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Les identités collectives à l’ère de la globalisation :


Enjeux et résistances

Dr. Mouna Bakouri


Professeure chercheure en
psychologie sociale
Université Mohammed V de Rabat

Introduction
Si durant l’ère industrielle, la question culturelle a été reléguée en arrière-plan au profit de la
question sociale de lutte des classes et des inégalités économiques, l’ère de la globalisation a
placé la question des identités et de la culture au cœur des débats sociaux et des consciences
individuelles. Nous parlons d’identités collectives et de culture comme une même question,
parce que si la culture regagne du terrain dans l’ère actuelle, c’est en tant qu’identité
revendiquée, en tant qu’éléments symboliques que les individus et les groupes adoptent et
mobilisent pour s’auto-définir, s’autoproclamer une place dans le monde, et y agir.
Aujourd’hui, la globalisation polarise de plus en plus ceux qui la vivent comme un risque et
une forme d’aliénation, comme une menace à leurs identités mêmes, et ceux de l’autre côté,
qui la considèrent comme moyen d’aller au-delà de l’enracinement dans le local et le
traditionnel jugé comme dépassé. Ces derniers envisageraient la fin des identités collectives,
des singularités culturelles, et leur imminente dissolution au profit d’une identité unique,
globale. Dans les deux pôles, on voit monter à la surface des positions extrêmes voire même
violentes: une défense fanatique des identités collectives (Daech étant une de ces formes) ou
une mise à l’écart, une hostilité, à l’égard de tous ceux perçus comme représentant une
religion ou une culture donnée (ex. l’islamophobie).
Même chez ceux qui ne se situent ni dans ce pôle ni dans l'autre, les notions de groupes
d’appartenance et d’identités collectives évoquent des sentiments et des attitudes divergentes;
elles sont associées chez certains à des sentiments de bien-être et de proximité, et à des
comportements de solidarité et d’entraide, acquérant ainsi une connotation très positive.
Paradoxalement chez d’autres, ces mêmes mots évoquent l’idée de mettre à part, d’exclure et
de discriminer; ils deviennent synonymes de conflit, d’ethnocentrisme, et de fermeture
d’esprit, voire même de tribalisme chez certains.
Nous soutenons que les deux positions extrêmes, celle qui défend toute forme d’identité
collective et déclare la guerre violente à la globalisation, et celle qui prétend la fin des
identités collectives et fait l’éloge de la globalisation comme ce qui va nous sauver de
l’obscurantisme des identités collectives, sont trop simplistes et infondées. On ne peut pas

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prétendre que toute forme d’identité collective est défendable et faire fi des dérives de
certaines revendications identitaires et de la violence de certains conflits qui ont même
conduit jusqu’à l’extermination de l’autre au nom de la défense de son identité. De l’autre
côté, on ne peut pas non plus prétendre simplement que 'tout est global' ou peut et doit le
devenir, y compris nos identités, nos attachements, et nos habitus sociaux; derrière cela se
cache une ignorance profonde des mécanismes de formation identitaire et du rôle
psychosocial des identités collectives.
La problématique des identités collectives à l’ère de la globalisation est l'une des plus
prioritaires mais elle est plus complexe et doit être abordée dans sa complexité. En tant que
chercheurs et spécialistes dans les sciences humaines, c’est notre rôle de fournir des analyses
profondes et des éléments susceptibles d’éviter cette polarisation qui continue de se creuser, et
ce recours croissant à la violence, grâce à la discussion et l’échange d’arguments issus de nos
domaines respectifs d’études et de recherches. La thèse que nous défendons, en se basant sur
des travaux de psychologie sociale, développementale et de neurosciences, sur la pro-socialité
humaine et le besoin intrinsèque d'affiliation, ainsi que sur les analyses sociologiques des
effets culturels de la globalisation, consiste à questionner l’idée infondée mais pourtant en
vogue selon laquelle tout est global, ou qu’on puisse le rendre global, y compris nos identités:
«Tout n’est pas global (et certainement, ne le deviendra pas dans un avenir proche)"
(Martuccelli, 2007). Ceci est d'autant plus vrai quand il s’agit de la construction identitaire et
des relations sociales sui sont toujours ancrées dans des réalités locales comme ne cesse de
nous le rappeler psychologues sociaux, sociologues et ethnologues.
En se basant sur les travaux sur l'identification aux groupes et la socialité humaine, et sur des
analyses sociologiques des conséquences de la globalisation, nous allons essayer de réfuter le
discours qui prétend la fin des identités collectives et le passage imminent de l’humanité à des
individus cosmopolites et à une identité globale. Tout d’abord, il s’agit de montrer qu'un tel
discours est antinomique avec les découvertes récentes qui montrent que l’être humain a
intrinsèquement besoin d'appartenance et de lien social, et que le contexte de proximité et de
réciprocité que les identités collectives créent est fondamental pour son bon fonctionnement
psychologique et biologique. Ces arguments seront développés d'abord en se basant sur des
travaux issus de la psychologie sociale, ensuite sur ceux issus des neurosciences sociales et de
la psychologie développementale. Ensuite, nous allons montrer comment un tel discours
prétendant la fin des identités collectives est contredit par les effets même de la globalisation
marquée par la montée des revendications collectives et identitaires, et même par la montée en
visibilité de formes extrêmes et violentes d’identités collectives.
Notre position ne doit pas être comprise comme une défense de toute forme d’identité
collective et une valorisation du local, compris comme spatial ou territorial. Comme nous
allons le développer, notre position consiste, au contraire, à reconnaitre que le processus de
construction des identités collectives est un processus naturel que même l’ère de la
globalisation ne pourra pas arrêter, mais que nous sommes devant la nécessité et l'urgence
d’adapter les formes de construction de ces identités, d'inventer de nouvelles façons de
construire le groupe, le Nous.

