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-VERS
UNE PÉDAGOGIE
INTERCULTURELLE
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EXPLORATION INTERCULTURELLE
ET SCIENCE SOCIALE

C o l l e c t i o n d i r i g é e p a r L u c e t t e COLIN et R e m i HESS

Les sociétés d'aujourd'hui sont devenues multiculturelles. L'appartenance eth-


nique ou nationale, l'âge et le genre, l'éducation, les inscriptions groupales, associa-
tives, institutionnelles, les compétences humaines et professionnelles font de chacun
d'entre nous un être inscrit dans une culture spécifique. Comment rencontrer
l'autre ? Comment explorer la différence interculturelle, qu'elle se manifeste dans le
rapport homme-femme, le rapport catégoriel sur le terrain du travail, le rapport inter-
ethnique, le rapport international, etc. ? Cette collection, inscrite dans la science
sociale, publiera des ouvrages qui aident à penser le monde moderne dans ses diffé-
rentes facettes interculturelles.

ABDALLAH-PRETCEILLE Martine, Vers u n e p é d a g o g i e i n t e r c u l t u -


relle.
AVANZINI Guy, L ' é d u c a t i o n des a d u l t e s .
LOURAU René, I n t e r v e n t i o n s s o c i a n a l y t i q u e s - Les a n a l y s e u r s
d e l'Église.
XYPAS C o n s t a n t i n , (sous la d i r e c t i o n de), É d u c a t i o n et v a l e u r s
― A p p r o c h e s plurielles.
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Martine ABDALLAH-PRETCEILLE

VERS
UNE PÉDAGOGIE
INTERCULTURELLE

Anthropos
Diffusion : Economica, 49, rue Héricart - 75015 Paris
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© Anthropos, 1996
Tous droits de reproduction, de traduction, d'adaptation et d'exécution
réservés pour tous les pays.
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A mes enfants Medhy, Maryem, Nourane


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Préface à la 3e édition

LE MÊME ET L'AUTRE

INTERCULTUREL EST UN CONCEPT à l'étrange destinée. Qui

L' chercherait à en dessiner le "profil épistémologique" (au


sens de Bachelard, bien sûr) constaterait aisément qu'il
s'est imposé d'abord vers le milieu des années soixante
dix, avec de grandes difficultés, au milieu des oppositions multi-
ples et virulentes des tenants du titre de l'époque. Nous étions bien
peu nombreux, à ce moment-là, à combattre pour démontrer qu'il
s'agissait bel et bien d'un concept opératoire.
Il est identifié par les dominants comme une sorte de gadget
préposé à combler les immenses carences de l'enseignement aux
enfants migrants. On avait beau répéter que la "pédagogie inter-
culturelle" s'adressait à tous les élèves sans exception, que c'était
une option à la fois universaliste et spécifique, les ténors, qui lut-
tent toujours dans le sens de leurs propres intérêts, proclamaient
hautement que cette notion contestable n'était qu'une rustine sur
un trou.
C'est pourquoi, dans un tel contexte, Martine Abdallah-
Pretceille a montré un grand courage, quelques années plus tard,
en entreprenant solitairement, et avec ma seule aide modeste, à
construire pierre à pierre les fondements épistémologiques de ce
concept central, établissant des filiations, élaborant des recoupe-
ments théoriques, mettant au jour les assises fondamentales de
l'interculturel comme pôle exactement essentiel d'une éducation
ouverte à l'altérité.
Depuis, on serait plutôt dans la situation inverse. L'intercultu-
rel, en pédagogie, a été récupéré par presque tous, utilisé avec
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intempérance, comme une espèce de joker, brandi en étendard


