Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
2011 / 2012
TL2b
M. Gaye
Léon LALEAU
In Anthologie de la Nouvelle poésie nègre et malgache
À Charles Morice N’offrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire.
Ayez pour la cadence une oreille sévère :
De la musique avant toute chose, Que toujours dans vos vers, le sens, coupant les mots,
Suspende l’hémistiche, en marque le repos.
Et pour cela préfère l'Impair
Gardez qu’une voyelle, à courir trop hâtée,
Plus vague et plus soluble dans l'air, Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. Il est un heureux choix de mots harmonieux.
Fuyez des mauvais sons le concours odieux :
Il faut aussi que tu n'ailles point Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée
Choisir tes mots sans quelque méprise Ne peut plaire à l’esprit, quand l’oreille est blessée. (…)
Rien de plus cher que la chanson grise Il est certains esprits dont les sombres pensées
Où l'Indécis au Précis se joint. Sont d’un nuage épais toujours embarrassées ;
Le jour de la raison ne le saurait percer.
……………………………………………………… Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
…. Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
Dieu le veut, dans les temps contraires, L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Chacun travaille et chacun sert. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Malheur à qui dit à ses frères : Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Je retourne dans le désert !
Malheur à qui prend ses sandales Surtout, qu’en vos écrits la langue révérée
Quand les haines et les scandales Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée.
Tourmentent le peuple agité ! En vain vous me frappez d’un son mélodieux,
Honte au penseur qui se mutile Si le terme est impropre ou le tour vicieux :
Et s'en va, chanteur inutile, Mon esprit n’admet point un pompeux barbarisme,
Par la porte de la cité ! Ni d’un vers ampoulé l’orgueilleux solécisme.
Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin
Le poète en des jours impies1 Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain.
Vient préparer des jours meilleurs.
II est l'homme des utopies, Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse,
Les pieds ici, les yeux ailleurs. Et ne vous piquez point d’une folle vitesse ;
C'est lui qui sur toutes les têtes, Un style si rapide, et qui court en rimant,
En tout temps, pareil aux prophètes, Marque moins trop d’esprit que peu de jugement.
Dans sa main, où tout peut tenir, J’aime mieux un ruisseau qui, sur la molle arène,
Doit, qu'on l'insulte ou qu'on le loue, Dans un pré plein de fleurs lentement se promène,
Comme une torche qu'il secoue, Qu’un torrent débordé qui, d’un cours orageux,
Faire flamboyer l'avenir ! Roule, plein de gravier, sur un terrain fangeux.
Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,
II voit, quand les peuples végètent ! Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Ses rêves, toujours pleins d'amour, Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Sont faits des ombres que lui jettent Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
Les choses qui seront un jour.
On le raille. Qu'importe ! Il pense. ……………………………………………………….
Plus d'une âme inscrit en silence Je chante les Héros dont Esope est le Père,
Ce que la foule n'entend pas. Troupe de qui l'Histoire, encor que mensongère,
II plaint ses contempteurs2 frivoles; Contient des vérités qui servent de leçons.
Et maint faux sage à ses paroles Tout parle en mon Ouvrage, et même les Poissons :
Rit tout haut et songe tout bas ! Ce qu'ils disent s'adresse à tous tant que nous
sommes.
Je me sers d'Animaux pour instruire les Hommes.