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La notion d'environnement en droit pénal français et

canadien

Mémoire
Maîtrise en droit - avec mémoire

Julien Dorigny

Université Laval
Québec, Canada
Maître en droit (LL. M.)

et

Université Toulouse 1 Capitole


Toulouse,France
Master (M.)

© Julien Dorigny, 2019


La notion d’environnement en droit pénal français et canadien

Mémoire de Maîtrise en droit

Julien Dorigny

Sous la direction de :

Bertrand de Lamy, Professeur des Universités, Université Toulouse 1 Capitole


Paule Halley, Professeure des Universités, Université Laval
Résumé :

La protection de l’environnement par le droit pénal constitue un réel enjeu d’avenir.


Toutefois il suffit de se pencher sur le fond du régime de protection pour constater
qu’il recèle quantité de particularités le rendant encore insuffisamment efficace. Il
conviendra donc d’étudier l’appréhension que fait le droit pénal de la notion
d’environnement, aussi bien au Canada qu’en France dans une perspective de
droit comparé, et ce au travers du tronc commun des atteintes réprimées. Toutefois
pour comprendre comment on protège, il faut identifier clairement ce que l’on
protège. Dès lors il s’agira également d’étudier la définition même de
l’environnement telle que protégée par le droit pénal. Tout cela permettra de cerner
plus efficacement ce qui constitue la notion d’environnement en droit pénal franco-
canadien.

II
Abstract :

The protection of the environment through penal law is a real challenge for the
future. However, it is enough to look at the substance of the protection regime to
see that it contains a number of specific features that still make it insufficiently
effective. It will therefore be necessary to study the penal law's understanding of
the notion of the environment, both in Canada and in France, from a comparative
law perspective, through the common core of penal offenses. However, to
understand how we protect, we must clearly identify what we are protecting. It will
therefore also be a question of studying the very definition of the environment as
protected by penal law. All this will make it possible to more effectively identify what
constitutes the notion of the environment in French-Canadian penal law.

III
Table of Contents
Résumé :.................................................................................................................................II
Abstract :...............................................................................................................................III
Liste des principales abréviations :........................................................................................V
Remerciements :....................................................................................................................VI

Introduction :...........................................................................................................................1

Partie 1 : La définition de l’environnement et ses écueils.....................................................23


Chapitre 1 : La définition par énumération..................................................................25
I/ Les milieux physiques et les espaces naturels.................................................26
II/ Le patrimoine naturel....................................................................................42

Chapitre 2 : la définition conceptuelle.........................................................................47


I/ L’environnement naturel et ses synonymes....................................................48
II/ La biodiversité...............................................................................................53
III/ Le développement durable...........................................................................59

Partie II/ Le critère d’intervention pénaliste : les atteintes réprimées...................................71


Chapitre 1 : les critères déterminant l’intervention du droit pénal..............................72
I/ Le dommage....................................................................................................72
II/ La faute et le lien de causalité.......................................................................83

Chapitre 2 : Proposition d’évolution des modèles français et canadien......................90


I/ Piste d’évolution du modèle canadien et principal écueil...............................90
II/ Piste d’évolution du modèle français et principal écueil...............................92

Conclusion générale :............................................................................................................99

Bibliographie :.....................................................................................................................101

IV
Liste des principales abréviations :

- Art……………………………………………………….Article
- Cass……………………………………………………...Cour de cassation
- Cass. Crim……………………………………………….Chambre criminelle de la Cour
de cassation
- Coll……………………………………………………….Collection
- C. cr………………………………………………………Code criminel
- C. env…………………………………………………….Code de l’environnement
- C. Pén…………………………………………………….Code Pénal
- éd………………………………………………………….édition
- Fasc……………………………………………………….Fascicule
- QPC……………………………………………………….Question Prioritaire de
Constitutionnalité
- R.J.T. ……………………………………………………...Revue juridique Thémis
- Ibid. ………………………………………………………….idem identique.
- LCPE……………………………………………………….Loi Canadienne de Protection
de l’Environnement
- LQE………………………………………………………...Loi sur la Qualité de
l’Environnement
- p..……………………………………………………………Page
- para.………………………………………...……………….Paragraphe.
- préc. ………………………………………………………...Précédent.

V
Remerciements :

Au moment d’apporter un point final à ce mémoire, je me dois de remercier tous


ceux qui ont contribué à sa réalisation. Tout d’abord je souhaiterais remercier le
professeur De Lamy d’avoir proposé ce sujet qui a immédiatement piqué ma
curiosité, et qui m’a soutenu lorsque j’ai souhaité le faire évoluer dans une
direction qui n’était pas nécessairement celle qu’il avait envisagée à l’origine. Ses
conseils ont été d’un grand soutien lors de la rédaction. De même je souhaite
remercier le professeur Rainville de m’avoir accueilli aussi chaleureusement dans
la rudesse de l’hiver québécois, et de m’avoir prodigué lui aussi des conseils
bienvenus et nécessaires lors de l’atelier de présentation. J’espère sincèrement
que ce mémoire est à la hauteur de vos espérances. Je tiens également à
remercier le professeur Halley : son soutien, ses conseils de recherches, ainsi que
ses relectures ont été nécessaires, et m’ont grandement aidé à ne jamais baisser
les bras.

Enfin je ne saurais terminer ces remerciements sans offrir une pensée à Chloé, qui
a supporté mes humeurs, mon découragement, et mes moments d’effervescence
tout en sachant toujours me guider dans le droit chemin, à mes parents qui m’ont
soutenu dans mon projet de mobilité à l’étranger, et enfin à Brieuc pour ses
relectures efficaces.

J’espère que le lecteur qui entreprendra de se plonger dans ce modeste travail en


retirera d’utiles réflexions.

VI
"Nous n'avons pas hérité la Terre de nos ancêtres, mais l'empruntons à nos enfants."
Antoine de Saint-Exupéry,
Terre des hommes (1939)

VII
Introduction :

Le sujet et les objectifs de recherche :

La protection de l’environnement par le droit pénal. Peu de sujet auront revêtu à


l’aube du XXIème siècle une telle aura de nécessité et d’urgence absolue. Si l’idée
de protéger l’environnement des pollutions engendrées par l’activité humaine
paraît clairement nécessaire, les moyens mis en œuvre pour cette protection sont
souvent limités par des questions de rentabilité économique.
Mais par-delà un consensus sur la nécessité de protéger l’environnement,
une première difficulté intervient rapidement, à savoir la définition et l’appréhension
de ce qu’est la notion d’environnement. Car pour pouvoir protéger efficacement, il
faut comprendre ce que l’on doit protéger, et contre quoi on souhaite le protéger.
Dès lors une étude de la notion d’environnement paraît nécessaire afin de
comprendre l’objet de la protection. Toutefois on ne se contentera pas dans ce
présent mémoire d’étudier la protection de l’environnement de manière générale,
mais bien de lui appliquer deux filtres successifs.
Tout d’abord il s’agira d’étudier le rapport particulier du droit pénal à la
notion d’environnement. En effet, lorsque l’on parle de protection d’une valeur
aussi fondamentale que celle de l’environnement, le droit pénal intervient tout
naturellement car le droit pénal est un droit expressif, c’est à dire un droit
exprimant les valeurs qu’une Société entend défendre. Par ailleurs, le droit pénal
étant soumis au principe de légalité, à savoir l’obligation de prévoir précisément
dans un texte de loi l’interdiction en des termes clairs et précis, il est intéressant de
confronter ce principe à une notion aussi générale que celle d’environnement.
Il s’agira donc dans notre étude d’envisager le rapport que le droit pénal a
avec la notion d’environnement, ainsi que la manière dont on décrit les atteintes
que l’on réprime.

1
Ensuite, le second filtre sera un filtre de droit comparé car il s’agira ici
d’étudier la notion d’environnement en droit pénal français à l’aune de celle du droit
pénal canadien (en étudiant bien évidemment le droit pénal fédéral, mais en
prenant en compte le droit pénal provincial québécois). Cette étude comparée se
justifie à deux égards :

Premièrement la France et le Canada fonctionnant sur un modèle de


compétence différent, il paraît intéressant de les confronter. En effet, le Canada
étant un état fédéral octroyant par là même une certaine souveraineté à ses
provinces, celles-ci disposent de certaines compétences propres ou partagées.
Cela se traduit notamment en matière de protection de l’environnement par
l’existence de lois pénales environnementales aussi bien fédérales que
provinciales. Le niveau fédéral étant représenté par la Loi canadienne sur la
protection de l’environnement (L.C.P.E)1 tandis que les provinces ont adopté leurs
propres lois pénales environnementales. Ainsi le Québec, par exemple, a adopté
sa propre loi environnementale communément appelée Loi sur la qualité de
l’environnement (L.Q.E)2 et qui synthétise dans son article 20 les interdictions
générales de polluer.

Le cas de la France peut paraître plus simple car c’est un état unitaire
centralisant par là même sa compétence. Il n’y a donc pas de partage des
compétences en tant que tel. Toutefois, de par la grande influence de l’Union
européenne et de l’Europe en matière de protection des droits fondamentaux la
France se retrouve influencée par droit supra-national européen. L’exemple le plus
frappant de cette influence est celui de la directive « Protection de l’Environnement
par le droit pénal » 2008/99/CE du Parlement Européen et du Conseil du 19

1 Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33, <http://canlii.ca/t/6bkss>


consulté le 2019-05-13, 1999.
2 Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, en ligne : RLRQ c Q-2
<http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/Q-2> (consulté le 6 février 2019).

2
novembre 20083visant à obliger les états membres de l’Union Européenne à se
doter d’un régime de protection pénale de l’environnement efficace et efficient.
Directive mettant en exergue le fait que la France n’est pas encore au niveau
requis en matière de protection de l’environnement4. Néanmoins, cette influence
ne pouvant être véritablement comparée au partage des compétences canadien, il
conviendra d’étudier le cas de la France en tant qu’état unitaire, et de le confronter
au Canada en tant qu’état fédéral.

Secondement, cette approche comparatiste permettra d’influencer la


législation française par le régime canadien. En effet toute la problématique de la
législation française ne consiste pas en une insuffisance législative, mais bien au
contraire à un éclatement de la législation. Car si le droit français dispose de tous
les outils nécessaires à la protection de l’environnement, ceux-ci sont éclatés dans
divers codes, lois et règlements administratifs, sans qu’une colonne vertébrale
législative semble ressortir de cet ensemble disparate.
En revanche le droit canadien regroupe différemment les questions de droit
pénal de l’environnement, notamment grâce à des prohibitions générales de
polluer, ce qui n’existe pas en droit français.
Il paraît donc légitime et approprié de tirer les conclusions offertes par le
droit canadien afin de mieux comprendre l’impact de la notion d’environnement en
droit pénal français, et vice versa.

La mise en contexte et la problématique :

La définition de l’environnement en droit français. Le terme même


« d’environnement » revêt non seulement une signification plurale, mais aussi une

3 Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection


de l’environnement par le droit pénal (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) JO L 328 du 6.12.2008,
p. 28–37 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
édition spéciale croate: chapitre 15 tome 014 p. 91 - 100.
4 Dominique GUIHAL, Jacques-Henri ROBERT et Thierry FOSSIER, Droit répressif de l’environnement, 4ème
édition, coll. Economica, Paris, 2016, p 3.

3
origine particulière. En effet, anglicisme issu du substantif « environment », sa
traduction française apparaît dans la langue française dans les années 70. C’est
en 1972 que le terme fait son entrée dans le Grand Larousse de la langue
française5, et depuis cette date la teneur de ce concept évolue encore.
Or cette teneur évolue en fonction de l’angle d’étude que l’on utilise. Il est
vrai que l’on constate rapidement la possibilité de l’appréhender de plusieurs
manières selon que l’on se place du point de vue des sciences appliquées, ou des
sciences sociales : pour le chimiste, on mettra l’accent sur la composition de
l’environnement, tandis que le biologiste s’intéressera aux biotopes, et la
biodiversité d’un écosystème. Le médecin quant à lui s’intéressera à son impact
sur la santé des individus, tandis que le physicien se plongera dans l’étude des
forces qui le gouvernent.
En revanche du point de vue des sciences sociales, la diversité n’est pas
moindre car le sociologue étudiera l’impact de l’environnement sur une population
donnée, tandis que l’ethnologue l’étudiera sur une civilisation entière. L’urbaniste
étudiera son impact sur le développement d’un milieu urbain, aussi bien d’un point
de vue esthétique que fonctionnel mais l’économiste verra en lui un producteur de
ressource nécessaire au bon développement d’une Société. Dès lors l’angle
d’étude devient primordial.

Par ailleurs, si l’on se tourne vers la définition encyclopédique en espérant


trouver un modèle d’unification, force est de constater que ce n’est pas le cas, car
le Larousse définit l’environnement ainsi :

Ce qui entoure de tous côtés ; voisinage.


Ensemble des éléments (biotiques ou abiotiques) qui entourent un individu
ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses
besoins.

5 Pour de plus amples détails, voir : Michel PRIEUR, Droit de l’environnement, 3ème éd., Paris, Dalloz,
1996, p. 2.

4
Ensemble des éléments objectifs (qualité de l'air, bruit, etc.) et subjectifs
(beauté d'un paysage, qualité d'un site, etc.) constituant le cadre de vie d'un
individu.
Atmosphère, ambiance, climat dans lequel on se trouve ; contexte
psychologique, social6.
Dès lors on constate que le sens commun revêt à lui seul une pluralité de
définitions, ce qui ne fait qu’augurer de la complexité de cette notion et lui retire
toute clarté.

Mais qu’en est-il du droit ? Peu de textes juridiques définissent précisément


ce qu’est l’environnement en droit français, l’exemple le plus frappant étant
certainement celui de la charte de l’environnement de 2004. En effet, ce texte
faisant partie du bloc de constitutionnalité français est censé proclamer des droits
constitutionnels ayant fonction de protéger l’environnement, or il n’utilise pas moins
de douze fois ce terme sans jamais le définir. Le Code de l’environnement quant à
lui propose une définition à son article L110-1 :

Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les


sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres
vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce
patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage.
Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la
constitution de ce patrimoine.
On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des
organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres,
marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes
écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des
espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les
interactions entre les organismes vivants7.

Or cette définition est intéressante car révélatrice de la méthode


définitionnelle employée par le législateur. En effet on constate que cette définition
se fait en deux temps :

6 Éditions Larousse, « Définitions : environnement - Dictionnaire de français Larousse », en ligne :


<https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/environnement/30155> (consulté le 19 mars 2019).
7 Article L110-1, Code de l’environnement.

5
Dans un premier temps elle consiste en une énumération des composantes
de l’environnement. On peut s’étonner d’une telle démarche car celle-ci s’analyse
ni plus moins comme une simple liste des éléments protégés mais une telle
définition trouve son utilité. De manière générale ce type de définition permet
d’identifier précisément l’objet de la législation : en indiquant précisément et
clairement ce qui est protégé, le doute n’est plus permis sur l’objet de la protection
légale. De plus, cela possède aussi un intérêt au regard du droit pénal car, comme
indiqué précédemment, le droit pénal est régi par le principe de légalité, dès lors
en vertu de ce principe les éléments constitutifs d’une infraction doivent être
précisément définis par la loi. Cela permet, par là même, leur prévisibilité. En
matière pénale environnementale il faut pouvoir identifier précisément le milieu
atteint afin de savoir si une infraction est constituée ou non, et en cela une
définition par énumération permet précisément de savoir ce qui a été atteint, et ce
qui est objet de protection.

Mais ce type de définition est critiquable car une telle définition est par
nature restrictive et non exhaustive. Son but est par essence de circonscrire une
notion, d’en délimiter les contours. Or en matière de protection légale, définir trop
précisément la notion que l’on tente de protéger peut revenir à la priver
d’effectivité, ou du moins d’efficacité. Car on crée des situations de vide législatif
où tout ce qui n’est pas interdit est autorisé, et donc tout ce qui n’est pas dans la
liste n’est pas protégé. Laisser donc au juge le soin d’interpréter largement -ou
non- la notion d’environnement permet une meilleure réponse juridictionnelle, car
adaptative au cas d’espèce présenté. Ne pas donner au juge de définition trop
restrictive sur laquelle s’appuyer lui permet, lorsqu’il est confronté à une potentielle
infraction, de poursuivre l’intention du législateur sans être pieds et poings liés.

Dès lors on constate que la définition de l’environnement se poursuit dans


un deuxième temps par une définition conceptuelle. Ce type de définition permet
de poser un concept global d’environnement, par l’utilisation de termes plus
généraux comme « la biodiversité » ou la notion de « paysage diurne ou

6
nocturne ». Ce type de définition permet d’englober plus largement toutes les
composantes de l’environnement derrière un mot valise servant à toutes les
désigner. Cela permet de lutter contre l’obsolescence programmée d’une loi qui ne
protégerait que des composantes de l’environnement bien précises, et ne pourrait
s’adapter aux évolutions scientifiques et techniques

Toutefois cela peut poser problème dans la mesure où remplacer des


termes dont on ignore la signification précise, comme celui d’environnement, par
d’autres termes pouvant porter à confusion, on pensera notamment au terme de
biodiversité, bien que le législateur français ait fait un effort dans ce sens pour
définir ce terme dans sa « loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et
des paysages » de 20168 n’aide pas particulièrement à apporter des éléments de
clarté. Il est légitime de se demander si utiliser des termes trop vastes ne serait
pas la porte ouverte à des dérives concernant l’objet de la protection. De plus cette
démarche peut aussi être critiquée dans la mesure où l’on ne peut fonder un code
entier, une charte à valeur constitutionnelle, et diverses lois sur une notion aussi
évanescente.

Dès lors, malgré toutes ces considérations, le juge français doit se contenter
aujourd’hui d’une énumération des composantes de l’environnement ainsi que d’un
concept ouvrant la porte à de possibles débats sur sa réelle signification. A cette
définition de l’article L110-1 du code de l’environnement on peut ajouter l’eau, ainsi
que sa mise en valeur tels que définis à l’article L210-1 du même code 9.

L’environnement, un objet de protection pénale. Le droit pénal quant à


lui n’a pas cherché non plus à définir précisément l’environnement, et s’est
contenté d’une vague mention dans l’article 410-1 du Code pénal :

Les intérêts fondamentaux de la nation s'entendent au sens du présent titre


de son indépendance, de l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de
8 LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,
2016-1087, 8 août 2016.
9 Article L210-1, Code de l’environnement.

7
la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et
de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à
l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et
des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de
son patrimoine culturel10.
Donc si le droit pénal assume le fait que le milieu naturel et l’environnement
doivent être protégés, il évite soigneusement de définir ces notions.

La définition de l’environnement en droit canadien. Le droit canadien de


l’environnement quant à lui procède différemment et définit fréquemment le milieu
protégé dans la loi, ce qui écarte les définitions non juridiques. Pour reprendre
l’exemple des deux lois canadiennes évoquées plus haut, le législateur a préféré
éviter l’ambiguïté en définissant statutairement la notion à l’article 3 de la Loi
canadienne sur la protection de l’environnement :

Ensemble des conditions et des éléments naturels de la Terre, notamment :


1. l’air, l’eau et le sol;
2. toutes les couches de l’atmosphère;
3. toutes les matières organiques et inorganiques ainsi que les êtres
vivants;
4. les systèmes naturels en interaction qui comprennent les éléments
visés aux alinéas 1 à 311.
On remarque par ailleurs que cette définition ressemble fort à la définition du code
de l’environnement, étant une définition par énumération des composantes de
l’environnement assortie de certains éléments de définition conceptuelle,
notamment par le biais de l’expression « systèmes naturels en interaction ».

Au niveau provincial, le Québec s’est lui aussi doté d’une définition dans
l’article 1 paragraphe 4 de sa loi L.Q.E. :

10 Article 410-1, Code Pénal.


11 Article 3, Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33,
<http://canlii.ca/t/6bkss> consulté le 2019-05-13.

8
«environnement» : l’eau, l’atmosphère et le sol ou toute combinaison de
l’un ou l’autre ou, d’une manière générale, le milieu ambiant avec
lequel les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques 12.
Il est par ailleurs intéressant de noter que la définition québécoise est moins
précise que la définition fédérale, ne prenant pas en compte les matières
inorganiques et les êtres vivants, sans être nécessairement restrictive.

Si l’on trace un premier constat vis-à-vis de ces définitions, on se rend


compte que la manière de définir est toujours la même : proposer dans un premier
temps une énumération des composantes de l’environnement pour ensuite
proposer une définition conceptuelle de cette notion. Définition conceptuelle qui
s’appuie bien souvent sur des termes transversaux avec d’autres matières, et qui
provoquent bien souvent une extension du champ d’application des lois de
protection de l’environnement.

Toutefois se limiter à la définition du terme d’environnement serait se limiter


à la première étape du processus juridique de protection de l’environnement. En
effet, pour protéger l’environnement il faut certes définir l’objet de protection, mais
également sur la manière que le droit pénal a de le protéger. Il faut donc ainsi
détailler les atteintes à l’environnement qui sont visées par les lois pénales
environnementales. S’il ne s’agira pas de détailler précisément tous les
comportements qui relèvent des infractions environnementales au sens du droit
pénal, il conviendra plutôt de se pencher sur le degré ou niveau d’atteinte à
l’environnement réprimé par le droit pénal de l’environnement (ex. « destruction,
altération importante, etc.). L’idée n’étant pas de rédiger un essai de droit pénal
spécial sur l’ensemble des infractions environnementales, mais bien de
comprendre de manière générale comment le droit pénal appréhende les
comportements qui nuisent à l’environnement. Il ne s’agira donc pas d’une liste
des comportements réprimés mais bien d’une étude du point commun de toutes
ces atteintes afin de comprendre comment le droit pénal protège l’environnement,

12 article 1 paragraphe 4, Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, en ligne :


<http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/Q-2>

9
et donc, in fine, à quel moment le droit pénal intervient lors d’infractions contre
l’environnement.

En outre il est intéressant de noter que lorsque l’on se penche sur le droit
pénal de l’environnement on constate rapidement qu'il existe plusieurs catégories
d'infractions. En effet, l’élément matériel des infractions environnementales se
trouve dans de nombreuses dispositions législatives et réglementaires
sanctionnant différentes catégories de manquements. Manquements qui prennent
la forme de non-respect des prescriptions administratives, d’atteinte à la qualité de
l’environnement ou encore d’atteinte à la sauvegarde de la nature et des espèces
vivantes. Toutefois, lorsque l'on rentre dans le détail des régimes de protection de
certains éléments on a rapidement affaire à des infractions qui sanctionnent le
non-respect des prescriptions administratives, en revanche les infractions qui font
référence à l'environnement tombent plutôt dans la catégorie des infractions
antipollution, c'est-à-dire des crimes ou délits pénaux. Il s’agira donc dans ce
mémoire de se pencher plus précisément sur ces infractions antipollution, celles-ci
revêtant un intérêt certain d’un point du droit pénal.

Enfin, il convient de noter que du fait des traditions juridiques différentes du


Canada et de la France, le principe de légalité est certes similaire, mais n’est pas
exactement appliqué de la même manière dans ces deux états. Or, ce principe
ayant une importance fondamentale en droit pénal, il s’agit d’en comprendre les
subtilités.

Le principe de légalité. Ce principe est un des grands principes du droit


pénal, duquel procèdent un ensemble d’autres principes tout aussi importants (on
pensera notamment au principe de nécessité, de non-rétroactivité…). Or ce
principe, bien qu’existant aussi bien en France qu’au Canada, possède une
signification légèrement différente dans ces deux pays de tradition juridique
différente, ce qui occasionne par là même des répercussions sur le traitement des

10
infractions environnementales par le droit pénal. Il conviendra donc d’éclaircir les
distinctions concernant le principe de légalité.

Le principe de légalité en France. Le principe de légalité criminelle a été


conçu à l’origine, dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen 13,
comme un rempart contre l’arbitraire. L’idée était de prémunir le citoyen de
l’arbitraire des juges en exigeant une loi préalable à toute condamnation qu’il serait
susceptible de subir. Beccaria lui-même, dans « Des délits et des peines » 14 liait
indissociablement la loi au droit de punir. Dès lors comme l’affirme le professeur
De Lamy :

Le principe légaliste, ainsi affirmé, repose sur deux fondements


particulièrement solides : l'un, politique, tenant à la souveraineté de la loi,
expression de la volonté générale, et qui, seule, a la légitimité permettant
d'asseoir le droit de punir; l'autre, plus philosophique, fait de la légalité
criminelle le moyen d'assurer la mise en œuvre du libre arbitre, d'éviter
l'arbitraire et de garantir l'égalité devant la répression en avertissant chacun
des frontières du permis et de l'interdit. Ce principe de la légalité sous-tend
l'ensemble du droit pénal puisqu'il fonde non seulement le droit pénal
général comme spécial, mais aussi la procédure pénale 15 et le droit des
peines16. 17
Ainsi ce principe de légalité est couramment résumé sous l’adage latin suivant :
« Nullum crimen, nulla poena, sine lege », autrement dit : « nul crime, nulle peine,
sans lois ». Mais ce principe, bien que présent originairement dans la Déclaration

13 Article 8, Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 | Légifrance, le service public de la
diffusion du droit , en ligne : <https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-
des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789> .
14 Cesare BECCARIA, Des délits et des peines, Guillaumin, 1870. Il suffit, pour s’en convaincre, de
reprendre la citation transcrite par le professeur DE LAMY dans son article Dérives et évolution du
principe de la légalité en droit pénal français: contribution à l’étude des sources du droit pénal français
(voir infra note 17) :"les lois seules peuvent déterminer les peines des délits et [le droit de faire des lois
pénales] ne peut résider qu'en la personne du législateur, qui représente toute la société unie par un contrat
social".
15 Raymond GASSIN, « Le principe de la légalité et la procédure pénale », (2001) 300 Revue pénitentiaire et
de droit pénal.
16 Marie-Annick AGARD-PÉANO, « Le principe de la légalité et la peine », Revue pénitentiaire et de droit
pénal 2001.2.
17 Bertrand DE LAMY, « Dérives et évolution du principe de la légalité en droit pénal français: contribution à
l’étude des sources du droit pénal français », (2009) 50-3-4 Les Cahiers de droit 585–609.

