la volonté du
requérant d’ériger une maison de prière et son non-respect des documents d’urbanisme. Pour
anecdotique qu’il paraît, cet arrêt illustre une nouvelle fois la fonction d’encadrement des
droits fondamentaux par l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement.

3. La protection de l’environnement et le droit à la liberté et à la sûreté

Dans le cadre de la jurisprudence de la CEDH, l’article 5 peut aussi faire l’objet d’un
encadrement par l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement. En effet, cet
article établissant le droit à la liberté et la sûreté a ainsi été confronté à la matière
environnementale dans l’affaire Mangouras c. Espagne119. Dans cette affaire, il s’agissait du
capitaine du navire Le Prestige, qui, en novembre 2002, libéra 70 000 tonnes de fioul dans
l’océan Atlantique à cause d’une ouverture dans la coque du bateau. Suite à cette catastrophe,
une instruction pénale fut ouverte et le capitaine fut donc mis en détention avec une caution

115
J.-P. MARGUÉNAUD, op. cit., p. 219.
116
Agenda 21, chapitre 26 : Reconnaissance et renforcement du rôle des populations autochtones et de leurs
communautés.
117
CEDH, Gr. Ch., 18 janvier 2001, Chapman c. Royaume-Uni, préc., § 82 et § 129.
118
CEDH, 24 juin 2004, Vergos c. Grèce, § 40-42.
119
CEDH, Gr. Ch., 28 septembre 2010, Mangouras c. Espagne.

30
fixée à trois millions d’euros. Le capitaine fut détenu pendant 83 jours avant d’être libéré
puisque sa caution fut payée par les assureurs du propriétaire du navire. Le requérant a
invoqué la violation de l’article 5 devant la Cour notamment à cause du montant
excessivement élevé de la caution fixée sans prendre en considération sa situation personnelle.
Les juges européens ont cependant conclu à la non-violation de l’article 5 §3 dans la mesure
où ils ont estimé que les tribunaux espagnols avaient bien pris en compte les caractéristiques
tenant à la situation du requérant.

De plus, la Cour relève que « […] le niveau d’exigence croissant en matière de protection
des droits de l’Homme et des libertés fondamentales implique, parallèlement et
inéluctablement, une plus grande fermeté dans l’appréciation des atteintes aux valeurs
fondamentales des sociétés démocratiques »120. Il est donc intéressant de noter que l’intérêt
général représenté par la protection de l’environnement a servi d’argument pour imposer une
telle amende au capitaine et ainsi encadrer son droit à la liberté et la sûreté.

Loin de vouloir porter un jugement de valeur sur le bien-fondé de l’invocation de la


protection de l’environnement en tant qu’intérêt général, l’énumération de ces différents
exemples nous permet plutôt de relever la capacité dorénavant revêtue par ce standard à
encadrer les droits fondamentaux de chaque individu. Ce constat témoigne à lui seul de
l’importance prise par la problématique environnementale au sein du raisonnement de la
CEDH. En effet, ces différentes jurisprudences indiquent ainsi l’effectivité prise par ce
standard qui trouve une réelle application pratique. Certes, selon les auteurs, cette application
n’est pas toujours bienvenue mais il faut au moins relever qu’elle permet à la protection de
l’environnement de s’élever au même niveau que les autres éléments caractérisant l’intérêt
général au sens de la Cour de Strasbourg121.

La jurisprudence de la CEDH prend donc pleinement en considération la protection de


l’environnement en tant que composante de l’intérêt général et sa capacité d’encadrement des
droits fondamentaux prévus par la conv. EDH. Toutefois, à côté de ces différents droits, le
droit de propriété consacré à l’article 1 du protocole n° 1 renvoie à un traitement particulier
qu’il est intéressant d’étudier de manière spécifique.

120
Ibid., § 87.
121
On pense ici aux ingérences prévues par la convention comme la sécurité nationale, la sûreté publique, la
protection de la santé…

31
B- L’exemple particulier du droit de propriété

Bien que le droit de propriété soit prévu expressément à l’article 1 du protocole


additionnel n° 1, cette sous-partie évoquera aussi les références à ce droit en dehors du seul
protocole additionnel. Cette approche est nécessaire dans la mesure où ce dernier se retrouve à
plusieurs titres notamment à l’article 6 §1 mais aussi à l’article 8. Il est intéressant d’étudier la
relation entre droit de propriété et la protection de l’environnement comme composante de
l’intérêt général puisqu’au-delà d’une opposition qu’on pourrait qualifier de classique (1), ce
standard peut aussi aider à la réalisation de ce droit (2).

1. L’opposition classique entre propriété privée et protection de l’environnement

La propriété privée et la protection de l’environnement en tant qu’intérêt général font


preuve d’une opposition qu’il faudrait qualifier de classique dans la mesure où il s’agit
généralement de la plus fréquente. De plus, cet encadrement du droit de propriété semble être
une condition indispensable pour la réalisation d’une protection effective de l’environnement.

Pour Jehan de Malafosse, « les limitations sont apportées au droit de propriété dans le
double but de protéger la nature et de reconnaître aux autres des droits spécifiques à
l’utilisation du milieu naturel »122. Depuis l’affaire Sporrong et Lönnroth c. Suède, la Cour a
rappelé la possibilité que le droit de propriété soit limitée par les exigences de l’intérêt
général123. Il paraît donc logique que la protection de l’environnement puisse s’opposer au
droit de propriété.

La CEDH a ainsi développé une jurisprudence légitimant de plus en plus la protection de


l’environnement comme composante de l’intérêt général et comme un moyen de limitation du
droit de propriété. Parmi ces différentes jurisprudences se trouve par exemple, l’arrêt Fredin
(n° 1) c. Suède, Pine Valley Developments Ltd et autres c. Irlande, Depalle c. France ou
encore Hamer c. Belgique124.

122
J. DE MALAFOSSE, « Le droit des autres à la nature » in Religion, société et politique, Mélanges en
hommage à Jacques ELLUL, PUF, 1983, p. 516.
123
CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth c. Suède, § 69.
124
CEDH, 18 février 1991, Fredin c. Suède (n°1), préc., § 48 ; CEDH, 29 novembre 1991, Pine Valley
Developments Ltd c. Irlande, préc., § 57 ; CEDH, 29 mars 2010, Depalle c. France, préc., § 84 ; CEDH, 27
novembre 2007, Hamer c. Belgique, préc., § 79.

32
Ces différentes jurisprudences ont en commun le rejet d’une violation de l’article 1 du
protocole n° 1 de la conv. EDH au motif que l’ingérence poursuivait bien un but légitime, ici
la protection de l’environnement. La CEDH fait même de la protection de l’environnement
une valeur dont l’importance est telle, qu’elle ne peut être contrebalancée par certains droits
fondamentaux comme le droit de propriété. L’arrêt Hamer c. Belgique en est une parfaite
illustration, puisque la Cour indique que « des impératifs économiques et même certains
droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne devraient pas se voir accorder la
primauté face à des considérations relatives à la protection de l'environnement, en particulier
lorsque l'État a légiféré en la matière. »125. La Cour opère donc une nouvelle fois, une
affirmation du statut d’intérêt général revêtu par la protection de l’environnement et la
capacité qu’à celle-ci à encadrer l’exercice de droits fondamentaux comme le droit de
propriété.

Si cette affirmation peut faire plaisir aux plus fervents défenseurs de l’environnement,
certains auteurs, en revanche, notent une tendance de la CEDH à vouloir donner plus souvent
la prédominance à la protection de l’environnement face aux droits « exclusivement civils »126.
Cela est ainsi accentué par l’importance que prend la protection de l’environnement dans la
jurisprudence de la Cour, dorénavant « ogre d’intérêt général »127. Pour Manuel Gros, la
place prise par la protection de l’environnement occulte la place initiale du droit de propriété à
savoir un droit dit « absolu »128.

Toutefois, si cette opposition entre droit de propriété et protection de l’environnement est


bien présente au sein de la jurisprudence de la CEDH, il serait réducteur de conclure
précipitamment à une validation automatique de la Cour des ingérences étatiques au sein du
droit de propriété au nom de l’intérêt général. La Cour a, en effet, conclu plusieurs fois à des
ingérences disproportionnées du gouvernement dans l’exercice du droit de propriété malgré
l’invocation de l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement129. Il est aussi
intéressant de citer l’affaire Anonymos Touristiki Etaira Xenodecheia Kritis c. Grèce du 21
février 2008 dans lequel un propriétaire s’est vu reconnaître une violation de l’article 1 du
125
CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, préc., § 79 réaffirmé dans CEDH, 3 mai 2011,
Paratheristikos Oikodomikos Synetairismos Stegaseos Ypallilon Trapezis Tis Ellados c. Grèce, § 50.
126
R. NOGUELLOU, « La protection du domaine public maritime devant la Cour européenne des droits de
l’Homme », Dr. adm., 2010, n° 5, p. 3.
127
J.-P. MARGUÉNAUD, « La petite maison dans la forêt », D., 2008, p. 884.
128
M. GROS, « L’environnement contre les droits de l’Homme », RDP, 2004, n° 6, p. 1585.
129
CEDH, 12 novembre 2002, Zvolský et Zvolská c. République Tchèque, § 74 ; CEDH, 10 avril 2003,
Papastavrou c. Grèce, § 38.

33
protocole n° 1 au motif que l’interdiction de construire imposée est trop générale 130. Cette
interdiction consistait en un classement de plusieurs terrains en zone agricole, avicole,
sylvicole ou de divertissement public rendant les terrains inconstructibles. La Cour a
considéré que cette mesure était bien attentatoire au droit de propriété malgré l’existence d’un
site archéologique considérée comme étant d’une « beauté naturelle particulière »131.

Cette dernière jurisprudence invite à tempérer la conception d’une dépréciation


automatique du droit de propriété face à la protection de l’environnement en tant qu’intérêt
général. La CEDH, par le biais de sa jurisprudence, fournit même des exemples de
renouvellement de cette opposition classique. En effet, la protection de l’environnement
s’affirme, dans certains cas, comme un véritable vecteur de réalisation du droit de propriété.

2. La protection de l’environnement comme vecteur de réalisation du droit de propriété

Il serait en effet réducteur de réduire la relation entre la protection de l’environnement


comme composante de l’intérêt général et le droit de propriété à une simple antinomie. Pour
Marguerite Boutelet Blocaille, « la protection de l’environnement n’est pas en opposition
permanente et frontale avec la propriété ; une grande part de l’environnement est composée
de l’environnement de l’Homme et à ce titre il se confond avec les bona, les bonnes choses de
la nature, celles qui sont appropriées. »132. La protection de l’environnement se révèle parfois
même être un moyen de défense du droit de propriété133. Par plusieurs décisions, la CEDH
offre un cadre permettant d’étudier cette nouvelle relation.

Il est tout d’abord intéressant d’évoquer l’affaire Zander c. Suède, dans laquelle les
requérants se plaignaient d’avoir subi une pollution de la nappe phréatique se situant à
proximité de leur propriété par le fait d’une société spécialisée dans le traitement et le
stockage des déchets. Cette pollution entraînait, pour eux, une impossibilité de jouir de l’eau
tirée de leurs puits et n’ayant pas eu la possibilité d’exercer un recours judiciaire contre la

130
CEDH, 21 février 2008, Anonymos Touristiki Etaira Xenodecheia Kritis c. Grèce, § 46-48.
131
Ibid., § 9.
132
M. BOUTELET BLOCAILLE, « Les limites des moyens traditionnels de l’ordre public : propriété et ordre
public écologique », in M. BOUTELET BLOCAILLE et J.-C. FRITZ (dir.), L’ordre public écologique, Towards
an ecological public order, Bruylant, coll. Actes et Débats, 2005, p. 201.
133
F.-G. TRÉBULLE, « Environnement et droit des biens » in Le droit et l’environnement, Association Henri
Capitant, Journées nationales tome XI, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2010, pp. 86-88.

34
décision autorisant la société à poursuivre son activité, ils invoquaient une violation de
l’article 6 § 1 de la conv. EDH134.

La com. EDH, bientôt suivie par la Cour, avait reconnu l’existence d’un droit civil,
rattaché au droit de propriété des requérants, ouvrant le droit à exercer un recours devant les
juridictions comme le prévoit l’article 6 § 1135. Toutefois, l’intérêt principal de cet arrêt réside
dans le fait que la CEDH reconnaît « [le] droit de jouir de l’eau de leur puits comme boisson,
[en tant qu’] élément de leur droit de propriétaires du terrain »136. Le droit de propriété
permet ainsi de procéder à la protection de la nappe phréatique environnant la propriété des
requérant. La protection de l’environnement devient donc ici l’opérateur permettant la
protection d’une composante du droit de propriété.

Toujours dans une approche de renouvellement de la relation entre droit de propriété et


protection de l’environnement, il est intéressant aussi d’évoquer les affaires Chassagnou c.
France et Herrmann c. Allemagne. Dans la première, il s’agissait de propriétaires se plaignant
qu’on puisse exercer une activité de chasse sur leur propriété, bien qu’ils y soient
formellement opposés. Cette activité était exercée par une association communale de chasse
agréée (ACCA), laquelle s’était vue confirmer son droit de chasser dans les parcelles des
requérants par les juridictions administratives. Les requérants invoquaient une violation de
leur droit de propriété sur le terrain de l’article 1 du protocole n° 1. Les juges européens ont
tout d’abord noté que pour les requérants, « l’apport forcé de leur droit de chasse sur leurs
terrains à une ACCA les empêche de faire usage de ce droit, directement lié au droit de
propriété, comme bon leur semble »137. Bien que la Cour reconnaisse, en l’espèce que la
gestion rationnelle du patrimoine cynégétique relève de l’intérêt général138, elle note que le
gouvernement, n’ayant pas mis en œuvre une procédure de compensation de l’atteinte au droit
de propriété, avait bien violé l’article 1 du protocole n° 1.

L’affaire Hermann c. Allemagne, bien qu’opérant un revirement de jurisprudence par


rapport à l’affaire Chassagnou notamment sur la question de la compensation à l’ingérence

134
Com. EDH, 14 octobre 1991, Zander c. Suède ; CEDH, 25 novembre 1993, Zander c. Suède.
135
Conv. EDH, Article 6 § 1 : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil […]. ».
136
CEDH, 25 novembre 1993, Zander c. Suède, préc., § 27.
137
CEDH, 29 avril 1999, Chassagnou et autres c. France, préc., § 74.
138
Ibid., § 79.

35
dans le droit de propriété139, réaffirme cependant le droit des propriétaires du terrain à
s’opposer à la chasse. Ces deux affaires témoignent de la possibilité pour les propriétaires de
s’opposer à la chasse lorsque celle-ci se déroule sur leur parcelle140. Le droit de propriété peut
être perçu comme un moyen de défense de la faune sauvage contre la chasse et ainsi, une
manière de participer à la protection de l’environnement. Il faut toutefois noter que ces
affaires témoignaient aussi d’un conflit entre l’intérêt général de gestion du patrimoine
cynégétique et le droit de propriété invoqué ici pour protéger la faune, preuve du caractère
protéiforme de la protection de l’environnement comme nous le verrons plus en détail dans le
paragraphe suivant.

Pour finir nos développements sur ces différents exemples de renouvellement dans la
relation entre droit de propriété et protection de l’environnement, il peut être intéressant
d’évoquer l’affaire Öneryildiz c. Turquie. L’apport principal de cette affaire demeure le
rattachement du droit à un environnement sain à l’article 2 de la conv. EDH, toutefois, comme
le note Paul Tavernier, cette affaire est aussi intéressante sur le terrain de l’article 1 protocole
n° 1141. En effet, dans cet arrêt, la CEDH rappelle que « l'importance cruciale du droit
consacré par l'article 1 du Protocole no 1 et considère que l'exercice réel et efficace de ce
droit ne saurait dépendre uniquement du devoir de l'État de s'abstenir de toute ingérence : il
peut exiger des mesures positives de protection. »142. En mettant cette affirmation en parallèle
avec les faits de l’espèce, à savoir une explosion de méthane dans une déchetterie située à
proximité du bidonville où vivait le requérant et sa famille, Paul Tavernier estime que l’arrêt
consacre une obligation positive de l’État de protéger « […] les propriétés et leurs biens
contre les risques de catastrophes et contre les atteintes de l’environnement. »143. La
protection de l’environnement en tant qu’intérêt général, ici sous la forme de lutte contre les
activités industrielles dangereuses, permet de dégager une obligation positive de l’État de
mettre en place des mesures permettant de protéger la propriété et favorise donc son exercice.

139
CEDH, Gr. Ch., 26 juin 2012, Herrmann c. Allemagne, § 91.
140
I. MICHALET, « Cour européenne des droits de l’Homme et biodiversité », in L. ROBERT (dir.),
L’environnement et la convention européenne des droits de l’Homme, Bruylant Bruxelles, coll. Cahiers de droit
international, 2013, pp. 96-98.
141
P. TAVERNIER, « Droit de propriété et protection de l’environnement devant la Cour de Strasbourg », in
I.D.H.A.E., La protection du droit de propriété par la cour européenne des droits de l’Homme, Bruylant
Bruxelles, 2005, p. 75.
142
CEDH, 18 juin 2002, Öneryildiz c. Turquie, préc., § 145.
143
P. TAVERNIER, op. cit., p.75.

36
Ces différentes jurisprudences témoignent de la volonté de la Cour de faire évoluer la
relation entre droit de propriété et protection de l’environnement. Pour Marguerite Boutelet
Blocaille, cette évolution est même indispensable en tant que la protection du droit de
propriété favorise une protection de la biodiversité. Selon elle, « […] pour réaliser l’objectif
de protection de la biodiversité, il apparaît clairement que l’on ne peut se passer de l’Homme
car les espaces qui constituent les habitats ne sont pas des espaces de la nature primitive, ce
sont des espaces colonisés depuis longtemps par l’Homme […]. »144.

La protection de l’environnement en tant qu’intérêt général entre donc en conflit de


manière plus ou moins violente avec les différents droits de la conv. EDH, en encadrant voire
en limitant leur exercice. Toutefois, comme le démontre très bien l’exemple du droit de
propriété, il serait illusoire de résumer leur relation à cette simple opposition. La protection de
l’environnement a ceci de particulier, qu’elle pousse à réfléchir à une évolution de la relation
entre droit fondamentaux et intérêt général que ce soit par le biais de conflits intrinsèques à sa
protection ou par une invitation à dépasser cette dichotomie.

§2 Une approche renouvelée des relations entre intérêt général et droits de l’Homme

La conv. EDH revêt dorénavant une dimension environnementale transversale qui


implique qu’on retrouve des droits environnementaux rattachés à diverses dispositions. La
protection de l’environnement conduit à adopter un regard nouveau sur les relations entre
intérêt général et droits de l’Homme en tant que ces derniers peuvent s’opposer en ayant
pourtant trait tous les deux à des problématiques environnementales (A). Enfin, la protection
de l’environnement en tant que composante de l’intérêt général, au-delà de l’aspect
« liberticide » qu’on lui prête, est également un opérateur permettant la réalisation de certains
droits fondamentaux (B).

