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seulement parce que, d’après Benveniste (1966, p.

258), « le discours c‟est de la langue34


mise en action », mais aussi, et surtout, parce que comme le reconnaît Charaudeau (idem),
plus loin, la langue « joue un rôle de représentant ethnique, social et national » tout comme
Corbeil (1990, p. 121) qui, à propos des communautés catalane et québécoise, considère que
la langue est « un symbole de l‟identité nationale, facteur essentiel de l‟unité de la nation
[…] ». C’est ce dernier aspect, en effet, qui nous permet de présenter la langue comme un
marqueur d’identité et de parler par conséquent d’identité linguistique.

À propos de la deuxième perspective, Dervin (2008, p. 54), en citant Benwell &


Stokoe (2006, p. 6), considère que « les études linguistiques ont traité de la thématique de
l‟identité sous couverts de plusieurs termes : position, rôle, personnalité, catégorie,
subjectivité, sujet, agent et persona ». Comme nous pouvons le voir, ces termes sont ceux que
l’on trouve dans des nombreuses disciplines, méthodes et/ou études linguistiques telles que :
la théorie de l’énonciation, l’analyse conversationnelle, les analyses narratives, les théories de
l’agencement, l’analyse du discours et le dialogisme. Selon Dervin (idem) le point commun de
ces branches concernant le traitement linguistique de l’identité est de montrer « comment le
sujet parlant se positionne dans un discours (le sien et celui d‟autrui) ».

Sous une autre perspective, Ladmiral (1999, p. 130) considère que la langue est un
marqueur d’identité de type collectif. En ce sens, l’identité linguistique se place au même
niveau que l’identité culturelle, nationale ou l’appartenance socio-professionnelle. Cependant,
la langue dispose d’un statut privilégié parce qu’elle sert à véhiculer cette identité et les autres
types d’identité. Ainsi, selon Abdallah-Pretceille (1991, p. 306) la langue, en tant que moyen
de communication, « est un moyen d‟expression de la culture et un médiateur de l‟identité ».
À ce propos encore, Achard-Bayle (2013, p. 13) considère que l’identité « a un profil ou une
dimension linguistique » dans la mesure où « l‟identité se saisit (au sens dénotatif et descriptif
du terme) par des marqueurs de langue, les marques qu‟une langue lui donne, autrement dit
par ses identifications ».

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En réalité, l’auteur utilise le terme langage que nous avons donc remplacé ici. Cela ne veut cependant pas dire
que nous prenons les deux pour synonymes ou que nous ignorions les nuances qui les distinguent l’un de l’autre.
D’ailleurs dans ce passage, nous semble-t-il, l’auteur utilise le terme langage parce qu’il le définit comme
« instrument de communication », définition qui est aussi faite de la langue chez certains auteurs.

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3.1.4. Les rapports entre l’identité et l’altérité

Pour mieux cerner les rapports entre identité et altérité, nous proposons ci-dessous
d’examiner certaines citations empruntées à différents auteurs et de les commenter par la
suite. Cette démarche peut rendre plus lisibles les rapports entre identité et altérité même si
l’aspect « catalogue de citations » peut être critiquable.

Ricœur (1990, p. 14), décrit le rapport entre identité et altérité de la manière suivante :
« Soi-même comme un autre suggère d‟entrée de jeu que l‟ipséité du soi-même implique
l‟altérité à un degré si intime que l‟une ne se laisse pas penser sans l‟autre, que l‟une passe
plutôt dans l‟autre, […] ».

Selon Charaudeau (2005) « le problème de l‟identité commence quand on parle de soi.


Qui suis-je ? Celui que je crois être ou celui que l‟autre dit que je suis ? Moi qui me regarde
ou moi à travers le regard de l‟autre ? Mais quand je me regarde, puis-je me voir sans un
regard extérieur qui s‟interpose entre moi et moi ? N‟est-ce pas toujours l‟autre qui me
renvoie à moi ? ».

Colin (2011, p. 53) exprime cette relation comme suit : « un moi ne se pose en tant
qu‟identique à lui-même – donc dans un temps relié – que dans son contact avec un monde
non moi ; un non-moi constitué d‟objets. Il se pose dans l‟identité de sa différenciation ».

Quant à Abou (1981, p. 31), pour lui « le problème de l‟identité en général ne surgit
que là où apparaît la différence. Le problème de l‟identité ethnique ne surgit que lorsque le
groupe ethnique entre en contact avec d‟autres groupes et que des systèmes de valeur
correspondants s‟affrontent ».

Par ailleurs, Colin (idem), dans un autre passage affirme que « la notion d‟identité ne
peut pas être séparée de celle d‟altérité dont elle tire sa légitimité ».

Enfin, pour Abdallah-Pretceille (1999, p. 8), « la maîtrise de sa propre identité intègre


l‟Autre comme élément constitutif et, systématiquement, la relation positive à l‟altérité repose
sur l‟assomption par chacun, de son unicité, c‟est-à-dire de sa subjectivité».

Nous pourrions continuer cet exercice et multiplier les citations en évoquant d’autres
auteurs mais nous ne saurions pas exhaustifs et ce serait peut-être sans grande importance
parce que nous arriverions au même résultat. En effet, organisées de cette façon, des plus

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