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Galvani Pascal, (1998) "Faire une place à la quête de sens", dans Courtois 8.,
Prévost H. Autonomie et Fomation au cours de la vie, Lyon: Chronique Sociale,
pp.175- 180.
Conclusion de la deuxlème partle

Faire une place à la quête de sens


L'autoformarton est l'émcrgence vitale d'une forme et d'un sens per-
sonnels qui se construit dans une relation symbolique avec I'ewi-
ft)nnement. Tenter dc prendre en compte I'autoformation dans ks pra-
tiques de recherche et de formation impose un déplacement de la
fonction ile "formateur". ll s'agit d'iwenær des démarches qui per-
mettent la co-exploration et la co-construcrton de sens.
Pascal Galvani est anim.ateur et maltre d.e conférences associé à
I'IJniversité de Tours (Sciences de I'Education), Ses travaut dc
recherches explorent I'aubformation à partir de la détnarche ùt bla'
son, dans une perspective compréhensive de construction de sovoir
avec des réseaux d'acteurs en recherche-formation.

I-:autoformation pointe un processus exisæntiel tant par le préfixe auto qrre


pæ le terme de fornwrlbz. tr s'agit de l'émergence d'une/o rme el d'tn sens
notions
iersonnels dans une rebrton symbolique avec I'environnement. Ces
iointent la nécessité d'articuler 1a connaissance et la vie. Iæs institutions
éducatives ne peuvent embrasser I'immense partie de la formation des
hommes et des fernmes qui se passe en dehors d'elles. Il resæ alors, dans
une perspective existentielle, à inventer des dénarches dtaccompagne-
meni pour explorel lss imeges symboliques avec lesquelles nous nous for-
mons3t.

Poarquoi faire une place à la quête ile sens en formarian ?


Pour justifier la nécessité de faire une place à la quête de sens en formation,
il faut d'abord s'interroger sur ce que I'on entend par formation. Pour Ber-
nard HonoÉ, la formation est la condition de I'exisænce humaine : "l'homme
existe en formation" (1992). Pour Gaston Pineau, la fornration est un pro-
cessus bio-cognitif, c'est-à-dire qu'elle articule la connaissance et la vie.
Pour Matthias Finger, il s'agit de trouver une issue existentielle face à la
crise des sociétés post-modemes (1989). Pour Christine Josso enfin, il s'agit
de "cheminer vers soi" (1991).

37 Ce ûavail a fait I'objet d'ûe thèse à paralte en 199?, QuêL d€ s€rs et folûatiù : sdthmpologie
du btsson et de I'rûtoforor{tior. fHamattan.

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lorsque l'on inærroge des personnes sur ce qui les a formées, ou sur ce qui
a été formatew dans leur vie, il est rare qu'elles évoquent les formations ins-
tioées, initiales ou continues qu'elles ont suivies. Au contraire, c'est tout un
uuivers de présences, de lieux de mémoire, de voyages, d'expériences et de
lectures, de rencontres. Ce qui apparaft, c'est toute une carte, un univers de
formes et d'images signifiantes qui orientent et donnent sens à un parcours
de vie.

Le philosophe Michel Fabre, lonqu'il nous invite à "penser la fomntion'


(1994), nous explique comment et pourquoi le mot fonnation est apparu ces
trente demières années pour se substituer à I'instuction et à l'éducation. La
raison essentielle de ce phénomène n'est pas un simple effet de mode ou de
législation. Plus profondément, c'est la nécessité de réaliser une alliance
entr€ la connâissance et la vie qui est pointée ici. On demande plus à la
connaissance que d'être un simple stock d'informations (trop viæ perimée.s),
on lui demande d'épouser la vie de chacun pour produire du sens.
Si le æmre de formation envahit les discours, c'est aussi parce qu'il désigne
un pmcessus plus global, plus vital, plus existentiel que les mots instruc-
tion et éducation.
C'est bien cetæ dimension exisæntielle, vitale, et poétique, de la formation
que les formateurs d'un APP ont développée lorsqueje les interrogeais lors
d'une premièrc recherche sw I'autoformation (Galvani, 1991).
Par rapport à cette dimension existentielle de la fomration, il est clair que
les formations initiales ou continues que I'on suit dans les institutions édu-
catives (école, centre de formation ou réseaux nultimédia) ne sont qu'une
petiæ partie, émergée et visible, de l'iceberg de la fonnation. l.]immense
partie de la formation se passe ailleurs, dans la vie quotidienne. La forma-
tion se vit dans la relation que nous établissons d'instant en instant ave4 les
autres et le moîde, avec les choses, avec les lieux, avec les mémoires, avec
les personnes rencontrées, avec les beaués admirées ou avec les épreuves
traversês. C'est tout cela la formation. Cetæ fonnation est, comme le dit
Gaston Pineau, gérée par trois Éles : Soi, les Àutres, les Choses. Parler d'au-
toformation, c'est parler de I'action de mi sur oe pnæes$xl. Action qui
s'articule, s'oppose ou s'accouple à celle des autres @étéroformation) et à
celle du monde (écoformation).