144
M. BOUTELET BLOCAILLE, op. cit., p. 219.

37
A- Le traitement des droits environnementaux et l’invocation de l’intérêt général

Les droits environnementaux peuvent se comprendre comme comportant deux grandes


parties, les droits environnementaux substantiels, et plus particulièrement dans le cas de la
CEDH, le droit à un environnement sain (1) et les droits environnementaux procéduraux145(2).

1. Intérêt général et droit à un environnement sain

Le droit à un environnement sain en tant que droit de l’Homme peut être écarté au profit
de l’intérêt général. Ce traitement semble évident à partir du moment où l’environnement est
considéré comme n’importe quelle autre valeur reconnue par la conv. EDH.

Néanmoins, cette mise à l’écart peut varier sensiblement selon les droits opposés à
l’intérêt général. La Cour a rappelé dans l’arrêt Depalle c. France que les droits
« exclusivement civils » faisaient l’objet d’un traitement différent par rapport à la protection
de l’environnement comme composante de l’intérêt général puisque que l’État se voyait
reconnaître une marge d’appréciation plus importante146. Il paraît donc logique d’estimer que
la Cour effectue une appréciation différenciée selon les droits opposés à l’intérêt général.

De même, nous pouvons considérer que le droit à un environnement sain tiré de l’article 2
ou de l’article 8 de la conv. EDH ne subira pas le même traitement. En effet, l’article 2
contrairement à l’article 8 comprend des exceptions à son exercice bien plus restreintes 147. À
ce titre, il paraît intéressant d’estimer que cette limitation permettrait donc d’assurer une
protection renforcée du droit à un environnement sain contre l’intérêt général évoqué puisque
celui-ci ne figure pas parmi les exceptions de l’article 2. Ainsi, cette protection pourrait
s’opposer à la mise en œuvre par exemple de politiques d’aménagement et de protection de
l’environnement au nom de l’intérêt général pouvant entraîner des risques pour la vie des
personnes. Néanmoins, à ce stade, la jurisprudence européenne n’offre pas d’illustration d’une
telle opposition.

145
Pour une distinction entre ces deux types de droits, voir notamment, M. DÉJEANT-PONS et M.
PALLEMAERTS, Droits de l’Homme et environnement, Éditions du Conseil de l’Europe, 2002, pp. 9-43 ; V.
REBEYROL, L’affirmation d’un « droit à l’environnement » et la réparation des dommages environnementaux,
Paris 1, Defrénois - Lextenso éditions, 2010, pp. 63-75.
146
CEDH, 29 mars 2010, Depalle c. France, préc., § 84 ; R. NOGUELLOU, op. cit., p. 3.
147
« […] La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait
d'un recours à la force rendu absolument nécessaire […] ».

38
Au-delà de cette considération très prospective, la jurisprudence de la CEDH donne aussi
lieu à certaines oppositions intéressantes. En effet, la Cour de Strasbourg a vu apparaître de
manière plus148 ou moins149 explicite, un conflit intra-environnemental entre l’intérêt général
attaché à la protection de l’environnement et le droit à un environnement sain. Ces différends
qui tendent à se multiplier, constituent une remarquable illustration de la complexité de la
matière environnementale et de la variété de thématiques qu’elle comporte, de la protection
des animaux sauvages150 au développement des énergies renouvelables151. Ces
problématiques sont autant d’enjeux différents qui peuvent s’affronter, l’un sous le couvert de
l’intérêt général et l’autre sous l’angle d’un droit de l’Homme152.

L’affaire Lopez Ostra constitue une première étape dans l’apparition de ces conflits intra-
environnementaux. Comme il l’a déjà été plusieurs fois expliqué, dans ce litige, une
requérante se plaignait des émanations de gaz et d’odeurs pestilentielles provenant d’une
station d’épuration située à proximité de son domicile, entraînant ainsi une perturbation de
son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que contenu à l’article 8 de la conv. EDH.
Cette station d’épuration ayant été mise en place pour épurer les différents rejets provenant
d’une tannerie, elle opérait un travail de purification de l’eau afin d’éviter que ces nuisances
ne puissent se propager dans le cours d’eau. Ce faisant, elle effectuait un travail de protection
de l’environnement par la préservation de la ressource aquatique mais aussi de limitation des
pollutions, ces deux missions pouvant se rattacher à l’intérêt général. Néanmoins, la Cour a
estimé dans son arrêt de 1994 que les émanations de la station d’épuration et l’inaction de
l’État pour les limiter, pouvaient se concevoir comme une violation de l’article 8. Le droit de
la requérante à jouir d’un environnement sain s’est donc opposé à l’intérêt général de la
communauté (ici le village de Llorca) de préservation de la ressource en eau et de lutte contre
la pollution153. Un tel conflit a pu se retrouver également à propos d’une usine de traitement
de déchets dangereux en Italie154.

148
CEDH, 26 février 2008, Fägerskiöld c. Suède (recevabilité), préc.
149
CEDH, 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne, préc.
150
CEDH, Gr. Ch., 26 juin 2012, Herrmann c. Allemagne, préc.
151
CEDH, 26 février 2008, Fägerskiöld c. Suède (recevabilité), préc.
152
Hypothèse déjà évoquée par J. UNTERMAIER, « Droit de l’Homme à l’environnement et libertés
publiques », RJE, 1978, n° 4, p. 334.
153
D. GARCIA SAN JOSÉ, La protection de l'environnement et la Convention européenne des droits de
l'Homme, Éditions du Conseil de l’Europe, 2005, p. 13.
154
N. DE SADELEER, « Les droits fondamentaux au secours de la protection de l’environnement : examen du
droit de l’UE et de la CEDH » in ROBERT (L.) (dir.), op. cit., p. 125, à propos de CEDH, 2 novembre 2006,
Giacomelli c. Italie.

39
Le développement des énergies renouvelables constitue un champ privilégié d’apparition
des conflits intra-environnementaux. La mise en place de diverses constructions telles que les
éoliennes155 ou les barrages hydrauliques156 ne vont pas sans entraîner l’apparition de
nuisances pour le voisinage ou pour la biodiversité, l’affaire Fägerskiöld en est une parfaite
illustration.

En effet, il s’agissait d’une requête émanant d’un couple de particuliers qui se plaignaient
de nuisances sonores notamment, causées par des éoliennes situées à proximité de leur lieu de
résidence. Cette requête a été déclarée irrecevable par la Cour puisque ceux-ci ne
démontraient pas un grief suffisant pour caractériser des nuisances environnementales. Le
principal apport de cette affaire consiste en la caractérisation du développement des parcs
éoliens comme participant de l’intérêt général157. Se retrouve ici une opposition entre la
protection de l’environnement comme composante de l’intérêt général et le droit à un
environnement sain, sous son volet protection contre les nuisances sonores, récurrent dans la
jurisprudence de la CEDH158.

Dans cette affaire, la CEDH donne la préférence à l’intérêt général de manière un peu
ambigüe, parce que le développement des parcs éoliens doit se maintenir dans le contexte du
développement durable mais aussi parce que la violation alléguée de l’article 8 de la conv.
EDH n’était pas suffisante. Il paraît donc difficile de conclure à la possibilité d’une
prédominance systématique de l’intérêt général incarné par le développement des énergies
renouvelables sur le droit à un environnement sain.

L’intérêt général peut aussi être mis en opposition avec le second volet des droits
environnementaux que composent les droits procéduraux environnementaux.

155
CEDH, 26 février 2008, Fägerskiöld c. Suède (recevabilité), préc. ; CEDH, Vecbaštika et autres c. Lettonie,
(Requête pendante communiquée au gouvernement letton le 7 janvier 2013).
156
CEDH, 27 avril 2004, Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne.
157
CEDH, 26 février 2008, Fägerskiöld c. Suède (recevabilité), préc., p. 14 : « […] Il ne fait aucun doute pour la
Cour que l’exploitation de l’éolienne va dans le sens de l’intérêt général, dans la mesure où elle permet de
produire de l’énergie en respectant l’environnement et contribue ainsi au développement durable des ressources
naturelles. ».
158
CEDH, 16 novembre 2004, Moreno Gomez c. Espagne, préc. ; CEDH, 25 novembre 2010, Mileva et autres c.
Bulgarie.

40
2. Intérêt général et droits procéduraux environnementaux

Les droits procéduraux environnementaux constituent le second volet des droits


environnementaux tels que la Cour peut les appréhender au fil de sa jurisprudence. Ces droits
procéduraux, compris comme une composante du droit à un environnement sain159 et un
moyen de réalisation des droits environnementaux160, sont généralement conçus dans un
triptyque ; information, participation du public et accès à la justice tel que consacré par la
convention d’Aarhus. Cette sous-partie s’intéressera de manière plus spécifique au droit à
l’information environnementale et à sa possible limitation par l’intérêt général.

La Cour mais aussi la com. EDH ont été confrontées à plusieurs reprises à la
problématique de l’information environnementale161. Il ressort de ces différentes décisions
que la CEDH et la commission ont préféré écarter la reconnaissance d’un droit à l’information
environnementale issu de l’article 10 de la conv. EDH reconnaissant la liberté d’expression.

En revanche, la Cour a préféré rattacher ce droit à l’information à d’autres droits celui de


l’article 2162 et celui de l’article 8163. À ce titre, le droit à l’information environnementale peut
donc se voir opposer les obstacles à l’exercice de ces droits prévus par la conv. EDH. Dans le
cas de l’article 8 par exemple, cette limitation peut prendre différentes formes comme la
sûreté publique, la défense de l’ordre, la sécurité nationale ou encore la protection de la
santé164. Ces différentes limitations se rattachent à des justifications issues de l’intérêt général
qui pourraient, une nouvelle fois, limiter l’exercice des droits environnementaux165.

De plus, il est intéressant de noter qu’à l’instar de l’exemple développé plus haut, un
conflit intra-environnemental entre l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement
et un droit à l’information environnementale peut aussi se manifester dans ce cadre-là. En
effet, l’État peut limiter les droits issus de l’article 8 pour des motifs de sûreté publique. Il

159
A. KISS, « L’évolution du concept de droit à l’environnement », in Protection des droits de l’Homme : la
perspective européenne, mélanges en la mémoire de Rolv RYSSDAL, Carl Heymanns Verlag KG, 2000, p. 679.
160
Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la
justice en matière d’environnement du 25 juin 1998 dite d’Aarhus, préambule § 7 et 8.
161
Com. EDH, 6 juillet 1995, Anna Maria Guerra et autres c. Italie ; CEDH, 16 février 1998, Guerra et autres
c. Italie, préc. ; Com. EDH, 28 novembre 1995, L.C.B. c. Royaume-Uni ; CEDH, 9 juin 1998, L.C.B. c.
Royaume-Uni, préc.
162
CEDH, 20 mars 2008, Boudaïeva c. Russie, préc., § 131.
163
CEDH, 9 juin 1998, McGinley et Egan c. Royaume-Uni, § 97.
164
Conv. EDH, Article 8 § 2.
165
L. FONBAUSTIER « Le droit à l’information environnementale » in L. ROBERT (dir.), op. cit., pp. 63-67.

41
paraît donc possible d’imaginer le cas d’une requête formée sur la violation de l’article 8 en
tant que l’individu ne s’est pas fait communiquer des informations environnementales liées à
une centrale nucléaire installée à proximité de son domicile. L’État se défendrait par exemple
en invoquant l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement et à la sûreté
publique afin de ne pas communiquer des informations liées à cette centrale nucléaire pouvant
mettre en danger l’environnement et la santé du voisinage. Cet exemple, bien
qu’hypothétique, ne semble pas, pour autant, impensable notamment au regard des requêtes
précédemment formées à l’encontre de l’installation de centrales nucléaires166.

L’intérêt général attaché à la protection de l’environnement apporte de nouvelles


considérations dans son traitement des droits environnementaux notamment et permet
d’illustrer les tensions existant entre les différentes problématiques environnementales.
Toutefois, et le droit à l’information environnementale en est un parfait exemple, il est
intéressant de voir la protection de l’environnement comme composante de l’intérêt général
apparaître comme un opérateur de réalisation des droits de l’Homme notamment
environnementaux.

B- Intérêt général et droits de l’Homme, un apport mutuel ?

La protection de l’environnement invite à reconsidérer les relations entre le standard


d’intérêt général et les droits de l’Homme. Comme cela a pu être développé plus haut, le
caractère protéiforme de l’environnement implique des problématiques nouvelles notamment
en lien avec l’intérêt général. Au sein de cette sous-partie concluant le premier chapitre, nous
nous pencherons plus précisément sur les cas où l’intérêt général et les droits de l’Homme,
dépassant le cadre classique de leurs relations, participent à une amélioration mutuelle de leur
contenu. Pour Jehan de Malafosse, « […] la protection de l’environnement est l’occasion
d’une remise en cause de l’opposition très classique entre l’intérêt privé et l’intérêt
général. »167. À ce titre, cette sous-partie étudiera donc l’apport de l’intérêt général aux droits
de l’Homme (1) puis l’apport des droits de l’Homme à l’intérêt général (2).

166
CEDH, 26 août 1997, Balmer-Schafroth et autres c. Suisse ; CEDH, Gr. Ch., 6 avril 2000, Athanassoglou et
autres c. Suisse.
167
J. DE MALAFOSSE, op. cit., p. 511.

42
1. L’apport de l’intérêt général à la réalisation des droits de l’Homme

La protection de l’environnement, comme d’autres composantes de l’intérêt général, opère


bien un encadrement des droits fondamentaux y compris environnementaux. Toutefois, il est
aussi intéressant de noter qu’elle permet aussi la réalisation de certains de ces droits en tant
qu’elle fournit les conditions idéales à leur exercice.

L’exemple de la relation entre le droit de propriété et l’intérêt général attaché à la


protection de l’environnement a été cité précédemment. Dans certaines affaires présentées à la
Cour, la protection de l’environnement a permis de dégager des principes de protection du
domicile et de la propriété plus généralement168. Les mesures prises par l’État dans l’intérêt de
tous, permettent ainsi à chacun de bénéficier individuellement d’une meilleure protection de
leur domicile et de l’ensemble de leurs biens.

De manière plus globale, la protection de l’environnement en tant qu’intérêt général vise à


assurer une préservation complète des différents éléments composant la biosphère,
préservation qui s’effectue par différents biais comme la réduction des gaz à effet de serre
(grâce aux énergies renouvelables notamment), la sauvegarde des ressources aquatiques. Ce
but noble et immense permet donc une amélioration générale des conditions de vie de
l’ensemble des individus puisque ces derniers sont dépendants de l’état de l’environnement169.

Pour Laurent Fonbaustier, « certains droits dits de deuxième génération supposent en


effet, pour que leur exercice soit pleinement respectée et que leur existence ne soit finalement
pas bafouée, une protection de l’environnement […]. »170. L’intérêt général attaché à la
protection de l’environnement, dans cet ensemble interconnecté, permet ainsi de participer à
la préservation de l’environnement d’une part et d’autre part, de favoriser la réalisation de
certains droits de l’Homme.
Ce premier constat conduit à s’interroger sur la réciprocité de cette relation et donc les
apports des droits de l’Homme à l’intérêt général.

168
CEDH, 18 juin 2002, Öneryildiz c. Turquie, préc., § 145.
169
CIJ, 8 juillet 1996, Avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, § 29.
170
L. FONBAUSTIER, « Brèves réflexions sur les splendeurs et misères d’un vieux couple : protection de
l’environnement et droits fondamentaux », in Mélanges François JULIEN-LAFERRIÈRE, Bruylant Bruxelles,
2011, p. 243.

43
2. La réalisation de l’intérêt général par le prisme des droits de l’Homme

La réalisation de l’intérêt général par le prisme des droits de l’Homme est une illustration
parfaite de la conception doctrinale soulignant une véritable nécessité de dépasser l’opposition
classique entre intérêt privé et intérêt collectif171 notamment dans le cadre de la protection de
l’environnement172.

Il est ainsi intéressant de trouver certains indices de cette conception au sein de la


jurisprudence de la CEDH notamment dans son arrêt Tătar c. Roumanie. En effet, dans cette
décision, la Cour évoque « […] les droits des intéressés au respect de leur vie privée et leur
domicile et, plus généralement, à la jouissance d’un environnement sain et protégé »173.
Certains auteurs comme François-Guy Trébulle, ont vu dans cette formulation, la
reconnaissance par la Cour d’un droit à la jouissance d’un environnement sain de manière
plus générale174. L’intérêt de cette formulation, outre la reconnaissance de ce droit, est
intéressante en ce qu’elle n’encadre pas réellement la notion d’environnement. La Cour laisse
ainsi penser que le droit de chacun à la jouissance d’un environnement sain pourrait se
traduire comme une manière pour la Cour de protéger l’environnement de manière plus large
par le prisme du droit de chacun à un environnement sain.

Cette réflexion peut parfaitement se concevoir en pratique, dans la mesure où il paraît


logique d’estimer que lorsque chaque individu bénéficie d’un environnement sain, celui-ci ne
s’arrête pas nécessairement aux limites de sa propriété et peut bénéficier à d’autres individus,
c’est le cas de la préservation d’une nappe phréatique par exemple. Par cette action, nous
pouvons donc estimer que le droit à un environnement sain d’un individu servirait l’intérêt
général.

Le droit à l’information environnementale, dans les termes évoqués plus haut, peut aussi
contribuer à la protection de l’environnement en tant qu’intérêt général. Il s’agit d’un cas
évoqué par Petr Muzny ne concernant pas l’information environnementale de manière
spécifique, mais au regard du raisonnement établi, il semble possible de l’y rattacher. En effet,

171
Voir par exemple, M. MEKKI, L’intérêt général et le contrat, contribution à une étude de la hiérarchie des
intérêts en droit privé, Paris 1, LGDJ, coll. Bibliothèque de droit privé, 2004, pp. 24-25.
172
J. DE MALAFOSSE, op. cit., p. 511 ; M. BOUTELET BLOCAILLE, op. cit., p. 201 ; P. TAVERNIER, op.
cit., p. 75 ; F.-G. TRÉBULLE, op. cit., pp. 86-88 et L. FONBAUSTIER, op. cit., p. 243.
173
CEDH, 27 janvier 2009, Tătar c. Roumanie, § 107.
174
F.-G. TRÉBULLE, « Droit de l’environnement. Mai 2008 - Mai 2009 », D., 2009, p. 2449.

44
selon l’auteur, la CEDH « […] reconnaît bien souvent elle-même que derrière l’intérêt dit
individuel de celui qui fait acte de liberté d’expression, se situe en même temps l’intérêt
général de tous ceux qui peuvent bénéficier de l’information »175, cette réflexion peut se
décliner au sujet de l’information environnementale.

Lors d’une demande de communication de différents documents ayant trait à


l’environnement, demande garantie par un droit à l’information, ces différents documents
peuvent ainsi être communiqués au plus grand nombre. Par l’exercice de ce droit à
l’information, l’individu opère donc une action en faveur de l’intérêt général attaché à la
protection de l’environnement.

De même, le droit à la liberté d’expression, prévu par les dispositions de l’article 10, a pu
se révéler en tant que vecteur de réalisation de l’intérêt général dans un arrêt de 2004 rendu
par la CEDH. Dans cet arrêt, la Cour a reconnu la qualité de « chien de garde de la
démocratie » à une ONG spécialisée dans la protection de l’environnement176. Par l’exercice
de son droit individuel à la liberté d’expression, l’organisation avait ainsi attiré « […]
l’attention sur des questions sensibles d’intérêt général »177.

