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coordonné par Geneviève Zarate et Tony Liddicoat
• n° 47 - Faire des études supérieures en langue française
coordonné par Chantal Parpette et Jean-Marc Mangiante
et applications
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N°65
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seconde : problèmes, bilans et perspectives
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Lectures de la littérature
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coordonné par Emmanuelle Huver et Aleksandra Ljalikova
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des langues
et appropriation des
coordonné par Christian Ollivier et Laurent Puren
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coordonné par Margaret Bento, Jean-Marc Defays et Deborah Meunier
• n° 56 - Pensée enseignante et didactique des langues
langues et cultures
coordonné par Jose Aquilar et Francine Cicurel
• n° 57 - La grammaire en FLE/FLS
Quels savoirs pour quels enseignement ?
N°65
JANVIER 2019
PRIX DU NUMÉRO 22,60€
Lectures de la littérature
et appropriation des langues
et cultures
Coordonné par Chiara Bemporad et Thérèse Jeanneret
Comité de rédaction
Fatima Chnane-Davin (Présidente du conseil scientifique)
Francine Cicurel (Présidente du conseil scientifique)
Jean-Pierre Cuq (Président du conseil scientifique)
Jean-Marc Defays (Directeur de la publication)
Sébastien Langevin (Rédacteur en chef)
Conseil scientifique
Margaret Bento (Université Paris Descartes, France) ; Patrick Chardenet (Agence Universitaire
de la Francophonie, Brésil) ; Fatima Chnane-Davin (Aix-Marseille Université, France) ;
Francine Cicurel (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, France) ; Jean-Pierre Cuq
(Université de Nice, France) ; Jean-Marc Defays (Université de Liège, Belgique) ;
Enrica Galazzi-Matasci (Université Catholique de Milan, Italie) ; Eliane Lousada (Universidade
de São Paulo, Brésil) ; Abdelouahad Mabrour, (Université Chouaïb Doukkali El Jadida, Maroc) ;
Samir Marzouki (Université de la Manouba, Tunisie) ; Jean Noriyuki Nishiyama (Université de
Kyoto, Japon) ; Valérie Spaëth, (Université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, France) ; Monica Vlad
(Universitatea Ovidius din Constanta, Roumanie) ; Tatiana Zagryazkina (Université d’État
de Moscou Lomonossov, Russie)
Comité de lecture
David Bel, Université normale de Chine du Sud (Chine) ; Mariana Bono, Université
RECHERCHES ET APPLICATIONS Princeton (États-Unis) ; Encarnacion Carrasco-Perea, Université de Barcelone (Espagne) ;
Le français dans le monde Mariella Causa, Université Bordeaux Montaigne (France) ; Jean-François De Pietro, Institut
9 bis, rue Abel Hovelacque de recherches et documentation pédagogiques de Neuchâtel (Suisse) ; Christine Develotte,
75013 Paris ENS Lyon (France) ; Olivier Dezutter, Université de Sherbrooke (Canada) ; Karen Ferrera-Meyers,
Téléphone : 33 (0) 1 72 36 30 67 Université du Swaziland (Swaziland) ; Laurent Gajo, Université de Genève (Suisse) ;
Télécopie : 33 (0) 1 45 87 43 18 Carolina Gonçalves, École supérieure d’éducation de Lisbonne (Portugal) ; Ion Gutu,
Mél : fdlm@fdlm.org Université d’État (Moldavie) ; Malika Kebbas, École normale supérieure d’Alger (Algérie) ;
http ://www.fdlm.org Estela Klette, Université de Buenos-Aires (Argentine) ; Véronique Laurens, Université
Paris 3 (France) ; Laurence Le Ferrec, Université Paris Descartes (France) ; Malory Leclère,
© CLE International 2018 Université Paris 3 (France) ; Tony Liddicoat, Université de Warwick, Coventry
La reproduction même partielle (Royaume-Uni) ; Maurice Mazunya, Université du Burundi (Burundi) ; Mohamed Miled,
des articles parus dans ce numéro Université de Carthage (Tunisie) ; Evangelia Mousouri, Université de Thessalonique
est strictement interdite, sauf (Grèce) ; Chantal Parpette, Université Lumière Lyon 2 (France) ; Anne-Claire Raimond,
accord préalable. Université de Franche-Comté (France) ; Marielle Rispail, Université Jean-Monnet de
Saint-Étienne (France) ; Simona Ruggia, Université de Nice (France) ; Amina Sadiqui,
École normale supérieure de Meknés (Maroc) ; Jérémie Seror, Université d’Ottawa
(Canada) ; Haydée Silva Ochoa, Université nationale autonome de Mexico (Mexique) ;
RECHERCHES ET APPLICATIONS Javier Suso Lopez, Université de Grenade (Espagne) ; Ousseynou Thiam Université,
est la revue de la Fédération Cheikh Anta Diop (Sénégal)
internationale des professeurs
de français (FIPF) Comité varia
Margaret Bento ; Valérie Spaëth
Que vous soyez étudiant ou doctorant en texte s’appuie sur des données de première
didactique du français langue étrangère, main, une originalité des analyses, et des
enseignant exerçant dans l’enseignement références précises des travaux utilisés.
primaire, secondaire ou universitaire, dans Par ailleurs, la revue a modifié la structure
un pays francophone ou non, directeur de éditoriale jusque-là en usage, pour témoi-
recherche à l’université, tous soucieux de gner de la vigueur des travaux des jeunes
suivre les évolutions de l’enseignement du chercheurs en y incluant dans sa rubrique
français à l’échelle du monde, pour vous la Varia des articles hors de la thématique
revue Recherches et applications : Le fran- générale du numéro, sélectionnés pour leur
çais dans le monde est un repère profession- intérêt et leur qualité 2.
nel incontournable. La revue vous remercie Enfin, Recherches et applications est enga-
de votre fidélité et de la crédibilité scienti- gée dans un processus de collaborations
fique que vous lui accordez. avec des revues du domaine publiées dans
Comme elle l’a montré lors de ses derniers d’autres pays pour des échanges d’articles,
congrès, la Fédération Internationale des permettant d’étendre ainsi les espaces d’ac-
Professeurs de Français est sensible aux cès et la circulation des savoirs (Revue cana-
évolutions qui font de l’espace de la connais- dienne des langues vivantes/The Canadian
sance un monde plurilingue, multipolaire, Modern Language Review).
globalisé, mais aussi contextualisé. La revue
souhaite y maintenir sa position d’acteur de
premier plan, en anticipant, en conduisant Pour le Comité scientifique, les co-présidents
Jean-Pierre Cuq (Université de Nice Sophia
ou en accompagnant ces évolutions tout en Antipolis)
affirmant la contribution de la langue fran- jeanpicuq@gmail.com
çaise à cet espace mondialisé. Pour garantir Fati Chnane-Davin (Aix-Marseille Université)
cette fonction d’excellence, le Comité scien- fatima.davin@univ-amu.fr
Francine Cicurel (Université Paris 3
tifique de la revue affirme une politique de – Sorbonne Nouvelle)
publication qui reste fidèle à son objectif de francine.cicurel@univ-paris3.fr
toujours : animer le débat en didactique des
langues et des cultures, au service d’une
diffusion de qualité de la langue française
dans le monde, en étant plus que jamais à
l’écoute des innovations et des mutations.