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1. Du besoin d’appartenance comme motivation psychosociale, aux bases
neuronales de l'identification sociale et de la pro-socialité
Nous sommes des êtres sociaux, dans le sens où nous vivons en groupes comme plusieurs
autres espèces, et comme peu d’autres tels les oiseaux et les primates par exemple, nous
vivons dans des groupes culturellement distincts (c.à.d. où différentes populations
développent différentes façons de faire la même chose).
Avant l’ère de la modernité, l'individu se définissait par son appartenance à un groupe social
délimité géographiquement et par la culture de ce groupe, comprise comme l’ensemble des
normes de conduites qui régulent l’interaction entre les membres de ce groupe.
L’appartenance à un groupe fonctionnait également comme une glue qui lie les membres de
ce groupe par un devoir de solidarité. Aussi, l’être humain dépendait pour sa survie physique
des autres membres de son clan et l’appartenance à un groupe et la solidarité qui reliait les
membres de ces groupes étaient le garant qu’il va pouvoir satisfaire ses besoins fondamentaux
d’être en sécurité et de pouvoir se nourrir.
Actuellement, nous sommes moins enracinés dans un espace restreint, et nos besoins
fondamentaux de sécurité physique et de nutrition sont règlementés à un niveau national par
des institutions étatiques. Selon une première hypothèse, on peut penser que la tendance à la
construction « d’identités collectives » et l'affiliation dans des groupes étaient fonctionnelles
dans les conditions de vie et le mode d'organisation sociale de nos ancêtres, mais
qu'aujourd’hui, elles ne le sont plus et peuvent même être problématiques, car elles
constituent une base potentielle de phénomènes intergroupes négatifs; de conflits, de
discrimination, de racisme et rejet de l'autre différent. La tendance à se regrouper
psychologiquement et à co-construire une niche culturelle (c.à.d. des normes de conduites qui
régulent la vie commune) est-elle effectivement dépassée et indésirable? Serait-il possible et
souhaitable de l’éradiquer?
La thèse contraire que nous défendons ici est que le social, le cultuel, n’est pas pour l’être
humain un instrument/un moyen qui lui permettait la survie physique, qui était indispensable
par le passé et qui l’est moins actuellement grâce au développement de la civilisation, mais
que c’est ce qui définit et caractérise l’humain. Tomasello, un spécialiste de la psychologie du
développement comparatif, avait formulé cette idée dans une perspective développementale,
en disant que l’ontologie humaine normale implique nécessairement une dimension culturelle
que l’on ne retrouve pas chez les autres primates : « sans la niche culturelle humaine, ainsi
que les compétences et les motivations pour y prendre part, un enfant humain en
développement ne deviendrai pas du tout une personne fonctionnant normalement »
(Tomasello, 2009 : 58).
Partant des théories psychologiques qui postulent un besoin fondamental d’appartenance, aux
découvertes en neurosciences qui décrivent une disposition biologique et des capacités
exclusivement humaines facilitant la vie en groupe, nous dédions cette première partie à une
revue de littérature de la recherche scientifique qui défend cette thèse.

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1.1 Les arguments issus de la psychologie sociale
Plusieurs modèles théoriques en psychologie sociale ont postulé que les humains ont une
motivation intrinsèque à appartenir et à former des liens, et ont montré empiriquement que
quand ce besoin n’est pas satisfait ou est menacé, cela peut avoir des conséquences délétères
sur la personne. Les principaux courants théoriques sont la théorie de l’appartenance sociale
de Baumeister et Leary, la tradition de l’identité sociale et son application récente à la santé et
au bien-être (The social Cure perspective), ainsi que le modèle de l’expansion de soi d’Aron
et ses collaborateurs.
La théorie de l’appartenance sociale (Baumeister & Leary, 1995) considère le sentiment
d'appartenance à un groupe ou une collectivité comme un besoin humain universel. La revue
de littérature sur les travaux basés sur ce modèle a également montré qu’un tel besoin est
stimulé davantage par les conditions sociales de menace ou de manque de ressources.
Selon la théorie, ce besoin reflète un désir intrinsèquement humain de créer un contexte de
proximité et de soutien mutuel, source d’émotions positives. En effet, la théorie postule que
les humains sont fondamentalement motivés à avoir des interactions positives avec les autres
«dans le contexte d'un cadre temporellement stable et durable de préoccupation affective pour
le bien-être de chacun» (p. 497). L’être humain serait donc activement à la recherche d’un
contexte de préoccupation mutuelle et de prise en charge des besoins des uns et des autres; les
groupes sociaux se construisent alors pour offrir un tel contexte. Le rôle des groupes
d’appartenances est compris de ce point de vue en termes de réseau de liens de réciprocité, de
solidarité, et de proximité sociale qu’ils permettent et du rôle adaptatif de ces liens pour le
bien-être et la santé psychique des individus.
Le modèle de l’expansion de soi (Aron et al. 1991) s'intéresse à comprendre l'impact des
relations sociales sur la psychologie individuelle. Il suggère que les relations proches (close
relationships, c.à.d. des relations profondes et durables) transforment cognitivement les
frontières entre le soi et les autres (la représentation cognitive de soi et celle des autres) et
changent le soi en incluant les ressources, les perspectives et les identités des autres comme si
elles étaient siennes. Ce modèle qui était initialement appliqué aux relations
interindividuelles, donc au niveau interpersonnel, a été testé et validé dans le cadre de la
relation individu-groupe, c-à-d comment l'identification à un groupe social et l’intensité de
cette identification transforme le soi. Ainsi Tropp et Wright (2001), avancent que «les
relations proches et l'appartenance à un groupe impliquent toutes deux une sorte de fusion de
soi avec les autres» [traduction libre] (Smith, Coats et Walling, 1999 : 881). Ce modèle repose
sur deux principes : le premier est que les humains ont une motivation première à
étendre/élargir le soi ; le deuxième est que les individus accomplissent ce besoin grâce à des
relations proches qu’ils sont intrinsèquement motivés à former, soit dans un cadre
interpersonnel ou intra-groupe. Donc, comme le modèle de Baumeister, ce modèle postule
aussi l'existence d'une motivation première chez l'humain à établir des liens, à se connecter et
s'affilier. Des études empiriques basées sur ce modèle ont également confirmé que ce genre de
relations proches sont associées à une augmentation dans le sentiment d’efficacité perçu de la
personne (Aron, Aron & Norman, 2004).

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L'idée selon laquelle les relations proches changent cognitivement le concept de soi et les
frontières entre le soi et les autres, en incluant les autres comme faisant partie intégrante du
soi, a été testée empiriquement au niveau interpersonnel et au niveau intra-groupe par Smith
et ses collègues (Smith et al, 1999). Tropp and Wright (2001) ont suggéré plus tard une
conceptualisation de l'identification avec un groupe social comme le degré auquel le groupe
est perçu comme étant partie du soi et ont validé empiriquement cette mesure de
l’identification sociale.
La tradition de l’identité sociale. La tradition de recherche en psychologie sociale connue
sous le nom de la tradition de l’identité sociale englobe les travaux issus de la théorie de
l’identité sociale (Tajfel, 1978; Tajfel & Turner, 1986) et ceux de la théorie de l’auto-
catégorisation (Turner, 1985) et de leurs développements récents. Il s’agit d’un des courants
théoriques les plus influents et les plus actifs en termes de travaux de recherche actuels dans
la discipline. Selon cette tradition, le groupe social est une construction mentale définie
subjectivement, « une collection d’individus qui se perçoivent comme membres de la même
catégorie sociale, (et) partagent un certain engagement émotionnel dans cette définition
commune d’eux-mêmes » (Tajfel & Turner, 1986 : 15).
Plusieurs travaux empiriques issus de cette tradition montrent que le seul fait de rendre
l’appartenance à une même entité sociale saillante cognitivement (même en absence de toute
interaction interpersonnelle préalable), change la représentation de soi, les attitudes et les
comportements des individus les uns envers les autres. Cela a été documenté par un grand
nombre d'études empiriques montrant par exemple que lorsque les gens sont amenés
expérimentalement à percevoir qu’ils partagent une appartenance commune avec d’autres, ils
s'attendent à ce que les autres les soutiennent lorsqu'ils en en ont besoin et sont plus prêts à
fournir de l'aide aux autres (Haslam et al, 2005; Levine et al, 2005) et à se faire confiance
(Kramer et Tyler, 1996).
L’application récente de cette tradition à l’étude de la santé et du bien-être psychologique a
suggéré que le sentiment subjectif de faire partie d’un groupe cohésif est déterminant pour la
santé et le bien-être des individus (Jetten, Haslam et Haslam., 2012, Jetten et al. 2017). Des
études récentes dans ce cadre ont accumulé le soutien empirique à l'idée que les appartenances
sociales qui sont significatives pour la personne constituent une ressource principale qui
permet de faire face aux défis de la vie, tels que les traumatismes (Muldoon et al, 2019), la
maladie (Jones et al., 2011), les transitions de la vie (Iyer et al, 2009) et même les défis
physiques (Jones & Jetten, 2011).
Les groupes et les identités collectives examinés par les chercheurs issus de la tradition de
l’identité sociale et son application à la santé et le bien-être sont variés. Ils incluent des larges
groupes sociaux tels que des groupes religieux en Inde (Khan et al, 2014), ou encore
l’identification avec son groupe national (Khan et al, 2020), ils incluent également des
groupes restreints tels que des groupes de soutien (Crabtree et al, 2010), ainsi que des
identités relationnelles telles que la famille (Sani et al, 2012). Cette approche ne distingue pas
en fait théoriquement entre les groupes restreints où les individus se connaissent et
interagissent personnellement et les groupes de tailles plus large, à mesure que l’individu
s’identifie subjectivement avec le groupe, et cela lui procure un sentiment d’affiliation et de