De la même manière, l’exercice d’un droit d’agir en justice en matière d’environnement


peut contribuer à certaines évolutions sur le terrain de la protection de l’environnement. Pour
s’en convaincre, il suffit de voir les différentes décisions de justice ayant contribué à
l’émergence des problématiques environnementales devant la Cour. À la base de ces
décisions, se trouve nécessairement un individu ayant exercé son droit au recours, droit qui,
finalement, a bénéficié au plus grand nombre d’individus.

Par le biais des différents exemples et raisonnements démontrés dans cette section, il
paraît clair que la protection de l’environnement en tant qu’intérêt général opère bien une
fonction d’encadrement des droits fondamentaux au sein de la jurisprudence de la CEDH.
Cette fonction permet ainsi de noter l’importance prise par les problématiques
environnementales au niveau de la Cour. Toutefois, cet encadrement invite aussi à constater

175
P. MUZNY, La technique de proportionnalité et le juge de la convention européenne des droits de l’Homme,
essai sur un instrument nécessaire dans une société démocratique, Aix-Marseille III, Presses universitaires
d’Aix-Marseille, 2005, p. 323.
176
CEDH, 27 mai 2004, Vides Aizsardzibas Klubs c. Lettonie, § 36 et 42.
177
J.-P. MARGUÉNAUD, « La charte constitutionnelle de l’environnement face au droit de la cour européenne
des droits de l’Homme », RJE, 2005, n° spécial, p. 204.

45
l’émergence de nouvelles relations entre les droits fondamentaux et l’intérêt général. Ces
nouvelles relations prennent différentes formes telles que les conflits intra-environnementaux
ou l’apparition d’une interdépendance entre les droits fondamentaux et l’intérêt général.

Au-delà de cette faculté renouvelée d’encadrement, l’intérêt général attaché à la protection


de l’environnement revêt une autre fonction au sein de la jurisprudence des droits de
l’Homme, celle de contrôle des actions étatiques. L’étude de cette seconde fonction nous
permet ainsi de poursuivre notre démonstration du rôle attaché par le standard au sein de la
jurisprudence de la CEDH et le renouvellement que celui-ci opère sur les mécanismes de
contrôle classique de la Cour.

46
47
Chapitre 2 : L’intérêt général attaché à la protection de
l’environnement comme standard de contrôle des actions étatiques

L’intérêt général attaché à la protection de l’environnement procède d’une fonction de


contrôle des actions étatiques. Reposant sur des mécanismes différents de la fonction
d’encadrement, il est toutefois intéressant de souligner que celles-ci contribuent toutes deux à
l’effectivité du standard d’intérêt général et partant, de sa composante environnementale.

Cette notion opère ainsi un contrôle du bien-fondé des actions étatiques dans le
domaine de la protection de l’environnement par le biais notamment de la célèbre doctrine des
obligations positives. Toutefois, comme indiqué plus haut, l’activisme de la Cour en matière
de protection de l’environnement est parfois mal perçu. Cette réticence pousse ainsi la Cour à
adopter une démarche toute autre qui vise à encadrer les actions étatiques par la
reconnaissance d’une marge nationale d’appréciation. Ces deux mécanismes permettent à la
CEDH de mettre en place un contrôle variable des actions étatiques en matière de protection
de l’environnement (Section 1).

L’instauration d’un tel contrôle entraîne une réflexion sur l’objectif visé, à terme, par
la CEDH en matière de protection de l’environnement. En effet, comme nous l’avons vu à
plusieurs reprises au cours de cette étude, la conv. EDH ne prévoyant pas de dispositions
relatives à l’environnement, la CEDH a dû élaborer progressivement une jurisprudence
environnementale par le rattachement du droit à un environnement sain à d’autres droits
protégés par la convention ou par la reconnaissance de la protection de l’environnement en
tant qu’intérêt général. Cette jurisprudence fait naître une sensibilisation des États membres
aux enjeux environnementaux entraînant ainsi, une réflexion sur la possible émergence d’un
ordre public européen écologique. Dans le même mouvement de sensibilisation, la prise en
compte de plus en plus importante des enjeux environnementaux par les États membres nous
conduit aussi à évoquer la création d’un protocole additionnel à la convention sur
l’environnement (Section 2).

48
Section 1 : Le contrôle des actions étatiques par la CEDH dans le domaine de
la protection de l’environnement

Le contrôle des actions étatiques repose donc sur deux mécanismes distincts dont la
création, purement prétorienne, repose sur le souci constant de la CEDH d’assurer une
effectivité aux droits protégés par la convention. Une telle origine implique, néanmoins, pour
la CEDH de manier avec prudence ces outils vis-à-vis des États et d’opérer un contrôle
variable des actions étatiques à travers la doctrine des obligations positives d’une part (§1), et
la reconnaissance de la marge nationale d’appréciation, d’autre part (§2).

§1 Le contrôle des États par la doctrine des obligations positives

La doctrine des obligations positives est apparue dans la jurisprudence de la Cour dès
1968 dans la célèbre affaire Linguistique belge dans laquelle la CEDH évoque pour la
première fois cette notion.178 Par une affaire de 1979, la Cour va poser le fondement de cette
doctrine qui participe au but de la convention de « […] protéger des droits non pas théoriques
ou illusoires, mais concrets et effectifs […]. »179. À partir de 1985, la Cour va faire de cette
notion « […] un instrument familier de son contrôle. »180. Cette doctrine permet à la CEDH
de dégager des obligations d’agir à l’encontre des États pour assurer l’exercice des droits (A)
mais aussi pour lutter contre l’immixtion des tiers dans le droit garanti, renvoyant ainsi à
l’effet horizontal de la conv. EDH (B).

A- La mise en œuvre des obligations positives en matière de protection de


l’environnement

La doctrine des obligations positives a logiquement trouvé une application dans le


domaine de la protection de l’environnement en tant qu’il s’agit d’une matière nécessitant un
contrôle effectif des actions étatiques. C’est l’affaire Powell et Rayner c. Royaume-Uni qui va
permettre à la notion de trouver sa première application environnementale 181, ouvrant ainsi le
champ à plusieurs décisions illustrant l’effet de la doctrine (1). Il est intéressant de noter aussi

178
CEDH, 23 juillet 1968, Affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en
Belgique » c. Belgique, § 1 et 3.
179
CEDH, 9 octobre 1979, Airey c. Irlande, § 24.
180
F. SUDRE, « Les “obligations positives” dans la jurisprudence européenne des droits de l’Homme », RTDH,
1995, p. 363.
181
CEDH, 21 février 1990, Powell et Rayner c. Royaume-Uni, préc., § 41.

49
que la protection de l’environnement a donné naissance à des obligations positives extérieures
à la conv. EDH, tirées de normes internationales (2).

1. L’utilisation de la doctrine des obligations positives en matière de protection de


l’environnement

L’intérêt général se retrouve au titre de la doctrine des obligations positives en tant que
cette valeur vient fonder la nécessité ou non d’instaurer une obligation positive. Comme
l’énonce parfaitement l’arrêt Powell et Rayner, ce contrôle est ainsi à rapprocher de celui de
l’ingérence de l’État dans l’exercice de droits prévus à la convention. « Dans les deux cas, il
faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l’individu et de
la société dans son ensemble […]. »182.

La protection de l’environnement en tant que composante de l’intérêt général vient


donc fonder la mise en place d’obligations positives à la charge de l’État 183. En effet, l’affaire
Öneryildiz de 2002 illustre bien cette logique puisque qu’elle établit l’obligation positive de
l’État de protéger la propriété d’un individu face à des nuisances environnementales184.

La protection de l’environnement se voit aussi réaliser par la fonction initiale des


obligations positives à savoir le renforcement de l’effectivité des droits de la conv. EDH. Il est
ainsi très intéressant de voir que celles-ci trouvent aussi à s’appliquer pour des droits non
reconnus par la convention. Dans certains cas, il apparaît même que ce sont les obligations
positives qui déclinent l’aspect environnemental de certains droits. Par exemple, dans l’affaire
Guerra c. Italie, la Cour énonce une violation de l’article 8 au motif que l’État n’a pas
transmis aux riverains les informations nécessaires pour évaluer les risques liés aux émissions
nocives d’une usine185.

L’affaire Hatton de 2003 affirme, de son côté, la nécessité de prendre en compte les
intérêts des individus concernés au sein du processus décisionnel186. Ces deux exemples

182
Ibid.
183
CEDH, 18 février 1991, Fredin c. Suède (n° 1), préc., § 51.
184
CEDH, 18 juin 2002, Öneryildiz c. Turquie, préc., § 145.
185
CEDH, 19 février 1998, Guerra et autres c. Italie, préc., § 58 et 60 ; C. MADELAINE, La technique des
obligations positives en droit de la convention européenne des droits de l’Homme, Montpellier, Dalloz, coll.
Nouvelle bibliothèque de thèses, 2014, p. 76.
186
CEDH, Gr. Ch., 8 juillet 2003, Hatton et autres c. Royaume-Uni, préc., § 99.

50
établissent ainsi, peu à peu, le cadre que doit mettre en place l’État afin que les droits prévus à
l’article 8 puissent pleinement s’exercer.

L’arrêt Tătar c. Roumanie, reprenant l’arrêt Boudaïeva187, effectue une parfaite


synthèse de ce mouvement en établissant que « l’obligation positive de prendre toutes les
mesures raisonnables et adéquates pour protéger les droits que les requérants puisent dans le
paragraphe 1 de l’article 8 implique, avant tout, pour les États, le devoir primordial de
mettre en place un cadre législatif et administratif visant à une prévention efficace des
dommages à l’environnement et à la santé humaine. »188.

L’obligation de mettre en place un cadre « législatif et administratif » permettant


l’exercice effectif du droit garanti se retrouve aussi à propos du droit à la vie comme le
souligne l’arrêt Öneryildiz de 2004189. Il est intéressant de souligner qu’une telle obligation
positive participe effectivement à la protection de l’environnement en tant qu’elle favorise
l’instauration de règles visant à prévenir les risques mais permettrait aussi de limiter le
pouvoir discrétionnaire des États dans l’instauration d’un tel cadre normatif190.

Les obligations positives en matière de protection de l’environnement s’avèrent donc


très variées notamment à cause de la diversité de droits concernés par les thématiques
environnementales dans la jurisprudence de la Cour. La CEDH établit même certaines
obligations positives en se basant sur des éléments extérieurs à la convention, les normes
internationales.

2. Les obligations positives et les normes internationales

Dans l’arrêt Kyrtatos c. Grèce, la CEDH considère que certains instruments


internationaux sont plus adaptés pour traiter de la protection générale de l’environnement en
tant que tel, rejetant ainsi sa propre compétence pour la matière191. Si cette décision a pu
s’avérer néfaste à certains égards pour l’essor de la jurisprudence environnementale de la
Cour de Strasbourg, il est particulièrement intéressant de noter qu’elle indique, en creux,

187
CEDH, 20 mars 2008, Boudaïeva et autres c. Russie, préc., § 129-132.
188
CEDH, 27 janvier 2009, Tătar c. Roumanie, préc., § 88.
189
CEDH, Gr. Ch., 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, § 89.
190
N. DE SADELEER, op. cit., p. 130.
191
CEDH, 22 mai 2003, Kyrtatos c. Grèce, préc., § 52.

51
l’intérêt de celle-ci pour les normes internationales en matière de protection de
l’environnement.

Cet intérêt pour les normes internationales apparaît tout d’abord avec les autres textes
élaborés au sein du Conseil de l’Europe tels que la convention de Strasbourg192, la convention
de Lugano193 mais aussi des résolutions issues de travaux de l’Assemblée parlementaire.
L’arrêt Öneryildiz de 2004 illustre parfaitement cette hypothèse puisque la CEDH énonce au
titre des règles pertinentes pour cette affaire, les deux conventions mais aussi la résolution
1087 relative aux conséquences de l’accident de Tchernobyl par exemple194. La Cour examine
ces différents éléments afin de déterminer la responsabilité de chaque acteur dans le
traitement des déchets dangereux. De plus, il faut aussi signaler que dans le cas de l’espèce, la
Turquie n’était partie à aucune des deux conventions.

Au-delà de ces références, il est particulièrement intéressant de noter que la Cour se


base aussi directement sur ces textes pour fonder sa décision. L’un des meilleurs exemples de
cette utilisation provient de la convention d’Aarhus dans les arrêts Tătar c. Roumanie195 et Di
Sarno c. Italie196. Dans ces deux affaires, la Cour rappelle à la Roumanie et à l’Italie les
dispositions de la convention d’Aarhus qu’elles ont toutes les deux ratifiées et qu’elles se
doivent donc de les respecter. Ce faisant, les États ne peuvent ignorer l’ensemble des
obligations procédurales environnementales devant être prises en compte et se voient ainsi
doublement contraints par les deux textes. Par ce rappel, la Cour cherche aussi à réaffirmer
l’importance qu’elle attribue aux différentes obligations procédurales découlant de l’article 8
de la conv. EDH197.

L’arrêt Taşkin c. Turquie va, de son côté, encore plus loin dans l’utilisation de la
convention d’Aarhus dans la décision de la CEDH. En effet, s’il ne paraît pas illogique que la
Cour se base sur le texte de 1998 pour établir des obligations renforcées à l’encontre des pays
l’ayant ratifié, il paraît plus surprenant, en revanche, que celui-ci puisse s’imposer à un État
n’y étant pas partie. Pourtant, la CEDH rappelle dans cet arrêt, les axes poursuivis par la

192
Convention STE n° 172 sur la protection de l’environnement par le droit pénal du 4 novembre 1998.
193
Convention STE n° 150 sur la responsabilité civile des dommages résultant des activités dangereuses pour
l’environnement du 21 juin 1993.
194
CEDH, Gr. Ch., 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, préc., § 59.
195
CEDH, 27 janvier 2009, Tătar c. Roumanie, préc., § 118.
196
CEDH, 10 janvier 2012, Di Sarno et autres c. Italie, § 107.
197
Ibid.

52
convention d’Aarhus, en précisant bien que si la Turquie n’y a pas adhéré198, cela ne
l’empêche pourtant pas d’appliquer « en substance » les dispositions de ce texte199. La Cour
entérine ensuite ce recours dans l’arrêt Demir et Baykara c. Turquie, en indiquant très
clairement qu’elle avait « […] complété sa jurisprudence relative à l’article 8 de la
Convention en matière de protection de l’environnement (aspect considéré comme faisant
partie de la vie privée de l’individu) en s’inspirant largement des principes établis par la
Convention d’Aarhus […]. »200.

Comme Jean-Pierre Marguénaud l’avait anticipé, la convention d’Aarhus joue ici le


rôle de « stimulant »201 pour la CEDH puisqu’elle vient ici fonder la mise en œuvre
d’obligations positives renforcées tirées de l’article 8 de la conv. EDH. Ces obligations
positives semblent se justifier principalement au regard de la connaissance des États des
devoirs pesant sur eux en matière de protection des droits procéduraux environnementaux.

Ce constat nous amène à réfléchir de manière plus prospective à une déclinaison


d’obligations positives pouvant découler d’engagements internationaux pris par l’État. Nous
pourrions donc concevoir ces normes comme une référence pour la CEDH des engagements
pris par l’État en matière de protection de l’environnement. Ainsi, les violations répétées par
la France de la directive européenne sur les algues vertes202 semblent bien se prêter à un tel
scénario. La pollution entraînée par les nitrates a, en effet, déjà donné l’occasion à plusieurs
juridictions d’engager la responsabilité de l’État français en la matière203. Un recours formé
devant la CEDH au regard des graves conséquences sanitaires découlant de cette pollution
pourrait permettre à la Cour de fonder sa décision sur la directive et des devoirs qui en
incombent à la France.

198
CEDH, 10 novembre 2004, Taşkin et autres c. Turquie, § 99.
199
M. CHYSCLAIN, M.-N. PATAUD et M. TABONE, « L’utilisation par la cour européenne des droits de
l’Homme des instruments internationaux relatifs à la protection de l’environnement », in L. ROBERT (dir.), op.
cit., p. 89.
200
CEDH, 12 novembre 2008, Demir et Baykara c. Turquie, § 83 ; L. FONBAUSTIER, « Le droit à
l’information environnementale » in L. ROBERT (dir.), op. cit., p. 57.
201
J.-P. MARGUÉNAUD, « La convention d’Aarhus et la convention européenne des droits de l’Homme »,
RJE, 1999, n° spécial, p. 78.
202
Directive n° 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de
sources agricoles.
203
CAA Nantes, 1er décembre 2009, Ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la
Mer, req. n° 07NT03775 ; CJUE, 13 juin 2013, Commission c. France, affaire n° C-193/12 ; L.
FONBAUSTIER, « L’État et la responsabilité environnementale » in Le droit et l’environnement, Association
Henri Capitant, Journées nationales tome XI, Dalloz, coll. Thèmes et commentaires, 2010, p. 132.

53
La protection de l’environnement se trouve donc renforcée par la mise en œuvre des
obligations positives qui permettent d’étendre le champ d’application et l’effectivité des droits
auxquels les considérations environnementales sont rattachées. L’un des apports majeurs de la
doctrine réside aussi dans le contrôle qu’elle permet d’opérer sur les relations entre
particuliers par l’effet dit « horizontal ».

B- Le contrôle des relations entre particuliers par le biais de l’effet horizontal de la


convention de sauvegarde des droits de l’Homme

L’effet « horizontal » se conçoit comme l’autre versant de la doctrine des obligations


positives. Ce mécanisme inspiré de la théorie allemande de la Drittwirkung204 permet ainsi à
la CEDH de sanctionner un État pour des violations des droits de l’Homme commises par des
particuliers. La première référence à cet effet « horizontal » se retrouve dans la décision de la
com. EDH de 1979205 suivie par un arrêt de la CEDH dans l’affaire Young, James et
Webster206 se basant sur l’article 1er de la conv. EDH207. Par sa faculté à régir les relations
entre les particuliers, nous pouvons saisir d’emblée l’intérêt d’un tel mécanisme pour
l’environnement, souvent la cible d’atteintes causées par des tiers (1) mais qui permettrait
aussi de mettre en place une certaine responsabilisation de leurs actions (2).

1. L’effet « horizontal » de la conv. EDH en matière de protection de l’environnement

L’effet « horizontal » de la conv. EDH permet à la CEDH de sanctionner les violations


des droits de l’Homme commises par un particulier. Toutefois, il nous faut cependant rappeler
que la Cour ne peut connaître que des recours dirigés contre un État208. Cela implique donc
que l’État sera sanctionné non pas pour l’agissement du particulier mais par le fait qu’il a
facilité cette violation par son action ou son inaction209. Ce contrôle est ainsi parfaitement
résumé dans un arrêt Chypre c. Turquie de 2001 dans lequel la Cour indique que « […] si les
autorités d’un État contractant approuvent, formellement ou tacitement, les actes de
particuliers violant dans le chef d’autres particuliers soumis à sa juridiction les droits
204
« Effet vis-à-vis des tiers ».
205
Com. EDH, 14 décembre 1979, Young, James et Webster c. Royaume-Uni, § 179.
206
CEDH, 13 août 1981, Young, James et Webster c. Royaume-Uni, § 49.
207
Conv. EDH, Article 1er : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur
juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention. ».
208
Conv. EDH, Article 34 : « La cour peut être saisie d’une requête par toute personne physique […] qui se
prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la
Convention ou ses protocoles. ».
209
F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’Homme, PUF, coll. Droit fondamental, 11ème
édition, 2012, pp. 266-270.