Dans cette perspective, la revue s’est pro-
gressivement ouverte aux équipes de
recherche qui contribuent à cet objectif, en
leur confiant la coordination d’un numéro, où 1. Pour soumettre une proposition de numéro,
qu’elles travaillent dans le monde1. voir http://fipf.org/publications/recherches-applications
(Instructions aux coordinateurs)
Les règles déontologiques du champ scien-
2. Pour soumettre un article, en tant que jeune
tifique sont rigoureusement respectées :
chercheur (en fin de thèse ou venant de terminer la
les articles de la revue sont soumis à une thèse de doctorat), voir http://fipf.org/publications/
double évaluation anonyme prise en charge recherches-applications (Appel permanent à publication
par un comité de lecture formé de cher- d’articles dans le cadre de la diffusion de recherches
cheurs reconnus, qui veille à ce que chaque menées par de jeunes chercheurs)
ISBN : 978-2-09-0373-240
P résentation
Voix de lecteurs, voies
d’enseignement, points
de vue de la recherche
CHIARA BEMPORAD
HAUTE ÉCOLE PÉDAGOGIQUE VAUD
THÉRÈSE JEANNERET
UNIVERSITÉ DE LAUSANNE
S tructure du numéro
Nous proposons en ouverture de ce numéro un entretien que Francine
Cicurel a accordé à Chiara Bemporad, dans lequel, à partir de ses
réflexions sur l’agir professoral, elle fait notamment l’hypothèse qu’il
serait judicieux de faire réfléchir les lectrices et les lecteurs aux conte-
nus actionnels des romans, pour les inciter à se constituer un répertoire
actionnel qui leur permettrait de mieux comprendre un engagement
dans des actions effectives.
Suivant cette idée, nous avons choisi de structurer les différentes
contributions de ce numéro en tentant une typologie des différentes
activités langagières qui y sont proposées.
Tout d’abord, la littérature peut être une base pour développer des
compétences à l’oral. Camille Vorger, en appréhendant le slam comme
espace, met en évidence l’intrication de l’écriture et de la performance
orale qu’il induit. Elle montre comment cette oralittérature (le terme
est de Souleymane Diamanka, un slameur d’origine sénégalaise) peut
donner une voix aux différentes langues d’un groupe de personnes.
Cette écriture à haute voix (Barthes dans Le plaisir du texte) et à plu-
sieurs langues (ou variétés de langue) à laquelle on peut convier des
apprenants rencontre la créativité plurilingue littéraire de certains
poètes et poétesses. Dans les ateliers d’écriture qu’elle organise,
Camille Vorger invite ses étudiants à jouer avec leurs interlangues, à les
considérer comme ressources pour une création lors de laquelle sont
transcendés l’écrire et le dire.
Manon Hébert, en traitant des cercles de lecture entre pairs, infléchit
l’accent vers la prise de parole de l’élève tout en maintenant un accent
sur la lecture : il s’agit en effet de trouver dans la discussion orale des
incitations à la lecture. Mais, pour qu’il amène bien à une meilleure
lecture, ce type d’oral réflexif doit être enseigné et devenir un objet
d’enseignement explicite, ceci tant en L1 qu’en L2. L’étude de Manon
Hébert montre que tant la lecture littéraire que la discussion des textes
littéraires en classe relèvent de compétences qui doivent être
FRANCINE CICUREL
CAMILLE VORGER
MANON HÉBERT
NADJA MAILLARD-DE LA CORTE GOMEZ
L a littérature comme
livre du monde, passé
et à venir
ENTRETIEN AVEC FRANCINE CICUREL.
PROPOS RECUEILLIS PAR CHIARA BEMPORAD
Je pense qu’il faut d’abord ne jamais oublier que la lecture est pour
l’apprenant lecteur un exercice difficile qui demande beaucoup d’en-
traînement. L’apprentissage de la lecture ne peut se faire que dans un
contexte scolaire ou guidé par une main experte. À l’inverse de la
langue orale, c’est au sein d’une interaction de type didactique que se
font nécessairement les premiers pas vers le monde écrit. De l’exposi-
tion à la lecture littéraire et, qui plus est, à la littérature dans une
langue étrangère, les lecteurs gardent parfois un souvenir amer, ces
moments évoquant la contrainte, l’effort, l’absence de joie à lire, au lieu
du jaillissement si gratifiant que l’on pourrait attendre lorsque le sens
se donne ou qu’on pense le donner à un texte que l’on aime.
Il se peut que les usages liés à la lecture numérique soient à même de
développer un usage plus ludique du texte. Le lecteur peut trouver des
informations par lui-même, interrompre sa lecture, se documenter,
revenir à la lecture, chercher une image, voir une séquence multimédia.
Je pense que l’époque nous place devant un paradoxe : on dispose
aujourd’hui de moyens pour instaurer un rapport privilégié aux textes
littéraires que l’on rencontre et, en même temps, se fait jour la tenta-
tion de ne plus prendre en compte ces textes qui n’ont pas une utilité
immédiate.
Mais je ne voudrais en aucun cas être normative et dire quelle est la
recette d’un bon enseignement du texte littéraire. Je me contenterais
de recommander à l’enseignant de réfléchir à ce qu’est le bonheur de
lire, de découvrir, de partager. Jadis j’avais proposé, pour une collec-
tion chez Hachette, Lectures, un itinéraire pédagogique qui ménageait
un temps avant la lecture pendant lequel je proposais des activités
d’anticipation, une discussion, de façon à ce que le texte soit mieux
reçu et, d’une certaine manière, désiré. Il faut, je crois, essayer de
ménager le suspense, comme le disait Roland Barthes. Il y a toujours
de la narrativité dans la littérature, à l’exception peut-être de certains
textes de l’époque du Nouveau roman, et encore. Il s’agit d’avancer
progressivement, de ne pas donner les clés en même temps, de faire
faire des hypothèses les plus larges possible : « que croyez-vous qu’il
va se passer ? », « et pourquoi cette femme agit-elle de telle
manière ? », etc. Un même texte va produire des images différentes
chez les sujets lisants. Peuvent-ils se mettre d’accord ou plutôt ne peut-
on les encourager à exprimer ces perceptions différentes, à accepter
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
Bibliographie
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Collège de France, Paris, Éditions du Seuil.
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Littératures.
PEYTARD J. (1982) (dir.), Littérature et classe de langue, Paris, Hatier, coll. LAL.