11
des Droits de l’Homme et du Citoyen, ne s’est pas contenté d’apparaître dans le
bloc de constitutionnalité. En effet, la Constitution l’a accueilli dans son corps de
texte au sein des articles 34 18 et 3719, et le Code pénal lui-même l’a décliné dans
ses articles 111-220 et 111-321. Ce principe avait acquis tellement d’importance que
Portalis, lors de son discours préliminaire sur le projet de Code Civil avait affirmé :
« en matière criminelle, où il n'y a qu'un texte formel et préexistant qui puisse
fonder l'action du juge, il faut des lois précises et point de jurisprudence » 22.

Si ce principe a aujourd’hui perdu un peu de sa superbe 23, force est


d’admettre que ses conséquences sont encore bien présentes en droit français. En
effet ce principe induit un grand nombre de conséquences, comme par exemple la
prévisibilité de la loi. Mais celle qui nous intéresse dans le cas de ce mémoire est
celle tenant au fait que la loi étant le « seul » mode de détermination des
infractions, elle ne peut être étendue au-delà de l’utilisation qui avait été tracée par
le législateur. Dès lors le juge ne peut pas faire une application extensive d’un
texte de loi, c’est-à-dire qu’il ne peut pas étendre un texte répressif à des
comportements non visés par ce texte, ou par anticipation il ne peut pas pénaliser
un comportement qui ne l’a pas encore été par la loi. Dit plus simplement : le juge
doit se tenir à une interprétation stricte de la loi et non rétroactive. De plus, si le
texte de loi est trop large, trop peu précis, le Conseil constitutionnel peut le
censurer et interdire qu’une disposition répressive soit trop imprécise. Pour s’en
convaincre il suffit de considérer la décision QPC du 4 mai 2012 24: dans cette
décision le Conseil constitutionnel a considéré dans son considérant 5 que le délit

18 Texte intégral de la Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur , en ligne : Conseil constitutionnel


<https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-
4-octobre-1958-en-vigueur> , article 34.
19 Ibid, article 37.
20 Article 111-2, Code pénal.
21 Article 111-3, Code pénal.
22 Jean-Étienne-Marie PORTALIS, « Discours préliminaire sur le projet de Code Civil » [1978] Ecrits et
discours juridiques et politiques Aix en Provence, Presses de l’Université de Aix-Marseille 60–63.
23 Voir sur la question : DE LAMY, supra note 17.
24 Décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012 , en ligne : Conseil constitutionnel <https://www.conseil-
constitutionnel.fr/decision/2012/2012240QPC.htm> .

12
de harcèlement sexuel n’était pas assez précis, ses éléments constitutifs n’étant
pas décrits. Dès lors cet article ne respectait pas le principe de légalité 25.

Principe de légalité en droit pénal de l’environnement. Ce principe de


légalité s’appliquant à l’ensemble du droit pénal, il est normal qu’il s’applique
également à sa branche environnementale. En effet le droit pénal de
l’environnement français est également soumis au principe de légalité criminelle.
Or cette matière particulière s’accommode mal des implications d’un tel principe:

[...]la technique d’incrimination utilisée en matière environnementale


consiste à créer des « incriminations en cascade », le législateur décrivant
de manière imprécise les éléments constitutifs des délits et laissant le soin
au pouvoir exécutif d’en préciser les contours. Une telle technique,
largement employée par le législateur français en matière de protection de
la nature ou d’installations classées, aboutit à des sources à plusieurs
étages, ce qui nécessite, dans un dédale de dispositions disparates, la
recherche de plusieurs textes, à la fois législatifs et réglementaires, qui
constitue l’élément légal de ces délits. Ainsi, quoi de plus complexe qu’un
élément légal à trois ou quatre niveaux, où l’existence de l’infraction est
conditionnée par un texte législatif, un décret d’application, auxquels
s’ajoutent un ou plusieurs arrêtés nationaux voire simplement préfectoraux !
Par exemple, en droit pénal de la nature pour les espèces végétales
protégées, la loi offre un élément légal à quatre niveaux, mettant à rude
épreuve les exigences de clarté et de précision imposées au législateur par
le principe de légalité. L’existence de l’infraction sera conditionnée par le
texte législatif incriminant les comportements et activités interdits à l’égard
de ces végétaux (article L. 411-1 du Code de l’environnement), par le décret
d’application de la loi venant définir la notion d’« espèce protégée » et par
les arrêtés, l’un national, les autres régionaux, fixant la liste de ces espèces
protégées par la loi26.

25 Ibid, le considérant exact étant le suivant : « Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 222-
33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments
constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaissent le
principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; » .
26 Véronique JAWORSKI, « L’état du droit pénal de l’environnement français : entre forces et faiblesses »,
(2009) 50-3-4 cd1 889-917, DOI : https://doi.org/10.7202/039344ar, para 25.

13
Dès lors il devient complexe d’appliquer strictement la loi pénal tant celle-ci
peut être imprécise et peu claire. De même, cela est renforcé par le fait que cette
technique de renvoi à d’autres textes entraîne des concours idéaux de
qualification, c’est à dire plusieurs qualifications pénales possibles pour une seule
infraction, entre des délits législatifs et des contraventions réglementaires
applicables à un même comportement :

À titre d’exemple, pour les arrêtés de biotopes en vue de protéger le milieu


d’une ou plusieurs espèces protégées, la qualification est délictuelle au
sens de la loi Nature, mais le décret d’application de cette loi en fait une
simple contravention. Il en est de même pour les prises de son et les
chasses photographiques qui constituent à la fois des délits selon la loi et
des contraventions dans le décret d’application 27.
Pour résoudre ce conflit de qualification les juges français choisissent
généralement la plus forte incrimination pénale et donc le délit plutôt que la
contravention28.

Le principe de légalité en droit pénal canadien. Dans son assertion la


plus large, le principe de légalité s’entend de l’ensemble des dispositions et
principes du droit pénal, ainsi qu’aux procédures et institutions qui l’appliquent 29.
Ce principe signifie que personne ne sera puni à moins qu’une loi ne prévoie une
pénalité. Au Canada ce principe est également synthétisé par l’adage latin
précédemment évoqué : « nullum crimen, nulla poena, sine lege. » L’idée
véhiculée par ce principe est donc d’offrir au citoyen une plus grande protection en
limitant l’arbitraire des officiers de l’État. Mais si ce construit paraît évident
actuellement, il procède d’un processus beaucoup plus tardif qu’en France. En
effet, le Canada étant un pays historiquement de Common Law, les juges, sur le
modèle anglais, avaient traditionnellement le pouvoir de créer des infractions

27 Ibid, paragraphe 28.


28 Cass, Crim 12 juin 1996, Dr env 1997.47.11, obs Robert, Revue de science criminelle et de droit pénal
comparé 1997.389, obs Robert, .
29 Gisèle CÔTÉ-HARPER, Pierre RAINVILLE et Jean TURGEON, Traité de droit pénal canadien, 4ème ed,
Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1998, p 85.

14
criminelles. Puis ce paradigme s’est peu à peu inversé, et le Canada s’est
désolidarisé des influences anglaises, à tel point que dans les années 50 le pays
arrive au même constat que les États-Unis : toutes les infractions ont une origine
légale, d’où le concept de « statutory law »30. Le juge Cartwight rappelait à ce titre
que « si une conduite doit être incriminée, alors qu’elle ne l’a pas encore été, une
telle création doit être faite par le Parlement et non par les juges » 31. Il y avait donc
là une consécration du principe de légalité.

D’un point de vue des sources ce principe est reconnu indirectement par
l’article 6(1)32 du Code criminel (indirectement car celui-ci n’affirme pas
explicitement qu’une infraction doit être crée par une disposition législative, mais
cela se déduit de sa formulation), et par l’article 9 du même Code, celui-ci
indiquant que « nul ne peut être déclaré coupable […] des infractions suivantes : a)
une infraction en common law [...] »33. Néanmoins, il est intéressant de noter que
ce principe est garanti constitutionnellement à l’article 11g) de la Charte
canadienne des droits et libertés 34. Ce principe canadien de légalité criminelle
s’accompagne par ailleurs lui aussi des principes de nécessité, de non-
rétroactivité, ainsi que de certitude, de précision et de spécificité suffisante 35.

30 Jean PRADEL, Droit pénal comparé, 4ème ed, Paris, Dalloz, 2016, page 839.
31 Frey v. Fedoruk, [1950] RCS, 517 .
32 Code criminel, Article 6(1) :
6 « (1) Lorsqu’une disposition crée une infraction et prévoit une peine à son égard :
a) une personne est réputée ne pas être coupable de l’infraction tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable de
l’infraction ou tant qu’elle n’en a pas été absoute en vertu de l’article 730;
b) une personne qui est déclarée coupable d’une telle infraction ou qui en est absoute en vertu de l’article 730
n’encourt à son égard aucune autre peine que celle que prévoit la présente loi ou la disposition qui crée
l’infraction. »
33 Code criminel, Article 9 :
« Nonobstant toute autre disposition de la présente loi ou de quelque autre loi, nul ne peut être déclaré
coupable ou absous en vertu de l’article 730 des infractions suivantes :
a) une infraction en common law; [...] »
34 Charte Canadienne des droits et libertés, article 11 : « Tout inculpé a le droit :
g) de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle est
survenue, ne constituait pas une infraction d’après le droit interne du Canada ou le droit international et
n’avait pas de caractère criminel d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des
nations; »
35 Pour ces éléments, voir en détail CÔTÉ-HARPER, RAINVILLE et TURGEON, supra note 29, page 83.

15
Dès lors ce principe de légalité ne parait pas très différent de celui appliqué
en France, et on peut réellement se demander ce qui les distingue car distinction il
y a.

La distinction dans l’application du principe de légalité en France et au


Canada. La particularité du principe de légalité criminelle canadien tient en réalité
au concept d’interprétation de la loi, et l’appréciation de la clarté d’un texte. En
effet, comme vu précédemment, le droit français affirme un principe d’interprétation
stricte de la loi pénale, dès lors le juge ne possède que très peu de liberté quant à
l’exercice d’interprétation de la loi. Cela est également le cas pour son homologue
canadien. Mais si les tribunaux canadiens n’ont certes pas le droit de créer
d’autres infractions, ou encore le droit de remettre en vigueur d’anciennes
incriminations provenant de la Common Law 36, ils ont le devoir d’interpréter la loi
afin d’en éclaircir les zones d’ombres. S’il est dangereux que les tribunaux
étendent des infractions à des cas non prévus par les textes de lois, cela ne les
empêche pas d’interpréter et d’éclaircir les textes en question lorsqu’une
incertitude se présente. Et ce pouvoir d’interprétation peut être relativement
important, étant très rare qu’au Canada un texte de loi soit invalidé pour
imprécision, comme cela peut l’être en France. Mais lorsque le juge canadien
interprète une loi il faut qu’il le fasse en recherchant l’intention du législateur, ce qui
est également le cas du juge français, donc on ne perçoit pas réellement de
différence.

En réalité le juge canadien ne peut interpréter que lorsqu’un texte de loi est
flou et peu clair. Or c’est là que réside la différence avec le principe de légalité
français. Car le législateur français a l’obligation de créer des textes de lois précis,
là où le législateur canadien a plus de latitude. Dès lors si les principes
d’interprétation restrictive sont les mêmes dans les deux systèmes juridiques

36 Sur la question voir : Ibid, page 80. De même voir les arrêts : R. c. Hinchey, [1996] 3 RCS. 1128 ; R. c.
Sullivan, [1991] 1 RCS. 489.

16
français et canadien, en réalité la différence provient de la manière que l’on a
d’apprécier le caractère flou ou peu clair d’un texte de loi. Car un texte de loi
canadien pourra être beaucoup plus large qu’un texte français sans être invalidé,
le juge étant là pour l’interpréter. Si les principes sont les mêmes, en réalité la
notion même de « flou » n’est pas appréciée de la même manière, ce qui impacte
directement le pouvoir d’interprétation du juge.

Dès lors, compte tenu de l’ensemble de ces observations ce mémoire a


pour tâche de répondre à la question générale suivante : tout en portant un regard
comparatiste sur le droit français et le droit canadien, quelle est l’appréhension par
le droit pénal de la notion d’environnement, aussi bien au sens de sa définition que
des atteintes qu’il interdit ?

La (les) question(s) de recherche :

Afin d’apporter une réponse concrète à cette question, nous devrons au


préalable répondre aux trois questions de recherche suivantes :

1) Quels sont les éléments de définition et de réflexion, issus des travaux en droit
de l’environnement, permettant d’appréhender cette notion ?

2) Une fois la détermination de cette notion générale d’environnement réalisée, il


paraît légitime de se demander : ces éléments de définition sont-ils transposables
en droit pénal, ou celui-ci appréhende-t-il cette notion différemment ?

3) Sinon, quels sont les critères d’intervention du droit pénal en matière de droit de
l’environnement ?

La (les) hypothèse(s) de travail :

17
En réponse anticipée à ces questions de recherche nous énonçons
l’hypothèse qu’aussi bien en droit français qu’en droit canadien, le droit pénal
n’utilise pas de définition spécifique de la notion d’environnement. En effet,
l’environnement au sens du droit administratif ou civil jouit d’une définition
permettant une protection étendue car englobant tout un ensemble de
comportements. La protection de l’environnement ne consiste donc pas
simplement à interdire purement les comportements répréhensibles, il peut s’agir
également de fixer des seuils légaux en dessous desquels les justiciables sont
autorisés à relâcher de potentiels polluants. Et le droit pénal réemploie la même
définition, tout en venant sanctionner d’une peine l’irrespect de ces
réglementations. On se retrouve donc très souvent dans une situation certes très
pratique d’un point de vue législatif mais peu satisfaisante d’un point de vue de
légistique pénale. En effet, l’idée derrière ce type d’incrimination est d’assortir une
interdiction administrative d’une sanction pénale en cas de non-respect. Le droit
pénal devient donc un instrument utilisé en dernier recours après le droit
administratif. Cette méthode est pratique car elle permet de créer beaucoup
d’incriminations rapidement, mais elle ne satisfait pas réellement au principe
d’incrimination traditionnelle en matière pénale.

Mais force est de constater que si le droit pénal n’appréhende pas la notion
d’environnement différemment dans sa définition, il le fait dans la nature des
atteintes qu’il réprime, ainsi que la gravité des sanctions. En effet, le droit pénal est
considéré comme l’ultima ratio, l’ultime instrument que possède le droit afin de
protéger les valeurs fondamentales. Or en tant que tel le droit pénal ne doit pas
être utilisé trop souvent et à tort et à travers auquel cas son objet serait dévoyé, et
son utilité amoindrie. Dès lors le droit pénal n’intervient que pour des
comportements particulièrement graves, assortis de peines telles qu’elles obligent
le juge à être particulièrement prudent dans leur prononcé. En effet les peines des
lois pénales environnementales pouvant être plus restrictives de liberté car pour le
coupable que de simples amendes administratives, certaines infractions étant

18
sanctionnées par de l’emprisonnement, le juge doit être plus consciencieux dans
leur application.

L’intérêt de la recherche :

L’intérêt de cette recherche repose autant sur sa pertinence juridique que


scientifique. D’une part, cette étude pénale de la notion d’environnement est
provoquée par la multiplication, du fait des nouvelles avancées technologiques,
des moyens d’atteindre à l’environnement. Il est vrai que suite aux progrès en
matière de nouvelles technologies, de recherche en matière d’énergie, et des
progrès techniques et scientifiques en général, les manières de polluer
l’environnement se sont multipliées. Donc mieux comprendre ce que l’on souhaite
protéger, permettrait de suivre tous ces progrès tout en ayant une idée claire de ce
que le droit doit faire entrer -ou non- dans son giron.

De même, force est de constater que la définition de l’environnement passe


souvent par l’emploi de termes périphériques et non nécessairement synonymes :
les expressions de « biodiversité », de « développement durable » intervenant
fréquemment, et venant étendre le domaine de protection. Employer de tels termes
n’est pas sans conséquence, ceux-ci pouvant désigner une réalité scientifique qui
n’était pas forcément visée par le législateur lors de la promulgation des lois
pénales environnementales. Dès lors, se pencher sur l’évolution de la définition de
l’environnement, et le sens profond des termes employés permettrait d’apporter
une certaine clarté dans une matière imposante et dispersée.

Enfin notre étude comparée est l’occasion non seulement de permettre des
observations sur les droits pénaux environnementaux franco-canadiens, mais
aussi d’apporter de véritables recommandations de réformes en la matière. Cela
permettrait en particulier au droit français et au droit canadien d’être enrichis par

19
leurs apports respectifs dans ce domaine, et par là même de clarifier et harmoniser
la protection pénale de l’environnement.

La méthodologie :

Afin d’étayer cette étude, il s’agira de procéder à différents types de


recherche et d’avoir recours à différentes approches méthodologiques.
L’ensemble de cette démonstration relèvera à la fois de l’analyse exégétique
traditionnelle, de la théorie du droit et enfin d’une solide approche comparatiste.

Exégétique car il s’agira d’étudier dans le détail les textes législatifs


s’intéressant à la notion d’environnement, aussi bien de manière générale qu’en
droit pénal spécifiquement. De même, l’étude poussée de la jurisprudence et de la
doctrine pertinente nous permettra d’explorer de façon détaillée la définition utilisée
par les tribunaux en matière d’environnement lorsqu’ils sont confrontés à un litige
pénal. Nous nous intéresserons aux décisions des tribunaux de première instance,
bien que celles des tribunaux supérieurs (Cour suprême canadienne, Cour de
cassation et Conseil constitutionnel français) seront étudiées avec plus d’attention
du fait de leur portée plus importante. Cette étude concrète de la pratique judiciaire
nous permettra de constater si les tribunaux appliquent stricto sensu la définition
statutaire de la notion d’environnement, ou s’ils l’a font évoluer en fonction du cas
d’espèce traité. De même, cela permettra de vérifier quels sont les critères que les
tribunaux emploient afin de faire intervenir la protection pénale. L’approche
comparatiste permettra de vérifier comment les pratiques françaises et
canadiennes appréhendent judiciairement cette notion.

L’ensemble du mémoire sera traversé par une approche herméneutique afin


de déterminer si la méthode d’interprétation employée par les tribunaux pénaux
pour appréhender la notion d’environnement, est conforme aux principes
d’interprétation en matière de droits fondamentaux, et plus précisément en matière

20
de droit de la défense. Cela permettra également de mettre en balance la
protection de l’environnement avec les autres droits fondamentaux afin de
déterminer sa place dans l’équilibre constitutionnel.

Enfin, une proposition réformiste sera proposée à deux égards : il s’agira


non seulement de faire évoluer la notion canadienne « d’environnement » et son
appréhension par le droit pénal pour en gommer les lacunes, mais également
d’harmoniser et clarifier le régime français de protection pénale de
l’environnement.
Cela aura donc pour but de faire évoluer les deux systèmes juridiques vers une
meilleure protection pénale de l’environnement, malgré un point de départ différent
pour chacun d’eux.

Le plan de la démonstration :

Ce mémoire comportera deux grandes parties. Bien entendu les situations


canadienne et française seront étudiées conjointement dans chaque partie, et ne
feront pas l’objet de développements isolés.

La première partie de la démonstration consistera à étudier la notion


d’environnement au travers de sa définition, et les écueils rencontrés. Il s’agira
donc d’étudier dans le détail dans une première sous-section la définition par
énumération ainsi que les défauts et vides juridiques qu’un tel procédé peut
engendrer, pour tenter ensuite de circonscrire la définition conceptuelle de la
notion d’environnement. Puis il conviendra d’étudier les nouveaux termes
employés en matière d’environnement, et notamment leur signification en termes
de protection pénale. Cette étude détaillée de la définition de l’environnement se
fera ainsi par l’étude des textes généraux de droit de l’environnement, mais aussi
au travers de la matière pénale. Il s’agira ainsi de confronter la définition employée
par le droit pénal à celle employée par le droit de l’environnement de manière

21
générale. Confrontation qui permettra de mettre en exergue les insuffisances et les
domaines où une réforme serait nécessaire.

La deuxième partie de la démonstration consistera à étudier l’intervention


du droit pénal en droit de l’environnement au travers des atteintes réprimées. En
effet, ces atteintes et notamment leur gravité, leur durée, ou encore le lien de
causalité entre la faute et le dommage, constituent majoritairement le critère
d’intervention du droit pénal en la matière. Leur étude participe donc à la démarche
d’appréhension globale de la notion d’environnement par le droit pénal. Il s’agira
ainsi d’étudier les critères déterminant l’intervention du droit pénal en matière
environnementale avant de se pencher sur le risque d’inefficience que cela
provoque dans ce régime. En effet, ces critères, s’ils permettent de respecter les
grands principes pénalistes de proportionnalité et de légalité, risquent d’offrir trop
peu de souplesse en pratique pour que le régime soit efficace et efficient. Cette
réflexion permettra en outre d’ouvrir la porte à des propositions réformistes en la
matière.

22
Partie 1 : La définition de l’environnement et ses écueils

Afin de comprendre comment le droit pénal appréhende la notion


d’environnement, il faut au préalable comprendre ce qu’est l’environnement. Pour
cela, il s’agit non seulement d’étudier la notion d’environnement au sens du droit
de l’environnement de manière générale, pour ensuite se pencher sur les
spécificités, s’il y en a, de cette notion au regard du droit pénal. Toutefois, il s’agira
de réaliser cette étude en découpant le processus définitionnel qui entoure la
notion d’environnement en deux parties. Dans un premier temps nous nous
intéresserons à ce qui compose l’environnement au travers de sa définition par
énumération (Chapitre 1), pour se pencher ensuite sur la définition conceptuelle de
cette notion (Chapitre 2) censée compléter l’énumération.

Précision terminologique : distinction entre le droit pénal et le droit


criminel. Avant toute chose, il convient de préciser dans le cadre de ce mémoire
en droit comparé entre la France et le Canada que le terme de « droit pénal » ne
revêt pas la même signification entre les deux pays. En effet, le droit français
utilise le terme de droit pénal pour toute loi prévoyant une sanction pénale, tandis
que le droit canadien distingue entre le « droit criminel » et le « droit
pénal réglementaire »37. En droit canadien « le droit pénal est une sphère du droit
qui traite des comportements nuisibles pour l'ensemble de la société (les
infractions) et qui prévoit des peines en cas de non-respect de celles-ci (les
sentences) tandis que le droit criminel est issu principalement du Code criminel et
il traite des comportements les plus graves »38. Les lois envisagées dans la suite
de ce développement ne se limiteront pas au droit criminel et prendront en compte

37 Voir sur la question : Gisèle CÔTÉ-HARPER, Pierre RAINVILLE et Jean TURGEON, Traité de droit pénal
canadien, Éditions Yvon Blais, 1998 page 10.
38 « Capsules d’information juridique - Trouver une ressource juridique - Services aux citoyens - SOQUIJ »,
en ligne : <https://soquij.qc.ca/fr/services-aux-citoyens/complements-d-information/capsule-
educaloi/880> .

23
le droit pénal dans son sens le plus large, le droit de l’environnement ne relevant
exclusivement pas ni de l’un ni de l’autre, mais bien alternativement des deux.

24
Chapitre 1 : La définition par énumération

L’environnement est une notion plurielle en évolution permanente. De sa


naissance dans les années 70 aux plus récentes lois le protégeant, sa définition et
sa composition n’ont cessé d’évoluer. Tel que le résume Jacques-Henri Robert :

Le mot et le concept d’environnement sont nés d’une nouvelle


représentation que l’homme s’est donnée de ses rapports avec le monde
physique. Cela est arrivé après que la science eut montré comment les
différentes choses qui composent la planète entretiennent entre elles et
avec l’espèce humaine des relations qui échappent à l’observation
empirique mais sont nécessaires à l’équilibre général et à la survie de
l’homme : le régime des rivières a un effet sur le climat, qui influe sur la
croissance des végétaux et le nombre des animaux vivants, dont dépend
l’alimentation de l’homme. […] L’environnement ayant ainsi été compris,
scientifiques et amateurs entreprirent de chercher quelles actions de
l’homme le dégradaient, par quels phénomènes physiques ces dommages
arrivaient et quels futurs devaient être redoutés : ces changements
indésirables furent dénommés nuisances, ou dommages écologiques. C’est
ainsi que les juristes furent sollicités39.

Et lorsqu’on a demandé au législateur de codifier la protection de


l’environnement, et donc de le définir, son premier réflexe a été d’en énumérer les
composantes. Cette démarche trouve une certaine logique, car lorsque l’on aborde
une notion aussi vaste et tentaculaire que celle d’environnement, le premier réflexe
que l’on a est de la circonscrire. Poser des limites permet à la fois de mieux
appréhender ce que l’on doit protéger, mais aussi ce que l’on ne doit pas protéger.
S’il paraît logique de protéger l’eau des rivières ou des nappes phréatiques ainsi
que sa qualité de manière globale, après tout, ce n’est qu’un élément nécessaire à
notre survie, il paraît moins logique de protéger l’eau des piscines. Car si on
appliquait la même protection à l’eau des piscines on ne pourrait les chlorer et leur
utilité en serait amoindrie. Établir une liste avec un certain niveau de détail devient

39 Jacques-Henri ROBERT et Martine RÉMOND-GOUILLOUD, Droit pénal de l’environnement, Masson, coll


Droit pénal des affaires, Paris, 1983, page 27.

25
donc utile mais en réalité proprement infaisable, une telle exhaustivité étant
difficilement possible lors d’une opération de codification. Dès lors la démarche
privilégiée par le législateur est fréquemment la suivante : non seulement il pose
une définition par énumération, mais il la complète ensuite par une définition
conceptuelle censée en préciser la portée. En nommant ainsi les catégories
principales, il offre au juge, lorsqu’il est confronté à une infraction, la possibilité de
faire correspondre ou non cette infraction à une énumération particulière.