54
garantis par la Convention, la responsabilité dudit État peut se trouver engagée au regard de
la Convention. »210.

Dans le cas de la protection de l’environnement, l’hypothèse la plus fréquente pouvant


être retenue est celle de l’imputation d’une violation des droits par l’action d’un tiers du fait
de l’inaction de l’État. Plusieurs affaires célèbres ont pour origine une inaction de l’État, c’est
le cas des arrêts Lopez Ostra, Moreno Gomez et Öneryildiz par exemple. En effet, dans le cas
de l’affaire Lopez Ostra, les nuisances environnementales étaient causées par des émanations
provenant d’une station d’épuration mais c’est bien l’inaction de l’État qui a été sanctionnée
par la CEDH. De plus, dans le cadre de notre étude, il est intéressant de souligner que dans
l’affaire Lopez Ostra, la mise en œuvre du contrôle de proportionnalité des obligations
positives s’est effectuée entre deux intérêts particuliers, celui de la requérante et celui de la
société privée exploitant la tannerie211. Toutefois, comme nous l’avons évoqué plus haut,
l’intérêt de la tannerie par l’installation d’une station d’épuration pouvait se confondre avec
l’intérêt général212.

Comme le relève très justement Frédéric Sudre dans son article de 1995, « […] la
jurisprudence des obligations positives est particulièrement bien adaptée à la protection de
l’environnement, les atteintes à l’environnement trouvant bien souvent leur source dans la
carence législative et/ou dans le fait des particuliers. »213. En effet, dans le cas de la
protection de l’environnement immédiat des individus, de nombreuses ingérences proviennent
donc des particuliers et l’effet « horizontal » de la convention apparaît ainsi comme le
meilleur moyen de protéger les droits fondamentaux des individus.

De plus, il nous faut aussi relever le fait que plusieurs atteintes graves à
l’environnement trouvent leur origine dans certaines actions commises par des personnes
privées comme des entreprises. L’arrêt Kyrtatos avait pour origine la destruction d’une
réserve naturelle par une vaste opération d’aménagement. De même, dans l’affaire
Mangouras déjà évoquée plus haut, le capitaine du navire Le Prestige avait ainsi été reconnu
d’un comportement fautif lors de la survenance de la marée noire en 2002. Ces deux

210
CEDH, Gr. Ch., 10 mai 2001, Chypre c. Turquie, § 81.
211
F. SUDRE et al., op. cit., pp. 37-38.
212
D. GARCIA SAN JOSÉ, op. cit., p. 13.
213
F. SUDRE, « Les “obligations positives” dans la jurisprudence européenne des droits de l’Homme », RTDH,
1995, pp. 373-374.

55
exemples, bien que ne mettant pas en œuvre l’effet « horizontal », témoignent des graves
atteintes que certains particuliers peuvent faire peser sur l’environnement. Il nous semble
envisageable que la CEDH, reprenant les termes utilisés dans l’arrêt Mangouras, attende une
plus grande « fermeté » de la part des États dans la lutte contre les atteintes à l’environnement
causées par les particuliers.

Cette attente nous pousse ainsi à considérer la possible mise en œuvre d’obligations
environnementales à l’encontre des particuliers par les États sous l’impulsion de l’effet
« horizontal » de la conv. EDH.

2. L’émergence d’obligations environnementales à l’encontre des particuliers par le biais


de l’effet « horizontal » de la conv. EDH

L’intérêt de l’effet « horizontal » de la conv. EDH pour la protection de


l’environnement semble donc relativement évident en tant que ce mécanisme contraint ainsi
les États à prendre des mesures afin de faire cesser toute violation privée des droits. Comme
évoqué plus haut, la seconde hypothèse permettant d’imputer une violation privée à un État
est celle résultant de son action directe ou du fait que « […] le droit interne a légitimé ou
favorisé la violation en cause. »214.

Par la faculté coercitive de la jurisprudence de la CEDH, l’effet « horizontal » de la


convention pourrait ainsi pousser un État à modifier sa législation notamment vers un contrôle
plus sévère des atteintes commises sur l’environnement par les particuliers. Le risque de se
voir condamné pour des violations commises par des particuliers pousserait l’État à
réglementer ce type de comportement. La mise en œuvre d’une telle réglementation s’entend
d’autant plus qu’au regard de certaines jurisprudences comme Hamer c. Belgique, la CEDH
semble pousser les États à faire primer la protection de l’environnement en tant que valeur
d’intérêt général sur les intérêts personnels215. Cette valeur d’intérêt général pousserait les
États à instaurer des obligations environnementales se définissant comme « l’ensemble des
devoirs destinés à intégrer la donnée environnementale soit dans une finalité de gestion du
risque environnemental dans l’intérêt des parties ou du marché, soit dans une finalité de

214
F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’Homme, PUF, coll. Droit fondamental, 11ème
édition, 2012, p. 268.
215
CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, préc., § 79.

56
protection de l’environnement dans l’intérêt collectif. »216. Cette fin d’intérêt général attaché à
la protection de l’environnement permettrait donc de légitimer la mise en place d’obligations
environnementales. Elles contribueraient ainsi, dans un effort commun, à la réalisation de ce
dernier.

De plus, pour Jean-Pierre Marguénaud, les devoirs environnementaux issus de l’effet


« horizontal » de la conv. EDH imposeraient aussi « […] le devoir de respect les droits de
l’Homme des autres individus »217 et ce faisant le droit à un environnement sain. En somme,
pour cet auteur, au-delà du lien entre obligation environnementale et effet « horizontal »,
l’émergence d’un devoir environnemental va nécessairement de pair avec la reconnaissance
du droit à un environnement sain puisque la jouissance de l’un est liée à l’exécution de l’autre.
Ainsi, pour Jehan De Malafosse, « le devoir de chacun est le seul moyen d’assurer l’existence
d’un droit général des autres et des droits spécifiques de chacun à la nature. »218.

L’intérêt des obligations environnementales apparaît aussi vis-à-vis des entreprises


qui, comme indiqué plus haut, sont souvent parmi les plus gros pollueurs. Partant, l’hypothèse
d’une mise en œuvre d’une obligation environnementale pourrait se trouver dans le cas d’une
délivrance d’agrément par l’État à une société dont l’activité aurait des répercussions sur
l’environnement et sur la santé des habitants219. L’État pourrait ainsi courir le risque de voir
sa responsabilité engagée devant la CEDH du fait d’une violation d’un droit causée par une
personne privée. Cette hypothèse semble rendue plausible au regard de l’arrêt Lopez Ostra.
En effet, dans cette affaire, la responsabilité de l’Espagne a été retenue par son inaction dans
la lutte contre les nuisances causées par la station d’épuration. La Cour relève notamment le
fait que l’État a octroyé une subvention pour la construction de la station d’épuration 220. Ce
faisant, la CEDH semble noter l’existence d’une part de responsabilité de l’État dans les
désagréments causés par la station d’épuration. Le risque contentieux pousserait l’État à
imposer certaines obligations environnementales lors de la délivrance de l’agrément. Une telle

216
M. BOUTONNET et L. NEYRET, « La consécration du concept d’obligation environnementale », D., 2014,
p. 1335.
217
J.-P. MARGUÉNAUD, « Les devoirs de l’Homme dans la Charte constitutionnelle de l’environnement », in
Confluences, mélanges en l’honneur de Jacqueline MORAND-DEVILLER, Montchrestien, 2007, p. 884.
218
J. DE MALAFOSSE, op. cit., p. 513.
219
P. ABADIE, Entreprise responsable et environnement : recherche d’une systématisation en droits français et
américain, Paris 1, Bruylant, 2013, p. 304.
220
CEDH, 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne, préc., § 52.

57
hypothèse est ainsi à rapprocher de l’obligation de remise en état existant en matière de police
des installations classées221.

La doctrine des obligations positives participe de la volonté de la CEDH de garantir la


plus grande effectivité possible aux droits prévus à la convention. La protection de
l’environnement, en sa partie droit à un environnement sain, est donc directement touchée par
cette doctrine qui étend sans cesse son champ d’application. La protection de l’environnement
en tant qu’intérêt général bénéficie de cette amélioration du droit à un environnement sain et
s’affirme en tant que valeur dans le contrôle de la CEDH pour la mise en œuvre d’obligations
positives à la charge des États. Toutefois, dans le cadre de la protection de l’environnement,
l’application de la doctrine des obligations positives connaît quelques originalités que ce soit
par l’effet des normes internationales ou alors par l’émergence d’obligations
environnementales par le biais de l’effet « horizontal » de la conv. EDH.

La doctrine des obligations positives apparaît comme particulièrement efficace en


matière de contrôle « direct » des actions étatiques en matière de protection de
l’environnement. Ce contrôle subit toutefois quelques infléchissements par la reconnaissance
par la CEDH de la marge nationale d’appréciation des États.

§2 Le contrôle détourné de l’action des États par la marge nationale d’appréciation

La marge nationale d’appréciation est la traduction jurisprudentielle du principe de


subsidiarité appliqué par la CEDH vis-à-vis des États. Cette théorie, consacrée par l’arrêt
Handyside, reconnaît un pouvoir discrétionnaire aux États dans la protection des droits prévus
à la convention222. La reconnaissance de cette marge d’appréciation s’effectue toutefois sous
le contrôle de la CEDH223. Les principes liés à la mise en œuvre de cette théorie ont été
entérinés par l’élaboration du protocole additionnel n° 15224, en cours de ratification, qui les
inscrit au préambule de la conv. EDH.

221
Code de l’environnement, Dalloz, 17ème édition, 2014, Article L. 512-6-1.
222
F. SUDRE, op. cit., p. 231.
223
« La marge nationale d’appréciation va donc de pair avec un contrôle européen. », CEDH, 7 décembre 1976,
Handyside c. Royaume-Uni, § 49.
224
Protocole n° 15 portant amendement à la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés
fondamentales du 24 juin 2013, Article 1 : « […] Affirmant qu’il incombe au premier chef aux Hautes Parties
contractantes, conformément au principe de subsidiarité, de garantir le respect des droits et libertés définis dans
la présente Convention et ses protocoles, et que, ce faisant, elles jouissent d’une marge d’appréciation sous le
contrôle de la Cour européenne des Droits de l’Homme instituée par la présente Convention. ».

58
Comme toute matière soumise au contentieux de la CEDH, la théorie de la marge
nationale d’appréciation trouve à s’appliquer dans le cadre de la protection de
l’environnement. À l’exception de certains cas, les États se voient généralement reconnaître
une marge d’appréciation assez large dans la mise en œuvre de la protection de
l’environnement (A). Toutefois, il est intéressant de souligner qu’au regard de certaines
spécificités environnementales, cette liberté affichée se voit opposer certaines limites (B).

A- La reconnaissance affichée de la compétence étatique en matière de protection de


l’environnement

La reconnaissance par la CEDH d’une marge nationale d’appréciation étendue en matière


environnementale conduit à une explication des motifs pouvant généralement entraîner un tel
choix (1) avant de s’attarder plus spécifiquement sur le cas de la protection de
l’environnement (2).

1. Le choix d’une extension de la marge nationale d’appréciation

Rolv Ryssdal définissait ainsi cette notion, « […] le domaine discrétionnaire laissé aux
sociétés démocratiques pour décider de ce qui est nécessaire. »225. Cette définition permet de
saisir d’emblée dans quel terrain se situe la théorie de la marge nationale d’appréciation : celui
d’une liberté laissée aux États dans la mise en œuvre des mesures garantissant l’exercice des
droits prévus à la convention. Il s’agit avant tout, pour la CEDH, de rappeler que « […] la
Convention est un instrument non d’uniformisation mais d’harmonisation des droits internes
[…] »226 et qu’elle est bien « […] sensible à la diversité européenne […]. »227.

À la lumière des critiques formulées à l’encontre de la CEDH et évoquées dans le premier


chapitre, la création d’un tel mécanisme semble parfaitement logique afin d’assurer une
coopération efficace entre la CEDH et les États contractants dans le domaine de la protection
des droits fondamentaux. Cette théorie s’applique aux différents contrôles de la CEDH déjà
évoqués comme le contrôle de l’ingérence de l’État dans l’exercice d’un droit mais aussi le
225
R. RYSSDAL, président de la Cour européenne des droits de l’Homme, allocution prononcée à la Xème
Conférence des Cours constitutionnelles européennes tenue à Budapest du 6 au 10 mai 1996 (Doc. Cour (96)
364, pp. 2-3), cité par J. CALLEWAERT, « Quel avenir pour la marge d’appréciation ? », in Protection des
droits de l’Homme : la perspective européenne, mélanges en la mémoire de Rolv RYSSDAL, Carl Heymanns
Verlag KG, 2000, p. 149.
226
F. SUDRE et al., op. cit., p. 76.
227
Ibid., p. 77.

59
contrôle des obligations positives. Dans le cas d’un contrôle de l’ingérence étatique, la Cour
se livre à un contrôle de proportionnalité pour déterminer l’étendue de la marge
d’appréciation reconnue en l’espèce. Comme l’explique Frédéric Sudre228, ce contrôle dépend
de 3 critères principaux, « la nature du droit en cause ou des activités en jeu », « le but de
l’ingérence » et « la présence ou absence d’un dénominateur commun aux systèmes
juridiques des États »229.

Partant, une marge nationale d’appréciation étendue signale donc la volonté de la CEDH
de reconnaître la compétence de l’État en la matière du litige. Cela se retrouve par exemple
pour des situations que la Cour juge complexes ou délicates tels qu’une politique
d’urbanisation ou la survenance d’un danger public justifiant la mise en œuvre de mesures
dérogatoires prévues à l’article 15 de la conv. EDH230.

Les États se voient aussi reconnaître une marge d’appréciation étendue dans l’appréciation
de l’intérêt général ainsi que de ses « produits dérivés »231, tels que l’utilité publique en
matière d’expropriation232 ou les composantes de l’ordre public233. Selon Denys Simon, cela
se justifie par le fait que les autorités nationales sont sans doute les plus à même de saisir
« […] l’intensité des exigences d’intérêt général et les données économiques, sociales,
politiques qui justifient l’intervention de la puissance publique. »234.

Dans le cadre d’une politique de protection de l’environnement conçue en tant qu’intérêt


général, la CEDH reconnaît donc une marge d’appréciation plus étendue aux États,
néanmoins l’application de celle-ci demeure assez particulière.

228
F. SUDRE, op. cit., pp. 235-238.
229
CEDH, 28 novembre 1984, Rasmussen c. Danemark, § 40.
230
CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni, préc., § 207 ; A.-D. OLINGA et C. PICHERAL, « La
théorie de la marge d’appréciation dans la jurisprudence récente de la cour européenne des droits de l’Homme »,
RTDH, 1995, p. 578.
231
D. SIMON, op. cit., p. 48.
232
CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume-Uni, § 46.
233
CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, préc., § 48.
234
D. SIMON, op. cit., p. 53.

60
2. L’application particulière de la théorie de la marge nationale d’appréciation en matière
de protection de l’environnement

La protection de l’environnement fait donc partie des domaines, pour lesquels la CEDH
laisse une marge d’appréciation étendue aux États, notamment dans le cas d’ingérences
étatiques dans les droits prévus à la conv. EDH. Bien que cette théorie ne fasse pas l’objet
d’une application uniforme, il apparaît que la jurisprudence en la matière soit relativement
constante et soit rappelée régulièrement dès l’examen de la recevabilité d’une requête235. De
manière relativement claire, la Cour affirme ainsi que les domaines « […] tels que celui de
l’urbanisme ou de l’environnement, […] constituent par excellence des domaines
d’intervention de l’État […] »236.

Comme évoqué plus haut, le choix d’une telle marge d’appréciation se comprend
totalement au regard de la politique judiciaire menée par la CEDH. Par habitude, la Cour
préfère, en effet, ne pas opérer un contrôle trop poussé sur les politiques d’aménagement et
d’environnement menées par les États tant que ceux-ci n’interfèrent pas de manière trop
importante dans un droit « intime » protégé par la convention237. Ce retrait est souvent justifié
par la Cour, par les facilités qu’ont les États pour comprendre les enjeux existant au niveau
local, notamment grâce à la visite des lieux, la collecte des arguments des parties et les
interrogations de témoins, par exemple238. La Cour considère ainsi qu’elle « […] n’a pas
qualité pour substituer son propre point de vue sur ce que pourrait être la meilleure politique
en matière d’aménagement foncier ou les mesures individuelles les plus adéquates dans les
affaires ayant trait à ce domaine. »239.

Cette position s’inscrit en droite ligne de celle adoptée à l’origine dans l’affaire
Handyside notamment dans la mesure où les États sont sans doute mieux placés que la Cour
pour considérer ce qui relève de l’intérêt général ou non. Toutefois, il est intéressant de
relever que si la Cour s’accorde souvent avec les États sur leur conception de la protection de
l’environnement en tant qu’intérêt général, elle semble conserver un certain contrôle sur cette

235
CEDH, 23 septembre 2004, Kapsalis et Nima-Kapsali c. Grèce (recevabilité) ; CEDH, 17 janvier 2006,
Luginbühl c. Suisse (recevabilité).
236
CEDH, 23 septembre 2004, Kapsalis et Nima-Kapsali c. Grèce (recevabilité), préc., § 3.
237
CEDH, Gr. Ch., 8 juillet 2003, Hatton et autres c. Royaume-Uni, préc., § 103.
238
CEDH, 18 janvier 2001, Chapman c. Royaume-Uni, préc., § 92.
239
CEDH, 25 septembre 1996, Buckley c. Royaume-Uni, préc., § 75 ; J. DUFFAR, « Environnement et
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme : quelques considérations pratiques », in
Confluences, mélanges en l’honneur de Jacqueline MORAND-DEVILLER, Montchrestien, 2007, p. 800.

61
qualification. L’arrêt Hamer en est ainsi une parfaite illustration. Dans cet arrêt, la Cour
reconnaît là encore l’existence d’une marge d’appréciation étendue en matière de protection
de l’environnement240, mais elle semble aussi venir conforter la conception étatique de
l’intérêt général. La Cour établit ainsi que « des impératifs économiques et même certains
droits fondamentaux, comme le droit de propriété, ne devraient pas se voir accorder la
primauté face à des considérations relatives à la protection de l’environnement, en particulier
lorsque l’État a légiféré en la matière. »241.

Cette formule est très intéressante puisque la Cour va bien dans le sens de l’État mais
pousse son argumentation encore plus loin que celui-ci, donnant ainsi le sentiment qu’elle
formule certaines recommandations à l’État sur la valeur de la protection de l’environnement
en tant qu’intérêt général dans l’ordre interne, alors que celui-ci y est censé jouir d’une
certaine liberté. La CEDH opère une légère immixtion dans les politiques environnementales
nationales puisqu’elle effectue, par ce biais, un certain encadrement de l’intérêt général
national attaché à la protection de l’environnement242 en affirmant de manière répétée la place
prééminente occupée par un tel intérêt général243.