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soutien. Indépendamment de la taille du groupe et de la fréquence des contacts
interpersonnels entre les membres, l'approche de l'identité sociale se focalise sur le sens
subjectif d'une identité commune et le degré d’identification avec le groupe. Elle se distingue
ainsi d’une autre approche en sociologie qui souligne également l’importance des
appartenances sociales, celle du capital social, mais qui est basée sur l’analyse des réseaux
sociaux et de l’intensité des contacts que ces réseaux permettent (Putnam, 2001).
Du besoin psychologique aux bases neuronales de la socialité. Ces courants de recherche
que nous avons passés en revue se sont développés indépendamment ; ils se basent sur des
cadres théoriques et des protocoles méthodologiques très variés, mais s’accordent sur
l’existence d’une motivation chez l’humain à se sentir et à fonctionner comme membre d’un
groupe et l’importance de ce sentiment d’appartenance et d’identification à ces groupes pour
son fonctionnement psychique, sa santé mentale et même physique.
Ce besoin de faire partie, de former et de s’insérer dans des groupes psychologiques est-il un
besoin primaire/inné ? ou s'agit-il d'un besoin secondaire appris durant la socialisation,
justement pour bien s’adapter à des sociétés qui n’avaient pas ‘d’autres options’ que de
s’organiser en groupes, et qui ont par conséquent inculqué à leurs membres cette inclinaison à
rechercher l’affiliation et à intérioriser les normes de réciprocité et de coopération au sein de
leurs groupes culturels?
Jusqu’à récemment, l’idée dominante partagée par plusieurs disciplines intéressées par le
comportement humain (psychologie, biologie et économie) était que l’individu est d’abord, et
par nature, centré sur lui-même, c.à.d. orienté vers son intérêt et la satisfaction de ses propres
besoins (et des besoins de ceux qui lui sont biologiquement liés). La vie en société -organisée
en groupes dont les membres dépendent les uns des autres pour la satisfaction de leurs
besoins- et l’imprégnation dans une culture l’amènent à freiner son égoïsme et à se soumettre
aux normes de coopération et de solidarité avec les autres. Ainsi, la motivation par défaut,
innée, est celle de l'égoïsme (une motivation pro-self), l'interaction et l'interdépendance avec
les autres permettent l'apparition d'autres motivations pro-sociales comme celle de la
coopération (préoccupation par l'intérêt commun) ou de l'altruisme (préoccupation par l'intérêt
de l'autre, en dépit de son coût pour le soi).
Nous avons, aujourd’hui, assez d’éléments pour conclure que, contrairement à cette vision
répandue, l’être humain est de nature orienté vers l’autre, c'est-à-dire, doté naturellement de
ce qui le fait se soucier de l'autre et qu'il a une prédisposition naturelle à coopérer, à fournir de
l'aide en cas de besoin, et à construire des relations positives et des engagements mutuels avec
les autres. Nous allons passer en revue quelques résultats principaux issus du domaine des
neurosciences sociales et celui de la psychologie développementale qui appuient cette
position.

1.2 Les arguments issus des neurosciences sociales


Si le besoin d’appartenance et d’identification aux groupes et ses conséquences en termes de
solidarité et de coopération intragroupe ont été largement examinés par la psychologie sociale
traditionnelle, les psychologues sociaux commencent à s’intéresser davantage à la
compréhension ancrée dans la biologie et le fonctionnement du système nerveux de ces

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phénomènes et ceci dans le cadre d’un champ de recherche fleurissant qui s’appelle les
neurosciences sociales.
Les neurosciences sociales est une sous-discipline des neurosciences comportementales qui
elle s’intéresse plus généralement à comprendre les bases neurobiologiques du comportement
et des processus mentaux, cognitifs et affectifs. En neurosciences sociales, on s’intéresse plus
particulièrement aux phénomènes psychosociaux ; ainsi, on s'intéresse aux compétences
interactives, aux motivations pro ou antisociales (donc orienté vers l’autre), à l’identification
au groupe, et aux comportements pro-sociaux (solidarité, altruisme…) ainsi que les émotions
qui lui sont associées (par exemple le souci empathique, la compassion).
L’étude de ces phénomènes dont la compréhension implique l’interaction du cognitif et de
l'affectif n’est devenue possible que très récemment. En effet, les neurosciences
comportementales, en tant que discipline, étaient focalisées à leur début sur la compréhension
des capacités sensorielles, cognitives et motrices, et comment le système nerveux permet à
l’individu d’acquérir et de développer ces capacités et de bien fonctionner dans son
environnement physique. Ceci avec une conception de l’être humain comme un système de
traitement de l’information qui a pour but l’adaptation dans son environnement physique et,
en premier lieu, la satisfaction de ses propres besoins. Les aspects interactifs et affectifs ont
été alors relégués en arrière-plan. On assiste récemment à un changement de paradigme, où
l’intersubjectivité et les processus émotionnels sont placés au centre de l’intérêt, même dans
l’étude des processus cognitifs comme la mémoire et l’attention.
Grâce aux progrès méthodologiques rapides dus au développement sans précédent dans les
technologies d’imagerie cérébrale et les mesures neurophysiologiques, les recherches portant
sur le sujet de l'intersubjectivité et de la socialité se sont rapidement développées et ce champ
de recherche a suffisamment muri pour produire un consensus scientifique général selon
lequel la pro-socialité est largement répandue, qu’elle est intuitive, et a des bases
profondément enracinée dans notre biologie (Keltner et al, 2014).
Les travaux de Jean Decety sur l'empathie, de Jean-Michel Oughourlian sur le troisième
cerveau ou le cerveau mimétique, de Stephen Porges sur le système nerveux autonome et son
lien avec le comportement social, de Richard Davidson sur la compassion, le livre de Luis
Cosolino (2014) "The neuroscience of human relationships: Attachment and the developing
social brain", et celui de Donald Pfaff (2015) " The altruistic brain: How we are naturally
good ", sont tous des éléments qui témoignent de l'émergence d'un tel consensus. Comme
exemple de ces travaux, nous donnons un aperçu sur les travaux de Matthew Lieberman et sur
la découverte des neurones miroirs et la théorie de la cognition sociale de Vittorio Gallese qui
en a découlé.
Matthew Lieberman est professeur et chercheur en psychologie sociale est l’un des premiers à
s’intéresser aux bases neuronales des compétences spécifiques à l’expérience sociale; c’est lui
qui avait en fait proposé le terme « Neurosciences cognitives sociales » pour désigner ce
domaine de recherche dédié à l'étude des capacités sociocognitives sous-jacentes à
l'expérience sociale en profitant des dernières avancées méthodologiques dans le domaine des
neurosciences. Principalement, son laboratoire utilise l'imagerie par résonance magnétique
fonctionnelle (IRMf) pour examiner les bases neuronales de la cognition sociale.