Il s’agira donc dans cette première partie de contextualiser les différentes


énumérations qu’invoque le législateur, à commencer par celle de « milieux
physiques et espaces naturels ».

I/ Les milieux physiques et les espaces naturels

Une catégorie regroupant les éléments principaux. Lorsque l’on étudie


les lois de protection de l’environnement on constate rapidement que les mêmes
catégories reviennent fréquemment. En effet, le code de l’environnement français,
dans son article L110-1 précité, protège « Les espaces, ressources et milieux
naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la
qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité ». A ceux-là s’ajoutent « [l]es
processus biologiques, les sols et la géo-diversité » 40.

Si l’on s’en tient dans un premier temps aux éléments rapidement


identifiables dans cette définition, on retient particulièrement « les espaces,
ressources, milieux naturels terrestres et marins ». Ces éléments sont relativement
clairs : on protège les grands espaces naturels, le sol, la mer, et toutes les
ressources qu’ils peuvent nous fournir.

Conséquence de l’utilisation du terme « ressource ». La mention de ce


terme est intéressante dans la mesure où elle révèle une vision anthropocentriste
40 Article L110-1, Code de l’environnement.

26
de la définition de l’environnement : on protège ce qui est utile à l’espèce humaine
dans son développement. Un arbre n’est donc pas protégé du simple fait que c’est
une espèce vivante, mais bien parce qu’il peut nous fournir du bois. Ce constat fait
dire à l’écologiste Aldo Léopold :

La gestion actuelle des ressources naturelles nous conduit à une impasse...


Nous maltraitons la terre parce que nous la considérons comme une
marchandise en notre possession. Le jour où nous la percevrons comme
une communauté dont nous sommes membres, nous la traiterons avec
amour et respect41.
La sanction pénale des actes de pollutions vise donc les atteintes que l’on fait aux
ressources présentes dans le milieu et qui en freinent donc notre exploitation, et ne
visent pas fondamentalement à protéger le milieu lui-même. Selon la philosophe
Marie-Hélène Parizeau, cela procède d’une vision très occidentale de
l’environnement :

Les anthropologues, et en particulier Philippe Descola, montrent bien que


les sociétés humaines ont différentes représentations de la nature. Ce
concept est construit socialement, représente la forme de l’extériorité pour
une société donnée, à un moment donné. Certaines populations
autochtones, au Brésil en particulier, n’ont pas vraiment d’idée de la nature.
Ils en font partie et ils ne la conçoivent pas comme une extériorité. […]
Beaucoup d’ouvrages en éthique de l’environnement ou du mouvement
écoféministe montrent que la modernité occidentale repose sur la mise à
distance de la nature dans un rapport d’objectivation scientifique et de
manipulation technique. On veut arracher les secrets de la nature et, pour y
arriver, il faut la faire mourir en quelque sorte. Cette violence faite à la
nature permet ensuite de la manipuler en utilisant ses lois. Notre civilisation
est technicisée. Elle transforme et utilise la nature comme un fonds
disponible42.

41 Aldo LEOPOLD, A Sand County almanac, and sketches here and there, Outdoor Essays & Reflections,
1989, traduction par Nguyen VINH-DE, dans « Qu’est-ce que l’éthique de l’environnement? » (1998) 9:1
Horizons philosophiques 87–107 .
42 « La philosophe Marie-Hélène Parizeau sur les rapports de l’Occident à la nature », en ligne : Le Devoir
<https://www.ledevoir.com/societe/environnement/500382/la-philosophe-marie-helene-parizeau-sur-les-
rapports-de-l-occident-a-la-nature> ; Pour plus de détails lire : Marie-Hélène PARIZEAU « Biodiversité et
représentations du monde: enjeux éthiques » - La biodiversité. Tout conserver ou tout exploiter, 1997.

27
Une construction législative pyramidale. Mais si la nature est
régulièrement envisagée comme une ressource, le législateur prévoit de la
protéger d’une surexploitation abusive, et ce en détaillant les différents milieux
risquant d’être pollués. Il suffit pour s’en rendre compte de reprendre l’étude du
Code de l’environnement français : on constate que le législateur est parti de ce
qui semble le plus évident comme faisant partie de l’environnement (eau, terre, air)
pour ensuite aller vers tout ce qui est plus complexe à appréhender mais qu’il
semble nécessaire d’appréhender car étant des enjeux d’avenir (OGM,
déchets…) : le législateur a décidé dans le Livre II du Code de l’environnement de
protéger les milieux physiques, à savoir l’eau, ainsi que l’air et l’atmosphère, pour
protéger dans le Livre III les espaces naturels (littoral, les parcs et réserves, les
sites et monuments naturels, les paysages remarquables…). Le Livre IV quant à
lui est dédié à la protection du patrimoine naturel (faune et flore), là où le Livre V
protège l’environnement contre les pollutions et les risques de nuisance. En réalité
cette dernière catégorie est bien éclectique car regroupant de manière hétérogène
les substances chimiques, les OGM, les déchets, les nuisances sonores, la
publicité…

Dans cette démarche pyramidale, les axes principaux et fondamentaux


visés par le législateur ne sont pas critiquables car il paraît logique de protéger la
mer, la terre ou bien encore l’air. Bien que ces notions recèlent elles aussi leur lot
d’interrogations.

En cela le législateur canadien ne s’est pas distingué de son homologue


français. En effet, si l’on se penche sur la Loi canadienne sur la protection de
l’environnement, son article 3 précise bien que l’environnement est composé par
« l’air, l’eau et le sol; toutes les couches de l’atmosphère; toutes les matières
organiques et inorganiques ainsi que les êtres vivants »43. On définit ici par ce qui
compose l’environnement. Composition qui se veut la plus complète possible en

43 Article 3, Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33,

28
faisant mention des matières organiques et inorganiques, ainsi que des êtres
vivants.

Enfin, le législateur québécois, dans la Loi sur la qualité de l’environnement,


et notamment dans son article 1 fait lui aussi mention de « l’eau, l’atmosphère et le
sol »44.

Dès lors, ces éléments revenant fréquemment dans les lois de protection de
l’environnement, il convient d’étudier plus en détail ce qu’ils regroupent en leur
sein. L’étude des points suivants permettra en outre de mettre en exergue le fait
qu’une notion en apparence simple et identifiable en droit de l’environnement peut
toutefois faire l’objet d’une certaine complexité.

A/ L’EAU

Une notion en apparence identifiable. L’eau est historiquement l’une des


premières ressources naturelles à avoir été protégée par le droit, aussi bien en
France qu’au Canada. Si sa place parmi les objets de protection du droit de
l’environnement et du droit pénal de l’environnement n’a jamais été contestée, la
perception que l’on avait de sa nature en tant qu’objet de protection a évolué. En
effet l’eau a d’abord été perçue en France comme objet de droit subjectif, étant la
propriété de la Couronne avant même l’avènement du Code Civil. La législation de
l’Ancien Régime faisant même état de « Règlements d’eau »45. Puis, dès la
création du Code Pénal français de 1810, l’eau a été considérée comme « faisant
partie du patrimoine de la nation »46, ce qui lui a permis de prendre sa place parmi
les ressources vitales et universelles nécessaires au développement de
l’Humanité. L’eau n’a plus été considérée comme une ressource infinie et

44 Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, en ligne :


<http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/Q-2>.
45 Pour de plus amples détail, voir : Dominique GUIHAL, Jacques-Henri ROBERT et Thierry FOSSIER, Droit
répressif de l’environnement, 4ème édition, coll Economica, Paris, 2016, page 345.
46 Article 410-1, Code Pénal.

29
inépuisable, mais bien comme un « bien rare et fragile, un trésor qu’il faut savoir
protéger et gérer »47.

Un régime de protection éclaté. Et cet état de fait s’est ressenti au niveau


de la législation. En effet, l’eau était originairement protégée dans le cas de la
France par des réglementations différentes selon qu’elle soit douce ou salée,
superficielle ou souterraine, sur le domaine public ou non. On retrouve nombre de
dispositions aussi bien dans des règlements administratifs que dans le Code rural
et de la pêche maritime, dans le code pénal pour le délit de pollution de l’eau, dans
le code général des propriétés des personnes publiques, dans le code des
collectivités territoriales, le code de la santé publique pour les eaux de baignade...
Dès lors, doter cette ressource d’un régime unifié et harmonisé est devenu un
enjeu d’avenir afin d’en optimiser la protection.

Si l’on essaie de brosser un tableau général de la protection juridique de


l’eau d’un point de vue pénal, il convient de constater que la plupart des infractions
pénales de base concernant l’eau sont des contraventions qui font généralement
suite aux règles administratives qu’elles sanctionnent. Cette assertion est par
ailleurs vraie aussi bien pour le droit français que canadien. Le droit pénal de l’eau
n’est en effet qu’un droit accessoire du droit administratif et n’intervient qu’en
réponse à une violation d’une réglementation administrative préexistante 48.

47 « Rapport fait au nom de la Commission de la Production et des Échanges sur le projet de loi, adopté par
le Sénat, sur la répartition, la police et la protection des eaux ; N° 2381 », en ligne :
<http://www.side.developpementdurable.gouv.fr/EXPLOITATION/DEFAULT/doc/IFD/I_IFD_REFDOC
_0073469/rapport-fait-au-nom-de-la-commission-de-la-production-et-des-echanges-sur-le-projet-de-loi-
adopte-pa> .
48 Sur le sujet voir : Catherine ROCHE, Le droit pénal, de l’eau douce à l’eau salée (2014) Volume
39:HS01 Revue juridique de l’environnement 157-170. Également, on peut noter le cas de l’arrêt
canadien R c. Sault-Ste-Marie, qui, aux pages 1302 et 1303 affirme : «Ces infractions ne sont pas
criminelles au plein sens du terme, mais sont prohibées dans l’intérêt public. (Sherras v. De Rutzen[3])
Bien qu’appliquées comme lois pénales par le truchement de la procédure criminelle, ces infractions sont
essentiellement de nature civile et pourraient fort bien être considérées comme une branche du droit
administratif à laquelle les principes traditionnels du droit criminel ne s’appliquent que de façon limitée.
Elles se rapportent à des questions quotidiennes, telles les contraventions à la circulation, la vente de
nourriture contaminée, les violations de lois sur les boissons alcooliques et autres infractions semblables.
Le présent pourvoi a pour objet la pollution. » Il y a donc affirmation par la Cour suprême de la nature
quasi administrative des infractions de pollution de l’eau.

30
D’autre part, la distinction qu’opérait le législateur entre le régime de l’eau
douce et celui de l’eau salée explique en partie la complexité du régime de
protection de l’eau. Si les formulations actuelles prennent généralement la forme
d’assertion telle que « Eaux ainsi que milieux aquatiques et marins » pour les
unifier sous une même bannière, ce n’était traditionnellement pas le cas. Et cette
distinction trouvait une logique fondamentale, dans le fait que l’eau douce étant
une ressource immédiate et consommable, sa pollution était plus grave que l’eau
salée, dont la pollution n’était appréhendée qu’au travers des conséquences sur la
faune marine. Si ces distinctions n’existent plus en l’état, depuis l’effort d’unification
à la création du Code de l’environnement, la différence de régime entre l’eau
douce et l’eau salée peut encore avoir des conséquences dans notre droit actuel.
Pour s’en convaincre il suffit de prendre l’exemple du droit pénal français. Comme
l’indique Catherine Roche :

Le milieu marin placé sous juridiction française présente du point de vue de


cette étude la particularité d’être lié d’un côté à la terre et de l’autre à la mer.
Le principe d’unité de la ressource [entre le traitement de l’eau salée et de
l’eau douce] ne peut s’appliquer au milieu marin que pour les pollutions ou
activités venant de la terre, et si les nouveaux usages de la mer entraînent
une multiplication des risques de pollution (énergies renouvelables marines
par exemple), les règles sont définies en référence à celles applicables sur
terre. Le couple droit administratif-droit pénal s’y retrouve alors (IOTA …).
En revanche, on ne retrouve pas ce couple administratif-pénal pour les
pollutions marines par hydrocarbures provenant des navires. D’un côté le
milieu marin est traité comme l’eau douce, de l’autre il fait l’objet d’une
exclusivité ; ainsi la lutte contre la pollution tellurique relève à la fois des
dispositions relatives au milieu aquatique (art. L. 211-2 à 5 C. env.) et de
celles relatives à la pollution des eaux salées par rejets (art. L. 218-73 à 80
C. env.).
Concernant la pollution venant de la mer, les règles sont forcément
spécifiques. Ici le droit pénal prend les rênes, le droit administratif répressif
n’étant pas présent sur la question environnementale concernant les
pollutions par les hydrocarbures (ni d’ailleurs pour les autres types de
pollution provenant des navires : déchets, produits chimiques…). Le droit
pénal est venu à la rescousse des systèmes de responsabilité civile et non
pas en complément du droit administratif49.

49 Ibid, passage entre crochets ajoutés afin de clarifier le sens du paragraphe pris indépendamment du
développement global.

31
De plus la France et le Canada étant tous les deux cernés par des océans et des
mers, le régime de protection de l’eau pose également des questions de
compétence territoriale.

La protection de l’eau : un problème de compétence territoriale. En


effet, le droit pénal est un droit territorial, dès lors il ne couvre que le territoire
national. Or en matière de territoire maritime, nous savons depuis la Convention de
Montego Bay du 16 novembre 1973 que la mer territoriale est une bande de 12
miles marins, c’est-à-dire 22,25 kilomètres, comprise entre la terre et une ligne
imaginaire parallèle à la côte50. Le droit répressif de l’environnement ne devrait
donc trouver à s’appliquer que pour les pollutions exercées dans cette bande de
12 miles marins, et donc dans la zone de juridiction du droit national. Mais la
pollution ne se limite pas aux frontières géographiques, et la question de la
compétence en cas de pollution en dehors des eaux territoriales s’est encore
posée ces dernières années en France avec le naufrage de l’Erika, car dans ce
cas précis, l’acte de pollution avait eu lieu en dehors des eaux territoriales
françaises, mais avait eu des conséquences sur le territoire français. Dans son
volet pénal cette affaire a eu à déterminer si la France était compétente pour
sanctionner de manière pénale cette pollution des eaux de la mer. En effet dans
son arrêt du 25 septembre 2012 la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur la
question de la compétence française, et a notamment affirmé que « En application
de l’article 113-12 du Code pénal « la loi française est applicable aux infractions
commises au-delà de la mer territoriale, dès lors que les conventions
internationales et la loi le prévoient » »51, la Cour de Cassation visant la
Convention Marpol pour étendre la compétence française sur la question. Or cette

50 « Convention des Nations Unies sur le droit de la mer Montego Bay, 10 décembre 1982 », en ligne :
<https://treaties.un.org/pages/ViewDetailsIII.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXI-
6&chapter=21&Temp=mtdsg3&clang=_fr> (consulté le 16 mai 2019).
51 Cass, Crim, 25 septembre 2012, 10-82938, Publié au bulletin, [2012], en ligne :
<https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?
oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000026430035&fastPos=1> .

32
démarche n’est pas anodine car la convention Marpol ne permettait pas en tant
que tel une réelle extension de la compétence française, et les règles du droit
international privilégiaient plutôt l’État maltais, État dont le navire battait pavillon. Si
la France a décidé de se considérer compétente dans cette affaire, c’est entre
autres pour réaffirmer l’importance de ne pas laisser impunies les pollutions
environnementales, et ce même lorsqu’elles n’ont pas lieu dans les eaux de la mer
territoriale. L’eau maritime étant indivisible, le champ d’intervention du droit pénal
ne doit pas être restreint aussi strictement.

Un domaine ouvrant un cumul de sanctions. Un autre problème qui s’est


posé lors de la détermination du régime de protection de l’eau était de savoir
comment concilier les règles qui protègent l’eau en tant que ressource, et celles
qui protégeaient l’eau en tant qu’habitat naturel de la faune marine. Cette question
n’est pas si anodine dans la mesure où elle permet notamment des cumuls de
sanctions. En effet, dans un arrêt récent de la Cour de Cassation celle-ci a affirmé
que :

Attendu qu'en retenant, d'une part, la qualification de déversement de


substances nuisibles à la santé, à la faune et à la flore dans les eaux
souterraines, superficielles ou de la mer prévue par l'article L. 216-6 du
code de l'environnement, d'autre part, celle de rejet en eau douce ou
pisciculture de substances nuisibles au poisson ou à sa valeur alimentaire
prévue par l'article L. 432-2 du même code, la cour d'appel n'a pas
méconnu le principe ne bis in idem, dès lors que la seconde incrimination
tend à la protection spécifique du poisson 52.
Dès lors un cumul de sanctions est possible lors d’infractions de pollution en raison
de la pluralité de victimes : l’environnement lui-même, ainsi que les espèces
animales qui l’habitent. Cette position est aussi une manière non déguisée
d’étendre la répression pénale et ainsi d’aggraver les sanctions en cas de
pollution53.

52 Cass, Crim, 16 avril 2019 – n° 18-84073.


53 Pour ce qui est du cumul de sanctions en matière environnementale au Canada, voir: André GARDNER,
La portée de l’arret Kienapple en droit pénal de l’environnement , Mémoire Ulaval, 2000.

33
Pour ce qui est du Canada, il a lui aussi ratifié la Convention de Montego
Bay et il est soumis à la même définition concernant la mer territoriale canadienne.
Définition par ailleurs reprise dans la Loi sur les océans dans son article 454 De
plus, le Canada possède lui aussi des régimes de protection différents en fonction
du type d’eau polluée, ou de sa localisation : Loi sur la responsabilité en matière
maritime55 ou bien Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques 56. On
trouve aussi une Loi sur les pêches57 ou encore une Loi sur la salubrité de l’eau
potable des Premières Nations 58. Pour le Canada aussi, cette notion en
apparence claire provoque une législation prolifique et fragmentée. Comme
l’indique Alexandre Lillo, cela s’explique par le « fédéralisme atypique » de ce
pays, où le gouvernement possède certes quelques prérogatives pour la gestion et
la protection de l’eau, mais où la majorité du pouvoir de décision revient aux
provinces59. Il n’est donc pas étonnant de constater que si la LCPE protège elle
aussi l’eau dans plusieurs de ses articles, la jurisprudence, en matière de pollution
de l’eau, a plutôt tendance à se tourner vers des lois spécialisées, et non vers la
LCPE.

Enfin, le cas de la LQE dans la protection de l’eau est lui aussi intéressant.
Tout d’abord, dans son article 1er la loi définit les termes essentiels, dont celui de
l’eau60. Et il est intéressant de noter que la LQE protège aussi bien l’eau
souterraine que l’eau de surface dans le terme « d’eau », en affirmant qu’elle
protège l’eau « où qu’elle se trouve ». Toutefois cette loi vise explicitement l’eau
douce et les eaux usées, et donc l’eau potable tandis qu’aucune mention explicite
54 Loi sur les océans L.C. 1996, ch. 31 (8 avril 2019), en ligne : <https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/O-
2.4/page-1.html#h-373822> (consulté le 16 mai 2019).
55 Loi sur la responsabilité en matière maritime (L.C. 2001, ch. 6) (8 avril 2019), en ligne : <https://laws-
lois.justice.gc.ca/fra/lois/M-0.7/> (consulté le 16 mai 2019).
56 Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques (L.R.C. (1985), ch. A-12 (8 avril 2019), en ligne :
<https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/A-12/> (consulté le 16 mai 2019).
57 Loi sur les pêches (L.R.C. (1985), ch. F-14) (8 avril 2019), en ligne : <https://laws-
lois.justice.gc.ca/fra/lois/F-14/> (consulté le 16 mai 2019).
58 Loi sur la salubrité de l’eau potable des Premières Nations L.C. 2013, ch. 21 (8 avril 2019), en ligne :
<https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/S-1.04/page-1.html>.
59 Alexandre LILLO, « Un bilan de la Politique nationale de l’eau (2002-2017) au Québec à la lumière de
l’éthique environnementale : entre initiatives et suffisances », Revue de droit du développement durable
de l’Université McGill 71, 2018, page 5.
60 Loi sur la qualité de l’environnement, supra note 2.

34
n’est faite de l’eau salée ou des territoires marins. Cela ne veut néanmoins pas
dire que la LQE ne puisse techniquement pas s’appliquer à l’eau salée, mais il
convient de noter que cette composante n’est pas prévue en tant que telle.

B/ L’ATMOSPHÈRE ET L’AIR

Une division artificielle d’un milieu indivisible. Le cas de l’atmosphère et


de l’air constitue un autre exemple d’appréhension difficile par le droit d’une notion
environnementale en apparence pourtant simple si tant est que des exemples
supplémentaires sur la question étaient nécessaires. En effet, il suffit de se
reporter à l’article R221-1 du Code de l’environnement français 61 pour comprendre
la complexité de ce régime de protection, car cet article recèle un nombre
impressionnant de définitions ayant pour but de circonscrire le domaine des
pollutions atmosphériques, tant de leurs origines que de leurs conséquences. Et
force est d’admettre que le résultat obtenu est loin d’être clair.

Afin de réaliser un rapide tour d’horizon de ce qu’englobe le terme « d’air »


et celui « d’atmosphère », il convient de constater que l’on distingue
traditionnellement l’air extérieur et l’air intérieur. En effet, l’air extérieur désigne
l’atmosphère, tandis que l’on parle d’air intérieur lorsque l’on réglemente l’air au
sein des bâtiments domestiques ou des usines. Les sources de pollution de l’air
peuvent être mobiles, notamment par des véhicules motorisés, ou bien fixes, c’est-
à-dire par des usines chimiques, des raffineries, des centrales, etc. On peut en
déduire que ces pollutions peuvent revêtir aussi bien un caractère domestique
qu’industriel62. En effet, les fourneaux d’une centrale électrique thermique polluent
autant qu’une ville entière se chauffant au feu de bois ou au poêle à charbon.

Cette catégorie environnementale est intéressante par le grand impact que


la population civile peut avoir sur elle. Au même titre que la pollution de l’eau qui

61 Article R221-1, Code de l’environnement.


62 Voir sur la question : Dominique GUIHAL, Jacques-Henri ROBERT et Thierry FOSSIER, Droit répressif de
l’environnement, 4ème édition, coll. Economica, Paris, 2016, paragraphe 22,001, page 480.

35
peut être aussi bien le fait du déversement des eaux usées des citoyens ou celui
d’entreprises et d’industries, la pollution de l’air et de l’atmosphère est aussi en
grande partie de la faute de la population. De plus, les effets d’une telle pollution
se font aussi bien sentir à grande distance (couche d’ozone) que localement. Il est
en effet fréquent que la qualité de l’air de certaines villes soit dangereuse pour la
santé, à tel point que des arrêtés municipaux sont pris afin d’avertir la population
des risques respiratoires qu’ils encourent 63. Et encore plus localement, à l’intérieur
même des bâtiments, l’emploi de certains matériaux (dont l’amiante) peut
provoquer des risques d’inhalation mettant en péril la vie des habitants. Toutefois,
toutes les lois de protection de l’environnement ne couvrent pas l’air intérieur, et
l’on peut citer dans ce cas notamment la LQE. Le droit a donc ici aussi comme
objectif de protéger un nombre de milieux conséquents et marqués par une forte
diversité.

Un régime de protection fragmenté. La pollution de l’air est un enjeu


important pour l’avenir, ce qui explique que la plupart des États ont pris des
mesures législatives afin de lutter contre elle. Mais bien souvent cette
réglementation s’avère dense ainsi qu’extrêmement foisonnante. Afin de limiter cet
effet de dispersion de la législation, le législateur a bien souvent essayé de réduire
la protection de l’air à certaines notions identifiables telles que l’interdiction
d’émission de « gaz à effet de serre »64. En effet, de par leur grand impact sur la
couche d’ozone et le réchauffement climatique, certaines législations traitant de la
pollution de l’air et de l’atmosphère passent par la régulation de ces gaz. Or ce
terme même de « gaz à effet de serre » est un mot-valise permettant d’englober
six gaz différents, émis pour la plupart par des activités fondamentalement
distinctes. Par exemple, s’il est connu que l’exploitation des énergies fossiles ou la
déforestation provoquent l’émission de CO2, le méthane quant à lui provient

63 Ibid, paragraphe 22,002, page 480.


64 Sur la question voir entre autre Yves JÉGOUZO, « L’évolution des instruments du droit de
l’environnement », Pouvoirs, (2008), n° 127, pages 23 à 33.

36
majoritairement de l’élevage de ruminants et de la culture de surfaces inondées
comme les rizières. En revanche le CFC (chlorofluorocarbone) est émis par les
systèmes de climatisation intérieure65. Dès lors, légiférer sur les émissions de gaz
à effet de serre implique de légiférer sur une quantité non négligeable de
comportements différents. Et cette diversité explique qu’aussi bien en France
qu’au Canada, la réglementation des sources d’émissions polluantes soit aussi
foisonnante.

Une fragmentation nécessaire. Mais cette diversité est nécessaire, car


bien que ne facilitant pas la clarté du droit de l’air, d’un point de vue pénal cette
prolifération de règlements se justifie. En effet, « s’agissant du droit répressif il peut
paraître hasardeux de créer des infractions pénales trop générales car celles-ci
risqueraient d’offrir au juge le moyen de rendre, à terme, strictement impossible
toute activité humaine industrielle ou agricole »66. Car l’exécution « normale » de
ces activités peut provoquer le rejet de polluants, les industries ayant bien souvent
des permis les autorisant à émettre ces polluants, et des seuils réglementaires à
respecter. Ce système de permis et de seuils réglementaires induit un véritable
marché d’échange des quotas d’émission des gaz à effet de serre, ce qui induit
nécessairement la fragmentation du régime de protection, entre les pollutions
« ordinaires » et les pollutions « régulées »67.