Les slameurs contemporains n’ont pas leur langue dans leur poche ; ils 5. Dans cet article qui
auraient plutôt, pour le dire avec les mots de Rousseau, « la plume dresse un premier état des
lieux des enjeux du slam,
dans (la) bouche », soit « les mots à la bouche » pour reprendre ceux
l’artiste marseillais qui plus est
de Frédéric Nevchehirlian dans l’un des premiers dossiers consacrés à professeur de français
cette pratique récente, aussitôt didactisée, passée des bars où le slam s’interroge d’ores et déjà sur
est né aux bancs de l’école où il donne lieu, depuis une quinzaine sa didactisation : « Comment
passe-t-on des bars aux bancs
d’années, à de nombreux ateliers et activités5. Ces nouveaux poètes de l’école ? » (Nevchehirlian,
nomades assument une mission de passeurs, maniant allègrement 2005 : 23)
stylo et micro, évoluant de la mise en mots à la mise en voix, du bloc-
notes à la performance, du livre au vivre. De fait, l’expérience du slam
fait écho à une pratique sociale qui se perpétue à travers les siècles et 6. Voir : http ://www.unesco.
org/new/fr/unesco/events/
sous toutes les latitudes : du griot africain au Zajal libanais, en passant
prizes-and-celebrations/
par les joutes cubaines, les Nuits de la poésie à Montréal, des Tsiattista celebrations/international-
chypriotes6, sans oublier la tradition française des cabarets et autres days/world-poetry-day-2016/
« Hydropathes »7.
Aussi la vague du slam permet-elle de mettre en lumière des pratiques 7. Nous faisons ici référence
à un club de poètes qui se
de poésie orale qui s’actualisent et se démocratisent au travers d’ate-
réunissaient, à la fin du
liers slam, ceux-ci contribuant à un renouvellement de la tradition des xixe siècle, dans des cafés pour
ateliers d’écriture. Fondé sur un aller-retour permanent entre écrit et partager la saveur de leurs
oral, oralité et écriture, ainsi que sur un partage des textes qui passe a mots, tout en s’offrant
quelques verres, à l’instar des
minima par une déclamation, un récital, voire une performance, un
slameurs contemporains.
projet slam donne généralement lieu à un dispositif de scène ouverte
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
L ittérarité
Pour Michael Riffaterre, la littérarité est liée à l’unicité : « Le texte est
toujours unique en son genre. Et cette unicité est, me semble-t-il, la
définition la plus simple que nous puissions donner de la littérarité »
(1979 : 8). Dans le cas du slam, l’unicité du texte et sa pérennité
reposent sur le fait qu’il est certes réitérable à l’infini, à l’image du
conte qui se transmet de voix en voix, mais avec d’infinies variations.
C’est ainsi que certains slameurs se plaisent à inverser le fameux
« Scripta manent, verba volant ». Si les paroles s’envolent, si la parole
poétique est « Papillon en papier » – selon la formule paronomastique
de Souleymane Diamanka (2007) – celle-ci se perpétue du fait même
de sa volatilité : « Qui a dit un jour que les paroles s’envolent et que
les écrits restent ? » (Rouda, « Paroles du bout du monde », 2007).
Depuis ses origines, le slam prétend donner voix aux « sans-voix » et
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
I dentités plurielles
D’après la sociologue américaine Somers-Willet, le slam est une
« identité performée sur scène » (2009 : 8), voire un « laboratoire pour
l’expression identitaire » (p. 9). Hospitalier, ouvert à quiconque veut
monter sur scène, accueillant à toutes les langues et cultures, il répond
à un projet de démocratisation selon l’ambition originale de son fon-
dateur américain Marc Smith, lui-même autodidacte en quête d’une
audience élargie pour la poésie. Ainsi certains poèmes peuvent-ils être
appréhendés comme des textes à vocation identitaire tels que Noëlle
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
I dentités plurilingues
À l’instar du rap qui a pu témoigner d’une créativité plurilingue – au
travers d’une « alternance des langues en chantant », selon la formule
titulaire d’un article de Jacqueline Billiez (1998) –, le slam met parfois
en scène des micro et macro-alternances codiques. À cet égard, le duo
précédemment cité de Souleymane Diamanka et John Banzaï est révé-
lateur puisque ces deux artistes ont procédé, lors d’une performance
à deux voix intitulée « Le meilleur ami des mots », à un échange de
leurs langues maternelles respectives, à savoir le peul et le polonais.
Les deux slameurs ont ainsi conjugué leurs plumes et leurs voix en se
livrant à une forme de joute plurilingue : « Qui est le meilleur ami des
17. Original slam, poésies mots ? C’est le même doute chaque soir »17. Jeu dialogique que le
urbaines (2006). poète sénégalais nous a expliqué en ces termes :
« Je m’adresse à lui en peul, il me répond en polonais, puis on
inverse, je parle polonais et il parle peul. Après, on parle en même
temps sauf que la phrase commence en peul et se termine en polo-
nais. Les deux trucs se fondent, les deux langues se fondent l’une
dans l’autre et les gens ne savent plus ce qu’ils sont en train d’en-
tendre. Des fois, t’as des sonorités qui sont proches. Le mot « leki »
en polonais, ça veut dire médicament et en peul aussi. Il y a des
18. Entretien du 24/09/10. magies comme ça… »18.
Au sein du recueil J’écris en français dans une langue étrangère, ils ont
exprimé poétiquement ce double métissage qui se concrétise par
deux encres – bleue et noire – dans les manuscrits : « Je suis le meilleur
ami des mots / Papier à lettres hybride mi-homme mi-encre (…) Je suis
à la fois le Peul aux yeux bleus et le Polonais à la peau noire » (2007 :
65).
19. Selon la formule de la Dans Jeux de slam. Ateliers de poésie orale (Abry, et al. 2016), nous
slameuse Lauréline Kuntz. avons proposé une activité intitulée « Le concert de mots19 » (fiche 6)
consistant en une mise en voix de mots collectés dans des groupes
plurilingues autour d’un verbe en français choisi collectivement au sein
de chaque groupe ; celui-ci avait pour seule contrainte d’être mono-
ou bisyllabiques afin de se prêter à de multiples combinaisons. Les
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
Aux yeux de Silvia Nieva, l’écriture est donc une aventure corporelle,
manuscrite, et le poème un lieu où les langues s’entrecroisent, se ren-
contrent sans nécessairement s’entendre : « Escribo un manual en
varias lenguas que no entiendo » (nous soulignons). Ainsi la poétesse
fait-elle entendre successivement les versions espagnole, anglaise,
française et grecque de ce poème au travers d’un « vidéopoème » qui
22. Clip accessible ici : montre aussi ses carnets22 : « J’écris pour intéresser la plante de mes
https ://vimeo.com/102395961
pieds (…) J’écris pour expliquer comment ça fonctionne… J’écris un
manuel dans plusieurs langues que je ne comprends pas ».
C onclusion
Le poème de cette étudiante, slamé dans un auditoire à l’occasion de
la venue à l’Université de Lausanne du slameur Ivy pour une confé-
rence donnée en novembre 2016, nous semble révélateur de cet enjeu
majeur de « (redonner) sa place au sujet caché, et parfois nié, dans tout
apprenant écrivant » (Godard, 2016 : 190). L’image de la guerre, la
répétition de « l’étrangère », disent les difficultés traversées et au-delà,
l’accès à une forme libératoire de créativité au travers de cet art du dire
au sein duquel tous les jeux sont permis :
« DIRE le petit enfant combien il va gran…DIRE
La belle balle apprendre à rebon…DIRE
Qu’il était pas plus grand que mon bras
Et dire que bientôt il m’arrivera là ou là
La la la human step by step bye bye bébé… »
Bibliographie
ABRY D., BOUCHOUEVA K., VORGER C. (2016), Jeux de slam, Presses univer-
sitaires de Grenoble.