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Dans son livre « Social: Why Our Brains are Wired to Connect », publié en 2013, il défend la
thèse que notre cerveau est pré-câblé pour nous rendre attirés par le monde social et pour nous
fournir les ressources mentales nous permettant de le naviguer. Il soutient même que notre
besoin de nous connecter et de faire partie de groupes est un besoin biologique, et qu'il est
plus fondamental que notre besoin de nourriture ou d'abri, contrairement à la fameuse
hiérarchie des besoins de Maslow qui place les besoins physiologiques comme celui de se
nourrir à la base de la pyramide, ensuite les besoins de sécurité, et seulement après les besoins
d’appartenance et d’amour, qualifiés de besoins sociaux pour les distinguer des besoins
primaires de se nourrir et d'être en sécurité.
Parmi les arguments qu'il avance, il discute les résultats des travaux empiriques réalisés par
son équipe qui montrent que les mêmes circuits qui sous-tendent la perception de la douleur
physique s’activent quand nous sommes exclus socialement. Dans certains de ses travaux, il
utilise l’IRMf pour étudier ce qui se passe dans le cerveau de personnes quand ils sont mis
expérimentalement dans une situation où ils sont ignorés par les autres. Il utilise pour ceci un
paradigme où l’individu se croit en train de jouer avec deux autres personnes et à un certain
moment ces personnes, qui sont en fait des robots programmés par l’expérimentateur, font les
passes entre eux et ne l’inclut pas dans le jeu. Les chercheurs ont trouvé que les personnes
mises dans ces situations disent se sentir mal, mais plus intéressant, que les mêmes circuits/
zones qui s’activent dans la douleur physique sont activées chez ces personnes. A partir de ces
données et d’autres travaux, il conclut que la douleur sociale est aussi réelle que la douleur
physique et que nous sommes programmés biologiquement de façon à rechercher l’inclusion,
l’appartenance et à éviter l’exclusion.
Durant les deux dernières décennies, et surtout depuis la découverte des neurones miroirs, de
plus en plus de travaux offrent des arguments solides en faveur de cette thèse d’une socialité
ancrée dans la biologie et soutenue par des mécanismes innés, involontaires, qui nous
orientent vers l’autre et qui nous rendent soucieux de son bien-être et motivés naturellement à
construire des relations positives avec lui.
Les neurones miroirs. On ne peut pas aborder l’intersubjectivité d’un point de vue
biologique-neuronal, sans parler du système central à la base de nombreux processus
automatiques et intentionnels et d’autres plus contrôlés, impliqués lors de nos interactions
avec les autres, à savoir le système des neurones miroirs.
La découverte de ce système a constitué un tournant majeur en neurosciences, puisqu’elle
suggère que certaines cellules de notre système nerveux (et aussi celui d’autres primates)
fonctionnent selon un mécanisme de résonance, qui coordonne l’activité des mêmes circuits
nerveux entre un sujet et un observateur, sans distinction entre l'agent et celui qui l'observe.
Ces cellules nerveuses qui ont cette fonction de résonner, ont été appelées les cellules miroirs
car elles font écho à l’intérieur de l’organisme, de l’état émotionnel ou du mouvement
intentionnel initié à l’extérieur, comme si c'était l’organisme lui-même qui l'a initié.
Des neurones ayant cette caractéristique de miroir ont été découverts en premier dans le
cortex précentral du macaque, par le chercheur Rizzolati et son équipe de l'université de
Parme en Italie dans les années 1990. Cette découverte a été faite lors de leur étude sur la base
neuronale des comportements moteurs volontaires. En utilisant la technique d'imagerie

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cérébrale, les chercheurs ont découvert accidentellement qu'avant que le singe ne bouge lui-
même sa main pour saisir la tasse, les mêmes cellules responsables d’exécuter ce mouvement
spécifique s’activent quand le singe observe le chercheur en train de faire le même
mouvement (saisir la tasse). Suite à cette observation accidentelle, les recherches ont confirmé
l’existence de cellules nerveuses dans la zone sensorimotrice des macaques qui sont activées
lorsque l’individu exécute une action, et aussi lorsqu’il observe un autre individu en train
d’exécuter cette action (Rizzolatti et al. 1996)
Suite à ces premières découvertes, l’utilisation des techniques d’imagerie cérébrale ainsi que
des données neurophysiologiques ont apporté de solides preuves confirmant l’existence d’un
système de neurones miroirs chez le sujet humain (Rizzolatti, 2006). Il a été d'abord montré
que certaines cellules de la zone sensorimotrice du cortex cérébral humain ont cette propriété
de miroir, et ensuite que cette caractéristique de résonance est présente également dans des
circuits neuronaux impliqués dans les émotions (ex. Wicker et al , 2003); quand nous
observons une personne qui exprime un état de dégout par exemple, les réseaux de neurones
impliqués pour produire les aspects principaux de son expression faciale s’activent aussi chez
l’observateur, comme si c’était lui qui vivait cet état émotionnel.
La découverte de l’existence chez l’humain d’un système de résonnance développé (Keysers
& Gazzola, 2010), basé sur ce type particulier de neurones, qui s'applique aussi bien aux
mouvements intentionnels qu’aux états émotionnels, a bouleversé les études en cognition
sociale et a imposé une nouvelle compréhension de ses thématiques et concepts clés
(l'empathie, la théorie de l'esprit, l'apprentissage social, l'imitation et l'influence sociale...).
De nombreux chercheurs ont investigués l'hypothèse qu'un tel système serait impliqué dans la
capacité de reconnaitre les émotions des autres (une composante essentielle de l'empathie) et
la capacité de comprendre les intentions des autres (qui est considéré comme base de la
théorie de l'esprit) ainsi que dans l'imitation, l'identification et l'influence sociale. Une revue
de littérature récente sur les bases neuronales de l'empathie et du partage des émotions
suggère effectivement que notre capacité d'interpréter correctement l'état émotionnel des
autres, repose sur l'activation de circuits qui nous font vivre littéralement cet état comme si
c’était le nôtre, et l'activation par la suite d’autres réseaux qui nous permettent de faire la
distinction entre le soi et l’autre qui a initié cette émotion (Lamm et al, 2019).
La découverte de ce système a aussi polarisé les chercheurs entre ceux qui, surtout au début,
ont minimisé le rôle de ce système dans la cognition humaine et ceux qui, comme Vittorio
Gallese, y voient la base fondamentale. Professeur de physiologie humaine et de neuroscience
à l'université de Parme et membre de l’équipe de Rizzolati derrière la découverte des neurones
miroirs, Gallese a développé une théorie de la cognition sociale qu’il a nommé la théorie de la
simulation incorporée (Embodied Simulation Theory, Gallese et al, 2004 ; Gallese &
Sinigaglia, 2011; Gallese, 2018). L’utilisation du qualificatif « Incorporé/ Embodied » vise à
souligner le rôle crucial joué par les parties du corps, les actions et les représentations
corporelles, dans la cognition.
Gallese considère dans cette théorie que ce qui nous permet de comprendre les actions, les
intentions, les émotions et les sensations des autres c’est le fait que nous sommes dotés de ce
système de résonnance qui nous prédispose à vivre/ à expérimenter ces émotions et ces