Ainsi, en dépit du choix initial d’une marge d’appréciation plus étendue, la CEDH
semble-t-elle opérer un contrôle indirect sur les politiques de protection de l’environnement.
Nonobstant que la Cour maintienne un contrôle des ingérences indifféremment de l’étendue
de la marge nationale d’appréciation, celle-ci maintient une vérification du bien-fondé de
l’intérêt général de manière régulière, réduisant ainsi la liberté laissée initialement à l’État. Un
tel constat nous amène à remettre en cause l’affirmation affichée de la Cour d’une liberté
étatique dans la mise en œuvre des politiques d’environnement. Cette liberté est d’autant plus
remise en cause à l’occasion du contrôle de l’ingérence dans les droits environnementaux
pouvant donner lieu à un examen des politiques de protection de l’environnement de manière
indirecte.

240
CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, préc., § 78.
241
Ibid., § 79.
242
D. SIMON, op. cit., p. 53.
243
CEDH, 27 avril 2004, Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne, préc., § 70 ; CEDH, 28 juillet 2005,
Alatulkkila et autres c. Finlande, § 67 ; CEDH, 29 mars 2010, Brosset-Triboulet et autres c. France, § 87 ;
CEDH, 29 mars 2010, Depalle c. France, préc., § 84.

62
B- L’encadrement de la compétence étatique en matière de protection de
l’environnement par la CEDH

Malgré une volonté affichée d’accorder une marge d’appréciation étendue en matière de
protection de l’environnement, la CEDH opère un contrôle parfois approfondi de manière
indirecte sur la politique étatique en la matière. Par le biais de sa jurisprudence en matière de
droits environnementaux, la Cour tend à intervenir dans la mise en œuvre de certaines
politiques environnementales (1). Elle rappelle ainsi la connexité existante entre les droits
environnementaux et l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement qui révèle
une certaine inadaptation de la théorie de la marge d’appréciation en matière de protection de
l’environnement (2).

1. Le contrôle indirect de la politique environnementale des États par le biais des droits
environnementaux

Parmi les critères pris en compte pour retenir ou non l’extension de la marge nationale
d’appréciation, se trouve notamment « la nature du droit en cause »244. Le droit prévu à la
convention, au cœur du litige porté devant la CEDH impacte grandement l’étendue de la
marge nationale d’appréciation. Ainsi, dans le cas des droits environnementaux, comme
l’explique Daniel Garcia San José, « selon la jurisprudence environnementale de la Cour, dès
qu’un aspect intime des droits de l’individu est en jeu (par exemple l’intimité dans le cadre de
la vie privée), les raisons doivent être particulièrement convaincantes et une marge
d’appréciation plutôt étroite est concédée aux États contractants. »245. En revanche, des droits
« exclusivement civils » donnent lieu à une marge d’appréciation plus grande246. Cette
différence, qui n’est pas propre pour autant aux droits environnementaux247, s’explique par le
caractère objectif des droits tels que le droit à la vie privée ou le droit à la vie qui doivent être
protégés indifféremment des circonstances locales. Pour Jean Duffar, cette différence de
marge d’appréciation peut aussi être comprise sous l’angle de l’éthique dans le cas du droit à

244
F. SUDRE, op. cit., p. 235.
245
D. GARCIA SAN JOSÉ, op. cit., p. 51.
246
CEDH, 29 mars 2010, Depalle c. France, préc., § 84.
247
« […] il ne serait pas indiqué que la Cour adopte en la matière une démarche particulière tenant à un statut
spécial qui serait accordé aux droits environnementaux de l’Homme. » ; CEDH, Gr. Ch., 8 juillet 2003, Hatton
et autres c. Royaume-Uni, préc., § 122.

63
la vie. « […] Les autorités ne peuvent légitimement invoquer leur marge d’appréciation
[…] »248 face à la mort de plusieurs personnes249.

La jurisprudence concernant les droits environnementaux peut donc comprendre une


marge nationale d’appréciation plus ou moins étendue. En prenant en compte cet élément et
en ayant à l’esprit les développements précédents sur la réalisation de la protection de
l’environnement à travers les droits fondamentaux, il est intéressant de souligner que la
CEDH peut ainsi opérer un contrôle indirect sur la politique environnementale des États.
Comme nous l’avons abordé plus haut, les obligations positives en matière de droits
environnementaux sont extrêmement variées. Celles-ci se déclinent en plusieurs devoirs à la
charge de l’État qui se voit ainsi incité à faire évoluer sa législation. Par les arrêts Boudaïeva
et Tătar, la Cour a dégagé l’obligation de mettre en œuvre un « […] cadre législatif et
administratif visant à une prévention efficace des dommages à l’environnement et à la santé
humaine. »250.

Ce cadre normatif, dont les limites ne sont pas précisées, peut conduire la Cour à
s’immiscer dans le choix de certaines politiques environnementales qui peuvent avoir trait à
des activités pouvant causer des dommages à l’environnement et à la santé humaine. Cet
examen s’avère logique par rapport à l’ingérence dans un droit « intime » prévu à la
convention, potentiellement induite par la politique environnementale251. Toutefois, par la
connexité existante entre l’intérêt général et les droits de l’Homme en matière
d’environnement, la CEDH peut ainsi être amenée à examiner certaines politiques
environnementales menées par l’État bénéficiant habituellement d’une marge d’appréciation
étendue.

De même, l’obligation positive d’instaurer un tel cadre normatif à propos de l’article 2 de


la conv. EDH conduit la CEDH à opérer un contrôle encore plus renforcé des politiques
environnementales par les États. Dans le cas de l’affaire Öneryildiz de 2004, la Cour procède
d’une formule encore plus générale puisque ce cadre doit mettre en place « […] une

248
CEDH, Gr. Ch., 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, préc., § 128.
249
J. DUFFAR, op. cit., p. 799.
250
CEDH, 20 mars 2008, Boudaïeva et autres c. Russie, préc., § 129-132 ; CEDH, 27 janvier 2009, Tătar c.
Roumanie, préc., § 88.
251
CEDH, Gr. Ch., 8 juillet 2003, Hatton et autres c. Royaume-Uni, préc., § 103.

64
prévention efficace et dissuadant de mettre en péril le droit à la vie. »252. Cette prévention
s’opère ainsi dans le cadre des activités dangereuses. La Cour détaille les différents moyens à
mettre en œuvre par l’État qui doit « […] régir l’autorisation, la mise en place, l’exploitation,
la sécurité et le contrôle afférents à l’activité ainsi qu’imposer à toute personne concernée
par celle-ci l’adoption de mesures d’ordre pratique propres à assurer la protection effective
des citoyens dont la vie risque d’être exposée aux dangers inhérents au domaine en
cause. »253.

La CEDH dégage un certain nombre de pratiques devant être suivies par la Turquie qui
vont impacter d’autres politiques pouvant être menées en matière de protection de
l’environnement. Par exemple, il paraît logique, au vu des circonstances de cette affaire, que
la Turquie doive modifier sa politique en matière de gestion des bidonvilles et de stockage des
déchets, indépendamment du fait qu’elle soit mieux placée que la CEDH pour apprécier les
circonstances locales. En effet, les enjeux environnementaux et sanitaires conduisent une
nouvelle fois la Cour à examiner de manière indirecte, certaines problématiques relevant
normalement d’une marge d’appréciation étendue de l’État.

La CEDH parvient donc à opérer un contrôle renforcé dans des matières laissées
habituellement à la discrétion, à travers le contrôle des ingérences dans les droits
environnementaux. Un tel constat rappelle la connexité existante entre les droits
environnementaux et l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement puisque les
mesures prises dans le cadre de l’un, impactent l’autre. Cette connexité présente dans la
matière environnementale rend ainsi difficile une mise en œuvre cohérente de la marge
nationale d’appréciation révélant une certaine inadaptation de celle-ci aux spécificités
environnementales.

252
CEDH, Gr. Ch., 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, préc., § 89.
253
Ibid., § 90 ; CEDH, 30 mars 2010, Băcilă c. Roumanie, § 61 ; A. GOURITIN, « La jurisprudence de la cour
européenne des droits de l’Homme sur les obligations positives en matière environnementale peut-elle
s’appliquer aux changements climatiques ? », in C. COURNIL et C. COLARD-FABREGOULE (dir.),
Changements climatiques et défis du droit, Bruylant Bruxelles, 2010, p. 264.

65
2. L’inadaptation de la théorie de la marge nationale d’appréciation à la protection de
l’environnement

Au regard du contrôle indirect effectué par la CEDH en matière de protection de


l’environnement, la théorie de la marge nationale d’appréciation semble assez inadaptée aux
thématiques environnementales. La volonté de la Cour d’attribuer une marge d’appréciation
étendue aux États va ainsi difficilement de pair avec l’évolution récente de sa jurisprudence
environnementale qui tend de plus en plus à imposer des mesures pratiques aux États.

Comme évoqué plus haut, le fondement originel de la marge nationale d’appréciation


réside dans la volonté de la Cour de ménager les États sur certains litiges ayant trait à des
compétences purement étatiques. En ce sens, l’exercice de la marge d’appréciation apparaît
évident dans des matières pour lesquelles, la conv. EDH prévoit expressément la compétence
de l’État comme en cas de guerre ou de danger public254 ou pour la mise en œuvre de la
politique fiscale255.

Selon Michele De Salvia, en dehors de ces cas limités, dans de nombreuses hypothèses «
[…] la référence à la “marge d’appréciation” s’analyse en fait, comme un rappel de
caractère routinier, voire comme une simple clause de style, et où le raisonnement suivi en
amont suffit largement à justifier la solution adoptée. »256. Cette critique s’applique
parfaitement à la protection de l’environnement où la référence à la théorie de la marge
d’appréciation paraît superficielle au regard du degré de contrôle de la CEDH257.

La remise en cause de la théorie de la marge d’appréciation en matière de protection de


l’environnement apparaît aussi au regard des critères d’attribution de celle-ci. En effet, elle
dépend aussi en partie de l’existence d’un « dénominateur commun » aux différents États
membres258. L’absence ou non de cette variable fonde ainsi le caractère objectif du contrôle
effectué par la CEDH qui statuerait sur une valeur commune à tous. Bien que les politiques
nationales de protection de l’environnement puissent faire l’objet d’une application

254
Conv. EDH, Article 15.
255
Conv. EDH, Protocole additionnel n° 1, Article 1 al. 2.
256
M. DE SALVIA, « Contrôle européen et principe de subsidiarité - Faut-il encore (et toujours) émarger à la
marge d’appréciation ? » in Protection des droits de l’Homme : la perspective européenne, mélanges en la
mémoire de Rolv RYSSDAL, Carl Heymanns Verlag KG, 2000, p. 384.
257
CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, préc., § 78-79.
258
CEDH, 28 novembre 1984, Rasmussen c. Danemark, préc., § 40 ; F. SUDRE, op. cit., pp. 237-238.

66
différenciée dans des États « […] aussi dissemblables que Saint-Marin et la Russie »259, la
CEDH semble avoir déjà fait de la protection de l’environnement, un dénominateur commun
aux États membres.

Ce constat peut être dressé au regard des obligations positives imposées aux États
membres sur la base de traités internationaux. Par l’imposition de tels mécanismes, la Cour
estime que la protection de l’environnement doit faire l’objet d’une application uniforme
indépendamment des spécificités nationales et de l’adhésion ou non à la norme
internationale260. La protection de l’environnement revêt donc une valeur « universelle » et à
ce titre, la présence d’un « dénominateur commun » pour fonder la marge nationale
d’appréciation ne semble pas nécessaire.

Pour reprendre le souhait de Johann Callewaert et l’appliquer à la protection de


l’environnement, il nous semble ainsi nécessaire de réfléchir en amont des litiges à
l’attribution d’une marge d’appréciation, afin de déterminer les compétences de chacun261.
« Cela permettra d’assurer qu’à l’avenir, la marge d’appréciation n’empiète pas sur le
domaine qui est du seul ressort de la Cour : celui des standards communs. C’est que
méthodologiquement, ceux-ci précèdent la marge d’appréciation, et non l’inverse, car en
toute logique, l’attribution d’une marge d’appréciation suppose qu’on ait préalablement
distingué ce qui est national de ce qui est conventionnel. »262.

L’hypothèse de cette réflexion en amont des litiges ainsi que l’affirmation de la protection
de l’environnement comme dénominateur commun aux États invitent à prendre du recul sur
l’ensemble de la jurisprudence environnementale pour appréhender l’objectif d’ensemble
poursuivi par la CEDH. En effet, par l’action de sa jurisprudence, la Cour a poussé les États à
prendre des mesures traduisant une prise en compte de plus en plus importante des
thématiques environnementales. Le contrôle opéré par les juges de Strasbourg sur les actions
étatiques relève d’une véritable démarche sensibilisatrice aux problématiques
environnementales avec deux conséquences notables à relever. D’un côté, une conséquence
jurisprudentielle avec l’émergence d’un ordre public européen écologique et de l’autre côté,

259
D. SAN GARCIA JOSÉ, op. cit., p. 52.
260
CEDH, 10 novembre 2004, Taşkin et autres c. Turquie, préc., § 99 ; CEDH, 12 novembre 2008, Demir et
Baykara c. Turquie, préc., § 83.
261
J. CALLEWAERT, op. cit., p. 165.
262
Ibid.

67
une conséquence plus politique, avec les réflexions autour de l’élaboration d’un protocole sur
l’environnement.

68
Section 2 : Le contrôle des actions étatiques à travers la démarche
sensibilisatrice de la jurisprudence environnementale de la CEDH

Depuis les années 90, la jurisprudence de la CEDH est marquée par une prise en
compte de plus en plus importante de la problématique environnementale. Cette prise en
compte s’inscrit dans un mouvement général qui tend à placer la protection de
l’environnement parmi les valeurs défendues par la Cour, malgré son absence originelle au
sein de la conv. EDH. Outre une volonté accrue de conférer une certaine effectivité aux
thématiques environnementales, la CEDH tend, dans le même mouvement, à sensibiliser de
plus en plus les États à ces différentes thématiques.

Cette sensibilisation se développe avec l’essor d’une notion extrêmement proche de


l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement, l’ordre public263 qualifié ici
d’ordre public européen écologique par son champ d’application. Par ses références
jurisprudentielles à l’ordre public européen, la CEDH a induit l’existence d’un corps de règles
juridiques déjà existantes dont elle n’était pas créatrice mais simple dépositaire. Ce corps
permet ainsi à la Cour de se réclamer d’un ordre partagé par l’ensemble des États contractants
au centre duquel se retrouvent les thématiques environnementales (§1).

Toutefois, la CEDH semble être consciente des limites de sa jurisprudence en matière


de protection de l’environnement. Comme elle a pu le rappeler à plusieurs reprises 264, la conv.
EDH ne contient pas de références expresses à la protection de l’environnement ou au droit à
un environnement sain. La conscience de cette faille associée à la jurisprudence
environnementale grandissante nous pousse à nous interroger sur la volonté de la Cour de voir
émerger un protocole additionnel à la convention sur l’environnement. En effet, l’élaboration
d’un tel protocole contribue parfaitement à cette volonté sensibilisatrice de la Cour en
conférant une base textuelle à un ensemble jurisprudentiel déjà bien fourni (§2).

263
F. SUDRE, « Existe-t-il un ordre public européen ? », in P. TAVERNIER (dir.), Quelle Europe pour les
droits de l’Homme ? : La cour de Strasbourg et la réalisation d’une union plus étroite, Bruylant Bruxelles, coll.
Organisation internationale et relations internationales, 1996, p. 43 ; N. BELAÏDI, La lutte contre les atteintes
globales à l’environnement : vers un ordre public écologique ?, Dijon, Bruylant Bruxelles, 2004, p. 58 ; A.
KISS, « L’ordre public écologique », in M. BOUTELET et J.-C. FRITZ (dir.), op. cit., p. 158 ; S. LETURCQ,
op. cit., p. 92 ; D. SIMON, op. cit., p. 48.
264
CEDH, 22 mai 2003, Kyrtatos c. Grèce, préc., § 52 ; CEDH, 8 juillet 2003, Gr. Ch., Hatton et autres c.
Royaume-Uni, préc., § 122.

69
§1 L’action sensibilisatrice de la jurisprudence environnementale de la CEDH par
la notion d’ordre public européen écologique

L’émergence d’un ordre public européen écologique apparaît comme l’une des
conséquences de l’importance prise progressivement par la jurisprudence environnementale
de la CEDH. En effet, à travers ses diverses décisions et par le biais des outils à sa disposition
(A), la Cour a esquissé la mise en œuvre d’un ordre public européen écologique (B).

A- L’émergence progressive d’un ordre public européen écologique dans la


jurisprudence de la CEDH

L’émergence progressive de cet ordre public résulte ainsi de deux facteurs combinés.
D’une part, la sensibilisation progressive de la CEDH aux thématiques environnementales (1)
et d’autre part, l’utilisation de ses mécanismes propres en matière de protection de
l’environnement (2).

1. L’émergence d’un ordre public européen écologique à travers la sensibilisation


progressive de la CEDH à l’environnement

La notion d’ordre public européen a été consacrée par l’arrêt Loizidou qui fait de la
convention « [l’] instrument constitutionnel de l’ordre public européen. »265. La référence à
cette notion permet à la CEDH d’entériner la « nature particulière »266 de la conv. EDH et
marque « […] la volonté progressiste du juge européen : il s’agit d’assurer non seulement la
sauvegarde mais aussi le développement des droits de l’Homme. »267. En somme, le recours à
l’ordre public européen s’inscrit dans l’optique de développer le champ d’application de la
conv. EDH afin de maintenir l’effectivité de la protection des droits de l’Homme face aux
évolutions potentielles de la société268.

La protection de l’environnement figure ainsi parmi les évolutions sociétales


appréhendées par la CEDH au fil de sa jurisprudence. En effet, comme évoqué dans le
premier chapitre, faute de références textuelles à la protection de l’environnement, la Cour

265
CEDH, Gr. Ch., 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires), préc., § 75.
266
Ibid., § 93.
267
F. SUDRE et al., op. cit., p. 12.
268
« La Cour rappelle en outre que la Convention est un instrument vivant à interpréter […] à la lumière des
conditions de vie actuelles », CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c. Royaume-Uni, § 31.

70
s’est appuyée sur la sensibilisation progressive de la société aux problématiques
environnementales269. La place prise par la protection de l’environnement au sein de la sphère
publique permet à la Cour de légitimer certaines de ses décisions validant les ingérences
étatiques dans l’exercice des droits prévus à la convention270.