approximatif pour n'importe quelle cause. Du coup, l'extension du
concept est devenue quasiment indéfinie, et l'on a du mal, désor-
mais, à en fixer une signification rigoureuse et circonscrite.
Là encore, l'auteur du présent livre constitue une référence
précieuse, qui balise les chemins et évite les dérives. Le travail
d'élaboration auquel elle s'est livrée, dans l'austérité de la méthode
et la vigilance de la démarche, nous fournit une garantie d'usage
objectivé du concept d'interculturalité dans ses dimensions inter-
individuelles, comme espace d'échanges entre des sujets, "en chair
et en os" (comme dirait la phénoménologie), "ici et maintenant"
(idem).
L'interculturel ne se réduit pas à une proclamation, même s'il
reste, sans doute pour longtemps encore une revendication pour
une transformation des attitudes. Il est désormais un levier pour la
réflexion et l'action, un chemin sûr dans l'obscurité, mais sur le-
quel il faut veiller constamment de peur qu'il ne soit envahi, effa-
cé, par une végétation parasite proliférante, qui, à la lettre, brouille
les pistes et fait disparaître les traces.
Si "je est un autre", l'autre est en même temps un je. Diffé-
rence et identité se trouvent ici conjointes dans le concept central
de diversité, dont on peut dire, sans risque, qu'il constitue la ca-
ractéristique majeure de la transformation des systèmes éducatifs
aujourd'hui. Il ne faut certes pas cesser de parler (c'est le rôle des
intellectuels) parce qu'une parole est toujours aussi une interven-
tion mais il importe dorénavant d'agir, de faire, de bousculer.
Martine Abdallah-Pretceille se situe exactement à ce carrefour,
c'est-à-dire en ce lieu où il est impératif de choisir sa voie sans se
tromper. Être attentif à ses prises de position, c'est s'inscrire dans le
débat contemporain et assumer, pour chacun d'entre nous, sa part
de responsabilité. L'interculturel met en jeu notre avenir et aussi
notre présent : il est, précisément, une de nos urgences.

Louis PORCHER
Professeur à l'Université de la Sorbonne Nouvelle
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INTRODUCTION

ARMI LES NOMBREUSES MUTATIONS (politiques, sociales, tech-


nologiques, industrielles...) qui p o n c t u e n t et structurent
p l'évolution des sociétés, celle liée à l'émergence d u culturel
et d e "l'interculturel" retient particulièrement notre attention.
Cette intrusion, puis reconnaissance du culturel dans les rapports
sociaux, politiques et économiques constitue une véritable onde de
choc dans les pratiques sociales et les discours politiques.
La multiplication des colloques, journées d'études, conféren-
ces et séminaires sur ce thème, atteste de la vitalité du phéno-
mène.
Le domaine éducatif et pédagogique s'imbibe et se laisse im-
biber de cette atmosphère "culturaliste" et "interculturaliste". Et c'est
bien d'atmosphère qu'il s'agit et non pas d'un courant d'idées
structurées, cohérentes et organisées.
En effet, face à cette prolifération quelque peu désordonnée,
force est de constater l'absence quasi-totale d'un discours unifica-
teur (ce qui ne signifie pas homogénéisant).
Le terme "interculturel", bien que né de l'action, ne décrit, ni
ne définit cette action mais la catalogue et la classe. En l'absence
donc de contenu descriptif homogène et de définition objective, la
disparité constitue le seul dénominateur commun de ces actions et
pratiques.
Ainsi, cette indétermination situe "l'interculturel" comme un
fait de société, un indice de quelque chose que le chercheur se
doit d'évaluer et de cerner.
Notre objectif est donc de tenter de sortir "l'interculturel" de la
lourdeur pragmatique et empiriste qui le caractérise.
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Parmi les nombreux domaines d'application de "l'interculturel"