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intentions à l’intérieur de nous quand nous les observons chez l’autre. Ainsi notre principal
moyen de nous représenter l’esprit de l’autre (ce qu’il ressent et ce qu’il a l’intention de faire)
ne procède pas par observation et ensuite compréhension par analogie ou inférence (donc par
un raisonnement abstrait), mais plutôt par ce que notre système nerveux nous mène (d’une
façon involontaire) à cartographier les actions et les émotions des autres en utilisant nos
propres représentations motrices, émotionnelles et somato-sensorielles. Selon Gallese et ses
collaborateurs, « le mécanisme fondamental qui nous permet une compréhension
expérimentale directe de l'esprit des autres n'est pas le raisonnement conceptuel mais la
simulation directe des événements observés à travers le mécanisme du miroir » [traduction
libre] (Gallese et al, 2004 : 396). Cela ne veut pas dire que les mécanismes intentionnels et le
raisonnement abstrait ne sont pas impliqués, ou qu’ils n’ont aucun rôle à jouer, mais que notre
comportement social, notre compréhension et réaction à l’état de l’autre, procède d'abord par
un processus de bas en haut, où la simulation incorporée précède le raisonnement et
l’interprétation rationnel, et où le corps a un rôle crucial dans la cognition sociale. Dans un
article dédié aux bases neuronales de l'identification sociale, il avance qu' « un même
mécanisme fonctionnel sous-jacent – la simulation incorporée– médiatise notre capacité à
partager le sens des actions, des intentions, des sentiments et des émotions avec les autres,
engendrant ainsi notre identification et notre connexion aux autres. L'identification sociale,
l'empathie et le 'Nous' sont le fondement de notre développement et de notre être » [traduction
libre] (Gallese, 2009 : 519). Ainsi selon lui, le fait que nous sommes baignés depuis la
naissance dans un espace intersubjectif partagé, permet et favorise la constitution d'un Nous
que nous entretenons normalement avec les autres, et que nous pouvons (et/ou devons) élargir
au-delà de nos cercles familiaux/amicaux réduits. D'autres chercheurs voient aussi dans ce
système la base sur laquelle peut se développer l'aptitude morale à inclure les autres, mêmes
les plus éloignés, dans notre cercle de préoccupation: « Si nous parvenions à voir les gens
d'autres continents comme faisant partie de Nous, les amenant dans notre cercle de réciprocité
et d'empathie, nous serons en train de bâtir sur notre nature, plutôt que d'aller à son encontre »
[traduction libre] (de Waal, 2005 : 54).

1.3 Les arguments de la psychologie développementale


Le chercheur en psychologie développementale Michael Tomasello et son équipe mènent
depuis plusieurs années des études comparatives entre les humains et les autres espèces
sociales les plus proches génétiquement (principalement les chimpanzés). En se basant sur les
résultats de ces études, les chercheurs défendent la thèse que les humains sont hypersociaux
dotés d’une capacité unique à être hyper-sociaux, qu’ils possèdent des formes de socialité et
de collaboration qui leurs sont uniques et qui leurs permettent de co-construire des formes de
culture qualitativement différentes de ce qui est observé chez les autres animaux sociaux
(Tomasello, 2015).
Dans une de leurs études (Herrmann et al, 2007), les chercheurs trouvent qu’à deux ans, les
enfants et les chimpanzés ne diffèrent pas sur les capacités dites de la cognition physique
(causalité, quantité, espace) mais diffèrent au niveau de la cognition sociale (théorie de
l’esprit, communication, apprentissage social). Dans une autre étude (Rekers et al, 2011), les
chercheurs comparent le comportement d’enfants de 3 ans et des singes dans des situations où

110
ils ont la possibilité de coopérer avec un partenaire. Ils trouvent que dans les situations où la
collaboration conduit à une récompense meilleure comparée au choix de jouer en cavalier
seul, la collaboration est choisie majoritairement parmi les enfants et parmi les singes. Par
contre, dans les situations où on peut obtenir la même récompense en collaborant avec le
partenaire ou en jouant seul, les singes choisissent majoritairement de jouer en cavalier seul
alors que les enfants choisissent majoritairement de collaborer avec le partenaire. Dans
d’autres études (Warneken et al, 2006 ; 2012), il a été montré que dans des situations où des
enfants (vs. des Chimpanzés) entament une activité commune avec un adulte et que celui-ci
(pour des raisons expérimentales) arrête le jeu, l’enfant - contrairement au singe- relance
l'adulte, en insistant, et ceci même lorsque l'enfant sait qu'il pourrait réaliser l’activité seul et
atteindre le même résultat.
Ces résultats suggèrent que chez les singes, la relation (et la coopération) avec l’autre n’est
recherchée que dans la mesure où l’animal estime que les résultats concrets/tangibles qu’il
obtiendra seront meilleurs grâce à cette relation. Au contraire, les enfants, à un âge aussi
précoce que 3 ans, montrent une motivation intrinsèque à s’engager dans une relation de
collaboration avec l’autre même quand ils peuvent atteindre leur objectif en dehors de cette
collaboration. La recherche d’une relation positive avec l’autre, la motivation de collaborer
avec lui, est une motivation intrinsèque, recherchée en elle-même et non pas uniquement
quand elle est un instrument pour améliorer ces propres résultats comme c’est le cas chez les
autres espèces. « Les humains ont une motivation et une préférence propre à l'espèce, du
moins parmi les grands singes, pour poursuivre des objectifs en collaborant avec d'autres »
[traduction libre] (Tomasello, 2020 : 4).
Les observations chez les autres espèces montrent, selon Tomasello, que seuls les humains
possèdent une forme de collaboration dans laquelle les individus forment une agency
(volonté) conjointe ou collective, un Nous conscient de lui-même, pour poursuivre une finalité
commune : « nous pouvons designer les processus psychologiques sous-jacents qui rendent
possibles ces formes uniques de coopération comme "l’intentionnalité partagée" »
(Tomasello, 2015 : 13), à laquelle il donne comme définition « la capacité (et le désir) de
nouer avec d’autres individus des intentions et engagements conjoints lors des activités
coopératives », autrement dit , la capacité et la motivation de partager les buts et les intentions
avec les autres.
Cette intentionnalité conjointe est possible grâce à des compétences qui sont aussi
spécifiquement humaines et qui ont été étudiées par le chercheur et son équipe. Ainsi des
comportements tel que celui d'inviter le partenaire de l'interaction à porter son attention sur un
objet, ou spontanément celui de porter son attention sur ce que l’autre est entrain de fixer, ne
vont être observés chez l’animal que quand ces comportements lui apporte un gain propre, ce
que Tomasello a appelé le modèle de l’instrument social (le social, le relationnel comme un
outil pour réaliser ses objectifs). Chez l’humain au contraire, et comme le montre de
nombreuses études expérimentales, ces mêmes comportements sont recherchés et engagés en
très bas âge, sans qu’ils aient aucune valeur extrinsèque en dehors de la relation avec l’autre
en soi. Ils peuvent être engagés, par exemple, pour transmettre une information, partager un
intérêt, aider l’autre à atteindre un but, sans attendre ou espérer une récompense.