L’importance ainsi acquise par la protection de l’environnement aux yeux de la CEDH a


permis de fonder la reconnaissance de cette mission en tant qu’élément d’intérêt général271.
Ces différents éléments, croisés avec la notion d’ordre public européen, permettent
d’esquisser un corps de règles juridiques à rapprocher de l’ordre public européen écologique.
En effet, la Cour, en prenant en compte les différentes aspirations de la société, dégage
l’existence de principes s’imposant à elles et à la lumière desquels elle doit régler les
différents litiges272. Ces principes forment un ensemble de valeurs communes aux États
membres et à la CEDH parmi lesquels se trouvent surtout « la société démocratique […]
valeur centrale de l’ordre public européen »273. Or, au regard de la jurisprudence de la Cour,
il apparaît que la protection de l’environnement en tant qu’intérêt général soit une ingérence
« nécessaire dans une société démocratique »274 participant ainsi de l’ordre public européen.

Toutefois, comme évoqué à plusieurs reprises à propos des obligations positives


notamment, la protection de l’environnement renvoie à des cas assez spécifiques conduisant la
Cour à dégager des règles propres à la matière. À notre sens, l’ordre public européen
écologique s’entendrait donc comme la déclinaison environnementale de l’ordre public
européen. Parmi les différentes définitions doctrinales de la notion275, celle de Marie-Caroline
Vincent-Legoux, pourtant à propos du droit français, semble bien adaptée à notre sujet
d’étude. Mme Vincent-Legoux établit ainsi que « l’ordre public écologique français peut être
défini comme une composante de la notion d’ordre public en droit interne par laquelle l’État,
pour garantir le droit à un environnement protégé, impose aux acteurs de la vie sociale et
juridique le respect du “patrimoine naturel” érigé en valeur sociale tendant à promouvoir un

269
CEDH, 18 février 1991, Fredin (n° 1) c. Suède, préc., § 48.
270
CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique, préc., § 79 ; CEDH, 28 septembre 2010, Mangouras c.
Espagne, préc., § 86.
271
CEDH, 26 février 2008, Fägerskiöld c. Suède (recevabilité), préc., p. 14.
272
« […] la Cour européenne pose le postulat de l’existence d’un ensemble de règles perçues comme
fondamentales pour la société européenne et s’imposant à ses membres. », F. SUDRE et al., op. cit., p. 10.
273
Ibid., p. 11 ; CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, § 45.
274
Voir notamment conv. EDH, Article 8 § 2 ; CEDH, 26 février 2008, Fägerskiöld c. Suède (recevabilité),
préc., p. 14.
275
A. VAN LANG, « L’ordre public écologique », in C.-A. DUBREUIL (dir.), L’ordre public, Cujas, coll. Actes
et études, 2013, p. 206 ; A. KISS, op. cit., p. 167.

71
bien-être en société et plus largement une harmonie sociale et constitué par les milieux
naturels, la faune, la flore, l’eau, la qualité de l’air, ainsi que, plus précisément, par la
diversité et les équilibres biologiques. »276. Il ressort de cette définition, que nous transposons
au cas de la CEDH, que l’ordre public européen écologique viserait la garantie du droit à un
environnement sain, droit protégé « par ricochet ». La protection de l’environnement en tant
qu’intérêt général participerait donc de cet effort commun.

La notion d’ordre public européen écologique se dessine progressivement par le biais de


certains différents éléments qui tendent à fonder son existence. L’objet de cette notion étant la
création d’un corpus de règles uniforme s’imposant aux différents États membres, il est
intéressant de souligner que les différents mécanismes de contrôle de la CEDH participent
aussi de cette émergence.

2. L’émergence d’un ordre public européen écologique par l’action des mécanismes de
contrôle de la CEDH

Au regard de la définition utilisée pour l’ordre public européen écologique, la fonction


régulatrice de la notion vis-à-vis des actions étatiques apparaît de manière assez claire.
Comme nous l’avons plus l’étudié plus haut, les obligations positives fondent en grande partie
le contrôle de la CEDH. Cet outil, en établissant un contrôle des actions étatiques, procède
ainsi à une harmonisation des différentes pratiques nationales en matière de protection de
l’environnement.

Cette fonction harmonisatrice permettant d’établir un ordre public européen est


particulièrement souligné par Frédéric Sudre à propos des obligations positives lorsqu’il
indique que « la jurisprudence des obligations positives contribue à la fois à une définition
uniforme des engagements des États parties à la Convention et à l’harmonisation des
législations nationales autour du standard commun - la convention telle qu’interprétée par le
juge-. La notion prétorienne d’obligation positive participe ainsi pleinement de la
construction d’un ordre juridique commun. »277.

276
M.-C. VINCENT-LEGOUX, « L’ordre public écologique en droit interne », in M. BOUTELET et J.-C.
FRITZ (dir.), op. cit., p. 104.
277
F. SUDRE, « Les “obligations positives” dans la jurisprudence européenne des droits de l’Homme », RTDH,
1995, p. 384.

72
Cette relation entre la doctrine des obligations positives et l’ordre public européen est
aussi relevée par Nadia Belaïdi qui relève que « […] les obligations positives peuvent ainsi
accréditer l’image d’un ordre public européen qui ne se bornerait pas à préserver un acquis
mais tendrait vers un aménagement social plus harmonieux. »278. Par cette formule, l’auteur
rappelle l’amélioration constamment poursuivie par l’ordre public européen dans laquelle se
retrouve sa déclinaison environnementale.

En effet, les obligations positives, en imposant des mesures aux États, parties ou non au
litige279, permettent de fonder le corps de règles uniforme qui constitue l’ordre public
européen. Afin de garantir le même niveau de protection du droit à un environnement sain, la
CEDH impose ainsi les mêmes exigences à tous, indépendamment de la situation des États.

L’ordre public européen écologique participe de cette logique unique qui veut que le droit
à un environnement sain soit conçu comme un standard minimum respecté partout dans la
communauté des États membres. À ce titre, il est donc intéressant d’étudier les effets rattachés
à la notion d’ordre public européen écologique sur ses destinataires principaux à savoir, les
États membres.

B- La mise en œuvre de l’ordre public européen écologique

La jurisprudence environnementale de la CEDH permet donc de déceler certains indices


liés à l’émergence d’un ordre public écologique spécifique à l’espace conventionnel européen.
À ce titre, il est particulièrement intéressant d’étudier les effets pouvant être recouverts par cet
ordre public (1). Toutefois, il est aussi à noter que des difficultés pourraient être opposées à sa
mise en œuvre, notamment dans le cas de la reconnaissance de certaines particularités
nationales par la CEDH (2).

1. Les effets potentiels recouverts par l’ordre public européen écologique

Par l’affirmation de l’existence d’un ordre public européen, la CEDH a donc cherché à
attribuer une effectivité accrue à la conv. EDH. En effet, au nom de cet ordre public, la Cour
s’avère légitime pour étendre son champ d’application au-delà des limites de la convention.

278
N. BELAÏDI, op. cit., p. 340.
279
CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni, préc., § 154.

73
L’ordre public européen écologique en tant que déclinaison environnementale de la première
notion bénéficie ainsi de ces différents effets recouverts par l’ordre public européen.

L’ordre public européen a pour fonction de renforcer de manière générale la compétence


juridictionnelle de la CEDH. La Cour s’affirme comme étant une juridiction supranationale
devant régler tout différend mettant en jeu les droits de l’Homme et sa saisine en devient
indispensable. Son contrôle dépasse ainsi celui-ci d’une juridiction internationale plus
« classique » puisqu’elle peut faire échec à différentes règles du droit international pouvant
exclure sa compétence juridictionnelle280 comme les réserves étatiques281 ou l’invocation du
principe de réciprocité282.

La notion d’ordre public européen vise aussi à garantir l’exercice efficace du droit de
recours individuel qui ne doit pas se voir entraver par l’État par exemple283. De même, la
référence à cette notion permet aussi à la Cour de refuser la radiation d’une affaire du rôle
« […] si le respect des droits de l’Homme garantis par la Convention et ses Protocoles
l’exige. »284. C’est au titre de l’intérêt général et de l’ordre public européen que la CEDH
décide de la radiation ou non d’une affaire du rôle en particulier lorsque celle-ci est relative à
une question « […] intéressant non seulement l’État partie mais aussi les autres États
membres. »285. Ces différentes fonctions de l’ordre public européen s’appliquent à sa
déclinaison environnementale et permettraient ainsi à la CEDH de refuser la radiation du rôle
d’un litige dans la mesure où l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement le
commanderait.

La mise en œuvre d’un ordre public européen écologique participerait aussi grandement
d’une mission de légitimation de la jurisprudence environnementale de la CEDH. Cette
légitimation peut s’avérer nécessaire dans la mesure où la Cour a procédé à plusieurs reprises
à des décisions extrêmement novatrices s’écartant de la lettre de la conv. EDH et qui ont pu
entraîner certains remous du côté des États membres.

280
F. SUDRE et al., op. cit., p. 13.
281
CEDH, 10 juillet 1978, Chypre c. Turquie (recevabilité), § 10 et 13.
282
CEDH, 29 avril 1988, Belilos c. Suisse, § 59-60 ; F. SUDRE, op. cit., p. 44.
283
CEDH, 23 septembre 1998, Petra c. Roumanie, § 44.
284
Conv. EDH, Article 37, § 1 ; F. SUDRE et al., op. cit., p. 15.
285
Ibid. ; CEDH, 24 juillet 2003, Kärner c. Autriche, préc., § 25-27.

74
Ainsi, nous voyons, dans l’ordre public européen écologique, l’opportunité pour la CEDH
de légitimer la dimension environnementale transversale de la convention286. La Cour de
Strasbourg reconnaît, en effet, un aspect environnemental à certains droits prévus à la conv.
EDH dès lors que leur protection effective le commande. La reconnaissance de la valeur
d’ordre public permettrait à la Cour d’étendre l’aspect environnemental encore peu développé
au sein d’autres droits prévus à la convention287. De plus, la notion d’ordre public européen
écologique participe du mouvement décrit au sein du premier chapitre établissant la
réalisation de l’intérêt général attaché à la protection de l’environnement par le prisme des
droits de l’Homme288.

L’érection d’un ordre public européen écologique bénéficierait donc, en grande partie, des
effets recouverts par l’ordre public européen en tant que tel et contribuerait à une légitimation
de sa jurisprudence environnementale. Toutefois, au-delà de ces différents apports, la mise en
œuvre d’une telle notion ne va pas sans poser certaines difficultés vis-à-vis des principaux
destinataires des décisions de la CEDH, les États membres.

2. Les particularités nationales, obstacles potentiels à l’ordre public européen écologique

L’ordre public européen écologique s’appliquerait aux États membres de manière tacite
dans la mesure où, en adhérant à la conv. EDH, ces derniers en acceptent les principes
fondamentaux et mécanismes de contrôle. Cette acceptation tacite est parfaitement résumée
par Caroline Picheral qui estime que « l’invocation d’un ordre public trouve ainsi sa
justification théorique dans l’idée qu’en adhérant à la conv. EDH, les États parties ont
entendu affirmer leur attachement aux valeurs, comprises comme supérieures et irréductibles,
d’un modèle partagé de société et d’organisation politique, dont la sauvegarde et la
promotion apparaissent à ce point d’intérêt public qu’elles suscitent l’institution d’un organe
juridictionnel international de contrôle. »289.

286
D. GARCIA SAN JOSÉ, op. cit., p. 61.
287
Conv. EDH, Article 3 : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants. » ; CEDH, 14 septembre 2010, Florea c. Roumanie, § 63-65 ; CEDH, 25 janvier 2011, Elefteriadis
c. Roumanie, § 53-55.
288
« Il en résulte que l’ordre public européen, fût-il constitué de libertés, et ces libertés fussent-elles
individuelles, sert toujours un intérêt général. », N. BELAÏDI, op. cit, p. 334.
289
C. PICHERAL, « L’ordre public dans les droits européens », in C.-A. DUBREUIL (dir.), op. cit., p. 107.

75
Toutefois, malgré sa volonté d’imposer un corps de règles uniforme à la communauté des
États membres, la CEDH reconnaît l’existence de certains éléments pouvant faire obstacle à la
mise en place d’un niveau de protection équivalent sur l’ensemble de la juridiction de la Cour.
Comme nous avons pu le développer plus haut, la mise en œuvre de l’ordre public européen
écologique se traduirait donc par un ensemble de règles fondamentales permettant d’assurer le
même niveau de protection d’un droit à un environnement sain notamment par le biais des
obligations positives. Cependant, la Cour, consciente des différences pouvant exister entre les
membres du Conseil de l’Europe, fait le choix à certains égards de différencier les obligations
positives « […] en fonction de la diversité des situations dans les États contractants, et des
choix à faire en termes de priorités et de ressources. »290.

La différenciation des obligations positives apparaît assez logique au regard des


divergences de situations pouvant exister entre les États. Néanmoins, il est particulièrement
intéressant de relever que la CEDH apparaît partagée entre deux exigences. D’un côté, la
volonté d’imposer une protection de même niveau des droits de l’Homme à l’ensemble du
États membres et de l’autre, la prise en compte de la différence de situations existantes la
conduisant à un certain réalisme dans le prononcé de ses décisions. L’arrêt Airey c. Irlande de
1979 traduisait déjà cette double exigence en indiquant que « la Cour n’ignore pas que le
développement des droits économiques et sociaux dépend beaucoup de la situation des États
et notamment de leurs finances. D’un autre côté, la Convention doit se lire à la lumière des
conditions de vie d’aujourd’hui, et à l’intérieur de son champ d’application elle tend à une
protection réelle et concrète de l’individu. »291.

Toutefois, comme nous avons pu l’observer lors des développements sur la marge
nationale d’appréciation, le juge bien que conscient de certaines spécificités nationales, n’a
pas hésité à inciter les États à mettre en œuvre un cadre normatif adéquat permettant une
protection efficace de l’environnement immédiat des citoyens. La Cour, prenant appui sur la
place importante de la protection de l’environnement, pourrait poursuivre dans le même
mouvement jurisprudentiel et passer outre certaines particularités nationales pour établir de
manière ferme l’ordre public européen écologique.

290
CEDH, 16 mars 2000, Özgür Gündem c. Turquie, § 43 ; CEDH, 22 février 2005, Novosseletski c. Ukraine, §
70 ; J. DUFFAR, op. cit., p. 792.
291
CEDH, 9 octobre 1979, Airey c. Irlande, préc., § 26.

76
Il ressort de ces courts développements que l’ordre public européen écologique, à défaut
d’une reconnaissance expresse au sein de la jurisprudence de la CEDH, peut être décelé à
travers différents indices attestant d’une volonté de la Cour d’imposer un corps de règles
uniforme s’imposant à tous les États contractants en matière de droit à un environnement
protégé. Toutefois, la jurisprudence environnementale de la Cour ayant déjà subi plusieurs
coups d’arrêts manifestés notamment par les décisions Hatton et Kyrtatos de 2003, la
construction d’un ordre public européen écologique peut sembler bien précaire. Afin de
consolider cette sensibilisation générale des États contractants aux thématiques
environnementales, l’élaboration d’un protocole additionnel sur l’environnement semble a
priori nécessaire.

§2 Une action sensibilisatrice potentiellement reprise par un protocole additionnel à


la convention européenne sur l’environnement

L’élaboration d’un protocole additionnel à la conv. EDH relatif à la protection de


l’environnement permettrait à la Cour de poursuivre l’effort de sensibilisation à
l’environnement déjà entamé par sa jurisprudence. Dans le cas où ce texte reprendrait les
acquis jurisprudentiels, la mise en place d’un tel protocole apparaît comme une continuité
logique à l’évolution de la Cour en matière d’environnement et procèderait ainsi d’une
certaine codification de ces mêmes acquis292 (A). Toutefois, si l’entrée en vigueur d’un tel
protocole paraît relativement opportune pour la jurisprudence environnementale de la CEDH,
il faut aussi noter des cas de figure où celui-ci pourrait se révéler handicapant pour les acquis
comme pour les potentielles évolutions jurisprudentielles (B).

A- L’apport d’un protocole sur l’environnement pour le développement de la


jurisprudence de la CEDH

L’élaboration d’un protocole additionnel à la conv. EDH relatif à la protection de


l’environnement est une hypothèse appréhendée depuis plus de 40 ans par le Conseil de
l’Europe et par certains auteurs (1). Celui-ci est souvent perçu comme l’opportunité de

292
« On n’improvise pas une codification internationale. […] L’expérience démontre qu’il faut d’abord faire la
juridiction. Alors, la jurisprudence tranche des cas, elle élabore progressivement une jurisprudence. […] Par le
développement de cette jurisprudence, elle fait pénétrer, jour après jour, le droit qu’elle élabore dans la
pratique et la coutume des pays qu’elle gouverne. Puis, longtemps après, une codification peut venir qui fixe et
cristallise les résultats acquis dans l’expérience juridictionnelle. », P.-H. TEITGEN, Aux sources de la Cour et
de la Convention européennes des droits de l’Homme, Confluences, coll. « Voix de la cité », 2000, pp. 22-23.

77
consacrer l’importance des thématiques environnementales déjà reconnue dans la
jurisprudence de la CEDH (2).

1. Les prémices d’un protocole additionnel à la convention européenne sur


l’environnement

La question de l’élaboration d’un protocole additionnel sur l’environnement s’est posée


pour la première fois dans le cadre du Conseil de l’Europe, en 1972. L’assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe avait incité le comité des ministres par une
recommandation à constituer un groupe chargé d’examiner l’opportunité de proclamer un
« droit à un environnement décent »293. Cette question a été posée une nouvelle fois en 1973
par une seconde recommandation de la même assemblée294. L’expérience fut rééditée en
1999295 mais il a fallu attendre 2003 pour qu’une recommandation relative à ce protocole soit
suivie d’effet296.

Toutefois, comme Yves Winisdoerffer et Gérald Dunn l’expliquent à la suite de ce bref


rappel historique, la recommandation de 2003 n’a pas donné lieu pour autant à l’élaboration
d’un protocole additionnel sur l’environnement297. En effet, le comité directeur pour les droits
de l’Homme s’est dit défavorable à cette solution estimant que « la jurisprudence de la Cour
fait apparaître que la Convention offre déjà un certain degré de protection face aux
problèmes touchant à l’environnement [et qu’il] est probable que la jurisprudence de la Cour
continue d’évoluer dans ce domaine »298, opinion qui a été suivie par le comité des ministres.

Ce dernier s’est dit, en revanche, plus favorable à la rédaction d’un manuel ou de lignes
directrice reprenant la jurisprudence de la CEDH en la matière. La rédaction d’un manuel fut
préférée et ce document, paru en 2006, constitue actuellement le premier et seul texte du

293
Recommandation n° 683 du 23 octobre 1972, « relative aux suites à donner aux conclusions de la conférence
parlementaire sur les droits de l’Homme ».
294
Recommandation n° 720 du 28 septembre 1973, « relative aux résultats de la Conférence ministérielle sur
l’environnement ».
295
Recommandation n° 1431 du 4 novembre 1999, « action future du Conseil de l’Europe en matière de
protection de l’environnement ».
296
Recommandation n° 1614 du 27 juin 2003, « environnement et droits de l’Homme ».
297
Y. WINISDOERFFER et G. DUNN, « Le manuel sur les droits de l’Homme et l’environnement : ce que les
États membres du Conseil de l’Europe retiennent de la jurisprudence “environnementaliste” de la Cour
Européenne des Droits de l’Homme », RJE, 2007, n° 4, pp. 468-470.
298
Ibid., p. 469.