(politique, commercial, économique), le domaine pédagogique
constituera le lieu essentiel de cette tentative d'élaboration d'un
discours interculturel, élaboration qui n'aura pas pour finalité
l'énoncé d'une série de conclusions, de résultats.
En effet, puisqu'il s'agit d'une première tentative de formalisa-
tion, nous adopterons la démarche qui consiste à dévoiler, dans le
même temps, l'objet proprement dit ainsi que la démarche condui-
sant à la constitution même de l'objet.
Dans le cas présent, l'objet est à la fois dans et hors du dis-
cours. D'une part, on prendra appui sur des faits ou des situations
"interculturels" qui serviront de référence sans jamais être définis
de manière adéquate donc justiciables d'un regard scientifique. Ces
faits, ces situations ne prendront un sens qu'à partir d'un discours
organisé. D'autre part, "l'interculturel" se constituera dans le dis-
cours lui-même par le choix d'une dialectique ouverte qui fonde le
véritable objet des investigations.
L'objet n'est pas séparable du regard qui le construit. Aussi, la
méthode d'exposition et d'argumentation choisie ne sera pas celle
du compte rendu ni de la description.
Il ne s'agit pas d'opérer une somme d'observations mais d'en-
gager, de construire un discours érigé lui-même en une investiga-
tion de nature philosophique et scientifique.
Il s'avère que dans la situation actuelle de "l'interculturel", si la
recherche veut éviter le stade descriptif, il est nécessaire de dépas-
ser les contingences et d'élever la réalité au stade de signe en éla-
borant une démarche d'appropriation qui servira de révélateur.
Ne pourra être, dans cette perspective, investi du caractère
"interculturel" que ce qui sera constitué en tant que "présence à
moi". Ce n'est qu'à partir du moment où le signe est constitué en
réseau compact, qu'il devient objet et donc susceptible de devenir
objet de science.
Pour que l'émergence du culturel, dans la pratique sociale, ne
se limite pas à un simple fait de conjoncture, il apparaît nécessaire
d'inscrire la problématique culturelle, et par voie de conséquence
interculturelle, dans un regard, dans un discours générateur de
mouvement, de dynamique et non pas, dans un discours scléro-
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sant, rigide, destiné à enfermer "l'interculturel" dans un système


clos d'interprétation et d'explication.
Sans doctrine clairement posée, toute démarche scientifique,
toute recherche risquent de n'être qu'une somme de projections
voire de préjugés. Il semble difficile, sinon impossible de prétendre
faire une approche scientifique des situations interculturelles, par
exemple, sans avoir pris soin au préalable de poser ou de propo-
ser quelques tentatives de formalisation du concept même
d"'interculturel".
Ce qui importe en fait, dans un premier temps, mais aussi, en
quelque sorte comme préalable à toute investigation scientifique,
c'est la définition même de l'information-objet de recherche. In-
formation qui ne se définit pas d'emblée comme contenu, mais par
un processus dynamique entre un regard et une chose regardée.
L'objet même de cette recherche est donc double : construire
parallèlement un objet et une démarche d'appropriation de cet
objet.
La démarche adoptée, celle d'une dialectique ouverte, sans
cesse reconstruite, traduit la dynamique que nous souhaitons don-
ner à cette étude. Il ne s'agit, ni d'élaborer une théorie destinée à
enfermer "l'interculturel" dans un modèle, ni de présenter des ré-
sultats et des conclusions définitives mais de proposer quelques
jalons d'une démarche, elle-même en construction.
Toutefois, l'adoption d'une telle démarche pose le problème
de la communication des "résultats", du déchiffrement. En fait,
nous serons amenés, par notre volonté de nous opposer aux mé-
thodes chosifiantes, à nous mettre en situation de rupture par rap-
port au véhicule linguistique qui nous sert à communiquer. Nous
ne pouvons, dans cette perspective, qu'accepter un discours forte-
ment imprégné de son sujet énonciateur et donc situé. Or, la seule
façon de relativiser les points de vue nous semble la méthode de
la dialectique ouverte où la non-solution du débat est admise
d'emblée. Le résultat ne compte que dans la mesure où il est le
fruit d'une démarche. Pour ce faire, nous nous appuierons sur des
points de rupture, des discontinuités. Ce qui retiendra surtout notre
attention ce sont les frontières, les marges des discours autant que
les pratiques.
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Ainsi, l'argumentation de la thèse ne consiste pas à produire