111
A partir de la discussion de ces travaux issus de domaines divers, nous pouvons constater à
quel point l’être humain est intrinsèquement motivé à s’identifier et à créer des liens, à
partager les buts et les engagements, et à coopérer pour les atteindre et à quel point il est
équipé de ce qui lui facilite cette coopération et cet engagement mutuel. Ceci rend le
processus de construction des identités collectives, comme une formation émergente d'un sens
de Nous, à partir des situations de contacts intersubjectifs, un processus inévitable, voire
désirable, puisqu'il est le garant du climat de réciprocité et de préoccupations mutuelles dont
l'individu a besoin pour bien fonctionner.

2. Les identités collectives à l’ère de la globalisation


2.1 La globalisation : de quoi parle-t-on ?

Au cours des trois dernières décennies, une série de processus désignés communément par le
mot globalisation (globalization, plus souvent traduite en français par mondialisation), a eu
lieu et a transformé des aspects variés et profonds de notre vie. Les réactions à la globalisation
et les analyses faites de ses conséquences ont été nombreuses et diverses et suscitent toujours
des débats et même des guerres idéologiques. Néanmoins, comme ensemble de processus et
de transformations objectivables qu’a connu l’humanité dans la période contemporaine, la
globalisation est un fait historique qui a plusieurs marqueurs sur lesquelles on peut être
d’accord, notamment :

1. Un développement et une diffusion sans précédent des nouvelles technologies de la


communication et de l’information (Internet, smartphones, réseaux sociaux, satellites,
médias...), avec la conséquence de faciliter et d’accélérer les échanges, les transferts et
le contact (médiatisé technologiquement) entre humains.
2. Un développement rapide de la finance internationale, une mondialisation des
marchés, et une libération progressive du monde financier (les institutions bancaires)
et du monde des affaires (les entreprises) des frontières étatiques.
3. Comme corolaire du point précédent, une augmentation exponentielle des flux
marchands, financiers, mais aussi médiatiques et informationnels.
4. Une augmentation des flux migratoires depuis les pays pauvres pour des raisons
économiques, et de la mobilité individuelle et du tourisme de masse depuis les pays
riches grâce au développement du transport aérien de masse.

S’il y a un accord sur l’avènement de ces changements et leur ampleur sans précédent, les
avis divergent quand il s’agit de décrire ou de prédire les effets de la globalisation sur la façon
dont nous nous représentons nous mêmes et dont nous nous relions les uns aux autres, c.à.d.
ses effets en relation aux aspects symboliques; subjectifs et intersubjectifs. Certains y voient
un moyen d’aller au-delà de l’enracinement dans le local et le traditionnel jugé comme
dépassé, et envisagent la fin des identités collectives et des singularités culturelles au profit
d’individus plus libres et plus ouverts, débarrassés de toutes attaches, qui peuvent aller là où
ils veulent et qui se sentent comme chez eux partout où ils vont. Il s’agit là d’une idéologie
qu’on peut qualifier de cosmopolite, qui dévalorise le local au profit du global et qui voit le

112
culturel et le local comme divisant et séparant les humains, et le global et l’universel comme
unifiant les humains et comme notre destin proche grâce à la globalisation.
C'est l’anthropologue Jonathan Friedman, spécialisé dans l’anthropologie des systèmes
mondiaux, qui avait utilisé ce qualitatif de cosmopolite pour décrire l’élite économique
transnationale (comprenant les représentants d'organisations internationales, la classe
managériale transnationale...). Ce qui caractérise cette élite et justifie ce qualitatif de
cosmopolite selon Friedman (2004) et l’étude de Wagner (1999) sur laquelle il se base, c’est
la tendance, psychologiquement, à se distancier du local et du national et à s’identifier avec
l’international et le transnational : « La capacité d’être chez soi, au sens à la fois matériel,
social et symbolique dans plusieurs pays, l’incorporation d’une identité cosmopolite qui
produit ses effets sur toutes les dimensions de la personne définissent bien le modèle vers
lequel tend la culture internationale des cadres » (Wagner, 1999). Friedman décrit la
globalisation comme une idéologie qui privilégie et véhicule le discours et la vision du monde
de cette élite, numériquement très minoritaire. Une vision qui fait l’éloge du métissage
culturel, qui vante l’identité universelle ou globale et qui promet des conséquences glorieuses
de la globalisation en termes de fin d’ethnocentrisme et de racisme, et de coexistence et vivre
ensemble entre les humains sans besoins d’éléments culturels et normatifs pour nous unir
dans des groupes spécifiques.
Beaucoup d’analyses scientifiques sérieuses faites par des sociologues et anthropologues de
renommé, que nous allons discuter dans ce qui suit, mettent en cause ce futur glorieux promis
par la globalisation et décrivent une réalité beaucoup plus sombre.
2.2 Analyser les conséquences culturelles de la globalisation
La sociologue Saskia Sassen, spécialiste de la globalisation et connue pour ses analyses des
migrations internationales et des grandes villes du monde, nous invite à faire la distinction-
quand il s’agit de la mobilité des individus rendue possible par la globalisation- entre celle des
personnes très qualifiées qui se déplacent entre les villes cosmopolites, et celles des membres
des classes sociales les plus modestes pour qui l’immigration est une solution de survie.
Alors que dans le premier cas, la mobilité ou l’immigration peut être un choix qui découle
d’une idéologie cosmopolite valorisant la mobilité et dévalorisant l’enracinement dans un
espace donné, la deuxième catégorie, elle, n’est pas cosmopolite mais plutôt
« dénationalisée » selon la qualification de la sociologue. Elle s’enracine dans un double
environnement local (Sassen, 2009).
L’observation des conditions et lieux de vie des migrants du sud vers le nord nous montrent
comment beaucoup d'entre eux, même en étant géographiquement loin de leur pays d’origine,
continue à y vivre symboliquement, et ceci également grâce (ou à cause) des développements
sans précédent dans les technologies de l’information et de la communication. Aussi, si
certains témoignent d’une intégration réussie, dans le sens où ils deviennent des membres
actifs de la société d’accueil qui contribuent à sa transformation tout en étant transformés par
elle, beaucoup vivent dans des ghettos involontaires et constituent des communautés
marginalisées.