Dès lors cornment peut-on penser un accompagnement à I'autoformation ?


Est-ce possible ? Est-c€ toujours souhaitable ? En sommes-nous capables ?

Évidemment, les actions d'accompagnement à I'auoformation que I'on peut


ænter de définir pouront être très différentes selon que I'on envisage la for-
mation comme le processus existentiel que j'évoquais, ou si I'on fait du t€(tne
un sirnple équivalent d'instruction et d'éducation.

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Si I'on pense la formation comme une acquisition de connaissances, on
poura accompagner I'autoformation par la création de dispositifs de stoc-
kage et de diffusion de f information par les technologies informatiques et
télématiques. Si I'on pense la formation plus largement, comme une
démarche de réflexion, on concewa I'accompagnement de I'autoformation
cornme un conseil méthodologique. Il s'agira d'apprendre à apprendre.

Sur ces deux premières dimensions on a w se développer un certain nombre


de démarches :

- formation ouverte et à distance, éducabilité cognitive, formation par pro-


duction de savoir (etc.). Dans 1'ensemble de ces pratiques, on peut discer-
ner celles qui font une place à la quête de sens du sujet, selon que le pro-
jet de formation prend racine dans l'expérience personnelle ou pas. Une
place est faite à la quête de sens lorsque I'acquisition d'informations et
le conseil méthodologique sont déærminés par les questions qui émergent,
pour le sujet, de sa vie quotidienne, personnelle etlou professionnelle ".
Selon son degré d'intensité réelle, cette "autodirection du processus de for-
mation" (Carré, 1995) est un moyen de production de sens pour le sujet
qui organise ses apprentissages en fonctions des questions et des priorités
de sa pratique.

Cependant, si I'on veut faire une place à la forrnation considérée dans sa


dimension existentielle, c'est-à-dire dans sa liaison avec toute la vie, si I'on
dit que "l'homme existe en formation", alors il faut pouvoir faire une place
à la quête du sens. L:autoformation c'est alors le processus vital par lequel
chacun doit, en permanence, maintenir une forme unifiée dans ses échanges
avec I'environnemenL Uâutoformation est un processus de mise en forme
unifiée et sigliffante de la personne.

Comment accontpegner une démorche de formation


existentielle ?

Quelle place faisons-nous à cette quête de sens dans nos actions de forma-
tion ? Et quelle peut bien être la place du formateur ?

Face à la quête de sens, le formateur ne peut être ni un prêhe ni un théra-


peute (Desroche, 1993). Il n'est ni donneur de sens, ni thérapeute, mais rien

38 On p€ut se faire ute idée des dén rchês d'accompagûement à Ia production de savoirs en consultaût
les ouvrages sui\€nts : L:eùtrtheEent MaDtrl,
J.-F. Chosso& Seuil ; Lâ folmadon expérientlelle
d€s adùltes, B. Cowtois et G. Pineau, la Docume ation FrEnçaise ; Entrcprtrdre d'tpprcndr€, H.
Desroche, éd. Ouvrières

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ne I'empêche d'ouwir, de négocier et de garantir un espace de dialogue sur
le sens que chacun donne à sa fonnation.

La question de I'accompagnement à l'autoforrnation peut ainsi devenir, pour


le formateur, I'invention de démarches qui permettent une exploration, et un
échange, sur le sens que chacun donne à sa formation. Cette démarche d'ex-
ploration et d'échange, qui est au cæur des pratiques biographiques en for-
mation, peut aussi s'appliquer à d'autres supports d'exploration du sens. Les
ateliers d'analyse de pratique, de rythmanalyse ou de production poétique
par le haiku d'Alexandre Lhotellier ou I'approche multiréférentie é (ratiôn-
nelle, philosophique, mythopoetique) de l'éducation que développe René
Barbier en sont d'autres exemples.
En ce qui me conceme c'est une approche par les irnages du blason qui m'a
mis sur la voie de la place de I'irnaginaire mythopoétique dans la formation
(Galvani, 1995). C'est en 1990 quej'ai utilisé la démarche du blason pour
recueillh le point de vue des formateurs d'un APP sur I'autoformation. Je
proposais à chacun de faire le blason de sa propre autoforrnation avec une
devise, des images, des références majeures (ete.), pour engager ensuite une
réflexion collective sur le sens de leur pratique de fomrateurs (Galvani, 1991).
I-lexploration du sens par le croisement de la réflexion, de la perception et
de I'imagination créatricê n'en est qu'à ses balbutiements. II ne faudrait pas
prendre ce qui est présenté ici comme la présentation d'une démarche abou-
tie et close. Il ne s'agit que d'une tentative parmi d'autres pour explorer
I'imaginaire créaæur de la formation, une démarche pour faire place à la
quête de sens.