Les sanctions en droit pénal de l’air. Concernant les sanctions


appliquées aux infractions de pollution de l’air intérieur et de l’atmosphère, il s’agit
de constater qu’aussi bien en droit français qu’en droit canadien, on sépare la
réglementation des installations classées, ou des entreprises polluantes, de celle

65 « Pollution de l’air | l’Encyclopédie Canadienne », en ligne :


<https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/pollution-de-lair> (consulté le 20 mai 2019).
66 Sur la question, voir GUIHAL, ROBERT et FOSSIER, supra note 62, page 482, paragraphe 22,015.
67 Sur la question de ces quotas échangeables en Europe voir Philippe QUIRION, « Comment faut-il
distribuer les quotas échangeables de gaz à effet de serre? » (2007) 22:2 Revue française d’économie,
Association Française d'Économie, XXII (2), pp. 129 à 164

37
des transgressions ordinaires. En effet, concernant le cas de la France, celle-ci
possède une loi relative aux installations classées 68, tandis que la législation sur
l’air intérieur est laissée au Code de l’Environnement 69. Bien que cette séparation
permette une meilleure individualisation de la peine, et une meilleure application
de la responsabilité des personnes morales, celle-ci n’est pas exempte de tout
défaut. En effet, la législation concernant les transgressions ordinaires a vocation à
sanctionner la pollution émise par le citoyen moyen. Dès lors, les infractions
sanctionnant ce type de comportement sont bien souvent des contraventions, ce
qui permet une application plus efficace. En effet le droit pénal français distingue
trois catégories d’infractions : les crimes qui sanctionnent les comportements les
plus graves, les délits qui sont intermédiaires et enfin les contraventions qui
sanctionnent les infractions les plus légères. Ces dernières étant intéressantes
dans la mesure où leurs sanctions peuvent être prononcées par de simples
officiers de police et non nécessairement par un juge. Dès lors elles sont
applicables plus rapidement et efficacement. Or c’est oublier que certains
professionnels, et notamment les constructeurs automobiles par exemple, sont
soumis à certaines de ces réglementations (notamment celles sur les émissions de
particules des véhicules motorisés), et donc aux contraventions qui sanctionnent
leur irrespect. Il y a donc lieu de croire que ces contraventions, certes dissuasives
pour le citoyen moyen, ne le sont pas pour ces entreprises qui ne tombent pas
sous le coup de la loi sur les installations classées comportant quant à elle des
quantums de peine plus importants70. En effet, les contraventions étant prévues
pour des citoyens, elles sont assorties de peines appropriées. Or cela peut paraître
faible comparé au chiffre d’affaire d’une entreprise.

Au Canada, la compétence de faire des lois pour protéger la qualité de


l’atmosphère revient majoritairement aux provinces, car découlant de leur

68 Loi n°76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement,
76-663, 19 juillet 1976.
69 Article L221-7 à Article L221-10, Code de l’environnement.
70 GUIHAL, ROBERT et FOSSIER, supra note 62, paragraphe 22,021.

38
compétence en matière de propriété et de droits civils71 selon la Constitution
canadienne. Le gouvernement fédéral est toutefois compétent en matière de
pollution causée par les trains et bateaux, et il peut réglementer certains éléments
créateurs de pollution (comme le taux de plomb dans l’essence par exemple). La
LCPE donne également des pouvoirs au gouvernement fédéral afin de
réglementer la pollution de l’air, mais cela est surtout le cas pour certaines
substances toxiques et la pollution atmosphérique internationale 72. L’air intérieur
est toujours réglementé par les provinces, que ce soit pour les polluants
industriels, que pour la pollution domestique 73, bien qu’au Québec la pollution de
l’air intérieur ne relève pas de l’environnement mais d’autres secteurs tels que la
santé74.

C/ LE SOL

Une notion seulement évoquée mais jamais détaillée. Le sol est le


dernier élément du triptyque généralement évoqué dans les définitions par
énumération de l’environnement. En effet, la plupart des lois de protection de
l’environnement visent en premier lieu « l’eau, l’air et le sol », que ce soit l’article
L110-1 du code de l’environnement avec ses « milieux naturels terrestres », ou la
LCPE et la LQE avec leur « sol ». Mais si le sol est mis sur un pied d’égalité dans
la plupart des définitions, ce n’est pas le cas dès que l’on se penche sur sa
protection juridique. Non pas que le sol ne soit pas protégé par le droit de
l’environnement, mais on peut penser que du moins en droit français, sa protection
ne bénéficie pas du même traitement que l’eau ou l’air. En effet, là où l’eau et
l’atmosphère font l’objet d’un foisonnement de règlements et de dispositions les
protégeant, on peut penser que le sol ne fait pas l’objet d’une telle diversité.
71 Article 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867
72 Penny BECKLUMB, La réglementation environnementale: compétences fédérales et provinciales, Service
d’information et de recherche parlementaires, 2013, page 5 et 6.
73 Voir sur la question Paule HALLEY et Hélène TRUDEAU, « Partage des compétences sur
l’environnement, l’eau et les ressources naturelles » dans JurisClasseur Québec, collection « Droit public
», Droit de l’environnement, fascicule 2, Montréal, LexisNexis Canada.
74 Ibid.

39
En France, il faut attendre la Loi Biodiversité du 8 août 201675 pour que le
sol soit inscrit en tant que « patrimoine commun de la Nation ». Jusque-là, il était
absent du code de l’environnement et donc n’était pas protégé dans sa globalité,
mais seulement par des lois ou des règlements spécifiques sur l’enfouissement
des déchets par exemple. Cela s’expliquait majoritairement par le risque que le
législateur, en légiférant sur le sol de manière globale, vienne impacter l’agriculture
et notamment son usage des pesticides, car ces derniers ont précisément pour but
de tuer toute une partie de la biodiversité au nom d’un objectif plus grand de
production de ressource alimentaire. De surcroît, la prudence du législateur
trouvait aussi son fondement dans la crainte d’impacter, par une législation trop
large, le droit de propriété au sens du Code civil 76. En effet, le sol, contrairement à
l’eau ou à l’air, est bien souvent objet de droit de propriété, et légiférer trop
strictement sur la protection des sols, y compris privés, reviendrait à diminuer
l’usus et l’abusus que les propriétaires ont sur leur bien. Mais en réalité cela est un
faux débat, car la plupart des lois de protection de l’environnement n’ont jamais eu
pour objectif ni même pour conséquence d’impacter négativement le droit de
propriété. Et si cela devait arriver, cela se justifierait notamment par l’idée
supérieure de protection de la collectivité.

Malgré cette incursion tardive dans le droit français, le sol fait l’objet
aujourd’hui d’une protection principalement pour sa fonction de stockage de
carbone. En effet, depuis la COP 21 et le constat scientifique du réchauffement
climatique, le sol est devenu une solution à la limitation de l’effet de serre par sa
fonction de stockage de CO2. Or limiter la protection du sol à cette vision
reviendrait à créer un régime monolithique qui oublierait l’idée même de protéger la
biodiversité terrestre.

75 LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,
2016-1087, 8 août 2016.
76 Sur le thème: « La loi biodiversité reconnaît les sols comme patrimoine commun de la nation », en ligne :
Actu-Environnement <https://www.actu-environnement.com/ae/news/loi-biodiversite-sols-
reconnaissance-patrimoine-commun-nation-code-environnement-27058.php4>.

40
Toutefois, le Code de l’environnement français n’oublie pas, aux articles
L556-1 à L556-3, d’encadrer les mesures de réhabilitation et de dépollution des
sols contaminés. Car si on aborde assez peu la question de la biodiversité
présente dans le sol, on encadre toutefois l’enfouissement de déchets toxiques, la
réhabilitation des sols après de tels enfouissements, et les conséquences que ces
pollutions peuvent avoir sur les eaux souterraines et la flore terrestre.

Ce constat est plus nuancé pour le Canada. Si dans un premier temps on


peut avoir l’impression que la LCPE ne consacre pas de disposition spécifique
quant à la protection du sol, il s’avère en réalité que les interdictions d’émettre des
substances toxiques au-delà des seuils réglementaires s’appliquent également aux
sols. Il suffit pour s’en convaincre d’étudier l’affaire Hydro-Québec (CSC), où la
société ainsi nommée mettait en cause un règlement réglementant les seuils
d’émission de BPC, substance toxique pour l’air, l’eau ou les sols :

Selon ce qui ressort de ces études, on peut conclure que les BPC sont non
seulement très toxiques, mais encore qu’ils durent longtemps et se
décomposent très lentement dans l’eau, l’air ou le sol. Toutefois, ils se
dissolvent facilement dans les tissus adipeux et autres composés
organiques, de sorte qu’ils remontent la chaîne alimentaire grâce aux
oiseaux et aux autres animaux pour éventuellement atteindre les êtres
humains. Ils posent des risques importants de préjudice grave pour les
animaux et les humains. De même, ils sont extrêmement mobiles. Ils
s’évaporent du sol et de l’eau et franchissent de grandes distances dans
l’atmosphère. On a trouvé des concentrations élevées de BPC chez divers
animaux de l’Arctique qui vivent à des milliers de kilomètres de toute source
majeure de BPC. L’ampleur des dangers qu’ils posent est illustrée par le
fait qu’ils constituent la première substance qu’on a cherché à contrôler au
Canada en vertu de la Loi sur les contaminants de l’environnement, qui a
précédé la loi actuelle77.
Or dans cet arrêt, la Cour a admis que les prohibitions d’émettre des substances
toxiques étaient valides, et s’appliquaient donc également aux sols.

D’autre part, la LQE, de par sa compétence en matière d’enfouissement de


déchets, protège le sol, et ce concernant certains comportements précisément

77R. c. Hydro- Québec, [1997] 3 RCS 213 para 74

41
identifiés et identifiables (contamination de terrains et leur réhabilitation). L’article
20 de la LQE s’appliquant ainsi de fait aux sols, le régime canadien est plus
développé sur la question que le régime français.

II/ Le patrimoine naturel

En dehors du triptyque « eau, air, sol » d’autres composantes de l’environnement


sont aussi protégées par le droit. Celles-ci font aussi fréquemment partie de la
définition par énumération, mais ce bien souvent à titre secondaire. À ce sujet, on
retrouve comme éléments la faune et la flore (A), mais aussi en dernier lieu les
matières inorganiques (B).

A/ LA FAUNE ET LA FLORE

Il convient de manière préliminaire de distinguer la protection de la faune de


la protection des animaux. En effet, le droit de l’environnement englobe toute la
faune dans son sens le plus large (insectes, animaux sauvages…) tandis que les
lois de protection des animaux se limitent bien souvent aux animaux d’élevage ou
de loisir. En ce sens il existe au Canada une Loi sur la santé des animaux
promulguée en 1990 et régulièrement mise à jour (la dernière modification datant
de 2009) qui vient préciser le régime de protection des animaux d’élevages ou de
loisir78, tandis qu’en France la protection des animaux domestiques se trouve dans
différents codes tels que le Code rural, le Code civil ou bien le code pénal.

Une protection subsidiaire mais nécessaire. Dans son article 2 la Convention


de l’Unesco concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel du
16 novembre 1972 affirme que :

78 Ministère de la Justice, Loi sur la santé des animaux (1990), en ligne : <https://laws-
lois.justice.gc.ca/fra/lois/H-3.3/page-1.html#h-246992> .

42
Aux fins de la présente Convention sont considérés comme "patrimoine
naturel" : [...] les formations géologiques et physiographiques et les zones
strictement délimitées constituant l'habitat d'espèces animale et végétale
menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de
la science ou de la conservation79.
Cette convention, bien que n’ayant aucune valeur normative80, a servi de note
d’intention dès les années 70 quant à la question de la protection de la faune et de
la flore. Si la plupart des législations ayant eu pour but de protéger la diversité
animale et végétale ont été aussi tardives, c’est principalement parce que l’Homme
a longtemps été considéré comme étant au sommet de la chaîne alimentaire. Et en
tant que tel, cela lui confère un pouvoir absolu sur ce qui l’entoure : il peut s’en
nourrir, le cultiver, l’élever, en faire des vêtements… ces ressources constituant le
cœur même de son développement. Dès lors quel est l’intérêt de protéger et de
restreindre l’accès aux ressources fondamentales de l’espèce humaine ? Mais dès
les années 70, nombre de législations ont fleuri afin de protéger la diversité
faunique et végétale des excès de consommation de l’humanité. Car avec un
nombre toujours plus important d’espèces menacées, l’impact de l’être humain sur
le développement des espèces animales est clairement non négligeable.

Un régime manquant d’unité. Toutefois, malgré une prise de conscience


de la nécessité de protéger la faune et la flore, un régime stable et clair peine
encore à s’établir. Il suffit, pour illustrer cet état de fait, de se pencher sur
l’appréhension que fait le code civil, aussi bien français que québécois, des
animaux. En effet, ceux-ci ont été considérés pendant longtemps comme des
biens meubles afin de rentrer dans la summa divisio dualiste que le droit civil
établit sur la question des biens, à savoir biens meubles ou immeubles. Et les
animaux pouvant se mouvoir, il semblait plus logique de leur préférer la catégorie
des biens meubles plutôt que celle des biens immeubles. Or cela n’était pas
satisfaisant eu égard à leur qualité d’être vivant, car les considérer comme des
79 Article 2 de la « Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel » (1973)
25:1-2 Museum International (Edition Francaise) 121-121, DOI : 10.1111/j.1755-5825.1973.tb02107.x.
80 GUIHAL, ROBERT et FOSSIER, supra note 62, paragraphe 41,002.

43
biens meubles offrait au propriétaire des animaux les attributs du droit de propriété,
à savoir l’usus, le fructus et l’abusus. Toutefois il n’est moralement pas tolérable
d’user de son abusus (c’est à dire la possibilité « d’abuser » du bien, de le détruire)
sur un animal comme il peut l’être sur un bien matériel. C’est pour toutes ces
considérations que les législateurs français et québécois sont venus modifier leur
code et le statut des animaux pour en faire des « être vivants doués de
sensibilité ». Cette définition ayant été proposée dans la loi du 16 février 2015 81
pour le cas de la France, et a été reprise à l’identique dans la Loi visant
l’amélioration de la situation juridique des animaux le 8 octobre 2015 au Québec82.
Si cela n’est encore qu’une première étape dans la modification de leur régime de
protection, cela a encore amplifié le mouvement de protection des animaux et de la
flore en droit de l’environnement : en France la Loi Biodiversité de 2016 vient
enrichir le régime de protection des espèces vivantes 83.

Un régime secondaire. D’un point de vue de l’application de la protection


légale, l’utilisation des régimes propres à la faune et la flore en droit de
l’environnement est souvent secondaire et on applique prioritairement ceux de
l’eau, de l’air ou du sol. En réalité, cela fait écho au fait que les espèces animales
et végétales subissent nécessairement les conséquences de la pollution de l’eau,
du sol ou de l’air. Ainsi il n’est pas rare de voir les autorités administratives ou
judiciaires préférer ces réglementations plus simples et plus larges, plutôt que
d’utiliser les outils relatifs à la faune et à la flore, souvent plus complexes à
appliquer84. Cela explique qu’en dehors des textes généraux, on ne trouve pas une

81 LOI n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des


procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures (1) - Article 2 | Legifrance , en
ligne : <https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2015/2/16/2015-177/jo/article_2>
82 Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal , en ligne :
<http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?
type=5&file=2015C35F.PDF> .
83 LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,
supra note 28.
84 GUIHAL, ROBERT et FOSSIER, supra note 62, page 593, paragraphe 41,013.

44
prolifération de législation semblable à celle de l’eau en ce qui concerne la faune et
la flore.

Enfin, il est intéressant de noter également que la protection de la flore


induit aussi la réglementation des OGM, matière en expansion ces dernières
années surtout au Canada.

B/ LES MATIÈRES INORGANIQUES

Une catégorie éclectique. Dernière catégorie « fourre-tout » de la


définition par énumération de la notion d’environnement, la notion de matière
inorganique est difficile à appréhender en ce qu’elle englobe un nombre important
de substances et matières différentes. Généralement, lorsque l’on utilise ce terme
on doit ensuite préciser si l’on parle de substance nocive ou de substance
inoffensive. Car si les substances inoffensives ne font généralement pas l’objet de
réglementation poussée, les substances nocives pouvant être relâchées dans
l’environnement sont plus strictement encadrées. Or ces substances sont rarement
nocives pour l’environnement seulement, et l’objectif final de cette protection
consiste également à protéger les individus susceptibles d’entrer en contact avec
elles. Ainsi le droit de l’environnement n’est plus nécessairement le seul sollicité en
cas de pollution et l’on retrouve des dispositions de protection aussi bien en droit
du travail, pour protéger le travailleur qui manipule ces substances, qu’en droit de
la consommation pour protéger le consommateur. Cela crée un régime éclaté, et
l’on trouve une réglementation des matières inorganiques moins importante que
peut l’être celle de la pollution de l’eau ou de l’air, alors même qu’elles sont visées
en ces termes par certaines lois de protection de l’environnement, comme la LCPE
par exemple. On constate en réalité que les réglementations sur les matières
inorganiques sont bien souvent des réglementations précises sur certaines
matières identifiées. Par exemple on retrouve bien souvent des réglementations
sur les substances chimiques à usage non agricole, celles à usage agricole, les
déchets ménagers, commerciaux, ou encore nucléaires, etc. En réalité cette

45
catégorie fait plutôt office de dénomination commune à plusieurs sous-catégories,
mais n’a pas d’identité propre, ce qui explique l’éclatement de la législation. Par
ailleurs, la catégorie des matières inorganiques se voit enrichie par les dernières
avancées en matière de protection de l’environnement, avec des références à des
éléments inclassables tels que la pollution publicitaire ou la pollution sonore. Cet
éclectisme contribue à amplifier la sensation de flou que l’on peut ressentir face à
cette catégorie.

Enfin, il est intéressant de noter que d’un point de vue de droit pénal, en
France les infractions environnementales faisant référence aux matières
inorganiques sont bien souvent des infractions sanctionnant le non-respect de
prescriptions administratives et non des infractions anti-pollution 85, tandis qu’au
Canada la LCPE et la LQE leur appliquent également dans certains cas les
prohibitions générales de polluer.

85 Ibid, page 802.

46
Chapitre 2 : la définition conceptuelle

Lorsque l’on analyse les définitions de la notion d’environnement en droit,


on se rend compte que si les législateurs français et canadiens procèdent dans un
premier temps à une énumération, comme démontré dans le chapitre précédant,
ils ajoutent par la suite une définition conceptuelle de la notion d’environnement
afin de cerner davantage ce que la loi entend protéger. Cette démarche n’est pas
critiquable, bien au contraire, car proposer une définition conceptuelle de la notion
d’environnement permet de rendre la protection de l’environnement plus efficace
pour l’avenir et d’enrichir la définition par énumération afin d’en combler les
lacunes. En effet, si réaliser une énumération des éléments de l’environnement
permet d’en identifier rapidement les composantes, cela pose certaines limites
inhérentes aux listes. Car une liste est par essence limitative ; cela veut dire que
tout ce qui ne figure pas dans la liste peut potentiellement ne pas être protégé. En
cela, une définition conceptuelle est plus inclusive, au contraire des énumérations
qui sont exclusives. Le concept, en théorie, permet non seulement de circonscrire
et de définir la notion tout en laissant une marge de manœuvre au juge pour
l’avenir. Cela est d’autant plus exacerbé à l’époque actuelle, où les avancées
technologiques et scientifiques sont tellement importantes qu’il arrive que lorsqu’un
projet de loi soit en chantier, il soit déjà dépassé et peu efficace lors de son
adoption.

Toutefois, si cette démarche est séduisante sur le papier, elle devient


rapidement complexe en pratique car la tâche consistant à proposer une telle
définition demande au législateur de réaliser un travail minutieux. Trouver un tel
équilibre entre clarté, efficacité et souplesse demande au législateur de
soigneusement choisir sa définition conceptuelle. Or, l’étude des termes employés
par le législateur afin de définir le concept d’environnement protégé démontre que
ceux-ci varient fréquemment et ont bien souvent un impact insoupçonné sur la
portée de la protection juridique accordée à l’environnement. Il conviendra donc

47
dans le présent chapitre de se pencher sur les différents termes que les
législateurs canadien et français utilisent dans les dispositifs pénaux des lois de
protection de l’environnement afin d’essayer de d’identifier les différentes
définitions conceptuelles de la notion d’environnement. Pour cela, il conviendra de
se pencher sur le Code de l’environnement et notamment sa modification suite à la
Loi Biodiversité de 2016, la LCPE ainsi que la LQE. De manière non exhaustive,
on se penchera plus particulièrement sur les termes d’ « environnement naturel »
(I), de « biodiversité » (II), et enfin de « développement durable » (III). Il s’agira
dans chaque cas d’étudier le sens de ces termes, et donc de déterminer ce qu’ils
recèlent de variations et nouveautés.

I/ L’environnement naturel et ses synonymes

Il convient tout d’abord de noter que l’expression « d’environnement naturel » n’est


pas employée dans les dispositions étudiées ici. En revanche la LCPE utilise
l’expression « d’éléments naturels » dans sa définition du mot « environnement » 86.
La LQE, quant à elle, n’emploie pas d’expression similaire et le Code de
l’environnement français emploie plutôt les termes de «milieux naturels». Tous ces
termes renvoyant à la même notion d’environnement naturel, ils seront étudiés
ensembles dans le développement suivant. Car si cette notion de nature ou
d’environnement naturelle est attirante du fait de sa simplicité et de sa clarté (A),
elle n’en est pas moins incomplète sur de nombreux aspects. (B)

86 Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33, <http://canlii.ca/t/6bkss> ,


supra note 11, article 3.

48
A/ UNE DÉFINITION CLAIRE

Ces expressions d’ «éléments naturels » ou de « milieu naturel » sont


claires en ce qu’elles emploient des termes facilement identifiables. L’office
québécois de la langue française définit par ailleurs le milieu naturel ainsi :

Milieu dans lequel l'environnement paysager, la biodiversité et les


processus écologiques n'ont pas été altérés de manière permanente ni à
long terme par les activités humaines, qui maintient sa capacité de se
régénérer et où la présence humaine ne modifie pas le paysage de manière
importante ni ne le domine87.
Dès lors, si l’on reprend cette définition on constate qu’elle-permet d’inclure assez
facilement en son giron les éléments naturels tels que l’eau, l’air et la terre. De
même, en ce qui concerne les matières organiques ainsi que la faune et la flore.
Ainsi, on constate qu’elle permet d’inclure la plupart des éléments de la définition
par énumération détaillée précédemment. Il s’agit donc d’une définition efficace et
concise. En outre, l’environnement naturel constitue l’origine même, la
substantifique moelle du régime de protection et fait l’objet d’un relatif consensus
quant à la pertinence de s’assurer de sa protection. Peu de voix s’opposent
réellement à ce qu’on le protège, et ce malgré le fait qu’il soit riche en ressources ,
le protéger devenant ainsi un manque à gagner immédiat. Mais si cette définition
de l’environnement est claire et à priori efficace, elle n’en reste pas moins
clairement incomplète.

B/ UNE DÉFINITION INCOMPLÈTE, SOUMISE AU PRINCIPE


D’INTERPRÉTATION STRICTE OU RESTRICTIVE

L’environnement naturel confronté au droit canadien. On peut constater


en reprenant la définition précédente que celle-ci exclut explicitement les milieux
artificiels, c’est-à-dire « les milieux qui sont les produits de l’activité humaine et non
de la nature »88. Si cela peut paraître une bonne idée de prime abord de protéger
87 « milieu naturel », en ligne : <http://www.granddictionnaire.com/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8357454> .
88 Paule HALLEY, Le droit pénal de l’environnement: l’interdiction de polluer, Cowansville, Québec:
Éditions Y Blais, 2001, page 17.

49
seulement l’environnement naturel et non l’environnement créé par l’homme, cela
peut amener en réalité à créer des lacunes évidentes dans le régime de protection
de l’environnement : s’il avait choisi de circonscrire sa protection aux éléments
naturels de l’environnement, le législateur restreindrait inutilement la portée du
régime de protection. En effet, le fait de modifier le milieu naturel ambiant afin de
concilier avec les activités humaines n’est pas nouveau, et nombre d’éléments de
l’environnement ont été modifiés par la main de l’Homme depuis ces dernières
années, à un point tel qu’il n’est parfois pas évident de distinguer d’un simple coup
d’œil ce qui relève de l’environnement naturel de ce qui constitue un
environnement artificiel. Par exemple, un canal permettant d’acheminer l’eau est
une construction artificielle, car créée de la main de l’Homme, mais qui peut tout
de même abriter une certaine biodiversité. Dès lors, il paraîtrait étonnant de ne pas
le protéger. De même en ce qui concerne des fossés servant à l’écoulement des
eaux de ruissellement qui sont colonisés par des organismes vivants. En réalité,
ces exemples ne sont pas anodins et ont fait l’objet de plusieurs décisions
judiciaires dans la Province du Québec89. En effet, la définition conceptuelle de la
LQE permettant d’étendre la protection à certains milieux artificiels, il est revenu au
juge la tâche de rechercher l’intention du législateur et de déterminer lesquels
bénéficiaient effectivement de cette protection, et lesquels en étaient exclus.

Ainsi, si l’on reprend l’exemple précédent de l’arrêt Paquet c Québec90, on


remarque qu’un fossé avait été reconnu comme un cours d’eau et objet de
protection car il avait été colonisé par des êtres vivants. Cela permet d’établir un
constat simple : un élément de l’environnement, fut-il artificiel, doit être protégé dès
lors qu’il constitue l’habitat d’êtres vivants. On se rend donc compte que ce qui
importe, ce n’est pas tant de savoir si le milieu est naturel ou non, mais bien si le
milieu abrite la vie. Un milieu pourrait donc être naturel « par destination », si l’on

89 Voir : Québec (Procureur général) c. Roy, 2002 CanLII 11605 (QC CQ) , para 99 (fossé agricole pollué
par des rejets de déjections animales) ; Scierie Dion & Fils Inc. c. Gestofor Inc., 2005 CanLII 35250 (QC
CS), para 56 et suivants (pollution de canal) ; Paquet c Québec (Procureure générale), 2015, QCCS 3183,
para 52 (fossé reconnu comme un cours d’eau car colonisé par des organismes vivants).
90 Paquet c Québec (Procureure générale), 2015 QCCS 3183.

