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Questions de communication 

5 | 2004
Psychologie sociale, traitements et effets des médias

Dominique WOLTON, L’autre mondialisation


Paris, Flammarion, 2003, 212 p.

Stéphanie Hurez

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/7170
DOI : 10.4000/questionsdecommunication.7170
ISSN : 2259-8901

Éditeur
Presses universitaires de Lorraine

Édition imprimée
Date de publication : 1 juillet 2004
ISBN : 978-2-86480-838-1
ISSN : 1633-5961
 

Référence électronique
Stéphanie Hurez, « Dominique WOLTON, L’autre mondialisation », Questions de communication [En ligne], 5 |
 2004, mis en ligne le 19 juillet 2013, consulté le 31 décembre 2022. URL : http://
journals.openedition.org/questionsdecommunication/7170  ; DOI : https://doi.org/10.4000/
questionsdecommunication.7170

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Notes de lecture

rait des capacités cognitives qui peuvent manque justement à cette anthropologie
entrer dans le champ d’une évaluation en de la communication, c’est un point de vue
termes de savoir-être. Mais, au-delà d’une sur le monde à partir duquel puisse s’éla-
problématique d’évaluation, on comprendra borer une citoyenneté. Le monde présenté
tout l’intérêt d’une formation de ce type en par Yves Winkin est un monde sans conflit,
rapport avec le monde du travail, dans la sans rapport de force, sans social. Il s’agit
mesure où ces capacités cognitives sont d’un monde à « embrasser » (p. 65), non
mises au service de la flexibilité, de la gestion d’un monde à discuter, à critiquer, à trans-
de soi, c’est-à-dire au service de la constitu- former. En cela, il y a dans ce texte une
tion d’un modèle de salarié compatible avec sous-utilisation de la pensée de Pierre
les conditions actuelles de la mise au travail. Bourdieu, pourtant cité à maintes reprises.
À partir de là, on peut s’interroger sur le Sans doute une présentation de l’anthro-
rapport de l’anthropologie de la communi- pologie de la communication comme lieu
cation à une quelconque résistance. En de résistance aurait-elle gagné à se nourrir
définitive, loin d’être un vecteur de résis- de cette pensée critique.
tance, il se pourrait au contraire que l’an- Thomas Heller
thropologie de la communication, telle Lille 1
qu’elle est décrite dans cet ouvrage, puisse GERICO, Lille 3
être, dans sa finalité pédagogique
rapportée au travail, la matière en sciences Dominique WOLTON, L’autre mondialisation.
sociales dont Bologne a besoin pour lier de Paris, Flammarion, 2003, 212 p.
façon positive l’Université à l’Entreprise. Par
sa visée transformatrice des individus, elle Dans son dernier ouvrage, Dominique
contribuerait à assurer ce passage de l’Uni- Wolton présente un véritable plaidoyer pour
versité au marché du travail ; il s’agit de la cohabitation culturelle. Ses recherches
construire non l’homo academicus mais récentes sur la communication politique entre
l’étudiant employable, c’est-à-dire – pour la Polynésie française et la métropole, puis sur
reprendre quelques-uns des attendus des l’impact qualitatif de la politique des nouvelles
organisations aujourd’hui – « flexible », technologies dans les départements d’outre-
« capable de se gérer de manière auto- mer, lui ont permis, à l’aube du XXIe siècle, de
nome » dans de « multiples situations de la reconsidérer les concepts d’identité, de
vie professionnelle ». culture et de communication. Son livre s’orga-
nise autour de cinq chapitres – chacun étant
Pour lier l’anthropologie de la communica- suivi de nombreuses indications bibliogra-
tion à un acte de résistance, l’argumentaire phiques permettant de prolonger le débat –
d’Yves Winkin relève à notre avis du para- qui aboutissent sur des propositions d’actions
logisme : l’agenda de Bologne ouvre la voie parfois surprenantes.
à une « PNLisation » des SIC ; l’anthropo-
logie de la communication est à l’opposé En spécifiant d’entrée de jeu que les tenants et
de cette « PNLisation » ; donc elle est aux aboutissants de son ouvrage sont de « penser
antipodes de Bologne ; donc elle relève les conditions de la mondialisation de l’infor-
d’un acte de résistance. Il n’en est rien. Ceci mation et de la communication afin que cette
ne saurait pour autant remettre en ques- dernière ne devienne pas une sorte de
tion l’intérêt de cette discipline, sur le plan bombe à retardement » (p. 10), l’auteur
heuristique ou pratique, et ce qu’elle peut parvient à considérer l’information, la commu-
apporter aux étudiants pour appréhender nication et la culture comme des valeurs de
le monde. Pour autant, il n’est pas certain, progrès et d’émancipation, mais aussi comme
qu’« acquérir une formation en anthropo- des dérives possibles d’un futur incertain. Ces
logie de la communication, c’est se donner trois notions peuvent s’inscrire soit dans ce
les moyens de devenir citoyen du monde » qu’il nomme la « dimension fonctionnelle »
(p. 83). Tout au moins si l’on entend par qui « renvoie tout simplement au fait que,
citoyenneté un rapport au monde sous- dans la société, tout s’échange », soit dans la
tendu par une conscience politique. Ce qui « dimension normative » qui « renvoie à un
idéal, à l’idée de partage, de compréhension »