une théorie puisque pour nous le regard est toujours à construire.
La continuité du discours se lira et s'inscrira dans les interrogations,
les paradoxes mis à jour, les ambiguïtés, les discontinuités.
Compte tenu de ces choix, le discours argumentatif paraît être
le plus adapté à l'objectif. La dispersion notionnelle qui caractérise
"l'interculturel" invite à tenter une construction et donc à opérer
des choix et à s'impliquer dans une même démarche, d'où la
forme de débat contradictoire pour lequel nous avons opté.
Nous aurions pu partir du repérage du type de discours dans
lequel "l'interculturel" est inscrit ou bien encore de la caractérisa-
tion extensive de "l'interculturel" en énumérant les différents types
de situations "interculturelles". Toutefois, l'absence de formalisa-
tion, même provisoire, tend à réduire les recherches à des descrip-
tions, des monographies, certes utiles et nécessaires mais qui ne
permettront pas à "l'interculturel" de sortir de la situation empiri-
que et pragmatique de laquelle il est, d'ailleurs, issu.
Certes, le danger de dogmatisme guette ainsi que celui de la
théorisation stérile et abstraite car, déconnectée du réel. Cepen-
dant, comme nous l'avons déjà exprimé, la recherche s'appuie sur
des éléments d'une expérience qui, bien que peu explicités, cons-
tituent, malgré tout un champ de référence implicite mais omnipré-
sent. De fait, s'il s'agit bien d'élaborer un discours de
"l'interculturel", il ne s'agit pas d'opérer une construction in vitro,
en marge de la réalité. Bien au contraire, nous formulons l'hypo-
thèse que cette tentative de conceptualisation complètera les lacu-
nes et les incapacités de l'action et qu'elle exercera une fonction
motrice par rapport à celle-ci.
Le plan reflète d'ailleurs la construction de l'idée "d'inter-
culturel". En partant des références conceptuelles, en analysant
certains des obstacles épistémologiques et en traçant à grands traits
quelques-unes des implications possibles notamment dans le do-
maine pédagogique, nous avons cherché à baliser un champ de
réflexion autant que d'action. Cette construction théorique bien
que non liée à l'expérimentation, constitue pour nous un point de
passage obligé.
Parties et chapitres, bien que spécifiques, renvoient constam-
ment les uns aux autres, provoquant, parfois, certaines redondan-
ces qui peuvent paraître fastidieuses. Toutefois, c'est volontaire-
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ment que nous les avons laissées, dans l'espoir de montrer la co-
hérence des points de vue.
Par ailleurs, nous avons opté pour le principe de l'interdisci-
plinarité qui peut nous permettre aussi de dégager, non pas une
uniformité mais une convergence dans les approches.
Notre interrogation sera donc délibérément multipolarisée et
ouverte afin de prendre en compte la complexité du réel et l'im-
possibilité de l'épuiser ou de la réduire.
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PREMIÈRE PARTIE

Les a n t i n o m i e s
du discours interculturel
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tiellement par des dysfonctionnements dans les relations