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VORGER C. (2016), Slam. Une poétique. De Grand Corps Malade à Boutchou,
Paris, Les Belles Lettres & Presses Universitaires de Valenciennes, coll.
« Cantologie ».
Annexe 2
« Soleil Jaune » (John Banzaï et Souleymane Diamanka, 2007)
On s’connaît non ? Comment va ton vœu ?
Paraît qu’on nous compare Où vont ceux qui viennent ?
Certains disent qu’on est la De se souvenir
Même personne… De ce qu’il a plu ?
Faut qu’on parle ! Que l’amour se parle
Souley – John Que la mort se calme
Soleil – Jaune Les douleurs de peau
Le vœu exaucé – le vent divin Sous leurs arcs-en-ciel
L’âme – hurle – une – larme – Sur une carte ancienne
A – la – lune Coupée aux ciseaux
Quand le miracle devient Silence transparent
évident… Traversé d’un souffle
Désert de cinq pieds D’une lumière bruyante
Désir le long des Et teintée de tons
Œuvres que lisent les âmes D’antan j’entends des
Errantes au fond du Tam-tam dans tes rimes
Puits de nuit qui pleure Une présence lointaine
Sur une terre aride Des futurs reproches
Et la pente est raide Des traces de passé
Autant d’heures que d’air De faces sans avis
Autant d’or qui dort Le jeu nous pardonne
Que de livre à dire Sais-tu qui s’est tu ?
Que de lèvres à taire Ces questions s’opposent
Que le mot soit perle Désert de cinq pieds…
La saveur d’une sève Souley – John
Le savoir d’un sage Soleil – Jaune
Le visage d’un rêve Le voeu exaucé – le vent divin
Le rivage d’une vie L’âme – hurle – une – larme –
L’encre devient divine A – la – lune
Que deviennent les vagues ? Quand le miracle devient évident
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
Activité 1
Activité 2
P roblématique
Selon plusieurs recherches en didactique, l’oral en tant qu’objet et
médium d’apprentissage est encore peu enseigné dans les classes de
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
C adre théorique
En suivant une perspective socio-interactionniste, qui attribue à l’inte-
raction sociale un rôle central dans les processus acquisitionnels, nous
avons tenté de mieux comprendre quels indicateurs mériteraient un
enseignement explicite dans la situation d’apprentissage et d’interac-
tions entre pairs que sont les CLP. Dans ce genre scolaire informel où
conversation, dialogue et controverse se mêlent pendant la coconstruc-
tion des interprétations en lecture (Jacques, 1988), deux indicateurs
sont apparus déterminants lors de l’analyse de corpus de CLP issus
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
PARTICIPANTS ET ÉCHANTILLON
Le projet s’est déroulé dans quatre écoles : deux de Montréal, un
milieu urbain à très forte concentration multiethnique, et deux dans la
région des Laurentides, un milieu semi-rural essentiellement franco-
phone. Quatre classes du primaire (trois de 6e année et une de
5e année, 10 à 12 ans) et trois classes de 3e secondaire (14-15 ans) ont
été choisies sur le principe d’un échantillon de convenance (n = 170
élèves), dans les classes des sept enseignants qui avaient répondu à
notre proposition. De plus, un conseiller pédagogique28 par école 28. Les conseillers
(n = 4) a été invité à participer au projet afin d’assurer un meilleur pédagogiques au Québec
sont chargés de soutenir les
encadrement des sept enseignants participants. Dans chaque classe,
enseignants sur un plan
nous avions cinq à six équipes (de 4-6 élèves). surtout didactique à l’aide
d’informations, de formations
De manière à pouvoir observer l’influence éventuelle de l’enseigne- et d’accompagnement de
formes diverses. Ils n’ont pas
ment de l’oral dans ce contexte, nous avons d’abord retenu pour ana- le mandat d’inspecter dans
lyse une équipe par classe (n=7) dont on a analysé deux CLP : soit un les classes.
en préexpérimentation et un en expérimentation, pour un total de
14 CLP transcrits. Les critères de sélection des équipes étaient la pré-
sence des élèves à toutes les étapes du projet, la qualité des enregis-
trements et la constance des membres de l’équipe (qui devaient tous
avoir participé à la pré-expérimentation et à l’expérimentation et aussi
avoir signé le formulaire de consentement). Au total dans les 7 équipes
(= 35 élèves), précisons que 15 élèves peuvent être considérés comme
des élèves allophones dont le français n’est pas la première langue
parlée à la maison, mais il est aussi à noter que la presque totalité de
ceux-ci ont été scolarisés en français et maîtrisent au moins deux lan-
gues. Nous avons ensuite analysé le parcours de 18 élèves-cas (un
élève fort, un moyen et un en difficulté dans chaque équipe en géné-
ral), soit 10,6 % des élèves, et parmi lesquels six étaient allophones.
DÉROULEMENT
L’année d’expérimentation en classe, liée à l’objectif 2 de la recherche,
s’est déroulée en trois phases. 1) La phase de préexpérimentation à
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
30. Les élèves se filmaient À chacune de ces phases, diverses données contextuelles ont été
eux-mêmes à l’aide recueillies et consignées pour mieux comprendre le cheminement de
d’ordinateurs portables (et du chaque élève-cas et saisir le contexte d’expérimentation du point de
logiciel Photo Booth) et d’un vue des enseignants et des chercheuses. Les résultats scolaires obte-
micro. Voir le dispositif illustré
dans Hébert (2014) et Guay, nus en lecture, en écriture et en oral qui avaient été colligés par les
A., M. Hébert et L. Lafontaine enseignants depuis le début de l’année ont été consultés, de même
(2014), Cercles de lecture qu’un questionnaire que les élèves avaient rempli pour se présenter sur
entre pairs : l’utilité des un plan personnel (langues parlées, loisirs, motivation scolaire, com-
technologies, L’éducateur,
vol. 4, p. 8-9, portement et perception de leur compétence en lecture, en écriture et
http ://www.revueeducateur.ch en oral). Ces outils ont servi à composer des équipes hétérogènes
pour les CLP, puis à guider la sélection des cas en fin d’année. Dans la
phase d’enseignement de l’oral, les élèves ont été invités à compléter
un portrait de locuteur où ils se sont situés comme locuteur (situations
scolaires dans lesquelles l’oral était une expérience positive ou néga-
tive, etc.). Après les derniers CLP, des entretiens semi-dirigés d’une
durée de 15-30 minutes sur les apprentissages faits ou non en oral ont
été réalisés avec les 18 élèves-cas choisis. Des entretiens semi-dirigés
d’une durée de 30 à 45 minutes ont aussi été réalisés avec les sept
31. Lois Lowry, Le Passeur. enseignants (en 2012 et 2013), en plus de bilans écrits (janvier et juin).
École des loisirs. Les enseignants ont par ailleurs rempli un journal de bord, de même
que les conseillers pédagogiques et les deux chercheuses. Ces der-
nières ont effectué de nombreuses observations in situ, notamment
pendant tous les cours liés à l’application/expérimentation des
modèles, dont la réalisation des CLP.
R ésultats et discussion
Dans les limites de cet article, nous rapporterons quelques résultats
statistiques globaux liés 1) à l’utilisation de la reformulation et 2) au
degré d’élaboration des propos dans le contexte des CLP analysés en
plus de commenter le degré de participation des élèves à la tâche.
