« L’identité de chaque personne est constituée d’une foule
d’éléments qui ne se limitent évidemment pas à ceux qui figurent sur les registres officiels… appartenance à une tradition religieuse ; à une nationalité, parfois deux ; à une famille plus ou moins élargie ; à une profession ; à une institution ; à un certain milieu social… Mais la liste est bien plus longue encore, virtuellement illimitée : on peut ressentir une appartenance plus ou moins forte à une province, à un village, à un quartier, à un clan, à une équipe sportive ou professionnelle, à une bande d’amis, à un syndicat, à une entreprise, à un parti, à une association, à une paroisse, à une communauté de personnes ayant les mêmes passions, les mêmes préférences sexuelles, les mêmes handicaps physiques, ou qui sont confrontées aux mêmes nuisances. […] C’est justement cela qui caractérise l’identité de chacun : complexe, unique, irremplaçable… » Amin MAALOUF, les identités meurtrières, 1998, p.18.
Amin Maalouf : écrivain franco-libanais
Les identités meurtrières,: essai ou l’auteur questionne la notion de
l’identité a travers l’exemple d’un homme ne en Allemagne de parents turcs. Il interroge la question d’appartenance en faisant la distinction entre les deux notions. Selon lui, naitre musulman en occident est difficile a gérer. Il suggère une approche multidimensionnelle de la notion d’appartenance. Outre celle religieuse, il propose une autre plus globale, celle « humaine » surtout dans le contexte de mondialisation.
L’identité selon Amin MAALOUF : notion complexe et composée de :
1- Définition de l’identité : « Mon identité, c’est ce qui fait que je ne
suis identique à aucune autre personne » p.16. Ce qui me singularise par rapport aux autres (mon identifiant de ma CIN par exemple) 2- Ce qui me relie aux autres et fait que je vis, que je me développe, que j’évolue au sein d’un groupe. 3- Selon Denys Cuche (professeur de sociologie et d’anthropologie français), la question de l’identité contient celle de culture, bien qu’on ne doive pas les confondre l’une avec l’autre. Si la culture provient de processus inconscients et s’acquiert par l’éducation dans l’environnement immédiat de l’individu, l’identité quant à, se base sur une norme d’appartenance, nécessairement consciente, fondée sur des oppositions symboliques. 4- Denys Cuche est contre l’idée que « L’individu, de par son hérédité biologique, nait avec les éléments constitutifs de l’identité ethnique et culturelle, dont les caractères phénotypiques et les qualités psychologiques qui relèvent de la mentalité, du génie propre au peuple auquel il appartient. » Denys Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales, p. 85. L’identité culturelle est selon cette conception immuable et l’individu ne fait qu’intérioriser les modèles culturels dont il a hérité. 5- L’identité est une construction sociale qui participe de la propre hétérogénéité d’un groupe social quelconque. La considérer comme étant monolithique empêcherait de comprendre les phénomènes d’identité mixte, fréquents en toute société. En ce sens, chaque individu intègre de façon syncrétique la pluralité des appartenances sociales (sexe, âge, classe sociale, groupe culturel…). 6- L’appartenance chez Amin MAALOUF va au delà de la religion a celle de l’appartenance a l’Humanité. Négocier sa place dans le monde mais aussi être capable d’accepter l’autre dans sa différence, de concilier le culturel et l’interculturel au sein de cette « grande communauté » créée par la mondialisation.
Expression « identité plurielle » :
« Nous sommes invités à concevoir nos « identités » sous l’angle
d’une diversité de soi-même. Mon identité au sens moral est forcément plurielle. Chacune de ces identités qui composent mon signalement ne correspond qu’à une partie de ma personne. Mon identité, ajourera-t-on, est même deux fois plurielle. Elle l’est à tout instant, car je ne suis jamais réductible à une seule qualité (…). Toutefois, en parlant d’ « identité plurielle », nous donnons à penser que nous avons déjà trouvé la solution du problème qui se posait. En réalité, il n’en est rien : les mots « identité plurielle », par la suite par leur combinaison, ne font que poser le problème qui est celui d’un seul individu auquel il est demande d’exister sur un « monde plural ». Mais comment une seule personne peut-elle réussir le prodige de vivre et d’exister comme si elle n’était pas seulement elle-même mais d’autres personnes. » Descombes, Les embarras de l’identité, Paris, Gallimard, 2013, P.46.
- Vincent Descombes (philosophe français, 1943) s’est intéressé
dans cet ouvrage Les embarras de l’identité à la question suivante : comment le terme « identité » peut-il designer ce qui permet, d’une part, de nous identifier au sein d’un groupe (C.I.N comme exemple) et d’autre part, ce qui nous relie et nous identifie à ce même groupe. - L’usage du mot « identités » au pluriel est significatif dans la mesure où il se réfère à la signification du terme dite « objective » celle que nous avons dans les registres, et à celle qu’il appelle « identité morale » qui ne peut qu’avoir plusieurs facettes et plusieurs composantes (les valeurs, les attitudes, la personnalité, les goûts, etc.). - Il traite la question d’un point de vue linguistique, puisqu’il s’est spécialisé dans la philosophie du langage. L’identité dans les sociétés modernes repose sur la pluralité des registres linguistiques qui servent à marquer notre différence avec les autres (langue maternelle : arabe ou amazigh avec leurs dialectes respectifs) mais aussi, la maitrise d’autres registres (français, anglais, espagnol, etc.) afin de faciliter notre adhésion a d’autres groupes différents du « NOUS ». Prendre conscience et assumer son identité plurielle permet donc, de ne pas être déstabilisé par les différences culturelles et par là-même, de pouvoir accepter le pluriculturalisme - « Mais comment une seule personne peut-elle réussir le prodige de vivre et d’exister comme si elle n’était pas seulement elle- même mais d’autres personnes. » : Combiner deux notions en l’apparence contradictoires « identité » et « plurielle » pour Descombes pose la problématique de la capacité de tout être humain de vivre en harmonie avec lui-même tout en étant pluriel dans sa personne notamment dans un monde composé qu’il appelle « un monde plural ».