A DIRECTEMENT
humaines, par desdans la pratique
fractures et des sociale et généré
ruptures essen-
qui traversent
le corps social (conflits raciaux, revendications régionalis-
tes, difficultés liées à l'immigration...), le terme "interculturel" ap-
paraît davantage comme une notion polémique entachée d'affecti-
vité et donc caractérisée par une "élasticité sémantique".
Associé à différents domaines comme celui de la pédagogie,
dans le cadre des activités interculturelles, de la communication,
des relations internationales..., revendiqué par des mouvements
associatifs..., l'appel à "l'interculturel" recouvre non seulement une
diversité dans ses champs d'application, mais aussi et surtout une
multiplicité d'orientations. Cette pluralité s'accompagne d'une cer-
taine ambiguïté terminologique qui risque, à long terme, d'être
davantage source d'appauvrissement que d'évolution. M. Foucault,
dans L'Archéologie du Savoir 2 fait observer que "l'histoire d'un
concept n'est pas, en tout et pour tout celle de son affinement
progressif, de sa rationalité, continuement croissante, de son gra-
dient d'abstraction, mais celle de ses divers champs de constitution
et de validité, celle de ses règles successives d'usage, des milieux
théoriques multiples où s'est poursuivie et achevée son élabora-
tion". En ce sens, on ne peut pas dire que le terme "interculturel"
ait fait l'objet de réflexion et de théorisation. La fortune de ce mot,
sa banalisation même s'apparente davantage à une dissolution qu'à
un approfondissement. En effet, on ne peut que s'étonner de la
disproportion constatée entre le recours fait à "l'interculturel" par
les différents acteurs sociaux et le peu d'études théoriques effec-
tuées. Dans le domaine particulier de la pédagogie, qui nous inté-
resse plus directement ici, parmi les revues dont les sommaires ont
été dépouillés de 1977 à 1983, très peu d'articles font directement
référence, dans leurs titres, à "l'interculturel".

1. Le terme "interculturel" sera, provisoirement, utilisé dans un sens généri-


que pour désigner toutes les expressions utilisant et faisant référence à
"l'interculturel". Le terme est volontairement globalisateur et indifférencié.
2. Foucault M., L'Archéologie du Savoir, Paris, Gallimard, 1969, p. 11.
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Si l'année 1977 a été prise comme point de départ, c'est parce


que la circulaire du Ministère de l'Education Nationale qui promeut
les enseignements de la langue nationale date du 9 avril 1975' et
que nous estimons, empiriquement, à deux années, le temps de
latence entre une circulaire et les premières répercussions écrites.
Parmi de nombreuses revues, mentionnons celles retenues, sur un
double critère, celui de leur champ d'application et de leur statut
sur le plan national et international :
- Le Français dans le Monde, revue de français langue étran-
gère ;
- Migrants Formation, revue spécialisée dans les problèmes
liés à la formation des adultes et des enfants de migrants ;
- La Revue Française de Pédagogie, revue de l'Institut Natio-
nal de Recherche Pédagogique (INRP) ;
- Cahiers Pédagogiques, revue liée à un mouvement péda-
gogique ;
- L 'Education ;
- Perspectives de l'UNESCO ;
Les articles suivants ont été relevés dans :
- L. Porcher, "Pour une pédagogie interculturelle", L'Educa-
tion, n° 436, 20 nov. 1980 ;
- M. Mauviel , "Plaidoyer pour une éducation transcultu-
relle", La Revue Française de Pédagogie, n° 49 oct.-nov -
déc. 1979 ;
- G. Zarate, "Les voies de la communication interculturelle"
et plus précisément "Du dialogue des cultures à la démar-
che interculturelle", Le Français dans le Monde", n° 170,
juillet 1982 ;
- M. Abdallah-Pretceille, plus particulièrement "La perception
de l'autre, point d'appui de l'approche interculturelle", Le
Français dans le Monde, n° 181, nov.-déc. 1983 ;
- Migrants Formation :
n° 22, mai-juin 1977, dans le chapitre "Expériences" :
Projet d'éducation interculturelle à l'école de la rue Vi-
truve (Paris),

1. Il s'agit des enseignements dans le cadre du Tiers-Temps pédagogique.


2. Bien que ne comportant pas exactement le mot interculturel, nous rele-
vons cet article car nous en connaissons la teneur. (Pour la différence entre trans-
culturel et interculturel, voir la troisième partie de cette étude).
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n° 28, sept. 1978 : une partie du numéro porte sur les