113
L'ampleur des problèmes sociaux liés à l’intégration des immigrants dans les pays du nord a
fait que la sociologie de l’immigration et la psychologie interculturelle sont devenues des
domaines de recherches vibrants ces dernières décennies. Un des principaux modèles de la
psychologie interculturelle, le modèle des stratégies identitaires de Camilleri (1990; 1996) est
le fruit des observations et des analyses issues des travaux de terrains menés pendant plusieurs
années auprès de migrants maghrébins en France. Le modèle s'intéresse aux défis
symboliques que rencontrent ces migrants et propose une typologie des stratégies poursuivies
pour faire face à ces défis. Selon Camilleri, l'un des grands défis auxquels font face ces
migrants c’est l’atteinte à l’image de soi, c-à-d la difficulté de garder une image de soi
positive à cause des rapports mondiaux asymétriques qui font que ce migrant va se retrouver
défini dans le pays d’accueil par un ensemble de caractéristiques connotées négativement,
attribuées à son groupe d’appartenance et aux rôles sociaux de ce groupe dans la société
d’accueil. Le modèle des stratégies identitaires décrit un ensemble de stratégies développées
pour faire face à cette atteinte à l’image de soi, qui incluent des identités défenses (identité
comme refus et bouclier pour se protéger des autres) et des identités polémiques (caractérisées
par une sur-affirmation des caractéristiques stigmatisées en opposition généralement agressive
contre les représentants du groupe dominant).
Le sociologue anglo-polonais Bauman utilise une métaphore rude pour désigner les perdants
de la globalisation, celle des « déchets humains » (Bauman, 2004). Il utilise cette métaphore
pour évoquer le destin des réfugiés et demandeurs d’asile que l’occident ne veut ni
« recycler » ni « évacuer », mais dont il encourage lui-même la production puis les laisse se
regrouper dans des camps. Cette même métaphore est utilisée par Bauman aussi pour désigner
ceux qu’il a appelé « les exclus internes »; ceux qui dans les pays occidentaux eux-mêmes
deviennent de moins en moins indispensables (comme conséquence du développement
technologique) et de plus en plus nombreux.
A ceux qui font l’éloge de la globalisation comme force permettant de nous unir et nous
connecter malgré nos différences, Bauman répond que oui la globalisation interconnecte et
unifie certains mais isole d’autres, beaucoup plus nombreux. Il souligne les flagrantes
différences constatées dans l’accès à la mobilité et dans la mobilité réelle, entre ceux en haut
et ceux en bas, et fait remarquer que, si pour ceux d’en haut l’espace peut être parcouru
rapidement que ce soit sous forme réelle ou virtuelle, l’espace est au contraire rétréci comme
effet de la globalisation pour ceux d’en bas (nous pouvons penser aux conditions de vie des
travailleurs immigrés du sud vers les pays occidentaux dans les ‘ghettos involontaires’ situés
dans la périphérie des villes métropoles, ou aussi à celles de nos bidonvilles surpeuplés par
nos paysans qui ont immigré en ville à la recherche de travail). Bauman note que non
seulement leur espace rétrécit, mais en plus leur capacité à donner sens à leur vécu en
générant des significations sociales partagées, ce qui donnait aux localités leur importance, a
été dégradée.
Selon Bauman, ces phénomènes constituent des aspects de la modernité liquide. En fait, la
contribution principale de Bauman est d'avoir caractérisé les sociétés contemporaines comme
étant des « sociétés liquides » c-à-d des sociétés où « les situations dans lesquelles les
hommes se trouvent et agissent se modifient avant même que leurs façons d’agir ne
réussissent à se consolider en procédures et habitudes » (Bauman, 2000). Les individus et les
114
groupes dans de telles sociétés deviennent ainsi incapables de comprendre et de donner sens à
leur expérience et en tirer des enseignements parce qu’avant même de pouvoir le faire, les
conditions ont été déjà modifiées.
Baumann analyse la globalisation plutôt comme un ensemble d’effets involontaires que
d'actions volontaires (destinées à amener le monde vers un but). Il considère que le nouveau
contexte social liquide où nous vivons - conséquence probablement involontaire de la
globalisation- a débouché au niveau social sur la dissolution des mécanismes collectifs
préexistants d’action et d’assurance, ce qui - à un plan individuel- a créé peurs et angoisses, et
sentiments constants que les conditions de vie humaine sont incertaines. Parmi les traits
principaux des sociétés contemporaines qu’il dégage dans son livre Le présent liquide (2007),
il note la disparition de toute forme de responsabilité collective : toute les décisions sont
désormais dans les mains de l’individu qui, quand il n’arrive pas à s’en sortir, il n’a d’autre
responsable à qui s’en prendre que lui-même: « il appartient désormais aux individus de
chercher, de trouver et de mettre en place des solutions individuelles aux difficultés sociales
et de les expérimenter par le biais d’actions individuelles et isolées, en utilisant des outils et
des ressources dont l’inadéquation au but poursuivi est flagrante » (Bauman, 2007 : 24). Il va
jusqu'à caractériser notre ère en étant l’ère de la "la fin de l’engagement mutuel" (Bauman,
2000 : 11). En parlant de la mobilité dont bénéficie l’élite capitaliste qui investit là où c'est
rentable, et du désengagement à l'égard de toute obligation que cela crée, il conclut: « En un
mot, on assiste à la fin du devoir de contribuer à la vie quotidienne de la communauté et à sa
perpétuation » (Bauman, 1999 : 20).

Manuel Castells, un autre sociologue qui s’est intéressé aux conséquences culturelles de la
globalisation et qui a conduit plusieurs travaux sur le sujet, rejoint Bauman dans le constat
que la globalisation connecte certains mais déconnecte beaucoup d’autres. En se basant sur
des études empiriques, il constate que plus il y a eu globalisation plus il y a eu des formes de
résistance à la globalisation, et que ces résistances ont souvent pris la forme de
développement d’identités oppositionnelles qui refusent les valeurs de la globalisation
(Castells, 1999). Selon l’analyse de Castells, beaucoup ne trouvent pas leur place dans ce
nouveau système mondial basé sur la finance et le marché et perçoivent qu’ils n’ont aucune
valeur dans ce système. Ceux-là se définissent alors leur propre valeur (ma famille, ma nation,
mon dieu) et peuvent même adopter une défense fanatique de leur identité comme une
réponse/une réaction à leur exclusion et leur marginalisation. Ainsi, il explique la montée du
radicalisme islamique comme réaction à une globalisation incontrôlée et à ses conséquences
sur ceux qui ont été mis à l’écart.

Donc, contre la prétention de ceux qui font l’éloge de la globalisation comme antidote à
l’enfermement des identités ethniques et religieuses et promesse de l’ouverture sur l’autre, les
sociologues de la globalisation constatent, en parallèle avec l’accélération de la globalisation
et sa déstructuration des mécanismes d'organisation et d’action collective préexistants, la
montée de formes d’identités collectives les plus problématiques, d’identités-défense qui se
plient sur elles-mêmes et qui sont prêtes à tout, même à tuer et sacrifier des vies, pour faire
triompher leurs idéaux qu’elles perçoivent comme menacés. Contre l’idée d’un monde où on
aurait dépassé les entités sociales fixes et homogènes et où tout est dynamique et se mélange,
115
on assiste plus que jamais à la montée de revendications et formes identitaires les plus
fermées, et même à la renaissance de certaines formes que nous jugeons, dans les termes de
la politologue Chantal Mouffe, comme devant appartenir « à un temps révolu, avant que la
raison n’ait réussi à contrôler les passions proclamées archaïques » (Mouffe, 2003 : 4).