78
Conseil de l’Europe relatif aux droits de l’Homme et à l’environnement299. Pour les auteurs de
l’article, bien que ce document ne constitue pas « un pas de géant vers l’inclusion d’un droit
individuel à l’environnement […], il n’est néanmoins pas anodin que cet instrument, rédigé et
avalisé par les États membres, reconnaisse explicitement les implications que la dégradation
de l’environnement peut avoir sur l’exercice des droits fondamentaux. »300.

Au-delà de ces avancées plus ou moins importantes au sein du Conseil de l’Europe pour
l’élaboration d’un protocole additionnel sur l’environnement, la doctrine s’est prononcée à
plusieurs reprises en faveur d’un tel protocole. En effet, pour une grande partie des auteurs,
l’élaboration d’un protocole additionnel représente une étape indispensable pour le
développement de la jurisprudence environnementale, « […] la Cour, à défaut d’un protocole
additionnel spécifique qui lui servirait de boussole, navigue à vue. »301. En effet, un protocole
additionnel sur l’environnement permettant la consécration textuelle des nombreuses avancées
en matière de protection de l’environnement poursuivies par la CEDH, témoigne d’une
véritable attente au sein de la doctrine302.

En somme, l’élaboration d’un protocole additionnel à l’environnement traduit l’attente de


certains acteurs d’une évolution de l’appréhension des thématiques environnementales au sein
du Conseil de l’Europe. Cette attente se retrouve au sein des juges de la CEDH comme le
montrent certaines opinions dissidentes jointes aux arrêts Kyrtatos et Hatton303 de 2003.
Ainsi, le juge italien Vladimiro Zagrebelsky estimait dans l’arrêt Kyrtatos, « [qu’] on ne
saurait prétendre que la dégradation de l’environnement n’a pas corrélativement entraîné
une détérioration de la qualité de vie des requérants […]. »304. Cette opinion traduit bien la
volonté de certains juges de voir évoluer la jurisprudence de la CEDH vers une
reconnaissance encore plus large du droit à un environnement sain, reconnaissance qui
pourrait être apportée par l’élaboration de ce fameux protocole additionnel.

299
http://www.echr.coe.int/LibraryDocs/DH_DEV_Manual_Environnement_Fr.pdf.
300
Y. WINISDOERFFER et G. DUNN, op. cit., p. 471.
301
F. SUDRE et al., op. cit.., p. 510.
302
J.-C. MARTIN, « La contribution de la cour européenne des droits de l’Homme au développement du droit à
l’environnement », in O. LECUCQ et S. MALJEAN-DUBOIS (dir.), Le rôle du juge dans le développement du
droit de l’environnement, Bruylant Bruxelles, coll. À la croisée des droits, 2008, p. 173 ; M. DÉJEANT-PONS, «
L’insertion du droit de l’Homme à l’environnement dans les systèmes régionaux de protection des droits de
l’Homme », RUDH, 1991, vol. 3, n° 1, p. 470 ; J.-F. RENUCCI, Traité de droit européen des droits de
l’Homme, LGDJ - Lextenso éditions, 2ème édition, 2012, p. 799 ; D. GARCIA SAN JOSÉ, op. cit., p. 68.
303
CEDH, Gr. Ch., 8 juillet 2003, Hatton et autres c. Royaume-Uni, préc., opinion dissidente commune à M.
COSTA, M. RESS, M. TÜRMEN, M. ZUPANČIČ et M me STEINER, juges.
304
CEDH, 22 mai 2003, Kyrtatos c. Grèce, préc., opinion en partie dissidente de M. le juge ZAGREBELSKY.

79
2. L’opportunité d’un protocole additionnel à la convention européenne sur
l’environnement

Au regard de l’attente qu’il suscite, l’opportunité d’un protocole additionnel à la conv.


EDH relatif à l’environnement apparaît assez évidente et présente de nombreux avantages.
Tout d’abord, il faut relever le fait que l’entrée en vigueur d’un tel texte dépend en grande
partie de la volonté des différents États membres durant les différentes étapes de son
élaboration, de l’accord du comité des ministres à la ratification du texte par leurs organes
législatifs. Ce procédé présente ainsi le grand avantage d’offrir une certaine légitimité
démocratique305 aux avancées environnementales de la jurisprudence de la CEDH, organe
considéré par certains comme non-démocratique306.

Bien que nous ne puissions que supposer le contenu d’un éventuel protocole consacré à
l’environnement, il y a fort à parier que celui-ci reprenne pour partie les développements
jurisprudentiels de la Cour rattachant le droit à un environnement sain aux autres droits de la
convention, en consacrant de manière expresse ce droit et en prévoyant les conditions
d’encadrement de son exercice. Dans le cadre de notre sujet d’étude, nous pouvons ainsi
estimer que la protection de l’environnement comme composante de l’intérêt général fasse
aussi l’objet d’une consécration textuelle au regard de l’importance prise par la notion dans la
jurisprudence de la Cour. L’inscription des thématiques environnementales dans la conv.
EDH à travers un protocole additionnel conduirait, en creux, à la reconnaissance de leur
valeur constitutionnelle.

L’insertion des avancées jurisprudentielles en matière d’environnement dans la conv.


EDH présente avant tout comme principal avantage de favoriser une protection de ces mêmes
avancées et de les préserver contre une éventuelle régression, déjà survenue sous la forme des
arrêts Kyrtatos et Hatton de 2003. Cette crainte est évoquée par Jean-Pierre Marguénaud qui
estime que « la méthode d’interprétation évolutive, sur laquelle la Cour de Strasbourg a
largement bâti sa renommée, n’apporte donc pas, en elle-même, de solide garantie contre les
risques de retour en arrière et de diminution de la protection qu’elle avait accordée à un

305
J.-P. MARGUÉNAUD, « Faut-il adopter un Protocole n° 15 relatif au droit à l’environnement ? », in L.
ROBERT (dir.), op. cit., p. 81.
306
J. MORANGE, Manuel des droits de l’Homme et libertés publiques, PUF, coll. Droit fondamental, 2007, pp.
273-274.

80
moment donné contre un risque donné. »307. Ces revirements jurisprudentiels apparaissent
comme une conséquence logique de cette interprétation évolutive308.

La survenance d’une régression des évolutions jurisprudentielles de la CEDH semble


envisageable notamment au regard de l’existence d’une « réversibilité institutionnelle »309
comme l’explique M. Marguénaud. En effet, ce phénomène peut apparaître dans le cas d’un
renvoi d’une affaire devant une grande chambre, qui comme nous avons pu le voir dans l’arrêt
Hatton de 2003, peut sonner le glas de certaines avancées jurisprudentielles. Ce cas de figure
peut aussi apparaître dans le cas d’un conflit entre différentes sections de la CEDH310 en
matière de protection de l’environnement qui dénote une progression à deux vitesses. En effet,
dans le cas de l’arrêt Băcilă, une avancée était réalisée en matière de reconnaissance de droit à
la jouissance d’un « environnement équilibré et respectueux de la santé »311 mais l’arrêt Ivan
Atanasov a effectué un coup d’arrêt à cette avancée en rappelant que les dispositions de
l’article 8 ne pouvaient être invoquées à chaque fois qu’une détérioration de la nature
apparait312. L’élaboration d’un protocole sur l’environnement contribuerait ainsi à donner une
certaine cohérence à une jurisprudence environnementale parfois éparse313.

Enfin, de manière plus prospective, le protocole additionnel à la conv. EDH sur


l’environnement pourrait aussi proposer des dispositions encore non consacrées par la
jurisprudence environnementale. Ces dispositions pourraient se situer sur le terrain de
problématiques environnementales de plus en plus présentes dans le débat public telles que les
catastrophes écologiques ou le changement climatique. Bien que la Cour ait déjà été
confrontée à de tels enjeux314, ce protocole marquerait la volonté des États membres d’une
meilleure prise en compte de ces nouveaux défis.

307
J.-P. MARGUÉNAUD, « Le principe de non-régression et la Cour Européenne des droits de l’Homme », in
M. PRIEUR et G. SOZZO (dir.), op. cit., p. 192.
308
E. LAMBERT, op. cit., p. 312.
309
J.-P. MARGUÉNAUD, op. cit., p. 186.
310
Ibid., pp. 194-195.
311
CEDH, 30 mars 2010, Băcilă c. Roumanie, préc., § 71.
312
CEDH, 2 décembre 2010, Ivan Atanasov c. Bulgarie, § 66.
313
J.-P. MARGUÉNAUD, « Faut-il adopter un Protocole n° 15 relatif au droit à l’environnement ? », in L.
ROBERT (dir.), op. cit., pp. 79-80.
314
CEDH, 28 novembre 2006, Murillo Saldias et autres c. Espagne (recevabilité) ; CEDH, 28 septembre 2010,
Mangouras c. Espagne, préc. ; CEDH, 28 février 2012, Kolyandeko et autres c. Russie ; J.-P. MARGUÉNAUD,
« Le droit à la vie vu par la CEDH » in J.-M. LAVIEILLE, J. BÉTAILLE et M. PRIEUR (dir.), Les catastrophes
écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit, Bruylant, 2012, pp. 117-125.

81
L’élaboration d’un protocole additionnel à la convention européenne relatif à
l’environnement présente de nombreux avantages pour la jurisprudence environnementale de
la CEDH qui bénéficierait ainsi d’une consécration textuelle et, partant, d’une légitimation
accrue. Cette consécration bénéficierait de manière générale à l’ensemble des thématiques
environnementales appréhendées par la Cour, parmi lesquelles se trouve l’intérêt général
attaché à la protection de l’environnement. Néanmoins, il est à noter que si les avantages d’un
protocole additionnel tel que nous l’avons décrit plus haut sont indéniables pour la
jurisprudence environnementale de la CEDH, ce texte peut aussi imposer certaines limites à
celle-ci, limites remettant en cause son opportunité.

B- Les limites posées à la jurisprudence de la CEDH par l’adoption d’un protocole


sur l’environnement

L’élaboration d’un protocole additionnel à la conv. EDH sur l’environnement peut en effet
poser certaines difficultés au développement de la jurisprudence environnementale de la Cour.
Ces difficultés sont de deux ordres, celles inhérentes à l’adoption d’un protocole relatif à
l’environnement et celles liées à l’adoption d’un protocole a minima.

1. Les risques inhérents à l’adoption d’un protocole relatif à l’environnement

Parmi les différents avantages liés à l’adoption d’un protocole relatif à l’environnement,
nous avons considéré qu’un tel texte consacrerait de manière expresse et ferme, le droit à un
environnement sain parmi les droits fondamentaux prévus à la conv. EDH. Toutefois, pour
certains auteurs comme Jean Morange, une telle consécration, comme pour celle d’autres
droits considérés comme « nouveaux », entraîne inévitablement une dilution des autres droits
fondamentaux315. L’auteur, rejoignant Jean Rivero et Robert Pelloux, considère que
l’affirmation de « nouveaux droits de l’Homme » remet en cause tous les efforts effectués sur
le plan interne et international pour la reconnaissance des droits de l’Homme. Celle-ci
entraînerait des situations dans lesquelles « l’enfant à naître se voit ainsi reconnaître le droit
de vivre dans une nature non polluée, alors qu’on ne lui reconnaît pas le simple droit à la vie
[…]. »316. Bien que nous ne souscrivons pas du tout à cette affirmation que nous pensons non
fondée au regard de l’apport que représente la protection de l’environnement pour la

315
J. MORANGE, Droits de l’Homme et libertés publiques, PUF, coll. Droit fondamental, 5 ème édition, 2000, pp.
424-425.
316
Ibid., p. 425.

82
réalisation de certains droits fondamentaux, il nous paraissait intéressant de soulever cette
critique souvent émise à l’occasion de la reconnaissance de « nouveaux » droits de l’Homme.
En effet, la crainte est souvent évoquée que les nouvelles préoccupations l’emportent sur les
précédentes mais dans le cas de la protection de l’environnement, cette crainte nous paraît
moins avérée.

Pour Jean-Pierre Marguénaud, l’adoption d’un protocole additionnel sur l’environnement


ne pose pas la question de la dilution des droits fondamentaux mais plutôt, en creux, celle de
la consécration des atteintes aux droits fondamentaux par la reconnaissance de l’intérêt
général attaché à la protection de l’environnement. Rappelant les différentes avancées
environnementales de la CEDH en matière de proclamation de la protection de
l’environnement comme composante de l’intérêt général, M. Marguénaud souligne les
atteintes, parfois violentes selon lui, faites aux droits fondamentaux au nom de la protection
de l’environnement317. Si les différentes affaires que sont Mangouras, Hamer ou encore
Chapman lui permettent surtout de souligner le dynamisme interprétatif de la CEDH en
matière d’environnement, celles-ci lui permettent aussi de rappeler les cas dans lesquels la
protection de l’environnement a encadré de manière assez sévère l’exercice des droits
fondamentaux.

Ainsi, l’entrée en vigueur d’un protocole additionnel sur l’environnement reconnaissant sa


valeur d’intérêt général pourrait peut-être généraliser les cas où la Cour élève « […] la
protection de l’environnement au rang de fin supérieure d’intérêt général pour pouvoir mieux
frapper les plus faibles des mesures les plus radicales. »318. Sans que ces cas de figure
puissent être retrouvés de manière systématique dans la jurisprudence de la CEDH, il est
intéressant d’évoquer l’hypothèse du développement d’une logique de protection de
l’environnement à tout prix, concomitante à l’adoption d’un protocole additionnel sur cette
matière.

La consécration textuelle d’un droit à un environnement sain dans la conv. EDH pourrait
aussi s’avérer être un obstacle au développement d’une jurisprudence de la CEDH en faveur
de la reconnaissance d’un droit à la protection de l’environnement. En effet, comme la Cour a
pu le rappeler à plusieurs reprises, la conv. EDH ne reconnaît pas de droit à la protection de la

317
J.-P. MARGUÉNAUD, op. cit., pp. 74-75.
318
Ibid., p. 74.

83
nature mais certains arrêts semblaient construire récemment une conception de plus en plus
large du champ d’application du droit à un environnement sain. C’est le cas de l’arrêt Tătar
qui a reconnu « […] les droits des intéressés au respect de leur vie privée et de leur domicile
et plus généralement à la jouissance d’un environnement sain et protégé »319 puis de l’arrêt
Băcilă qui évoque « […] le droit des personnes concernées à jouir d’un environnement
équilibré et respectueux de la santé. »320. À travers ces deux exemples, le droit à un
environnement sain acquiert un champ d’application de plus en plus étendu qui laisse une
frontière de plus en plus mince entre le droit à la protection de l’environnement immédiat de
l’Homme et la protection de la nature pour elle-même.

Dans le cas où le protocole additionnel reconnaîtrait le droit à un environnement sain de


manière assez restreinte, nous pouvons craindre la mise à l’arrêt de ce mouvement
jurisprudentiel puisque la CEDH devrait ainsi s’en tenir à la lettre du texte. La reconnaissance
de ce droit limité à l’environnement immédiat apparaît néanmoins assez logique au regard de
« […] [l’] appréhension résolument anthropocentrique de l’environnement »321 par la CEDH.
Cette formule rejoint l’opinion de Benoît De Boysson qui affirme que « pour ce qui est de la
CEDH, le droit environnemental ne peut être qu’un droit environnemental de l’Homme. »322.

Au-delà de ces risques potentiellement induits par la reconnaissance des thématiques


environnementales au sein de la conv. EDH, les principales limites semblant se poser sont
liées à l’adoption de ce texte. Un protocole additionnel à la conv. EDH apparaissant comme
un texte éminemment politique, nous pouvons ainsi craindre que par l’action des États
membres, ce dernier ne soit finalement adopté qu’a minima.

2. Les risques posés à la jurisprudence de la CEDH par l’adoption d’un protocole a


minima relatif à l’environnement

Dans leur article publié au sein de la revue juridique de l’environnement, Yves


Winisdoerffer et Gérald Dunn détaillaient plusieurs étapes relatives à l’élaboration d’un
protocole additionnel parmi lesquelles se trouvait, au premier chef, l’accord du comité des

319
CEDH, 27 janvier 2009, Tătar c. Roumanie, préc., § 107.
320
CEDH, 30 mars 2010, Băcilă c. Roumanie, préc., § 71.
321
C. PICHERAL, « L’hypothèse d’un “droit à” l’environnement », BDEI, 2009, supplément au n° 19, p. 64.
322
B. DE BOYSSON, « Le droit au respect de la vie privée et l’environnement », in L. ROBERT (dir.), op. cit.,
p. 32.

84
ministres323. Suite à la recommandation n° 1614 de 2003 de l’assemblée parlementaire, cet
organe avait eu l’occasion d’affirmer que la jurisprudence environnementale de la CEDH était
suffisante dans le cas de la protection de l’environnement et que, de ce fait, l’élaboration d’un
protocole additionnel n’était pas nécessaire. Il s’agit là d’une position constante puisque le
comité des ministres a de nouveau considéré comme inopportune l’élaboration d’un protocole
sur l’environnement lors de la 1088ème réunion des délégués des ministres du 16 juin 2010.
Cette déclaration faisait suite à une nouvelle recommandation de l’assemblée parlementaire
sur le sujet324. Cette position du comité des ministres est partagée en partie par Jean-Pierre
Marguénaud qui considère que, du point de vue de « la promotion de la protection de
l’environnement au rang des fins supérieures d’intérêt général », « […] la Cour de
Strasbourg a déjà fait beaucoup plus que ce qu’aucun protocole additionnel n’aurait pu
prévoir. »325. Cette formule illustre bien la crainte partagée par certains que l’adoption d’un
protocole additionnel ne soit pas d’une très grande utilité voire qu’il puisse se révéler néfaste
à la jurisprudence environnementale de la CEDH.

Ce dernier cas de figure semble particulièrement se poser dans le cas de l’adoption d’un
protocole a minima. Par cette formule, nous entendons ainsi un texte prévoyant des
dispositions relatives au droit à un environnement sain mais se contentant d’une consécration
assez restreinte des droits environnementaux sans possibilité d’interprétation évolutive par la
CEDH et laissant une grande liberté en la matière au nom du principe de subsidiarité. Ce
scénario apparaît envisageable au regard de la défiance de certains États contractants vis-à-vis
de la jurisprudence extensive de la CEDH. Cette défiance est parfaitement illustrée par le
discours de Brighton du 25 janvier 2012 du Premier Ministre britannique, David Cameron,
dans lequel ce dernier appelait à un renforcement du principe de subsidiarité et une extension
de la marge d’appréciation dans le contrôle de la CEDH326.

Le protocole additionnel serait ainsi l’occasion pour certains États membres de tempérer
un peu les avancées jurisprudentielles de la Cour en matière de protection de l’environnement.
En effet, la jurisprudence de la CEDH, dans le silence des textes, a dû procéder à une
interprétation extrêmement créative pour dégager les différents droits environnementaux

323
Y. WINISDOERFFER et G. DUNN, op. cit., pp. 468-470.
324
Recommandation n° 1885 du 30 septembre 2009, « Élaboration d’un protocole additionnel à la Convention
européenne des droits de l’Homme sur le droit à un environnement sain ».
325
J.-P. MARGUÉNAUD, op. cit., p. 73.
326
https://www.gov.uk/government/speeches/speech-on-the-european-court-of-human-rights.