50
se risque à faire une analogie au droit des biens. Toutefois, il ne faut pas se limiter
au fait de savoir si un milieu abrite la vie, mais il faut se demander si « l’essence »
de ce milieu est compatible avec le fait d’abriter la vie. En effet, selon la
Professeure Paule Halley, au sujet de la définition de l’environnement employée
dans la LQE :

Selon nous, l’existence de liens de dépendance actifs et durables entre des


espèces vivantes et un milieu artificiel dépend de l’usage et de la
destination du milieu artificiel en cause. A cet égard, on peut utilement
distinguer les milieux artificiels dont la destination est compatible avec le
développement de la vie, tels qu’un bassin d’inondation d’un barrage ou un
fossé d’irrigation, de ceux dont la destination est incompatible avec le
développement de la vie, tels qu’une installation antipollution, un égout ou
un réseau routier. De plus, un milieu artificiel qui n’est plus utilisé à des fins
incompatibles avec le développement de la vie peut devenir un
environnement s’il est colonisé par des espèces vivantes 91.
Tel que développé dans la suite de son argumentation, s’il ne faut pas se
limiter à l’environnement naturel, il ne faut pas non plus étendre exagérément le
régime de protection car cela reviendrait à donner une portée absurde à la loi :

Elle permettrait notamment de qualifier d’environnement une piscine, une


route ou un égout parce que des insectes y vivent, des herbes y poussent et
des rats y circulent. L’interprétation extensive pourrait également discréditer
la législation environnementale en protégeant contre la pollution des
installations antipollution, telles que le sol contenu à l’intérieur d’un merlon
entourant un site industriel et dont la destination est justement de recueillir
les polluants92.
Dès lors, un subtil équilibre doit être trouvé car il faut pouvoir identifier les
milieux artificiels dont « l’essence » (ou la destination) est compatible avec le fait
d’accueillir la vie, de ceux dont ce n’est pas le cas. Cette subtilité dans le
raisonnement pouvant être complexe dans un texte législatif, il revient au juge la
tâche de rechercher l’intention du législateur afin de déterminer ce qu’il convient de
protéger de ce qui est résolument artificiel et non objet de protection. Un tel constat
a été adopté dans l’arrêt de la Cour Suprême du Canada dans Ontario c.
Canadien Pacifique ltée. En effet, dans cet arrêt, le juge Gonthier affirme que

91 HALLEY, supra note 88, page 18.


92 Ibid.

51
l’interprète judiciaire doit éviter de donner une portée extensive aux termes
généraux, lorsque cela mènerait à des résultats absurdes. Il affirme donc, au nom
de la majorité, que dans ces circonstances l’interprétation restrictive est à
préférer93.

L’environnement naturel confronté au droit français. Il est à noter


comme indiqué dans le chapeau de cette partie que le terme « d’environnement
naturel » est assez peu présent dans les lois environnementales françaises, même
si l’on retrouve fréquemment celui de « nature » ou ceux de « milieu naturel ».
Cela est opportun car le principe d’interprétation stricte de la loi pénale présent à
l’article 111-4 du Code Pénal94 viendrait limiter le champ d’application de cette
notion et l’on ne pourrait pas protéger les formes de vie ayant colonisé des milieux
artificiels. Dès lors il est louable que le législateur ne se soit pas restreint à
protéger seulement l’environnement naturel. Pour autant l’objet de la protection ne
peut pas être trop étendu non plus et on se retrouve donc avec une argumentation
similaire à celle précédemment développée dans l’étude de cette notion en droit
canadien. La seule différence provient donc de l’origine du principe d’interprétation
stricte dans ce cas spécifique: la jurisprudence pour le Canada, la loi pour la
France. A ce sujet, il peut être intéressant de noter, comme relevé dans l’arrêt R c.
Hasselwander, qu’au Canada :

la règle de l'interprétation restrictive des lois pénales semble entrer en


conflit avec l'article 12 de la Loi d'interprétation de 1985, qui prévoit: « Tout
texte est censé apporter une solution de droit et s'interprète de la manière
la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de
son objet »95.
Or c'est en accordant un rôle subsidiaire à la règle de l'interprétation
restrictive des lois pénales qu'on a réglé le conflit apparent qui existait
entre l'interprétation restrictive d'une loi pénale et l'interprétation fondée

93 Ontario c Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 RCS 1028, pages 1081-1082. Voir pour plus de détails,
HALLEY, supra note 88 page 19.
94 Article 111-4, Code pénal.
95 Article 12, Loi concernant l’interprétation des lois et des règlements , L.R.C. (1985), ch. I-21, [au Q, art.
41 Loi d’interprétation]

52
sur l'apport d'une solution de droit qu'exige l'art. 12 de la Loi
d'interprétation. Dans l'arrêt Bélanger c. La Reine de 1970 96, le juge en
chef Cartwright a harmonisé ces principes opposés. En ce faisant, il a cité
et approuvé, à la page 573, le passage suivant de Maxwell 97:
[TRADUCTION]
Lorsqu'un mot équivoque ou une phrase obscure laisse subsister un doute
raisonnable que les règles d'interprétation ne permettent pas d'éclaircir, le
bénéfice du doute doit profiter au citoyen et contre le législateur qui ne
s'est pas exprimé clairement98.

La conclusion que l’on peut tirer de l’étude de ces expressions est qu’aussi
bien le Canada que la France étendent la protection de l’environnement au-delà
des simples milieux naturels. Mais afin de ne pas étendre cette protection de
manière trop importante, ces deux pays appliquent un principe d’interprétation
stricte des termes employés, que ce soit par le biais de la jurisprudence ou de la
loi. Ce principe venant restreindre le champ d’application des définitions
conceptuelles proposées.

Il convient donc ensuite de se pencher sur d’autres composantes de la définition


conceptuelle de la notion d’environnement.

II/ La biodiversité

A/ DES IMPLICATIONS RENOUVELÉES

Un changement de paradigme écologique. Parmi les termes couramment


utilisés dans les lois de protection de l’environnement, celui de « biodiversité »
connaît un gain d’intérêt croissant depuis les années 80, et ce notamment grâce à
l’œuvre scientifique Stratégie mondiale de la conservation99. Peu ou pas employé
dans les premières lois de protection, il est perçu aujourd’hui comme désignant
96 Bélanger c. La Reine, [1970] RCS 567, 1970 CanLII 222 (CSC), <http://canlii.ca/t/1zf9l>
97 Sir Peter Benson MAXWELL, Maxwell on the Interpretation of Statutes, 7e éd. 1929, à la p. 244

98 R. c. Hasselwander, [1993] 2 RCS 398, p. 412 et 413


99 UICN/PNUE/WWF, Stratégie mondiale de la conservation. La conservation des ressources vivantes au
service du développement durable, Gland, 1980.

53
efficacement les enjeux de notre ère en complément du terme
« d’environnement ». Et d’un point de vue conceptuel ce terme révèle un rapport
de l’homme à la nature différent de celui qui préexistait jusqu’alors. En effet, la
protection de la nature était envisagée jusque-là par le fait de créer des réserves
naturelles protégées de l’activité humaine, et d’y figer en l’état une certaine
diversité naturelle. Or, le document précédemment évoqué insiste sur le fait qu’il
ne faut plus se contenter de protéger des espèces sauvages dans des réserves
naturelles, mais bien de sauvegarder les grands écosystèmes qui sont la base de
notre développement :

Il ne s’agit donc plus de « geler » une nature « sauvage », maintenue dans


son état primitif, à l’abri des interventions humaines. Au contraire, il faut
préserver la « capacité évolutive » des processus écologiques. Cela
implique d’harmoniser la préservation des réserves naturelles avec les
zones mises en valeur, dans une gestion variée du territoire. Cela suppose
une gestion complexe d’espaces diversifiés. Dans une telle conception,
l’homme n’est pas extérieur à la nature, il en fait partie, il est membre actif
d’une nature, à laquelle il peut faire du bien, s’il se conduit de manière
avisée, s’il en fait « bon usage ». C’est l’idée même du « développement
durable » : il ne s’agit pas d’étendre la logique de la production à
l’environnement, mais au contraire de comprendre que nos activités
économiques sont incluses, sont insérées (embedded) dans notre
environnement naturel100.
Mais si ce terme est intéressant du fait de sa nouveauté, il véhicule toutefois
certains défauts, le principal étant la difficulté que l’on a à l’appréhender:

La biodiversité est une notion floue. Elle possède une grande plasticité
sémantique, sans doute à l’origine de son succès, mais qui rend illusoire
toute tentative de définition et obscurcit bien des débats. C’est un objet
d’environnement, donc c’est un objet hybride, à la fois naturel, qui tire son
origine de la vie, social, car indissociable des pratiques humaines,
technique, car devenu matière première pour la technoscience. […] Le
savoir sur la biodiversité n’est stabilisé dans aucune de ses dimensions
(écologique, économique, politique…) ni pour aucune des disciplines qui en
traitent. Nous sommes en situation d’univers controversé (GODARD, 1993).
Pourtant un consensus semble acquis : il est urgent d’agir, localement et
globalement, pour limiter les pertes de biodiversité 101.
100 Catherine LARRÈRE et Raphaël LARRÈRE, Du bon usage de la nature : Pour une philosophie de
l’environnement, Aubier, coll Alto, Paris, 1997, pages 289 et 290.
101 Catherine AUBERTIN, « La biodiversité une notion en quête de stabilité » [2005] ONG et biodiversité.

54
Le droit n’est pas resté insensible face à ce changement de paradigme, le
terme de « biodiversité » ayant même servi à nommer une importante loi française
de protection de la nature en 2016 : Loi pour la reconquête de la Biodiversité, de
la Nature et des paysages102. Mais la relative difficulté de donner une définition
exhaustive de ce terme étant contraire à l’exigence de clarté véhiculée par le
principe de légalité, il est intéressant d’étudier l’utilisation qu’en fait le législateur
français.

B/ LE TRAITEMENT PAR LE DROIT D’UN CONCEPT


PROMETTEUR

Le traitement français du terme de « Biodiversité ». La loi de 2016


précédemment évoquée est en effet venue modifier l’article L110-1 du Code de
l’environnement afin d’y introduire le terme de « biodiversité » en remplacement de
ceux de « diversité et équilibres biologiques » ainsi que pour l’enrichir d’une
définition dudit terme, rendant de surcroît l’article relativement exhaustif 103. Cette
démarche était notamment nécessaire afin de respecter le principe de légalité.
Force est d’admettre qu’une définition législative était bienvenue, la définition
commune du terme de Biodiversité étant complexe et peu intuitive. En effet, le
Larousse définit la Biodiversité comme « Diversité des espèces vivantes et de
leurs caractères génétiques»104. Comme on peut le constater, cette définition
appliquée au droit ne se limiterait pas à la protection environnementale mais
pourrait s’appliquer à des cas de racisme ou d’eugénisme, la diversité humaine
étant prise en compte dans cette définition. Dès lors, il est appréciable que le
législateur français se soit comporté comme son homologue canadien en ayant
défini dans un article introduisant la section concernée le sens qu’il retient du
terme de « biodiversité », sens qui est le suivant :

102 LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,
(2016) 2016-1087.
103 Ibid, article 1.
104 Éditions Larousse, « Définitions : biodiversité - Dictionnaire de français Larousse », en ligne :
<https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/biodiversit%C3%A9/9406> (consulté le 6 juin 2019).

55
On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des
organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres,
marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes
écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des
espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les
interactions entre les organismes vivants105.
Si le législateur français a fait un effort de définition, en reprenant au
passage celle adoptée lors du troisième Sommet de la Terre ayant eu lieu à Rio
de Janeiro en 1992106, elle demeure sans doute encore trop complexe. Bien que
l’idée générale soit louable, c’est-à-dire affirmer que l’espèce humaine n’est pas
seule dans son environnement bien qu’elle l’impacte fortement, son application
semble laborieuse. En effet, définie de la sorte, la notion de « biodiversité » se
trouve dotée d’une ambivalence certaine : le terme provoque, selon Van Lang,
« un élargissement de la visée protectrice du droit qui intègre dorénavant le milieu
et les fonds marins, les paysages nocturnes et ordinaires, le trait de côte et la
ressource sédimentaire, ainsi que toutes les espèces vivantes» 107.

Si une telle définition n’est fondamentalement pas problématique, elle


augmente la portée du régime de protection et pour certains auteurs « dans ce
contexte, le droit pénal est donc très présent, tant dans ses aspects procéduraux
que dans ses aspects substantiels »108. Or cela peut être contraire à l’idée même
d’ultima ratio, car le droit pénal au sens français du terme se retrouve sollicité de
manière extrêmement importante, certains auteurs considérant qu’il l’est trop pour
qu’il soit vraiment efficace. C’est le constat qu’offre cette loi Biodiversité selon le
Professeur Beaussonie109, la plupart des sanctions contre les pollutions ayant été
renforcées sans que l’on ait pris le temps au passage d’unifier les anciens régimes

105 Article L110-1, Code de l’environnement.


106 Organisation DES NATIONS UNIES, Convention sur la diversité biologique, Conférence des Nations Unies
sur l’environnement et le développement. Nations Unis, Rio de Janeiro, 1992.
107 Agathe VAN LANG, « La loi Biodiversité du 8 août 2016: une ambivalence assumée. Le droit nouveau: la
course à l’armement (1re Partie), » [2015] L’Actualité juridique Droit administratif 2381.
108 Guillaume BEAUSSONIE, « Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la
nature et des paysages » [2016], 4, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, pages 813 à
829.
109 Ibid

56
d’incriminations. En effet, sans rentrer dans le détail de cette loi Biodiversité110, on
se rend compte que le terme Biodiversité dans cette loi est suffisamment permissif
pour englober toutes les anciennes réglementations en matière de droit pénal de
l’environnement, mais également pour les enrichir de quelques ajouts : des
infractions contre « l'utilisation non autorisée de ressources génétiques » 111, tout ce
qui a trait aux installations artificielles en mer112, des infractions pour préserver
certaines espèces de pêche (notamment l’anguille européenne, l’esturgeon
européen, et le saumon atlantique)113, et de manière générale on durcit les
sanctions contre le non-respect des réglementations des réserves naturelles 114.

Dès lors, on peut constater un potentiel écueil du terme de Biodiversité, ou


du moins de l’utilisation qu’en fait le législateur : il étend encore plus le champ de
la répression pénale. Cela peut paraître étonnant car il n’est pas moralement
critiquable de protéger davantage la biodiversité, puisqu’après tout il est évident
qu’il est urgent de protéger l’environnement. Mais d’un point de vue du droit cela
peut affaiblir l’efficacité du droit pénal. Car s’il est communément admis que le droit
pénal de l’environnement est un « monstre polymorphe »115, du fait de son régime
éclaté, utiliser de la sorte une notion aussi évanescente que celle de
« biodiversité » ne va pas favoriser sa clarté. En effet, dans le traitement qu’en fait
le législateur, cela peut avoir un impact négatif sur l’applicabilité de la loi par le
juge, car cela ne fait qu’offrir des outils parfois redondants au juge sans faire un tri
nécessaire au préalable. Le problème ne vient donc pas tant de la notion elle-
même, mais de la manière dont celle-ci a été utilisée par le législateur, à savoir
comme une couche supplémentaire d’un mille-feuille déjà particulièrement
indigeste.

110 On conseillera pour cela de lire l’article du Professeur Guillaume BEAUSSONIE sur la question : Ibid.
111 LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,
supra note 102, article 37.
112 Ibid, articles 94 à 96.
113 Ibid article 139.
114 Ibid, article 163.
115 Dominique GUIHAL, Jacques-Henri ROBERT et Thierry FOSSIER, Droit répressif de l’environnement,
4ème édition, coll Economica, Paris, 2016.

57
Tout l’intérêt d’une définition conceptuelle est de circonscrire la notion que l’on
tente de définir tout en complétant la définition par énumération généralement
préalable. L’idée est de poser des bordures, des limites à ce que l’on protège ou
non. Et en termes d’applicabilité il ne faut que cela vienne compliquer un régime au
préalable manquant d’unité. Or, comme le montre la loi Biodiversité, le législateur
ne se sert pas de ce terme pour unifier son régime de protection mais seulement
pour ajouter des couches supplémentaires. Ce qui est malheureusement
préjudiciable à la protection de l’environnement dans la mesure où le régime en
ressort plus complexe qu’avant.

Ce constat amène à penser qu’en l’état le terme de « Biodiversité »


possède certes un potentiel intéressant, mais qu’il a été mal utilisé par le
législateur. En effet, la définition que celui-ci propose est bien trop vague,
vaporeuse, les expressions qu’il utilise peinant à illustrer réellement ce qu’est la
biodiversité et offrant potentiellement un objet de protection infini. Pour autant, ce
concept est suffisamment intéressant pour mériter d’être creusé un peu plus en
profondeur et il sera judicieux d’étudier la façon dont le Canada s’en sert.

Le traitement de ce concept au Canada. Au Canada la LCPE n’emploie


pas le terme de « Biodiversité » mais plutôt l’expression « d’êtres vivants », celle-ci
pouvant être considérée comme moins exhaustive. De plus il n’existe pas de loi
Biodiversité, bien qu’une soit en cours d’écriture du côté de la Nouvelle-Écosse 116.
Pour autant, ce pays n’a pas ignoré la biodiversité et a adopté cinq accords
internationaux visant à protéger la biodiversité : la Déclaration de Rio sur
l'environnement et le développement , l’Agence 21 , la Convention sur la diversité
biologique, la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques et enfin la Déclaration de principe relatifs aux forets117. Ces

116 Zone Environnement- ICIRadio-Canadaca, « Nouvelle-Écosse : la loi sur la biodiversité devra attendre »,
en ligne : Radio-Canada.ca <https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1164063/loi-biodiversite-nouvelle-
ecosse-protection-ecosysteme-especes> (consulté le 12 juin 2019).
117 Ressources naturelles Canada, « Politiques et lois » (8 novembre 2013), en ligne :
<https://www.rncan.gc.ca/forets/canada/lois/13198> (consulté le 12 juin 2019).

58
engagements pris au niveau fédéral sont complétés par le pouvoir des Provinces
en matière de protection de la biodiversité notamment par le biais de la gestion des
écosystèmes terrestres et aquatiques sur leurs territoires. Il faudra donc guetter
l’apparition de ce terme dans les futures lois environnementales canadiennes afin
de vérifier si les potentiels écueils français se répètent ou non.

III/ Le développement durable

Avant de rentrer dans le détail du concept de développement durable, il


convient de noter que ce concept ne constitue pas à proprement parler un élément
de définition de la notion d’environnement en droit. Dès lors, ce constat établi il
peut paraître étonnant d’en poursuivre l’étude dans ce mémoire. Or on remarque
rapidement que cette notion est souvent associée à celle d’environnement, que ce
soit dans les lois générales ou par le juge pénal. Il est d’ailleurs fréquent que le
droit pénal vienne sanctionner le non-respect de règlements pris afin de faire
respecter les principes de développement durable118. Dès lors, comme le
soulignent certains auteurs, s’« il n'en demeure pas moins que le droit pénal, en
investissant chacun des piliers économique, social et écologique du
développement durable tend à donner un caractère contraignant au « droit du
développement durable » »119, il convient d’étudier cette notion dans le détail afin
de comprendre en quoi elle constitue un atout pour le droit pénal dans la protection
de l’environnement.

118 On peut prendre pour exemple un arrêt récent en la matière, le juge pénal venant sanctionner le non-
respect d’un règlement d’urbanisme visant à faire respecter les principes du développement durable :
Crim, 2 avril 2019, 18-81917, Publié au bulletin, [2019] Publié au bulletin (Cour de cassation), en ligne :
<https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000038373512>; De même on
peut également prendre pour exemple l’arrêt Crim. 18 mai 2016, FS-P+B, n° 15-84.771 venant
sanctionner une infraction de chasse sans permis de chasse, ceux-ci venant « assurer le développement
durable des populations de gibier et préserver leurs habitats, en conciliant les intérêts agricoles, sylvicoles
et cynégétiques. » (Voir sur la question l’article Dalloz Actualité : Chasse : interprétation stricte de la
contravention de chasse sans plan de chasse individuel - Environnement et urbanisme | Dalloz Actualité,
https://www-dalloz--actualite-fr-s.biblio-dist.ut-capitole.fr/flash/chasse-interpretation-stricte-de-
contravention-de-chasse-sans-plan-de-chasse-individuel#.XTtY4OhKhPY)
119 Juliette MONGIN et Emmanuel DAOUD, « Le droit pénal demeure-t-il étranger à la notion de
«développement durable»? Rien n’est moins sûr! », AJ pénal 2009.402.

59
Une prise en compte de l’avenir. Le troisième terme qu’il s’agit donc
d’étudier car venant compléter cette définition conceptuelle est celui de
« développement durable ». Cette expression, à l’instar de celle de « biodiversité »
évoquée plus haut, date également de 1980 et de la publication Stratégie
mondiale de la Conservation, un ouvrage de l’Union internationale pour la
conservation de la nature (UICN)120. Bien que ce terme soit apparu en même
temps que celui de « biodiversité » en 1980, il faudra attendre 1988 avec la
Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Notre avenir à
tous121 pour qu’il se voie doter d’une définition étendue et complète. En effet, cette
commission souvent appelée également rapport Brundtland, du nom de la
présidente de la commission : la première ministre de la Norvège, Madame Gro
Harlem Brundtland, a eu pour tâche de « promouvoir les valeurs et principes du
développement durable »122. C’est lors de cet exercice que la principale définition
du développement durable a vu le jour : « Un développement qui répond aux
besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de
répondre aux leurs »123.

Définition qui sera reprise par de nombreux pays, dont la France et le


Canada, et ce notamment dans les lois visant à protéger l’environnement. Il suffit
de prendre pour exemple l’article L110-1 du code de l’environnement précité qui
retient peu ou prou la même définition dans son grand II : « l'objectif de
développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la
santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations
futures à répondre aux leurs »124 ou encore La loi canadienne sur protection de
l’environnement qui reprend la définition de 1988 à l’identique dans son article 3 de

120 UICN/PNUE/WWF, supra note 99.


121 Rapport BRUNDTLAND, « Commission mondiale sur l’environnement et le développement », Notre avenir
1988.
122 « Le Québec sur la voie du développement durable », en ligne :
<http://www.environnement.gouv.qc.ca/developpement/voie.htm#1984> .
123 R. BRUNDTLAND, supra, note 121, p14.
124 Article L110-1, supra note 7.

60
définition125. La loi fédérale sur le développement durable reprend également cette
définition à l’identique dans son article de définition 126. Du côté de la province du
Québec en revanche, la LQE ne définit pas le développement durable bien qu’elle
en fasse mention onze fois, et ce notamment dans l’article préliminaire. Si la LQE
affirme effectivement qu’elle respecte les principes du développement durable, elle
renvoie à la « Loi sur le développement durable » pour tout ce qui consiste à
définir cette notion ainsi que les valeurs qu’elle exprime. Cette définition est
intéressante car contrairement aux autres articles précédemment cités qui
reprenaient à l’identique la définition de 1988, celle-ci fait légèrement évoluer la
notion, car au Québec, le développement durable s’entend :

d’ un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre


la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement
durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le
caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et
économique des activités de développement127.

Mais outre ces définitions, il s’agit de comprendre précisément ce que


signifie cette notion et l’impact que cela peut avoir sur nos régimes de protection
de l’environnement. La notion de développement durable recèle un concept unique
et intéressant : la projection des conséquences des infractions environnementales
sur les générations futures, non seulement d’un point de vue environnemental,
mais aussi social et économique. Contrairement aux autres notions, celle de
développement durable vise à protéger dans la durée et intègre donc une notion
de temporalité relativement unique. Mais ce n’est pas la seule raison qui rend cette
notion unique ; elle est novatrice également en ce qu’elle envisage l’équité
économique au même niveau que la protection de l’environnement 128. Cette idée
est parfaitement illustrée dans la définition québécoise du développement durable

125 Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33, <http://canlii.ca/t/6bkss>
consulté le 2019-05-13, supra note 1.
126 Ministère de la Justice, Loi fédérale sur le développement durable (8 avril 2019), en ligne :
<https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/f-8.6/page-1.html>.
127 Loi sur le développement durable, RLRQ c D-811, en ligne : RLRQ c D-8.1.1
<http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/D-8.1.1> article 2.
128 Supra note 122.

61
car on y affirme bien l’importance et le « caractère indissociable des dimensions
environnementales, sociales et économiques des activités de développement ».
L’idée derrière le développement durable est donc non seulement de préserver les
ressources pour les générations futures, mais également de les redistribuer afin de
permettre un équilibre écologique et économique. Cette construction en trois piliers
(environnemental, économique et social) est le propre même du
« développement » prôné par cette notion.