"relations interculturelles et langue d'origine",
n° 31, déc. 1978 : M. Charlot, "Activités interculturelles
Franco-Portugaises",
n° 38/39, mars 1980 : Communication interculturelle
entre les enfants d'un cours préparatoire de Grenoble,
n° 43, déc. 1980 : Activités interculturelles dans une
école primaire de la région lyonnaise : séjour d'une
classe de CM en Tunisie,
n° 45, juin 1981 : n° spécial sur l'éducation intercultu-
relle,
n° 46, oct. 1981 : Projet pour sensibiliser à la réalité
multi-ethnique et interculturelle de la société québé-
coise (Ministère de l'Education du Québec),
n° 48, oct. 1982 : Méthodologie pour une formation
interculturelle des enfants de migrants de 8 à 13 ans
(CLAB),
n° 50, oct. 1982 : Animation et expression culturelles
des migrants et enfants de migrants.
Aucun titre n'a été relevé dans les revues Les Cahiers Pédago-
giques et Perspectives.
Cet inventaire n'a pour but que de donner quelques éléments
de référence et de baliser le champ à l'intérieur duquel la recher-
che se développera en se percevant elle-même. Il ne s'agit, en au-
cun cas, d'effectuer une analyse de contenu, mais seulement de re-
pérer quelques articles symptomatiques de la problématique inter-
culturelle. Il serait sans doute souhaitable d'entreprendre une re-
cherche en ce sens et d'analyser précisément le discours pédagogi-
que sur "l'interculturel". Mais là n'est pas, actuellement, l'objectif.
Le recensement n'est qu'exploratoire et se veut indicateur d'un
champ d'extension par rapport auquel la recherche devra être
située.
"L'interculturel" est d'abord, et avant tout une pratique. Et c'est
par rapport à celle-ci que nous nous situerons et chercherons à
conceptualiser et théoriser "l'interculturel". Mais avant d'engager
plus avant l'analyse, il convient de tenter d'élucider notre position
de chercheur ainsi que les limites de l'étude. Impliquée directe-
ment dans l'action éducative dans sa double dimension de forma-
tion et de recherche, et plus particulièrement dans des actions
centrées sur "l'interculturel", la réflexion amorcée ici n'est pas neu-
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tre au sens où elle ne part pas d'un niveau zéro mais s'inscrit dans
un ensemble de connaissances pragmatiques. Nous ne sommes pas
dans la position du chercheur qui, placé à l'extérieur du champ
d'action, essaierait de construire de toutes pièces un terrain d'ob-
servation et d'analyse.
Cette tentative de conceptualisation ne se fera pas in vitro et
les différents points d'ancrage retenus pour analyse ont une double
origine :
- un positionnement et une réaction par rapport aux prati-
ques connues et observées empiriquement ;
— une recherche de justification théorique et une réponse
aux questionnements suscités par le terrain.
Ainsi, nous savons pertinemment que le résultat des travaux
et investigations ne constituera qu'un bilan provisoire qui sera
soumis à l'épreuve de la critique et de l'action. L'objectif n'est pas
de constituer la Théorie de "l'interculturel" mais de tenter une pre-
mière théorisation susceptible, non seulement, de faire progresser,
l'élaboration du concept mais aussi de développer les solutions en
réponse aux problèmes de terrain.
La thématique interculturelle est d'autant plus difficile à ap-
préhender et à cerner qu'elle est intégrée à des manifestations
multiples et variées. "L'interculturel" constitue donc une réalité
mouvante, mal définie qui engendre un certain impressionnisme,
lui-même néfaste à toute élaboration conceptuelle. Si cette dilution
perdure, elle entraînera, ipso facto, un affaiblissement des engage-
ments sur le terrain avant même que l'idée ait fait son chemin.
Toutefois, on pourrait s'interroger sur les aléas d'une démar-
che dont l'objectif serait de définir le concept "interculturel". En
effet, si le mot concept est pris dans le sens de "représentation
close et arrêtée"... de "quelque chose de distinct, de fini, doué
d'une entité stable" ne risque-t-on pas de fossiliser, de décontex-
tualiser et, par voie de conséquence, d'appauvrir une idée en
voulant la stabiliser ? En réalité, la présente étude ne s'inscrit pas
dans une volonté de théorisation de type normatif mais plutôt dans
une tentative d'organiser un champ conceptuel précis et rigoureux,