Les analyses de l’anthropologue américain d’origine indien Appadurai, qui s’est également
intéressé aux conséquences culturelles de la globalisation (Appadurai, 2001; 2007), vont aussi
dans le sens d’un lien entre la montée de formes extrêmes et violentes d’identités collectives
(ethnocide, terrorisme) et l’ébranlement qu’a causé la globalisation aux formes préexistantes
d’organisation sociale et aux mécanismes de formation et d’action de groupes sociaux
(Appadurai, 2007). Comme argument principal avancé pour expliquer l’ethno-nationalisme et
le terrorisme, on trouve sa notion « d’incertitude sociale » relative à l’identité. Cette
incertitude serait liée au fait que la globalisation ait ébranlé l’illusion d’une homogénéité
ethnique qui était une certitude ancrée dans les imaginaires et qui servait de mythe fondateur
derrière la construction d’un Nous.

Appadurai reconnait que les transformations qui ont caractérisé la globalisation (notamment
les flux du cosmopolitisme marchand, l’absence des barrières à la circulation matérielle et
idéologique) ont secoué et redessiné les paysages culturels en y provoquant des changements
irréversibles. Cependant, son analyse de ces changements ne plonge pas dans le pessimisme
voulant que la globalisation soit ou bien synonyme d’uniformisation sociale ou bien
d’extrémisme et violence comme réaction à cette pression à l'uniformisation par ceux qui
refusent de s’assimiler au progrès. Au contraire, il essaie de montrer que les groupes sociaux
continuent à être des acteurs principaux, et que loin d’être des victimes passifs de ces
transformations, ils sont capables de développer des nouvelles formes de résistance et de
visibilité et sont même poussés par la globalisation à le faire.

Les effets culturels de la globalisation ne seraient donc pas une fragilisation des groupes
sociaux ou seulement une montée de formes mal-adaptés de Nous, mais un défi à ces groupes
les poussant à s’adapter pour construire le Nous sur des bases plus solides que l’illusion de
l’homogénéité qui prédominaient auparavant comme base de formation des groupes sociaux.
Ce qui caractérise le nouveau monde de la globalisation auquel ces groupes doivent s’adapter
est le fait qu’ils ne sont plus territorialisés « Les groupes migrent, se rassemblent dans des
lieux nouveaux, reconstruisent leur histoire et reconfigurent leur projet ethnique ... désormais,
les groupes ne sont plus étroitement territorialisés, ni liés spatialement, ni dépourvus d'une
conscience historique d'eux-mêmes, ni culturellement homogènes » (Appadurai, 2001 : 89).
Dans l’ère de la globalisation nous aurons toujours besoin d’un Nous (et nous serons même
plus conscients de nous-mêmes comme groupe) mais ce Nous ne peut plus être construit ni
sur la localité territoriale ni sur l’homogénéité.
Nous rejoignons Appadurai dans l'idée que le principal défi actuel pour les groupes sociaux et
les identités collectives, c'est de construire le collectif à distance, le collectif qui n'est pas
territorialisé, mais répandu sur des vastes espaces. Il restera (et devra rester) toujours un
espace d’intimité, de sentiments de proximité émergeant de bas en haut; de l’interaction et des
intentionnalités partagées. Mais dans l’ère de la globalisation, comme le note Appadurai « les

116
sentiments, dont la plus grande force tient dans leur capacité à susciter l'intimité dans un état
politique et à transformer la localité en un terrain progressif de l'identité, se sont répandus sur
de vastes espaces irréguliers au fur et à mesure que les groupes bougeaient tout en restant liés
les uns aux autres grâce à des modes de communication sophistiqués » (Appadurai, 2001 :
78). Ce collectif ne pourra pas non plus être homogène et solide mais devra être dynamique,
et se débarrasser de l'illusion d'homogénéité et d'essentialisme comme seule base possible de
la formation d'un Nous (Bakouri, 2020).

Conclusion
Nous avons souligné, en nous appuyant sur les découvertes scientifiques passées en revue,
l'importance du collectif, de la construction et l'appartenance à un Nous pour l'individu et
l'inévitabilité du processus de formation des identités collectives.

En nous basant sur les analyses sociologiques et anthropologiques des conséquences de la


globalisation, nous avons également souligné que l'ébranlement qu'a causé la globalisation
aux mécanismes préexistants de la formation et de l'action du collectif (même si on reconnait
que certaines de ces formes puissent être problématiques), a engendré des réactions encore
plus problématiques et a diffusé encore plus d'intolérance et de conflits intergroupes,
contrairement à la prétention que la globalisation nous mènera à un monde plus harmonieux
où tout se métisse après une dissolution des identités collectives distinctives.
Ignorer l'importance du collectif, et du local - comme redéfini par Appadurai (2003); comme
relationnel et contextuel plutôt que spatial et territorialisé- et essayer de l'éradiquer, ne peut
qu'engendrer des formes problématiques de résistance, y compris des identités-défense qui se
plient davantage sur elles-mêmes et excluent l’autre en adoptant des conceptions encore plus
essentialistes de l’identité collective.
Notre position n’est pas de faire l’éloge des identités collectives, mais de reconnaître
l’importance du collectif et du co-engagement et en même temps l’existence de formes
d’identités collectives qui sont problématiques. Le besoin humain de former des liens et de
faire partie d’entités sociales cohésives régies par des normes de reconnaissance mutuelle et
de réciprocité est inévitable étant donné l’hyper-socialité humaine. La façon dont ce Nous est
construit et les formes qu’il prend peuvent effectivement, comme nous pouvons le constater
souvent, avoir des conséquences indésirables. Nous nous joignons à de nombreux chercheurs
qui, pour reconnaitre la légitimité des identités collectives et en même temps l’existence de
formes problématiques de ces identités, distinguent entre différentes formes possibles de
construire le collectif qui sont plus ou moins compatibles avec la coexistence et le vivre
ensemble (par exemple la distinction faite par Hassan Rachik (2016) entre identités molles et
identités dures).
Dans la lignée de Ibn Khaldoun pour qui « le groupe est quelque chose de fictif qui n’acquiert
de l’importance que par le lien qu’elle crée », notre position est que le groupe/le collectif est
primordial, et que sa formation est inévitable, pour le lien qu’il crée et les fonctions de
connectivité et d’engagement mutuel qu’il remplit. Il peut être construit et revendiqué sur des
bases incompatibles avec le vivre ensemble et la coexistence humaine et, dans ce cas, il
devient problématique. Quand il est compris comme une entité solide avec des
117
caractéristiques essentielles et naturelles préexistantes aux intentionnalités individuelles qui
l'ont créé, il devient contre-productif puisqu'il dépare la glue sociale qu'il est censé renforcer.
Comprendre ceci est nécessaire pour comprendre quelles formes d’identités collectives nous
devons défendre et protéger pour soulever le défi de la globalisation.

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