Nous commenterons quelques-uns des apprentissages réalisés en
citant à l’appui des propos recueillis dans les études de cas, ceux qui
nous paraissent significatifs en regard de la thématique de ce numéro
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
LIMITES ET CONCLUSION
L’étude visait principalement à exposer les résultats obtenus après un
enseignement explicite de l’oral en ce qui concerne la progression, sur
un plan quantitatif, de certains indicateurs jugés importants
(reformulation, justification et degré d’élaboration) dans un dispositif
Bibliographie
BERGER E. (2008), La reprise comme ressource interactionnelle en langue
seconde. Travaux neuchâtelois de linguistique, 48, 4-61.
L e texte littéraire,
lieu de rencontre
de l’altérité linguistique
et culturelle en classe
de FLE : répertoire
didactique et agir
enseignant
NADJA MAILLARD-DE LA CORTE GOMEZ
UNIVERSITÉ D’ANGERS CIRPALL EA 7457
Extrait 1
1 Mallory euh donc 4 a/ + (elle lit la question) qu’est-ce
qui se passe au moment de la de l’adoles-
cence de la narratrice ↑ / quelle est la crainte
majeure de la mère +++ (5 sec.) (elle feuillette
ses notes) (petit rire) j’ai mis que : : / la mère
n’aimait pas la façon dont elle a habillée +++
c’est bien ça ↑
C onclusion
Nos analyses ne peuvent évidemment prétendre à cerner exhaustive-
ment ce que serait l’agir de l’enseignante que nous avons observée
dans des interactions « autour » du texte littéraire en classe de FLE.
Elles nous ont néanmoins permis d’en mettre en évidence quelques-
unes des caractéristiques. Dans le cadre de cet article, nous avons ainsi
pu nous focaliser sur les dynamiques interculturelles qui se mettaient
en place dans ces interactions, et sur la manière dont l’enseignante
observée pouvait les gérer in vivo, visiblement en continuité avec cer-
tains éléments de son répertoire didactique (notamment, dans ce cas
précis, son souhait de faire de la lecture du texte en classe un moment
d’échange, d’expression pour les sujets lecteurs). Ces processus inter-
discursifs mis en œuvre concernent tout autant le dispositif identitaire
(positionnements énonciatifs et catégorisations) mobilisé pour lire le
texte que la mobilisation et la (co)construction des codes nécessaires
pour comprendre et interpréter le texte (notamment via les multiples
réagencements contextuels observables).
Les échanges analysés témoignent de la manière dont une ensei-
gnante expérimentée parvient à jouer avec une multiplicité de posi-
tionnements, de catégorisations, de réagencements contextuels, pour
à la fois prendre en compte l’investissement subjectif des étudiants et
leur(s) lecture(s) du texte, tout en apportant des « points d’accroche »
complémentaires pour que ceux-ci puissent aller plus avant dans leur
interprétation. Ils illustrent aussi la tension entre dynamiques centri-
pètes et centrifuges à l’œuvre dans les échanges « autour » du texte
littéraire en classe de FLE : les savoirs mobilisés et construits lors de la
sollicitation d’autres contextes (contexte social ou contexte récit de vie)
pouvant être moyen de la lecture ou texte et / ou fin en soi.
Bibliographie
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ANNE-CLAIRE R AIMOND
CAROLE FLEURET ET CÉCILE SABATIER
LUC FIVAZ
C onvergences
et spécificités
de l’enseignement
de la littérature
en français langue
étrangère et maternelle
ANNE-CLAIRE R AIMOND
UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE FRANCHE-COMTÉ, ELLIADD
I ntroduction
49. En italiques dans le texte.
50. En évoquant le plan
Rouchette et le « manifeste
de Charbonnières », l’auteur
Si, comme le remarque Jean-Louis Dumortier « les didactiques du précise d’ailleurs que : « […]
français langue maternelle (ou première), langue seconde et langue Le manifeste de
étrangère sont vouées à demeurer partiellement49 distinctes, car elles Charbonnière [qui]
ont pour objet des disciplines scolaires différenciées et par leurs objec- servira pendant un
certain nombre
tifs et par le rapport des partenaires de l’interaction pédagogique aux d’années de référence
savoirs à enseigner et à apprendre » (Dumortier, 2003 : 35), on peut pour la promotion d’un
néanmoins penser légitimement qu’un certain nombre de rapproche- enseignement rénové
ments ou de convergences peuvent apparaître en analysant les diffé- du français […] prend
explicitement appui sur
rences et les similitudes des pratiques de classe. Rappelons, les recommandations
sommairement, que les rapprochements entre ces didactiques ne du Plan Rouchette
datent pas d’aujourd’hui, et que des périodes d’échanges, « rencontres (référence à la
sans lendemain » (Vigner, 2009)50 ou relations plus constantes, auront linguistique, importance
nouvelle accordée à
néanmoins créé un certain nombre de liens et d’interactions entre ces l’expression orale,
didactiques. Ces synergies légitimes (que Robert Galisson qualifie littérature approchée
d’« osmoses plus ou moins sauvages », Galisson, 1986 : 52) seront par- autrement que dans
tagées par certains qui, côté Français langue maternelle (FLM) – comme une perspective
d’étude purement
Daniel Delas ou Jean Verrier – s’intéresseront à ces regards didac- patrimoniale) » (p. 218).
tiques croisés. Vont ainsi émerger des références partagées qui
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
C ontexte et corpus
Choix du contexte : Allemagne et France,
une convergence avec le choix
de la littérature de jeunesse
À partir des années 1990, les programmes allemands de FLE comme
ceux de FLM en France ont pour point commun de s’être ouverts à
d’autres genres littéraires et textes que les morceaux choisis issus des
œuvres d’écrivains consacrés par l’institution littéraire qui ont dominé
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
C onclusion
La question des publics, l’analyse de leurs besoins tout comme la
question des objectifs, qui constituaient des « tartes à la crème »
didactiques, selon les propos de René Richterich (1988), se retrouvent
ainsi, encore aujourd’hui, au centre des préoccupations didactiques et
pédagogiques, que l’on se situe en français langue maternelle ou
étrangère, et remettent ainsi en question la distinction opérée – et
parfois revendiquée – entre ces deux didactiques.
En interrogeant les pratiques d’enseignants de FLE et de FLM qui réa-
lisent une séquence centrée sur le même texte littéraire, il nous a été
possible de nous interroger sur le continuum des didactiques mises en
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
Bibliographie
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L a littérature de jeunesse
en contextes pluriels :
perspectives
interculturelles, enjeux
didactiques et pratiques
pédagogiques
CAROLE FLEURET
UNIVERSITÉ D’OTTAWA
CÉCILE SABATIER
SIMON FRASER UNIVERSITY
D es espaces de rencontres
Pour Moore et Sabatier (2014 : 50), lorsqu’ils sont utilisés à l’école, les
albums jeunesse plurilingues établissent alors la salle de classe comme
« (...) un espace bi-/plurilingue et pluriculturel et d’ouverture à l’altérité,
où circulent et se négocient des formes diverses de savoirs qui se
construisent et s’appuient sur les expériences et les capitaux culturels
et symboliques des élèves (Perregaux, 2009) ».