Un « développement » durable. Pour revenir plus précisément sur deux


des éléments constituant le développement durable, le premier d’entre eux est
l’idée même de « développement ». En effet, bien que cela paraisse tautologique,
le développement durable induit un développement, en ce sens qu’il encourage les
générations actuelles et futures à utiliser les ressources naturelles afin de se
développer économiquement et socialement. La protection de l’environnement a
donc, dans cette façon de voir, un impact direct sur le développement économique
et social. Or, cela est novateur car il est coutume d’opposer ces trois notions, plutôt
que de les lier et de reconnaître leur interdépendance. En effet, il est généralement
admis que protéger l’environnement revient à figer l’état actuel de la biodiversité et
des ressources, ce qui nuit généralement à l’économie. Il paraît donc inconciliable
de trouver un équilibre entre les deux, la croissance de l’un impactant
nécessairement l’autre. Cependant, ce n’est pas ce que nous promet le
développement durable, ce concept visant à permettre la croissance simultanée
des deux et cela est perçu comme vecteur de diminution des inégalités sociales.
Comme l’indiquent Corinne Gendron et Jean-Pierre Revéret :

Rejetant l'idée qu'il puisse y avoir une contradiction entre logique


économique et dynamique environnementale, cette conception unipolaire du
développement durable fusionne en quelque sorte environnement et
économie dans un même mouvement d'optimum et d'efficacité.
Profondément enracinée dans le paradigme dominant traditionnel, l'idée
d'une croissance durable traite l'environnement comme une nouvelle
donnée qu'il suffit d'intégrer à un modèle de développement dont les

62
fondements demeurent pertinents: l'utopie de la croissance économique et
du marché autorégulateur conservent leur plein droit de cité 129.
Si ce changement de paradigme est séduisant, force est d’admettre que
certains doutes subsistent. S’il est vrai que sur une période de temps relativement
courte il est possible d’améliorer à la fois la rentabilité économique et la
performance écologique, cela reste beaucoup plus incertain à plus longue
échéance :

Les économistes sont les premiers à faire valoir que les mécanismes de
marché ne donnent pas les bons signaux de prix en matière
d'environnement et qu'il est nécessaire de les corriger pour parvenir à une
allocation optimale. À l'échelle de l'entreprise, bien des investissements
visant la protection de l'environnement pourraient difficilement se qualifier
en vertu des normes usuelles de retour sur investissement. C'est pourquoi
on ne sera guère surpris d'apprendre que c'est la réglementation, et non
l'efficacité ou la rentabilité, qui constitue le premier facteur de motivation à la
modernisation environnementale des entreprises 130.
Cette opposition entre protection de l’environnement et rentabilité
économique n’est pas étonnante dans la mesure où ces deux matières obéissent à
des règles différentes. En effet, les lois de régulation du marché et de l’offre et de
la demande s’accommodent mal d’une matière où les ressources sont collectives
et gratuites. Cela entraîne évidemment une surconsommation et une
surexploitation qui ne peut être limitée par de simples principes économiques. La
solution, pour les néoclassiques, est donc de créer des marchés autour de la
protection de l’environnement, ce qui permettrait de le placer dans le cadre des
mécanismes marchands et donc d’en limiter l’exploitation abusive. 131 Les
« externalités » (que ce soit positives ou négatives : les pollutions ou les
dépollutions...) environnementales se retrouveraient « internalisées » dans les
processus de marché132. Cela se ferait à l’aide de taxes ou bien de permis

129 Corinne GENDRON et Jean-Pierre REVÉRET, « Le développement durable » (2000) 37:91 Économies et
sociétés p111–124.
130 Ibid.
131 Franck-Dominique VIVIEN, « Pour une économie patrimoniale des ressources naturelles et de
l’environnement » [2009] 1 Mondes en développement p17–28.
132 Maya LEROY et Jacques LAURIOL, « 25 ans de Développement Durable : de la récupération de la
critique environnementale à la consolidation d’une dynamique de normalisation » (2011) Volume 28:2
Gestion 2000 127-145.

63
d’exploitation. « L’école du droit de propriété » ou du « droit rationnel » quant à elle
a une solution radicale bien qu’inenvisageable : privatiser l’environnement. Ce
serait également une manière de déployer les mécanismes de marché et cela
entraînerait une gestion optimale des ressources133.

Enfin, la dernière dimension induite par le développement durable est celle


du développement social. En effet, le développement durable est constitué d’un
triptyque entre écologie, économie et social. Cette conception tripartite est reprise
par de nombreux organismes, notamment dans l’article 5 de la loi québécoise sur
la régie de l’énergie : « Elle favorise la satisfaction des besoins énergétiques dans
le respect des objectifs des politiques énergétiques du gouvernement et dans une
perspective de développement durable et d’équité au plan individuel comme au
plan collectif »134.

En réalité, cette dimension sociale n’est pas anodine car elle associe l’idée
de développement durable à un certain progressisme. Elle permet dès lors de
mettre en avant l’équité et l’égalité des citoyens devant l’accès aux ressources.
Toutefois, cette conception est critiquable dans la mesure où elle lie intimement
développement social et économique. Ce qu’elle retire en autonomie au concept
de développement social, elle le transfère à l’économie, qui se voit donc dotée d’un
poids substantiel par rapport aux deux autres éléments du triptyque.
L’environnement et le social ne sont donc plus perçus comme des fins en soi, mais
bien comme des moyens du développement économique. De même, autre critique
adressée à cette organisation : les éléments du triptyque se compensent-ils entre
eux ou au contraire ne sont-ils pas substituables ? S’ils sont substituables, l’idée
même de protection de l’environnement semble dévoyée car compensée par une
croissance économique ou sociale suffisante. S’ils ne le sont pas, alors au
contraire l’écologie devient un incontournable et l’équilibre ne tient plus par

133 Sur les écoles « néoclassiques » et du « droit de propriété », voir Michael JACOBS, « The limits to
neoclassicism: towards an institutional environmental economics » dans Social theory and the global
environment, Routledge, 2013, 75–99.
134 Loi sur la Régie de l’énergie, RLRQ c R-601, en ligne : RLRQ c R-6.01
<http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/R-6.01> .

64
l’interdépendance des trois dimensions, mais plutôt par leur dimension obligatoire
et non négociable. Le développement durable n’est donc plus un construit vivant et
en autosuffisance, il devient au contraire un construit artificiel et contraignant, bien
qu’indispensable135.

Un développement « durable ». L’autre idée tautologique mais phare du


développement durable est que ce développement doit nécessairement s’inscrire
dans la durée, tel que défini dans le chapitre 2 du Rapport Brundtland :

Ainsi, les objectifs du développement économique et social sont définis en


fonction de la durée, et ce dans tous les pays (...). Les interprétations
pourront varier d'un pays à l'autre, mais elles devront comporter certains
éléments communs et s'accorder sur la notion fondamentale de
développement durable et sur un cadre stratégique permettant d'y
parvenir136.
Cette durabilité vient faire écho au fait « qu’une croissance infinie dans un
monde fini est impossible»137. Il faut donc gérer convenablement les ressources
pour proposer un développement actuel tout en respectant le triptyque précédent,
mais également en faisant en sorte que ce développement non seulement ne lèse
pas les générations futures, mais leur permette de connaître le même. Dès lors :

le développement durable implique une communauté humaine avec les


générations passées et futures. Une politique de développement durable
prend en charge l'héritage des sacrifices et du travail des générations
précédentes en vue du bien être des générations présentes et futures. À cet
égard, elle entre, en partie, en conflit avec les visions atomistes qui voient
dans les êtres humains de purs individus, nés par génération spontanée et
sans obligation vis-à-vis du passé ou du futur138.

135 Pour de plus amples détails sur les notions de « durabilité faible » et de « durabilité forte » à l’origine de
cette opposition des deux conceptions du développement durable, voir : GENDRON et REVÉRET, supra
note 129.
136 R. BRUNDTLAND, supra, note 121.
137 LEROY et LAURIOL, supra note 132.
138 Romain FELLI, « La durabilité ou l’escamotage du développement durable » (2015) N° 60:4 Raisons
politiques p149-160.

65
Cette idée de solidarité entre les générations humaines n’est pas nouvelle
et a été exprimée dès le XIXème siècle par Karl Marx :

Une société entière, une nation et même toutes les sociétés


contemporaines réunies ne sont pas propriétaires de la terre. Elles n'en sont
que les possesseurs, elles n'en ont que la jouissance et doivent la léguer
aux générations futures après l'avoir améliorée en boni patres familias139.
Loin de n’être qu’une simple déclaration de principe, cette idée de durabilité
est à l’origine même du concept de développement durable. Elle en est un pilier
majeur mais en réalité son origine est controversée par certains auteurs. En effet,
le Rapport Brundtland a été rédigé à l’origine en anglais et l’expression correcte
utilisée est celle de « sustainable development ». Or, la traduction française la plus
proche du terme « sustainable » est celle de « soutenable », ce qui confère à
l’expression un sens légèrement différent. En effet, la « soutenabilité » fait
davantage écho au fait de permettre à la planète de se régénérer au fur et à
mesure de son exploitation plutôt qu’au fait de permettre son exploitation par les
générations futures. Dès lors, comme certains auteurs le soulignent, « la priorité
ainsi accordée à la durabilité masque l'immédiateté des problèmes » 140, la
durabilité impliquant une notion de long terme pas nécessairement prévue dans
l’expression originale. Pourtant, ce choix de traduction semble être un choix
conscient, il modifie donc substantiellement l’impact de cette notion.

Le droit et le développement durable. Bien que cette notion ait été


étudiée et théorisée aussi bien par des économistes que des sociologues, les
juristes se la sont également appropriée. En effet, nombre de lois
environnementales prônent le respect des principes du développement durable et
placent donc la protection de l’environnement comme une composante de cette
notion. La protection de l’environnement devient donc incluse dans le

139 Karl MARX, Le capital, Livre 3, Tome 3, traduction française de Catherine Cohen-Solal et Gilbert Badia,
Paris, Éditions sociales, 1974, p. 159.
140 Marie-José DEL REY, « « Développement durable » : l’incontournable hérésie » [2010] Recueil Dalloz
1493.

66
développement durable, ce terme dépassant ainsi le concept d’environnement.
Force est de constater que les législations sur le développement durable ont un
intérêt non négligeable : elles sont adaptées et applicables directement aux
entreprises dans le cas de la France, tandis que les lois fédérales et québécoises
sur le développement durable ne s’appliquent qu’à l’administration publique. Là où
la plupart des notions conceptuelles précédemment évoquées, comme la
biodiversité, peuvent rester nébuleuses et marginales, la notion de développement
durable est applicable directement, notamment par sa dimension économique, ce
qui explique que les législations sur le développement durable sont fréquemment
interdisciplinaires : on retrouve, par exemple, le développement durable dans
l’entreprise141, ou le développement durable dans l’urbanisme142…

Le Canada, au niveau fédéral, s’est doté en 2008 d’une loi sur le


développement durable comme indiqué précédemment 143. Comme l’indique
l’article 3 de cette loi :

La présente loi vise à définir le cadre juridique pour l’élaboration et la mise


en œuvre d’une stratégie fédérale de développement durable qui rend le
processus décisionnel en matière d’environnement plus transparent et fait
en sorte qu’on soit tenu d’en rendre compte devant le Parlement 144
Cette « stratégie fédérale sur le développement durable » impose au
gouvernement fédéral des priorités, des objectifs, des cibles en matière de
développement durable, ainsi que les mesures à prendre pour les atteindre. 145
Cette stratégie doit impérativement être renouvelée tous les 3 ans. Elle s’inscrit

141 Sur le sujet, lire Elisabeth LAVILLE , L’entreprise verte: le développement durable change l’entreprise
pour changer le monde, Pearson Education France, 2009.
142 Voir sur la question : Catherine CHARLOT-VALDIEU et Philippe OUTREQUIN, L’urbanisme durable:
concevoir un écoquartier, 2ème ed, Paris, Le Moniteur, 2011. Ce livre permet notamment de comprendre
le concept d’éco-quartier, thème très présent en urbanisme moderne et revenant à lier le développement
durable et les ambitions urbaines. De même voir : Cyria EMELIANOFF, « L’urbanisme durable en Europe:
à quel prix? » [2004] 2 Ecologie politique p21–36 ; ou encore : Pierre MERLIN et Jean-Pierre TRAISNEL,
Energie, environnement et urbanisme durable, Paris, Que sais-je, 1996.
143 Justice, supra note 32.
144 Ibid, article 3.
145 « Stratégie fédérale de développement durable pour le Canada - Canada.ca », en ligne :
<http://www.fsds-sfdd.ca/index_fr.html#/fr/goals/>.

67
enfin comme la méthode employée par le Canada afin de respecter les politiques
internationales en matière de développement durable.

Le Québec, quant à lui, s’est doté deux ans avant le gouvernement fédéral
d’une « loi sur le développement durable » bien que l’obligation de faire des
stratégies de développement durable remonte à 1995146. Cette loi sur le
développement durable a été pensée afin de permettre à la province de respecter
les engagements et principes du développement durable. Cependant, comme
l’indique Claude Béchard, ministre du Développement durable, de l’Environnement
et des Parcs, le 13 avril 2006 :

Cette loi permet au Québec de figurer dorénavant parmi les rares entités
politiques dans le monde, dont quelques États américains, le Manitoba, le
Luxembourg et la Belgique, à s’être donné une législation portant
spécifiquement sur le développement durable. En cela, et grâce à l’appui de
la population, nous avons répondu à l’appel pressant des Nations Unies qui
en 2002, au Sommet mondial de Johannesburg, exhortaient les nations du
monde à accélérer leurs efforts de mise en œuvre du développement
durable147.
Il s’agit donc d’une des rares lois sur le développement durable à titre
principal, l’autre méthode consistant plutôt à introduire le développement durable
dans d’autres législations spécifiques. La France adopte fréquemment cette
posture. En effet, le cas français est intéressant car si la France ne possède pas à
proprement parler de loi sur le développement durable, ce concept irrigue plusieurs
législations françaises. De manière non exhaustive, on peut citer : la charte de
l’environnement dans son article préliminaire148, le code de l’environnement dans

146 Élément de planification québécoise du développement durable, en ligne :


<http://www.environnement.gouv.qc.ca/developpement/etat/element_planif.pdf>.
147 La Loi sur le développement durable , en ligne :
<http://www.environnement.gouv.qc.ca/developpement/loi.htm> .
148 Charte de l’environnement de 2004 , en ligne : Conseil constitutionnel <https://www.conseil-
constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/charte-de-l-environnement-de-2004> .

68
son article L110-1149, les lois Grenelles 1150 et 2151, la loi sur la transition
énergétique du 27 août 2015152…

A ce stade, on peut donc s’étonner du fait qu’à la différence du concept de


biodiversité né exactement au même moment, le concept de développement
durable ait connu un succès aussi rapide. En effet, il a fallu attendre bien plus
tardivement pour que le terme de biodiversité soit employé par les juristes, là où ils
se sont emparés immédiatement de celui de développement durable. En réalité,
cela provient du fait que le concept de développement durable étant
interdisciplinaire, il permet une application bien plus concrète de ses principes. En
n’affirmant pas la nécessité de protéger l’environnement comme une fin en soi,
mais bien pour préserver la croissance économique et le développement, il devient
beaucoup plus facile d’appliquer ce concept aux autres branches du droit. Ce
concept permet donc non seulement d’affirmer des vérités générales quant à la
protection de l’environnement, mais également de le doter d’une efficacité et
applicabilité plus importantes. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les
« principes du développement durable » affirmés par la loi québécoise sur ce
sujet153. Ceux-ci sont certes d’ordre général mais transmettent efficacement la
dimension tripartite de ce concept. On retrouve assez rapidement la dimension
environnementale (principe de « protection de l’environnement »), la dimension
économique (principe « d’efficacité économique ») ou encore la dimension sociale
(principe « d’accès au savoir »). Ces principes généraux s’accompagnent ensuite
de principes plus spécifiques sur chacune des matières comme la « protection de
la biodiversité », le principe de « pollueur payeur », ou encore le « principe de
précaution » en matière environnementale ou le « principe de participation et
engagement » en matière sociale et économique.

149 Article L110-1, supra note 14.


150 LOI n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de
l’environnement, 2009-967, 3 août 2009.
151 LOI n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, 2010-788, 12
juillet 2010.
152 LOI n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, 2015-992,
17 août 2015.
153 Loi sur le développement durable, supra note 127, chapitre II, article 6.

69
Le concept de développement durable est donc un concept tentaculaire
mais pertinent dans la mesure où il permet de ne pas isoler la protection de
l’environnement mais de la globaliser. Certes, cela passe par l’affirmation de
principes généraux mais ce concept est suffisamment souple pour pouvoir être
appliqué concrètement à des matières techniques, le développement durable étant
une composante essentielle des réglementations en matière d’urbanisme, par
exemple. Ce concept transcendant la simple notion d’environnement doit toutefois
être utilisé avec parcimonie afin de ne pas être dilué dans une multitude de sous-
concepts tels que ceux d’« économie verte », de « croissance verte », de « Green
154
New deal », de « transition économique », de « transition carbone » ... Cette
globalisation vient inverser le rapport environnement/droit : là où les autres
concepts constituent des branches du droit pénal (droit pénal de l’environnement
par exemple), le droit pénal devient ici une branche et un outil du développement
durable. Toutefois force est de constater que si la notion est présente de manière
conséquente dans les différentes législations, elle gagnerait à être utilisée de
manière plus directe par le juge pénal. En effet, bien que celui-ci applique les
principes du développement durable 155, il ne nomme jamais directement cette
notion, son application devenant indirecte. Cela rend le développement durable
encore trop global, et cette notion gagnerait en importance si elle était appliquée
directement. Dans le cas de la France, une première étape dans cette démarche
serait d’inscrire cette notion dans le Code pénal.

154 Voir sur la question : FELLI, supra note 138.


155 Voir supra note 118

70
Partie II/ Le critère d’intervention pénaliste : les atteintes
réprimées

L’étude de la notion d’environnement a permis de mettre en exergue le


constat suivant : le droit pénal utilise la même définition de l’environnement que les
autres matières juridiques, que ce soit les termes de la définition par énumération,
ou ceux de la définition conceptuelle. Dès lors, une fois ce constat préliminaire
admis, il convient de se demander quel est le critère qui détermine l’intervention du
droit pénal. En effet le droit pénal étant un droit expressif, il est censé exprimer les
valeurs qu’une société entend défendre. Or pour cela il ne doit pas être dévoyé, et
intervenir trop fréquemment. Ainsi si son champ d’intervention est le même que
celui du droit de l’environnement de manière générale, quel critère permet de
restreindre l’usage du droit pénal aux incriminations strictement nécessaires ? Car
le droit pénal « est souvent vu, par les matières techniques, comme un droit
simplement sanctionnateur et non comme une discipline normative. […] Cette
méthode, lorsqu'elle affecte le cœur d'un délit, et non simplement l'un de ses
éléments, ne prend pas en compte la nature juridique particulière de l'objet d'une
incrimination »156. Il n’intervient plus par le biais de normes pénales ou
« criminelles » édictées en tant que telles (dans son assertion canadienne, c’est-à-
dire les comportements les plus graves), mais bien par la sanction de dispositions
générales issues du droit de l’environnement ou du droit administratif. Dès lors si
l’on ne se trouve plus en présence d’incriminations criminelles et pénales en tant
que telles, qu’est-ce qui détermine l’intervention du droit pénal ?

156 B. DE LAMY, supra note 17.

71
Chapitre 1 : les critères déterminants l’intervention du droit pénal

Afin d’apporter une réponse brève et immédiate à la question précédente, il s’agit


de répondre simplement : la gravité du dommage. En effet tout le critère
d’intervention pénaliste en matière environnementale va dépendre de la gravité de
l’atteinte causée à l’environnement (I). Il est par ailleurs intéressant de noter que
dans cette logique, la faute et le lien de causalité sont clairement moins
déterminants (II).

I/ Le dommage

Pour que les juges canadiens et français soient saisis d’une infraction en droit
pénal de l’environnement il faut que le comportement poursuivi provoque un
dommage suffisamment grave (A), ce qui n’empêche pas que ce dommage puisse
être potentiel (B).

A/ UN DOMMAGE GRAVE

L’appréciation de la gravité du dommage par le juge canadien. Pour


qu’une infraction pénale environnementale soit constituée en droit canadien il faut
que le dommage causé possède une certaine gravité, ce qui est illustré par le fait
que le droit pénal de l’environnement obéit au principe « de minimis non curat
lex », traduit dans la décision Ontario contre Canadien Pacifique ltée en : « la loi
ne se soucie pas des bagatelles ».157 Cet adage signifie que la loi n’intervient que
sur les situations graves, et non pas pour réprimer les comportements aux
conséquences dérisoires. De plus, dans la décision précédemment évoquée, la
Cour suprême affirme que les termes généraux de la prohibition générale de
polluer doivent être interprétés de façon restrictive et non extensive afin d’éviter

157 Ontario c Canadien Pacifique Ltée, [1995] 2 RCS 1028 (C), para 65.

72
des résultats injustes ou inéquitables. Les lois environnementales étant
généralement volontairement larges, il convient de les interpréter restrictivement
afin de ne pas appliquer les règles pénales à des situations absurdes et donc
minimes. À ce sujet, le juge Gonthier écrit au nom de la majorité :

Lorsqu’une disposition se prête à plus d’une interprétation, le principe de


l’absurdité peut permettre de rejeter les interprétations qui entraînent des
conséquences négatives, puisqu’on peut présumer que le législateur ne
visait pas de telles conséquences. De façon plus précise, comme on peut
présumer que le législateur ne voulait pas attacher de conséquences
pénales à des violations négligeables ou minimes d’une disposition, le
principe de l’absurdité permet d’en réduire la portée. À cet égard, le principe
de l’absurdité est très proche de l’adage de minimis non curat lex158

Dès lors, on retient de cet arrêt que le préjudice environnemental doit être
plus que minime ou dérisoire pour pouvoir conclure à une altération de la qualité
de l’environnement, et donc à un acte de pollution. Cette affirmation montre bien
que dans la décision précédemment évoquée, le juge canadien retient une
interprétation restrictive des prohibitions de polluer lorsque celles-ci sont formulées
en termes généraux. Mais la question ne se pose pas « lorsque l’infraction
reprochée fait référence à des normes réglementaires formulées en termes précis,
prévoyant des seuils d’émission et identifiant des substances particulières » 159 Ces
dispositions réglementaires étant précises, elles ne sont pas propices par essence
à ce qu’elles soient interprétées. Le juge n’a donc pas à se substituer à l’autorité
compétente. Glanville Williams écrivait d’ailleurs sur le sujet :

The maxim de minimis non curat lex comes into its own when the legislature
has not attempted mathematical precision but has used ordinary language,
the application of which involves questions of the little less and the little
more.160
Ce constat apporte une conséquence importante, relative au fait que dans le cas
de normes réglementaires l’appréciation de la gravité de l’atteinte causée ne se fait

158 Ibid.
159 Paule HALLEY, « La règle de minimis non curat lex en droit de l’environnement », (2004) 214 Service de
la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en droit de l’environnement,
p. 251-290, citation p. 254
160 Glanville Llewelyn WILLIAMS et Dennis J. BAKER, Textbook of criminal law, Londres, Stevens, 1983.

73
pas par le juge mais par l’administration. Dès lors le critère de gravité du dommage
devient moins important.

Toutefois, le développement précédent prend en compte le droit pénal dans son


ensemble, en venant affirmer qu’un dommage non minime est nécessaire pour que
le droit pénal intervienne. Or, comme vu précédemment, le droit pénal canadien se
divise en deux branches : le droit criminel créé par le parlement fédéral, et le droit
pénal réglementaire régi par le pouvoir provincial. En ayant connaissance de cette
dichotomie on serait tenté de considérer que le droit criminel intervient pour les
comportements ayant entraîné les dommages les plus importants, or cela n’est pas
tout à faire exact. Mais avant de développer ce point il convient d’étudier la
compétence du fédéral en droit criminel.

La large compétence du fédéral en droit criminel. De manière générale,


pour que le droit criminel puisse sanctionner un comportement, il faut que celui-ci
constitue une atteinte à un objectif public légitime. Cela est illustré notamment par
les arrêts R c. Malmo-Levine et R c. Caine.161 En effet, au paragraphe 74, les juges
Binnie et Gonthier affirment :

Pour qu’une loi puisse être considérée comme relevant du droit criminel,
elle doit comporter les trois éléments suivants : un objet valide de droit
criminel assorti d’une interdiction et d’une sanction (Renvoi relatif à la Loi
sur les armes à feu (Can.), [2000] 1 RCS 783, 2000 CSC 31, par. 27). Le
droit criminel englobe les lois favorisant la paix, la sécurité, l’ordre ou la
santé publics et tout autre objectif public légitime. Dans
l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995]
3 RCS 199, notre Cour a jugé que l’interdiction devait reposer sur un objectif
public légitime. Dans Brasseries Labatt, précité, estimant qu’un risque pour
la santé pouvait justifier une interdiction de nature pénale, le juge Estey a
énoncé assez largement les objectifs que peut viser le droit criminel,
notamment « l’ordre, la sécurité, la santé et les bonnes mœurs publics »
(p. 933). 162

161 R. c. Malmo- Levine; R. c. Caine, [2003] 3 RCS 571, CSC 74


162 Ibid, paragraphe 74

74
En matière pénale environnementale, depuis l’arrêt R c. Sault Ste-Marie de 1978163
la Cour Suprême a eu tendance à considérer que les infractions anti-pollutions ne
sont pas de nature criminelle mais sont de nature réglementaire. Toutefois, dans
l’arrêt R c. Hydro-Québec la Cour suprême soutient que la protection de
l’environnement est un objectif légitime du droit criminel canadien. Dès lors, le
Parlement fédéral peut légiférer en matière de substance toxiques en vertu de sa
compétence en droit criminel :

Je conclus que le Parlement peut, en vertu de sa compétence en matière de


droit criminel, édicter validement des interdictions relatives à des actes
précis en vue de prévenir la pollution ou, autrement dit, le rejet de certaines
substances toxiques dans l’environnement164
Et bien que cet arrêt puisse être critiqué du fait qu’il permette au droit criminel
d’édicter des interdictions réglementaires en matière de droit de l’environnement, il
a également été soutenu par la dissidence sur ce point 165. De même le principe de
cet arrêt a également été repris dans un autre arrêt de la Cour d’appel fédérale :
l’arrêt Syncrude166. En effet, la décision Syncrude est une application de l’arrêt
Hydro-Québec en ce qu’elle reconnaît la compétence du Parlement fédéral
d’adopter la partie 5 de la LCPE relative aux substances toxiques en vertu de sa
compétence en droit criminel.167 En effet, dans cet arrêt, Syncrude contestait
l’exigence relative à la teneur de 2 % en carburant renouvelable imposée par le

163 R c Sault Ste Marie, [1978] 2 RCS 1299, en ligne : RCS <http://canlii.ca/t/1mkbv> (consulté le 24 juillet
2019).
164 R c Hydro-Québec, [1997] 3 RCS 213, en ligne : RCS <http://canlii.ca/t/1fqzq>, para 130, juge La Forest.
165 R c Hydro-Québec, [1997] 3 RCS 213, en ligne : RCS <http://canlii.ca/t/1fqzq> paragraphe 42. Les juges
Iaccobucci et Lamer étaient d’accords sur ce point, comme ils l’expliquent au paragraphe 43 : « Par
conséquent, dans la mesure où le juge La Forest dit que la présente loi peut être justifiée en tant que loi
concernant la santé, nous devons exprimer, en toute déférence, notre désaccord. Nous sommes cependant
d’accord avec lui pour dire que la protection de l’environnement est en soi un objectif public légitime en
matière criminelle, analogue à ceux mentionnés dans le Renvoi sur la margarine, précité. Sans vouloir ajouter
quoi que ce soit à son raisonnement limpide sur ce point, nous tenons à préciser que cet objectif ne se fonde
sur aucun des autres objectifs traditionnels du droit criminel (santé, sécurité, ordre public, etc.). Dans la
mesure où il souhaite dissuader expressément de polluer l’environnement, par l’imposition de peines
appropriées, le Parlement est libre de le faire sans avoir à démontrer que ces peines visent, en fin de compte, à
atteindre l’un des objectifs « traditionnels » du droit criminel. La protection de l’environnement représente en
soi une justification légitime d’une loi criminelle. »
166 Syncrude Canada Ltd c Canada (Procureur général), 2016 CAF 160, en ligne :
<http://canlii.ca/t/j113w>.
167 Ibid, paragraphe 46.