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(p. 27). Il tente alors de prouver la nécessité un monde globalisé, l’autonomie […] peut
d’organiser une cohabitation culturelle dans le davantage garantir l’identité culturelle […]
respect des identités, en vue d’« assurer un [parce qu’elle] permet un meilleur retour sur
minimum de compréhension mutuelle pour l’histoire que l’indépendance, et surtout
amortir les effets de la mondialisation » (p. 48) garantit un avenir moins instable » (p. 126). Par
puisque, si elle casse les distances, elle ne ailleurs, il affirme que la France se détournerait
génère pas plus de proximité. En ce sens, il de ses racines mondiales pour se replier sur
fustige l’idéologie du « village global » qui l’Europe et que, de fait, l’absence de valorisa-
semble empêcher toute réflexion sur les tion de cette réalité illustre l’absence de
rapprochements culturels et qui favoriserait réflexion sur les nouveaux enjeux de la coha-
les conflits dans notre société, en nous faisant bitation culturelle qui est masquée par la
remarquer que la mondialisation de la problématique de gestion des flux migratoires.
communication conduit à renforcer le lien En montrant l’importance de construire le
entre culture et communication et à faire multiculturalisme par cette « autre mondiali-
émerger « une nouvelle problématique de sation » qui, rappelons-le, concerne la cohabi-
l’identité culturelle collective » (p. 56). tation culturelle au plan mondial pour penser
Parce qu’il est urgent de repenser la commu- les relations du « triangle infernal » (identité,
nication en stimulant la diversité et en ouvrant culture, communication), Dominique Wolton
de nouvelles fenêtres sur la réalité de parvient à dresser une sorte d’état des lieux
« l’Autre », Dominique Wolton montre bien qui laisse beaucoup de questions en suspens
que le défi culturel de la mondialisation et de « chantiers » à bâtir. Cependant, en véri-
consiste à valoriser le statut de la politique table défenseur de « l’exception culturelle »,
pour éviter les dérives communautaristes. À et donc d’un certain nationalisme, il prône la
cet égard, il souligne la nécessité de consolider nécessité de penser la cohabitation culturelle
les institutions au niveau international, ce qui au niveau international pour préserver la
suppose un renforcement des États nations et pluralité des représentations du monde, tout
de l’Organisation des Nations Unies.Toutefois, en démontrant que l’Europe doit davantage
« la diversité culturelle n’a pas le même sens se distinguer du modèle culturel américain.
selon que le mot est véhiculé par les indus- Au-delà de ce paradoxe, sa réflexion – bien
tries culturelles mondiales ou qu’il est reven- ancrée dans des réalités parfois difficiles à
diqué comme enjeu politique nouveau » avouer – dévoile combien il est urgent de
(p. 92). Le problème que pose la cohabitation réexaminer l’universalisme, sans quoi, la paix
culturelle est de savoir comment l’on pourrait serait directement menacée.
passer d’une « identité-refuge » – qui, contre Stéphanie Hurez
trop d’ouverture et de perte des repères, CREM, université de Metz
peut conduire à une identité culturelle agres-
sive – à une « identité-relationnelle » – présa-
geant l’existence d’un projet politique qui
dépasse les différentes problématiques cultu-
relles et identitaires –, l’idéal étant qu’elle privi-
légie cette dernière.
Selon l’auteur, la France aborde le multicultu-
ralisme conformément à trois logiques indis-
sociables : d’abord « son lien à la coopération
pour les anciennes colonies, ensuite son lien
actuel aux dix communautés des DOM et des
TOM, enfin son lien à la francophonie »
(p.122) ; sans cela, elle ne pourrait, semble-t-il,
pas vivre pleinement sa diversité culturelle et
éviter l’européocentrisme. Se pose alors la
question de l’indépendance. Mais, pour Domi-
nique Wolton, si « hier, l’indépendance était la
condition de l’identité culturelle, demain, dans

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