Replacée dans cette perspective de l’appropriation des langues et des
cultures à l’école, la littérature de jeunesse permet ainsi une mise en
alerte des apprenants sur les « aspects symboliques des langues et
des cultures [afin] de les préparer à devenir des sujets multilingues au
carrefour de divers systèmes symboliques » (Kramsch, 2010), en plus
de participer à la construction d’un rapport personnel au lire-écrire et
aux langues et cultures par lesquelles s’épanouissent les individus.
Cette approche écologique de la diversité des langues et des cultures
dans les salles de classe, par l’intermédiaire des albums de littérature
jeunesse plurilingues, participe à asseoir le développement des com-
pétences du lire-écrire dans les dimensions cognitives, langagières,
mais aussi et surtout, affectives et sociales, toutes en lien avec le rap-
port à l’Autre. L’altérité est ainsi posée comme constitutive de la pos-
ture lectorale. Elle repose sur la prise en compte de la relation du
lecteur à autrui et comporte inévitablement une part d’affectivité, car
« un vrai lecteur n’est pas celui qui lit le livre qu’on lui propose [..], mais
celui à qui on apprend à se construire un chemin dans l’univers pra-
tique et symbolique de la culture écrite » (Privat, 1995, dans Canvat,
2007 : 33).
La compréhension du texte littéraire, la réflexion sur la fonction sociale
du texte en plusieurs langues, en relation avec la saisie du contexte
dans lequel le lecteur vit, évolue et se déplace, place dès lors celui-ci
à l’interface d’espaces scripturaux, linguistiques, culturels et symbo-
liques qui donnent du sens à son expérience scolaire et extrascolaire
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
U ne « expérienciation » de l’altérité
L’album Le livre qui parlait toutes les langues de Serres et Sochard
(2013) est un autre exemple de l’instauration de cette mise en alerte
autour des littératies. En effet, le livre raconte en 20 langues entremê-
lées « l’histoire d’un petit garçon vêtu de rouge, qui marchait tout seul,
avec un sac sur le dos » (2013 : 3). En passant d’une langue à d’autres
et d’une écriture à d’autres, d’un script à d’autres, l’ouvrage favorise la
rencontre avec autrui par ce mélange filé.
Au fil des pages et du récit, le lecteur est amené à faire « une expé-
rienciation » de l’altérité. Par le récit d’une seule histoire et par le
contact avec d’autres idiomes, d’autres scripts, et donc avec autrui, il
quitte ainsi la binarité instrumentale des dichotomies traditionnelles
souvent exprimées en termes d’opposition entre un « nous » et un
« eux » fantasmés et qui se pensent en termes exclusifs à des groupes
d’appartenance, pour embrasser la reconnaissance des héritages fami-
liaux et communautaires.
Les dix soleils amoureux des douze lunes de Bresner et Mansot (2001)
est un autre exemple d’un croisement linguistique et scriptural, mais
aussi des référents culturels à d’autres. Ces entrecroisements favo-
risent les rencontres interculturelles et les regards croisés entre les
différentes langues et cultures en amenant le lecteur à développer une
posture de lecture qui fait du contact une expérience ordinaire. Cette
rencontre altéritaire inscrit le développement de la littératie dans un
rapport à l’écrit personnalisé, où par la voie de la littérature de jeu-
nesse, les univers symboliques des lecteurs s’entrecroisent de manière
complémentaire. Le texte devient un miroir fictionnel au moyen duquel
le lecteur peut mettre en scène ces derniers et découvrir une part de
lui-même.
L’utilisation de la littérature de jeunesse, et plus spécifiquement des
albums plurilingues, permet enfin de diversifier l’offre des textes
offerts aux apprentissages afin de mieux attirer les élèves vers les pra-
tiques du lire-écrire, car on sait que ces dernières sont parfois diffé-
rentes de celles mises en œuvre et reconnues à et par l’école. Plusieurs
recherches récentes et menées sur les développements des
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
C onclusion
Les objectifs de cet article étaient de re-considérer la place de la litté-
rature de jeunesse au regard du monde dit littéraire et, aussi, de fournir
un corpus d’ouvrages de littérature de jeunesse qui permettent de
développer une éducation plurilingue et interculturelle. Comme nous
l’avons souligné, à travers les nombreux ouvrages présentés, les
usages de la littérature de jeunesse dans les pratiques d’enseigne-
ments-apprentissages des langues et des cultures en contextes de
diversité linguistique et culturelle sont particulièrement féconds. D’ail-
leurs, Tauveron (2002 : 26-30) compare le récit littéraire, rappelons que
ce sont des textes réticents ou proliférants, à une aire de jeu où l’initia-
tion à la littérature convoque un plaisir esthétique, intellectuel et cultu-
rel. Amener les élèves dans cette aire de jeu, c’est alors autoriser un
espace de communication où chacun raconte son histoire. L’attention
portée à la littérature de jeunesse quant aux contenus, aux récits, mais
aussi, aux scripts, aux graphismes, aux illustrations ou encore au choix
des couleurs et à la scénographie révèle une multitude de ressources
sémiotiques qui matérialisent les modalités à partir desquelles s’écrit le
rapport au monde en général, et le rapport au monde de l’écrit, en
particulier. Ainsi, pour édifier ce rapport au monde et de l’écrit dans les
pratiques pédagogiques, l’appropriation des langues et des cultures
doit être au cœur de démarches didactiques qui favorisent leur coexis-
tence harmonieuse au sein de l’enceinte scolaire en plus d’engager une
réflexion sur les interrelations complexes entre langues, cultures, pou-
voir et inégalités sociales.
Bibliographie
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L ’apprentissage
de la lecture littéraire
par le développement
des compétences
littéraires – une
conception allemande
de l’enseignement
de la lecture littéraire
en classe de langues
étrangères
LUC FIVAZ
HAUTE ÉCOLE PÉDAGOGIQUE VAUD
C onclusion et ouverture
Nous pouvons conclure que la modélisation des compétences litté-
raires de Surkamp est un instrument efficace qui tient compte spécifi-
quement des processus de la lecture littéraire. Elle met en avant la
diversité et la complexité de travail avec les textes littéraires. Aussi, elle
permet aux enseignants d’organiser leur enseignement de la lecture
littéraire de façon progressive et différenciée. La sélection, l’articula-
tion ou la combinaison des dimensions personnelle, cognitive-esthé-
tique et productive offrent la possibilité de concevoir des tâches
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
Bibliographie
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CYRILLE FRANÇOIS
UNIVERSITÉ DE LAUSANNE
C orpus
Nous appuierons nos propos théoriques et didactiques sur des don-
nées empiriques et des expériences de classe effectuées entre 2012 et
2017 auprès d’étudiant·e·s universitaires en français langue étrangère
de l’École de français langue étrangère de l’Université de Lausanne.
Ces données sont issues de trois corpus différents, tous tirés de cours
enseignés par l’un des auteurs de l’article.
