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Monographie de la presse parisienne[modifier 

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Dans cette monographie humoristique (1843), Balzac propose une analyse complète des
composantes de la presse. On trouve dans ce pamphlet la définition du publiciste, du journaliste,
du « faiseur d'articles de fond », du « pêcheur à la ligne » (le pigiste payé à la ligne), du
« rienologue » : « Vulgarisateur, alias : homo papaver, nécessairement sans aucune variété […],
qui étend une idée d’idée dans un baquet de lieux communs, et débite mécaniquement cette
effroyable mixtion philosophico-littéraire dans des feuilles continues136. » Balzac y invente le terme
« gendelettre », qu’il dit construit « comme gendarme [archive] ». En naturaliste, plus loin dans
l’ouvrage, il présente un « Tableau synoptique de l’ordre GENDELETTRE" » [archive], à la manière
d’un Linné. L’ordre GENDELETTRE est organisé en deux genres (PUBLICISTE et CRITIQUE), eux-mêmes
divisés en sous-genres où l’on retrouve plusieurs des catégories citées ci-dessus. Si le tableau
manque un peu d’humour et n’est pas passé à la postérité, il n’en est pas de même du terme
« gendelettre », devenu mot commun et apparaissant en tant que nom propre dans au moins
trois romans de différents auteurs137,138,139.
Balzac sait se montrer désinvolte dans la satire, mais celle-ci lui vaudra une froide réception dans
les milieux journalistiques140.
La préface par Gérard de Nerval est dans le même ton. Dans un style pince-sans-rire, celui-ci
donne une définition du « canard » : « Information fabriquée colportée par des feuilles satiriques
et d’où est né le mot argot “canard” pour désigner un journal141. »

Un forçat littéraire[modifier | modifier le code]

Lorsqu'il s'installe dans la maison de la rue Cassini, Balzac place sur la cheminée une statuette
de Napoléon et colle sur la base un papier où est écrit : « Ce qu'il a entrepris par l'épée, je l'accomplirai par
la plume142. »

« Il faut que la pensée ruisselle de ma tête comme l'eau d'une fontaine. Je n'y conçois rien moi-même. »

Balzac143

Balzac était un écrivain d'une fécondité prodigieuse, il pouvait écrire vite, beaucoup et
inlassablement. Ainsi, c’est en une seule nuit, chez son amie Zulma Carraud à la poudrerie
d’Angoulême, qu’il écrivit La Grenadière : « La Grenadière, cette jolie perle, fut écrite en jouant
au billard. Il quittait le jeu, me priant de l’excuser, et griffonnait sur un coin de table, puis revenait
à la partie pour la quitter bientôt144. »
Même s'il avait une constitution apparemment robuste — « col d'athlète ou de taureau […]
Balzac, dans toute la force de l'âge présentait les signes d'une santé violente145 » —, il malmena
sa santé par un régime épuisant, consacrant de seize à dix-huit heures par jour à l'écriture, et
parfois même vingt heures quotidiennes146. Dès 1831, il confiait à son amie Zulma : « Je vis sous
le plus dur des despotismes : celui qu'on se fait à soi-même147. » Il estime que la volonté doit être
un sujet d'orgueil plus que le talent : « Il n’existe pas de grand talent sans une grande volonté.
Ces deux forces jumelles sont nécessaires à la construction de l’immense édifice d’une gloire.
Les hommes d’élite maintiennent leur cerveau dans les conditions de la production, comme jadis
un preux avait ses armes toujours en état148. »
Selon Stefan Zweig, la production littéraire de Balzac durant les années 1830-1831 est
pratiquement sans équivalent dans les annales de la littérature : le romancier doit avoir écrit une
moyenne de seize pages imprimées par jour, sans compter les corrections sur épreuves149. Pour
cela, il travaille surtout la nuit, pour ne pas être dérangé : « J'ai repris la vie de forçat littéraire. Je
me lève à minuit et me couche à six heures du soir ; à peine ces dix-huit heures de travail
peuvent-elles suffire à mes occupations150. » Ou encore : « Quand je n'écris pas mes manuscrits,
je pense à mes plans, et quand je ne pense pas à mes plans et ne fais pas de manuscrits, j'ai
des épreuves à corriger. Voici ma vie151. »
Pour soutenir ce rythme, il fait depuis des années une consommation excessive de café, qu'il boit
« concassé à la turque » afin de stimuler « sa manufacture d'idées » : « Si on le prend à jeun, ce
café enflamme les parois de l'estomac, le tord, le malmène. Dès lors tout s'agite : les idées
s'ébranlent comme les bataillons de la Grande Armée sur le terrain d'une bataille, et la bataille a
lieu. Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des
comparaisons se développe par un magnifique galop ; l'artillerie de la logique accourt avec son
train et ses gargousses ; les traits d'esprit arrivent en tirailleurs ; les figures se dressent, le papier
se couvre d'encre152 […]. »
Ce régime lui était nécessaire pour parvenir à livrer à son éditeur la centaine de romans devant
composer La Comédie humaine, en plus des articles promis aux journaux et revues. À cela
s'ajoute aussi l'énorme recueil des Cent Contes drolatiques qu'il rédige entre 1832 et 1837, dans
une veine et un style rabelaisiens. Il cherche toujours, par cette production continue, à régler les
dettes que son train de vie frénétique et fastueux lui occasionne. Il entretient aussi une
importante correspondance et fréquente les salons où il rencontre les modèles de ses
personnages.
Il a une haute opinion du rôle de l'écrivain et considère sa tâche comme un
sacerdoce : « Aujourd'hui l'écrivain a remplacé le prêtre, il a revêtu la chlamyde des martyrs, il
souffre mille maux, il prend la lumière sur l'autel et la répand au sein des peuples. Il est prince, il
est mendiant. Il console, il maudit, il prophétise. Sa voix ne parcourt pas seulement la nef d'une
cathédrale, elle peut quelquefois tonner d'un bout du monde à l'autre153. »

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