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Belarbi Salaheddine

Licence d’excellence : culture numérique et identité marocaine

Matière : langue étrangère (français)

Texte
La notion d'identité s'est récemment imposée dans le vaste champ des sciences sociales.
Les chercheurs des domaines des sciences humaines et sociales, comprenant philosophes,
sociologues, psychologues, anthropologues et autres soulignent unanimement la
complexité inhérente à sa saisie. Comme l'exprime Gottlob Frege (1997), dans la mesure
où toute tentative de définir une identité la confine ipso facto à une définition, l'identité
demeure insaisissable. Ce concept a vu le jour après le conflit mondial de la Seconde
Guerre mondiale, principalement à travers les travaux du psychanalyste Erik H. Erikson
portant sur les crises identitaires, notamment dans le cadre de la recherche américaine.
L’identité ? On en parle tant et si mal qu’on ne se donne même plus la peine de savoir
« ce que c’est » ! Elle s’apparente à un mot valise, à un « foyer virtuel auquel il nous est
indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, sans qu’il n’ait
jamais d’existence réelle » 1. Nathalie Heinich définit l’identité comme : « la résultante de
l’ensemble des opérations par lesquelles un prédicat est affecté à un sujet » 2 . L’auteure
insiste sur le caractère « fabriqué » de l’identité, il ne s’agit pas d’une donnée, elle est
produite comme une « barbe à Papa » à laquelle se collent sans cesse de nouveaux détails
biographiques 3 . Métaphoriquement, elle est l’eau transparente et liquide qui prend la
couleur de son contenu. Claude Dubar précise que : « L’identité n’est autre que le résultat
à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et
structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les
individus et définissent les institutions 4». Elle est plutôt un sentiment qui, pour Alex
Mucchielli, l’identité, se construit autour de ce qu’il nomme des « noyaux identitaires »,
c’est-à-dire des « systèmes de perception, d’évaluation, de résonance affective et
d’expression comportementale » 5 . Que l’on parle d’un individu, d’un groupe ou d’une
communauté, ces systèmes sont « des structures psychoculturelles construites », grâce
auxquels l’environnement est appréhendé. Dans cette perspective, l’identité est considérée
comme un ensemble de systèmes de relations et de significations 6.

1
Claude Lévi-Strauss, dir., L'identité, Paris, PUF, coll. Quadrige 2 ème édition, 1987, p. 332.
2
Nathalie Heinich, Ce que n’est pas l’Identité, Le débat Gallimard, Paris, 2018, p. 105
3
Erving Goffman, Stigmate [1963], Minuit, 1975, p.74
4
Claude Dubar, La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Armand
Colin, 1998, p. 111.
5
Alex Mucchielli, L’identité, coll. Que sais-je ? 7ème édition, Paris, PUF, 2009, p. 46
6
Laurent Mucchielli, L’identité. PUF, Co1. "Que sais-je ?", Paris .1986, p. 5.

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Belarbi Salaheddine

L’enjeu de la réflexion sur l’identité repose et continuera de reposer sur l’expérience


que nous avons, et que toute l’humanité a, de l’identité, à la fois comme origine et finalité.
Des sociologues tels que Claude Dubar ou François Dubet, ont privilégié respectivement
les notions de "négociation identitaire" ou "d’expérience" pour désigner les processus à
l’œuvre dans la fabrique de l’identité, et donc des changements qui l’affectent 7 . Il nous
semble que le concept d’"identité" pose de nombreux pièges, trois d’entre eux sont les plus
usuels et donc les plus dangereux.
Tout d'abord, l'identité est souvent ancrée dans une conception essentialiste
élémentaire qui suppose qu'une identité demeure toujours inchangée, adoptant ainsi une
vision figée. Cependant, la réalité de l'identité contredit cette idée. Le deuxième piège de
l'identité réside dans le réductionnisme largement attribuable au culturalisme. Il consiste à
restreindre l'identité d'une personne à une seule dimension ou à un seul trait, créant ainsi
une identité unidimensionnelle et entraînant une forme d'assignation. Cette approche est à
la base de la stigmatisation et des stéréotypes liés à la race, au genre ou à la classe sociale.
Le troisième piège est celui de l'individualisme qui caractérise les sociétés libérales.
Chacun est libre de choisir son identité, de définir pour lui-même indépendamment des
autres ce qu'il considère être, négligeant toutefois le rôle crucial de l'altérité dans la
formation de l'identité. Comme le soulignait Paul Ricœur: « le plus court chemin de soi à
soi passe par autrui » 8 . Ainsi, l’évitement de ces pièges passe forcément par la délimitation
des frontières entre l’individuel et le collectif.
Questions

1 Quels sont les différents points de vue sur la notion d'identité présentés dans le texte et
comment se complètent-ils ou se contredisent-ils?
2 Comment l'identité est-elle définie par les divers auteurs mentionnés dans le texte, et
quelles sont les nuances entre leurs définitions?
3 Comment la notion d'identité personnelle comme un processus constant de construction,
reconstruction et déconstruction entre 'l'être' et le 'devenir' impacte-t-elle la perception
individuelle du soi et sa relation avec le temps ?
4 Comment les processus de socialisation influent-ils sur la construction de l'identité, à la
fois au niveau individuel et collectif?
5 Quels sont les dangers ou pièges identifiés dans la conceptualisation de l'identité, tels que
l'essentialisme, le réductionnisme et l'individualisme? Comment ces pièges peuvent-ils
affecter la perception de soi et des autres?

7
Claude Dubar, La crise des identités. Paris, PUF, 2010, et François Dubet, Sociologie de l’expérience,
Paris, Seuil, 1994.
8
Paul Ricœur, Soi-même comme un autre [SA], Seuil, 1990, coll. « Points », 1996.

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Belarbi Salaheddine

6 En quoi la relation entre l'individuel et le collectif est-elle importante dans la formation


de l'identité, selon les idées exposées dans le texte?
7 Comment les différentes disciplines des sciences humaines et sociales contribuent-elles
à la compréhension de l'identité, et en quoi leurs perspectives diffèrent-elles ou se
complètent-elles?
8 Comment définir et caractériser l'identité marocaine à travers ses composantes
culturelles, historiques et sociales, et comment ces éléments contribuent-ils à façonner le
sentiment d'appartenance et l'identité collective au Maroc?
9 Comment l'identité marocaine évolue-t-elle dans un contexte contemporain en réponse
aux changements sociétaux et mondiaux?"

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