Où accompagner une démarche de formation existentielle ?


A priori la question peutse poser pour toute démarche de formation si I'on
veut bien admetfie une dimension existentielle à toute action de formation.

En ce qui me concerne, j'ai eu I'occasion de proposer la démarche de la ren-


contre des blasons dans des lieux aussi différents que :
- une Mission Locale rurale avec des jeunes en difficulté, dans le cadre de
sessions d' orientation,
- des formations de formateurs et de travailleurs sociaux, formations basées
sur une production de savoirs par la recherche et la production d'un
mémoire,
- dans une recherche-action regroupant 15 chercheurs de différentes disci-
plines et 15 personnes du Quad-Monde ayant vécu des situations de misère
extrême, pour croiser les savoirs de I'expériences et les savoirs théoriques,
à propos de la misère et des moyens de lutter contre elle.

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Quand accompagner une démarche de formation existentielle ?
La première réponse setait: en début d'action. Comme le disait André de
Peretti, la démarche du blason est un puissant moyen de pésentation per-
sonnelle et de création d'une dynamique interpersonnelle par I'expression
positive du sens et des valeus dont chacun est porteur.
Mais la démarche peut aussi intervenir en cours d'action pour approfondir
un thème qui est porteur d'une dimension exisæntielle- La démarche peut
aussi être proposée à différents moments d'une action et en fin d'action, favo-
risant ainsi la prise de conscience des évolutions et I'autoévaluation par les
acteurs du progrâmme.

Connent accompagner une démarche de formation exist€ntielle ?


Je vais simplement énumérer quatre critères méthodologiques quej'ai repris
en partie des démarches d'histoires de vie, mais quej'ai adaptés et complé-
tés par rapport à I'approche de f imaginaire créateur.

1. Ijavoir fait soi-même, pour soi-même : Il s'agit de vivre, pour soi, I'ex-
périence de la confrontation au sens avant de 1a proposer à d'autres. Mâis
cela veut aussi dire qu'il faut laisser un temps "pour soi" dens I'saplsra-
tion de I'irnaginaire avant de proposer une socialisation. On ne s'imnerge
pas avec la même liberté dans son imaginaire personnel si I'on sait qu'on
dewa s'expliquer en groupe.
2. La personne reste propriétaire et maltre de la diffrrsion ou du secret de ses
productions.
3. Ilest nécessaire de négocier le cadre avec les participants (objectifs,
méthodes, moyens, engagement, règles déontologiques).
4. On ne peut s'autoriser (et n'autoriser) qu'une interprétation créative des
images et des valeurs et s'interdire toute inûerprétation abusive des expres-
sions de I'autre. Autrement dit, nous nous situons ici dans Ia tradition de
I'herméneutique instaurative. Nous ne cherchons pas pourquoi t€lle per-
sonne énonce lelle image, mais au contraire, quelles significations cette
image instaure en nous. On peut ainsi demander à la personne de préci-
ser ce qu'elle veut dire, on peut aussi exprimer ce qu'évoque pour soi telle
ou telle image, mais on ne peut pas plaquer son interprétation sur I'autre.

Avec quels développements ?


Lorsqu'un groupe est amené à partager et à explorer en commun les images
qui symbolisent, pour chacun, telle ou æIle question, il apparaît des conver-
gences de sens et des différenciations. L3analyse collective des thèmes per-

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met souvent au,( groupes d'identifter des inages signifanæs qu'ils souhai-
ænt approfondir ioit par des apports extérieurs @ibliographiques ou inter-
venans experts) soit par des productions lnrsonnelles etlou collectives'
L imaginaire personnel s'articule alors à une réflexion collective et aux
connaiisances disponibles. C'est dans I'articulation de I'imaginaire penon-
nel et de la connaiisance que se développe I'autonomie en formation. Llau'
toforrnation n'est pas I'isolement mais bien l'émergence d'un sens per'
sonnel dens la relàtion à l'environnement physique et social.

BibHographie
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