Le premier corpus est issu d’une recherche menée au printemps 2017
dans le cadre d’un cours d’« Approche linguistique des textes litté-
raires »73. L’objectif de ce qui représentait pour nous une phase pilote 73. Le niveau de français
était d’observer comment les étudiant·e·s utilisent un texte adapté de attendu des étudiant·e·s
fréquentant ce cours est de
manière intuitive. Cinq étudiantes, dont quatre suivant ce cours, se
B2-C1 dans les termes du
sont portées volontaires pour lire de façon libre et autonome, avant le CECR.
début du cours, Les Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas et une
adaptation FLE de niveau B1 (Dumas, 2001 et Dumas, 2008). La
consigne était présentée de manière très générale afin de pouvoir
évaluer la manière dont les étudiantes utilisaient les livres fournis :
Pendant les mois de janvier et de février, nous vous demandons de
lire le roman à votre rythme en utilisant les deux éditions reçues.
Vous pouvez choisir vous-même la manière dont vous gérez ces deux
éditions : lire l’une, puis l’autre ; lire les deux en même temps ; en lire
une seule ; en lire une principalement, mais en allant voir l’autre
ponctuellement, etc.
Avant de débuter la lecture, elles nous ont remis une biographie de
lecteur plurilingue (adaptée de Bemporad, 2010). Puis, quelques
semaines après le début du cours, elles ont effectué un entretien oral
(EO) – que nous avons retranscrit – où elles ont décrit la manière dont
elles ont lu les livres, les difficultés qu’elles ont rencontrées et leur
ressenti quant aux textes et à cette tâche de lecture.
Le deuxième corpus, récolté dans le cadre du même cours, comprend
74. Pour préserver
les travaux de validation de quatre étudiantes portant sur une analyse l’anonymat de nos étudiantes,
comparative (dorénavant AC) d’un texte littéraire et de son adaptation nous adoptons de prénoms
FLE (Dumas, 2001 et Dumas, 2008 ou Verne, 2009 et Verne, 2005). La d’emprunt. Toutes ces
personnes sont ici
séquence sera présentée plus bas.
chaleureusement remerciées
Les extraits des données discursives que nous présentons ici sont issus pour leur travail et leur
des productions (orales et écrites) de ces neuf personnes74. Ils seront disponibilité.
M édiation et tâches
Le texte médiateur ne se substituant pas au texte source, la réussite de
la séquence ne dépend donc pas uniquement de la qualité de l’adap-
tation – sur laquelle il reste difficile de faire s’accorder les personnes
impliquées dans l’apprentissage –, mais aussi, et surtout, de la tâche à
accomplir, qui orientera les modes de lecture et les activités de com-
préhension et d’interprétation des apprenant·e·s.
Bibliographie
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BEMPORAD C. (2014), « Lectures et plaisirs : pour une reconceptualisation des
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S téréotypie et
enseignement de la
littérature en contexte
bilingue.
Une expérience
marocaine au départ
de journaux de lecture
R ACHID SOUIDI ET JEAN-LOUIS DUFAYS
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN - CRIPEDIS
C ontextualisation
Notre étude, qui a pour objet la mise en œuvre du journal de lecture
au service du travail sur l’œuvre intégrale dans l’enseignement secon-
82. Système éducatif où le daire marocain82, s’inscrit dans un double contexte : l’essor récent des
cours de français est le seul à notions de « sujet lecteur » et « sujet scripteur » en didactique de la
ne pas être dispensé en
littérature et le tournant que connaît aujourd’hui l’enseignement du
arabe, il importe de le
préciser d’emblée. français au Maroc.
Nonobstant leurs limites (Daunay, 2007 ; Dufays 2013), les recherches
didactiques relatives aux notions de sujet lecteur (Rouxel & Langlade,
2004) et de sujet scripteur (Tauveron, 2007) distinguent deux aspects
traditionnellement contrastés du développement de l’élève : d’un
côté, il s’épanouit comme sujet en manifestant sa sensibilité et ses
émotions dans des écritures du moi ; de l’autre, il intègre peu à peu les
normes scolaires de la lecture-écriture au départ des savoirs et des
savoir-faire qui lui ont été inculqués (Tauveron & Sève, 2005). Face à
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
P roblématique
En raison même de son ambivalence, le journal de lecture apparaît à
cet égard comme un support d’expérience privilégié pour favoriser le
passage d’une didactique de l’intervention à une didactique de l’expli-
cation (Jorro, 2008). Dans quelle mesure une telle pratique pourrait-
elle mettre en place les conditions d’accès à la lecture pour tous et
didactiser la lecture privée, dans le respect des normes et des codes
en vigueur (Nonnon, 2004) ? Par ailleurs, quels seraient les atouts et les
modalités pertinentes, dans le cadre de cette pratique, du recours à la
notion de stéréotypie, qui suppose une attention prêtée aux données
socioculturelles collectives (Dufays, 2010) ? Comment exploiter la
mémoire scolaire dans le cadre d’une lecture libre d’un texte littéraire ?
Et comment gérer, dans ce cadre, les différences entre élèves et les
difficultés d’interprétation (Hébert, 2006) ?
C adrage conceptuel
84. Nous employons ce nom
avec circonspection, car on
sait depuis le Bakhtine LE JOURNAL DE LECTURE, UN GENRE SCOLAIRE ?
démasqué de Bronckart et Le journal de lecture est un genre didactique au sens que lui en
Bota (2011) qu’une partie des
œuvres signées Bakhtine
donnent Adam (1997) et Bronckart (1996) sur la base de la typologie
avaient pour auteurs réels discursive de Bakhtine84 (1979/1984 : 265). De leur côté, Schneuwly et
Medvedev et Volochinov. Dolz (1997 : 27-40) distinguent « les genres proprement scolaires », qui
sont nés à l’école et ont été exportés vers d’autres domaines d’activi-
tés, et « les genres scolarisés », qui ont été empruntés à d’autres
sphères et transformés pour les besoins de l’enseignement/
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
C onclusion
Dans le dispositif didactique que nous avons mis en place, notre rôle
était d’évaluer l’évolution lecturale des élèves à travers l’usage qu’ils
font de leur bibliothèque intérieure scolaire, sociale et culturelle. Ils ont
eu du mal à comprendre et à interpréter des textes aussi complexes
que les récits fantastiques tant qu’ils n’avaient pas conscience des sté-
réotypes et du rôle qu’ils occupent dans la construction de la pensée.