1. Une analyse de ces pratiques serait digne d'intérêt et pourrait constituer


l'objet d'une autre recherche.
2. Le Roy E., La pensée intuitive, Paris, C des Editeurs, 1929, Tome 1, p. 55
Cité par P. Foulquié, Dictionnaire de la langue philosophique, Paris, PUF, 1971.
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mais non prescriptif, dans lequel s'insérerait la problématique in-


terculturelle. Une chose est de vouloir dépasser la saisie intuitive et
floue d'une expérience concrète, autre chose est de tarir un mou-
vement social en l'enfermant dans un carcan théorique desséchant
et immuable.
Ce qui caractérise "l'interculturel", c'est justement cette imbri-
cation dans les problèmes sociaux. Ainsi, toute réflexion sur ce
thème renvoie aussi bien aux niveaux, philosophique, psycho-
sociologique, anthropologique qu'au contexte social, politique,
économique et, parfois même, idéologique.
La nécessité de travailler à partir de concepts précis et opéra-
toires ne doit pas occulter la prise en compte des phénomènes
sous-jacents et inhérents qui sont à la source même du concept.
"L'interculturel" n'est pas une abstraction, il se trouve au cœur de
changements sociaux et politiques et par la même suscite contro-
verses et polémiques. Ainsi donc, toute tentative de définition, ou
plus exactement d'ordonnancement du champ conceptuel, ne peut
s'effectuer que comme une succession de choix. Ce sont justement
ces choix qui seront explicités et justifiés. Loin de nous, la préten-
tion à l'exhaustivité et même à l'objectivité, mais par contre à l'élu-
cidation et à l'objectivation de notre implication.
Il est impossible de poser a priori quelque définition que ce
soit de "l'interculturel". Toute définition sera le résultat d'une cons-
truction, elle-même issue d'un double mouvement : l'analyse de
situations et d'expériences, et le repérage des propriétés constituti-
ves du concept à la lumière des théories existantes.
La présente étude s'attardera essentiellement sur le second
point. Non pas dans l'intention de donner le pas à la théorie sur
l'analyse, mais parce que l'urgence semble plus grande. Nos pre-
mières approches critiques formulées sur "l'interculturel" étaient
surtout intuitives. Il convient désormais de chercher à les com-
prendre et à les expliciter par une réflexion plus soutenue.
Démarche résolument théorique donc, mais qui n'est pas sy-
nonyme d'abstraction. C'est ainsi que certaines constantes ont été
repérées et ont permis de circonscrire un champ sémantique ainsi
que des niveaux d'analyse. Dans la mesure où "l'interculturel" cor-
respond à une tentative de résoudre des problèmes sociaux, c'est
en termes de sociologie qu'il faudra approfondir les concepts pour
tenir compte des situations et des expériences. Niveau sociologi-
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que certes, mais aussi psychologique et psycho-sociologique car