75
paragraphe 5(2) de la LCPE.168 Or cette exigence vise la réduction des substances
toxiques dans l’atmosphère169, ce qui constitue un objectif de protection de
l’environnement et donc un objectif légitime de droit criminel au sens de l’arrêt
Hydro-Québec précédemment évoqué.170

Le critère d’intervention du droit criminel et la non-prise en compte de


la gravité du dommage. Comme vu précédemment le droit criminel intervient
lorsque l’infraction porte atteinte à un objectif public légitime. De plus, si le droit
criminel vise à sanctionner les comportements les plus graves, cela ne veut pas
dire que la gravité du dommage environnemental soit une condition de son
intervention. En effet, dans l’arrêt Malmo-Levine précédemment évoqué, la
majorité n’est pas d’accord avec le fait « de faire la preuve du préjudice important
qu’il invoque pour justifier le recours à des sanctions pénales » 171 Dès lors, bien
que la Cour suprême soit divisée sur ce point, on peut considérer que la gravité de
l’atteinte n’est pas un facteur pour évaluer la compétence fédérale en droit
criminel.

Dès lors, afin d’éclaircir les développements précédents, il s’agit de retenir qu’en
droit canadien, un comportement doit provoquer un dommage non minime et
suffisamment grave pour que le droit pénal puisse le sanctionner. Or cela englobe
le droit pénal dans son ensemble, mais n’est pas un critère permettant de
déterminer l’intervention du droit criminel, celui-ci intervenant notamment lorsqu’un
objectif public légitime doit être défendu.

La gravité du dommage en droit pénal environnemental français. Le


droit français est moins sensible à l’exigence d’un critère de gravité quant au
168 Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33, <http://canlii.ca/t/6bkss>.
169 Syncrude Canada Ltd c Canada (Procureur général), supra note 166, para 41.
170 Concernant l’arrêt Syncrude nous conseillons l’article suivant : Mascher, « Prime Minister Trudeau
You’ve Got the Power (the Criminal Law Power): Syncrude Canada Ltd v Canada and Greenhouse Gas
Regulation », en ligne : <http://canliiconnects.org>.
171 Supra note 161, para 96 et 97.

76
dommage environnemental. Cela s’explique principalement par le fait que le droit
pénal de l’environnement français est un droit pénal réglementaire 172, dès lors il
vient sanctionner le non-respect de prescriptions administratives. Or dans ce cas
précis, c’est l’administration qui vient évaluer la gravité du comportement, et le
seuil au-delà duquel l’acte de pollution est constitué. Le législateur pénal n’a donc
aucun rôle dans la fixation de ce critère. Ainsi le juge pénal prend en compte le
dommage principalement au stade de détermination de la peine, et assez peu au
stade de la détermination de culpabilité. Il est ainsi fréquent que la loi française
prévoie des circonstances aggravantes en matière de dommage d’une particulière
gravité, comme par exemple en ce qui concerne l’infraction de rejet de substances
polluantes en mer.173 De même la gravité du dommage infligé à l’environnement
sera prise en compte par le juge lorsque celui-ci voudra prononcer à titre de peine
complémentaire la réparation dudit dommage et la remise en état du site. 174

De plus, le dommage intervient principalement en droit de l’environnement français


au stade de l’action publique et de l’action civile. En effet, l’environnement n’ayant
pas la personnalité juridique175 celui-ci ne peut déclencher l’action publique lui-
même, et il ne peut pas plus se prévaloir d’un préjudice subi. Dès lors cela pose
des questions de droit d’action plutôt que d’intervention du droit pénal, car c’est
d’une manière fictive que l’on considère que le dommage puisse être subi par une
association de protection de l’environnement. Car la biodiversité, la qualité de l’air,
de l’eau, sont insusceptibles d’appropriation par une personne physique. 176

Enfin, si l’exigence de gravité du dommage est moins importante en droit pénal de


l’environnement français, cela procède également en partie du fait que le
dommage exigé est le plus souvent potentiel.

172 Voir à ce sujet : Jaworski, supra note 26.


173 Article L218-19, Code de l’environnement. Cet article vient déterminer les peines de cette infraction, et
leurs circonstances aggravantes, la gravité du dommage figurant ainsi au II
174 Remise en état possible conformément à l Article L173-5, Code de l’environnement.
175 On conseillera sur la réflexion de la personnalité juridique de l’environnement : Garrett Hardin, « Should
Trees Have Standing?: Toward Legal Rights for Natural Objects Christopher D. Stone » (1975) 25:5
BioScience 330-331, doi : 10.2307/1297132.
176 Guihal, Robert et Fossier, supra note 4, page 269, para 18,104.

77
B/ UN DOMMAGE POTENTIEL

La notion de dommage potentiel au Canada. Bien qu’un dommage qui


ne soit pas infime ou minime soit nécessaire pour qu’une infraction pénale
environnementale soit constituée, ce dommage peut être seulement potentiel. En
effet, cela est vrai aussi bien pour les infractions de pollutions que pour le non-
respect de prescriptions administratives. Dans ce cas précis, l’absence de
dommage environnemental paraît logique dans la mesure où c’est le manquement
aux prescriptions qui fait l’objet de sanction. Ainsi la consommation de l’infraction a
lieu dès qu’une prescription administrative n’est pas respectée, et cela est vrai
aussi bien pour les autorisations préalables. En effet celles-ci doivent être
obtenues lorsque les activités sont susceptibles de porter atteinte à
l’environnement, sans qu’il soit besoin de constater l’atteinte réelle. Dans ce cas-ci,
le risque environnemental est pris en compte lors de l’émission de l’autorisation
administrative. A ce propos, au sujet de l’exercice sans autorisation d’une activité
potentiellement polluante sanctionné par l’article 22 de la LQE, la jurisprudence
québécoise a affirmé :

Ce qui doit être prouvé hors de tout doute raisonnable est plutôt l’exercice
par l’appelante, jour après jour et sans certificat d’autorisation, d’une activité
qui était, avant qu’elle soit entreprise, susceptible d’entraîner l’émission d’un
contaminant dans l’environnement. La possibilité objective qu’un projet
puisse provoquer une émission de contaminants ou une modification de la
qualité de l’environnement, sans égard à ce qui a pu être observé une fois
les activités entreprises sans autorisation, me paraît être le critère
applicable pour déterminer son assujettissement à l’article 22 LQE.177

177Auto-Core Désulmé et Gervais Ltés c. Québec (Procureur général), 2004 CanLII 48451 (QC CA), en
ligne : <http://canlii.ca/t/1jhmh> , paragraphe 27.

78
Or, cette potentialité n’est pas exigée seulement en matière de non-respect
de prescriptions administratives, mais également en matière d’infractions de
pollutions. Car bien souvent, les infractions de pollution sanctionnent l’introduction
dans l’environnement d’un polluant, sans qu’un résultat soit exigé. L’acte de
pollution est donc constitué par l’introduction du polluant, mais cela peu importe
ses effets. Pour rester dans l’exemple de la LQE, il suffit de prendre l’article 20 de
cette loi pour illustrer parfaitement cette situation. Cet article affirme une prohibition
générale de polluer en ces termes :

Nul ne peut rejeter un contaminant dans l’environnement ou permettre un tel


rejet au-delà de la quantité ou de la concentration déterminée
conformément à la présente loi.
La même prohibition s’applique au rejet de tout contaminant dont la
présence dans l’environnement est prohibée par règlement ou est
susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être
ou au confort de l’être humain, de causer du dommage ou de porter
autrement préjudice à la qualité de l’environnement, aux écosystèmes, aux
espèces vivantes ou aux biens178.

La deuxième partie de cette loi est intéressante car on parle bien de contaminant
dont la présence est « susceptible » de porter atteinte à la vie, à la santé, à la
sécurité… Cette incrimination ne décrit donc pas une infraction de résultat, car nul
résultat n’est exigé dans la loi, seulement un dommage potentiel mais présentant
un caractère non minime179.

Cette nécessité d’un dommage potentiel et non avéré présente un intérêt


non négligeable en matière environnementale. En effet les infractions
environnementales sont difficiles à prouver, les outils scientifiques ne permettant

178 Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, en ligne :


<http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/Q-2> .
179 Voir les décisions suivantes, la jurisprudence québécoise ayant eu l’occasion de confirmer cet état de
fait : Piette c. Thiffault, C.S.P. Joliette, no 705-27-000095-817, 30 janvier 1984, j. Sylvestre, p. 19 ;
Québec c. New Brunswick International Paper Co.,C.S.P. Bonaventure, no 105-27-000669-76, 4 juillet
1980, j. Cloutier, p. 13 ; R. c. Pétro-Canada, (1995) 16 C.E.L.R. (N.S.) 140, 142-143 (Ont. Prov. Ct.) ;
citées dans Halley, P. « La règle de minimis non curat lex en droit de l’environnement » Formation
permanente du Barreau, Développements récents en droit de l'environnement (2004).

79
pas toujours d’évaluer avec certitude le degré de pollution d’un site. De plus les
dommages peuvent apparaître plusieurs années après l’acte de pollution, et leurs
réelles conséquences s’exprimer sur plusieurs générations. Dès lors il paraît
logique de ne pas exiger de résultat avéré car dans ce cas présent le régime de
protection serait grandement amoindri. De même, pour que l’infraction soit
constituée on n’exige pas que l’environnement soit rendu nocif, on exige qu’une
substance nocive y soit introduite. Sur cette dernière question de nombreux
tribunaux québécois ont eu l’occasion de s’exprimer et d’affirmer cette assertion 180.

En outre, cette potentialité présente un autre avantage : le fait de pouvoir


incriminer des comportements qui polluent des milieux déjà contaminés. En effet,
si l’on exigeait un résultat, cela signifierait qu’un milieu au préalable pollué serait
plus difficile à protéger après un premier acte de pollution, car il est peu aisé de
faire la preuve des impacts négatifs particuliers de chacun des rejets ultérieurs.
Dès lors une certaine forme d’autorisation de polluer existerait pour les milieux
déjà contaminés, ceux-ci étant exclus du régime de protection. Or incriminer la
potentialité du dommage permet de pallier ces écueils, car l’acte de pollution
devient condamnable quel que soit l’état du milieu au moment de cet acte.

Le dommage potentiel en droit pénal environnemental français.


Comme vu précédemment le droit pénal environnemental canadien possède aussi
bien des prohibitions générales de polluer que des incriminations de non-respect
de prescriptions administratives. Le droit pénal de l’environnement français quant à
lui est différent du droit pénal environnemental canadien en ce qu’il ne possède
pas d’interdiction générale de polluer. Il s’agit donc presque exclusivement d’un
droit pénal de réglementation181, qui vient sanctionner le non-respect des
180 Sur la question voir les arrêts suivants : St-Luc (Ville de) c Clément, [1992] RJQ 2167, page 2175-2176 ;
Piette c. St-Amant, C.S.P. Trois-Rivières, no 400-27-002478-78, 27 mars 1979 ;R. c. Lasnier, C.S.
d'Iberville, no 27-001292-81, 19 novembre 1982 ; Piette c. Choinière, J.E. 82-628 (C.S.), p. 5, EYB
1982-140446, cités dans HALLEY, P. Ibid.
181 JAWORSKI, supra note 26, para 40.

80
prescriptions administratives. Dès lors le même raisonnement que pour le droit
canadien est applicable. En effet, comme le rappelle Véronique Jaworski :

Trait marquant de ce droit pénal de réglementation, les infractions sont


commises indépendamment de tout résultat dommageable, puisque le seul
manquement à la réglementation réalise l’infraction punissable. Par
conséquent, nul besoin d’attendre ou de constater une atteinte effective à
l’environnement pour mettre en marche la machine répressive. Il y aura
infraction pénale, et donc responsabilité pénale et sanction en principe, dès
lors que la réglementation n’aura pas été respectée, et cela, même s’il n’en
est résulté aucun dommage182.

Mais ce droit pénal de réglementation peut poser des problèmes car la preuve qu’il
convient d’établir est celle du non-respect d’une prescription administrative, et ce
même si la pollution est avérée. Le juge pénal devient donc assujetti à
l’administration, ce qui pour Véronique Jaworski constitue un écueil certain lorsque
l’administration évalue mal le seuil de pollution. Car dans cas le juge pénal ne peut
intervenir et la pollution devient légale :

Cette réglementation apparaît dès lors comme un « permis de polluer »,


puisqu’elle fixe des seuils de pollution licite. Elle traduit également les
limites des pouvoirs du juge pénal qui se trouve sous la dépendance des
normes fixées par l’Administration, car, s’il n’est pas démontré que les
prescriptions administratives sont transgressées alors même qu’il y a eu
pollution du site, le juge répressif ne pourra pas engager la responsabilité
pénale de l’auteur de la pollution en l’absence de manquement à une
prescription administrative.

L’affaire Péchiney nous en fournit un exemple éloquent : au cours des


années 70, l’usine Péchiney était à l’origine de rejets de fluor dans la nature,
qui avaient entraîné une désertification du site. Or la voie pénale constituait
une impasse pour les paysans victimes de la pollution, car le pollueur
respectait les normes préfectorales concernant les rejets de fluor. La
pollution était licite à cette époque. En l’absence d’infraction, fait générateur
de la responsabilité pénale, le juge pénal ne pouvait donc intervenir. 183

Toutefois il convient de noter que si le droit pénal de l’environnement français ne


possède pas de prohibition générale de polluer, il possède certaines infractions
182 Ibid.
183 Ibid, para 42 et 43.

81
autonomes ne s’appuyant pas sur le non-respect de réglementations
administratives. La différence avec des prohibitions générales de polluer étant
qu’elles ne sont relatives qu’à des matières très précises du droit pénal
environnemental. On prendra pour exemple l’infraction autonome la plus célèbre et
utilisée du Code de l’environnement : l’article L432-2, soit le délit de pollution des
eaux douces de surface. Ce délit est décrit de la sorte :

Le fait de jeter, déverser ou laisser écouler dans les eaux mentionnées


à l'article L. 431-3, directement ou indirectement, des substances
quelconques dont l'action ou les réactions ont détruit le poisson ou nui à sa
nutrition, à sa reproduction ou à sa valeur alimentaire, est puni de deux ans
d'emprisonnement et de 18 000 euros d'amende.

Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés au


présent article court à compter de la découverte du dommage 184.

Or ce que l’on constate immédiatement c’est qu’il s’agit non seulement d’une
infraction très précise et localisée, mais également qu’il s’agit textuellement d’une
infraction de résultat. En effet, pour que le délit soit constitué techniquement, on
demande à ce que les substances introduites aient détruit le poisson ou nui à sa
nutrition. Il ne s’agit pas d’un dommage potentiel mais bien d’un dommage avéré.
Or cela véhicule tous les problèmes énumérés précédemment, notamment
concernant la preuve de l’effectivité de la pollution. Bien que la prescription ait été
modifiée afin de courir à partir de la découverte du dommage et non de la
réalisation du dommage comme il s’agit traditionnellement en droit français 185, le
fait d’en avoir fait une infraction de résultat en amoindrit l’efficacité.

Fort heureusement, les juges de la Cour de cassation ont constaté cet


écueil et ont permis, au prix d’une légère entorse au principe de légalité et à
l’interprétation stricte de la loi pénale, que l’infraction soit constituée bien qu’aucun
dommage n’ait été constaté. Ils ont donc affirmé jurisprudentiellement que le

184 Article L432-2, Code de l’environnement.


185 Notamment le code de procédure pénale français qui dans son article 8 affirme : « L'action publique des
délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise. »

82
dommage était potentiel et non nécessairement constitué 186. Cela a par ailleurs été
salué par la doctrine, celle-ci estimant que cela privilégie la protection de
l’environnement187.

II/ La faute et le lien de causalité

La faute en droit pénal de l’environnement canadien. L’élément moral


exigé lors de la commission d’une infraction en droit pénal de l’environnement
dépend de la nature de l’infraction commise : autrement dit s’il s’agit d’une
infraction pénale réglementaire, ou d’une infraction criminelle 188.

En effet, concernant les infractions pénales réglementaires, si la faute revêt une


importance capitale dans la détermination de la peine, celle-ci est fortement
amoindrie en ce qui concerne la déclaration de culpabilité. Pour que l’infraction soit
reprochée il suffit traditionnellement d’une faute de négligence 189. En outre cette
faute de négligence est bien souvent présumée. Comme l’explique le professeur
Halley :

La règle générale de la common law est de soumettre les infractions contre


le bien-être public, dont les infractions environnementales, à un régime de
responsabilité stricte qui fait intervenir une présomption de faute de
négligence. Deux éléments caractérisent ce régime de responsabilité. D’une
part, il n’est pas nécessaire que la poursuite fasse la preuve d’un état
d’esprit blâmable (la mens rea), d’une faute intentionnelle ou de négligence
grave. La preuve hors de tout doute raisonnable des éléments matériels
de l’infraction environnementale (actus reus) crée alors une présomption de
faute de négligence simple. D’autre part, il est loisible au contrevenant de
repousser la présomption de faute en démontrant, par une preuve

186 Principe affirmé dans l’arrêt : Cass, Crim du 16 octobre 1963, 62-92310, Publié au bulletin ; et confirmé
dans l’arrêt : Cass, Crim du 18 juillet 1995, 94-85249, Inédit.
187 Voir la question : Jean LAMARQUE et al, Droit de la protection de la nature et de l’environnement, 20,
LGDJ, Paris, 1973, page 784 ; Michel DESPAX, Droit de l’environnement, Librairies techniques, 1980,
numéro 309, Paris, page 379 ; Roger MERLE et André VITU, Traité de droit criminel: Droit pénal spécial,
Ed Cujas, 1982, numéro 1357, page 1071.
188 Paule HALLEY «Recours de nature pénale», dans JurisClasseur Québec, coll. «Droit public», Droit de
l’environnement, fasc. 15, Montréal, LexisNexis Canada, 2012, para 17.
189 Paule HALLEY et Ariane GAGNON-ROCQUE, « La sanction en droit pénal canadien de l’environnement :
la loi et son application » (2009) 50:(3-4) Les Cahiers de droit 919-966, paragraphe 65.

83
prépondérante, qu’il a fait preuve de diligence dans les circonstances pour
prévenir l’infraction190.
Dès lors deux éléments sont à noter : une présomption de faute de négligence
s’applique en matière d’infraction environnementale réglementaire, si les éléments
matériels sont démontrés hors de tout doute raisonnable.

La preuve hors de tout doute raisonnable en droit canadien. Il convient


de faire un rapide point d’éclaircissement de cette notion pour les lecteurs non
canadiens. Dans le système juridique canadien la preuve de la culpabilité doit être
démontrée par la poursuite afin de respecter la présomption d’innocence. Toutefois
on distingue la preuve de présentation de la preuve de persuasion. Sans rentrer
dans les détails de la procédure pénale canadienne191, il s’agit simplement de
retenir que la preuve de présentation est celle légitimant la tenue d’un procès car
assez sérieuse pour être discutée devant le juge ou le jury, et la preuve de
persuasion est celle venant persuader le juge ou le jury de la culpabilité. Cette
preuve devant être généralement hors de tout doute raisonnable, c’est à dire une
preuve qui emporte la conviction de culpabilité, sans que l’on exige pour autant la
certitude. Le cœur de cette norme de preuve est qu’il ne faut toutefois pas avoir de
doute raisonnable, dès lors on exige un degré de conviction relativement
important.

Dès lors pour revenir aux infractions pénales réglementaires, non seulement
l’infraction est constituée par un acte de négligence simple, mais celui-ci est
présumé à partir du moment où les éléments matériels sont prouvés. Cela fait du
sens car il est plus facile de prouver les éléments matériels qu’une intention, et
cela rend par là même la protection de l’environnement plus efficace. Toutefois, la
gravité de la faute n’est pas totalement ignorée, et intervient au stade de
détermination de la peine. Car en ce qui concerne le prononcé de la sanction le

190 Supra note 188, para 18.


191 On reverra sur la sujet à l’ouvrage précité, dont sont également tirées les explications de ce paragraphe :
CÔTÉ-HARPER, RAINVILLE et TURGEON, supra note 29, page 206 à 225.

84
juge pénal admet qu’une variété de fautes puisse exister, cette variété allant de la
diligence raisonnable venant acquitter l’individu, à la faute intentionnelle pouvant
aggraver la peine. A ce sujet, la Cour d’appel de l’Alberta pu affirmer que :

The degree of carelessness is a factor in sentencing for environmental


offences. Due diligence in sentencing for environmental offences is to be
assessed on a sliding scale : the more diligent the offender, the lower the
range of fit sentences; alternatively, the less diligent the offender, the higher
the range of fit sentences192.

Dès lors le fait d’avoir connaissance de faits susceptibles de donner lieu à une
infraction peut constituer une circonstance aggravante 193, de même que d’ignorer
les avertissements des autorités, ou de pas prendre de mesures afin d’éviter
l’infraction194. Ainsi la faute n’est pas déterminante pour la constitution de
l’infraction mais elle l’est pour la détermination de la peine.

Toutefois, en ce concerne les infractions criminelles le constat n’est pas le


même, le poursuivant devant démontrer la mens rea, autrement dit la faute
d’intention ou de négligence grave.195 Enfin bien que cela soit possible, le droit
pénal de l’environnement compte peu d’infractions de responsabilité absolue,
autrement dit ne nécessitant pas d’élément moral, celles-ci contrevenant à la
présomption d’innocence196.

La faute en droit pénal de l’environnement français. En droit pénal de


l’environnement français, comme en droit pénal de manière générale, pour qu’un
délinquant soit pénalement responsable il faut qu’il ait non seulement
matériellement adopté le comportement incriminé, mais qu’il ait également commis
une faute. Or la notion de faute en droit pénal a évolué lors de la codification du

192 R v Terroco Industries Limited, ABCA 141, en ligne : <http://canlii.ca/t/1k3n3>, para 35, cité dans Paule
HALLEY et Ariane GAGNON-ROCQUE, voir supra note 189.
193 Ibid, para 35.
194 Ibid, para 36.
195 Supra note 188, para 19.
196 On recommande sur le sujet la lecture de : Ibid, para 19.

85
nouveau Code pénal de 1994. Effectivement, avant l’entrée en vigueur du Code
pénal de 1994, il n’existait pas de théorie des infractions de manière générale, et
encore moins concernant les infractions environnementales.197 Dès lors il fallait
examiner précisément chaque incrimination pour savoir si le législateur employait
des expressions comme « volontairement », « sciemment »,
« intentionnellement »… afin de savoir le degré de faute morale exigé. Il suffit pour
s’en convaincre de prendre pour exemple la loi du 15 juillet 1975 relative à
l’élimination des déchets198 et son article 24 qui exigeait une faute intentionnelle.
D’autres textes quant à eux exigeaient seulement une faute d’imprudence, et
devant le flou législatif la Cour de cassation a créé des catégories de délits
purement matériels, autrement dit caractérisés seulement par leur élément
matériel199. On peut ici prendre pour exemple l’infraction de pollution des eaux
fluviales, pour laquelle elle a estimé que « le fait d'avoir laissé s'écouler dans une
rivière des substances toxiques implique une faute qui n'a pas à être spécialement
rapportée par le ministère public et dont le prévenu ne peut être exonéré que par la
force majeure »200. Dès lors, par la suite de nombreuses infractions
environnementales furent crées et considérées comme des infractions purement
matérielles, ce qui permettait d’accroître l’efficacité de la répression. Car en
procédant de la sorte la constatation de l’élément matériel suffisait à caractériser
l’infraction.

Mais le nouveau Code pénal de 1994, en apportant une théorie générale


des éléments constitutifs de l’infraction amena une nouvelle manière
d’appréhender la faute en droit pénal, y compris spécifiquement en droit pénal de
l’environnement201. En effet, l’article 121-3 du Code pénal vint poser les règles
suivantes :

197 Annie BEZIZ-AYACHE, « Environnement » [2018] Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, chap
1, section 3, para 39.
198 Loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux.
199 A. BEZIZ-AYACHE, supra note 197.
200 Cass, Crim du 28 avril 1977, 75-93284, Publié au bulletin, en ligne :
<https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007062544>.
201 A. BEZIZ-AYACHE, supra note 197, para 41.