85
substantiels comme procéduraux ou s’adapter aux évolutions sociétales pour élever la
protection de l’environnement au rang d’intérêt général. Un protocole sur l’environnement a
minima donnerait à la Cour la base textuelle qui lui manque et procèderait donc à un certain
encadrement de ses interprétations en matière de protection de l’environnement.

Le risque représenté par l’élaboration d’un protocole additionnel à la conv. EDH sur
l’environnement contrebalance l’opportunité que peut représenter un tel texte pour le
développement de la jurisprudence environnementale de la CEDH et, partant, de l’extension
du champ de contrôle du standard d’intérêt général attaché à la protection de l’environnement.
L’heure n’étant pas, d’après certains auteurs327, à l’adoption d’un protocole n° 17 sur
l’environnement328, il nous faut donc miser sur une continuité de la jurisprudence récente
tendant vers un champ d’application de plus en plus étendu du droit à un environnement sain,
procédant ainsi d’une meilleure protection de l’environnement en parallèle de celle visée par
le standard d’intérêt général.

327
J.-F. RENUCCI, op. cit., p. 799.
328
Contrairement à ce que suppose le titre de la contribution de J.-P. MARGUÉNAUD, il existe déjà un
protocole n° 15 et même n° 16 à la convention mais ceux-ci ne sont pas relatifs à l’environnement. Voir ainsi
http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ListeTraites.asp?CL=FRE&CM=8.

86
Conclusion
« Il en est du droit comme de la littérature, les thèmes classiques y sont éternels,
seulement de temps à autre, ils ne paraissent plus adaptés à la mentalité des contemporains et
il convient de les renouveler dans la forme. »329

Il ne nous apparaît pas formule plus adaptée pour conclure notre étude que cette
citation de Maurice Hauriou. En effet, il convient de « renouveler dans la forme » certains
thèmes, c’est justement l’observation que nous pouvons faire de la notion d’intérêt général.
Par l’étude de la jurisprudence de la CEDH, nous avons pu observer comment l’intérêt
général, à travers sa composante environnementale, opère un renouvellement de ses fonctions
que sont celles d’encadrement des droits fondamentaux et de contrôle des actions étatiques.
Au-delà de ce renouvellement que nous pourrions qualifier d’intrinsèque au standard d’intérêt
général, l’exigence de protection de l’environnement a ainsi conduit la Cour à plusieurs
reprises à faire évoluer certains de ses mécanismes de contrôle pour mieux les adapter à cette
mission. Cette évolution a été permise par la réceptivité grandissante de la Cour aux
thématiques environnementales et sa volonté maintenue de garantir la protection la plus
effective des droits prévus à la conv. EDH.

La capacité évolutive de la Cour de Strasbourg est ainsi au cœur de l’argumentation


des auteurs et responsables politiques pour écarter l’opportunité de l’élaboration d’un
protocole sur l’environnement. Cette approche, que nous pouvons qualifier d’optimiste,
indique toute la confiance que certains auteurs, comme Jean-Pierre Marguénaud, ont dans la
faculté de la Cour à procéder à une évolution autonome de sa jurisprudence en matière
d’environnement, nous rejoignons M. Marguénaud sur ce point. Il nous semble, en effet,
qu’au regard de l’ensemble des avancées jurisprudentielles de la CEDH que nous avons
développé au cours de cette étude, celle-ci s’est dotée des moyens nécessaires à
l’appréhension des enjeux environnementaux.

De plus, comme nous avons pu le relever au sein de la dernière section, il nous a


semblé voir s’esquisser, avec les jurisprudences Tătar et Băcilă, une reconnaissance de plus
en plus étendue du droit à un environnement sain qui tend à estomper la frontière entre la

329
M. HAURIOU, Principes de droit public, Dalloz, coll. Bibliothèque Dalloz, 2010 (réédition de 1910), p. 6.

87
protection de l’environnement immédiat de l’Homme et celle de l’environnement en général.
Ce mouvement jurisprudentiel illustre bien notre propos sur la connexité de plus en plus forte
entre les droits environnementaux et l’intérêt général attaché à la protection de
l’environnement, connexité qui tend presque à une certaine confusion tant leurs objets
peuvent être rapprochés.

La confusion entre les deux notions se comprend ainsi au regard des problématiques
liées au changement climatique qui reflètent la similarité des atteintes causées à la santé des
Hommes et celles causées à l’environnement.

88
Éléments de Bibliographie
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DUFFAR (J.), « Environnement et jurisprudence de la Cour européenne des droits de


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Jacqueline MORAND-DEVILLER, Montchrestien, 2007, pp. 787-810.

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Fiche thématique « Environnement » de la Cour Européenne des Droits de l’Homme :
http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Environment_FRA.pdf
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http://www.bundesverfassungsgericht.de/SiteGlobals/Forms/Suche/EN/Entscheidungensuche
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Jurisprudence de la Cour constitutionnelle belge :
http://www.const-court.be/fr/common/home.html
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http://www.cortecostituzionale.it/actionPronuncia.do
Jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme :
http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspx#{"documentcollectionid2":["CASELAW
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100
Liste de la jurisprudence citée

Cour européenne des droits de l’Homme


(classement chronologique)

CEDH, 23 juillet 1968, Affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de


l’enseignement en Belgique » c. Belgique.
CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni.
CEDH, 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni.
CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c. Royaume-Uni.
CEDH, 10 juillet 1978, Chypre c. Turquie (recevabilité).
CEDH, 9 octobre 1979, Airey c. Irlande.
CEDH, 13 août 1981, Young, James & Webster c. Royaume-Uni.
CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönroth c. Suède.
CEDH, 28 novembre 1984, Rasmussen c. Danemark.
CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume-Uni.
CEDH, 29 avril 1988, Belilos c. Suisse.
CEDH, 21 février 1990, Powell et Rayner c. Royaume-Uni.
CEDH, 18 février 1991, Fredin c. Suède (n° 1).
CEDH, 29 novembre 1991, Pine Valley Developments Ltd c. Irlande.
CEDH, 25 novembre 1993, Zander c. Suède.
CEDH, 9 décembre 1994, Lopez Ostra c. Espagne.
CEDH, Gr. Ch., 23 mars 1995, Loizidou c. Turquie (exceptions préliminaires).
CEDH, 25 septembre 1996, Buckley c. Royaume-Uni.
CEDH, 26 août 1997, Balmer-Schafroth et autres c. Suisse.
CEDH, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie.
CEDH, 19 février 1998, Guerra et autres c. Italie.
CEDH, 9 juin 1998, L.C.B. c. Royaume-Uni.
CEDH, 9 juin 1998, McGinley et Egan c. Royaume-Uni.
CEDH, 23 septembre 1998, Petra c. Roumanie.
CEDH, 29 avril 1999, Chassagnou et autres c. France.
CEDH, Gr. Ch., 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres c. France.
CEDH, 16 mars 2000, Özgür Gündem c. Turquie.
CEDH, Gr. Ch., 6 avril 2000, Athanassoglou et autres c. Suisse.
CEDH, Gr. Ch., 18 janvier 2001, Chapman c. Royaume-Uni.
CEDH, Gr. Ch., 10 mai 2001, Chypre c. Turquie.
CEDH, 2 octobre 2001, Hatton et autres c. Royaume-Uni.

101
CEDH, 18 juin 2002, Öneryildiz c. Turquie.
CEDH, 12 novembre 2002, Zvolský et Zvolská c. République Tchèque.
CEDH, 10 avril 2003, Papastavrou c. Grèce.
CEDH, 22 mai 2003, Kyrtatos c. Grèce.
CEDH, 8 juillet 2003, Gr. Ch., Hatton et autres c. Royaume-Uni.
CEDH, 24 juillet 2003, Kärner c. Autriche.
CEDH, 27 avril 2004, Gorraiz Lizarraga et autres c. Espagne.
CEDH, 27 mai 2004, Vides Aizsardzibas Klubs c. Lettonie.
CEDH, 24 juin 2004, Vergos c. Grèce.
CEDH, 23 septembre 2004, Kapsalis et Nima-Kapsali c. Grèce (recevabilité).
CEDH, 10 novembre 2004, Taşkin et autres c. Turquie.
CEDH, 16 novembre 2004, Moreno Gómez c. Espagne.
CEDH, Gr. Ch., 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie.
CEDH, 22 février 2005, Novosseletski c. Ukraine.
CEDH, 12 juillet 2005, Okyay et autres c. Turquie.
CEDH, 28 juillet 2005, Alatulkkila et autres c. Finlande.
CEDH, 17 janvier 2006, Luginbühl c. Suisse (recevabilité).
CEDH, 13 juin 2006, Hutten-Czapska c. Pologne.
CEDH, 2 novembre 2006, Giacomelli c. Italie.
CEDH, 28 novembre 2006, Murillo Saldias et autres c. Espagne (recevabilité).
CEDH, 27 novembre 2007, Hamer c. Belgique.
CEDH, 21 février 2008, Anonymos Touristiki Etaira Xenodecheia Kritis c. Grèce.
CEDH, 26 février 2008, Fägerskiöld c. Suède (recevabilité).
CEDH, 20 mars 2008, Budaïeva et autres c. Russie.
CEDH, 12 novembre 2008, Demir et Baykara c. Turquie.
CEDH, 27 janvier 2009, Tătar c. Roumanie.
CEDH, 29 mars 2010, Brosset-Triboulet et autres c. France.
CEDH, 29 mars 2010, Depalle c. France.
CEDH, 30 mars 2010, Băcilă c. Roumanie.
CEDH, 14 septembre 2010, Florea c. Roumanie.
CEDH, 28 septembre 2010, Mangouras c. Espagne.
CEDH, 2 décembre 2010, Ivan Atanasov c. Bulgarie.
CEDH, 25 janvier 2011, Elefteriadis c. Roumanie.
CEDH, 3 mai 2011, Paratheristikos Oikodomikos Synetairismos Stegaseos Ypallilon Trapezis
Tis Ellados c. Grèce.

102
CEDH, 10 janvier 2012, Di Sarno et autres c. Italie.
CEDH, 28 février 2012, Kolyandeko et autres c. Russie.
CEDH, Gr. Ch., 26 juin 2012, Herrmann c. Allemagne.
CEDH, Vecbaštika et autres c. Lettonie, (Requête pendante communiquée au gouvernement
letton le 7 janvier 2013).
CEDH, 24 mars 2015, Smaltini c. Italie (recevabilité).
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Com. EDH, 14 décembre 1979, Young, James et Webster c. Royaume-Uni.
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Cour Internationale de Justice

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CC, n° 85-189 DC, 17 juillet 1985, Loi relative à la définition et à la mise en œuvre des
principes d’aménagement.
CC, n° 90-276 DC, 5 juillet 1990, Résolution complétant l’article 86 du règlement de
l’Assemblée nationale.
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103
CC, n° 2003-488 DC, 29 décembre 2003, Loi de finances rectificative pour 2003.
CC, n° 2009-599 DC, 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010.
CC, n° 2013-317 QPC, 24 mai 2013, Syndicat français de l’industrie cimentière et autre.
CC, n° 2015-441/442/443 QPC, 23 janvier 2015, Mme Michèle C. et autres.

Juridictions administratives françaises

CAA Nantes, 1er décembre 2009, Ministre de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement


durable et de la Mer, req. n° 07NT03775.

Tribunal constitutionnel espagnol

TC, 24 mai 2001, n° 119/2001.

Cour constitutionnelle italienne

Cour Ital., 26 octobre 1994, arrêt n° 379.


Cour Ital., 20 novembre 2002, arrêt n° 478.

Cour de cassation italienne

Cass. (Italie), 6 octobre 1979, arrêt n° 5172.

Cour constitutionnelle fédérale allemande

BVerfG, 8 août 1978, Décision concernant le super-phénix de Kalkar.


BVerfG, 24 novembre 2010, 1 BvF 2/05 n° 137.

Cour constitutionnelle belge

Cour Bel., 14 septembre 2006, arrêt n° 137/2006.

104
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION .................................................................................................................... 1

1. Définition et délimitation du sujet .................................................................. 1


2. L’évolution de la jurisprudence environnementale de la CEDH ................... 4
3. L’intérêt de notre étude .................................................................................. 6

CHAPITRE 1 : LES DROITS DE L’HOMME ET LEUR MISE EN COMPATIBILITÉ AVEC L’INTÉRET


GÉNÉRAL ATTACHÉ À LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT ................................................. 9

Section 1 : L’étude du traitement constitutionnel européen en matière de


protection de l’environnement ............................................................................................10

§1 Les conceptions constitutionnelles européennes en matière de protection de


l’environnement .......................................................................................................... 10

A- Les diverses conceptions constitutionnelles européennes en matière de


protection de l’environnement ................................................................................. 10
1. Les conceptions des Cours constitutionnelles européennes en matière de
protection de l’environnement, l’exemple de la Belgique, de l’Italie et de
l’Allemagne .......................................................................................................... 11
2. L’influence de la CEDH sur les jurisprudences constitutionnelles
européennes en matière d’environnement, l’exemple de l’Espagne .................... 14

B- La jurisprudence du conseil constitutionnel français et la protection de


l’environnement ....................................................................................................... 15
1. La conception constitutionnelle française de la protection de
l’environnement en tant qu’intérêt général .......................................................... 15
2. La relation entre le conseil constitutionnel et la CEDH en matière de
protection de l’environnement ............................................................................. 18

105
§2 La CEDH et le recours à l’intérêt général attaché à la protection de
l’environnement .......................................................................................................... 19

A- Une Cour légitimée à recourir au standard d’intérêt général ........................... 20


1. Une légitimation textuelle ............................................................................ 20
2. Une légitimation jurisprudentielle ................................................................ 21
3. Le recours au standard d’intérêt général par le prisme de l’ordre public
européen ............................................................................................................... 22

B- Une volonté de limiter la jurisprudence environnementale de la CEDH ......... 23


1. La remise en cause de l’activisme de la CEDH ........................................... 23
2. L’absence de protection générale de l’environnement au sein de la
jurisprudence de la CEDH.................................................................................... 25

Section 2 : L’intérêt général attaché à la protection de l’environnement et les


droits de l’Homme, un traitement variable dans la jurisprudence de la CEDH
.............................................................................................................................................................28

§1 La protection de l’environnement et les droits prévus par la convention


européenne .................................................................................................................. 28

A- La protection de l’environnement et les divers droits de la convention


européenne ............................................................................................................... 28
1. La protection de l’environnement et le droit des minorités ......................... 29
2. La protection de l’environnement et la liberté de religion ........................... 30
3. La protection de l’environnement et le droit à la liberté et à la sûreté ......... 30

B- L’exemple particulier du droit de propriété ..................................................... 32


1. L’opposition classique entre propriété privée et protection de
l’environnement ................................................................................................... 32
2. La protection de l’environnement comme vecteur de réalisation du droit de
propriété ............................................................................................................... 34

106
§2 Une approche renouvelée des relations entre intérêt général et droits de
l’Homme ...................................................................................................................... 37

A- Le traitement des droits environnementaux et l’invocation de l’intérêt général ..


.......................................................................................................................... 38
1. Intérêt général et droit à un environnement sain .......................................... 38
2. Intérêt général et droits procéduraux environnementaux ............................. 41

B- Intérêt général et droits de l’Homme, un apport mutuel ?................................ 42


1. L’apport de l’intérêt général à la réalisation des droits de l’Homme ........... 43
2. La réalisation de l’intérêt général par le prisme des droits de l’Homme ..... 44

CHAPITRE 2 : L’INTÉRÊT GÉNÉRAL ATTACHÉ À LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

COMME STANDARD DE CONTRÔLE DES ACTIONS ÉTATIQUES ................................................. 48

Section 1 : Le contrôle des actions étatiques par la CEDH dans le domaine de


la protection de l’environnement........................................................................................49

§1 Le contrôle des États par la doctrine des obligations positives ......................... 49

A- La mise en œuvre des obligations positives en matière de protection de


l’environnement ....................................................................................................... 49
1. L’utilisation de la doctrine des obligations positives en matière de protection
de l’environnement ............................................................................................... 50
2. Les obligations positives et les normes internationales................................ 51

B- Le contrôle des relations entre particuliers par le biais de l’effet horizontal de


la convention de sauvegarde des droits de l’Homme ............................................... 54
1. L’effet « horizontal » de la convention européenne en matière de protection
de l’environnement ............................................................................................... 54
2. L’émergence d’obligations environnementales à l’encontre des particuliers
par le biais de l’effet « horizontal » de la convention européenne ....................... 56

107
§2 Le contrôle détourné de l’action des États par la marge nationale
d’appréciation ............................................................................................................. 58

A- La reconnaissance affichée de la compétence étatique en matière de protection


de l’environnement ................................................................................................... 59
1. Le choix d’une extension de la marge nationale d’appréciation .................. 59
2. L’application particulière de la théorie de la marge nationale d’appréciation
en matière de protection de l’environnement ....................................................... 61

B- L’encadrement de la compétence étatique en matière de protection de


l’environnement par la CEDH.................................................................................. 63
1. Le contrôle indirect de la politique environnementale des États par le biais
des droits environnementaux ................................................................................ 63
2. L’inadaptation de la théorie de la marge nationale d’appréciation à la
protection de l’environnement ............................................................................. 66

Section 2 : Le contrôle des actions étatiques à travers la démarche


sensibilisatrice de la jurisprudence environnementale de la CEDH ...................69

§1 L’action sensibilisatrice de la jurisprudence environnementale de la CEDH


par la notion d’ordre public européen écologique .................................................. 70

A- L’émergence progressive d’un ordre public européen écologique dans la


jurisprudence de la CEDH........................................................................................ 70
1. L’émergence d’un ordre public européen écologique à travers la
sensibilisation progressive de la CEDH à l’environnement ................................. 70
2. L’émergence d’un ordre public européen écologique par l’action des
mécanismes de contrôle de la CEDH ................................................................... 72

B- La mise en œuvre de l’ordre public européen écologique................................ 73


1. Les effets potentiels recouverts par l’ordre public européen écologique ..... 73
2. Les particularités nationales, obstacles potentiels à l’ordre public européen
écologique ............................................................................................................ 75

108
§2 Une action sensibilisatrice potentiellement reprise par un protocole
additionnel à la convention européenne sur l’environnement ............................... 77

A- L’apport d’un protocole sur l’environnement pour le développement de la


jurisprudence de la CEDH........................................................................................ 77
1. Les prémices d’un protocole additionnel à la convention européenne sur
l’environnement ................................................................................................... 78
2. L’opportunité d’un protocole additionnel à la convention européenne sur
l’environnement ................................................................................................... 80

B- Les limites posées à la jurisprudence de la CEDH par l’adoption d’un


protocole sur l’environnement ................................................................................. 82
1. Les risques inhérents à l’adoption d’un protocole relatif à l’environnement ...
...................................................................................................................... 82
2. Les risques posés à la jurisprudence de la CEDH par l’adoption d’un
protocole a minima relatif à l’environnement ...................................................... 84

CONCLUSION ...................................................................................................................... 87

ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE................................................................................... 89

109

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