tout ce qui concerne les relations humaines renvoie aussi aux
structures de la personnalité, aux problèmes individuels ; niveau
anthropologique aussi par les références constantes à l'identité
culturelle, à la culture, ainsi qu'à toutes les notions connexes
comme ethnie, race, ethnicité...
Sachant qu'un phénomène, et en particulier un phénomène
humain ne peut être justiciable d'un seul type d'explication, l'ap-
proche sera donc délibérément pluridisciplinaire dans le but de
"transformer les données de chaque science en variables d'un sys-
tème total et d'établir le système de variation dans ce t o u t " Ceci
corrobore les assertions de G. Devereux pour qui "un phénomène
humain qui n'est expliqué que d'une seule manière n'est pour ainsi
dire, pas expliqué du tout"
(L'importance du caractère pluridisciplinaire de "l'interculturel"
sera développée plus longuement dans la deuxième partie de cette
étude).
Le fait social, comme le fait historique, n'est que la résultante
d'un faisceau de causalités dont la convergence, à un moment
donné, produit l'événement. Les sciences humaines, dans leur
totalité, sont interpellées, à titre divers il est vrai, par
"l'interculturel". Force est donc de rechercher à travers les diffé-
rentes disciplines les concepts, les notions, les méthodologies qui
pourraient, non pas servir de modèles, mais constituer des points
d'ancrage susceptibles d'orienter et de structurer la problématique
interculturelle. Etant donné l'ampleur de la tâche, les investigations
seront limitées à la littérature francophone, effectuant à titre ex-
ceptionnel quelques incursions ponctuelles dans le domaine an-
glophone
Notion-carrefour, "l'interculturel" sera abordé ici en privilé-
giant le champ anthropologique ; d'une part, du fait de l'impor-
tance du concept de culture d'autre part, parce que pédagogie et
anthropologie sont des domaines rarement associés.

1. Bastide R., préface à Essais d'ethnopsychiatrie générale de C. Devereux,


Paris, Gallimard, 3 éd., 1977, trad. de l'anglais par T. Jolas et H. Gobard, p. XVI.
2. Devereux G., Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion,
1972, traduit de l'anglais par T. Jolas et H. Gobard, p. 9.
3. Les travaux et investigations de M. Mauviel dans ce domaine seront certai-
nement d'un précieux apport pour l'avenir de la recherche.
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Le domaine psychanalytique a, par contre, été peu exploré, si


ce n'est à travers les travaux d'E. Erikson et surtout de
G. Devereux. Notre niveau de familiarité avec les théories psycha-
nalytiques nous interdit de longues analyses mais nous autorise à
reprendre certains questionnements.

Le fait qu'en France "l'interculturel" ne constitue pas encore


un domaine particulier d'investigation, et ne soit pas constitué en
discipline impose d'appréhender un vaste champ notionnel et
disciplinaire. Nous éviterons donc la forme de l'inventaire, sans
doute plus complète car plus systématique, mais fastidieuse et
surtout peu opérationnelle pour notre propos. Pour élaborer un
cadre conceptuel, épistémologique et méthodologique, nous re-
tiendrons seulement quelques concepts-clés ainsi que les aspects
qui paraissent pertinents par rapport à "l'interculturel". C'est ainsi
que la trame conceptuelle a été construite à partir de trois pers-
pectives :
- l'approche subjectiviste
- les axes altérité/identité
- et différence/universalité.
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Ancré directement dans la pratique sociale et généré essentielle-


ment par des dysfonctionnements dans les relations, par des frac-
tures et des ruptures qui traversent le corps social (conflits raciaux,
revendications régionalistes, difficultés liées à l'immigration...), le
terme « interculturel » apparaît surtout comme une notion polé-
mique entachée d'affectivité et caractérisée par une élasticité
sémantique. L'appel à « l'interculturel » recouvre non seulement
une diversité dans ses champs d'application, mais aussi et surtout
une multiplicité d'orientations.
L'objectif de cette étude est de tenter une première théorisation
susceptible de faire progresser le concept, de mieux comprendre les
enjeux et de favoriser ainsi l'émergence de réponses adaptées aux
problèmes de terrain liés à la structuration plurielle du tissu social
et éducatif.

Martine ABDALLAH-PRETCEILLE est professeur d'Université à


Valenciennes et directeur de recherche à Paris III-Sorbonne. Elle col-
labore avec des universités étrangères (U.L.B. Bruxelles, Columbia
University, Middlebury College). Membre de la Commission
Française pour l'UNESCO, elle a aussi rédigé des rapports pour le
Conseil de l'Europe et l'OCDE.
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