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CHARLES TAYLOR – LA POLITIQUE DE RECONNAISANCE

« La thèse est que notre identité est partiellement formée par la reconnaissance ou par son
absence, ou encore par la mauvaise perception qu’en ont les autres : une personne ou un
groupe de personnes peuvent subir un dommage ou une déformation réelle si les gens ou la
société qui les entourent leur renvoient une image limitée, avilissante ou méprisable d’eux-
mêmes. »

« Le défaut de reconnaissance ne trahit pas seulement un oubli du respect normalement dû.
Il peut infliger une cruelle blessure, en accablant ses victimes d’une haine de soi
paralysante. La reconnaissance n’est pas simplement une politesse que l’on fait aux gens :
c’est un besoin humain vital. »

Taylor opère une histoire du concept de reconnaissance.


Deux changements majeurs :
1) Effondrement des hiérarchies sociales basées sur l’honneur qui implique une forte
une inégalité. Apparition de la notion de dignité utilisée en un sens universaliste dans
les sociétés démocratiques.
2) Montée de l’individualisme moral et développement de la notion d’authenticité.
Prémices rousseauiste à cet égard, « suivre la voix de la nature qui est en nous ». Le
salut moral vient que l’on retrouve un contact moral avec soi-même, dégagé de
l’amour-propre : « sentiment de l’existence » de la cinquième promenade. L’idéal
d’authenticité se poursuit avec Herder qui estime que chacun a une manière
originale d’être humain. « Il existe une certaine façon d’être humain qui est ma façon
[…] si je ne le suis pas, je manque l’essentiel de ma vie ; je manque ce qu’être humain
signifie pour moi. » Ce qui vaut pour l’individu vaut aussi pour le peuple. Chacun doit
trouver sa propre authenticité.

Caractère dialogique de la reconnaissance.


« Nous devenons des agents humains à part entière, capable de nous comprendre nous-
mêmes – donc de notre définir notre identité – grâce à notre acquisition de langages
humains riches d’expérience. »
« Ma découverte de ma propre identité ne signifie pas que je l’élabore dans l’isolement,
mais que je la négocie par le dialogue, partiellement extérieur, partiellement intérieur, avec
d’autres […] ma propre identité dépend vitalement de mes relations dialogiques avec les
autres. »

L’époque moderne a vu apparaître cette conception dialogique comme fondamentale mais


aussi problématique. En effet, la reconnaissance doit être comprise comme le signe de
bonne santé d’une société démocratique, en conséquence, son refus implique des
dommages tels que l’image dépréciative soit intériorisée.
Le déni de reconnaissance est donc une forme d’oppression.

II
La reconnaissance est devenu familier à la fois sur le plan de la sphère privée et sur celui de
la sphère publique.

Il s’agit ici « d’élaborer ce qu’une politique de reconnaissance égalitaire a signifié et pourrait


signifier. »

Le premier changement (perte de la notion de l’honneur en faveur de celle de l’égale


dignité) a favorisé une politique d’universalisme.
Le second changement (l’avènement d’une identité nouvelle comme authentique) a fait
naître une politique de la différence.
La politique d’égale dignité demande un ensemble identique de droit qui serait « aveugle à
la différence » (rapporté au libéralisme qui cacherait lui-même une culture particulière) – un
« particularisme se déguisant eu principe universel) quand la politique de différence requiert
la distinction par rapport aux autres, non seulement en pour les individus mais aussi pour les
groupes culturels.

III

Le principal d’égale dignité serait apparu de manière emblématique avec Kant et Rousseau.
Rousseau serait l’un des initiateurs du discours sur la reconnaissance. Il montre qu’on désire
l’estime des autres. La société républicaine instaure une égalité d’estime. Sous l’égide de la
volonté générale, tous les citoyens vertueux doivent être également honorés. L’âge de la
dignité est né. »

IV

Modèle libéral pour lequel la société doit rester neutre au sujet de la vie idéal. Ce n’est pas
le cas au Québec. On peut penser alors selon les Québécois qu’ « une société peut être
organisée autour d’une définition de la vie idéale, sans que cela soit considéré comme une
dépréciation de ceux qui ne partagent pas personnellement cette définition. »

Taylor pose l’existence d’une « politique de respect égal, enchâssé dans un libéralisme des
droits, qui est inhospitalière à la différence. » Elle n’accepte pas ce à quoi d’autres membres
aspirent.
Mais d’autres sociétés libérales existent qui prennent en compte la diversité des modes de
vie.

Une autre accusation peut être portée au libéralisme inhospitalier qui est « aveugle aux
différences. » Le libéralisme est lui-même enchâssé dans une culture particulière,
occidentale, aux origines notamment chrétiennes. En ce sens, « le libéralisme ne peut ni ne
doit revendiquer une neutralité culturelle complète. »

Ce qui est en jeu ici et la reconnaissance d’une valeur égale des différentes cultures, non
seulement en ce qui concerne leur survie, mais essentiellement en ce qui concerne leur
mérite.
Evocation de Fanon qui soutenait dans Les damnées de la terre que « l’arme essentiel des
colonisateurs était l’imposition de l’image des colonisés sur les peuples assujettis. » Se
libérer implique de se débarrasser de cette image dévalorisée.
Ce qui est important à retenir de Fanon, c’est que les dominants renforcent leur domination
en inculquant une image dépréciative aux dominés.

On peut penser que si chacun a des droits civiques, chacun doit pouvoir se voir reconnaître
sa culture avec une égale valeur. Il est par contre « dépourvu de sens » de requérir cela
comme un droit, puisque cela contredit un éventuel jugement éthique.

Taylor conspue les « néo-nietzschéismes » qui dérivent de Foucault et Derrida qui pense que
les jugements de valeurs sont eux-mêmes fondés sur des rapports de pouvoir.
Autre problème « grave » des multiculturalismes, outre le relativisme condescendant des
postmodernes selon Taylor, est « l’exigence péremptoire à des jugements de valeurs
favorables qui seraient homogénéisants.

Il faut alors trouver une « voie moyenne » entre « la demande inauthentique et
homogénéisante pour la reconnaissance d’égale valeur » et « l’enfermement volontaire à
l’intérieur de critères ethnocentriques ».
L’idée est que toute culture renferme quelque chose susceptible d’admiration en tant qu’elle
est fourni « un horizon de pensée pour un grand nombre d’être humain ».

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