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L a lecture de Nord
perdu comme outil
de médiation dans
l’écriture du parcours
plurilingue complexe
d’une apprenante
NOËLLE MATHIS
UNIVERSITÉ DE GRENOBLE ALPES
JESSICA TAN
UNIVERSITY OF CAMBRIDGE
A ncrage théorique
Lire pour écrire. Lire pour réfléchir, critiquer, ressentir, prendre du
recul, s’engager, agir, faire surgir une compréhension nouvelle de soi
et des autres. Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous sommes
lancées dans la lecture approfondie de Nord perdu. En effet, nous
avons envisagé la « lecture littéraire » d’après Collès et Dufays (2007)
selon trois conceptions. La première envisage « une participation psy-
choaffective aux contenus référentiels du texte » (2007 : 64), l’objectif
étant de faire découvrir à l’apprenant une « lecture-plaisir » où « le
texte sert d’abord de support pour des satisfactions émotionnelles qui
valorisent l’imaginaire, l’identification » (ibid). La deuxième considère
la prise de distance critique et analytique qui, dans notre cas, inclut
l’analyse biographique d’un parcours et d’un rapport singulier aux lan-
gues et invite ainsi la lectrice à réfléchir à sa propre histoire avec dis-
tance. La troisième est celle d’un « va-et-vient dialectique » inspiré de
Picard (1986) qui distingue trois instances lectrices dans le lecteur : le
liseur (la personne physique), le lu (qui renvoie à l’inconscient du lec-
teur qui s’abandonne à ses émotions), le lectant (l’instance intellec-
tuelle capable de prendre du recul pour interpréter le texte). De ce
point de vue, la lectrice est invitée à tenter d’articuler les différents
sentiments auxquels la lecture a donné naissance. D’une manière simi-
laire, parlant de l’acte de lire, Cicurel (2007) indique : « ce qui intéresse
un lecteur c’est de pouvoir s’essayer à des rôles différents des siens,
c’est de confronter sa situation à d’autres, similaires ou non, mais qui
ont quelque chose à voir avec sa propre expérience » (2007 : 157). Elle
suggère trois postures lectorales à encourager dans le cadre didac-
tique : une posture d’archéologue à la recherche d’indices qui permet
une attitude interprétative ; une posture d’engagement par l’identifica-
tion (ou non) à des personnages et une posture empathique où le
lecteur est encouragé à exprimer son ressenti face au texte (: 170).
Nous aurions pu en rester là, à l’acte de lecture, mais nous sommes
passées à l’acte suivant, celui de l’écriture. En effet, nous avons exa-
miné comment les différents types de lecture sont utilisés par Jessica
à l’écrit. En d’autres termes, nous cherchons à cerner comment l’écri-
ture de Jessica témoigne de ses différentes postures lectorales dans
son dialogue avec Huston. Par ailleurs, en évoquant l’écriture littéraire
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
D iscussion
On constate la notion d’identité se définissant dans la gradation en
passant d’abord par une identité affirmée, comme étant américaine,
puis dans la nuance du double, pour finalement être ni l’un ni l’autre (ni
américaine, ni chinoise), mais avec l’adoption du terme « étrangère
partout » qui se voudrait agir comme résolution. Jessica adopte une
posture singulière par rapport à Huston : elle se démarque d’une
vision qu’elle considère binaire, tout en empruntant, à de nombreuses
reprises, les marqueurs de l’opposition ainsi que la terminologie et la
possibilité d’adopter des identités « accumulées et contradictoires ».
Au fur et à mesure de l’écriture et de la réflexion, elle formule d’autres
options à sa recherche identitaire telles que « identité internationale »,
« culture hybride », « être entre plusieurs ».
D iscussion
Analyser son appartenance à une classe sociale spécifique et aux
conséquences linguistiques et culturelles qui en découlent, ainsi
qu’inscrire sa trajectoire dans celle plus large de sa famille, lui auront
permis de révéler des éléments essentiels la constituant. En d’autres
termes, l’écriture de son texte, en écho à celui de Huston, aura eu une
« fonction de transition » (Souchon-Faure, 2007) lui permettant d’accé-
der à une nouvelle connaissance d’elle-même et de son milieu familial.
Ces deux premières étapes lui ont donné par la suite outils et fonda-
tions pour se positionner d’un point de vue social et politique, ce que
nous abordons maintenant.
Jessica nuance les propos de Huston (« ce n’est pas aussi simple ») qui,
contrairement à elle, aurait eu une enfance monolingue. De ce fait, elle
met en exergue le contexte postcolonial multilingue dans lequel elle a
grandi. Elle renchérit :
Pour la plupart des gens qui viennent des pays colonisés, surtout
avec les élites dans la culture (comme ma famille), même après l’indé-
pendance, cela a été difficile de trouver notre propre voix ou même
notre propre langue. (T2)
D iscussion
Le dialogue avec l’auteure permet à Jessica de trouver et d’exprimer
une voix politique de manière à faire entendre, pour l’ensemble des
personnes plurilingues dotées de nombreuses langues, sans que pour
autant elles soient reconnues et valorisées, la nécessité absolue de
prendre en compte l’historicité, la complexité et la multiplicité du par-
cours de chacun, surtout dans des contextes de post-colonisation.
E n guise de conclusion
La lecture de Nord perdu et l’écriture subséquente auront donné à
Jessica un espace pour exprimer ce qu’elle ne pouvait ni ne savait
formuler. La lecture lui aura donné les clés pour initier le récit de sa
trajectoire individuelle à travers langues et cultures ; à ce niveau-là, elle
a pu s’identifier à Huston : toutes deux ont un parcours singulier dans
lequel langues et cultures occupent une place prépondérante. Cepen-
dant, puisque le contexte d’exil volontaire de Huston ne correspond
pas à la situation de locuteurs issus de la migration politique souvent
non-volontaire informée par des dynamiques de pouvoir ou d’espaces
post-coloniaux, Jessica a dû chercher, dans l’écriture, des réponses au
sein de sa famille, réponses ancrées dans un contexte social, politique
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
Bibliographie
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LIN X UE
S urvol théorique
La compréhension de l’activité d’enseignement nécessite en premier
lieu de tenir compte des traits fondamentaux des activités sociales
qu’elle est censée générer. Dans une perspective socioconstructiviste,
l’activité sociale est le principal moyen par lequel l’être humain
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
L e cadre méthodologique
Quatre institutions en Chine et en France ont été sollicitées pour
convaincre six enseignant(e)s de FLE (Noémie, Shan et Noé) et de CLE
104. Le but de l’étude était de (Zhao, Maria et Bai) d’accepter de participer à l’étude104. Chacun des
saisir les aspects évolutifs des
enseignants a été suivi par un dispositif d’observation et d’entretiens,
représentations de six
enseignants de français pendant un semestre par le biais d’un cours. Deux sortes d’entretiens
langue étrangère (FLE) et de semi-directifs ont été menés : un entretien pré-semestriel général
chinois langue étrangère (CLE) (désormais EG) du type « récit de vie » et des entretiens post-séance
en Chine et en France.
(désormais EPS), à savoir de courtes interviews réalisées avec l’ensei-
gnant après chaque séance. En parallèle, des entretiens d’autoconfron-
tation (désormais EAC) ont été mis en place avec chacun des
enseignants participants. Lors du visionnage des extraits issus des
séances filmées au début, au milieu et à la fin du cours, l’enseignant a
été invité à interpréter ses pratiques réalisées.
RECHERCHES ET APPLICATIONS / JANVIER 2019
{01 :31} 0008 Shan Bah oui + mais peut-être quand on dessine par rapport au temps + lui
(l’étudiant) il aura plus de temps + il peut lire plusieurs fois de plus ce
mot + ça évite de faire en disant voilà ça c’est ‘lavabo’ c’est lavabo +
donc lavabo quoi + et puis après ça passe comme ça + peut-être qu’il
aura eu plus de temps de regarder le mot ‘lavabo’ + et une autre chose +
ça permet aussi d’avoir une fonction de ‘répétition’ + en fait je trouve
que si on dessine + on leur dit déjà directement + mais peut-être que ça
leur laisse du temps et ça permet d’avoir une impression plus ou moins
forte (EPS 11)
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