86
Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger
délibérée de la personne d'autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence,
de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de
sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits
n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la
nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que
du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui
n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à
créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas
pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il
est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une
obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le
règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un
risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
Il n'y a point de contravention en cas de force majeure 202.

Dès lors cet article emporte plusieurs conséquences sur l’exigence d’élément
moral. Dans un premier temps le premier alinéa de l’article, en venant exiger
spécifiquement une intention, met un terme à la pratique des délits purement
matériels. Mais pour autant ces délits ne disparurent pas complètement, car
l'article 339 de la loi d’adaptation du 16 décembre 1992203, affirme néanmoins que
« tous les délits non intentionnels réprimés par des textes antérieurs à l'entrée en
vigueur de la nouvelle loi demeurent constitués en cas d'imprudence, de
négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d'autrui, même lorsque
la loi ne le prévoit pas expressément ». Ainsi les délits matériels purent être
sauvegardés même s’il faut prouver l’imprudence, la négligence ou la mise en
danger délibérée. Bien que cela affaiblisse l’efficacité de la répression, cela amène

202 Article 121-3, Code pénal.


203 Loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la
modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette
entrée en vigueur.

87
une certaine homogénéité au sein des infractions pénales et de leurs éléments
constitutifs.

L’alinéa 3 quant à lui vient déresponsabiliser l’auteur des faits qui aurait accompli
des diligences raisonnables. Cela montre que la faute pénale est appréciée in
concreto, autrement dit « par référence au comportement d'un individu placé dans
la même situation que l'auteur de l'infraction et compte tenu de la nature de ses
missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des
moyens dont il disposait »204. Mais cela ne s’applique évidemment pas à un acte
de pollution délibéré, seulement aux infractions de négligence et d’imprudence 205.

Enfin, l’alinéa 4 peut paraître complexe pour un lecteur non français. En effet celui-
ci vise les cas de causalité indirecte entre la faute et le dommage. Autrement dit :

Les hypothèses de causalité indirecte visent, d'une part, les personnes qui
sans avoir directement causé le dommage ont créé ou contribué à créer la
situation qui a permis sa réalisation et, d'autre part, celles qui n'ont pas pris
les mesures pour éviter le dommage. Lorsque le lien est indirect entre le
dommage et la faute, celle-ci peut, selon le législateur, avoir l'une des deux
formes suivantes : violation manifestement délibérée d'une obligation
textuelle de prudence ou de sécurité ou bien faute caractérisée exposant
autrui à un risque très grave qui ne pouvait être ignoré206.

En d’autres termes, celui qui viole intentionnellement un règlement imposant la


prudence et la sécurité malgré la connaissance d’un risque, sera responsable en
cas de dommage, et ce même s’il n’a joué qu’un rôle indirect. Cela s’applique
principalement aux maires et aux chefs d’entreprises207. De même s’il expose
autrui à une faute d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer. Il s’agit là d’une
faute qualifiée.

204 A. BEZIZ-AYACHE, supra note 197, para 42.


205 Cet alinéa ne s’est pas appliqué à une pollution délibérée d’un cour d’eau : Cour de Cassation, Chambre
criminelle, du 2 juillet 1998, 97-83286, Inédit, , en ligne :
<https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007568407>
206 A. BEZIZ-AYACHE, supra note 197, para 43.
207 Ibid.

88
Ces cas de répression en situation de causalité indirecte viennent accroître les
possibilités de répression, et ce même des auteurs indirects. Toutefois, en raison
de la gravité des peines qu’ils encourent, il faut pour cela rechercher un élément
moral plus sérieux que lors d’une causalité directe. Il est par ailleurs intéressant de
noter que ces règles en matière de causalité indirectes ne s’appliquent pas pour
les personnes morales, la faute étant la même que dans les cas de causalité
directe, à savoir la simple imprudence ou la négligence 208.

Pour conclure sur la faute en droit pénal de l’environnement français, on


constate qu’il existe une variété importante de fautes exigibles. Cela va de
l’intention, à la faute d’imprudence et de négligence. Si les délits purement
matériels n’existent plus, la négligence devient la norme. Car il existe peu de
crimes environnementaux exigeant de fait la preuve de l’intention, à l’exception de
celui de terrorisme écologique, et la majorité des délits nécessitent la preuve de la
négligence.

208 Ibid, para 71.

89
Chapitre 2 : Proposition d’évolution des modèles français et canadien

Après avoir étudié dans le détail la définition même de la notion d’environnement,


ainsi que la particularité des atteintes réprimées par le droit pénal, il peut sembler
judicieux de se pencher sur les écueils principaux des modèles canadien et
français en droit pénal de l’environnement tels que mis en exergue dans ce
mémoire. Ceux-ci étant particulièrement différents entre le Canada et la France, il
conviendra de séparer le cas de ces deux états de manière marquée. Il s’agira
donc d’étudier les pistes d’évolutions du modèle canadien (I) avant de se pencher
sur celles de son homologue français (II).

I/ Piste d’évolution du modèle canadien et principal écueil

Il va s’agir ici, non pas de mettre en exergue toutes les insuffisances du modèle
canadien en matière de droit pénal de l’environnement, mais seulement celle ayant
fait l’objet de développement dans ce mémoire, à savoir le partage de
compétence. En effet, comme vu précédemment le droit pénal canadien opère une
distinction entre le droit pénal réglementaire et le droit criminel. Or si la protection
de l’environnement était traditionnellement du ressort du droit pénal
réglementaire209 et ainsi du ressort des pouvoirs des provinces et du fédéral, l’arrêt
Hydro-Québec210 est venu affirmer que concernant les substances toxiques, le droit
criminel peut également intervenir. Or ce partage de compétence est critiqué et
critiquable car il entretient un flou concernant la protection de l’environnement.
Comme l’indique Louis-Raphaël N. Lescop « la réalité écologique commande une
conception unitaire de l’environnement »211. Or cette conception unitaire est
malmenée dans un état fédéral qui par essence est fragmentaire, et partage ses
compétences entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.
209 On renverra à l’arrêt R c Sault Ste Marie, [1978] 2 RCS 1299, en ligne : RCS <http://canlii.ca/t/1mkbv>.
210 R. c. Hydro-Québec, supra note 157.
211 Louis-Raphaël N.LESCOP, « R. c. Hydro-Québec : La dénaturation du droit criminel au profit de
l’environnement » ,(1999) 33 R.J.T. 421.

90
Ainsi c’est dans l’objectif d’unifier une partie de ce régime de protection que les
juges de la Cour suprême ont étendu la compétence fédérale en matière de
protection de l’environnement contre les substances toxiques dans l’arrêt Hydro-
Québec précédemment nommé. Si l’intention est louable, à savoir unifier la
protection de l’environnement, elle n’est pas nécessairement cohérente avec le
système fédéral canadien. Car « interpréter le droit criminel dans la seule optique
de servir aux fins de l'environnement entraîne forcément des conséquences
fâcheuses au plan du partage des compétences »212. Sans rentrer en profondeur
dans le sujet213, on peut toutefois relever certaines incohérences de ce modèle car
celui-ci met à mal la cohérence de la séparation entre droit criminel et droit pénal
réglementaire. Théoriquement les règlements n’entrent pas dans le champ
d’appréhension du droit criminel, or il s’agissait précisément d’un tel règlement
dans l’arrêt Hydro-Québec. On peut donc s’étonner qu’un tel règlement, qu’on
penserait par essence du ressort du droit pénal réglementaire, soit du ressort du
droit criminel. Cela va contre la logique intrinsèque de ce partage de compétence,
et rend l’extension de la compétence criminelle légèrement bancale car peu
fondée. Afin de rendre le tout cohérent les juges de la Cour suprême usent de
certains artifices, et notamment se fondent sur la finalité, à savoir la protection de
l’environnement, plutôt que sur la forme, à savoir un règlement, afin de justifier la
validité de celui-ci. On peut donc affirmer que selon le professeur Jean Leclair en
quelque sorte « la fin justifie les moyens » car selon lui :

En l'absence de motifs détournés, et dans la mesure où la finalité première


d'une loi fédérale est de nature prohibitive, en ce sens qu'elle vise à
prévenir ou prohiber toute atteinte à l'environnement ou à la santé du public,
elle sera valide, malgré un empiétement possible sur le droit provincial 214.

212 Ibid, para 6.


213 On renverra sur le sujet à l’article suivant : Ibid.
214 Jean LECLAIR, « Aperçu des virtualités de la compétence fédérale en droit criminel dans le contexte de la
protection de l’environnement » (1996) 27:2 Revue générale de droit, page 160

91
Et ce, même si elle prend la forme d’un règlement comme dans le cas de la LCPE.
C’est ainsi que selon certains auteurs de doctrine on crée une forme de « droit
criminel réglementaire »215 car :

désormais, un régime de réglementation n'a plus comme simple objet la


garantie de l'efficacité du régime de prohibitions. En effet, à l'image
du droit pénal, la Cour suprême permet dorénavant un renversement des
rôles : un régime de prohibitions servant à garantir l'efficacité d'un régime de
réglementation216.
Si le grand gagnant de cette « dénaturation » du droit criminel reste
l’environnement car celui-ci est protégé également par le pouvoir fédéral, cela crée
des problèmes de cohérence au sein du modèle canadien. Et la jurisprudence plus
récente précédemment évoquée, à savoir les arrêts Syncrude et Malmo-Levine
tendent à confirmer cette position et cette situation de flou. Si celle-ci n’est pas
nécessairement néfaste pour l’environnement, elle nécessiterait toutefois d’être
solutionnée afin de clarifier le partage des compétences ainsi que le régime de
protection de l’environnement.

II/ Piste d’évolution du modèle français et principal écueil

La France étant un état unitaire, son système juridique ne connaît pas ces
problèmes. Toutefois celui-ci n’est pas exempte de tout défaut, et la principale
influence que pourrait avoir le droit pénal de l’environnement canadien sur son
homologue français serait de créer des prohibitions générales de polluer. En effet
le droit pénal de l’environnement français n’en possède pas, ce qui est contraire au
fait que le droit pénal est un droit expressif. En ne créant pas de prohibition
générale de polluer on amoindrit l’expressivité du droit pénal, aussi bien au plan
symbolique que pratique, car le droit pénal réglementaire n’exprime pas aussi
clairement les valeurs que la Société entend protéger. L’argument principal
s’opposant à la création de telles infractions est que celles-ci seraient contraires au

215 N.LESCOP, supra note 211, para 24.


216 Ibid para 30.

92
principe de légalité français. Si les prohibitions générales de polluer sont valables
en droit canadien c’est que théoriquement celui-ci est plus permissif pour ce qui
concerne les infractions générales. Or l’interprétation restrictive de ce principe en
droit français s’oppose théoriquement à de telles incriminations. Toutefois, on l’a vu
durant ce mémoire, les deux états possèdent un principe d’interprétation
restrictive, et au Canada celui-ci vient limiter le champ de ces prohibitions
générales, sans pour autant leur faire perdre toute efficacité. Cela ne paraîtrait
donc pas incompatible avec le droit pénal français, tant que l’on crée des
infractions générales par éléments de l’environnement (par exemple, prohibition
générale de pollution de l’eau, puis du sol, puis de l’air…) en faisant varier à
chaque fois les éléments matériels afin de coller le plus efficacement possible aux
spécificités des milieux protégés. Et en réalité cette proposition n’est pas abstraite
dans la mesure où de nombreuses voix s’élèvent afin de créer une prohibition
générale de polluer, à savoir l’écocide (II). Mais afin de comprendre les
propositions de loi concernant cette infraction, il faut se pencher au préalable sur
l’unique crime autonome du droit de l’environnement, à savoir le terrorisme
écologique (I) afin de réaliser que de telles prohibitions générales de polluer ne
sont pas impossibles.

A/ LE TERRORISME ÉCOLOGIQUE EN FRANCE

Le terrorisme écologique est une infraction criminelle ainsi rédigée à l’article


421-2 du Code Pénal :

Constitue également un acte de terrorisme, lorsqu'il est intentionnellement


en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de
troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, le fait
d'introduire dans l'atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol, dans les
aliments ou les composants alimentaires ou dans les eaux, y compris celles
de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la santé de
l'homme ou des animaux ou le milieu naturel 217.

217Article 421-2, Code pénal.

93
Cette notion de terrorisme écologique est intéressante car elle est doublement
autonome : non seulement il s’agit de la seule infraction de terrorisme à être
autonome, et donc à ne pas reposer sur des infractions de droit commun qui
seraient aggravées par la circonstance de terrorisme, mais il s’agit également de la
seule infraction générale en matière de droit pénal de l’environnement. En effet, les
auteurs n’ayant pas eu d’infraction générale de pollution sur laquelle ils auraient pu
s’appuyer, ceux-ci ont choisi de créer un dispositif autonome et original 218. Comme
l’indique Yves Mayaud :

Les éléments constitutifs de l'atteinte écologique relèvent d'une conception


très large, le législateur ayant eu pour préoccupation d'en prévenir au mieux
toutes les manifestations, ce qu'il a fait par le choix d'une formule très
ouverte, c'est-à-dire nécessairement descriptive de tout ce qui peut
contribuer à nuire à l'environnement et à ses équilibres. Les actes visés
consistent à faire peser un danger sur la santé de l'homme ou le milieu
naturel, par l'utilisation de substances pouvant avoir cet effet 219.

Or en matière pénale environnementale cette façon de procéder est relativement


novatrice. En effet, il n’existe pas en droit français d’incrimination pénale
environnementale large et ouverte. Au contraire, le droit pénal de l’environnement
étant plutôt réglementaire, il tend vers la spécification à outrance. Cette façon de
procéder est donc intéressante en ce qu’elle recèle de potentialité pour les futures
infractions pénales environnementales. Toutefois, si ce texte est large, il ne permet
pas d’en abuser comme il serait légitime de le craindre. En effet l’élément matériel
du crime de terrorisme environnemental consiste dans l’acte « d’introduire » une
substance polluante220 dans des éléments naturels, que ce soit l’atmosphère, l’eau,
le sol et le sous-sol, ou encore depuis la loi Perben II les aliments ou les
composants alimentaires221. Or si l’on se contente d’apprécier strictement ce terme
« d’introduction », on se rend compte que celui-ci vient limiter la portée de

218 Yves Mayaud, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, 2009, Article 1er, paragraphe 78.
219 Ibid, paragraphe 80.
220 Article 421-2, Code pénal, supra, note 217.
221 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité - Article
8.

94
l’incrimination car on peut supposer légitimement que tout acte qui viendrait
déséquilibrer l’environnement en en prélevant certaines composantes ne rentrerait
pas dans le champ de l’incrimination. Dès lors « aussi large que soit la portée de
l'article 421-2, elle ne va donc pas jusqu'à autoriser des applications sans
contrôle»222. Pour autant, si ce terme « d’introduction » a l’avantage de restreindre
un peu le champ de cette incrimination, il n’est pas exempt de tout défaut. Celui-ci
engendre un flou quant aux actes qui entrent dans son giron : quid de l’acte de
brûler des pneus ? Y a-t-il introduction de polluants dans l’atmosphère ?…

Enfin, le dernier point d’intérêt à noter quant à cette incrimination un peu


spéciale consiste dans le fait qu’il s’agit d’une infraction formelle. Autrement dit
c’est la potentialité des atteintes plus que leur réalité qui est incriminée. Ainsi il
suffit que l’acte de pollution engendre de possibles effets sans que ceux-ci ne
soient démontrés pour que l’infraction soit constituée. Or dans une matière comme
l’environnement où les dommages peuvent s’exprimer des années après l’acte de
pollution, le fait que ce soit une infraction formelle est nécessaire au bon
fonctionnement du régime de protection.

Toutes ces spécificités expliquent que le crime de terrorisme environnemental soit


pris en exemple et pour référence dans les différents projets de loi sur l’écocide.

B/ LE CRIME D’ÉCOCIDE :

Une actualité récente permet d’illustrer l’importance de définir correctement


les notions environnementales : le crime d’écocide. Ce concept « d’écocide » est
apparu au lendemain de la seconde guerre mondiale, et fait écho directement au
statut de Rome. En effet ce statut, qui fonde la Cour pénale internationale, admet
comme crime de guerre « le fait de diriger intentionnellement une attaque en
sachant qu'elle causera incidemment des dommages étendus, durables et graves
à l'environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à

222 Y. MAYAUD, supra, note 211.

95
l'ensemble de l'avantage militaire concret et direct attendu » 223. Cela faisait en
outre suite à la guerre du Vietnam et à l’agent orange utilisé par l’armée
américaine, et qui avait détruit près de 20 % de la forêt vietnamienne 224.

Toute l’idée derrière ce concept d’écocide vise à protéger l’environnement


en créant une nouvelle infraction constituée par :

le fait, en exécution d'une action concertée tendant à la destruction ou la


dégradation totale ou partielle d'un écosystème, en temps de paix comme
en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à
l'environnement et aux conditions d'existence d'une population 225.

Cette infraction serait passible de vingt ans d’emprisonnement et serait


imprescriptible. Il s’agirait donc en somme d’une forme « d’homicide »
environnemental. Mais si le concept est prometteur, et étudié depuis de
nombreuses années, celui-ci a été rejeté par le Sénat, la raison principale de ce
refus étant le flou de la définition et de certains termes employés. En effet les
sénateurs ont considéré que certains termes comme ceux « d’écosystème »,
« d’atteinte grave et durable », ou encore de « conditions d’existence d’une
population » étaient trop peu précis pour une loi pénale environnementale de cette
ampleur, et qu’en outre il existait suffisamment d’incriminations dans le Code pénal
(mise en danger délibérée d’autrui, atteintes involontaires ayant entraîné la mort…)
ou dans le Code de l’environnement sans qu’une nouvelle incrimination soit
nécessaire226. Si le Gouvernement s’est lui aussi opposé à ce projet de loi en
raison de son flou, il s’est tout de même déclaré ouvert « à la poursuite des
réflexions sur le renforcement du dispositif pénal en alourdissant les peines liées

223 Statut de Rome de la Cour pénale internationale, UN Doc. A/CONF, 183, 1998, 17, article 8, b, IV.
224 Sandrine MALJEAN-DUBOIS, « L’écocide et le droit international, de la guerre du Vietnam à la mise en
péril des frontières planétaires. Réflexions à partir de la contribution de Richard Falk:«Environmental
Warfare and Ecocide. Facts, Appraisal and Proposals»(RBDI, 1973-1). », (2016) 48 Revue belge de droit
international 2015–2016.
225 « Reconnaissance du crime d’écocide - Sénat », en ligne : <http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl18-
384.html>.
226 Pierre JANUEL, « Pas de reconnaissance du crime d’écocide », Dalloz Actualité (6 mai 2019), en ligne :
<https://www.dalloz-actualite.fr/flash/pas-de-reconnaissance-du-crime-d-ecocide#.XRp6x-hKhPY>.

96
aux crimes existants ou en faisant avancer la notion d’écocide au niveau mondial
»227.

La reconnaissance du crime d’écocide en France est compliquée car la


nature est généralement protégée lorsque des êtres humains subissent les
conséquences des pollutions. Toutefois, envisager la création de cette infraction
n’est pas surréaliste, la nature ayant déjà été protégée pour elle-même grâce au
concept de « préjudice écologique pur » en droit civil. Ce concept, reconnu par la
Cour de cassation suite au naufrage de l’Erika en 2012, est défini comme une
atteinte directe ou indirecte à l’environnement 228. Par la suite, cette incrimination a
été ajoutée au Code civil par la loi Biodiversité de 2016 aux articles 1246 229 à
1252230. Dès lors il paraît plus que probable que dans la continuité de ces
réflexions la notion d’écocide soit reconnue et consacrée légalement. De plus en
plus d’affaires récentes révélant en effet une prise en compte massive des
dommages que subit l’environnement aussi bien par les justiciables que les
magistrats231. D’autre part cette notion d’écocide est loin d’être redondante,
contrairement à ce qu’affirment les sénateurs. En effet, certains auteurs établissent
une summa divisio des crimes environnementaux, et distinguent plus précisément
les crimes communs des crimes hors du commun. Les crimes communs
constituent les atteintes classiques à l’environnement, et à dire vrai, la plupart des
infractions environnementales prévues à ce jour :

Au titre des crimes communs, on citera la pratique individuelle du


braconnage, le dépôt illégal d’ordures dans une zone à haute valeur
environnementale, l’incendie volontaire d’une forêt, le déversement ponctuel

227 Ibid
228 « Reconnaissance de l’écocide : où en est-on? », en ligne :
<https://www.linfodurable.fr/environnement/reconnaissance-de-lecocide-ou-en-est-11942>.
229 Article 1246, Code civil.
230 Article 1252, Code civil.
231 Sur la question, voir notamment: Ghislain Poissonnier, « Tribunal Monsanto : vers une définition de
l’écocide ? » (2016), en ligne : Dalloz Actualité <https://www-dalloz-fr-s.biblio-dist.ut-
capitole.fr/documentation/Document?
id=RECUEIL/CHRON/2016/1415&ctxt=0_YSR0MT3DqWNvY2lkZcKneCRzZj1zaW1wbGUtc2Vhcm
No&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PcKncyRzbE5iUGFnP
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97
de produits toxiques dans la nature. Il n’est pas question ici de nier la
gravité de tels comportements, mais de dire qu’il convient de les traiter en
recourant aux instruments traditionnels du droit pénal 232.
En opposition à ces crimes communs, ces auteurs proposent la création de la
catégorie de crimes hors du commun, catégorie comportant ainsi le crime
d’écocide. Ces crimes sont particuliers du fait de « la gravité de la faute constatée,
en l’occurrence une faute intentionnelle orientée vers la recherche d’effets
dommageables graves, ainsi que par la gravité des atteintes à
l’environnement »233. Ces crimes mériteraient donc un traitement et une
pénalisation particulière du fait de ces deux éléments de gravité. Or cela n’est pas
anodin car si la gravité des dommages est souvent prise en compte par le droit
pénal de l’environnement, la gravité de la faute ne l’est pas. Et en cela le concept
est intéressant car il rejoint celui de terrorisme écologique de l’article 421-2 du
Code pénal français234.

232 Laurent NEYRET, « Pour la reconnaissance du crime d’écocide », (2014) 39-HS01 Revue juridique de
l’environnement p177–193.
233 Ibid
234 Article 421-2, Code pénal.

98
Conclusion générale :

Fait intéressant, à l’heure où ces lignes sont écrites le « jour du dépassement »


vient tout juste d’être franchi235, à savoir le jour à partir duquel l’humanité
consomme plus que ce que la Terre ne peut régénérer en une année, tandis
qu’une canicule record réchauffe l’Europe236. Ces quelques éléments d’actualités,
parmi la myriade qui apparaissent tous les jours, rappellent que plus que jamais la
protection de l’environnement est une nécessité. Et notamment une protection
accrue par le droit, et spécifiquement par le droit pénal. Or en ce qui concerne
cette protection l’étude réalisée dans ce mémoire a permis de mettre en exergue le
fait que l’environnement, dans sa définition, est protégé de manière relativement
exhaustive. Car la plupart des définitions de l’environnement dans les diverses lois
et codes étudiés ici ont permis de constater que l’environnement, et ce dans toutes
ses composantes, est pris en compte par le droit. Il n’existe presque plus de vide
législatif, ou d’éléments de l’environnement non protégés. Et cela est permis non
seulement par les énumérations qui deviennent de plus en plus complètes, que par
les définitions conceptuelles qui viennent les compléter efficacement. Certains
auteurs considérant même que certaines définitions conceptuelles viennent
étendre de manière trop importante le champ de protection du droit de
l’environnement237. De plus il est intéressant de noter l’importance du concept de
développement durable dans la protection de l’environnement, celui-ci permettant
de franchir les frontières qui existent entre les diverses branches du droit, et donc
d’enrichir la protection de l’environnement d’une dimension économique et sociale
supplémentaire.

235 « Environnement : le “jour du dépassement” arrive de plus en plus tôt », Franceinfo (29 juillet 2019), en
ligne : <https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/environnement-le-jour-du-depassement-arrive-de-plus-
en-plus-tot_3556601.html> (consulté le 29 juillet 2019).
236 « Canicule : le nord de l’Europe en surchauffe », Sciences et Avenir, en ligne :
<https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/meteo/la-canicule-se-deplace-les-pays-nordiques-
en-surchauffe_135939> (consulté le 29 juillet 2019).
237 Guillaume BEAUSSONIE, « Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la
nature et des paysages », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 2016.4.813 à 829.

99
Dès lors la définition de l’environnement telle qu’appréhendée par le droit pénal
n’étant ni incomplète ni insuffisante, le réel problème se révèle du côté des
atteintes réprimées par le droit pénal de l’environnement. En réalité, le droit pénal
de l’environnement étant majoritairement un droit pénal réglementaire, on assiste à
l’émergence malheureuse de véritables marchés de « permis de polluer » 238, le
droit pénal perdant dans ce cas son rôle de dissuasion. Les solutions afin d’éviter
ce phénomène ne sont pas évidentes, la principale étant de créer de véritables
infractions autonomes anti-pollution qui ne serait pas assujetties de fait à
l’influence de l’administration. Si cela existe depuis de nombreuses années au
Canada, les problèmes de partage de compétence faisant suite à l’arrêt Hydro-
Québec jettent un flou quant à leur efficacité à l’avenir. De son côté la France
essaie de se doter grâce à l’incrimination d’écocide de ce type de prohibitions
générales de polluer, ce qui pourrait donner une certaine colonne vertébrale
législative au droit pénal de l’environnement français.

Quoi qu’il en soit, l’appréhension de la notion de l’environnement par le droit pénal


manque encore légèrement d’unité aussi bien en France qu’au Canada, unité dont
elle aurait besoin pour faire face aux enjeux colossaux que promet l’avenir.

238 V. JAWORSKI, supra note 26.

100
Bibliographie :

I/ Articles de loi
France :
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Article 111-3, Code pénal.

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et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale
rendue nécessaire par cette entrée en vigueur.

101
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103
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